3. La communication du Comité des ministres à l'Assemblée (Jeudi 27 juin)
M. Siim KALLAS, ministre des Affaires
étrangères de l'Estonie, Président en exercice du
Comité des ministres, prononce l'allocution suivante :
" N'ayant adhéré au Conseil de l'Europe qu'en 1993,
l'Estonie en est un membre relativement récent. Toutefois, nous avons
déjà le vif sentiment d'appartenir à notre nouvelle
famille, qui rassemble presque tous les pays d'Europe, et d'y être
entourés d'amis et de voisins. En effet, en raison des hasards de
l'alphabet, nous sommes littéralement entre voisins. Juste
au-delà de l'horizon de la mer Baltique se trouvent, respectivement
à l'Ouest et au Nord, le pays de mon prédécesseur danois
et celui de mon successeur finlandais.
" Le Conseil de l'Europe aura ainsi tout loisir de découvrir le
regard que portent les riverains de la mer Baltique sur notre continent, bien
que notre régime soit sans aucun doute aussi pluraliste que toute autre.
Dans cette optique, je constate avec intérêt que vous avez tenu
hier un débat sur la protection des droits des minorités, sujet
sur lequel j'entends revenir plus tard.
" Dans le cadre de son mandat à la Présidence du
Comité des ministres, l'Estonie entend poursuivre l'examen des
principaux thèmes de la dernière réunion
ministérielle qui s'est tenue le 3 mai dernier sous la présidence
de mon homologue danois. Nous avons alors axé notre attention sur le
rôle que le Conseil de l'Europe peut jouer en faveur de la
sécurité démocratique en Bosnie-Herzégovine et ans
la région, y compris en Croatie, ainsi que sur l'adaptation de notre
Organisation en pleine expansion aux nouveaux défis.
" Les questions qui figurent au calendrier de votre Assemblée,
Madame la Présidente, illustrent bien les similitudes importantes qui
existent entre les préoccupations actuelles de l'Assemblée et
celles du Comité des ministres.
" Permettez-moi de commencer par la Croatie, qui ne figure pas
directement
au calendrier de votre présente partie de Session parce qu'elle a fait
tout récemment l'objet d'un débat important lors de la
réunion de la Commission permanente à Thessalonique, où le
rapport de la Commission des questions politiques a conduit à l'adoption
de la résolution 1089 relative à la mise en œuvre des
engagements contractés par la Croatie dans le cadre de la
procédure d'admission au Conseil de l'Europe. Votre Bureau est convenu
lundi dernier que cela constituerait le premier point de l'ordre du jour de la
réunion du Comité mixte qui doit se tenir vendredi prochain.
" Le 7 juin, j'ai adressé au ministre des Affaires
étrangères de la Croatie une lettre dans laquelle je me
référais expressément à cette résolution de
l'Assemblée, en y joignant une note établie par le Comité
des ministres qui énonçait, dans le cadre de la demande
d'adhésion de la Croatie, des engagements et des attentes prioritaires,
analogues à ceux figurant dans l'avis n° 195 de votre
Assemblée, adopté en avril dernier. Cette lettre et la note qui y
était jointe, ainsi que la réponse du Dr Grani en date du
13 juin, vous ont été transmises.
" La semaine prochaine, à la lumière également de la
réunion du Comité mixte, nos délégués
reprendront l'examen de cette question à la lumière de cette
réponse des autorités croates. Ils prendront aussi note du fait
que leur homologue suédois, Monsieur l'Ambassadeur Amneus, a
été nommé par son Gouvernement au service de
l'administration transitoire des Nations Unies en Slavonie orientale afin d'y
présider la commission conjointe de mise en œuvre des droits de
l'homme. Cela fait suite à un échange de vues qui a eu lieu en
avril dernier entre nos délégués et le chef de
l'administration transitoire des Nations Unies, qui a lancé à
notre Organisation un appel auquel le Comité des ministres a
décidé de répondre favorablement. Vous ne manquerez pas,
j'en suis certain, de vous joindre à moi pour souhaiter à
Monsieur l'Ambassadeur Amneus tout le succès possible dans sa nouvelle
mission qui constitue un véritable défi à relever.
" En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, le Comité des
ministres suivra de près vendredi prochain le débat de votre
Assemblée qui aura pour point de départ le rapport établi
par M. Iwinski au nom de la Commission des migrations, des
réfugiés et de la démographie. Nos
délégués examinent actuellement la
recommandation 1297 qui résulte des travaux de la Commission des
questions politiques concernant la mise en oeuvre des accords de paix de Dayton
en Bosnie-Herzégovine.
" Nos délégués ont adopté, en mai dernier,
après la 98ème réunion officielle, une réponse
intérimaire substantielle à la recommandation 1297 (1996)
relative aux réfugiés, aux personnes déplacées et
à la reconstruction dans certains pays de l'ancienne Yougoslavie. Je
tiens à rappeler que dans le communiqué final de leur session du
3 mai, les ministres ont noté avec satisfaction que plusieurs Etats
membres avaient répondu généreusement à l'appel
cosigné par mon prédécesseur,
M. Helveg Petersen, par le Président en exercice de l'OSCE,
M. Flavio Cotti et le haut représentant,
M. Carl Bildt, le 30 janvier 1996, invitant les
Gouvernements à verser des contributions volontaires en vue de mettre en
œuvre les aspects civils de l'accord de paix.
" Cependant, nous avons également souligné l'importance
capitale de ces efforts volontaires et invité à de nouvelles
contributions généreuses. Il est évident, par exemple, que
ni le budget du Conseil de l'Europe ni, pour l'heure, celui de la Bosnie et
Herzégovine ne suffisent à couvrir les activités de la
Chambre des droits de l'homme. Un nouvel appel à contributions pour la
mise en œuvre des aspects civils de l'Accord de Dayton a
été lancé par le haut représentant, M. Bildt, lors
de la réunion ministérielle qui a eu lieu dans le cadre du
Conseil sur la mise en œuvre du processus de paix, réuni à
Florence les 13 et 14 juin, où le Conseil de l'Europe était
représenté par le Secrétaire général.
" Le Comité des ministres, comme vous le savez, a fait part de ce
que le Conseil de l'Europe était disposé, à
côté d'autres Organisations internationales, et notamment l'OSCE,
à remplir son rôle en contribuant à la mise en œuvre
des conditions nécessaires en Bosnie et Herzégovine pour que des
élections libres et équitables puissent se dérouler. Ces
élections devraient se dérouler, nous en avons aujourd'hui
confirmation, le 14 septembre prochain. Des élections auront
également lieu le 30 juin à Mostar, qui servira de test.
" Madame la Présidente, d'autres sujets inscrits au calendrier de
l'Assemblée sont également très proches du deuxième
grand sujet débattu par les ministres en mai dernier, à savoir
l'adaptation de notre Organisation qui va s'élargissant, pour
répondre aux nouveaux défis. Je me réfère ici
notamment aux questions relevant, de manière générale, de
la nouvelle procédure de suivi, monitoring, qu'il s'agisse de la
situation en Tchétchénie ou des élections récentes
en Albanie, instituée dans le contexte du contrôle du respect des
engagements pris par les Etats membres.
" Parmi les autres sujets pertinents, Madame la Présidente, je
citerai votre proposition d'organiser un deuxième sommet du Conseil de
l'Europe.
" Nos délégués ont, pour leur part,
décidé de constituer un groupe de travail
ad hoc
chargé de faire des propositions concernant les divers aspects de votre
proposition d'organiser un tel sommet -ordre du jour, date et lieu notamment.
Nous attendons avec intérêt le rapport de la Commission des
questions politiques à cet égard. Il incombera en dernier lieu
-peut être dès la 99ème session du Comité des
ministres, que je présiderai en novembre prochain- aux Gouvernements de
prendre la décision appropriée. Il est également et
à l'évidence crucial, pour le succès d'une telle
entreprise, qu'un chef d'Etat ou de Gouvernement accepte, en temps voulu,
d'assumer la présidence de ce sommet, comme ce fut le cas pour le Sommet
de Vienne. Nous verrons, au cours des mois prochains, si cette condition est
remplie. En attendant, il va de soi que le dialogue se poursuivra entre le
Comité des ministres et l'Assemblée.
" En ce qui concerne le respect des engagements et les mécanismes
de suivi, je tiens à rappeler que la dernière session
ministérielle s'est ouverte par une séance informelle et un
discours introductif prononcé par le ministre russe des Affaires
étrangères. M. Evgueni Primakov, consacré à
"la Russie au Conseil de l'Europe". La déclaration du président
danois, à la clôture de la session, a confirmé que les
débats avaient été pour l'essentiel consacrés
à la Russie en tant que nouvel Etat membre du Conseil de l'Europe, y
compris la réforme démocratique, les droits de l'homme et la
situation en Tchétchénie. A cet égard, les ministres ont
fait part "de leur préoccupation constante et de leur profond regret que
le conflit en Tchétchénie n'ait toujours pas été
résolu et ont fait valoir la nécessité d'une solution
politique pacifique dans le meilleur délai possible". Le débat
qui aura lieu demain à l'Assemblée sur le rapport volumineux de
la commission ad hoc présidée par M. Muehlemann sera,
à cet égard, du plus grand intérêt.
" S'agissant des élections en Albanie, l'audition organisée
lundi dernier par la Commission des questions politiques a suscité un
grand intérêt et a été suivie par plusieurs de nos
Ambassadeurs. Le même jour, le groupe de travail compétent de nos
délégués a également organisé un
échange de vues sur ce sujet avec le Vice-Président de la
Commission électorale centrale albanaise. C'est avec grand
intérêt que nous suivrons le débat qui se déroulera
ici dans l'après-midi.
" Madame la Présidente, comme vous le savez, les ministres ont
réitéré, lors de leur session de mai, l'importance de
veiller, en se fondant sur l'esprit de coopération et de
non-discrimination, à ce que les engagements pris par tous les Etats
membres soient pleinement respectés et demande leur appui à cet
égard, notant que les procédures pour débuter leur mise en
œuvre avaient été convenues.
" La semaine dernière, nos délégués ont
consacré une première session spéciale de deux jours
à la substance de cet exercice ; chaque délégation a
eu la possibilité de formuler des commentaires sur un "panorama
factuel"
établi par le Secrétaire général. Le principal
objectif de cette réunion spéciale était de dégager
les principaux sujets de préoccupation, et ainsi de mettre en route le
propre mécanisme de suivi confidentiel du Comité des ministres.
Vous n'êtes pas sans savoir que ce mécanisme est destiné
à compléter les travaux déjà bien établis de
l'Assemblée parlementaire.
" Je suis en mesure de vous informer que les délégués
sont convenus d'examiner le sujet de la liberté d'expression et
d'information à leur prochaine réunion, prévue en octobre
1996 et de continuer à discuter ce sujet et, si possible, d'aborder le
sujet du fonctionnement et de la protection des institutions
démocratiques, y compris les questions relatives aux partis politiques
et aux élections libres, lors de la réunion spéciale
suivante, en décembre 1996.
" Nous sommes pleinement conscients, en Estonie, que la qualité de
membre du Conseil impose à tous des obligations, tant au plan individuel
que collectif, et je suis convaincu que le succès de nos
procédures de suivi est absolument vital pour la
crédibilité de notre Organisation, ainsi que pour son rôle
futur en Europe.
" Tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, les anciens comme les
nouveaux, doivent accorder au processus de suivi l'importance et l'attention
qu'il mérite. Nous souhaitons voir ce processus devenir l'un des futurs
centres de gravité de l'Organisation.
" S'agissant de "l'élargissement" du Conseil, nous savons
que, au
moment où l'Organisation approche de son 50ème anniversaire,
le nombre d'Etats membres atteindra et dépassera sans doute très
bientôt la barre des quarante, que ce soit durant la présidence de
mon pays ou celle de nos successeurs. La "clé de la réussite"
-c'est-à-dire le respect de nos critères- est avant tout entre
les mains des Etats candidats eux-mêmes.
" A cet égard, il est également important de noter que,
depuis l'adoption par la Commission permanente à Thessalonique de l'Avis
n° 196 relatif à la demande de statut d'observateur par le
Canada, les deux grandes démocraties d'Amérique du Nord
participent à un grand nombre des activités de l'Organisation.
Cet état de fait ne peut que renforcer le nouveau rôle que nous
assumons dans l'architecture de la coopération européenne. Par
ailleurs, le Comité des ministres a récemment consulté
l'Assemblée au sujet de la demande d'adhésion de
l'Arménie, et poursuit un dialogue politique avec les trois
Républiques transcaucasiennes, tout comme l'Assemblée le fait,
dans le contexte du statut d'invité spécial, pour ce qui concerne
les Parlements. Je me rendrai moi-même, avec le Secrétaire
général, en visite officielle dans les trois capitales au cours
de la deuxième semaine de juillet.
" Madame la Présidente, j'évoquais plus tôt la
question de la protection des minorités nationales, dont votre
Assemblée a débattu hier. Je voudrais à ce propos exprimer
tout particulièrement la gratitude de l'Estonie envers le Conseil de
l'Europe, qui lui apporte une aide très concrète dans le domaine
de l'enseignement des langues qui, dans notre pays, constitue un facteur
essentiel d'intégration à la vie de notre démocratie
naissante, ou plutôt renaissante.
" Dans le même état d'esprit, nous allons organiser une
réunion à Tallinn au cours des mois prochains, à laquelle
participeront des représentants des organisations de minorités
européennes, dans le but de favoriser le débat sur les questions
se rapportant aux minorités. Nous nous réjouissons aussi
d'accueillir, en octobre prochain, un séminaire régional
organisé conjointement par le Conseil de l'Europe et le Bureau des
institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE sur "le
rôle de l'éducation dans le renforcement de la
société civile".
" Madame la Présidente, soyez assurée que l'Estonie soutient
pleinement l'octroi à l'Organisation des ressources nécessaires
pour remplir ses responsabilités et ses tâches et contribuer
à la sécurité démocratique de notre continent. En
mai dernier, au cours de leur débat sur l'adaptation du Conseil de
l'Europe aux nouveaux défis, les ministres n'ont pas manqué
d'évoquer les conséquences de ces derniers sur le plan des
orientations budgétaires et du personnel, tout en encourageant la
poursuite des efforts en faveur d'une plus grande transparence dans le
débat sur les priorités budgétaires.
" Madame la Présidente, si vous me permettez de terminer sur une
note plus légère, je voudrais saisir cette occasion pour vous
rappeler que je me réjouis de vous recevoir tous demain soir pour
l'inauguration, au foyer de votre Assemblée, d'un piano à queue
blanc, cadeau de l'Estonie au Conseil de l'Europe. Je suis sûr que vous
serez conquis par les nombreux talents de M. Olav Ehala, l'un de nos
plus grands pianistes compositeurs. "