J. RÉDUIRE LA FRACTURE NUMÉRIQUE : PROMOUVOIR L'ÉGALITÉ D'ACCÈS AUX TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES

1. L'intervention de M. Frédéric Mathieu

Merci, Madame la Présidente.

Madame la Présidente,

Chers collègues,

Tout d'abord, au nom de mon groupe, je tiens à saluer la qualité de ce rapport et de ses propositions que nous soutenons bien évidemment.

La situation de la fracture numérique est aujourd'hui une problématique absolument majeure à l'heure de la numérisation de l'ensemble des démarches, notamment les démarches administratives et d'accès aux droits.

Ainsi, nous devons réaffirmer une chose centrale dont découlent ensuite les propositions de ce rapport et les propositions que je porte dans cette intervention au nom de mon groupe : l'accès à internet et aux nouvelles technologies est devenu un bien essentiel à la vie, et singulièrement à la vie digne. Si, durant ces dernières décennies, l'accès à internet n'était qu'une solution de divertissement ou un moyen annexe de communication et de vie, ce n'est plus le cas. Nous sommes face à un changement anthropologique majeur : désormais, on peut par exemple se lier à des personnes sans les avoir jamais rencontrées physiquement, discuter avec elles de façon quotidienne d'un bout à l'autre du monde.

Désormais, les institutions, administrations et entreprises ont décidé de dématérialiser un grand nombre de procédures, de moyens de contact, de règlements de conflit même et d'accès aux droits. Il est donc fondamental que l'ensemble de la population puisse accéder à internet, et donc puisse avoir accès aux technologies qui le permettent. Pour une partie de la population, il conviendra notamment de mettre en place des processus de formation et d'aide à l'accès aux droits numériques.

Comme le pointe ce rapport, mais aussi la Défenseure des droits en France, la dématérialisation grandissante des services publics est une problématique très élevée pour l'accès aux droits. Pour exemple, le rapport de la Défenseure des droits en France est sans appel : « Début 2022, près de 40 % des démarches administratives en ligne sont accessibles aux personnes en situation de handicap. Cette augmentation peut être saluée comme une avancée mais ne saurait suffire à garantir l'accès universel aux démarches administratives, dès lors que plus de 60 % d'entre elles demeurent encore “hors de portée” des personnes en situation de handicap. »

Il en va de même de la situation des personnes détenues, qui n'a quasiment pas évolué alors qu'elles sont confrontées à la nécessité de réaliser des démarches administratives pour faire valoir leurs droits.

Un constat analogue prévaut pour d'autres catégories de personnes, comme les personnes en situation de pauvreté, les personnes âgées, les majeurs protégés.

Ainsi, pour la mise en oeuvre de la recommandation 12.1 de ce rapport, j'insiste : il convient de mettre un coup d'arrêt aux politiques budgétaires d'austérité qui entraînent la fermeture de nombreux services publics ou la réduction du nombre d'agents disponibles pour recevoir du public. Il conviendra aussi de s'assurer que l'ensemble des demandes d'accès aux droits et autres procédures soient accessibles et réalisables dans des guichets physiques, pour l'ensemble des personnes qui n'ont pas accès à internet ou tout simplement ne souhaitent pas recourir à internet pour ces démarches.

En plus du redéploiement des services publics dans l'ensemble des territoires, il convient également de garantir le droit à un accès minimal gratuit à internet pour toutes et tous et interdire les coupures d'accès à internet.

Internet est devenu un réseau essentiel à la vie.

Nous devons déployer un service public de proximité pour les personnes en situation d'illectronisme en coordonnant et renforçant les moyens des acteurs de la médiation numérique. En effet, une très grande partie de la population est en situation d'illectronisme ; en France, c'est par exemple le cas de 20 % de la population, ce qui est énorme.

Merci encore à la rapporteure pour la qualité de ce rapport et de ses propositions. Mon groupe votera favorablement pour ce rapport.

Merci.

2. L'intervention de Mme Mireille Clapot

Merci, Madame la Présidente.

Madame la rapporteure, chers collègues,

Xsenia a 20 ans et elle a besoin d'une aide au logement pour ses études. Elle n'a pas les moyens de s'acheter un ordinateur ; or, la démarche est numérique.

Mohamed et Marie ont 30 ans, ils doivent inscrire leur premier enfant à l'école maternelle la rentrée prochaine ; or, la démarche est numérique.

Marinette a 80 ans, elle habite en milieu rural, ses petits-enfants viennent moins la voir depuis la Covid-19 ; ils veulent lui envoyer des photos de leurs vacances, en mode digital bien sûr.

Luis a 40 ans et doit déclarer ses revenus pour payer ses impôts en temps et en heure ; en ligne, évidemment.

Maxime cumule plusieurs handicaps, l'accès aux sites de services publics et d'achat en ligne est très compliqué pour lui.

Riad doit effectuer sa demande de titre de séjour, sinon il risque l'expulsion de son pays de résidence.

Francesca a 64 ans, elle doit immatriculer sa nouvelle voiture sous peine de perdre son travail et on lui dit : « Connectez-vous au site. »

Quel que soit leur âge, nos concitoyens de toute l'Europe ont besoin du numérique pour effectuer leurs démarches, et cet accès aux services numérisés ne peut pas être que leur affaire privée. C'est bien en priorité à l'État, mais aussi aux collectivités territoriales et, au final, à un ensemble de politiques publiques, que nous devons collectivement demander une politique et des mesures. Les infrastructures et les réseaux doivent être développés, la formation au numérique à tout âge doit être une priorité, les services publics doivent viser avant tout l'accessibilité. Si on n'a pas le matériel adéquat, on doit pouvoir se rendre dans un lieu qui en dispose et qui offre aussi un service via des vrais humains - et qui met en garde contre le vol de données et la désinformation.

Mais aussi, ce sujet est un sujet de protection de l'environnement. Ne subissons plus le renouvellement trop rapide des appareils, outils et technologies. Promouvons la réutilisation et le reconditionnement des terminaux, à condition bien sûr qu'ils soient dignes de confiance et avec un prix abordable. La filière du reconditionnement peut et doit être soutenue par l'État, en termes de régulation, de collecte, de soutien à la formation, de soutien aux acteurs, de labellisation, pour donner confiance.

J'en profite d'ailleurs pour vous inviter à vider vos cartons et vos tiroirs et à contribuer à cette collecte en remettant vos appareils usagés.

C'est ainsi que Xsenia, Mohamed, Marie, Marinette, Luis, Maxime et Riad pourront accéder aux mêmes services, quel que soit leur lieu de résidence, leur âge, leur handicap et leur genre.

Alors, Madame la rapporteure, chère Madame ESTRELA, bravo pour ce travail et allons plus loin ensemble.

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