CONCLUSION

La fragilisation de l'environnement stratégique en Méditerranée est un processus multifactoriel dont le déclenchement de la guerre en Ukraine a révélé la complexité sur le plan diplomatique autant que militaire.

Pour autant, la dégradation du contexte stratégique méditerranéen n'est pas un phénomène isolé : elle est le reflet d'une dégradation globale du contexte stratégique et de l'émergence d'un monde multipolaire dans lequel les logiques de puissances prennent une place croissante .

La Méditerranée, de ce point de vue, condense les facteurs de tensions. Les luttes, directes ou indirectes, que se livrent les puissances globales ou régionales dans le bassin méditerranéen doivent être replacées dans un processus de recomposition stratégique plus large.

Les logiques révisionnistes à l'oeuvre en mer Égée doivent être mises en parallèle avec le discours public tenu par les autorités russes depuis 2014 et avec les tensions croissantes observées autour de la territorialisation de la mer de Chine. La présence en Libye de mercenaires mis au service des intérêts turcs ou russes s'inscrit dans un mouvement plus large de diffusion de nouvelles méthodes de déstabilisation dont l'efficacité a été éprouvée par la Russie en Afrique sub-saharienne avec la présence avérée du groupe Wagner au Mali et en Centrafrique. Le réarmement naval de puissances régionales comme l'Algérie ou l'Égypte, enfin, intervient dans un contexte de réarmement mondial illustré par la Chine qui se dote actuellement de son troisième porte-avion et qui construit en quatre ans l'équivalent de la Marine française 177 ( * ) .

La Méditerranée est un espace critique. Sa situation de carrefour des flux commerciaux, informationnels et humains et la fragilité de son pourtour sur le plan environnemental et sur le plan socio-économique en font un lieu privilégié d'affrontement, direct et indirect, entre les puissances de la région.

Le durcissement des revendications en Méditerranée se traduit par une militarisation des relations internationales dans cette région. Cette militarisation est le résultat non seulement du réarmement accéléré de certains pays de la zone, mais également de l'internationalisation croissante des conflits dans le bassin méditerranéen qui nourrit un risque de « moyen-orientalisation » de la Méditerranée.

Les puissances occidentales, dont la France, ont un rôle stabilisateur à jouer dans l'espace méditerranéen. Pour être en mesure de jouer ce rôle, la troisième partie de ce rapport propose des pistes pour renforcer la résilience de la France en cas de conflit en Méditerranée, pour moderniser la stratégie de l'Union européenne dans cet espace et l'adapter aux nouvelles réalités stratégiques de cette région, et enfin pour rationaliser la coopération entre les deux principales organisations internationales occidentales présentes en Méditerranée que sont l'Union européenne et l'Alliance atlantique.

À l'occasion de la visite en France du premier ministre grec le 12 septembre 2022, le Président de la République a déclaré que la France « ne laisserait s'installer aucun désordre, en particulier en Méditerranée orientale ». Cette conviction, qui est aussi celle des rapporteures, suppose que la France, l'Union européenne et l'Alliance atlantique se donnent collectivement les moyens de réinvestir pleinement l'espace stratégique méditerranéen qui est de première importance pour nos intérêts et notre sécurité.


* 177 Audition de l'amiral C. Prazuck, chef d'état-major de la Marine, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat le 11 avril 2018

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