II. LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D'INFORMATION ET D'ORIENTATION
Les dysfonctionnements qui viennent d'être
rappelés, et leurs conséquences sur l'échec en premier
cycle, commandent d'évaluer les structures et les procédures
d'information et d'orientation existant dans notre système
éducatif pour chaque ordre d'enseignement.
Alors que l'orientation devrait être un processus continu engagé
précocement dès le secondaire, son fonctionnement actuel, son
caractère tardif, brutal et subi, l'absence de moyens et l'inadaptation
des procédures hypothèquent dans la pratique une large part des
bénéfices que l'on pouvait attendre des progrès de la
scolarisation et de la démocratisation de l'enseignement
supérieur.
A. L'ORIENTATION DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE : UNE PROCÉDURE RESSENTIE COMME SUBIE, AUTORITAIRE ET SYNONYME D'ÉCHEC
Comme le rappelle à juste titre, le rapport de la
commission Fauroux, l'orientation, de la classe de 6e jusqu'à
l'entrée dans l'enseignement supérieur, apparaît comme le
produit d'un " ajustement perpétuel entre les aspirations du jeune
et ses capacités " et résulte d'un jeu complexe où se
mêlent les résultats scolaires, les acquis sociaux et des
décisions de caractère autoritaire.
L'orientation scolaire est commandée ainsi par une
hiérarchisation entre les filières - des filières
nobles qui conduisent au baccalauréat général jusqu'aux
filières de relégation - dans un système où
l'enseignement technologique et surtout professionnel, est
considéré par les familles comme une voie d'orientation par
défaut sanctionnant un échec ou l'insuffisance de
résultats dans la voie générale.
Tant que les voies technologiques et professionnelles ne seront pas
revalorisées, notamment pour permettre la poursuite d'un cursus
supérieur de formation jusqu'aux diplômes les plus
élevés -grandes écoles ou troisième cycles
universitaires - sans emprunter à un moment ou à un autre un
passage par les filières d'enseignement général, toute
démarche d'orientation restera entendue comme le constat d'un
échec scolaire sanctionné par un verdict d'ailleurs souvent
refusé par les familles.
La dernière livraison de l'" Etat de l'école ", qui
vient d'être présenté par la DEP, semble cependant annoncer
un tournant dans l'équilibre qui s'était établi depuis les
années 60 entre les formations générales et technologiques
d'une part, et les formations professionnelles, d'autre part.
D'après cette étude, une réduction du taux de passage en
classe de 3ème générale peut s'observer en effet depuis
1991, au profit du lycée professionnel et le ministre a pu se
réjouir à cette occasion que moins d'élèves
étaient désormais attirés par les études longues,
et que l'orientation professionnelle était choisie par un nombre
croissant d'élèves.
Convient-il d'interpréter cette évolution si elle se poursuivait,
et surtout les commentaires qui en ont été faits, comme
annonçant un tournant dans la politique du gouvernement ?
Si c'était le cas, il faudrait que les moyens budgétaires
accordés à l'enseignement professionnel du second degré
traduisent cette nouvelle priorité, que cette filière se trouve
revalorisée, que soient développées des passerelles entre
les divers ordres d'enseignement, que soient activés les dispositifs
permettant des reprises d'études ultérieures et enfin, que cette
nouvelle tendance se trouve prise en compte dans la réforme de la
filière technologique supérieure et dans la professionnalisation
des formations post-baccalauréat.
1. Une orientation tardive et brutale au collège
En dépit de ses objectifs ambitieux, la réforme
du collège unique n'a pas permis de prendre en compte la
diversité et l'hétérogénéité des
élèves et de mettre en place une diversification des parcours par
des innovations pédagogiques efficaces.
D'après les conclusions du " Livre blanc des
collèges ", élaboré en 1994 par le groupe de travail
présidé par Alain Bouchez, les classes technologiques
fonctionnement plus comme " une structure d'accueil d'élèves
en difficulté que comme une option revalorisante répondant
à un choix positif ", et l'évaluation des performances des
élèves par les professeurs et le fonctionnement des conseils de
classe qui orientent les élèves sans appel font également
l'objet de critiques.
Afin de remédier à cette situation, le nouveau contrat pour
l'école prône une adaptation du collège à
l'hétérogénéité des élèves et
des parcours de réussite pour chacun. Il a permis d'expérimenter
en 1995 des classes de 6e de consolidation destinée à mettre
l'accent sur les méthodes de travail et la maîtrise des
apprentissages fondamentaux ; ces classes devaient être
généralisées lors de la dernière rentrée
scolaire.
Subsiste cependant une interrogation sur le sort des élèves en
grande difficulté et sur la finalité des filières
technologiques qui sont trop souvent considérées comme des
filières de relégation.
L'absence d'une voie professionnelle sous statut scolaire au collège
sous la forme d'un cycle professionnel individualisé en 5e et en 4e, ne
permet pas de traiter l'échec scolaire et les refus de scolarisation de
certains élèves en grande difficulté ni d'éviter
des décisions tardives et brutales d'orientation en fin de 3e.
Une orientation efficace passerait ainsi par le développement d'une
véritable éducation au choix des élèves, la mise en
oeuvre des mesures prévues dans le nouveau contrat pour l'école
et par la mise en place d'un volet d'orientation qui permettrait d'harmoniser
au sein de chaque collège les actions d'information et d'orientation des
équipes éducatives.