N° 186
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 décembre 1997.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1), à la suite d'une mission effectuée du 11 au 13 septembre 1997, chargée d'étudier l'organisation du systéme de soins et l'évolution des dépenses de santé au Danemark ,
Par MM. Jean-Pierre FOURCADE, Jacques BIMBENET, Paul BLANC, Charles DESCOURS, Guy FISCHER, Claude HURIET, René MARQUES, Mme Gisèle PRINTZ et M. Bernard SEILLIER,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier,
Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles
Descours, Roland Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
;
François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis
Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M.
Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis,
Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue,
Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès,
Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle
Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau,
Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 17 décembre 1997,
sous la présidence de
M
.
Jean-Pierre Fourcade,
président
, la commission a entendu une communication de celui-ci sur
la mission effectuée, du 11 au 13 septembre 1997, au
Danemark
par une
délégation de la commission
chargée d'étudier l'organisation du système de soins et
l'évolution des dépenses de santé dans ce pays
.
Après avoir rappelé que cette délégation, qu'il
présidait, se composait de MM Jacques Bimbenet, Paul Blanc, Charles
Descours, Guy Fischer, Claude Huriet, René Marquès, Mme
Gisèle Printz et M. Bernard Seillier,
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
a rappelé trois caractéristiques
principales du système danois.
La première caractéristique est une forte décentralisation
: les comtés jouent un rôle déterminant dans le
système de santé ; ils gèrent le secteur hospitalier et
les services de santé primaires : rémunération des
généralistes et spécialistes, remboursement des
dépenses de médicaments.
La deuxième caractéristique est la gratuité des soins de
base.
Cette gratuité est en quelque sorte " sous contrainte "
puisqu'elle suppose une inscription sur la liste d'un généraliste
: 98 % des Danois sont inscrits chez un généraliste qu'ils
peuvent choisir initialement dans un rayon de 10 km autour de leur
domicile. Le généraliste est ainsi le point de passage
obligé pour l'accès aux spécialistes et à
l'hôpital. Une possibilité de libre consultation est toutefois
ménagée au sein du secteur public : 2 % des Danois ne sont
pas inscrits chez un généraliste et peuvent -mais à titre
onéreux- consulter celui ou ceux de leur choix ; de même
peuvent-ils consulter directement un spécialiste.
La troisième caractéristique du système danois est un
financement par l'impôt, essentiellement la quote-part de l'impôt
sur le revenu perçu par les comtés.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a souligné, à
cet égard, l'importance des prélèvements obligatoires au
Danemark (52 % du produit intérieur brut) et leur concentration sur
les ménages : les impôts sur le revenu et le patrimoine
représentent plus de 30 % du produit intérieur brut (PIB)
contre 13 % en moyenne pour les pays de l'Union européenne.
Puis, le président a fait part des principales observations qui se
dégageaient de la mission de la délégation au Danemark.
Il a tout d'abord souligné le consensus dont semble
bénéficier le système de la part des 5 millions de Danois.
Il a ainsi noté que parmi les Européens, les Danois se
considèrent -et de loin- comme les mieux portants. De même, il a
observé leur attachement à la gratuité et l'égal
accès aux soins.
Mais il a indiqué que parallèlement, la délégation
avait constaté une inquiétude quant à la stagnation de
l'espérance de vie. Ainsi, le Danemark qui était, en 1972, tout
à fait en tête des pays européens se retrouve vingt ans
plus tard dans les derniers rangs.
Puis,
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a analysé
l'impact de la politique de maîtrise de l'évolution des
dépenses de santé. La délégation avait
observé avec beaucoup d'intérêt les performances du
Danemark dans ce domaine : en pourcentage du PIB, les dépenses de
santé au Danemark n'ont pratiquement pas évolué au cours
des vingt-cinq dernières années alors qu'elles ont fortement
progressé dans les autres pays.
Toutefois, cette constatation lui a semblé devoir être assortie de
trois observations.
Cette performance doit être appréciée en premier lieu au
regard du champ statistique retenu. On peut estimer très
grossièrement entre 1 et 1,5 point de PIB, les dépenses
notamment en faveur des personnes âgées qui, au Danemark,
correspondent au " bien-être social " et qui, dans les
autres
pays, relèvent des dépenses de santé.
En second lieu, cette maîtrise de l'évolution des dépenses
totales de santé s'est traduite par une part accrue de la prise en
charge par les malades eux-mêmes. Ces dépenses restant à la
charge des malades (médicaments notamment) ont ainsi progressé de
42 % entre 1980 et 1995 contre 12,6 % pour les dépenses
publiques.
Enfin, la maîtrise des dépenses de santé s'est traduite par
l'apparition de listes d'attente dans les hôpitaux pour les examens et
les interventions.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a cité sur ce point
les " objectifs " de l'hôpital public régional de
Gentofte : traiter un patient quatre mois et sept jours après la
réception de la lettre du généraliste adressant ce patient
à l'hôpital.
Il a estimé que cette situation conduisait à une interrogation
sur la décentralisation du système de santé. En effet,
face aux listes d'attente, des enveloppes budgétaires spécifiques
ont été débloquées par l'Etat pour financer les
priorités qu'il définit lui-même. La multiplication de
dotations spécifiques remet toutefois en cause le rôle des
comtés dans la gestion du secteur hospitalier et menace en
définitive la structure décentralisée du système de
santé.
Enfin, il a observé que la relative pénurie des ressources de
l'hôpital public, face au problème des listes d'attente, n'avait
pas pour autant permis l'émergence d'une offre alternative privée
qui ne représente environ que 0,2 % des lits d'hôpitaux.
Rendant compte de la visite de la délégation dans un des rares
hôpitaux privés du Danemark,
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
a souligné que le secteur privé
était moins un complément de l'hôpital public qu'un moyen,
par la sous-traitance, de résorber très ponctuellement des listes
d'attente trop longues.
Concluant son propos, il a indiqué qu'en dépit de sa
brièveté, due aux contraintes du calendrier parlementaire
français, la mission de la commission lui avait permis de mieux
percevoir les performances du système danois mais également les
problèmes qu'il doit résoudre. Il a estimé que les
enseignements qui peuvent en être tirés sont limités par
les caractéristiques tant géographiques que démographiques
d'un pays de dimension modeste et qui apparaît de surcroît
très homogène dans ses modes de pensée.
M. René Marquès,
soulignant la difficulté qu'il y
avait à comparer les systèmes français et danois, a fait
part de son sentiment que les Danois se contentaient de prestations a minima
dans le domaine de la santé, et qu'ils n'étaient pas à
même, de surcroît, de comparer l'offre publique et une offre
privée quasi-inexistante dans le domaine hospitalier.
M. Charles Descours
a insisté sur l'importance du consensus
social au Danemark face à des situations tels le poids des
prélèvements obligatoires ou l'existence de listes d'attente dans
les hôpitaux, situations qui provoqueraient dans nombre de pays et,
notamment le nôtre, de vives réactions.
Mme Gisèle Printz
a également souligné que les
Danois semblaient accepter facilement les contraintes que comportait
l'organisation de leur système de santé, mais elle a
constaté également que ce système présentait le
mérite de ne laisser personne au bord du chemin.
M. Serge Franchis
s'est montré surpris par l'évolution de
l'espérance de vie au Danemark et s'est interrogé sur les
conséquences que pouvait entraîner une telle situation sur
l'évolution des dépenses de santé.
M. Bernard Seillier
a manifesté le souci que la commission puisse
suivre l'évolution du système danois qui lui a semblé
comporter, à terme, des éléments d'évolution
notamment quant au rôle du secteur privé.
M. Claude Huriet
a souligné les difficultés qui avaient
été celles de délégations pour rencontrer et
entendre le point de vue des médecins, et estimé que le consensus
autour du système de santé était, probablement pour
partie, imputable à la décentralisation qui rapproche les
décideurs des usagers ; il a fait part de sa conviction quant au
développement à terme d'un secteur privé hospitalier
dès que seraient surmontées les résistances tant
économiques qu'idéologiques qui s'y opposent actuellement.
En conclusion,
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a
considéré qu'il était toujours fructueux de mieux
connaître les expériences étrangères notamment dans
le cadre européen et a estimé que le système danois
comportait des aspects positifs, telle la décentralisation, qui lui a
semblé être un élément facilitant le consensus
social, mais également des éléments de blocage.
A l'issue de cet échange de vues, la commission a
approuvé la
publication du rapport d'information.
Mesdames, Messieurs,
La convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du
15 septembre 1997 a conduit la commission des Affaires sociales à
réduire la durée de la mission qu'elle avait initialement
projeté d'accomplir au Danemark et aux Pays-Bas pour étudier,
dans ces deux pays voisins appartenant à l'Union européenne,
l'organisation des systèmes de soins et l'évolution des
dépenses de santé.
Limitée à un déplacement au Danemark du 11 au
13 septembre, cette mission, pour brève qu'elle a
été, n'en a pas moins permis à ses membres de mieux
mesurer les caractéristiques d'un système de santé
profondément différent de celui que nous connaissons dans notre
pays.
En effet, le système danois est caractérisé par une offre
de soins largement dominée par l'offre publique, un financement par
l'impôt et une large décentralisation.
Le contexte dans lequel il s'inscrit est marqué par le poids des
dépenses publiques et celui symétrique des
prélèvements obligatoires qui caractérisent les
économies relevant du " modèle scandinave ".
Comme l'ont rappelé les différents interlocuteurs de la
délégation sénatoriale, le fonctionnement du
système danois ne saurait en outre être apprécié
sans une claire conscience que le Royaume du Danemark est un petit
pays
1(
*
)
de 43.000 km
2
et de 5 millions d'habitants.
*
La délégation tient à remercier
très vivement l'ensemble des personnalités qui l'ont
reçue, pour la qualité de leur accueil et, en premier lieu,
Mme Ulla Broen, chargée de mission à la direction des
relations internationales du ministère des Affaires sociales, qui a
accompagné la mission tout au long de son séjour au Danemark.
Elle souhaite remercier particulièrement Son Excellence M. Jacques
Alain de Sedouy, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de
France au Danemark, ainsi que M. Philippe Dupont, premier conseiller, pour
la part déterminante qu'ils ont prise à l'élaboration du
programme et au bon déroulement de la mission.
Sa gratitude s'adresse également à Son Excellence M. Peter
Dyvig, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Danemark
à Paris, ainsi qu'à Mme Anne-Mette Vesterguard, premier
secrétaire, pour l'aide précieuse qu'ils ont apportée
à la préparation de la mission.
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