C. UN ENJEU CENTRAL : RETRACER LES CRÉATIONS DE PLACES EN LICENCE

1. Le choix d'un financement « à la place » théorique
a) Une autonomie des établissements dans le choix des places créées

Comme indiqué plus haut, les financements liés à la loi ORE ont été essentiellement concentrés sur les créations de places en universités, afin d'accueillir un nombre croissant d'étudiants.

Dès 2019, les créations de places ont été intégrées dans le dialogue de gestion. Toutefois, l'objectif initial, c'est-à-dire l'ouverture de places en amont de la rentrée scolaire dans les filières en tension afin d'éviter de prolonger le phénomène des « listes d'attente » sur Parcoursup s'est heurté à la difficulté d'anticiper finement le phénomène démographique. La DGESIP a donc procédé en cours de gestion à un renversement de la logique, conduisant à attribuer d'abord les financements liés aux créations de places aux universités, puis à constater l'écart avec les demandes sur Parcoursup une fois la rentrée passée.

Le choix qui a été fait a été de laisser les établissements libres de choisir les formations où ces places étaient créées, suivant une logique d'enveloppe. Lors du dialogue de gestion, une somme est allouée à chaque université ou établissement d'enseignement supérieur, correspondant à la création d'un certain nombre de places, que les établissements sont laissés libres de ventiler a posteriori. En conséquence, ni le rectorat ni la DGESIP ne valident les formations dans lesquelles ces places sont créées.

b) Des places sans locaux et pour quels personnels supplémentaires ?

Les places ont été financées au coût marginal, c'est-à-dire sans incitation à des recrutements de personnels supplémentaires, et sans tenir compte des contraintes d'accueil des étudiants dans un bâti aux capacités limitées, où les locaux étaient parfois déjà surchargés, et pour certains, encore vétustes.

L'administration elle-même a indiqué que la prise en compte du taux d'encadrement des étudiants et des capacités des locaux constituait un angle mort de la logique de financement des places à l'oeuvre. Il a été ainsi indiqué au rapporteur spécial : « Il faut être conscient qu'en Ile-de-France, au-delà des premières années (2018 et 2019), les capacités physiques d'accueil ont été assez rapidement saturées par insuffisance de locaux universitaires. En outre, le dynamisme économique de la région Ile-de-France entre en concurrence avec le besoin de recrutements universitaires que ce soit pour les personnels enseignants ou administratifs, limitant de ce fait les capacités en ressources humaines pour accroître celles des places »12(*).

Concernant le recrutement de personnels supplémentaires et en particulier d'enseignants, le ministère ne dispose pas de données consolidées sur les emplois créés dans les universités au titre de la loi ORE.

Il est d'autant plus difficile de relier les créations de places aux recrutements que le nombre de places et le nombre d'enseignants ne sont pas décidés dans les mêmes instances et selon les mêmes temporalités Cela rejoint donc les problématiques de suivi et de pilotage qui seront développées infra.

2. Une opacité dans le suivi des places créées liée à la complexité des modes de calcul successifs
a) Un financement déconnecté des enjeux de définition du coût d'une place en licence

Le choix a été fait d'appliquer un montant forfaitaire moyen supposé correspondre au coût marginal d'une place à l'université. Le coût marginal, très difficile à déterminer doit être distingué du coût moyen.

Le coût moyen varie fortement selon le niveau et le type de diplôme (il s'élève à environ 3 730 euros en licence ; 5 430 euros en master, 9 750 euros en DUT et 10 850 euros pour un diplôme d'ingénieur). De même, le coût moyen dépend de la filière et des spécificités de la formation. D'après France universités, le coût moyen varie de 3 140 euros en droit, 4 212 euros en sciences sociales, 4 276 euros en lettres, 6 266 euros en sciences du vivant, 8 121 euros en sciences de la matière et de 8 742 euros en informatique et mathématiques.

Du fait du choix de la fixation d'un montant forfaitaire identique pour tous les établissements, le montant accordé pour chaque création de place ne reflète pas les variations de coûts inhérentes aux établissements, aux formations, au profil des étudiants et à la valeur ajoutée des universités par rapport aux établissements de même type. La fixation du montant du forfait relève d'une logique purement budgétaire, dès lors que les services rectoraux ne sont pas en capacité de faire cette évaluation qui figure dans la comptabilité analytique propre à chaque établissement (que ne tiennent d'ailleurs pas tous les établissements).

Dès lors, se pose la question de la pertinence du financement « à la place », décorrélé des sous-jacents économiques liés pour les universités à l'accueil d'un étudiant supplémentaire. La Cour des comptes dans son rapport de 2020 avait notamment soulevé un possible lien entre la mise en place des financements de places et l'amélioration concomitante de la situation financière des universités et du redressement de leurs fonds de roulement. Si corrélation n'est pas causalité, le fait d'avoir financé des places à un coût fixe en amont de leur création et sans les flécher sur certaines filières a sans doute pu aider certaines universités.

b) Des modalités de calcul variables rendant extrêmement complexe la consolidation des données

Les hypothèses du coût des places servant de base aux financements versés aux universités ont évolué au cours des années. Cela contribue à la complexité, voire l'opacité, soulignées par la quasi-totalité des acteurs entendus par le rapporteur spécial

En 2018, le coût du financement d'une place supplémentaire n'a pas été fixé par le ministère et a été déterminé par les rectorats et sur la base d'une enveloppe globale à répartir entre les établissements de l'académie en fonction des engagements pris par les universités. Il s'en est suivi des écarts quelquefois importants et peu compréhensibles d'une université à l'autre, de l'ordre de 604 euros par place supplémentaire pour l'université d'Avignon à 5 333 euros pour l'université des Antilles selon la Cour des comptes. En outre, l'enveloppe globale étant identique pour chaque académie, les montants accordés ne tenaient pas compte des différences de tension des différentes formations. Enfin, le financement de la place a pu varier selon la saisonnalité, la place supplémentaire étant mieux financée en juillet de l'année n de la campagne de financement qu'à l'automne n-1.

Il est donc rapidement apparu que ce système ne pouvait apparaître comme un mode de financement satisfaisant. Dans un second temps et à partir de 2019, les montants accordés au titre de la loi ORE ayant été intégrés au dialogue de gestion, le ministère a fait le choix de basculer vers la logique forfaitaire décrite plus haut.

Ainsi, à partir de 2019, les places en L1 et L2 ont été financées à hauteur de 1 600 euros par place et celles en L3 et en M1 à hauteur de 800 euros.

Ce montant ayant été jugé trop faible pour inciter les établissements à ouvrir des places supplémentaires, le ministère a donc décidé de doubler le montant accordé aux places en licence par le biais de crédits du Plan de relance.

La coexistence de financements « relance » et de crédits budgétaires figurant sur la mission « Recherche et enseignement supérieure » a donné lieu à une architecture budgétaire très complexe. Les établissements pouvaient opter pour des places financées intégralement sur le plan de relance à hauteur de 3 200 euros mais pour les seules années 2021 et 2022. Ils pouvaient également faire le choix de rester sur des financements pérennes à hauteur de 1 600 euros, mais pour la seule année de M1. Pour les autres années, ils pouvaient opter pour un mode de financement composite, chaque place étant cofinancée par des crédits relance pour 2 000 euros et des crédits du programme 150 pour 1 200 euros. Les 1 200 euros devaient être versés de manière pérenne, à la différence des 2 000 euros versés seulement en 2021 et 2022.

En outre, les places créées dans certaines filières spécifiques ont été intégralement financées sur le plan de relance : 6 000 euros dans les formations paramédicales ; 4 000 euros dans les formations à bac + 1 (année propédeutique notamment) et 2 000 euros pour les places de diplôme d'université (DU).

Pour plus de clarté, ces options sont détaillées dans le tableau ci-dessous :

Évolution des modalités de financement des places supplémentaires

(en euros par place)

 

2018

2019

2020

2021: choix des établissements entre trois options

Financements Plan de relance - non pérennes

Financements composites : relance + crédits du programme 150

Financements pérennes -crédits du programme 150

L1

Variable selon les établissements

1 600

1 600

3 200

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

L2

1 600

1 600

3 200

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

L3

800

800

3 200

*

1 600

M1

800

800

*

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

* combinaison impossible.

Source : commission des finances

Ce choix de gestion a eu pour principale conséquence de rendre l'origine des financements des places quasiment intraçable pour les années 2021 et 202213(*).

Il se justifie d'autant moins que, comme l'a déjà indiqué le rapporteur spécial, les créations de places n'avaient pas vocation à disparaître une fois les crédits relance épuisés, mais à être pérennisées par la suite. En outre, dans les cas où les créations de places ont pu s'accompagner de recrutement de personnels supplémentaires, il semble évident que ceux-ci resteront dans les établissements après la rentrée 2022.

En 2019, les crédits ORE - donc figurant sur le programme 150 - auront financé la création d'un peu moins de 20 000 places à l'université, pour un montant moyen de 2 410 euros (compte tenu des financements spécifiques à certaines filières, plus élevés qu'en licence). En 2020, le montant des places créées a été légèrement inférieur (18 577 places), malgré un financement moyen deux fois supérieur (4 120 euros en moyenne).

En conséquence, sur les deux premières années de déploiement de la loi ORE, et indépendamment du contrôle a posteriori de la création de ces places et de leur adaptation aux besoins, l'État aura financé la création de 37 695 places à l'université pour un montant total de 120,6 millions d'euros14(*).

Les données transmises par l'administration font état de 38 561 étudiants supplémentaires sur ces deux mêmes années, soit environ 800 places non financées. Du fait de la fragilité de la remontée des données chiffrées à laquelle a pu être confronté le rapporteur spécial, la conclusion principale doit être que l'ensemble des étudiants supplémentaires accueillis dans l'enseignement supérieur en 2019 et 2020 a fait l'objet d'un financement spécifique de l'État.

L'analyse des années 2021 et 2022 est rendue beaucoup plus complexe du fait des financements composites relance/ORE. En effet, s'agissant des seules créations de places financées par le programme 150, leur nombre est négatif à l'échelle nationale, alors même que les crédits ORE continuent à augmenter.

En revanche, les financements de places par des crédits « relance » s'élèvent à 48 millions d'euros en 2021 et 37,6 millions d'euros en 2022, soit un financement total des créations de places à hauteur de respectivement 142 millions d'euros et 143 millions d'euros. Sur la base d'un financement moyen à hauteur de 3 200 euros, cela reviendrait à environ 26 000 places créées en 2021 et 2022. Cette estimation n'est nécessairement qu'une approximation, dans la mesure où :

- le nombre d'établissements ayant opté pour un financement intégralement « relance » ou un financement composite n'a pas été communiqué par le ministère au rapporteur spécial, malgré sa demande ;

- le montant moyen de 3 200 euros ne tient pas compte des places financées plus largement dans certaines filières spécifiques.

Pour cette raison, le nombre de créations de places financées par des crédits relance ne figure pas dans le tableau récapitulatif ci-après.

Évolution des financements des créations de places dans l'enseignement supérieur

(en millions d'euros et en nombre de places)

NB : données non encore connues pour 2022.

Source : commission des finances

L'établissement d'un financement à 3 200 euros par place rapprochait le forfait du coût moyen d'une place en licence, pourtant supérieur au coût marginal, et pouvait donc potentiellement se traduire par un bénéfice pour les universités.

Enfin, pour ajouter à une gestion déjà considérablement brouillée par la stratification des financements, le ministère a indiqué qu'afin de remédier à la possible sous-dotation de certains établissements, il a procédé au versement de « dotations de rééquilibrage de la SCSP »15(*) dont il va sans dire qu'elles ne figurent pas dans les documents consolidés fournis au rapporteur spécial.

Une analyse plus détaillée à l'échelle de l'académie accentue l'impression d'opacité dans la répartition et d'un éloignement de la doctrine présentée plus haut au profit d'une attribution empirique et de la négociation en gestion.

Ainsi, les établissements de l'académie d'Aix-Marseille auront bénéficié sur l'ensemble de la période 2018-2022 de 10,9 millions d'euros de financements au titre des créations de places, pour un total de 1 824 places supplémentaires. Cela revient donc à un montant moyen par place de 5 970 euros16(*). La quasi-totalité de ces moyens supplémentaires est soclée dans la SCSP versée aux différents établissements et continuera à être versée au cours des prochaines années, sans que l'utilisation finale de ces crédits ne soit réellement explicitée, le financement par place semblant particulièrement élevé.

3. Une dissociation avec les besoins réels plusieurs fois soulignée
a) La liberté laissée aux établissements a entraîné une décorrélation entre les places créées et les filières les plus en tension

Le nombre de places supplémentaires financées est un volume théorique qui ne correspond pas au volume des places supplémentaires créées, c'est-à-dire effectivement ouvertes pour le recrutement d'étudiants. Mais au-delà du montant des financements, se pose la question de leur usage par rapport à l'objectif initial de la loi ORE, à savoir accueillir un nombre croissant d'étudiants dans les filières en tension.

La critique d'une déconnexion, favorisée par le caractère théorique des créations de places, entre les financements et la démographie étudiante au niveau de chaque filière a été formulée par plusieurs acteurs. Elle figurait déjà dans le rapport de la Cour des comptes de 2020 et a été formulée à plusieurs reprises par le rapporteur spécial dans ses derniers rapports budgétaires.

Au cours du dialogue de gestion, le ministère transmet aux établissements les données relatives au taux de pression (nombre de dossiers reçus sur Parcoursup / capacités de la filière) et au taux de remplissage (nombre d'admis / capacité de la filière) pour chaque formation. L'apport concret de ces données en gestion doit cependant être nuancé.

D'une part, la Cour des comptes a souligné les limites de ces indicateurs : « le calcul du taux de pression tel qu'il a été défini ne reflète pas la réalité des filières en tension. Il devrait être calculé à partir du rang du dernier appelé sur la liste d'attente par rapport au nombre total de candidats ».

D'autre part, dès lors que, comme présenté plus haut, les établissements demeurent libres de choisir les formations dans lesquelles ils créent des places, les taux de pression et de remplissage n'ont qu'une valeur purement indicative pour les établissements et en aucun cas ne sont contraignants.

L'administration l'indique ainsi très clairement dans les réponses fournies au rapporteur spécial : « le critère du taux de pression n'a pas été utilisé dans le suivi des places effectivement créées ».

Au niveau national, les principales filières ayant connu les plus fortes hausses de places sont les suivantes : Chimie (+ 28 %), Mathématiques (+ 20 %) ; Sciences de la vie, biologie, santé (+ 20 %) ; Médecine (+ 18 %) ; Sociologie et démographie (+ 17 %). On note de fortes différences selon les territoires : dans l'académie d'Aix-Marseille, la filière droit, économie et gestion était la plus en tension en 2018 avec un taux de 94,9 %, dans l'académie de Bordeaux, la filière Staps était la plus en tension avec un taux de 100 %17(*).

Toutefois, le ministère n'a pas pu fournir au rapporteur spécial la ventilation des places créées par filière, donnée qui semble pourtant exister, au moins au niveau des rectorats.

En particulier, le rapporteur spécial s'interroge sur le fait d'avoir opté pour un financement sur la base d'une montée de cohorte automatique de places : dès lors que la première année un établissement a bénéficié d'un certain montant au titre de créations de places en L1, ce montant sera étendu à la L2 l'année suivante, puis la L3 la troisième. Interrogé par le rapporteur spécial, le ministère considère qu'il appartient aux universités de réaliser un ajustement en interne entre filières en L1 et L2 « vues les faibles pertes en ligne »18(*).

Or, les pertes en ligne sont précisément loin d'être anecdotiques, en particulier dans les formations en tension. Comme l'indique le tableau ci-dessous, près de la moitié des étudiants de L1 ne passent pas en L2 l'année suivante, toutes filières confondues.

Taux de passage des étudiants de L1 en L2 par filière

(en %)

 

2018

2019

Droit et sciences politiques

43,0

54,1

Économie, gestion

42,3

52,9

Arts, lettres, langues, sciences humaines et sociales

46,0

51,0

Sciences-santé

47,4

55,3

STAPS

48,0

54,8

Psychologie

47,3

59,6

Ensemble

45,5

53,5

Source : SIES

Le système par cohorte, s'il a pour mérite de simplifier la gestion, va dans le sens d'un financement purement théorique, dont l'objectif n'est pas nécessairement de coller à la réalité de terrain des besoins de places mais de donner des marges de manoeuvre financières aux universités pour créer des places.

Il est certain que l'absence de système informatique adapté ne simplifie pas la prise en compte des évolutions démographiques à l'intérieur de la licence, comme cela sera explicité ultérieurement. Toutefois, le ministère a été confronté à l'impossibilité de répliquer le système de cohortes pour les masters, face à l'évident rétrécissement démographique entre la L3 et le master 1. Au niveau master, les financements ont été notifiés au regard de l'évolution prévisionnelle du nombre d'inscrits à la rentrée 2021, par comparaison entre les prévisions d'effectifs 2021 et les effectifs 2020 dans les mentions qui présentent un taux de remplissage en 2020 au moins égal au taux moyen constaté sur l'ensemble du territoire (soit 77 %).

Le ministère a donc indiqué au rapporteur spécial avoir utilisé les données fournies par l'application SISE pour adapter les créations de places au nombre d'élèves scolarisés en master. S'il est certain que SISE ne constitue pas l'outil le plus adapté, le temps de fiabilisation des remontées étant très long et donnant lieu à des ajustements avec un ou deux ans d'écart, cela prouve au moins que la mise en place d'un système identique pour la licence.

Le tableau infra liste les formations ayant bénéficié de financements de places en 2020 dans l'académie d'Aix-Marseille et indique pour chacune d'entre elles les taux de pression et de remplissage de l'année.

Il appelle deux constats principaux.

D'une part, les filières ayant un taux de pression très élevé ne sont pas nécessairement celles qui fonctionnent à plein de leurs capacités. À titre d'exemple, en L1 STAPS à l'université de Toulon, le taux de pression s'élève à 7,2, mais le taux de remplissage de la formation n'était que de 90 %.

D'autre part, les formations où les taux de pression ou de remplissage étaient très élevés ne sont pas toujours celles ayant reçu le plus de financements au titre des créations de places. Ainsi, en licence Langues étrangères appliquées Anglais-Coréen à Aix Marseille Université, le taux de pression en 2020 s'élevait à 15,5 et le taux de remplissage à 98 %, mais la formation a recueilli le même montant de financement (40 000 euros soit 25 places créées) que la formation Sciences du langage à l'université Côte d'Azur dont le taux de pression n'était que de 3,8.

Financement des créations de places en 2020 dans l'académie d'Aix-Marseille

(en euros et en %)

Établissement

Parcours

Taux de pression

Taux de remplissage

financement L1

Financement L2

Nombre de places de L1 créées

Nombre de places de L2 créées

Université Côte d'Azur

Lettres

3,6

85,9 %

0

48 000

0

30

Université Côte d'Azur

Sciences du langage

3,8

94,4 %

0

41 600

0

26

Université de Toulon

Droit

4,1

92,9 %

0

70 400

0

44

Université Côte d'Azur

Musicologie

4,4

94,4 %

0

22 400

0

14

Aix-Marseille Université - Site de Marseille Espace Canebière

Droit

4,6

97,1 %

0

68 800

0

43

Avignon Université

Droit

5,2

98,8 %

0

5 000

0

2

Aix Marseille Université - Site d'Aix-en-Provence

Droit

5,3

99,0 %

0

64 000

0

40

Université Côte d'Azur

Droit

5,4

98,0 %

102 400

75 200

32

47

Université Côte d'Azur

Mathématiques & Informatique Appliqués aux Sciences humaines (MIASH)

6,0

89,1 %

0

113 600

0

71

Aix Marseille Université - Site d'Aix-en-Provence

Psychologie - Psychologie à distance

6,7

100,0 %

0

52 000

0

40

Université de Toulon

STAPS

7,2

90,1 %

0

22 400

0

14

Université Côte d'Azur

Sciences de l'Homme, Anthropologie, Ethnologie

7,4

94,4 %

0

40 000

0

25

Avignon Université

Science Politique et Europe

7,8

98,5 %

0

25 000

0

10

Université Côte d'Azur

Psychologie

8,4

96,7 %

76 800

30 400

24

19

Université Côte d'Azur

STAPS

8,6

92,1 %

44 800

35 200

14

22

Avignon Université

Sciences de la vie et de la terre

9,8

96,2 %

0

62 500

0

25

Avignon Université

STAPS

13,9

97,7 %

0

50 000

0

20

Aix Marseille Université - Site d'Aix-en-Provence

Langues étrangères appliquées - LEA Anglais-Coréen

15,5

98,0 %

0

40 000

0

25

Total 2020 pour l'académie

     

224 000

866 500

70

517

Source : commission des finances d'après les réponses fournies par la DGESIP

b) Un dispositif de contrôle resté à l'état d'ébauche qui rend impossible tout contrôle de la performance des crédits

La Cour des comptes indiquait en 2020 que « la méthode de calcul retenue par le ministère a pu engendrer le financement de places n'accueillant finalement aucun étudiant. Ainsi, sur 21 239 places supplémentaires financées en 2018-2019 à l'université, 8 107 n'ont pas été honorées via Parcoursup dans 401 formations, soit un peu plus du tiers des places créées et financées ». En effet, elle indiquait que le ministère considérait que « l'absence d'étudiants positionnés sur ces places nouvellement créées ne donne pas lieu à réduction des moyens puisque le but, pour le ministère, est d'une part, de maintenir de manière pérenne ces capacités d'accueil pour faire face aux flux d'étudiants à venir, et, d'autre part de fluidifier l'attente des candidats sur Parcoursup ». Une explication identique a été fournie au rapporteur spécial lors de l'audition de la DGESIP.

Or, la Cour concluait en 2020 que « ces modalités de financement ne peuvent constituer une méthode de pilotage des flux qui ne nécessite aucun moyen supplémentaire. Elles doivent être revues pour financer les inscrits supplémentaires ». Il n'en a visiblement rien été, bien que le ministère assure « suivre la création effective des places qu'il a financées »19(*).

Plus étonnant encore, le ministère semble avoir mis fin au seul système de consolidation des places qui existait entre 2019 et 2021. Le rectorat d'Île-de-France indique ainsi qu'il « y a eu un outil de suivi mis en place par le ministère pendant 2 ans en 2019 et en 2020 qui était aussi un outil de dialogue avec les établissements. Le tableau de liaison capacités 2019 puis 2020 permettait d'identifier pour chaque établissement et par mention de licence les augmentations de places en L1 puis en L2 à financer. Cet outil a été abandonné par la DGESIP en 2021, ce qui a mis fin au suivi à la place »20(*).

L'abandon de cet outil de suivi, qui permettait, malgré toutes les limites précédemment soulignées, de conserver un maigre contrôle a posteriori de la pertinence des places créées par les établissements par rapport aux données issues de Parcoursup, découle de la difficulté, voire l'impossibilité, d'identifier l'origine du financement des places créées (par le plan de relance ou par des crédits ORE).

En conséquence, les réponses transmises par l'administration parlent d'elles-mêmes : « de surcroît, à partir de juillet 2021 le rectorat n'a pas été associé par le ministère à la totalité du dialogue avec les universités sur le financement des créations de places, notamment sur le bouclage final de financement pour certaines formations plus spécifiques sur des filières en tension ou des métiers d'avenir (IUT, filière informatique par exemple). À partir de ce moment, nous n'avons plus pu suivre de manière fine et précise la volumétrie et l'identification des places créées sur financement loi ORE et Plan de relance »21(*).

Ainsi, le ministère ne dispose actuellement pas de pouvoir de contrôle sur les établissements et n'est pas en mesure de vérifier d'une part que les places financées ont bien été créées et d'autre part qu'elles l'ont été dans des filières en tension. Le rapporteur spécial considère qu'il est essentiel de travailler sur ce point.

Recommandation n° 5 : Conduire une réelle politique d'évaluation des places en licence ouvertes au cours des dernières années afin de l'adapter aux besoins démographiques (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).

Le ministère indique toutefois assurer une correction lorsque le nombre d'étudiants est en-deçà des estimations. En l'absence de doctrine formulée par la DGESIP, il semble que ces fermetures ne soient en réalité pas corrélées aux évolutions démographiques.

Ainsi, dans l'académie d'Aix-Marseille, en 2020, seules trois formations ont fait l'objet d'une diminution des places ouvertes par rapport à l'année précédente. Elles figurent dans le tableau ci-dessous. Le rapporteur spécial s'interroge sur le choix de ces trois parcours alors que leurs taux de remplissage et de tension ne sont pas inférieurs aux autres, voire que ces formations ont « fait le plein » en 2019 et 2020.

Fermetures de places en L1 en 2020 dans l'académie d'Aix-Marseille

(en euros et en %)

Parcours

Taux de pression

Taux de remplissage

Financements en moins

Nombre de places de L1 fermées

Informatique

6,0

99,3 %

-100 000

-40

Droit

5,2

98,8 %

-52 500

-21

Anglais

5,3

98,8 %

-72 500

-29

Source : commission des finances d'après les documents fournis par la DGESIP

Dans la région interacadémique d'Île-de-France, où « a priori, il n'existe pas de filière où la pression démographique est moindre qu'en 2018 »22(*), la baisse des places a touché en 2020, l'ensemble des domaines. Les années suivantes, la capacité d'accueil a augmenté mais elle reste désormais inférieure à la capacité d'accueil de 2018, sauf pour la médecine et pour les spécialités de Droit-Économie-Gestion. Le rectorat précise toutefois que « les baisses de capacités d'accueil font l'objet d'un travail de dentelle, et le solde global n'est pas significatif pour l'Ile-de-France sur la compréhension des évolutions tant l'effet volume additionné joue sur le total ».

Évolution du nombre de places en L1 par filière dans la région interacadémique d'Île de France et comparaison avec le taux de pression de ces filières

 

2018

2019

2020

Évolution 2018/2020

Évolution du taux de pression 2018/2020

2021

2022

Évolution 2018 / 2022

Évolution du taux de pression 2018/2022

Arts, lettres et langues

21 458

20 959

19 118

-2 340

-2,1

18 829

18 879

-2 579

-1

Droit, économie, gestion

18 777

19 036

18 725

-52

+ 2,7

20 166

20 394

1 617

+ 7,6

Sciences et technologie

10 701

11 411

10 595

-106

0

10 367

10 388

-313

+ 10,9

Sciences humaines et sociales

14 345

13 933

13 797

-548

-9

13 716

13 803

-542

- 4,2

Médecine

8 110

7 910

7 633

-477

+ 18,1

8 241

8 306

196

+ 38,1

Total

73 391

73 249

69 868

-3 523

-1,5

71 319

71 770

-1 621

+ 3

Source : commission des finances d'après le rectorat délégué de la région interacadémique Ile de France

Le rapporteur spécial ne peut que considérer comme stupéfiante l'absence de traçabilité des crédits au vu des montants en jeu et des enjeux pour la scolarisation de milliers d'étudiants. L'opacité de l'utilisation des crédits rend impossible toute tentative de contrôle de la performance des financements publics. En outre, si les financements « relance » ont sans aucun doute complexifié le suivi, les lacunes de celui-ci avait déjà précédemment fait l'objet de nombreuses critiques.


* 12 Réponses du rectorat de région interacadémique d'Ile de France au questionnaire du rapporteur spécial.

* 13 Et ce bien que les réponses au questionnaire budgétaire du PLF 2023 indiquent qu'en 2021 « plus de 26 000 places supplémentaires ont été créées, dont plus de 9 000 dans le cadre de la loi ORE et près de 17 000 dans le cadre du plan de relance pour un coût global de 56,3 millions d'euros ». Cette réponse est d'autant plus étonnante que la DGESIP a affirmé à plusieurs reprises au rapporteur spécial ne pas pouvoir faire le distinguo.

* 14 En exécution, pour un montant total de 227 millions d'euros de crédits ouverts, soit près du double.

* 15 Audition de la DGESIP.

* 16 Document fourni par la DGESIP : dialogue stratégique et de gestion - Phase 1, annexe 2a : rappel des moyens ORE - académie.

* 17 Réponses de la DGESIP au rapporteur spécial.

* 18 Audition de la DGESIP par le rapporteur spécial.

* 19 Réponses fournies par la DGESIP au questionnaire du rapporteur spécial.

* 20 Réponses fournies par le rectorat délégué à l'enseignement supérieur de la région Ile de France au rapporteur spécial.

* 21 Réponses fournies par le rectorat délégué à l'enseignement supérieur de la région Ile de France au rapporteur spécial.

* 22 Idem.

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