II. ... SANS RÉPONDRE À TOUS LES BESOINS, MÊME ESSENTIELS
Malgré la hausse de leurs moyens et les progrès permis par la préparation des JOP de 2024, les unités ne sont aujourd'hui pas en capacité de faire face à l'ensemble de leurs besoins, pour certains essentiels, même si des stratégies d'adaptation sont utilement mises en oeuvre.
A. UNE DOTATION EN VÉHICULES QUI DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE ATTENTION PARTICULIÈRE
Le niveau et la qualité de la dotation en véhicules constituent des enjeux structurels pour l'ensemble des forces de sécurité, dépassant largement le seul cadre des unités d'élite. Or, il se produit un effet d'éviction en faveur dépenses de personnel et de fonctionnement et au détriment des dépenses d'investissement (soit dès la conception du budget annuel des deux forces, soit lors de son exécution, soit par un cumul des deux phénomènes), par nature davantage pilotables. L'acquisition de véhicules, tout comme l'investissement immobilier, en souffre et se voit souvent in fine sacrifiée, au moins en partie. Ce fut par exemple le cas en 202476(*). Si des plans de renouvellement des véhicules sont ponctuellement lancés à l'échelle de la gendarmerie et de la police nationales, le parc des deux forces souffre d'un manque de moyens et d'une politique de « stop and go » peu favorable au maintien dans la durée d'un nombre et d'un âge moyen des véhicules satisfaisants.
Les travaux et déplacements réalisés par le rapporteur spécial ont permis de constater qu'un important effort est réalisé pour que les unités d'élite disposent, autant que possible, d'un parc de véhicules de bonne facture. Néanmoins, ces dernières n'échappent pas aux difficultés générales exposées supra. Par ailleurs, les unités d'élite connaissent des enjeux spécifiques tenant en particulier à la nécessité de disposer de véhicules variés et aux caractéristiques spécifiques. À des véhicules rapides et endurants doivent s'ajouter des véhicules blindés, banalisés, et de transport de personnalité, des camions tactiques, des motos, des quads, ou encore des scooters des mers, etc.
Par ailleurs, une part minoritaire des besoins n'est en réalité satisfaite non pas par le biais des dotations des administrations dont les unités relèvent, mais soit via l'affectation de véhicules saisis par la justice soit par l'intermédiaire de conventions conclues avec des entreprises privées.
Comme l'a constaté le rapporteur spécial, la mobilisation au profit de ces unités de véhicules saisis apparaît tout à fait pertinente, lorsqu'ils sont adaptés, à l'image de certains véhicules de grosse cylindrée. Par ailleurs, les conventions conclues, notamment par le RAID, avec des fabricants automobiles lui permettent de disposer notamment de véhicules de transport de personnalité et d'un camion à titre gratuit, le fabricant bénéficiant pour sa part d'un gain en termes d'image publique. Enfin, les unités déploient une véritable agilité dans la conception ou la modification de leurs véhicules, à l'image de la BRI-PP qui a aménagé elle-même un petit camion servant de centre de commandement mobile.
La place du mécénat et des partenariats dans les équipements du RAID
Le RAID déploie depuis plusieurs années une stratégie du recours au mécénat et aux partenariats visant à la fois à optimiser l'utilisation de ses ressources et à obtenir des équipements adaptés à ses besoins. En 2024, la valorisation des équipements concernés, qui ne concernent pas uniquement les véhicules, serait de 4,1 millions d'euros.
Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial
En outre, en raison de la nature, de la motorisation et du poids des véhicules utilisés, le coût de leur acquisition, déjà intrinsèquement élevé, est très fortement amplifié par l'effet du malus écologique77(*), dont le montant peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros par véhicule.
Or, l'utilisation de véhicules hybrides ou électriques pour les missions opérationnelles de ces unités ne constitue pas une option au regard des risques qui y seraient afférents (problèmes de recharge, poids et dimension des batteries empêchant de disposer de suffisamment de matériels, etc.). Le rapporteur spécial estime qu'à l'image des véhicules des sapeurs-pompiers, une exception à l'application du malus écologique pourrait ainsi être envisagée pour les véhicules des unités d'élite acquis à des fins opérationnelles.
Recommandation n° 3 : En raison de la très forte spécificité des véhicules utilisés par les unités d'élite, envisager de faire exception à l'application du malus écologique pour leurs véhicules opérationnels (Gouvernement)
Enfin, certains véhicules sont vieillissants et ne sont pas pleinement adaptés à leur usage, y compris certains véhicules d'intervention destinés à transporter les effectifs opérationnels et leur matériel (dont le blindage réalisé a posteriori aboutit par exemple à une réduction très significative de la taille de l'habitacle), ceux dont l'ancienneté et l'importance du kilométrage fait peser un risque de panne (de nature à mettre en danger la bonne réalisation de la mission) ou encore qui sont trop lents, une fois chargés.
De ce point de vue, il convient de noter que la multiplication des missions de rétablissement voire de maintien de l'ordre de ces unités78(*) appelle à une réflexion sur les moyens matériels utilisés à cet effet. En effet, la réalisation de ces missions peut conduire à une forte dégradation des véhicules utilisés, dont une part n'a pas été conçue pour cet usage. Le rapporteur spécial a ainsi pu constater que ces missions ont conduit à mobiliser des véhicules légèrement blindés d'intervention rapide d'une valeur de plus de cent mille euros, pour des missions qui auraient justifié d'utiliser d'autres types de véhicules, moins onéreux et plus robustes.
Recommandation n° 4 : Afin d'optimiser l'utilisation des ressources et dans une logique d'efficience opérationnelle, mobiliser des véhicules adaptés et moins onéreux à l'occasion des missions de maintien de l'ordre (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale et préfecture de police)
* 76 Rapport sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 : Sécurités, n° 743 (2024-2025), tome II, annexe 29, volume 1, déposé le 18 juin 2025.
* 77 Taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme, régie par les articles L. 421-58 et suivants du code des impositions sur les biens et services.
* 78 Voir supra.