C/ L'arrêt de l'usine UP1 et des installations associées et le programme MAD
Le site de Marcoule avait initialement été créé pour assurer l'approvisionnement de notre défense en plutonium de qualité militaire.
Dans ce but avaient été construits trois réacteurs G1, G2 et G3, à uranium naturel, modérés au graphite et refroidis au gaz (UNGG). Afin de retraiter le combustible extrait de ces réacteurs, l'usine UP1 a été mise en service en 1958 et a produit son premier gramme de plutonium le 21 juillet 1958. Cette usine de retraitement n'avait toutefois pas qu'une utilité purement militaire puisqu'elle a dû, à partir de 1970, retraiter aussi les combustibles provenant de réacteurs de la filière civile UNGG.
En 1975, les installations de production de combustible nucléaire qui relevaient initialement du CEA ont été transférées par simple décret (décret n° 75-1250 du 29 septembre 1975) à la COGEMA.
Les besoins en plutonium de la Défense nationale étant désormais satisfaits, l'arrêt de l'usine UP1 et de toutes les installations de la COGEMA nécessaires au retraitement a été programmé pour la fin de l'année 1997. La fermeture d'UP1 était d'autant plus inéluctable que ses activités civiles avaient elles aussi disparu avec l'arrêt, en 1994, de la dernière centrale UNGG française et l'incendie de la centrale espagnole de Vandellos qui appartenait à la même filière et dont les combustibles étaient également retraités à Marcoule.
En plus de la fermeture déjà effective des trois réacteurs G1, G2 et G3, c'est donc tout un ensemble complexe d'installations qu'il va falloir désormais "assainir" sur le site de Marcoule. Pour se faire une idée de l'ampleur de la tâche à réaliser, voici la liste des installations concernées par des opérations de démantèlement ou d'assainissement telle qu'elle est présentée par la CEA :
«- Les ateliers de production qui regroupent six ensembles :
. installation de "dégainage G1" utilisée pour le dégainage et le stockage du magnésium des premiers combustibles du réacteur G1, elle a ensuite servi à l'entreposage des paniers de dissolution des combustibles G1, G2, G3 ;
. l'atelier "dégainage" dont les fonctions comprennent la réception, l'entreposage et la préparation de dissolution des combustibles irradiés, le traitement et la réexpédition des emballages de transport externes, le stockage des déchets de structure des combustibles et des déchets de traitement des eaux ;
. l'installation "MAR 400" dont les fonctions, identiques à celles de l'atelier "dégainage", sont utilisées pour les combustibles à retraiter issus de la filière UNGG ;
. "l'usine UP1" utilisée pour la dissolution des combustibles, la séparation des éléments U, Pu, produits de fission et actinides des combustibles et leur transformation en nitrate d'uranyle, en oxyde de plutonium ou plutonium métallique et en solution nitrique concentrée de produits de fission et d'actinides ;
. l'installation "stockages liquides des produits de fission" regroupe les cuves contenant les solutions nitriques concentrées de produits de fission et leurs équipements divers ;
. l'Atelier de Vitrification et d'entreposage des verres (AVM) où est mis en oeuvre le procédé de vitrification des solutions ; les verres obtenus étant entreposés dans des fosses en béton ventilées.
Les ateliers de production avec leurs équipements annexes sont constitués d'une soixantaine de bâtiments et ouvrages de tailles diverses.
- Les ateliers dits de supports qui sont composés de cinq installations :
. la Station de Traitement des Effluents Liquides (STEL) gère l'ensemble des effluents liquides produits sur le site ;
. l'Atelier de Conditionnement et d'entreposage des Déchets Solides (CDS) collecte, contrôle, conditionne et entrepose et/ou expédie à l'ANDRA l'ensemble des déchets solides produits à Marcoule ;
. l'Atelier de Décontamination du Matériel (ADM) est utilisé pour la collecte et le traitement du matériel contaminé de l'établissement ;
. l'Atelier de Décontamination du Linge (ADL) traite les vêtements de l'ensemble du personnel ;
. le laboratoire de contrôle, chimie analytique des procédés et d'assistance en chimie industrielle est utilisé pour les activités des 2 unités de retraitement du site (l'usine UP1 de COGEMA et l'Atelier Pilote de Marcoule du CEA/VALRHO).
Les ateliers supports avec l'ensemble de leurs équipements regroupent une quarantaine d'ouvrages et bâtiments du site.»
La maîtrise du programme de mise à l'arrêt définitif de l'usine UP1 et des installations qui y sont associées (programme MAD) a été confiée au CODEM qui assurera donc la coordination de l'ensemble des opérations et des moyens de financement. Le CODEM devra en particulier approuver les stratégies proposées par la COGEMA qui sera le principal opérateur, passer les marchés et obtenir les financements nécessaires.
Après l'arrêt de l'usine, prévu pour la fin de 1997, il faudra tout d'abord procéder au rinçage des circuits et des équipements. La COGEMA a souhaité que cette phase du programme soit entreprise immédiatement avec l'ancien personnel de l'usine qui aura gardé la mémoire du fonctionnement de l'installation. Cette solution aura également l'avantage d'assurer un emploi aux travailleurs que la fermeture d'UP1 va libérer et qu'il aurait fallu, sans cela, reclasser dans d'autres fonctions.
Une fois les rinçages terminés, si tout se déroule comme prévu, les opérations de mise à l'arrêt proprement dites pourront commencer. Elles seront suivies d'une période de "surveillance active" pendant laquelle pourra commencer le programme de démantèlement (programme DEM) jusqu'au niveau 2. Il sera alors possible de passer à une situation de "surveillance passive". Un démantèlement au niveau 3 n'est pas à ce jour programmé, ni même encore envisagé.
Bien entendu, chacune des phases de ces programmes fera l'objet d'un rapport de sûreté et devra être autorisée par les autorités compétentes. A l'issue du démantèlement au niveau 2, vers 2029, les installations concernées devraient passer du statut d'installations nucléaires de base (INB) au statut de simples installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
Quel jugement peut-on porter, à l'heure actuelle, sur l'ensemble de ces programmes de démantèlement ?
Il faut tout d'abord réaffirmer que ces opérations de démantèlement étaient nécessaires ; il n'était pas question, en effet, de laisser des installations inutiles mais potentiellement dangereuses en l'état avec le risque de voir leurs protections se dégrader au fil des années. Sur ce dossier, comme sur celui des déchets, il ne serait en effet pas admissible de transmettre aux générations futures des problèmes que nous sommes en état de régler, même si ce n'est que partiellement, dès à présent.
Il ne s'agit certainement pas, comme l'affirme un peu vite le CEA, de remettre les sites dans un état aussi proche que possible de leur état initial, ce qui correspondrait au niveau 3 de démantèlement, mais plus simplement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces installations ne présentent plus de dangers dès lors qu'elles continuent à être incluses dans un périmètre nucléaire étroitement surveillé.
Le démantèlement au niveau 3 est techniquement possible, le CEA a déjà procédé à plusieurs opérations de ce type mais il s'agissait soit de très petites installations (réacteurs de recherche et maquettes), soit d'installations très contaminées par du plutonium pour lesquelles l'attente n'aurait pas permis d'obtenir une décroissance significative de la radioactivité.
Le CEA a également acquis une certaine expérience des grandes opérations de démantèlement jusqu'au niveau 2 (réacteurs Rapsodie de Cadarache, réacteurs G1, G2, G3 de Marcoule). Ce savoir-faire permet de penser que ces futurs démantèlements se dérouleront dans de bonnes conditions bien qu'on ne soit jamais à l'abri d'un accident, comme cela a été le cas en 1994 où une explosion de sodium dans la cuve de l'ancien réacteur Rapsodie a entraîné la mort d'un travailleur et une longue suspension des travaux.
Dans son dernier rapport 27 ( * ) , la Direction de la sûreté des installations nucléaires qui, il faut le rappeler, n'a pas compétence dans le secteur militaire, soulignait, à propos des démantèlements d'installations civiles, que "la taille des chantiers de démantèlement et le type de travaux à mettre en oeuvre, essentiellement de déconstruction, conduisent les exploitants nucléaires à faire appel à la sous-traitance à des entreprises extérieures. L'Autorité de sûreté reste attentive à ce que cette organisation, qui peut conduire à une spécialisation bénéfique des acteurs, n'entraîne pas cependant une déresponsabilisation des exploitants nucléaires qui en dernier ressort restent seuls comptables du bon déroulement des travaux."
Il ne s'agit pas ici de faire un procès d'intention aux responsables de l'assainissement de Marcoule mais simplement de rappeler que l'ampleur des travaux à effectuer ne doit en aucun cas conduire à faire appel à des entreprises peu qualifiées pour ce type de travail ou à des personnels insuffisamment formés. Toutes les opérations qui peuvent présenter un risque pour les populations ou pour les travailleurs concernés doivent être confiées à des techniciens ayant une expérience confirmée du travail en milieu radioactif.
* 27 Rapport d'activité 1996, Direction de la sûreté des installations nucléaires, page XX.