III. JUGULER LA SURPOPULATION CARCÉRALE
La surpopulation carcérale a atteint, au cours de l'année 2025, une ampleur inédite. Au 5 juin 2025, les prisons françaises comptaient 84 363 détenus, en augmentation de plus de 6 000 détenus en une année, pour une capacité opérationnelle de seulement 62 566 places ; plus de 5 000 détenus dorment sur des matelas placés à même le sol.
Mère de toutes les batailles, la lutte contre la surpopulation carcérale ne peut plus être menée selon la logique de « gestion des flux » qui a prévalu jusqu'à ce jour et dont l'inefficacité est désormais prouvée. Ni le développement des aménagements ab initio à compter de 20203(*), ni la mise en place d'un mécanisme de libération sous contrainte automatique (dit « de plein droit ») en fin de peine en 20214(*) n'ont atteint les résultats escomptés. Pire, leurs effets pervers n'ont qu'aggravé la surpopulation carcérale. Quant aux tentatives de régulation carcérale « souple » menées dans certains territoires, elles se sont avérées improductives. Pour concilier la dignité des détenus avec la nécessaire sévérité attendue des peines de prison ferme, la mission propose de tourner le dos aux solutions quantitatives et de rendre sa lisibilité au droit de l'exécution des peines.
A. CRÉER UNE VÉRITABLE PEINE DE PROBATION
Les travaux des rapporteures ont montré que les magistrats préféraient prononcer des peines de prison ferme, y compris en les aménageant dès le jugement, plutôt que de faire le choix d'une peine de milieu ouvert. Leur choix s'explique notamment par l'insuffisante crédibilité des sanctions alternatives à la détention. Résoudre cette difficulté passe, comme le Sénat le recommande depuis 2018, par la création d'une peine autonome de probation permettant de sanctionner efficacement des condamnés qui, aujourd'hui envoyés en prison en raison non pas de la gravité de l'infraction ou du risque de récidive, mais de leur profil lourdement désocialisé (absence de garanties de représentation, troubles psychiatriques...), pourraient être plus longuement suivis et plus efficacement punis en dehors de la détention.
Hautement personnalisable, la peine de probation offrirait au juge du fond une large palette de mesures contraignantes (cf. schéma ci-contre5(*)), garantissant un suivi étroit et - surtout - le placement immédiat du condamné en détention dès lors qu'il ne respecte pas les obligations et interdictions auxquelles il est soumis.
* 3 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
* 4 Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.
* 5 L'acronyme CPIP désigne les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.