Rapport d'information n° 345 (1997-1998) de M. Philippe MARINI , fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, déposé le 6 mars 1998

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N°771

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N° 345

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ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LEGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée
le 6 mars I998

Rattaché pour ordre lu procès du 5 mars 1998 Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 mars -

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES POLITIQUES PUBLIQUES

RAPPORT

sur

LES ACTIONS MENÉES EN FAVEUR DE LA POLITIQUE MARITIME
ET LITTORALE DE LA FRANCE,

par

M. Philippe MARINI,

Sénateur

ANNEXE 3 - Les ports

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
par M. Augustin BONREPAUX,

Vice-Président de l'Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Christian PONCELET,
Président de l'Office.

Mer et littoral

AVANT-PROPOS

Ce rapport s'inscrit dans le cadre de l'évaluation de la politique maritime française commandée au Commissariat général du Plan par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

Les travaux relatifs aux politiques portuaires ont été conduits, sous l'autorité de Henri Guaino, Commissaire au Plan, par Michel Matheu, Chef du Service énergie, environnement, agriculture, tertiaire au Commissariat général du Plan.

Cette évaluation, réalisée dans des délais extrêmement brefs compte tenu de l'étendue du champ couvert, est faite pour être discutée et pour alimenter le débat public. Il ne s'agit pas d'une conclusion définitive, mais bien au contraire du point de départ d'une nouvelle réflexion stratégique autour de la question maritime.

Les résultats de ces travaux tels qu'ils sont présentés dans ces rapports n'engagent que les services du Commissariat général du Plan.

Ont contribué à ce rapport :

Rapporteurs

M. Halaunbrenner (Gérard), Commissariat général du Plan, Service énergie, environnement, agriculture, tertiaire

M. Lapeyre (Jacques), Commissariat général du Plan, Service énergie, environnement, agriculture, tertiaire

avec :

Mlle Guyot (Françoise), Université du Havre, CIRTAÏ

Mlle Voineau (Géraldine), Laboratoire d'économie des transports, Lyon

Experts associés

M. Bauchet (Pierre), Professeur, Académie de Marine

M. Belmain (Marius), Ingénieur général honoraire des Ponts-et-Chaussées

M. Billuard (Jean-Renaud), expert

M. Bonnafous (Alain), Professeur, Laboratoire d'économie des transports de Lyon

M. Brossier (Christian), Ingénieur général au Conseil général des Ponts-et-Chaussées, Ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement

M. Brunier (Jacques), expert

M. De Dietrich (Philippe), économiste

Mme De Roo (Priscilla), Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action régionale

M. Demumieux (Jean-Pierre), Contrôleur d'Etat des Ports Maritimes Autonomes

Mme Duclos (Danièle), Commissariat général du Plan

Mme Gouvernai (Elisabeth), Chargée de recherche, Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité

M. Le Lamer (Christian), Secrétariat général de la Mer

M. Leclerc (Georges-François), Commissariat général du Plan

M. Linquier (Erik), Cour des comptes

M. Marcadon (Jacques), Professeur, Institut Géographique de l'Aménagement Régional de l'Université de Nantes

Mme Brocard, Professeur, Université du Havre, CIRTAÏ

M. Pagès (Jean-Paul), Consultant

M. Papon (Pierre), Professeur, Président du Conseil d'Administration de l'Observatoire des sciences et des techniques

M. Rivalan (Benoît), Secrétariat général de la Mer

M. Schwartz (Dominique), Professeur, École nationale des Ponts-et-Chaussées

M. Vigarié (André), Professeur, Académie de Marine

Personnalités auditionnées par les rapporteurs

M. le Professeur Bauchet (Pierre)

M. Chain (Philippe), Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action régionale

Mme Ehrmann (Daphné), Directeur des Transports internationaux à l'Association des utilisateurs de transport de fret

Mme Bonny (Martine), Directeur adjoint et M. Marendet (François), Chargé de la sous-direction des ports, Direction du Transport maritime, des Ports et du Littoral au Ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement

M. Demumieux (Jean-Pierre)

M. Boullot (Michel), Secrétaire général, Conseil national des communautés portuaires

M. Déjou (Yves), Danzas France

M. Lemaire (Olivier), Délégué général et M. Delsalle (Bruno), Association internationale Ville et Ports (Le Havre)

M. Péréon (André), Président et M. Payan (Patrick), Délégué, Fédération française des syndicats professionnels de pilotes maritimes

M. le Professeur Van de Voorde (Eddy), Université d'Anvers (UFSIA)

M. Van Orshaegen (Frans) et Martin (Roger P.), Régie portuaire d'Anvers

M. le Professeur Vigarié (André)

Personnalités auditionnées par le groupe

M. Allain-Launay (Patrick), Président-Directeur-Général, MITSUI, OSK Lines France

M. Berlet (Edouard), Délégué général, Comité central des Armateurs de France

M. Brossier (Christian)

M. Cazarré (Alain), Direction générale des Douanes et Droits Indirects au ministère de l'Économie et des Finances

M. Chabrerie (Jean), Président et M. Cornede (Hervé), Directeur des relations internationales, Fédération française des organisateurs et commissionnaires de transport

M. Chapon (Jean), Président, Association des utilisateurs de transport de fret

M. Chavarot (André), Directeur du Transport maritime, des Ports et du Littoral au Ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement

M. Combeau (André), Directeur du Port autonome de Marseille

M. Courtel (Joseph Erwan), Président et M. Piétri (Jean-Marcel), Délégué général de l'UPACCIM

M. de Clebsattel (Edouard), Président de la Fédération des Agents Consignataires et des Agents Maritimes (FACAM)

M. Denigot (Gilles), Secrétaire général du syndicat des dockers CGT, Port de Saint-Nazaire

M. Dujardin (Bernard), ancien conseiller pour les affaires maritimes au Ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement

M. Dupuydauby (Jacques), Président du Conseil national des Communautés portuaires

M. Graillot (André), Directeur du Port autonome du Havre

M. Linquier (Erik)

M. le Professeur Marcadon (Jacques)

M. Du Mesnil (Hubert), Directeur des Transports terrestres au Ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement

M. Péri (Hubert), Président et M. Galbrun (Xavier), Délégué général, Union nationale des industries de la manutention dans les ports français

M. Rivoallen (Paul-Marie), Directeur, Vallourec Industries

M. Suykens (Fernand), expert, ancien directeur du port d'Anvers et ancien Président de l'Organisation des ports maritimes européens (ESPO)

M. Toubol (Armand), Directeur du fret, SNCF

M. Vergobbi (Bruno), Directeur du port autonome de Dunkerque

INTRODUCTION

Quelle est l'étendue de l'effort public en faveur des ports français ? Quelle est l'ampleur des effets induits ? Les instruments de politique répondent-ils bien aux objectifs qui leur sont assignés, et à quel coût ? Telles étaient les interrogations adressées au Commissariat général du Plan par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

Des choix de méthode

La simplicité des questions ne doit pas masquer une difficulté de méthode. Comme toutes les politiques publiques sectorielles, celles concernant les ports poursuivent inévitablement plusieurs registres d'objectifs. Plus exactement, elles cherchent des compromis entre des objectifs qui ne convergent pas facilement : amélioration de la productivité d'une filière, maintien de l'emploi dans un secteur ou dans des zones géographiques, protection du revenu de certains agents économiques, etc.

En l'espèce, la difficulté est encore accrue par la complexité de la filière des transports : toute action en matière portuaire est en même temps une action qui concerne toute la chaîne de transport et, au-delà, l'ensemble de l'économie et du territoire. Selon l'angle sous laquelle on la regarde, son efficacité n'apparaît pas de manière identique. Ainsi, une action publique qui protège le niveau de l'emploi à court terme peut se révéler défavorable a la compétitivité du transport, ou bien des investissements qui relancent l'activité des ports s'avérer inefficaces à l'échelle nationale faute d'infrastructures adaptées dans les arrière-pays.

L'évaluation a naturellement tenté de rendre justice aux différents objectifs des politiques portuaires. Néanmoins, compte tenu des délais impartis, il s'est avéré nécessaire de privilégier certains d'entre eux, et donc de se référer à une vision adaptée, mais inévitablement partielle, de l'efficacité de 1'action publique. C'est l'objectif de renforcer la compétitivité globale de la chaîne de transport, qui à long terme est la plus sûre garantie d'essor de l'activité portuaire et des territoires environnant les ports, que l'on a considère comme prioritaire. Cela a conduit à porter un grand intérêt aux critères de choix des utilisateurs des ports, et à inclure dans le champ de l'analyse les politiques de transport terrestre

Il n'a pas paru possible d'adopter une conception complètement statique de l'efficacité des politiques publiques. En effet, le transport traverse à l'heure actuelle une période de changement, et un dispositif d'infrastructures et de services hier efficace peut se révéler demain inadapté. De ce fait, une analyse des tendances lourdes du secteur constitue l'auxiliaire nécessaire de l'évaluation. Une politique publique doit être jugée au moins autant sur sa capacité à anticiper la nouvelle donne d'un secteur que sur son adaptation au passé récent ou à la situation présente. C'est pourquoi, avant toute analyse de l'impact des politiques, le rapport débute sur un état des lieux de l'économie du transport et des ports français, et sur un inventaire des connaissances concernant leur avenir à moyen terme.

Les perspectives de l'économie portuaire

Depuis quelques années, le secteur du transport maritime connaît d'importantes transformations. Le commerce international se développe à un rythme très soutenu, dans un contexte extrêmement concurrentiel où les prix du transport maritime sont tirés vers le bas. De ce fait, les marges des armateurs sont très réduites, et une course à la compression des coûts est engagée. Des regroupements et des alliances géantes se forment, et chaque opérateur mène une stratégie de concentration et d'accélération du transport. La taille moyenne des navires porte-conteneurs augmente, les moindres gains de temps sont exploités, les trajets les plus directs sont privilégiés, les ports dont l'arrière-pays est très peuplé et économiquement très actif sont préférés.

Le transport des marchandises en vrac, tout particulièrement des hydrocarbures, est certes moins soumis au changement que celui des conteneurs ou plus généralement des marchandises diverses. Il reste, même si les mutations en cours dans le transport maritime concernent surtout les marchandises diverses, qu'elles revêtent une grande importance : selon la performance des ports, beaucoup de valeur ajoutée peut être créée ou perdue dans l'enceinte de ports et dans le reste de l'économie.

Cette évolution de l'économie portuaire doit être replacée dans le contexte d'ensemble du transport de marchandises. Les chargeurs se soucient évidemment du trajet complet de leur marchandise, depuis le lieu de chargement jusqu'au destinataire final. Beaucoup de leurs préoccupations actuelles vont dans le même sens que celles des armateurs : soucieux de minimiser leurs stocks et d'offrir une qualité irréprochable, ils sont demandeurs à la fois d'un bon prix et d'un transport rapide, assorti d'une grande fiabilité.

Le prix total d'un transport empruntant la voie maritime comprend trois parties : le fret maritime, le coût du transport terrestre et les coûts de passage portuaire. En moyenne, la part du fret maritime dans le coût total de transport d'une marchandise est la plus importante des trois, de sorte que les chargeurs sont sensibles à ce poste, et trouvent intérêt à ta concentration des trafics. Le prix du transport terrestre est d'un ordre de grandeur légèrement inférieur, et sur ce segment du trajet, toutes choses égales par ailleurs, les chargeurs recherchent le meilleur prix, ou pour certains le meilleur couple prix-temps. Cela peut les conduire à choisir le port le plus proche de la destination, et en ce sens une marchandise française peut passer par un port étranger sans qu'il y ait détournement au sens propre du terme. Cela les incite aussi à privilégier les ports dont l'arrière-pays est bien équipé en infrastructures terrestres. Les coûts portuaires, enfin, sont nettement inférieurs aux deux autres grands postes de dépense. Cela ne signifie pas que les chargeurs y soient indifférents, car de toute manière les gains que l'on peut faire sur le transport sont toujours commensurables avec les marges sur la marchandise transportée, mais cela explique qu'ils soient plutôt sensibles a la fiabilité du service, garanties de délai et de qualité.

En fin de compte, les préoccupations des armateurs et des chargeurs exercent des pressions conjointes en faveur d'une hiérarchisation des ports.

Seuls un petit nombre de ports seront en mesure de répondre aux exigences des opérateurs du commerce mondial pour cela, outre les considérations de coûts, un arrière-pays dense et développé, une excellente qualité de service ou une position géographique favorable sur les grands axes du commerce mondial sont devenus indispensables. Dans la Méditerranée, ce dernier critère revêt une grande importance, au point que des ports se développent ex nihilo, comme Algésiras ou Gioia Tauro. Sur l'Atlantique, les trots critères jouent, et les différents ports de la rangée Nord se livrent une concurrence a l'issue incertaine. En France, Le Havre, bien placé et pourvu d'un arrière-pays relativement dense, a de bonnes chances de faire partie des ports qui draineront une partie du commerce mondial. Marseille, éloigné de la ligne directe de traversée de la Méditerranée, peut conserver des chances, s'il parvient à offrir une qualité et des prix satisfaisants, mais n'attirera probablement pas les plus gros porte-conteneurs des lignes Europe-Asie.

D'autres ports bénéficieront d'un trafic indirect de conteneurs par feeder, dans la mesure où leur arrière-pays suffira à justifier le débarquement de navires de taille moyenne mais pas de la taille la plus grande. Certains se spécialiseront dans des trafics de marchandises non conteneurisées, qui exigent des installations adéquates, un professionnalisme développé et des activités économiques spécialisées dans l'arrière-pays : trafics de bois, de charbon ou de céréales, par exemple. D'autres encore pourront vivre de trafics d'intérêt local. Ces ports de deuxième ou troisième rang ne sont pas moins utiles que les autres, ils peuvent prospérer et apporter de la valeur ajoutée à l'échelle locale. Du reste, tous les trafics des ports de commerce international n'ont pas un impact important sur l'économie : le trafic de conteneurs n'induit pas nécessairement d'activité de traitement de la marchandise à proximité.

En définitive, une grande partie des choix qui affectent le destin des ports reviennent aux armateurs. Mais les politiques publiques peuvent agir sur de nombreux éléments de la fiabilité et de la compétitivité de la chaîne de transport. Leur succès se mesurera à l'aune de leur adaptation à la nouvelle donne de l'économie du transport.

Un secteur qui reçoit des crédits publics significatifs

Aux deux premières questions posées à l'évaluation, l'orientation générale des réponses est que le secteur portuaire a bénéficié au cours des dernières décennies de crédits publics importants, et qu'il en reçoit encore aujourd'hui, quoique dans une proportion moindre.

S'agissant d'investissements en infrastructures portuaires, la part du financement d'État représente une forte majorité du total, au moins pour les ports autonomes. Examinés catégorie par catégorie (quais, écluses, etc.), les financements français apparaissent de proportions comparables à ceux des pays concurrents. Il est probable cependant -mais les comparaisons précises sont très délicates- que, tous échelons territoriaux confondus, les ports du Benelux soient un peu mieux dotés par les collectivités publiques que les ports français.

Si l'on considère les investissements portuaires dans leur ensemble, leur total a décru à partir de 1976. Depuis 1989, ils oscillent entre 1,5 et 1,9 milliard de francs en monnaie constante de 1996. Dans ce total, la part de l'État baisse tendanciellement : elle est passée de 220 millions en 1988 1 ( * ) (soit 17 % du total de l'époque) à 149 millions en 1994 (8 % du total). La part des collectivités locales a sensiblement augmenté : 191 millions en 1988 (15 %) et 580 millions en 1994 (32 %). La part financée sur fonds propres oscille autour de 40 à 50 %. Globalement, cette évolution traduit deux phénomènes concomitants : la stabilisation des investissements après l'achèvement d'équipements lourds vers 1975, d'une part, et un relatif désengagement de l'État, d'autre part.

Si l'on veut rendre justice à l'effort public d'investissement en faveur du secteur portuaire, il faut naturellement y inclure les infrastructures terrestres visant à améliorer la desserte des ports, mais il n'est pas possible de fournir d'appréciation chiffrée : cela n'aurait guère de sens d'affecter une part d'un investissement routier ou ferroviaire à sa fonction de desserte d'un port.

Si l'on s'attache enfin à l'effort budgétaire complet, investissement et fonctionnement confondus, les montants payés par l'État, qui au début des années 80 dépassaient largement le milliard de francs en monnaie constante de 1996, décroissent depuis lors et tendent vers 600 millions.

Les sommes investies par l'État peuvent être rapprochées des chiffres de la dépense portuaire et de l'emploi dans le secteur. L'emploi direct total en métropole était de l'ordre de 30 000 personnes en 1995. La dépense portuaire, estimée par le compte satellite des transports, était de 8,2 milliards en 1992 en dépense courante et 1,6 milliard en capital. L'évaluation de l'emploi induit est toujours hasardeuse, les conventions de calcul étant par nature contestables. Les études assez détaillées menées sur quelques sites permettent d'estimer que l'activité d'un port autonome suscite entre trois et quatre emplois indirects ou induits pour un emploi direct 2 ( * ) . Il paraît raisonnable de penser que l'activité portuaire représente environ 0,12 % de la population active en emplois directs, et de l'ordre de grandeur de 0,5 %, peut-être un peu plus, en agrégeant emplois directs, indirects et induits.

Des problèmes d'image plus que de prix

Si l'on en vient maintenant à l'efficacité des politiques portuaires, l'impression dominante qui se dégage de l'évaluation est que les politiques publiques menées au cours de la dernière décennie ont contribue à améliorer l'efficacité des ports, sans parvenir à redresser complètement une image de fiabilité insuffisante.

La première question à laquelle il convient de répondre est de savoir si les infrastructures portuaires françaises correspondent aux besoins de l'économie nationale. Il ressort de l'évaluation qu'après une période d'investissement en grands équipements, les infrastructures portuaires sont actuellement satisfaisantes, mis à part des cas de vétusté ou de relèvements de profondeurs dus à un entretien insuffisant. Par rapport aux exigences du développement du commerce mondial, la seule structure lourde envisageable est sans doute Port 2000, et encore ne sera-t-elle utilisée a plein que si Le Havre sort bien placé de la concurrence très dure qui oppose les ports de la rangée Nord pour attirer les trafics de conteneurs.

Ensuite se posent toutes les questions liées aux services portuaires. La consultation menée auprès des armateurs l'a confirmé : les utilisateurs des ports recherchent prioritairement la fiabilité et la qualité de service, et à cet égard ils perçoivent les grands ports français comme inférieurs à leurs concurrents.

Les problèmes de la manutention occupent en matière de fiabilité une place centrale. La réforme de 1992 a notamment eu pour résultat une réduction des effectifs de la profession, d'un peu plus de la moitié. Mais les deux ports dont le trafic est le plus mondial n'ont pu rétablir complètement leur image. Des conflits sociaux, au moins larvés, s'y produisent toujours autour de l'interprétation de la loi de 1992, dont l'esprit est d'instituer le droit commun du travail, mais dont la pratique laisse subsister d'importantes poches d'exception à ce droit. Les entreprises de manutention française n'ont pu atteindre la surface financière et la stabilité de leurs homologues belges et néerlandaises, en partie parce que la réforme a laissé peser sur elles une charge financière significative, malgré une importante participation de l'État. Des problèmes organisationnels persistent, quant à l'articulation des métiers d'ouvriers dockers, exercés dans les entreprises de manutention et de grutiers, qui dépendent des autorités portuaires. De même, des problèmes de frontière subsistent en ce qui concerne les périmètres d'activité des sociétés de manutention.

À côté de la manutention, qui est à la fois déterminante, tant pour la qualité de service que pour l'image, et importante dans le total des charges portuaires, les ports français sont parfois jugés, à tort ou à raison, moins favorablement que les étrangers en raison des modalités d'organisation des professions du remorquage, du pilotage et du lamanage. En revanche, les formalités douanières ont été simplifiées et facilitées à la suite des récentes mesures. Il apparaît également que les conditions d'accès au domaine public, même si elles suscitent encore quelques critiques, répondent mieux que par le passé aux demandes des utilisateurs.

Les utilisateurs, on l'a vu, sont généralement plus sensibles à la qualité qu'au prix, mais un port dont la fiabilité est contestée a d'autant plus intérêt à offrir des charges raisonnables. Dans l'attente de la mise en place d'un Observatoire des coûts portuaires, il est difficile de faire des comparaisons précises, d'autant qu'à l'étranger les données sont d'accès et d'interprétation difficile. Il semble cependant raisonnable d'affirmer que les droits de ports français se situent dans les ordres de grandeurs européens habituels. Une question que soulève l'évaluation, en revanche, est celle de l'efficacité commerciale des tarifs pratiqués par les autorités portuaires : ils ne sont pas conçus, à l'heure actuelle, pour attirer au mieux le trafic.

Par ailleurs, les entreprises de manutention ont des coûts nettement supérieurs à ceux de leurs concurrentes des autres pays. Il est vrai qu'elles sont soumises à la taxe professionnelle, contrairement à d'autres professions portuaires et à leurs homologues étrangères. Les autres services, enfin, peuvent être un peu plus chers dans certains ports de France qu'à l'étranger, mais de nombreux utilisateurs s'accordent à penser que les prix du Havre sont raisonnables. Quoi qu'il en soit, les comparaisons portant sur les prix des services doivent être relativisées : les prix ramenés à l'unité de marchandise dépendent non seulement des tarifs portuaires, mais aussi du total chargé ou déchargé, donc de l'activité du port et de son arrière-pays 3 ( * ) .

Infrastructures terrestres et densité économique

On entend en France de manière récurrente un débat entre les responsables portuaires et les entreprises de transport terrestre. Les premiers accusent les secondes de ne pas mettre en place l'offre qui répondrait à leur demande de transport terrestre bon marché et rapide, à quoi les secondes rétorquent qu'ils investiront dans l'offre le jour où ils auront l'impression que la demande existe. Sans doute une offre bien conçue peut-elle, en matière de transports, créer de la demande. Il reste que celle-ci est très dépendante de l'activité économique. Or il existe une différence importante entre les ports français candidats au grand commerce international et leurs rivaux de Flandre et des Pays-Bas, voire d'Italie : d'un côté un pays dont la densité moyenne est de 100 habitants au kilomètre carré, avec une seule agglomération géante, de l'autre des régions denses, parfois quatre fois plus denses, avec plusieurs pôles économiques importants propres à concentrer les trafics. Il est raisonnable d'espérer que les ports français puissent prolonger un peu leur arrière-pays, il n'est pas réaliste d'ignorer la démographie.

Dans ces conditions, l'évaluation conclut que les infrastructures routières de desserte, s'agissant des ports dont l'arrière-pays est étoffé, sont en train de rattraper le retard qu'elles avaient pris il y a quelques années. Si la réalisation du schéma directeur progresse à la vitesse prévue, les infrastructures qui font encore défaut devraient être achevées vers 2005.

La question des infrastructures ferroviaires est plus complexe. Elles sont surtout intéressantes pour des trajets longs, de plusieurs centaines de kilomètres. Malheureusement, au-delà de l'Île-de-France, il n'existe pas actuellement de marchés importants pour les ports de la Manche. Il y a donc incompatibilité entre les souhaits des responsables portuaires qui demandent l'organisation d'une circulation Est-Ouest rapide et fiable pour se développer vers les marchés éloignés, d'une part, et, d'autre part, l'intérêt des établissements publics ferroviaires qui, faute de perspectives assurées, ne sont pas prêts à prendre seuls le risque commercial correspondant. À court terme, l'urgence est de faire disparaître les goulots d'étranglement du trafic de fret en Rhône-Alpes et en région parisienne, où le point nodal de Villeneuve-Saint-Georges assure l'essentiel de la distribution du trafic national.

En outre, les pays du Nord de l'Europe ont récemment manifesté un intérêt très vif pour une nouvelle forme d'organisation des trafics, les corridors ferroviaires 4 ( * ) . Il s'agirait de mieux utiliser les infrastructures ferroviaires en les ouvrant à de nouveaux opérateurs de transport terrestre, plus productifs ou plus efficacement intégrés. Un premier schéma européen a été élaboré, avec plusieurs corridors partant des ports de la mer du Nord et de la Manche, mais sans corridor au départ d'un port français. Il semble qu'en France les inquiétudes quant à l'ouverture de l'infrastructure ferroviaire l'aient emporté jusqu'ici sur les avantages à attendre d'un service concurrentiel et intégré au départ des ports. Ce raisonnement est vivement contesté par les opérateurs portuaires.

Quoi qu'il en soit, le débat est révélateur de l'étau que doivent s'efforcer de desserrer les politiques publiques futures. La géographie a certes donné quelques avantages à la France en la dotant d'un port en eau profonde touché en premier par les navires venus de l'Ouest, mais la démographie la dessert, car les arrière-pays ne sont pas densément peuplés. Le défi jeté aux pouvoirs publics est à la fois de choisir des priorités réalistes en nombre raisonnable, et de réussir d'autant mieux à améliorer la qualité et les coûts que la concentration des trafics sera inévitablement limitée.

CHAPITRE I - DIAGNOSTIC

1. Le système portuaire

1.1 Le port : un espace fonctionnel et une organisation administrative

Un port de commerce est un ensemble complexe d'équipements regroupés au bord de l'eau et destinés à expédier ou recevoir des marchandises ou des passagers par la voie maritime.

Définition de l'ESPO 5 ( * )

On entend par port maritime une superficie de terrain et d'eau comportant des aménagements et des installations permettant principalement la réception des navires, leur chargement et leur déchargement, le stockage des marchandises, la réception et l'évacuation de ces marchandises par les moyens de transport terrestre et pouvant comporter également des activités d'entreprises liées au transport maritime.

Les transports maritimes de passagers se limitent aujourd'hui à des traversées de courtes distances et, le cas échéant, à des activités de croisière. Les transports de marchandises, ou de fret 6 ( * ) , qui constituent le coeur du trafic portuaire pour la plupart des ports, concernent des produits qui, soit partent ou arrivent dans les environs immédiats du port où ils sont stockés ou transformés, soit sont réacheminés dans la zone de desserte du port (l'hinterland). Pour ce faire, tous les modes de transports sont sollicités, majoritairement la route, mais également le fer, la voie navigable, les conduites ou le cabotage maritime (navigation côtière de courte distance), ce qui implique qu'un port est par excellence une plate-forme d'échanges intermodaux.

Les équipements du port sont nombreux. À cet égard, il faut distinguer :

- l'infrastructure lourde de base qui permet l'accès, sous l'autorité de la capitainerie, des navires à un poste abrité : digues de protection contre la mer, chenaux maritimes d'accès, avant-ports, écluses maritimes pour les plus grands ports (sauf Marseille), ponts mobiles, darses et bassins,

- les quais et postes d'accostage où stationnent les navires pendant toutes leurs opérations au port ;

- les équipements à terre, dits « de superstructure » ou « d'outillage », qui permettent la manutention et le stockage des marchandises : grues, portiques, terre-pleins, hangars... 7 ( * )

Outre ses fonctions de transport proprement dites, un port est d'une part, le point de fixation d'activités industrielles et tertiaires situées dans sa zone, d'autre part, un lieu associé physiquement et dans une certaine mesure, économiquement, à l'agglomération urbaine qui porte son nom. Il est de ce fait l'objet d'une attention particulière notamment de la part des responsables de l'aménagement du territoire.

Par une extension sémantique, le mot « port » s'applique également à l'organisme en charge du port. L'établissement portuaire a pour mission d'assurer les travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement, de reconstruction, ainsi que l'exploitation, l'entretien, la police des ports et de leurs dépendances et la gestion du patrimoine immobilier et domanial qui lui est affecté 8 ( * ) . Sa structure administrative est variable, suivant l'importance du port (voir infra : ports autonomes, ports d'intérêt national, autres ports) mais son organisation fonctionnelle est généralement composée de :

- un service d'exploitation qui comprend notamment la capitainerie chargée de la police de l'exploitation portuaire ;

- l'outillage, qui gère hangars, terre-pleins et engins de levage ;

- un service des infrastructures, chargé des travaux neufs, de l'entretien et du dragage qui construit et entretient les quais et les accès nautiques ;

- le service commercial qui assure la vente et la promotion du port.

D'autres services administratifs opèrent dans le port tels la police (DICCILEC) ou les affaires maritimes, qui gèrent administrativement les marins français et assurent le contrôle de la sécurité des navires et des marchandises dangereuses. L'administration des douanes est chargée de percevoir les droits d'entrée et de sortie, ainsi que de contrôler et vérifier des marchandises. Les services de santé ainsi que de l'agriculture et de la pèche sont chargés des contrôles sanitaires, vétérinaires et phytosanitaires.

1.2 Les nombreux intervenants portuaires proposent des services aux navires ou à la marchandise

Les autres intervenants sont multiples, mais peuvent être divisés en deux grandes catégories : les services aux navires et les services à la marchandise 9 ( * )

1.2.1 Les services aux navires

- Les pilotes sont chargés de guider les navires ; ils forment des sociétés indépendantes, par port ou groupe de ports, au statut particulier. Le pilotage constitue une obligation de par la loi de 1928, pouvant être assimilée à l'instauration d'un monopole de droit. Il est sous tutelle des autorités déconcentrées du ministère chargé des ports (Affaires maritimes).

- Les sociétés de remorquage : sociétés privées indépendantes, aident les navires dans leurs opérations d'accostage et de départ. Elles forment souvent un monopole de fait, disposant de fonctions de sécurité définies par l'autorité portuaire. Leurs tarifications sont contrôlées par l'autorité portuaire.

- Les sociétés de lamanage sont chargées d'amarrer les navires. Pour le tiers d'entre elles (et dans la plupart des grands ports), elles sont organisées en sociétés coopératives ouvrières de production.

Les sociétés d'avitaillement et de soutage approvisionnent les navires en vivres, équipements, carburant...

- Les sociétés de réparation navale font office de station-service pour les navires.

- Les consignataires de navires, représentants du propriétaire ou de l'affréteur du navire, organisent son escale dans ses moindres détails et, dans leurs fonctions d'agent maritime, procurent le fret que le navire aura à transporter

- Le courtier maritime, officier ministériel, bénéficie du privilège d'effectuer la mise en douane du navire, du paiement des droits de port pour le compte de l'armateur, de la traduction de tous les documents officiels ; il a également le privilège d'affréter un navire pour le compte d'un chargeur.

- La réparation, la location, la maintenance et la gestion Je conteneurs.

- Les compagnies d'assurance maritime.

1.2.2 Les services à la marchandise

- Les commissionnaires de transports et transitaires

Transitaire, agréé en douane,

Organisateur de transports pour compte de tiers,

Affréteur routier, fluvial ou ferroviaire,

Intermédiaire spécialisé éventuel par exemple en denrées périssables ou colis lourds ou usines clés en mains.

- le négociant ou le courtier en marchandises achète, vend, stocke, etc. les produits du négoce : café, coton, cacao, bois, pétrole, produits chimiques, etc.

- les sociétés de groupage, dégroupage, d'entreposage, de distribution.

- les sociétés de contrôle, d'analyse d'échantillons, de surveillance.

- les industriels implantés en zone portuaire (voir infra).

- les entreprises de manutention qui sont l'interface entre la terre et la mer, sont chargées de toutes les opérations de chargement et de déchargement de navires, ainsi que des opérations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite nécessaire.

Elles utilisent, d'une part, un outillage qui leur est la plupart du temps loué par l'autorité portuaire qui fournit le personnel de conduite, d'autre part, des ouvriers dockers dont une grande proportion est mensualisée depuis la loi de 1992 sur la manutention portuaire.

1.3 L'environnement géographique des ports : les zones d'activités et industrielles et les villes

1.3.1 Le repli des zones industrielles n'est pas compensé par le développement des zones d'activités.

Après la dernière guerre mondiale et pendant la période des « Trente glorieuses », sur la base de l'exemple donné par les ports d'Anvers et de Rotterdam, les secteurs à proximité immédiate des ports ont fait l'objet d'une politique active d'aménagement en Zones industrielles portuaires (ZIP) correspondant à la forte croissance de cette époque et traduisant le déplacement des centres de gravité des industries traditionnelles vers la mer (littoralisation), conformément à la théorie en vigueur à l'époque des pôles de développement préconisés par François Perroux. De nouvelles extensions de ports traditionnels liées également pour certaines à l'apparition des conteneurs ont vu le jour à partir de 1965 : à Fos à l'ouest de Marseille, dans la plaine alluviale du Havre, à Montoir près de Nantes, à Dunkerque, au Verdon à l'embouchure de la Gironde. Un terminal pétrolier a été installé au Cap d'Antifer entre Le Havre et Étretat. L'industrie lourde s'est implantée : le pétrole, les raffineries et la chimie à Fos, Donges, Le Havre et Dunkerque, la sidérurgie à Dunkerque (Sollac) et à Fos (Ascometal, Sollac), l'aluminium à Dunkerque (Péchiney), l'industrie chimique (Atochem), la chimie minérale et l'automobile au Havre. Ces implantations d'unités industrielles furent d'autant plus intéressantes qu'elles créèrent de forts volumes de trafics, pour l'essentiel captifs au moins à moyen terme.

Cet élan a été stoppé au cours des années 1970 avec les chocs pétroliers et le ralentissement de l'économie, touchant principalement les activités industrielles, dont une part s'est repliée hors d'Europe près des sources primaires d'énergie et de matières premières. Parallèlement, le choix en faveur de l'électricité nucléaire a interdit le développement des importations de charbon destinées aux centrales thermiques, et a fait chuter l'activité pétrolière : Bordeaux a perdu ses trois raffineries entre 1979 et 1986, et actuellement la réduction des surcapacités de raffinage est encore à l'ordre du jour à Fos et à Donges. Le complexe industriel de Fos est reste très en deçà des objectifs initiaux très ambitieux et, en 1984, la zone était déclarée « pôle de conversion ». Cependant, la fermeture programmée des mines de charbon et le maintien à son niveau de la part de l'électricité nucléaire peut provoquer une recrudescence de l'importation de charbon par voie maritime. Les zones industrielles, dont les périmètres avaient été généreusement délimités, se sont trouvées trop grandes et ont fait apparaître des espaces inoccupés, voire des friches portuaires, pouvant au demeurant constituer un potentiel d'implantation d'industries.

Ce repli industriel n'a pas été compensé entièrement par le développement d'autres activités. Le secteur chimique a bien continué de progresser, à un rythme moindre toutefois que dans les pays voisins du Nord. La France est devenue le deuxième pays importateur de gaz naturel liquéfié avec des terminaux spécialisés à Fos et Montoir et Dunkerque s'apprête à devenir le point d'arrivée du gazoduc norvégien. Incidemment, il faut signaler que la construction de navires méthaniers fait partie des rares domaines de compétence française en matière de construction navale. En revanche, les activités industrielles dépendantes des services portuaires, telles que le stockage, le conditionnement, la distribution, le commerce d'importation et d'exportation, la réparation de conteneurs, etc n'ont pas su prendre le relais de la désindustrialisation et ont pris du retard par rapport aux grands ports européens du Nord. Les sociétés importatrices et exportatrices d'origine étrangère, génératrices d'activités commerciales, de services après-vente et de transports choisissent largement de s'implanter ailleurs que dans les ports français, pour diverses raisons qui seront explicitées ci-après. Au total, les ports français n'ont pas les retombées que la collectivité serait en droit d'espérer en matière de richesses et d'emplois.

1.3.2 Les villes portuaires : une synergie entre le port et sa ville

À chaque port correspond généralement une ville. Cela résulte de raisons historiques : pendant longtemps l'un et l'autre étaient étroitement imbriqués et vivaient au même rythme, avec une main d'oeuvre abondante qui s'affairait le long des quais attenant aux habitations et aux rues.

Puis, au fur et à mesure des progrès de l'ère industrielle et de la diffusion des marchandises, villes et ports se sont séparés physiquement, puis intellectuellement, le port devenant un chantier technique spécialisé inaccessible au public qui s'est vu séparé de l'accès au bord de mer. Le port a été longtemps et reste encore en France trop souvent totalement exclu dans les grandes villes des débats municipaux et soustrait aux préoccupations des habitants. Il échappe dès lors à sa définition première, le commerce et l'enrichissement de sa ville, pour répondre uniquement à des fonctions « nationales » 10 ( * ) . Ensuite, le port s'est éventuellement étendu progressivement sur le terrain des communes environnantes, rendant plus approximative la correspondance ville-port.

Néanmoins, l'emploi des personnels affectés au port et aux activités connexes qui peut représenter 10 à 30 % des emplois locaux, a toujours constitué un lien durable entre le port et la ville, bien que le port ait été à une certaine époque synonyme de déclin pour l'emploi. Ce lien devient plus que jamais d'actualité, à l'heure où le chômage est un problème partout présent. C'est pourquoi les collectivités locales et les communautés portuaires sont de plus en plus attentives à promouvoir des services utiles aux ports, tels des activités tertiaires ou des actions de formation, ou encore à encourager l'implantation d'activités plus ou moins directement liées au commerce portuaire.

Le rapprochement villes-ports s'opère également par la recherche de l'utilisation des « délaissés » du port qui résultent de l'évolution des activités et techniques portuaires. C'est ainsi que certaines villes reprennent contact avec le bord de mer par l'intermédiaire des plages, des ports de plaisance, ou de croisière créés ou agrandis par réhabilitation d'anciens bassins à marchandises. Plus délicat, mais également plus fondamental, est le problème de la réutilisation des friches portuaires au profit d'opérations urbanistiques et/ou économiques souhaitées par de nombreuses villes portuaires. Outre leur intérêt en termes de réhabilitation de l'espace, elles sont susceptibles de faire cesser la coupure entre les deux univers. Mais les ports sont parfois réticents à se séparer de réserves foncières qui peuvent leur être utile un jour ou l'autre. Par ailleurs, jusque récemment, ils n'y étaient pas intéressés notamment financièrement du fait des règles de domanialité publique. Mais de nouvelles perspectives légales et réglementaires se sont ouvertes en 1994.

2. Le contexte du commerce international et son incidence sur les ports français

2.1 Les trafics portuaires français ne suivent pas le développement du commerce international maritime

Au cours de la décennie écoulée, le commerce international a toujours progressé nettement plus vite que la production mondiale.

Les tendances récentes sont caractérisées par la mondialisation de l'économie, la stagnation relative du continent européen et l'émergence d'économies très dynamiques, en Asie et en Amérique Latine. Il en résulte un important trafic maritime. Les trois quarts des échanges internationaux en volume transitent par les océans donc par les ports maritimes, points d'échange des marchandises avec les transports terrestres. Au total, le trafic maritime mondial atteint en 1996 4,8 milliards de tonnes transportées (4 milliards en 1991).

Production et exportation mondiales
Variations annuelles
(en %)

Aussi, ces évolutions du commerce mondial se traduisent par l'émergence des ports asiatiques parmi les plus importantes plates-formes mondiales, surtout en ce qui concerne le trafic conteneurisé, qui est devenu en l'espace d'une trentaine d'années le vecteur prépondérant des échanges internationaux.

Liste des ports mondiaux de plus de 100 millions de tonnes

(trafic 1994, Journal de la marine marchande)

en millions de tonnes

Rotterdam

298

Singapour

290

Chiba (Japon)

174

Kobe (Japon)

171

Hong-Kong

147

Houston (E.U.)

142

Nagoya (Japon)

137

Yokohama (Japon)

128

Anvers

109

Source : Journal de la marine marchande

Trafic de conteneurs en 1995

en millions d'EVP

Hong-Kong

12,60

Singapour

11,85

Kaohsiung (Taïwan)

5,05

Rotterdam

4,80

Pusan (Corée)

4,50

Hambourg

2,90

Long Beach (E.U.)

2,80

Yokohama (Japon)

2,70

Los Angeles

2,70

Anvers

2,35

New-York

2,22

Kelang (Indonésie)

2.16

source : MOCI.

En trafic total, si Rotterdam maintient de justesse sa première place devant Singapour, les pays asiatiques deviennent prépondérants dans les échanges maritimes mondiaux.

Pour les conteneurs, les résultats sont encore plus spectaculaires, avec trois ports asiatiques en tête de liste et six ports parmi les onze premiers au-delà de 2 millions de boîtes EVP 11 ( * ) par an (à titre comparatif, Le Havre, qui représente les deux tiers du trafic conteneurisé français, vient juste de dépasser le million d'EVP en 1996 et confirme sa croissance pour les six premiers mois de 1997 avec une hausse de 15 % de ce trafic).

En ce qui concerne les ports français, la France n'a pas la place correspondant à sa situation de quatrième puissance exportatrice mondiale. En excluant le trafic intra-communautaire dont l'essentiel des échanges est assuré par mode terrestre, la France n'apparaît plus que comme la douzième nation exportatrice mondiale (le Royaume-Uni n'est plus la cinquième, mais la dixième, l'Allemagne n'est plus la deuxième, mais la troisième, etc.), ce qui resitue la position relativement faible du maritime au regard du commerce extérieur (et montre le degré élevé d'intégration à l'Union européenne). En outre, une part non négligeable de son trafic transite par les ports des pays voisins (voir ci-après).

2.2 La prépondérance des ports du Nord européen s'explique principalement par l'importance de leur arrière-pays

La part du commerce international de l'Union européenne faite par transport maritime représente 30 % en valeur et 75 % en poids, ce qui montre le rôle important joué par ce mode dans les échanges. L'examen des trafics des grands ports européens met rapidement en évidence le rôle joué par les ports de la « rangée » nord européenne, c'est-à-dire par la zone côtière s'étendant le long de la rive sud de la Manche et de la mer du Nord.

En 1996, on avait par ordre de trafic décroissant :

en millions de tonnes

Rotterdam

292

Anvers

107

Marseille

91

Hambourg

71

Le Havre

56

Amsterdam

55

Londres

53

Gênes

46

Dunkerque

35

Comme le montre la carte des densités de population, cette prépondérance traduit la situation géographique exceptionnelle au débouché de l'artère rhénane : les ports sont grandement tributaires de leur arrière-pays et l'axe fort d'industrialisation de l'Europe s'étend de Londres à Milan en passant par le Benelux et la Ruhr. Les grands ports du Nord que sont Rotterdam, Anvers et dans une moindre mesure Hambourg, sont adossés à un arrière-pays riche, à haute densité démographique, bénéficiant d'une industrie puissante et équipé d'un réseau d'infrastructures de communication performant. En revanche, la faible densité d'activités de leur arrière-pays explique pourquoi les ports de l'Atlantique-ouest et de Méditerranée occidentale ne jouent qu'un rôle limité. De plus, la concurrence entre les ports n'est pertinente que dans les limites de proximité des hinterlands.

2.3 La redistribution des cartes en Méditerranée : la création des « hubs »

En raison de l'éloignement des hinterlands les plus riches et les plus denses d'activités, les ports méditerranéens ont une activité moindre que leurs homologues du Nord. Ils ont gardé néanmoins un trafic spécifique avec l'Afrique et le Proche-Orient et, surtout, restent desservis par les lignes

Densités en Europe occidentale autour de 1990

Source : DATAR, « Le peuplement de l'Europe » , Hervé Le Bras, 1996.

régulières de conteneurs entre l'Asie et l'Europe dont les lignes « tour du Monde ». Cependant, les armateurs de navires porte-conteneurs, pour mieux rentabiliser leur exploitation, choisissent de n'escaler que dans un petit nombre de ports, voire un seul port, la marchandise étant transférée sur des navires plus petits : les « feeders »

L'intérêt de l'opération résulte de l'économie d'exploitation réalisée par le navire-mère, porte-conteneurs pouvant atteindre des dimensions gigantesques, malgré les coûts supplémentaires du transbordement et du transport sur les navires « feeders » de moindre capacité. Afin d'accroître l'intérêt économique de l'opération, les ports situés directement sur l'axe de circulation Suez-Gibraltar sont mieux à même d'accueillir les grandes lignes et deviennent ainsi des « hubs », c'est-à-dire des plates-formes d'éclatement des trafics de conteneurs, chargées d'approvisionner les autres ports ou de desservir directement leur hinterland.

Il est clair que cette nouvelle distribution maritime est grandement défavorable aux ports situés sur l'Adriatique ou le golfe du Lion, comme Trieste, Gênes et Marseille, qui risquent de devenir des ports « feedenses » au bénéfice des « hubs » desservis directement par les grandes lignes océaniques comme Algesiras, Malte, Gioia Tauro en Calabre et Chypre. Le développement des trafics de conteneurs de ces ports au cours des dernières années est tout-à-fait significatif à cet égard :

en 1991

en 1996

Algesiras

5,5 Mt

13,8 Mt

Gioia Tauro

0 (en 1994)

7,5 Mt

Dans le même temps, le trafic conteneurisé de Marseille progressait beaucoup plus modestement de 4,9 Mt en 1991 à 5,8 Mt en 1996 et était même dépassé par celui de Gênes qui passe de 3,3 Mt à 7,3 Mt pendant la même période.

2.4 Les pertes de parts de marché des ports français en raison des « détournements de trafic »

Le trafic global des ports français a connu une évolution caractérisée par :

Une forte progression de 1960 à 1974 qui passe de 88 Mt en 1960 à 313 Mt en 1974, un passage à un maximum de 330 Mt en 1979, un reflux à 267 Mt en 1983, puis une stabilisation autour de 300 Mt depuis la fin des années 1980.

Un déséquilibre marqué entre les entrées (75 % du trafic) et les sorties qui s'explique par les importations d'hydrocarbures et de vracs solides (charbon, minerais).

La substitution, au cours des vingt dernières années principalement de marchandises diverses et de vracs solides à des trafics pétroliers et produits énergétiques en baisse.

Des pertes de parts de marché par rapport aux ports voisins et concurrents européens.

En 1996, le trafic global des ports français métropolitains s'élevait à 298,3 Mt, en progression de 0,6 % par rapport à l'année précédente. Le trafic des ports autonomes représente 77 % du total, celui des ports d'intérêt national 20 %.

La substitution des marchandises diverses aux vracs liquides et pondéreux énergétiques a un effet bénéfique sur l'économie des ports. Les premiers sont des produits de faible valeur par rapport à leur poids, alors que les seconds sont des marchandises conditionnées de prix plus élevés et susceptibles de générer davantage de valeur ajoutée lorsque certaines opérations de distribution sont effectuées sur place.

À titre indicatif, le trafic d'hydrocarbures représentait 210 Mt en 1973, 170 Mt de 1974 à 1981 et reste inférieur à 140 Mt depuis 1983 (à signaler cependant que le trafic de gaz liquéfié a progressé de 2 à 9 Mt au cours des vingt dernières années). En compensation, les vracs solides ont augmenté de 45 Mt en 1979 à 70 Mt en 1996 et les marchandises diverses de 30 Mt à 75 Mt actuellement.

Le trafic de conteneurs a progressé également de façon notable, mais à un rythme moindre que celui des autres ports européens. Avec 18,3 Mt, le trafic total des conteneurs des ports français est nettement inférieur à celui de chacun des trois grands ports européens de trafics conteneurisé : Rotterdam 53,4 Mt, Hambourg 31 Mt et Anvers 29,5 Mt. Cette situation est d'autant plus dommageable qu'il s'agit du trafic qui conditionne grandement l'avenir international des ports. À titre indicatif, le marché européen des conteneurs a triplé au cours des quinze dernières années et, sur le « range » nord européen, Le Havre, meilleur port français avec 9,5 Mt en 1996, est passé de 12 à 8 % de part de marché.

Les pertes de part de marché sont plus faciles à mettre en évidence sur le long terme qu'à court terme. En effet, en rappelant la situation relative des grands ports européens en 1981, on se rend compte que les deux grands ports français sont les seuls à avoir vu leur situation relative se dégrader, avec la circonstance aggravante, rappelée ci-dessus, d'avoir pris du retard dans les trafics à forte valeur ajoutée 12 ( * ) (marchandises diverses, conteneurs, vracs spécifiques).

Rotterdam 244 Mt (n° 1 en 1996 avec 292 Mt)

Marseille 96 Mt (n° 3 en 1996 avec 91 Mt)

Anvers 80 Mt (n° 2 en 1996 avec 107 Mt)

Le Havre 72 Mt (n° 5 en 1996 avec 56 Mt)

Hambourg 61 Mt (n° 4 en 1996 avec 71 Mt)

Gênes 47 Mt

Londres 44 Mt

Les rapports « fact-finding » (base de données établies par enquête auprès des principaux ports européens) établis depuis 1974 par l'organisation des ports maritimes européens (ESPO), par enquête directe auprès de 80 autorités portuaires, confirment ces pertes relatives de part de marché, la part des ports français passant de 19 % en 1975 à 16 % en 1984 et 14 % en 1994.

Cependant, en excluant le trafic des hydrocarbures (disponibles pour quatre pays seulement), la part des ports français semble stabilisée.

À moyen terme, sur la période 1990-1996, l'évolution des trois grands ports français se situe dans la moyenne stable des autres grands ports européens : pas d'envolée spectaculaire, ni d'effondrement catastrophique.

Trafic total (en millions de tonnes)
Évolution 1990-1996

1990

1996

Indice

base 100 = 1990

Rotterdam

287,9

292,0

101

Anvers

102,0

106,5

104

Marseille

90,3

90,7

100

Hambourg

61,4

71,1

116

Le Havre

54,0

56,2

104

Amsterdam

49,2*

54,7

111

Londres

49,5*

52,7

106

Gênes

41,9

45,9

110

Dunkerque

36,6

34,9

96

Algesiras

28,0 *

34,2

122

Brème

30,2

31,6

105

Zeebrugge

30,3

28,5

94

* chiffres 1991 source : DTMPL

En revanche, le trafic conteneurisé des ports français reste à la traîne au niveau européen. On verra que les retards pris pour changer le régime de la manutention datant de 1947 ont contribué à cette situation. Depuis 1994, il est cependant reparti à la hausse sans toutefois avoir pu résorber son retard en terme de parts de marché. Il y a lieu aussi de signaler que dans les ports d'éclatement du trafic (« hub »), les conteneurs « feederisés » sont comptés deux fois (en entrée et en sortie) à chaque passage.

Trafic conteneurisé des six ports autonomes

Trafic conteneurisé (en millions de tonnes)

1990

1996

Indice

base 100 = 1990

Rotterdam

39,33

53,45

136

Hambourg

19,59

31,05

159

Anvers

16,30

29,46

181

Brème

11,43

45,69

137

Algesiras

5,54 *

13,78

249

Le Havre

8,34

9,52

114

Valence

3,58

7,80

218

Barcelone

4,58

7,63

167

Gênes

2,99

7,33

245

Zeebrugge

3,95

6,26

159

Marseille

5,37

5,77

107

Londres

2,98 *

3,93

132

* chiffres 1991

Les trafics détournés, c'est-à-dire les trafics en provenance ou à destination du territoire français et transitant par des ports étrangers (essentiellement Anvers ou Rotterdam), ont fait l'objet de considérations mettant en avant les caractères anormal et préjudiciable de cette situation, favorisée en outre par le développement plus marqué en France des axes autoroutiers Nord-Sud ou par les conflits sociaux de longue durée qui sévissent dans les ports français.

Il est plaisant de remarquer sur ce thème que les responsables du port d'Anvers se plaignent amèrement qu'une part importante des marchandises wallonnes sont « détournées » par le port de Rotterdam. Depuis 1992, l'ouverture totale des frontières et la disparition des statistiques douanières ont atténué les récriminations. De plus, ces « détournements » limitent la vulnérabilité des ports lors des conflits sociaux de longue durée. La dernière année connue, le trafic français détourné était estimé à 20 Mt, soit 7 % du trafic total, ce qui est relativement modeste. Cependant, en valeur, ce trafic représentait 21 % de l'ensemble, ce qui s'explique, d'une part, par la nature des trafics captifs dans les ports français (peu de marchandises diverses) et, d'autre part, par le fait que les marchandises à haute valeur ajoutée sont sans doute plus sensibles à la fiabilité et à la qualité du service.

En 1989, la banque de données SITRAM (Système d'information sur les transports de marchandises) a analysé le trafic maritime français par région et par port. Il apparaît que les régions les plus « disputées » par les ports d'Anvers et Rotterdam sont par ordre de décroissance :

la Lorraine avec

62 % de son trafic en valeur

la Champagne-Ardenne

42 %,

le Nord

40 %,

la Picardie et l'Alsace

35 %,

la Bourgogne

31 %,

l'Île-de-France

24 %,

la région Rhône-Alpes

17 %.

Cette liste montre bien l'influence décisive du facteur géographique de proximité et des infrastructures de transport terrestre à la fois fluviales (le Rhin, la Meuse et l'Escaut) et autoroutières, et relativise le caractère « détourné » du trafic correspondant. Le port « naturel » de transit est bien celui qui offre le meilleur compromis prix-temps-qualité de service pour le trajet de bout au bout (c'est-à-dire y compris les acheminements terrestres et le parcours maritime).

Au total, les responsables du transport de marchandises agissent en fonction de leur intérêt économique et l'objectif parfois évoqué de reconquête du trafic ne peut concerner qu'une fraction des trafics considérés comme détournés, de l'ordre de quelques millions de tonnes en volume de marchandises. Toutefois, la haute valeur ajoutée de ces trafics fait que le jeu en vaut la chandelle, d'autant plus qu'une meilleure compétitivité de nos ports serait de nature à y attirer un trafic de transit pour les pays sans littoral. Au contraire, l'absence de compétitivité entraînerait des délocalisations d'industries des zones portuaires qui seraient lourdes de conséquences pour l'économie.

3. Incidences des stratégies armatoriales pour les ports

3.1 Les regroupements en méga-alliances et consortia

Depuis le début des années 1990, les compagnies maritimes se regroupent en nouvelles alliances, afin d'assurer une meilleure maîtrise de la chaîne totale des transports et de réaliser des économies d'échelle liéest à la massification des flux de marchandises. Plus récemment depuis 1995, ces alliances ont été bouleversées, avec éclatement et redistribution des grands groupes, la raison essentielle tenant à la forte pression qui règne sur les taux de fret (c'est-à-dire les prix du transport maritime). Ceux-ci se sont effondrés sur les lignes entre l'Europe et l'Asie, passant d'environ 1 700 $ en 1990 à 500 $ en 1997 par conteneur transporté. Pour faire face à cette évolution, les ententes se sont faites encore plus puissantes et on a vu apparaître de nouveaux regroupements géants appelés méga-alliances : par exemple APL (E.U.) et NOL (Singapour), Nedlloyd (Pays Bas) et P&O (R.U.), Maersk (Danemark) et Sealand (E.U.). Il faut savoir enfin qu'actuellement la plupart des consortia perdent de l'argent, ce qui fragilise surtout ceux cotés sur les marchés financiers, les actionnaires n'étant pas habitués à la faiblesse des performances.

La nouvelle organisation de l'exploitation des lignes régulières fait qu'il y a des bateaux de plus en plus gros qui desservent un nombre plus limite de ports. Les lignes maritimes sont organisées en « boucles » et, afin de limiter la durée et partant les coûts d'exploitation, le nombre de ports desservis est réduit : un transbordement de la marchandise est effectué à partir de ces « ports de base » sur des navires plus petits à destination des « ports secondaires » ou « alternatifs ». D'autres techniques dérivées sont également mises en oeuvre comme l'organisation d'un service pendulaire, sous forme de « hub and spokes » ou d'« intersection », l'idée générale étant toujours d'effectuer un transfert de fret à partir d'un port d'éclatement sur des navires « feeders » vers des destinations secondaires. La rentabilité globale du système est atteinte à partir du moment où les coûts supplémentaires de manutention et de pré et post-acheminement sont inférieurs aux économies réalisées par l'armateur sur le transport purement maritime.

Un port à vocation internationale a tout intérêt à devenir un port de transbordement, car il augmente ainsi considérablement son trafic, ce qui a des effets sensibles sur les recettes perçues et le niveau de l'emploi de l'ensemble de la communauté portuaire.

Cependant, ce ne sont ni la puissance publique ni l'autorité portuaire qui décident seuls de la position d'un port au regard du commerce maritime mondial. Outre le potentiel de trafic généré par l'hinterland proche, le choix du port touché dépend parfois de la localisation de bureaux ou d'investissements d'un armement dans un port (implantation d'Hapag Lloyd à Hambourg par exemple), mais aussi et surtout de l'ensemble des conditions techniques et économiques qui sont proposées par le port. Cela signifie de bonnes performances en termes de manutention, de traitement du passage de la marchandise dans le port, y compris le traitement administratif. L'objectif est d'accélérer le passage du navire dans le port, tout en diminuant autant que possible le coût d'escale.

Cela signifie également pouvoir offrir des capacités d'accueil et de traitement d'un surcroît de conteneurs. Un armement peut décider très rapidement de supprimer ou ajouter une escale à ses tournées, que ce soit à titre définitif ou parce qu'un problème temporaire se pose dans l'un des autres ports habituellement touché... Qu'est-ce qu'une escale pour une compagnie qui en dessert plus d'une centaine dans le monde ? L'armateur ira toujours là où on pourra accueillir ses navires dans des conditions intéressantes. Par conséquent, un port doit être capable de réagir et de s'adapter en un temps très court.

Le port se trouve alors confronté à deux problèmes principaux :

- construire une nouvelle infrastructure dans un port prend du temps (environ 5 ans, parfois plus) car il faut monter le projet, faire les études préalables, chercher le financement, et réaliser l'équipement. L'armement demandeur, surtout s'il est indépendant, n'attendra pas et s'implantera ailleurs. Il sera ensuite difficile de le faire changer s'il est satisfait... Les ports qui se développeront comme sites d'accueil des porte-conteneurs géants seront donc ceux qui, tout en offrant le tirant d'eau nécessaire, auront fini de construire les infrastructures nécessaires lors de l'arrivée des navires actuellement en chantier ;

- il faut trouver l'argent nécessaire à la construction ou à l'adaptation d'infra- ou superstructures. Les modalités de financement du système portuaire français (voir deuxième partie) rendent ces opérations souvent longues à mettre en place. La réactivité du dispositif est inférieure à celle des ports voisins d'Europe du Nord qui bénéficient en général d'une unité de gestion au moins aussi efficace que dans nos ports autonomes, qu'elle soit communale ou fédérale et, surtout, d'une qualité et d'une compétence commerciale de leurs opérateurs privés.

Dans ces conditions, le port peut être tenté de financer sur ses ressources propres les équipements qu'il estime nécessaire en escomptant des rentrées plus abondantes de droits de port. Dans ce cas, le risque de déséquilibre financier est grand si le trafic espéré n'est pas au rendez-vous.

Enfin, les armements exercent une très forte pression sur les ports pour qu'ils réduisent les coûts généraux de passage de la marchandise. Comme il est difficile de faire baisser les coûts d'escale des navires eux-mêmes (droits de port...), la seule solution paraît être de réduire le coût à la boîte. Pour cela, il faut augmenter le nombre de conteneurs manutentionnés dans le port pendant l'escale, sans générer de coûts de transport supplémentaire : donc augmenter le trafic de transbordement. Ceci est encore plus vrai lorsque l'armement, du même coup, se trouve à même de réduire le nombre d'escales du navire sur la ligne.

3.2 La croissance de la taille des navires porte-conteneurs, une opportunité pour Le Havre, un risque pour Marseille

La capacité des navires porte-conteneurs est un élément important du choix de la destination portuaire. Longtemps, la taille a été limitée au gabarit permettant le franchissement du canal de Panama c'est-à-dire 290 m de long, 32 m de large et un emport de 2 500 EVP (boîtes équivalent vingt pieds). Dans les années 1980, apparaissent sur les liaisons transpacifiques les premiers navires « over-panamax » de 4 500 EVP. Actuellement, le plus grand navire en service atteint 6 000 EVP. Il a pu faire, récemment, une escale inaugurale au Havre, alors que cette possibilité est exclue à Anvers Port d'estuaire. Des commandes de navire de 7 000 EVP sont en cours. Selon le représentant du CCAF (Comité central des armateurs de France), cette fuite en avant dans le gigantisme n'est pas inéluctable, comme le montre la disparition des pétroliers géants des années 1970.

En tout état de cause, cette évolution est grandement favorable au port du Havre, qui bénéficie d'un tirant d'eau et d'une facilité d'accès le rendant accessible en tous temps aux plus grands navires. En outre, il épargne aux armements les difficiles conditions de navigation dans le Pas-de-Calais et profite ainsi de sa position de premier port touché à l'import et dernier port à l'export. Il présente le temps de transit le plus rapide entre l'Europe et l'Asie pour les ports de la rangée nord-européenne. Malgré des handicaps, qui seront décrits par ailleurs, les armateurs installés sur les lignes Europe-Asie ont sélectionné comme ports de desserte en 1997 pour leur compagnie respective : Rotterdam avec 17 escales. Le Havre avec 15 escales, Hambourg avec 13 escales, Felixstowe avec 9 escales, Southampton avec 7 escales, Anvers avec 4 escales, Brème avec 4 escales.

Au total, on voit bien que Rotterdam est un point de passage obligé et que le choix, toujours susceptible d'être remis en cause, des autres ports se circonscrit à Hambourg, un port britannique et Le Havre, s'il peut offrir un niveau de service satisfaisant aux exigences des armateurs.

En Méditerranée, la situation est différente. Les ports qui sont situés à l'écart de l'axe Suez-Gilbratar sont en grand danger d'être abandonnés par les grandes lignes océaniques, qui préfèrent utiliser les « ports-hubs » et ainsi rendent les ports de la côte nord du Golfe du Lion « feederisés », c'est-à-dire desservis par ces navires de moindre taille tributaires de navire-mère escalant au sud de l'Europe.

Cependant, la partie n'est pas définitivement jouée et les évolutions de la stratégie armatoriale peuvent constituer une opportunité de développement pour le port de Marseille. En effet, la stratégie des grandes alliances conduit, d'une part, à la recherche de l'exclusivité d'un seul opérateur sur un site de correspondance (le « hub ») et, d'autre part, à la mise sur le marché de l'affrètement de navires encore performants et compétitifs d'une capacité de l'ordre de 2 500 EVP (à l'occasion de l'arrivée des PC géants). Les armements moyens, écartés par cette stratégie, auront la possibilité de se développer en reprenant ces navires pour la desserte des ports à hinterland. Parallèlement, les grands chargeurs ne souhaiteront pas forcément se mettre en position de dépendance trop forte vis-à-vis des armateurs, afin de répartir les risques. Ils préféreront favoriser la desserte directe de leurs ports et de leurs marchés en essayant de regrouper leurs trafics pour offrir aux armements suffisamment de marchandises à chaque escale.

Dans un contexte où les échanges internationaux maritimes Extrême Orient-Europe, particulièrement dynamiques, empruntent le canal de Suez, les ports méditerranéens ont un atout important à faire valoir : la réduction de la durée du voyage maritime (4 à 5 jours minimum relativement aux ports du Nord)-Cette réduction représente pour l'armateur une économie en capital (de l'ordre de 1 navire économisé sur 7 ou 8) et pour le chargeur une diminution du transit time de 4/5 jours. Ces éléments devraient encourager une desserte directe des ports de Méditerranée occidentale. La desserte terrestre par le sillon rhodanien pourrait aussi inciter certains armateurs, si Marseille intensifie ses efforts d'amélioration de la qualité de service, à choisir ce port comme porte d'entrée sur l'Europe.

3.3 La conteneurisation et la « feederisation » engendrent une hiérarchisation parmi les ports.

La progression au niveau mondial en cours et prévisible à moyen terme du trafic (estimé à 7 % par an jusqu'en 2005) provoque et va amplifier un reclassement entre les ports. Certains ports seront des ports principaux, accueillant les lignes régulières transocéaniques et répartissant une partie des trafics en dehors de leur hinterland naturel sur des navires feeders qui approvisionneront des ports secondaires ou feederisés. Cette feederisation ne constitue nullement une déchéance et peut engendrer un trafic moins massifié mais producteur d'une valeur ajoutée appréciable, d'autant que la valeur ajoutée à la boîte manutentionnée est probablement supérieure pour une boîte « feedérisée » que pour une boîte « transbordée ».

À un niveau inférieur, certains ports comme Brest en France tentent de devenir des « hubs » secondaires, point d'éclatement du trafic entre la péninsule ibérique d'une part, le Royaume-Uni et l'Irlande d'autre part. Cette stratégie n'a pas encore démontré sa viabilité.

En tout état de cause, s'il est important de laisser chaque port maître de sa propre stratégie commerciale, il revient à l'État de veiller à la coordination des initiatives locales et éviter les surenchères trop fortes entre ports voisins, génératrices de suréquipements (en quais et portiques principalement) difficiles à rentabiliser. L'État doit être d'autant plus sélectif qu'il finance largement les infrastructures routières et ferroviaires supportant la circulation des conteneurs à destination des ports.

3.4 Les opportunités offertes par le cabotage et l'exploitation des niches

La hiérarchisation des ports par la conteneurisation et la feederisation ne signifie pas que les autres ports sont condamnés à péricliter. En tout état de cause, les trafics de vracs liquides et solides entraînent une dominante dans l'activité de certains ports : pétroliers, sidérurgiques, céréaliers, etc. De plus se développent certains créneaux de trafic, appelés niches, et qui sont clairement du ressort de la politique commerciale des responsables portuaires. Ils correspondent à la structure de l'armement naval français organisé en quelques compagnies de taille modeste qui souhaitent conserver leur indépendance et exploitent des lignes un peu à l'écart des grands courants maritimes internationaux. On peut citer les trafics fruitiers (Dieppe, Port Vendres), agro-alimentaires (Brest, Bayonne), engrais (Saint Malo, Rochefort, Rouen, Sète) automobiles (Cherbourg), de bois (Cheviré, La Rochelle) et même de passagers (Nice, Toulon, Ajaccio) pour lesquels certains ports développent un savoir-faire apprécié des chargeurs.

Le cabotage maritime est souvent évoqué comme un créneau de développement du trafic de marchandises dans un contexte d'aménagement du territoire et de lutte contre les nuisances du transport routier de marchandises. Il consiste dans le transport de marchandises depuis un port européen jusqu'à un point du territoire européen ou vice-versa, c'est-à-dire sur des distances que l'on peut qualifier de « continentales ».

Lorsque ce transport doit traverser la mer pour toucher une île, il bénéficie d'avantages concurrentiels évidents, même si un autre mode existe (exemple du Tunnel sous la Manche). Lorsque le transport doit s'effectuer de port à port, le long d'une même côte, le cabotage bénéficie encore d'une bonne compétitivité/prix.

Néanmoins, il est déjà en butte à la concurrence des « transports terrestres » : canal, conduite, fer et surtout route, ce qui indique que des facteurs « prestations » interviennent en plus des facteurs « prix ». Ce phénomène s'accentue au fur et à mesure que le point de destination finale se situe à l'intérieur des terres, puisqu'un transport terminal par la route est de toute manière nécessaire (voir encadré ci-après).

On estime que la part de marché de la route sur les trajets intérieurs français est de l'ordre de 75 % (en tonnage), ce qui peut s'expliquer, d'une part, par le niveau de qualité/prix de ce mode, d'autre part, par les distances à parcourir correspondant le plus souvent à des distances inférieures à 150/300 kilomètres. Les autres modes terrestres et notamment en France le fer, bénéficient, sans toutefois évincer la route, d'avantages compétitifs lorsque les flux peuvent être massifiés. Les parts de marché toutes distances hors réseau de conduites, sont estimées être de l'ordre de 15 % pour le fer, négligeables pour le cabotage maritime.

Peut-on raisonnablement imaginer un basculement radical des parts modales au détriment de la route, et en faveur d'autres modes au nombre desquels figurerait (mais seulement parmi les autres) le transport maritime de courte distance ?

Le mode routier est en effet critiqué à divers égards :

- son essor entraîne des congestions de trafic

- il est réputé ne pas payer ses coûts externes négatifs

- il est irrespectueux des lois et règlements sociaux et de sécurité

Globalement, la France n'est pas un pays congestionné : mais ponctuellement, des congestions apparaissent à certaines périodes, notamment sur l'axe Nord-Sud, et dans les zones de grandes agglomérations. Pour lutter contre elles, la construction d'infrastructures supplémentaires est généralement prévue. Les voies rapides sont économiquement justifiées lorsqu'elles sont destinées à lutter contre la congestion, puisque rentabilisées par l'abondant trafic qui y circule. D'autres autoroutes répondent plutôt à une logique d'organisation du territoire, mais ne sont pas pour autant propres à promouvoir le cabotage maritime compte tenu de leur localisation (autoroute des « Estuaires ») et peuvent même l'inhiber.

En outre, une tarification correcte des charges d'infrastructures pour le transport routier de marchandises, insuffisante au moins pour les trajets hors autoroutes, ainsi que la prise en compte des règlements sociaux et de sécurité (application des règles du « contrat de progrès ») permettraient de rétablir quelque peu les règles de la concurrence entre la route et les modes alternatifs. Mais ce rééquilibrage ne pourrait être que partiel d'autant plus qu'il y a débat sur la couverture des charges d'infrastructures par la navigation fluviale et les trains de fret.

Cela ne bouleverserait pas fondamentalement la hiérarchie des modes, tant la route est hégémonique à courte distance (là où est l'essentiel du marché) et présente à plus longue distance. Dans le même temps, il est à supposer que les autres modes ne resteraient pas inactifs (trains-blocs, construction de canaux à grand gabarit), de sorte que le cabotage maritime possède surtout un potentiel sur les plus longues distances continentales. D'ores et déjà, des expériences de feedering rapproché sont en cours (exemple Le Havre-port du Légué, ou Le Havre-Lorient). De son côté, la CRPM (Conférence des régions périphériques maritimes) qui regroupe 109 régions européennes préoccupées par la mise en valeur des espaces littoraux et s'efforce de promouvoir et redéployer le transport maritime européen. Enfin, l'Union européenne cherche véritablement à développer le cabotage maritime de courte distance (Short Sea Shipping) et préconise que progressivement le transport routier paye l'intégralité des charges qu'il génère. Aussi, convient-il de suivre avec une attention particulière les évolutions européennes dans ce domaine.

4. Les trafics des ports français

4.1 Décroissance des hydrocarbures et émergence des marchandises diverses

Comme indiqué précédemment, le trafic commercial de marchandises dans les ports français métropolitains est de 300 millions de tonnes par an, soit autant que Rotterdam, premier port mondial. Les optimistes apprécieront la masse globale, les pessimistes remarqueront la dispersion de ce résultat sur plusieurs dizaines de ports. Ce trafic stagne depuis 1973, avec des hauts (maximum 331 Mt en 1979) et des bas (minimum 267 Mt en 1983), alors que la période précédente avait été témoin de progressions spectaculaires. Le trafic était en effet passé de 50 Mt en 1950 à 100 Mt en 1962 pour ensuite croître en moyenne de 10,5 % par an jusqu'en 1973, année du premier choc pétrolier.

Les tonnages totaux sont en effet fortement influencés par les trafics de produits pétroliers, principalement des importations de produits pétroliers bruts. Au total, les produits pétroliers s'élèvent à 140 Mt, dont 125 Mt à l'importation, ce qui explique largement pourquoi, tous produits confondus, les entrées dans les ports (215 Mt) sont très supérieures aux sorties (82 Mt). Le trafic pétrolier, quant à lui, est passé de 50 Mt en 1960 à 214 Mt en 1973, puis a stagné aux alentours de 190 Mt après le choc pétrolier, pour chuter à 150 Mt avec le second choc pétrolier. Depuis lors, le trafic pétrolier est en lente régression, s'étant élevé à 139 Mt en 1995.

Les trafics autres que les produits pétroliers (autres vracs liquides, vracs solides, marchandises diverses) sont quant à eux en progression plus nette (41 Mt en 1961, 81 Mt en 1973, 130 Mt en 1980, 155 Mt en 1989), mais en stagnation depuis lors. Cette progression globale est surtout due aux marchandises diverses (75 Mt en 1995 contre 30 Mt en 1973, soit un taux de progression annuel de 7,9 %). Parmi les marchandises diverses, le trafic de conteneurs (17 Mt en 1995 mais 18,3 Mt en 1996), qui est considéré comme un trafic d'avenir, porteur de forte valeur ajoutée, ne croît que de 2,9 % par an de 1987 à 1995 (contre 3,7% pour l'ensemble des marchandises diverses).

Trafic des ports métropolitains

Au total, sur la dernière période, la stagnation globale est le résultat d'une lente décroissance du trafic pétrolier, amorti par une progression des marchandises diverses.

4.2 Des perspectives de trafic en croissance, surtout pour les marchandises diverses

Le Service économique et statistique (SES) du ministère des Transports a élaboré en 1996 le document « Perspectives d'évolution de la demande de transports à l'horizon 2015 » , destiné à l'élaboration des schémas directeurs d'infrastructures de transport prévus par la loi d'orientation du 4 février 1995. Les projections de trafic contenues dans cette étude sont principalement fondées sur trois scénarii de développement économique, qui se différencient essentiellement par l'ouverture de l'économie française aux marchés extérieurs qui conditionne la vigueur de sa croissance. De ce fait, le scénario intitulé « Monde » suppose une croissance du PIB de 2,9 % par an entre 1993 et 2015, le scénario « Europe », de 2,4 % par an et le scénario « France », de 1,9 % par an. Le tableau ci-après indique les prévisions de croissance des importations et des exportations pour chaque scénario.

Taux de croissance annuel moyen

1973-1993

Scénarios 1993-2015

« Monde »

« Europe »

« France »

Importations

3,4 %

5,6 %

4,4 %

3,1%

Exportations

4,4 %

5,9 %

4,5 %

2,6 %

L'application de ces données de base au trafic portuaire, effectuée par la Direction des ports, aboutit à la conclusion que le trafic entre 1994 et 2015 pourrait croître en moyenne de 0,6 à 2,7 % par an, ce qui correspond à une fourchette assez large de 345 à 530 Mt en 2015 (voir tableaux ci-après).

Tableau des évolutions projetées
des trafics portuaires à l'horizon 2015

Chapitre NST
Imports + exports

Évolution annuelle

1974-1994

Tonnage 1994

Taux de moyen croissance annuelle 1994-2015 (en %)

Monde

Europe

France

Pr. agricoles animaux vivants

+ ,5 %

19,1 Mt

+ 2,4

+ 1,4

+ 1,6

Denrées aliment et fourrages

+ ,6 %

15,9 t

+ 3,8

+ 2,8

+ 2,1

Combustibles minéraux solides

+ ,8 %

11,3 Mt

+ 4,0

+ 1,4

+ 0,3

Produits pétroliers

-1,9%

146,2 Mt

+ 1.6

+ 0,7

-0,2

Miner. & déchets pr la métall.

+ ,4 %

21,3 Mt

+ 1,5

+ 0,8

+ 0,0

Produits métallurgiques

+ 1,7%

5,6 Mt

+ 1.8

+ 1,0

- 0,2

Minéraux et mat. de construction

+ ,6 %

12,0 Mt

+ 0,5

+ 0,2

- 0,1

Engrais

- 1,2%

6,0 Mt

-0,1

-0,2

- 0,4

Produits chimiques

+ ,9 %

11,7 Mt

+ 5,1

+ 3,5

+ 2,5

Produits manufacturés

+ ,3 %

44,2 Mt

+ 5,7

+ 3,1

+ 1,4

Trafic total

+ ,0 %

303,3 Mt

+ 2,7

+ 1,3

+ 0,6

Source : SES, ministère des Transports, septembre 1996

En supposant que le mode de conditionnement des produits reste stable dans les vingt prochaines années par filière de marchandises, l'étude a calculé des projections de trafic par mode de conditionnement, d'après les projections obtenues par filières de marchandises. Les résultats en seraient les suivants (voir tableau ci-après).

Mode de conditionnement

Taux de croissance annuelle
moyen 1994-2015 (en %)

Scénarios

« Monde »

« Europe »

« France »

Vracs liquides

+ 1,9

+ 0,9

+ 0,0

Vracs solides

+ 2,3

+ 1,2

+ 0,7

Marchandises diverses

+ 4,9

+ 3,1

+ 1,4

dont conteneurs

+ 4,6

+ 3,0

- 1,6

Source : SES, ministère des Transports, septembre 1996

Un exercice du SES réalisé avec les mêmes hypothèses conduit à des projections égales ou légèrement supérieures à celles de la Direction des ports.

Les trafics de marchandises diverses pourraient ainsi croître de 1,5 % a 5,0 % par an, selon les différents scénarios envisagés, stimulés par la croissance des économies dynamiques d'Asie, de la Chine, de l'Inde et de l'Indonésie, qui selon une étude récente de l'OCDE, devraient réaliser en 2010 plus de 45 % de la production mondiale.

4.3 Les six ports autonomes et Calais traitent l'essentiel du trafic

La deuxième partie de ce rapport exposera les différences de statuts entre ports français qui distinguent les ports autonomes (PA), les ports d'intérêt national (PIN) et les autres ports.

Bien que la pertinence de ces appellations puisse être sujette à discussion

- les PIN (ainsi que certains PA) n'ont, en général, qu'une fonction régionale -, elles traduisent en tout cas la hiérarchie des trafics puisque les six PA métropolitains (Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes-Saint-Nazaire, Bordeaux et Marseille) totalisent 78 % des tonnages avec 233 Mt, alors que pour les dix-sept PIN, le pourcentage est de 20 % avec 61 Mt et pour les autres ports de moins de 2 % avec 4,8 Mt. Ces pourcentages sont a moduler lorsqu'on considère que le trafic des produits pétroliers, très largement contraint par la demande nationale, est concentré à 94 % dans les PA ; trafics pétroliers exclus, ils deviennent respectivement égaux à 63 %, 34 % et 3 %.

Par ailleurs, la position des PIN est plus forte en matière de trafics de marchandises diverses, à plus forte valeur ajoutée, puisqu'ils voient passer 50 % de ces trafics (avec 37 Mt), ces bonnes positions étant surtout le fait des marchandises diverses autres que conteneurs, puisque, pour ces derniers, les PA totalisent 98,8 % du trafic total (18,3 Mt).

Dans cette analyse, le PIN de Calais occupe une place particulière par son trafic total (24,9 Mt en 1996) supérieur ou égal à trois PA sur six :

- par la proportion de ce trafic occupée par les marchandises diverses (96 %)

- par l'origine ou la destination de ce trafic principalement transmanche (à l'instar d'autres ports, tel Boulogne sur Mer qui a beaucoup souffert du Tunnel sous la Manche avec une baisse de 44 % en 1995).

- par l'importance de son trafic passagers pour ou en provenance de l'Angleterre (18 millions).

Le PA de Marseille-Fos (90,7 Mt en 1996), premier port français en tonnage, seul grand port français de la Méditerranée, a vu passer 62,3 Mt de produits pétroliers, soit 69 % de son trafic, ce qui atténue les performances relatives des autres produits. Il voit néanmoins passer 13,7 Mt de vracs solides (2ème place française), 11,7 Mt de marchandises diverses (3ème place française), dont 5,8 Mt de conteneurs (2ème place française). Ces derniers parviennent de plus en plus par navire feeder après avoir été dégroupés dans un autre port méditerranéen (technique du « hub »).

Le PA du Havre (56 Mt en 1996), premier port français de la façade atlantique, jouit d'un positionnement intéressant dans le « Northern Range » (ports situés entre Le Havre et Hambourg sur la Mer du Nord), puisque premier desservi par les lignes régulières à l'aller, et dernier desservi au retour. Comme Marseille, l'essentiel de son trafic (65 %) est compose de produits pétroliers destinés principalement au raffinage.

Il conserve néanmoins un important trafic de « diverses » (13,6 Mt), dont l'essentiel (70 %) consiste en un trafic de conteneurs (1er port français, avec un chiffre dépassé de 1 million d'EVP 13 ( * ) en 1996).

Le PA de Rouen (18,1 Mt) est situé côté amont de l'estuaire de la Seine et jouit d'une situation privilégié par sa proximité du marché parisien. À l'exportation, Rouen est le premier port céréalier d'Europe.

Le PA de Nantes-Saint-Nazaire (24,7 Mt) voit passer également une proportion de 61 % de produits pétroliers.

Port autonome de Nantes-Saint-Nazaire

Trafic des hydrocarbures (en millions de tonnes)

Le PA de Bordeaux (8,7 Mt) a vu son trafic baisser considérablement depuis la fermeture de trois raffineries de pétrole. Néanmoins, le trafic de produits pétroliers (voir graphique) représente 51 % de ses tonnages principalement grâce à des entrées de produits raffinés. Comme pour Nantes-Saint-Nazaire, sa zone d'influence est surtout régionale.

Port autonome de Bordeaux

Trafic des hydrocarbures (en millions de tonnes)

Le PA de Dunkerque (39,4 Mt en 1995, mais 34,9 Mt en 1996) se caractérise par d'importantes entrées de vracs solides (18,1 Mt) destinées à ses usines de sidérurgie et d'aluminium. Il a souffert de l'ouverture du Tunnel sous la Manche, notamment pour le trafic de passagers et de voitures accompagnées. Les évolutions du trafic 1997 marquent une progression probable du fret de 12 %, dont plus de 30 % pour les marchandises diverses.

4.4 Les risques de concurrence interne et les possibles complémentarités entre ports français

Les différentes catégories de trafic sont chacune partiellement substituables d'un port à l'autre, d'une part, parce que ceux-ci disposent d'installations destinées à un même usage, d'autre part, parce que les zones de dessertes (les hinterlands) ont des zones de recouvrement entre ports. C'est ainsi que s'observent des situations de concurrences mutuelles entre deux ou plusieurs ports. De telles situations, propres à générer chez chacun d'eux, des efforts de compétitivité, sont recevables lorsqu'il s'agit de concurrence entre deux ports de pays différents et elles sont même encouragées par l'Union européenne qui a pris acte de la dimension concurrentielle de 1'activité portuaire. Elles seraient également compréhensibles entre deux ports français si le marché était parfait et si n'intervenaient pas des financements publics.

Cela n'étant pas le cas, il est hautement souhaitable que des investissements et certaines actions commerciales dans des ports voisins soient cordonnées de manière à éviter des surinvestissements ou des doubles emplois.

En matière de coopération entre ports, l'exemple le plus souvent cité comme étant souhaitable est celui du Havre et de Rouen, tous deux proches et situés dans l'estuaire de la Seine - leur fusion ayant été envisagée à une époque - et dont les activités sont complémentaires pour la plupart, concurrentes pour certaines d'entre elles.

Sans anticiper sur la description des investissements portuaires, qui sera évoquée plus loin, on peut remarquer que l'important projet de terminal à conteneurs du Havre, appelé « Port 2000 », qui pourrait mobiliser 1,4 milliard de francs, coexiste avec le projet du port de Rouen d'un terminal à conteneurs et marchandises diverses (qui serait certes positionné sur les trafics Nord-Sud), ainsi d'ailleurs (toutes proportions gardées) qu'avec la plate-forme multimodale de Brest (66 MF dont 30 % de FEDER) qui aurait l'ambition de devenir un centre d'éclatement de conteneurs.

De même, le port de Rouen a participé financièrement à la création d'un terminal sucrier qui concurrence directement celui du Havre, qui l'a précédé de quelques années.

Dans un autre ordre d'idée, on peut observer des développements concurrents et incompatibles d'informatique portuaire (PROTIS à Marseille, ADEMAR au Havre, ARCANTEL en projet pour les ports atlantiques).

Ainsi, sans renier les effets vertueux de la concurrence bien comprise, plusieurs intervenants pensent qu'il serait souhaitable que les pouvoirs publics incitent à un rapprochement de certains groupes de ports voisins. Le rapport Dupuydauby, en 1995, proposait un développement commun entre, d'une part, Dunkerque, Boulogne et Lille (port fluvial), d'autre part, Le Havre et Rouen.

Aussi, sans aller jusqu'à la solution de la fusion, les ports de Rouen et du Havre ont recréé, en 1996, une Commission interportuaire de la Basse-Seine, placée sous la présidence commune des Préfet et Président de région. Cette commission a avalisé un GIE préconisé par le rapport Franck qui permettra d'avancer dans des mesures de coordination souhaitables. Les projets de ce GIE sont notamment :

- une amélioration du service de trafic maritime,

- une coordination en matière de dragage,

- des études techniques et économiques communes,

- un nouveau développement de l'outil informatique ADEMAR,

- un code de bonne conduite entre les deux ports en matière de tarifs et d'investissements.

5. L'économie des ports et du passage portuaire

5.1 L'importance économique directe : forte décroissance des emplois et part très limitée de la dépense de transport

L'importance économique directe des ports peut être appréciée par quelques éléments quantitatifs 14 ( * ) tels que ceux décrivant leur rôle dans le commerce extérieur ou les emplois directs générés. Ils peuvent être également mesurés par des flux monétaires, ce que permet depuis peu la mise au point en cours du compte satellite des transports élaboré sous l'égide de la Commission des comptes des transports de la nation.

En ce qui concerne le commerce extérieur, la valeur des marchandises importées ou exportées par les ports français a été en 1991 de 625 milliards de francs, dont un peu plus des 2/3 par les ports autonomes (31 % par le seul port du Havre). Les ports maritimes assurent la moitié du tonnage de commerce extérieur et un peu moins du quart en valeur. À noter que la valeur des marchandises transitant par Anvers et Rotterdam est de 161 milliards de francs (valeur 1989

Les emplois portuaires directs concernent le personnel des établissements portuaires et des professions portuaires des six PA et des 17 PIN estimés en 1991 à 45 400 et en 1995 à 29 500 (voir tableaux ci-après).

Emplois portuaires directs métropolitains en 1991

Ports autonomes

Ports d'intérêt national

Total

Établissements portuaires

- personnels des ports autonomes

- personnels des CCI

6 800

1 500

6 800

1 500

Professions portuaires

- pilotage, remorquage, lamanage

- agences maritimes, consignation et courtage, transit et commissionnaires en douane

- armements

- manutention

- dockers

- divers (gardiennage, avitaillement, pompiers...)

2 000

8 800

4 600

3 800

6 600

2 700

500

1 700

2 100

900

1 700

100

2 500

10 500

6 700

4 700

8 300

2 800

Totaux

35 300

10 100

45 400 (*)

Source : Direction des ports et de la navigation maritimes

(*) non compris les services administratifs (douanes et police portuaire).

Emplois portuaires directs métropolitains en 1995

Ports

autonomes

Ports d'intérêt

national

Total

Établissements portuaires

- personnels des ports autonomes

- personnels des CCI

5 730

5 730

1 490

1 490

7 220

5 730

1 490

Professions portuaires

- pilotage, remorquage, lamanage

- armements, agences maritimes,

consignation et courtage, transit et

commissionnaires en douane

- manutention

- dockers mensualisés et

intermittents actifs

- divers (gardiennage, avitaillement,

pompiers...)

17 374

1 960

9 769

715

3 123

1 807

4 940

490

3 539

161

643

107

22 314

2 450

13 308

876

3 766

1 914

Totaux (*)

23 104

6 430

29 534

Source : enquêtes de la Direction du Transport Maritime, des Ports et du Littoral

(DTMPL).

(*) non compris les services de l'État (douanes, police portuaire, etc.).

La comparaison des tableaux 1991 et 1995 pose un certain nombre de problèmes techniques. Le premier, réalisé il y a plusieurs années, semble contenir des doubles comptes, le second résulte d'une étude rapide que vient d'effectuer la DTMPL moyennant quelques hypothèses sur les personnels des entreprises de manutention (hors dockers). Néanmoins nous pouvons constater qu'entre les deux années, les effectifs ont baissé sensiblement, du fait notamment de la réforme de la manutention (3 766 dockers au lieu de 8 300), et des efforts de productivité des établissements portuaires autonomes. Les autres métiers liés aux ports ont également régressé significativement en matière d'effectifs.

Le compte satellite des transports, dont les plus récentes précisions ont été fournies en mars 1997, présente une estimation des dépenses courantes et en capital pour chaque mode disponible en l'état actuel pour les seules années 1987 et 1992. La dépense courante est dite nationale lorsqu'elle se réfère aux dépenses réalisées en France ou à l'étranger par des agents économiques résidant en France, elle est dite intérieure lorsqu'elle porte sur les dépenses en France des résidents et des non-résidents, ce qui correspond bien aux activités des professions portuaires. Sur ces bases et en francs courants, la dépense courante intérieure de passage portuaire s'élève en 1992 à 8,2 milliards de francs, tandis que la dépense en capital (investissements) s'élève à 1,6 milliards de francs (voir tableau ci-après).

Dépenses intérieures de passage portuaire en 1987 et 1992

en millions de francs courants

1987

1992

Dépense courante

6 550

8 202

gestion des ports

3 659

4 381

Valeur ajoutée des professions portuaires

2 891

3 799

autres transferts non pris en compte

0

22

Dépense en capital

1 206

1 623

gestion des ports

808

1 321

dont transferts administrations publiques

354

423

Autres professions portuaires prises en compte

398

301

Source SES

Ce chiffre de 8,2 milliards de francs de dépense courante 1992 est sous-estimé, car il ne prend pas en compte certaines prestations et, en particulier, le pilotage, le remorquage et le lamanage. Un ordre de grandeur de 9,5 milliards de francs serait plus représentatif de la réalité.

On voit sur le tableau que la gestion des établissements portuaires proprement dite est le poste le plus important pour la dépense courante (53 %) et surtout pour la dépense en capital (81 %).

Il n'en reste pas moins que tous ces montants apparaissent de très faibles niveaux par rapport au produit intérieur brut 1992 (soit 7 000 milliards de francs), ainsi que par rapport aux autres secteurs de transport, y compris l'ensemble du maritime. Le tableau ci-après illustre ce point en détaillant pour 1992 la dépense courante nationale des transports (qui en toute rigueur ne devrait pas être comparée directement à la dépense intérieure), ainsi que la dépense en capital.

Dépense

courante

Dépense en capital

en milliards de francs

en %

en milliards de francs

en %

Route

836,5

82,1

267,6

80,5

Fer

63,3

6,2

33,6

10,1

Transport en commun urbains

28,6

2,8

10,1

3,0

Transport aérien

57,7

5,6

13,1

3,9

Transport maritime

27,9

2,7

7,0

2,1

Transport fluvial

3,6

0,3

0,7

0,2

Conduites

2,1

0,2

0,3

0,1

Total

1 019,8

100 %

332,4

100 %

Source : Compte satellite des transports (CCTN)

5.2 Les effets indirects et les difficultés de leur interprétation

Les effets indirects des investissements portuaires le plus souvent étudiés sont la valeur ajoutée, ainsi que le nombre d'emplois générés, qui sont évidemment liés.

5.2.1 Essais d'évaluation de la valeur ajoutée

Des études ont été menées entre 1988 et 1992 à Dunkerque, Nantes et Rouen sur la valeur ajoutée portuaire. À Dunkerque, les mesures ont porté sur l'aire de la communauté urbaine ; à Rouen, sur les 102 communes du « grand Rouen » ; à Nantes, sur l'ensemble de la région Pays-de-Loire. Cette dernière étude comporte aussi une évaluation de l'excédent brut d'exploitation

L'étude de Dunkerque ne prend pas en compte les entreprises installées dans la zone portuaire, mais dont les trafics ne passent pas par le port. Elles ont été classées en cinq catégories selon leur degré de dépendance par rapport au port. La valeur ajoutée totale est d'environ 15 milliards de francs (GF) se décomposant en :

total industrie 10,08 GF

centrale nucléaire 3,41 GF

total tertiaire non portuaire + pêche 0,34 GF

total tertiaire portuaire 1,11 GF

Il est constaté que l'administration du port autonome représente 27,6 % de la valeur ajoutée tertiaire portuaire.

Une étude analogue a été menée sur le port de Saint-Malo.

L'étude de Rouen a estimé une valeur ajoutée générée en 1988 de 6,9 milliards de francs se décomposant en :

port autonome 0,3 GF

services portuaires 1,0 GF

activités induites de service aux entreprises

et aux particuliers 0,7 GF

activités industrialo-portuaires 4,9 GF

On notera ici aussi le multiplicateur important entre le total et l'activité portuaire proprement dite (rapport de 5,3 et pour Dunkerque de 13,5).

L'étude entreprise sur Nantes et la Basse-Loire est assise sur des trafics portuaires, avec pour résultats pour l'année 1988 :

valeur ajoutée : 8,1 milliards de francs

excédent brut d'exploitation : 1,8 milliard de francs

Le poids des retombées industrielles est là aussi prépondérant par rapport à la fonction portuaire proprement dite et aux effets sur le commerce et les services puisqu'elles représentent 81 % de la VA et 66 % des emplois. Par catégories professionnelles, l'analyse de la valeur ajoutée met en évidence la part prépondérante des auxiliaires à la marchandise. De même une analyse de la répartition de la valeur ajoutée par secteurs a pu être menée à bien.

Cette étude a eu un prolongement en 1991 avec l'adjonction de la région Bretagne. En outre, une étude complémentaire portant sur 201 sociétés liées à l'activité portuaire en Basse Loire a permis d'évaluer le montant des taxes professionnelles à 287 MF. Ces travaux ont été repris et affinés en 1995 et seront mis à jour en 1997.

Source : audition Pr Marcadon (groupe Ports)

Il convient d'évoquer les difficultés rencontrées pour mesurer la part de la valeur ajoutée aux différents niveaux de la production industrielle. Les mesures entreprises ne peuvent donc être que partielles et ne représenter que des ordres de grandeur.

Au total, les méthodes de détermination de la valeur ajoutée sont encore en France très largement dans les limbes 15 ( * ) . Chaque port a tendance à estimer la sienne et l'étude dunkerquoise en a conduit plusieurs à réestimer leurs chiffres pour maintenir la hiérarchie établie. Il conviendrait à tout le moins que ces calculs deviennent plus rigoureux. Une étude s'avère nécessaire pour déterminer des critères objectifs de calcul. C'est pourquoi un groupe de travail constitué au niveau de l'association des ports européens tente d'élaborer une méthodologie commune. En attendant, et sur la base d'une extrapolation grossière des études actuelles, on a pu estimer que la valeur ajoutée produite par l'ensemble des ports maritimes français est de l'ordre de 120 milliards par an 16 ( * ) .

Ce chiffre est considérable et peut laisser craindre que le même raisonnement sur la valeur ajoutée, s'il était appliqué à l'ensemble des activités nationales, ne produise in fine des doubles comptes. En effet, affecter à l'ensemble portuaire une valeur ajoutée suppose qu'on ne l'affecte pas par ailleurs à une autre activité qui pourrait tout aussi légitimement la revendiquer, comme par exemple la marine marchande, les modes de pré/post acheminement ou même l'existence de l'énergie électrique.

En définitive, la mesure la plus rigoureuse, moins contestable aujourd'hui, est probablement celle de la valeur ajoutée dans l'enceinte portuaire et ses abords immédiats. Elles ne permet pas d'apprécier la contribution du port à l'économie nationale, mais elle donne une idée de la force de la dynamique de développement local induite par le port.

5.2.2 Essais de détermination des emplois engendrés

L'ensemble des emplois directs ou indirects engendrés par les ports est évalué, selon les sources citées par le Conseil économique et social 17 ( * ) , à un total de 250 000 à 325 000. Si leur dénombrement pose peu de problèmes pour les emplois directs (si ce n'est leur mise à jour), il est plus difficile pour les emplois industriels, liés au développement des zones industrialo-portuaires et encore plus difficile pour les emplois induits comprenant essentiellement les emplois liés aux activités de pré et post acheminement terrestres, ainsi que les emplois engendrés par les activités intermédiaires, les services, le stockage, la distribution. Le Conseil économique et social estime qu'au total les ports ont contribué à localiser sur leur aire 75 000 emplois industriels indirects, dont 60 000 dans les ports autonomes. II note que les emplois induits sont estimés à 125 000 par la Direction des ports et à 200 000 par l'UPACCIM (Union des ports autonomes et des chambres de commerce et d'industrie maritimes). Le multiplicateur entre l'ensemble des emplois et les emplois directs est donc de 5 à 6,5 suivant les estimations.

Les ports de Rouen et du Havre, associés avec l'antenne régionale de l'INSEE, ont effectué une étude particulière estimant les emplois salariés liés aux deux ports à 66 000 en 1995 (contre 71 200 en 1990, soit une décroissance moyenne de 1,5 % par an). Dans leur définition, les emplois indirects regroupent les notions précédemment mentionnées d'emplois industriels et d' emplois induits, tandis que les emplois induits sont engendrés par la consommation des salariés précédemment dénombrés.

L'emploi salarié lié aux ports de Rouen et du Havre

(unité : salarié)

Emplois directs

Professions portuaires

Emplois indirects

Industries

Fournisseurs généraux

Transports

Ensemble des emplois directs et indirects

1990

1995

Indice

Indice

17 247

22 573

5 504

4 486

49 810

100

289

14 474

20 739

6 262

4 840

46 315

100

320

Emplois induits (salariés et non salariés)

21 385

19 632

Total

71 195

413

65 947

456_

Sources : INSEE-URSSAF au 31 décembre 1990 et 1995

Le tableau ci-après montre que les emplois directs et indirects représentent pour Rouen 6,1 % et pour Le Havre 21,5 % des emplois salariés de la zone d'emploi.

L'emploi salarié des établissements
liés aux ports de Rouen et du Havre en 1995

(unité : salarié)

Zone d'emplois

Ensemble

ROUEN

LE HAVRE

LILLEBONNE

Emplois directs Professions portuaires

3 680

10 707

87

4 474

Emplois indirects

Industries

Fournisseurs généraux

Transports

6 981

2 852

1 980

9 665

2 088

2 540

4 093

1 322

320

20739

6 262

4 840

Ensemble des emplois directs et indirects

15 493

25 000

5 822

46 315

Part dans l'emploi salarié de la zone d'emploi (en %)

6

22

27

-

Source : INSEE

Dans la réédition effectuée en 1995 de son étude de l'impact du port de Nantes-Saint-Nazaire sur les régions Pays-de-Loire et Bretagne, la faculté des Sciences économiques de Nantes fournit une estimation des emplois engendrés de 1989 à 1991 par la fonction portuaire proprement dite (incluant ou non les transports routiers), ainsi que les activités industrielles en relation avec le port, et enfin, les activités de commerce et de service répondant aux besoins des ménages travaillant dans les deux premières catégories (voir tableau ci-dessous). Les différences entre chacune des trois années sous revue résultent d'une part, des évolutions méthodologiques (ainsi, par exemple, les activités industrielles induites en Bretagne n'avaient pas été étudiées en 1989), d'autre part, des niveaux de trafics qui paramètrent le modèle d'estimation des activités induites. L'ordre de grandeur de 20 000 emplois engendrés semble important par rapport à la fonction portuaire proprement dite (hors transports routiers), le multiplicateur entre les deux étant compris entre 8 et 12 suivant les années étudiées.

Emplois engendrés
par le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire

1989

1990

1991

Emplois

indice

Emplois

indice

Emplois

indice

Fonction portuaire

(y compris transports routiers)

3 088

100

2 683

100

4 071

100

Activités industrielles induites

12 461

404

17 634

657

13 569

333

Commerce et services (valeurs moyennes)

2 370

3 124

2 774

TOTAL

17 919

580

23 441

874

20 414

501

Source : Port Autonome de Nantes-Saint-Nazaire, CORRAIL, juin 1995

Le port de Marseille estime que son activité engendre au moins 40 000 emplois dans la région, dont 9 700 emplois directs (soit un multiplicateur de 4,1 par rapport au total). Il envisage de lancer prochainement une étude précise sur ce sujet, aucune étude complète n'ayant été réalisée depuis 1988.

Par ailleurs, des enquêtes elles aussi anciennes 18 ( * ) effectuées dans un certain nombre de ports révèlent également l'importance de l'activité portuaire d'un point de vue local.

Comme pour la valeur ajoutée, l'analyse est plus délicate au plan national. En effet, le terme d'« engendré » appliqué à l'emploi suppose que l'on compare cette génération à d'autres situations possibles où ces emplois seraient, non pas inexistants, mais plutôt reportés, peut être avec une meilleure efficacité, dans d'autres ports français ou dans d'autres secteurs.

5.3 Les comptes des ports sont équilibrés ou peu déficitaires

La situation comptable des établissements portuaires, qu'il ne revient pas à notre mission d'analyser en détail, est un bon indicateur de leur santé financière.

Or, force est de constater que celle-ci apparaît globalement plutôt saine et qu'elle est en tout cas fort meilleure que celle de certaines grandes entreprises de transport, beaucoup plus importantes financièrement.

5.3.1 Pour les ports autonomes

Pour les ports autonomes, le résultat net est équilibre ou faiblement déficitaire (Rouen mis à part). L'endettement est à un niveau acceptable ayant bénéficié d'une recapitalisation de l'État de 1,4 milliard de francs en 1987 et d'une gestion serrée des investissements (- 34,5 % de 1990 à 1996). Dans l'ensemble, la capacité d'autofinancement couvre les investissements et leur est parfois supérieure, exception faite à Marseille et à Dunkerque.

On note néanmoins, en tendance profonde, un certain tassement de la production vendue et de l'EBE (respectivement de 1,4 % et de 3,5 % en francs constants sur 11 ans), que n'a pas pu enrayer la réforme de la manutention portuaire.

Des préoccupations apparaissent pour le port de Dunkerque, qui a souffert de la baisse du trafic, notamment transmanche, et qui a dû serrer sa gestion, et pour le port de Marseille, en raison d'un marché pétrolier européen toujours très difficile.

La situation financière du port de Rouen est beaucoup plus fragile. II a enregistré, en 1996, un déficit comptable de 23,7 MF et un report à nouveau négatif de 112 MF, dus à l'effondrement du trafic céréalier et la baisse des autres trafics. Les propositions d'une mission conjointe de l'Inspection des Finances et du Conseil général des Ponts-et-Chaussées ont été retenues par les autorités de tutelle, à savoir la mobilisation de crédits FEDER exceptionnels et de recettes exceptionnelles provenant de la vente de terrains, soit un total de 75 MF.

5.3.2 Pour les PIN

Pour les PIN, des observations de même nature peuvent être faites, la donnée la plus saillante étant le processus d'assainissement de la situation financière de ces ports entrepris depuis quelques années, qui s'est traduit notamment par un désendettement significatif (- 37,5 % de 1990 à 1996). Toutefois, ces données globales ne rendent pas compte de la diversité des résultats financiers des concessions portuaires, certaines étant fragilisées par un endettement encore excessif.

Il convient de signaler le cas extrêmement critique de la concession de Boulogne 19 ( * ) qui a connu un déclin considérable sous l'effet de la quasi disparition du trafic transmanche liée à la mise en place du tunnel sous la Manche, accompagnée d'un report des lignes sur Calais. Outre les mesures déjà prises par le concessionnaire (licenciement de 130 personnes, soit la moitié des effectifs), le Gouvernement précédent a arrête un plan de redressement en automne 1996. De plus, une mission d'expertise vient d'être confiée aux inspections générales des ministres de l'agriculture et de la pêche, des transports et de l'industrie. Son rapport est attendu incessamment.

5.4 Les investissements portuaires et l'entretien des équipements

5.4.1 Les règles de financement des investissements et de l'entretien

Les règles de répartition des financements entre l'État et les établissements portuaires sont clairement exprimées par les dispositions du code des ports maritimes en ce qui concerne les ports autonomes 20 ( * ) . Néanmoins, ces dernières années les financements de l'État se sont situés nettement en retrait par rapport à ces dispositions, obligeant, en conséquence, ces établissements à substituer un financement par les collectivités locales et leur budget propre.

Les règles fixant le niveau de participation de l'État sont moins précises pour les ports d'intérêt national et sont discutées projet par projet. Dans les ports départementaux, le taux d'intervention de l'État est fixé chaque année dans le cadre de la dotation globale de décentralisation (DGD) 21 ( * ) .

La participation des collectivités locales est extrêmement variable. Dans les ports autonomes, elle porte essentiellement sur les superstructures, dans les ports non autonomes, elle concerne également pratiquement systématiquement les infrastructures.

Les dispositions du code des ports maritimes et les usages récents sont rappelés dans les tableaux pages suivantes pour les trois cas, ports autonomes, ports d'intérêt national (PIN), ports décentralisés.

Ports autonomes

Ports d'intérêt national

Ports départementaux

INVESTISSEMENTS

Accès maritimes

État : 80 % (cdp) collectivité : rare Port autonome : en théorie 20 %

État : * 33 % maximum

Fonds de concours : au moins 66 %

conces. dt subv. collectivités

Collectivités + État via DGD Fonds de concours concession variable

Quais, engins de radoub

État: 60 % (cdp)

collectivité : variable

Port autonome : en théorie 40 %

État : * 33 % maximum

Fonds de concours : au moins 66 %

conces. dt subv. collectivités

Collectivités + État via DGD Fonds de concours concession variable

Terre-pleins, routes

État : néant

collectivité : rare

Port autonome : essentiel

non concédés

État : * 33 % maximum

Fonds de concours : au moins 66 %

conces. dt subv. collectivités

concédés

concession : essentiel collectivités : variable

non concédés

Collectivités + État via DGD

Fonds de concours concession variable concédés

concession : essentiel collectivités : variable

Voies ferrées

SNCF : 50 % (cdp)
Port autonome : 50 %

Superstructures, outillages, bâtiments

État : néant collectivité : variable Port autonome : essentiel

État : néant collectivité : variable concession : essentiel (sauf bâtiments administratifs)

collectivité : variable concession: essentiel

DGD : Dotation globale de décentralisation
(cdp) : disposition du code des ports maritimes

Ports autonomes

Ports d'intérêt national

Ports départementaux

ENTRETIEN

Accès maritimes

État : 100 % (cdp) remboursé au port autonome

État + Fonds de concours variable

Collectivité + État via DGD +

Fonds de concours rare

Quais, engins de radoub

Ports autonomes: 100 %

État + Fonds de concours variable (= 50 % grosses réparations)

Collectivité + État via DGD + Fonds de concours rare

Terre-pleins, routes

Ports autonomes: 100 %

non concédés

État + Fonds de concours variable

(= 50 % grosses réparations)

concédés

concession collectivité : rare

non concédés

Collectivité + État via DGD

+ Fonds de concours rare

concédés

concession

collectivité : rare

Voies ferrées

SNCF : 100 % (cdp)

Superstructures, outillages, bâtiments

Ports autonomes : 100 %

Concession : 100 %

Concession : 100 %

PERSONNEL

Accès et écluses

État : 100 % (cdp) remboursé au port autonome

État + Fonds de concours variables (accès)

Collectivité + État via DGD

Capitainerie, personnel administratif et techniciens

Port autonome

État + concession

Collectivité + État - concession

Personnel d'exploitation

Port autonome

concession

concession

DGD : Dotation globale de décentralisation
(cdp) : disposition du code des ports maritimes

Au fil des années, ce système a fortement évolué traduisant une participation de l'État inférieure aux normes indiquées dans les tableaux. L'évolution de cette participation en francs constants sur la période 1988/1995 est la suivante :

- Investissement État (PA et PIN) : baisse de 54 %

- Entretien des accès des ports autonomes (y compris personnel) : baisse de 38 %

- Entretien des PIN (hors personnel) : baisse de 21 %

- DGD de l'État aux ports décentralisés : + 10 %

Le financement de l'entretien des accès qui, comme tous les ports du Nord de l'Europe continentale, devrait être, en France, entièrement à la charge de l'État pour les ports autonomes, est en fait réduit d'environ 153 MF par an, soit plus de 25 % de la dotation. Sur ce montant, près de 50 MF sont financés sur le titre V - Investissements. Le solde soit 100 MF est porté à la charge des ports autonomes.

Pour les PIN, l'entretien est également freiné par des restrictions budgétaires. Il en résulte des participations du budget d'investissement à certaines dépenses d'entretien (comme des travaux de rétablissement des profondeurs), ce qui provoque par décalage un retard important dans l'exécution des contrats de Plan État-régions.

5.4.2 La situation comparée des pays voisins : diversité globale, mais avantage des ports flandriens

Les tableaux ci-après 22 ( * ) détaillent pour les pays voisins les règles de financement de l'infrastructure portuaire.

En ce qui concerne les financements publics, la comparaison est difficile et les éléments à notre disposition sont partiels.

Pour le Royaume-Uni, on remarque que le port supporte 100 % des dépenses de construction, d'entretien et d'exploitation, ce qui traduit un désengagement total des pouvoirs publics.- Diagnostic -

Tableaux - Financement de l'infrastructure portuaire Belgique

Construction

Entretien et exploitation

Région flamande

Administration du port

Région flamande

Administration du port

Voie d'accès maritime

100 %

100 %

Écluses

100 %

100 %

Bassins

100 %

100 %

Quais

60 %

40 %

100 %

Pays-Bas

Construction

Entretien et

exploitation

Pouvoirs publics

Administration du port

Pouvoirs publics

Administration du port

Voie d'accès maritime

100 %

100 %

Écluses

100 %

100 %

Bassins

100 %

100 %

Quais

100 %

100 %

Allemagne

Construction

Entretien et exploitation

Pouvoirs publics 23 ( * )

Administration du port

Pouvoirs publics

Administration du port

Voie d'accès maritime 2

100 %

100 %

Écluses 24 ( * )

100 %

100 %

Bassins

100 %

100 %

Quais

100 %

100 %

Royaume-Uni

Construction

Entretien et exploitation

Pouvoirs publics

Administration du port

Pouvoirs publics

Administration du port

Voie d'accès maritime

100 %

100 %

Écluses

100 %

100 %

Bassins

100 %

100 %

Quais

100 %

100 %

Une référence ancienne 25 ( * ) conclut à une participation très importante de l'État belge aux investissements portuaires (voir encadré). Il est à noter toutefois l'importance des fonds attribués à Zeebrugge, qui correspondent à une volonté particulière de promotion de ce port.

Les budgets annuels d'investissements que l'État belge consacre aux ports font rêver : de 1980 à 1985, les ports belges ont ainsi reçu :

Zeebrugge 7,2 milliards de FF

Anvers 2,5 milliards de FF

Gand 0,6 milliard de FF

soit annuellement 1,7 milliard de Francs

Le plan de quatre ans (1986 à 1989), en cours de discussion au ministère belge des Travaux publics, porte sur plusieurs dizaines de milliards de francs belges.

Enfin, les ports français supportent certaines charges (voirie, aménagement de voies ferrées à 50 %, sécurité, etc.) qui sont en Belgique partiellement ou totalement à la charge de l'État, des régions ou des chemins de fer belges.

Au total, cette politique permet aux ports belges d'être très largement en avance sur les besoins des trafics, à la charge de la collectivité nationale. Ils peuvent dès lors répondre instantanément à toute demande de leurs clients, chargeurs, armateurs ou industriels. Anvers (aménagement rive gauche) et Zeebragge, où les travaux se poursuivent encore à un rythme très soutenu, ont ainsi plusieurs kilomètres de quais vierges disponibles, payés entièrement par l'État, avec toute la viabilisation générale des terrains.

Par ailleurs, l'UPACCLM 26 ( * ) a effectué en 1996 une analyse dont des extraits sont repris ci-après en encadré après mise à jour de certaines données. Elle conclut également à une moindre participation des fonds publics français aux financements portuaires toutes choses égales par ailleurs.

Pour les accès maritimes

La pratique française et le désengagement de l'État en France sur ce point sont atypiques. Par exemple, sur la période 1989/1996, le montant consacré par la Belgique a augmenté de 57 % en francs constants, alors que le montant français diminuait de 32 %.

Financement par l'État belge, puis par le Gouvernement flamand
des dragages d'accès dans les ports en Belgique/Crédits de paiements pour les accès dans les ports métropolitains dans la Loi de Finances en France

Échelles ajustées a 1 FB = 0,16477 FF. Valeurs en francs constants

sources : Commission portuaire flamande (citée par le Lloyd)/Loi de finances française

Pour les infrastructures

La situation est plus hétérogène en ce qui concerne les ouvrages portuaires internes (quais/bassins). On peut distinguer :

le système appliqué en France et en Belgique où l'intervention financière des organismes publics est significative et relativement clairement organisée (en Belgique, l'État flamand intervient en théorie au niveau de 60 % pour les travaux neufs et 80 % pour les rénovations) ;

le système appliqué aux Pays-Bas et en Allemagne où l'investissement est, en principe, de la responsabilité exclusive du port. Cependant, dans le cas de l'Allemagne, le port et le Land (ainsi que la ville à Hambourg et Brème) ne font qu'un et l'absence de comptabilité identifiée pour le port dans les comptes de la ville ou du Land ne permet pas en réalité d'identifier en définitive ce que paye l'usager et ce que paye le contribuable local et régional.

Là où des données chiffrées fiables existent, la comparaison est également fortement en défaveur des ports français. En Belgique, le financement public des investissements portuaires s'est élevé en 1994 à 397 MFF 96 contre 144 MFF 96 en France (et en 1996 à 711 MFF 96 contre 150 MFF 96).

À noter que l'effort financier des collectivités locales en France réduit ce différentiel.

La même hétérogénéité existe en ce qui concerne les équipements terrestres (terre-pleins, voies d'accès...). Considérés comme des superstructures portuaires en France, ils sont généralement à la charge des établissements portuaires et donc des usagers. La situation est beaucoup moins transparente dans les ports du Nord, voire totalement opaque en Allemagne.

Pour les superstructures et outillages

Une hétérogénéité supérieure encore existe en ce qui concerne les superstructures et les outillages. Si dans les très grands ports (Rotterdam et Anvers) ils ont été officiellement financés, dans les dernières années, par des intervenants privés, la situation réelle est ambiguë, des participations indirectes ayant été apportées. La participation publique directe sur ce type d'investissement est, dans certains cas, significative même dans de grands ports (Zeebrugge, Gand...). En Allemagne, les principaux manutentionnaires, bien que de droit privé, sont la propriété de la collectivité gestionnaire du port.

Un autre élément d'appréciation nous est fourni par une comparaison effectuée par l'UPACCIM entre les six ports autonomes français métropolitains et Anvers. Sont analysés, rapportés en francs par tonnes, les apports financiers courants (hors taxes d'usage des grues) que nous avons regroupés dans le graphique ci-dessous d'une part, en financements publics, représentatifs de la part du contribuable, d'autre part, en recettes domaniales et droits de ports, représentatifs de la part de l'usager. On constate que l'apport global pour les ports français étudiés est d'environ 14 % moins élevé que celui d'Anvers, ce qui peut traduire un moindre coût. La part des financements publics est plus faible en France de 47 %. Les recettes domaniales sont très basses dans les ports français, mais par contre, les droits de ports sont nettement plus élevés.

Au total, la part des usagers est plus élevée de 10 % dans les ports autonomes métropolitains.

Les financements publics représentent 42 % de l'ensemble des apports à Anvers, contre 26 % en France.

Apports financiers courants (hors taxes d'usage) à Anvers et dans les six ports autonomes métropolitains

5.4.3 Après les efforts des années 1960 et 1970, des investissements nettement plus faibles et stabilisés

Pendant les dix années qui ont suivi la loi d'autonomie, c'est-à-dire de 1966 à 1976, des travaux importants de création de nouveaux sites et d'infrastructures lourdes ont été entrepris :

- Marseille : création du site de Fos

- Le Havre : aménagement de l'écluse François 1er et du terminal pétrolier d'Antifer

- Dunkerque : création du nouveau port Ouest

- Nantes-Saint Nazaire : création du site de Montoir

- Bordeaux : création d'un terminal pétrolier au Verdon

Les ports autonomes ont alors reçu entre 85 et 90 % des crédits d'investissements de l'État.

Depuis, ces grands investissements ayant été réalisés, les travaux programmés par les ports autonomes ont diminué (il s'agit plutôt de dépenses effectuées sur les terminaux et l'outillage), et la part des ports autonomes dans le budget de l'État est descendue à environ 70 %.

Rappelons que les investissements portuaires ont par nature un caractère discontinu. Ils sont en effet réalisés tels qu'ils seront utilisés des années plus tard, et sont rarement modifiés ensuite. À l'inverse, une fois l'investissement réalisé, il n'est pas reproduit dans le même port, à moins d'un changement important dans les techniques maritimes (apparition du conteneur, augmentation de la taille des navires) ou les parts de marché du port. Certains investissements peuvent même voir leur durée de vie s'étaler sur plusieurs siècles.

Les taux de participation de l'État aux travaux ont globalement suivi la norme, à quelques exceptions près, comme le terminal d'Antifer. Dans ce cas, la participation de l'État n'a été que de 40 %, et une compensation a été donnée au port sous la forme d'un prêt plus important du FDES, auquel a fait suite une dotation au capital du port d'un montant égal.

La coordination des participants de l'État aux investissements portuaires a été possible grâce aux outils suivants :

- préparation des plans (Commissariat du Plan)

- contrats de plan État-Région depuis les années 1980

- fin 1987, attribution d'une dotation en capital de 1,4 milliards de francs aux ports autonomes, en dehors de toute disposition législative, en contrepartie de l'élaboration par chaque port autonome d'un plan d'entreprise, intégrant à la fois la compétitivité, la dimension et le « projet » de la place portuaire.

Le graphique ci-après, issu de données anciennes, est extrait d'un ouvrage déjà cité 27 ( * ) Il permet de se rendre compte de l'effort considérablement plus important de l'État dans les années 70/76, qui a décru linéairement de 1976 à 1984 pour atteindre les ordres de grandeurs contemporains.

Évolution des investissements portuaires de l'État

en MF 1990

Ainsi pour l'ensemble des investissements, la participation de l'État a tendance à décroître sensiblement avec le temps, notamment pour les ports autonomes, ainsi qu'en attestent également pour la période 1984/1996 les deux graphiques suivants issus de données récentes fournies par la DTMPL. On voit que, parallèlement, les subventions des collectivités locales ont tendance à augmenter pour dépasser parfois celles de l'État, les participations des ports étant par ailleurs importantes, mais irrégulières.

Financement des ports autonomes

en MF constants

Tous financements confondus, il est possible d'estimer le total des investissements effectués dans les ports maritimes autonomes et d'intérêt national (voir annexe 1).

Depuis 1989, ces investissements oscillent suivant les années entre 1,5 et 1,9 milliards de francs constants 1996, ce qui est supérieur à la période 1983/1988, mais nettement inférieur aux chiffres mentionnés de 1980 à 1982 (voir graphique ci-après).

Les dépenses en infrastructures
de transport « Ports maritimes »

Source : documents sources DTMPL destinés au « Rapport de la Commission des Comptes des Transports de la Nation », MELTT, DAEI.

La part des investissements consacrés aux PIN est de l'ordre de 40 % du total pour un pourcentage de trafic de 20 % en tonnage. Cela est probablement dû pour partie à la structure différente du trafic dans les PIN et les PA, mais sans doute aussi à des économies d'échelles dont on peut penser que bénéficient les ports autonomes.

À noter également que les investissements en superstructures ont représenté en 1995 près de trois quarts des investissements totaux, ce qui est considérable. Ils sont entièrement financés par les ports autonomes ou les CCI, les collectivités locales et, le cas échéant, le FEDER.

5.4.4 Quelques exemples de grands investissements

5.4.4.1 Le terminal pétrolier du Havre - Antifer : un investissement utile malgré une surestimation des trafics attendus

Le projet de création du terminal d'Antifer a vu le jour à l'occasion de la période de croissance de la consommation et du transport de pétrole. En effet, le canal de Suez avait été fermé en 1967 et la consommation française de pétrole était en hausse. La taille des navires pétroliers augmentait donc, et il fallait pouvoir accueillir les super-pétroliers de 500 000 tonnes de port en lourd (TPL) et dont le tirant d'eau atteignait 28 m.

Les études énergétiques menées dans les années 1960-1970 prévoyaient que, de 1970 à 2000, la consommation d'énergie de l'Europe de l'ouest devait tripler et que cette énergie devait provenir pour sa plus grande partie, jusqu'à la fin du siècle, du traitement des hydrocarbures. Cette part devait se maintenir, jusqu'en 1980 aux alentours de 65 %, puis diminuer progressivement jusqu'à 53 % en 2000. La France, pendant la même période, devait voir sa consommation d'énergie, qui était de 150 millions de TEP (Tonnes Équivalent Pétrole) en 1980 passer à 400 millions de TEP en 1990 et 500 millions de TEP en 2000. Pour le pétrole seul, la consommation serait passée de 94 millions de tonnes de 1970 à 270 en 1990 et 330 en l'an 2000.

Plusieurs localisations de port pétrolier furent étudiées. Brest, Cherbourg et Le Havre. Les études menées par le port du Havre ont conduit en 1969 un CIAT à décider la création d'un port pour les grands pétroliers en Baie de Seine. Rappelons que 40 % de la capacité de raffinage française se trouvait (et se trouve toujours) en Basse-Seine.

Parmi les différentes localisations envisagées, on a pensé, dans un premier temps, utiliser un haut-fond de l'estuaire, qui affichait d'ores et déjà 25 mètres de profondeur. Ce projet a été abandonné après la découverte de la faille d'Antifer. Le port terminal pétrolier a été construit en exploitant une faille géologique, situé au Cap d'Antifer, près du Havre, et qui permettait d'avoir côte à côte un fond élevé (pour la digue) et un fond bas (par le tirant d'eau). Les travaux, commencés en 1972, furent terminés en 1976.

À l'origine, Antifer n'était conçu que pour les grands pétroliers. À la fin des années 80, un duc d'Albe 28 ( * ) a été ajouté au terminal, afin qu'il puisse accueillir des navires plus petits (à partir de 200 000 TPL). Ceci a permis de dégager l'entrée du port du Havre et, par la suite, d'aménager le port rapide aval.

Le projet a coûté 750 millions de francs de fonds publics, venant de l'État et du PAH (dont construction de la digue, de la route d'accès et dragage des accès) et 250 millions de francs de fonds privés (dont construction des appontements, des bacs, du bâtiment de contrôle, du pipe-line de raccordement aux citernes situées dans le port du Havre). On estime que ce terminal a coûté environ le prix de deux super-pétroliers.

Cependant, le coût de réalisation à Antifer était deux fois plus cher que dans la Baie de Seine. L'État, estimant de surcroît que ce projet de terminal dédié n'était pas conforme à l'esprit de la loi d'autonomie refusa d'agréer le supplément de coût et ne finança au total que 40 % du coût de réalisation des infrastructures, le port autonome prenant la différence à sa charge.

Les études réalisées à partir d'un concours d'idées furent très poussées sur le plan technique. En revanche, pour la partie économique, on s'est surtout penché sur le choix géographique national du futur terminal pétrolier destiné à permettre l'écoulement du trafic prévu compte tenu des évaluations énergétiques du moment.

Après une période très difficile liée aux chocs pétroliers, Antifer a trouve sa vitesse de croisière. Les emprunts sont aujourd'hui remboursés et on estime que sur 5 tonnes de pétrole importées en France, 1 passe par Antifer (soit 50 % du trafic pétrolier du port du Havre). Moins nombreux que prévus à l'origine, il existe encore des super-pétroliers en circulation. Le port en lourd moyen des navires reçus à Antifer est de 300 000 TPL environ, les autres terminaux du port du Havre ne pouvant accueillir des navires dépassant 250 000 TPL. Par ailleurs, certains navires viennent ici s'alléger avant de pouvoir se rendre dans les ports du nord, ce qui a pu faire dire à certains que le port d'Antifer a permis d'accroître le trafic pétrolier d'Anvers.

Antifer permet enfin de désengorger l'entrée du port du Havre puisque le terminal pétrolier s'y trouve (notons que la manoeuvre d'un grand pétrolier à cet endroit interdirait le passage des autres navires, parfois pendant des heures).

Le port autonome du Havre a évalué que le différentiel de coût de transport maritime entre un navire de 220 000 TPL et un navire de la classe des- Diagnostic -

400 000 TPL étant d'environ 6 à 8 F/t, une économie globale de l'ordre de 2 à 3 milliards de francs a été réalisée grâce à Antifer (pour un coût de 1 milliard de francs de 1977). Actuellement, le port d'Antifer est jugé performant et la question d'une éventuelle reconversion ne se pose pas.

5.4.4.2 Le port rapide aval du Havre : une réponse à la croissance du trafic conteneurisé

Dans les années 1980, le trafic des conteneurs augmente rapidement et les ports doivent se réorganiser en fonction des spécificités de ce nouvel outil. Les armateurs cherchent à réduire leur durée d'escale. Parallèlement, la taille des navires augmente : en 1981, Le Havre reçoit son premier navire de plus de 3 000 EVP. En 1988, Maersk y fait escaler ses navires de 4 000 EVP... On voit apparaître les navires dits « over-panamax », plus larges. Les grandes lignes autour du monde se développent (trafic est-ouest principalement), ainsi que le trafic de transbordement (feedering).

Les grands ports européens cherchent à s'adapter. Ainsi, Anvers construit une seconde écluse d'accès à ses terminaux, devant permettre de désengorger la première et, donc, de fluidifier le trafic, puis installe de nouveaux équipements en aval des écluses.

Dans ce contexte, au cours des années 1978 à 1981, le trafic conteneur du port du Havre a fortement progressé, rapprochant l'échéance de la saturation de l'écluse François 1 er , en amont de laquelle 2/3 du trafic de conteneurs étaient traités. Différentes options ont été alors étudiées, les deux plus sérieuses étant la construction d'un nouvel avant-port au sud de la CIM (concessionnaire du terminal pétrolier) et la réalisation d'une seconde écluse, doublant l'écluse François 1 er .

Dans un premier temps (en 1982), la construction d'une seconde écluse est privilégiée. Cependant, l'évolution du trafic amène les autorités portuaires à développer tout de même un projet de port rapide aval (1988) de préférence à une seconde écluse. La possibilité de la construire un jour reste cependant ouverte. Les études et la réalisation du port rapide se sont étalées sur plus de dix ans.

Conçu comme un ensemble de terre-pleins implantés de façon à profiter au mieux de la configuration géographique de l'existant, le port rapide s'étend, phase par phase, au fur et à mesure de la saturation progressive des terminaux. Son extension, initialement prévue dans le contrat de plan Etat-région en cours (1994-1998), est finalement interrompue lors de la naissance du projet Port 2000 (cette phase aurait coûté environ 800 MF). Découlant de la même logique, ce dernier projet est pourtant différent. Ambitieux dès l'origine, il prévoit une réorganisation plus importante du port.

Montage financier

L'élément le plus novateur du projet de port rapide aval réside dans une plus grande implication financière des opérateurs de manutention, auxquels il fut proposé la prise en charge des aménagements de superstructure des terre-pleins (y compris leur revêtement) et l'acquisition des portiques de quai, avec la caution du Port Autonome. Les postes à quai ont été répartis dans un souci d'équité entre deux groupements d'opérateurs. Les collectivités locales, notamment la Région Haute-Normandie, ont contribué au financement des superstructures. La partie génie civil du projet a été partagée entre l'État et le Port Autonome du Havre.

Coût de construction des terminaux, hors aménagement des terminaux existants ( source PAH ) : TOTAL : 594 MF,

dont État : 322 MF,

dont Port : 272 MF.

Ces coûts ne prennent pas en compte la construction des superstructures (opérateurs privés + subventions des collectivités locales), ni les dessertes routières et ferroviaires. Ont été ainsi réalisés : une desserte ferroviaire spécifique, un redimensionnement des accès ferroviaires et routiers, un nouvel accès pour les quais sud, avec déviation d'une partie des réseaux existants (gaz, pipelines...).

Le coût total, tel qu'il ressort des éléments à notre disposition, serait donc en fait de l'ordre de 830 MF pour la phase 1 (quais des Amériques et de l'Asie) et de 420 MF pour la phase 2 (ouverture du bassin du Pacifique et du quai d'Osaka).

Les études réalisées, principalement techniques, ont été complétées, en 1987, par des études économiques faites selon le modèle proposé dans les recommandations du IX e Plan.

5.4.5 Les contraintes environnementales de plus en plus à prendre en considération

Depuis 1973, les travaux portuaires doivent être prévus par les documents d'urbanisme, établis par les communes (décision du Conseil d'État), d'où des problèmes de limites de compétence pour définir la vocation des sols à l'intérieur des zones portuaires.

De plus, les ports autonomes sont soumis aux prescriptions existantes en matière de protection de l'environnement. Ils doivent notamment se plier à la réalisation d'études d'impact, telles que définies par le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié.

Ils sont également invités à revoir leur politique d'aménagement industriel pour se conformer à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (loi n° 76-663 du 19 juillet 1976). En effet, depuis quelques années, les services de l'industrie et de la recherche imposent des périmètres de sécurité de plus en plus grands autour des installations industrielles. Cela laisse planer quelques ambiguïtés par rapport à certaines activités portuaires, impliquant notamment le transit de marchandises dangereuses, et peut influencer la localisation des installations futures.

Les mouvements écologistes internationaux tentent de faire instaurer des zones plus ou moins définitives de protection des milieux remarquables situés autour des ports, parfois avec l'appui de la Commission de l'Union européenne et de la population locale. Cela peut grandement influencer la politique d'expansion spatiale des ports. Aujourd'hui, tous les grands ports européens sont susceptibles de devoir réfléchir sur ces questions.

Quelques exemples :

- en 1991, en Allemagne, la Cour de Justice des Communauté Européenne a estimé que le projet d'aménagement d'un chenal pour un port de pêche donné, était contraire aux directives européennes sur la protection de la faune et de la flore sauvages.

- en 1993, elle a estimé que l'aménagement d'une zone industrielle sur le littoral espagnol contrevenait à la directive relative à la protection des oiseaux.

- le port de Sheerness, au Royaume-Uni, s'est vu contré dans son projet d'extension en vue de l'agrandissement des installations destinées au stockage des voitures et à diverses activités à valeur ajoutée. Il souhaitait en effet s'étendre sur une zone de reproduction et d'hivernage importante pour les oiseaux, dont une grande partie est classée zone de protection spéciale. La Cour de Justice, saisie par la Chambre des Lords pour une interprétation de la directive « oiseaux » (en vue de statuer sur la partie non classée de cette zone) a estimé, en 1996, que les exigences écologiques posées par la directive ne doivent pas être mises en balance notamment avec les exigences économiques (« la directive sur les oiseaux doit être interprétée en ce sens qu'un État membre ne peut pas, lors du choix et de la délimitation de la zone de protection spéciale, tenir compte des exigences économiques au titre d'un intérêt général supérieur à celui auquel répond l'objectif écologique visé par la directive »).

Notons que dans certains cas, le « bloquage » peut également se faire d'après des critères de gestion patrimoniale (bâtiments classées pour leur valeur architecturale ou historique).

Symbole de ces évolutions, la Charte des Villes et des Ports pour l'Environnement, adoptée à Montréal en 1993, dans le cadre d'un colloque organisé par l'Association Internationale Villes et Ports, rappelle, dans son préambule, la nécessaire conciliation du développement de l'activité portuaire et du respect de l'environnement et du cadre de vie des populations.

5.5 De l'organisation de certaines entreprises portuaires

5.5.1 Les dragages

S'agissant de l'activité des dragages, le système repose sur l'existence d'un GIE Dragages-Ports, propriétaire des engins louant coque nue les dragues aux ports autonomes ou ports d'intérêt national, qui exercent de ce fait la fonction d'armateur, le personnel relevant donc du port. Certains ports n'ayant pas d'engins affectés ou d'engins nécessaires à leur exploitation sous-traitent cette activité généralement auprès des autres ports, voire, en l'absence de moyens disponibles auprès d'entreprises privées. Le Contrôle d'État 29 ( * ) relève que les prix pratiqués dans les ports français apparaissent de 25 % supérieurs à ceux des ports étrangers. La Cour des Comptes se demande si « d'autres modalités de gestion, comme le regroupement des moyens dans une structure nationale, ou la délégation à des entreposes » ne pourraient pas être plus efficaces. Cette question pourrait être examinée sans a priori d'autant plus que la flotte de dragues nécessite un renouvellement partiel.

5.5.2 Le pilotage

La loi du 28 mars 1928 confère une obligation de pilotage et organise le fonctionnement des stations de pilotage. Les pilotes sont organisés en stations sur le mode coopératif, lesquelles sont propriétaires du matériel. Récemment, un certain nombre d'intervenants portuaires 30 ( * ) ont émis des reproches à l'égard de cette profession :

- absence de concurrence résultant d'un monopole de droit verrouillant l'accès à la profession,

- tarifs jugés disproportionnés par rapport au service rendu et, malgré tout, demandes incessantes de revalorisations tarifaires dues au maintien d'un système de rémunération basé sur le principe d'une « masse à partager » fonction d'un nombre de navires qui ne cesse de décroître,

- régime de responsabilité trop limité : le pilote intervient uniquement comme conseil du commandant et n'est responsable que de ses fautes lourdes. Cependant, tout pilote peut s'affranchir de la responsabilité civile par l'abandon de son cautionnement ; cet abandon limite la responsabilité des pilotes à une somme assez faible,

- impossibilité de choisir le pilote parmi le personnel en station,

- rémunérations des pilotes jugées excessives pour une productivité estimée insuffisante.

Ces intervenants s'interrogent sur le maintien d'une obligation générale de pilotage dans tous les ports et en toutes circonstances. Ils préconisent une évolution vers la négociation directe entre clients et fournisseurs.

Ces critiques, sans aucun doute excessives, ont été vivement contestées par la profession qui a fait valoir à juste titre qu'on ne peut ignorer les fonctions de sécurité et de protection de l'environnement du pilotage.

C'est pourquoi, au total, le gouvernement a réitéré sa confiance aux services de pilotages. Mais dans le même temps, il a constitué un groupe de travail destiné à rechercher toute amélioration utile. Les principales conclusions de ce groupe sont décrites plus loin (paragraphe 4.3.2 du chapitre II).

5.5.3 Le remorquage

Constatant qu'au Havre et à Fos, les coûts unitaires de remorquage sont élevés, alors que les accès nautiques sont faciles, les mêmes intervenants portuaires déplorent que cette activité, régie par un texte de 1938, bénéficie d'un monopole de fait. Par ailleurs, ils regrettent des tarifs de remorquage jugés excessifs établis au sein de commissions d'usagers qui ne sont selon eux que des chambres d'enregistrement.

Le même groupe de travail que pour le pilotage a examiné également la question du remorquage.

5.5.4 La manutention

Cette question sera traitée en détail dans la deuxième partie.

5.6 Les coûts de passage portuaire et de la chaîne de transport :

5.6.1 Le coût de passage portuaire n'est pas un élément prépondérant

Le coût global du transport est un élément très variable du prix de revient des produits. Pour fixer une idée, certaines sources l'évaluent de l'ordre de 5 à 10 %, ce qui est faible quant au coût total, plus significatif quant aux marges dégagées. Dans ces estimations, ne sont pas considérés les « coûts cachés » correspondant aux manques éventuels de fiabilité et de flexibilité des ports, lesquels, nous le verrons, sont souvent décisifs. Néanmoins, les coûts sont un paramètre économique qui mobilise à juste titre toute l'attention des acteurs. Mais le sujet est extrêmement complexe et chacun - port, armateur, chargeur industriel, bureau d'étude, etc. - essaie de se constituer sa propre vision, ses propres tableaux de chiffres qu'il garde souvent confidentiellement pour lui et qu'il diffuse parfois sélectivement pour appuyer ses actions de relations publiques.

Sur une idée initiale du Conseil national des communautés portuaires, le Comité interministériel de la Mer a décidé, le 4 juillet 1996, la création d'un Observatoire des coûts de passages portuaires. L'étude de préfiguration de cet organisme qui vient d'être menée par le Conseil général des Ponts-et-Chaussées, laisse entendre que la démarche, qui pourrait être conduite par l'administration, devra être progressive et requerra un temps assez long (en substance au moins trois ans) compte tenue de sa complexité. D'autres pensent que cette mise en oeuvre pourrait être plus rapide.

Au reste, les coûts de passage portuaire sont un des éléments, - on le verra -minoritaire, de la chaîne de transport qui comprend généralement un pré et un post acheminement terrestre, un embarquement et un débarquement, lesquels engendrent deux coûts de passage portuaire et un transport maritime proprement dit, dont le prix s'appelle le taux de fret (ou « le fret »). Plus précisément, le passage portuaire recouvre toutes les opérations depuis l'arrivée du bateau au port jusqu'au départ de la marchandise vers son lieu de post acheminement (ou vice-versa).

Dans sa décision de passer par un port plutôt qu'un autre, l'ordonnateur (chargeur ou armateur), en ce qui concerne les coûts, prendra en compte le taux de fret plus les deux opérations se déroulant sur le versant du port considéré (coût de passage et acheminement terrestre).

5.6.2 Le coût de passage portuaire est l'élément le moins important des trois grandes étapes de la chaîne de transport

Parmi de nombreux paramètres, le coût relatif des étapes dépend de la marchandise transportée et de son conditionnement, du type de navire emprunté, de la rapidité des opérations aux ports, mais sans doute, encore davantage de la distance à parcourir en mer et sur terre.

Pour les courtes distances en mer, le coût de passage sera une variable importante par rapport au fret et cela explique en partie la difficulté de promouvoir le cabotage maritime.

S'agissant par ailleurs de l'acheminement dans l'hinterland, certaines marchandises s'arrêtent « au bord de l'eau » où elles sont transformées ou traitées et ne repartiront, le cas échéant, qu'ultérieurement et sous une autre forme.

Mais si l'on prend un cas de figure considéré comme caractéristique, on observe que le poste le plus important est le fret, suivi de l'acheminement terrestre, suivi seulement, en troisième position, du coût de passage portuaire. L'élément le plus important du coût de passage portuaire (la moitié environ de ce coût) est la manutention. Jean Chapon, dans un article qui fait référence 31 ( * ) cite l'exemple d'un « conteneur de 20 tonnes, chargé de produits chimiques, expédié par une ligne régulière depuis Lyon à Hong-Kong, via Marseille. [Celui-ci] paye un prix de pré-acheminement terrestre d'environ 700 $ ; le coût du transport maritime - y compris les frais portuaires inclus dans le fret - est de l'ordre de 1 200 $ (...). Si l'expédition se fait par Le Havre, le transport terrestre coût près de 1 000 $, soit presque autant que le transport maritime » . À noter que depuis la rédaction de cet article, le fret a certainement encore baissé du fait de la surcapacité en places (slots)-conteneurs, ce qui renforce l'importance du pré/post-acheminement.

Il cite encore l'exemple de produits sidérurgiques en conditionnement conventionnel acheminés entre un quai français et un quai africain, dont le coût de transport est de 450 F/tonnes. Sur ce total, l'ensemble des frais portuaires (y compris la manutention) est de 50 à 60 F/tonne, soit 12 à 15 %, pour chaque port.

5.6.3 Une relation complexe entre les coûts et les prix

Entre le prix final payé par un chargeur 32 ( * ) , et les différents éléments de coûts 33 ( * ) , s'interposent en général un certain nombre de phénomènes déformants qui opacifient la compréhension de la compétitivité-coût, et le cas échéant modifient celle-ci.

C'est ainsi que les prestations assurées par les commissionnaires de transport - qui organisent tout ou partie des opérations de transport de bout en bout, pour 65 % des tonnages de marchandises diverses (general cargo) -sont facturées à leurs clients à des prix pouvant varier considérablement d'un commissionnaire à l'autre. Sur l'exemple d'une cotation demandée à 12 transitaires 34 ( * ) pour l'Afrique, les prix peuvent comporter un écart de 1 à 1,4 pour le prix du fret, et de 1 à 1,67 pour « la mise à FOB » (incluant : transport terrestre, transit, douane et mise à bord). S'il est vrai que dans une économie de marché il appartient à chaque fournisseur de proposer un prix, et à chaque client de se déterminer en conséquence, l'amplitude importante des cotations commerciales dénote un rapport très indirect avec les coûts élémentaires, ce qui fausse la perception de la compétitivité réelle des opérateurs initiaux.

Un deuxième niveau de filtrage provient des méthodes de cotation du fret par les armateurs des lignes régulières. En règle générale, ceux-ci facturent au commissionnaire de transport 35 ( * ) ce qui globalement constitue le taux de fret, à savoir essentiellement :


• un « fret officiel de base »


• une « taxe d'embarquement »

Les «taxes d'embarquement» sont appelées THC (Terminal Handling Charges) pour les conteneurs et PLTC (Premium Loading Terminal Charges) pour le fret conventionnel. Elles sont des participations au coût de mise à bord, et servent essentiellement à compenser les frais de manutention payés par l'armateur.

Les THC se situent dans une amplitude de 650 à 1 100 F par conteneur suivant les destinations et les ports d'embarquement. La position concurrentielle des ports français est variable. Ainsi, sur l'Extrême-Orient, Le Havre (= 810 F) est intermédiaire entre Rotterdam (= 900 F) et Anvers

(= 730 F) ou l'Angleterre (= 670 F). Sur l'Afrique occidentale ou les Antilles, les THC sont moins élevées à Anvers (= 650 F) et Rotterdam (= 780 F), qu'au Havre (= 950 F) ou à Marseille (= 1 080 F).

Même lorsqu'elles sont défavorables aux ports français, ces différences ne motivent pas néanmoins à elles seules un transfert de la marchandise vers un port étranger.

En revanche, les PLTC pour des raisons historiques et commerciales, sont incomparablement plus faibles dans des ports comme Anvers, Amsterdam ou Rotterdam que dans les ports français. Toujours appliquées dans les ports français, elles ne sont parfois même pas facturées à Anvers, et souvent « négociées » selon le type de cargaison. L'exemple réel ci-dessous, relatif à un chargement de résine synthétique, est significatif :

en F/tonne

PORT

PLTC

Le Havre

170

Marseille

190

Dunkerque

100

Rouen

150

Anvers

12

Cette disposition, pratiquée dans les ports du Nord Continent est connue sous le nom de « FOB Anvers » ou de « Pierre Bleue » ; elle consiste en ce que le chargement de la marchandise à bord du navire soit pris en compte par l'armateur lorsque celle-ci est placée dans une zone délimitée du quai. L'écart de prix est suffisant pour entraîner l'acheminement terrestre jusqu'à des ports du Nord de marchandises géographiquement proches de ports français. Cela explique, en moins en partie, le peu de marchandises conventionnelles traitées par le port du Havre (0,23 MT).

On peut se demander pourquoi les armateurs défavorisent ainsi les ports français. Deux motifs sont avancés : en premier lieu, parce que ceux-ci « vont à la marchandise » et ont tendance à préférer les frets importants. En second lieu, cela est dû, ainsi que nous le verrons plus loin, à des coûts de manutention plus élevés en France. En tout cas cette question a suscité de grandes polémiques de la part des chargeurs français. Mais les armateurs de lignes régulières au lieu de diminuer ou de faire disparaître ces « taxes d'embarquement » en France, comme le souhaiteraient les chargeurs, ont, au contraire, tenté de les instaurer dans les ports du Nord Continent (et y ont réussi partiellement en ce qui concerne les THC) 36 ( * ) .

Par ailleurs l'élément le plus important du taux de fret est le « fret officiel de base » qui sert à rémunérer le trajet maritime mais également l'agent portuaire représentant l'armateur, ainsi que les coûts de passage portuaire non pris en compte par les taxes d'embarquement 37 ( * ) . Depuis quelques années, les armateurs des lignes régulières pratiquent un prix identique sur tous les ports d'une même « rangée ». En d'autres termes ce sont eux qui absorbent les différences de coûts dus à des « transit times » plus ou moins grands ainsi que les différences de coûts de passage entre ports concurrents. Ainsi, pour les lignes régulières uniquement, le client final ne perçoit les écarts de compétitivité entre ports qu'au travers des taxes d'embarquement. Cela relativise à ses yeux les composantes du coût de passage portuaire (autres que la manutention). De son côté l'armateur y est bien sûr sensible, mais ce n'est pour lui qu'un élément de coût parmi d'autres beaucoup plus importants (manutention, gestion des conteneurs), et plus généralement, ce n'est qu'un élément parmi d'autres déterminants du choix qu'il fait d'un port d'escale : il n'est que de constater que le « FOB Anvers », pour lequel il supporte l'essentiel des coûts de manutention, ne le dissuade pas de desservir le Nord Continent 38 ( * ) .

5.6.4 Détail du coût de passage portuaire

Il est constitué par :

- le coût de la manutention,

- les droits de ports,

- les coûts de pilotage, remorquage et lamanage,

- le stockage et la reprise sous magasin ou sur terre-plein,

- les opérations administratives,

auxquels on doit ajouter les coûts d'immobilisation de la marchandise et du navire dans le port dont les valeurs unitaires sont importantes et qui dépendent de la célérité des opérations dans le port : ainsi, « un navire coûte chaque jour 9 000 $ pour un vraquier moyen, 16 000 $ pour un porte-conteneurs de 1 600 EVP (et même 25 000 à 30 000 $ pour un porte-conteneurs de 4 000 EVP) ; un séjour de la marchandise au port de trois semaines pour l'accomplissement des formalités douanières signifie une augmentation de son coût d'environ 0,6 % »

La manutention est pour tous les ports et toutes les marchandises (sauf les liquides en vrac) le poste qui pèse le plus lourd dans le coût de passage, d'où l'importance quantitative, mais aussi qualitative de ce poste.

marchandises

importance de la manutention dans le coût de passage

conteneurs

60 %

conventionnel

50 à 80 %

vracs solides

50 à 60 % ou plus

produits pétroliers

25 à 30 %

Source : Jean Chapon, Transports (op cité)

La DTMPL, sur la base de la réactualisation rapide d'une étude ancienne, a estimé qu'entre 1985 et 1995/1996, la part relative de la manutention 39 ( * ) dans le coût de passage portuaire est passée en moyenne, tous types de navires confondus, de 62 % à 54 %, même si la situation est très contrastée selon les ports. Cela étant, ces gains sont très insuffisants en comparaison des tarifs des concurrents étrangers 40 ( * ) . Les annexes 2 et 3 donnent des exemples de facturations à l'armateur pour du fret conventionnel et pour des conteneurs. Pour certains chargements de frets conventionnels, les tarifs peuvent aller du simple au double. Cela contribue sans doute au désir des armateurs de se reprendre de ces surcoûts sur les PLTC facturées aux concessionnaires ou aux chargeurs.

Les droits de ports se composent des droits sur le navire et (seulement en France et dans certains ports méditerranéens), de droits sur la marchandise.

Les droits sur le navire sont variables, et unitairement d'autant moindres que la cargaison opérée dans le port est plus importante. Le tableau ci-après en donne un aperçu.

Marchandises ou bateau

Importance des droits sur le navire dans le coût de passage

porte-conteneurs de 1 600 TEU

20 000 à 30 000 F *

300 conteneurs dans un « 1 600 TEU »

4 à 8 %

pondéreux solides

12 à 16 %

pondéreux solides de forte densité

20 à 30 %

produits pétroliers

40 à 50 %

* 40 000 à 60 000 F dans les ports étrangers de la Manche et de la Mer du Nord.

On voit l'importance du poste pour les produits pétroliers, d'autant plus grande que la manutention effectuée par passage est peu onéreuse. Les industriels de ce secteur s'en plaignent d'ailleurs, arguant que les installations correspondantes du port sont amorties et qu'ils « subventionnent » d'autres trafics plus volatils. Ils s'estiment mieux traités aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne. De fait, ils sont depuis peu partiellement entendus en France. Mais il convient de relativiser cette querelle, car le coût de passage portuaire à l'importation (hors déchargement) représente de l'ordre de 0,6 % du prix de reprise à la raffinerie.

En attendant de pouvoir disposer des travaux de l'Observatoire des coûts de passage portuaires (lesquels dépendent beaucoup des types de navires et de trafics), il est difficile de se faire une opinion sur la position concurrentielle des ports français, d'autant que les avis et exemples fournis sont divergents. Le paragraphe 5.4.2. a évoqué la bonne position du port d'Anvers. Notre sentiment est que les droits de ports ont fait l'objet d'ajustements au cours de ces dernières années, notamment pour les navires de lignes régulières, qui les rendent davantage compétitifs globalement parlant.

Les droits sur la marchandise pour les trafics non exonérés représentent entre le tiers et la moitié des droits sur le navire. De fait, ils ont une incidence négligeable sur le fret des lignes régulières, mais ils pèsent plus lourdement sur le compte d'escale d'un grand vraquier sec ou d'un grand pétrolier.

Les coûts de pilotage, remorquage et lamanage sont variables d'un port à l'autre en fonction de leurs conditions d'accès et de leurs caractéristiques nautiques.

Ces coûts étant déterminés au navire, et non au poids, ils s'abaissent unitairement avec la quantité de marchandises traitées : c'est l'effet « diviseur » qui désavantage les faibles quantités 41 ( * ) . Ainsi, pour le trafic des conteneurs, Le Havre manipule en moyenne 550 conteneurs par escale contre 936 à Rotterdam ou 1 139 à Anvers 42 ( * ) , lesquels se trouvent ainsi automatiquement avantagés.

Dans l'exemple de 300 conteneurs traités depuis un porte-conteneurs de 1 600 TEU, le poids de ces trois postes représente au total 15 à 25 % du coût de passage. Pour le vrac solide, son poids dans le coût de passage se situe entre 8 et 12 %.

La position compétitive des ports français sur ces trois postes appelle les mêmes observations que pour les droits de ports. Il est difficile de se faire une idée globale sur les performances comparées par rapport aux ports concurrents, mais en règle générale, les frais de ports semblent être du même ordre de grandeur et parfois moindres que pour les ports étrangers. Par ailleurs, ils ont une importance relative (8 %) dans les comptes d'exploitation des navires, ce qui en fait un poste moins sensible que les coûts de manutention ; cela ne dispense pas de rechercher chaque fois que possible des gains de productivité et des tarifs plus bas ou plus adaptés. Ainsi, l'expérience a montré, en matière de remorquage, que l'introduction d'une entreprise concurrente dans un port étranger avait pu faire baisser les prix correspondants d'environ 20 % à 25 % dans ce port.

Le stockage et la reprise sous magasin et sous terre-plein ont un coût très variable selon la nature de la marchandise et la durée des opérations.

Les opérations administratives concernant le navire représentent un coût faible (1 à 2 % pour les vraquiers, 2 à 4 % pour les autres navires). Par contre celles concernant la marchandise sont plus importantes, notamment pour le transit (exemple cité par Jean Chapon de 300 F par conteneur) et pour le connaissement (90 à 100 F par conteneur, comparable à l'ensemble des postes pilotage + remorquage + lamanage).

5.6.5 Essai de synthèse

Quoiqu'une vue globale soit difficile du fait de la diversité des situations et du manque de données disponibles, il est possible d'esquisser les conclusions suivantes :

Le premier poste de coût est le fret maritime. Celui-ci est actuellement au plus bas compte tenu des surcapacités mondiales lesquelles sont directrices sur les prix. De nouvelles interventions auprès des armateurs semblent toutefois souhaitables pour le fret conventionnel pour atténuer les handicaps concurrentiels dus au régime du « FOB Anvers ».

Le second poste de coût est celui de la desserte des hinterlands. Une attention particulière doit donc lui être accordée au niveau national.

Le troisième poste de coût, qui est donc de facto et, comme nous l'avons montré, de plus faible importance stratégique, est le coût de passage portuaire. Cela n'exclut pas dans les ports français, et notamment à Marseille qui est considéré comme cher 43 ( * ) , une recherche attentive d'économies de gestion, notamment pour le poste manutention qui est le plus fort.

6. La desserte des hinterlands est stratégiquement importante

On a vu précédemment que les pré et post-acheminement terrestres (desserte des hinterlands) représentaient le deuxième poste dans le coût du transport global. Cela dénote leur importance, mais ils ne constituent qu'une partie des acheminements terrestres portuaires, car tôt ou tard et sous une forme ou une autre, les produits qui restent au port doivent être diffusés physiquement depuis ou vers les divers points du territoire, soit directement, soit après transformation, conditionnement ou stockage dans une unité située « au bord de l'eau ». Ainsi, le port n'est souvent qu'une étape. Les produits pétroliers bruts y sont raffinés, l'acier fondu, les produits agro-alimentaires conditionnés, les céréales stockées dans les silos, mais toutes proviennent ou sont à destination d'une localisation terrestre. Certains produits sont néanmoins consommés sur place par exemple dans le cas où une usine de production d'électricité est située près du port.

Faute de statistiques précises, on estime que 30 à 45 % des tonnages subissent un traitement dans le port et sont donc considérés comme étant originaires ou destinataires du port. Les données dont nous avons disposé jusqu'en 1992 (source SITRAM) concernaient au contraire les destinations directes des produits.

Nous reprenons dans le graphique ci-après la statistique SITRAM 1989 du trafic maritime français total (y compris ports étrangers) par région en termes de valeur (en milliards de francs).

Nous constatons que six régions françaises représentent ensemble les deux tiers du trafic maritime français 44 ( * ) . Quatre d'entre elles sont une bordure littorale ; une autre (Ile-de-France) n'est pas très éloignée de la mer. Cela laisse à penser que la distance moyenne de l'hinterland desservi par les ports est assez courte et que celui-ci ne dépasse pas souvent 150 km. Le rapport Belmain estime que seulement le quart du trafic est expédié en longue et moyenne distance.

Trafic maritime français total par région en 1989

Cette impression d'hinterland proche est confirmée par une étude de l'OEST 45 ( * ) qui trace les cartes géographiques décrivant l'hinterland des principaux ports, étude où l'on remarque cependant que les ports de plus grande diffusion relative sont l'ensemble Rouen-Le Havre, ainsi que Calais (pour le trafic roulier). À titre d'illustration, nous reproduisons ci-après, dans une version simplifiée, l'une de ces cartes (importations par le port de Nantes - Saint-Nazaire en 1991 - Produits pétroliers exclus).

Importations par le port de Nantes - St-Nazaire en 1991 :
Trafics (6,7 Mt)

Source : Élude réalisée par C. Jonchère, sous la direction de G. Dumartin « Échanges maritimes français et hinterlands portuaires », OEST, SES, décembre 1995

Parmi les modes de transports terrestres utilisés à partir des ports, la route est majoritaire, voire hégémonique, représentant une part de marché en tonnage de l'ordre de 75 % 46 ( * ) . La première explication de ce score tient précisément dans les courtes distances à effectuer où le mode routier est souverain par ses qualités de rapidité, de disponibilité, de flexibilité, et surtout son caractère peu substituable (desserte à la porte du client final).

Mais pour des plus longues distances, la route est également prédominante bien que son avantage-prix ne soit pas forcément avéré. Nous avons effectué à titre indicatif un calcul basé sur les statistiques EUROSTAT pour 1992 47 ( * ) entre la France et les pays limitrophes (dont le Bénélux). Les parts de marché en tonnage des trafics communautaires sont de 64 % pour la route et de 12 % pour chacun des trois modes alternatifs ferroviaires, voies navigables, maritime. Nous manquons malheureusement de sources qui nous fourniraient les parts de marché depuis les ports. Nous pouvons néanmoins, sur ces bases, constater l'attractivité de la route. Celle-ci est telle que de nombreux intervenants ont regretté que les pouvoirs publics aient privilégié la construction d'autoroutes orientées Nord-Sud qui favorisent le trafic en provenance ou à destination des ports concurrents d'Anvers et Rotterdam. Cela est indéniable, mais les autoroutes répondent à d'autres objectifs : elles sont justifiées économiquement par le trafic de voitures particulières et par l'objectif d'irriguer des axes essentiels économiquement pour le pays, tels l'axe Nord-Sud, via Paris et Rhône-Alpes.

Les parts de marché des autres modes de transport en relation avec les ports sont d'un ordre de grandeur certainement beaucoup plus modeste. Le cabotage maritime n'est pas négligeable en trafic communautaire, mais est beaucoup plus confidentiel en France. La voie navigable est très bien exploitée sur la Seine et sur les canaux du Nord. Mais le Rhône est beaucoup moins fréquenté malgré la présence de la zone lyonnaise. Hors produits pétroliers, le trafic fluvial est d'environ 5 MT. Il est constitué essentiellement de vracs (charbons, céréales, minerais), mais le transport de conteneurs maritimes commence à se manifester en dehors du secteur rhénan. Les trafics réalisés sont encore faibles, mais ils devraient assez rapidement dépasser 10 000 conteneurs par an sur les canaux du Nord et sur la Seine.

Le chemin de fer fait l'objet de nombreuses attentes de la part des intervenants portuaires. Hors produits pétroliers (transports par pipe-line), le trafic ferroviaire est d'environ 17,3 MT, les tonnages principaux étant de 4,5 MT à Dunkerque, 3,0 MT à Rouen, 2,6 MT à Marseille et 2 MT au Havre. Les tonnages expédiés par fer peuvent fluctuer en fonction de la conjoncture pour les vracs solides en particulier pour les céréales et les charbons. Les trafics de minerais concernent pour l'essentiel Dunkerque 48 ( * ) .

Bénéficiant d'ores et déjà d'avantages pour les transports du vrac par trains entiers et pour le juste-à-temps, on attend de lui qu'il soit le vecteur privilégié de la desserte des hinterlands éloignés pour le trafic des conteneurs originaires des ports français. Le trafic des conteneurs par fer a représenté 294 000 EVP en 1995, dont 139 000 au Havre et 105 000 à Marseille-Fos ce qui représente 10 à 20 % du total. La proportion de conteneurs vides est d'environ 40 %.

De fait les parts de marchés ferroviaires du trafic des conteneurs augmentent avec la distance parcourue jusqu'à devenir totales au-delà de 1 000 km lorsque ne se présente pas une barrière naturelle défavorable au train.

Par ailleurs, le train est un mode de transport industriel d'autant plus pertinent et rentable que les flux sont massifiés, ce qui permet d'acheminer le trafic par trains entiers. C'est ainsi qu'à partir de Rotterdam, sont organisées, pour les conteneurs, plus de 25 connexions ferroviaires vers l'Europe, à partir d'Anvers plus de 20, tandis qu'il n'y en a que 4 à partir du Havre et 2 à partir de Marseille. Ainsi, les quantités unitaires manipulées paraissent insuffisantes en France pour promouvoir à grande échelle la technique « navette » qui consisterait en la mise en circulation régulière de trains entiers. De ce fait, la SNCF utilise plutôt la technique, plus onéreuse mais mieux adaptée, du « hub » où les trains sont acheminés dans le point nodal de Villeneuve-St-Georges pour y être remaniés en fonction de leurs origines et destinations.

D'autres éléments pénalisent la desserte ferroviaire : priorité quasi-systématique donnée aux trains de voyageurs, congestions à la traversée de la région parisienne, et dans les noeuds ferroviaires les plus importants, pénalisation à la traversée des frontières du fait de la multiplicité des compagnies ferroviaires concernées.

La priorité donnée aux trains de voyageurs se fait sentir en fin d'après-midi et en début de matinée pour les trains de fret circulant la nuit. Pour les trafics intra-européens, les effets de cette priorité seront sensibles sur l'ensemble de la journée ; il serait donc nécessaire de disposer de sillons de jour pertinents et efficaces.

Une partie des congestions en région parisienne pourrait être évitée si le trafic en provenance du Havre empruntait l'itinéraire dit de Grande rocade Nord, via Amiens et Reims. Électrifier entièrement cette ligne serait prohibitif, mais la SNCF, sur la suggestion du port autonome, étudie la possibilité de mettre en circulation des trains diesel lourds.

La traversée des frontières est un problème qui a été traité partiellement par la directive communautaire 91-440, laquelle permet, dans certaines conditions, le passage de trains internationaux appartenant à des regroupements d'entreprises ferroviaires distinctes ou non des compagnies traditionnelles. C'est ainsi qu'aux Pays-Bas a été créée une société ferroviaire regroupant des armateurs et les chemins de fer néerlandais (filiale fret). Mais les autorités communautaires voudraient aller plus loin et mettre en place des « freight freeways », corridors ferroviaires européens accessibles par les compagnies d'exploitation depuis un « guichet unique ». En cette matière, les Néerlandais ont donné leur accord pour que la Commission de l'Union européenne officialise incessamment des itinéraires desservant l'Italie depuis Rotterdam. Les autorités françaises ont une position délicate.

Beaucoup plus réservées dans un premier temps, du fait de la crainte d'écrémages au détriment de la SNCF, mais aussi de la desserte diffuse du territoire, elles pourraient proposer des axes reliant les ports français sur la base d'une coopération entre gestionnaires d'infrastructures ferroviaires.

Les corridors ferroviaires transeuropéens de marchandises

La Commission de l'Union européenne a adopté en juillet 1996 un « Livre Blanc sur la revitalisation des Chemins de fer communautaires » en vue de relancer la politique ferroviaire communautaire.

Le Conseil des ministres communautaires de décembre 1996 a retenu, parmi les nombreuses propositions du Livre Blanc, la suggestion de poursuivre l'étude de mise en place de « corridors internationaux de fret » (freeways), pour résoudre les problèmes qui se posent dans le domaine du transport ferroviaire transfrontière de marchandises.

Il s'agit pour les États membres et les gestionnaires d'infrastructures d'ouvrir, sur une base volontaire, l'accès à des corridors ferroviaires importants, sans attendre l'adaptation de la législation communautaire, dans l'espoir de promouvoir ce modèle de transport.

Sur ces bases, tous les opérateurs ferroviaires détenteurs d'une licence communautaire (existants et nouveaux arrivants) bénéficieraient d'une liberté d'accès « équitable, loyale et non discriminatoire ». L'usage des infrastructures serait facilité et simplifié, par exemple en créant des guichets uniques d'accès, en mettant en place des systèmes tarifaires simples, attrayants et transparents, en veillant à ce que l'attribution des sillons horaires soit rapide et simple, en recherchant les moyens d'assurer au fret un degré adéquat de priorité par rapport aux trains de voyageurs, en s'efforçant d'éliminer ou de réduire les temps d'attente aux frontières.

À noter que de nombreuses questions juridiques, techniques et d'acceptabilité par les instances en charge de la concurrence restent à approfondir pour permettre la mise en oeuvre de ces corridors.

Lors du Conseil de juin 1997, le ministre français des transports a « proposé que la mise en place éventuelle de corridors se fasse sur la base d'accords de coopération entre les entreprises gestionnaires » (c'est-à-dire selon une formule moins ouverte que ne le souhaite la Commission). Sur ce principe, a été annoncé pour janvier 1998 la création d'un corridor Muizen - Anvers (Belgique) - Bettembourg (Luxembourg) - Sibelin -Venissieux (Lyon). Par ailleurs, le ministre a préconisé l'établissement de corridors Est-Ouest pour les ports français.

CHAPITRE II - LES POLITIQUES PUBLIQUES : APPRÉCIATION ET ESSAI D'ÉVALUATION

1. Le rôle de l'État

1.1 La tutelle: les ports autonomes (la loi de 1965), les ports d'intérêt national, les ports départementaux et leur financement

Les ports font partie du domaine maritime public et sont de ce fait propriété de l'État. Jusqu'en 1965, l'État construisait et gérait directement les ports. Ce dispositif s'avérait peu propice aux initiatives commerciales et a l'autonomie que nécessitent à la fois la gestion courante et le traitement des événements imprévus, d'apparition relativement fréquente compte tenu de la complexité du monde portuaire.

La loi du 29 juin 1965 crée un statut qui a été appliqué à six ports autonomes en métropole et un dans l'outre-mer 49 ( * ) . Il s'agit d'établissements publics de l'État dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière et possédant à la fois un caractère industriel et commercial et un caractère administratif. Ils sont placés sous la double tutelle du ministère chargé des ports maritimes et du ministère chargé de l'Économie et des Finances. Ils sont administrés par un Conseil d'administration 50 ( * ) . Leur directeur est nommé par décret en Conseil des ministres. Leurs investissements sont examinés et les emprunts autorisés par un Comité spécialisé agissant par délégation du Comité des investissements à caractère économique et social (anciennement FDES).

La loi du 22 juillet 1983 confie aux départements la gestion des ports non autonomes honnis les 23 ports d'intérêt national (17 en métropole et 6 dans les DOM). La gestion de l'outillage public des ports d'intérêt national est concédée aux chambres de commerce et d'industrie (CCI).

La participation financière de l'État varie selon le régime juridique des ports :

- dans les ports autonomes, l'État finance entièrement les dépenses d'entretien des écluses, des chenaux d'accès maritimes, des travaux de profondeur des avant-ports et des ouvrages de protection contre la mer. Il finance 80 % des dépenses de modernisation, de création ou d'extension de ces ouvrages. Enfin, il couvre 60 % des charges d'équipement, en particulier la construction et l'extension des quais, darses et terrains endigués ;

- dans les ports d'intérêt national, l'État décide des infrastructures et leur financement est assuré pour partie par l'État (30 à 50 %), pour partie par les CCI concessionnaires de l'outillage public qui bénéficient également des fonds de concours des collectivités locales. L'organisation des tutelles est analogue à celle des ports autonomes ;

- dans les ports départementaux, les dépenses d'investissement et de fonctionnement sont couvertes par les départements, qui perçoivent une compensation financière de l'État incluse dans la dotation globale de décentralisation.

Les ressources financières des ports proviennent, outre des participations financières de l'État aux dépenses d'entretien et d'investissement des infrastructures :

- des droits de port,

- des redevances pour l'utilisation des outillages,

- des revenus domaniaux et, depuis peu, de 90 % des produits de cessions d'actifs immobiliers,

- d'autres produits et redevances divers,

- des produits financiers.

Quelques subventions proviennent des collectivités locales et des fonds de concours européens (FEDER), mais ils sont relativement réduits et, en tout état de cause, difficiles à globaliser.

L'examen des comptes de résultat des ports autonomes montre que, depuis au moins une dizaine d'années, les droits de port procurent la part la plus importante des recettes (de l'ordre de 50 %), les redevances d'outillage et les produits du domaine viennent ensuite (de l'ordre de 15 % chacun), les autres ressources étant très variables (voir paragraphe 8.2).

1.2 Un dosage des missions de service public ou de puissance publique difficile à établir

La description des tutelles et les financements de l'État délimitent le domaine des prérogatives de puissance publique gardées par l'État directement pour les ports principaux (ports autonomes et ports d'intérêt national) et par les départements pour les ports locaux.

Ce domaine concerne principalement la sécurité des hommes et des biens. On a vu que l'État finance majoritairement (80%) les chenaux d'accès maritimes, les écluses maritimes et digues de protection extérieures, à un degré moindre (60 %) les darses, quais et terrains endigués. Il couvre en principe intégralement les dépenses d'entretien de ces infrastructures.

Cependant, les pourcentages indiqués pour les ports autonomes et les PIN sont devenus à l'usage assez théoriques et les autorités portuaires, d'un côté, comme les CCI de l'autre, contribuent fréquemment pour un niveau supérieur aux pourcentages et sont mêmes parfois appelés à participer au financement de l'entretien.

La participation partielle aux dépenses de sécurité des autorités portuaires déléguées n'est pas en soi critiquable (d'autant plus que les infrastructures concernées ont également un intérêt pour l'exploitation) et signifie que, par l'intermédiaire des droits de port et redevances versés à celles-ci, l'usager contribue au financement d'une partie de sa sécurité, qui correspond effectivement à un service rendu. Quelques observations peuvent néanmoins être avancées :

- la participation de l'usager qui gonfle les droits de port pose problème lorsqu'elle s'inscrit dans un secteur concurrentiel où les autres ports européens ne sont pas soumis au même régime financier ; il y a donc là un exemple de déséquilibre concurrentiel au détriment des usagers utilisant les ports français, lorsque le surcoût n'est pas justifié par un gain de sécurité ;

- les pourcentages de participation de l'État ont été définis à une époque où un rattrapage en matière d'équipement portuaire était à l'ordre du jour ; maintenant beaucoup d'installations sont amorties et une révision à la baisse du barème pourrait être envisagée, même si les niveaux initiaux ne sont pas particulièrement prohibitifs pour les usagers ;

- enfin et surtout, les règles établies ne sont pas intégralement respectées par l'État lui-même, en raison principalement des contraintes budgétaires.

L'État a plusieurs missions en matière portuaire. Tout d'abord, il a pour rôle de définir la vocation des places portuaires au mieux de l'intérêt économique du pays et on verra qu'il est sur ce point grandement contraint par les acteurs économiques mondiaux qui, en dernier ressort, décident de l'importance internationale des places portuaires. L'État doit donc coordonner au niveau national la réalisation des infrastructures lourdes, veiller à ce que les actions locales ne conduisent pas à des équipements superfétatoires synonymes de mauvaise utilisation de l'argent public et définir des infrastructures pertinentes de transport terrestre nécessaires et suffisantes à la desserte des ports. L'équilibre est délicat à trouver pour ne pas risquer de tomber dans un dirigisme excessif qui serait nuisible à l'initiative locale et à l'émulation entre les places portuaires.

Par ailleurs, l'État est également garant de la sécurité du territoire et maître d'oeuvre de la politique d'aménagement du territoire pour laquelle les ports peuvent constituer un outil efficace et intéressant (voir ci-après). Enfin, comme pour tous les secteurs de l'économie, le niveau de l'emploi est au premier chef des préoccupations de l'État qui peut y contribuer directement et indirectement, par une politique d'investissements publics.

1.3 Les délégations de l'État : ports autonomes et concessions

L'organisation portuaire instaurée par la loi de 1965 a conduit l'État à transférer une partie de ses prérogatives à des organismes publics : l'établissement public mixte aux caractères à la fois administratif et industriel et commercial dans le cas des ports autonomes. Par ailleurs, l'État confirme la concession de l'outillage public aux Chambres de commerce et d'industrie dans celui des ports d'intérêt national. Il ne sera pas examiné à ce stade si ces organismes sont les structures les mieux adaptées à hériter des « démembrements » de l'État. D'autres sont certes envisageables. L'organisation sous forme de société d'économie mixte par exemple permettrait d'intégrer un capital privé dans la structure des sociétés ainsi constituées et donner aux opérateurs et aux collectivités locales intéressées (qui dans certains ports contribuent déjà de façon significative aux investissements), un poids décisionnel en rapport avec leurs prises de participation. L'attribution de concessions de service public pourrait éventuellement être envisagée sans a priori. Ces options, jugées intéressantes par certains des intervenants audités, n'ont toutefois pas été considérées comme des mesures à caractère prioritaire pour améliorer l'organisation portuaire.

Les autorités portuaires sont à la fois les représentants de l'État, avec ses prérogatives de puissance publique, des aménageurs et promoteurs de l'espace industriel et portuaire et des entrepreneurs industriels et commerciaux fournissant des services variés. L'activité d'aménageur et de promoteur de la place portuaire permet de générer des recettes et de développer ainsi l'activité et l'emploi. Le métier d'entrepreneur industriel et commercial consiste à exploiter des ateliers d'entretien, réaliser parfois des dragages et fournir des prestations d'outillage. L'acquisition et la location avec sa main-d'oeuvre de l'outillage lourd (grues, portiques, radoubs) aux opérateurs de manutention constituent une spécificité du système portuaire français. Pour cette raison, cet outillage est qualifié de « public ». Dans les autres ports européens, il existe souvent des équipements achetés et exploités par des entreprises, en général de droit privé, qu'elles soient ou non utilisatrices uniques du site.

1.4 Le désengagement relatif du budget de l'État

Le budget des ports fait partie de celui du ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement. À titre indicatif, seront précisés les montants alloués en crédits de paiement dans le cadre de la loi de finances 1998, ainsi que la répartition de ceux-ci.

1. En dépenses ordinaires

en %

- dépenses de fonctionnement destinées aux ports non-autonomes directement gérés par l'État

43 MF

7,3

- dépenses d'intervention destinées à l'entretien courant des six ports autonomes métropolitains

394 MF

66,5

2. En dépenses de capital (crédits de paiement)

- investissements de capacité dans les ports de métropole

139,1 MF

23,5

- grosses réparations, d'entretien et de restauration dans les ports d'Outre-mer

13,4 MF

2,3

- études générales liées aux aménagements

1,2 MF

0,2

- subventions d'investissement aux ports maritimes

2 MF

0,3

TOTAL

592,7 MF

100,0

Ce budget appelle plusieurs remarques :

- les dépenses d'entretien des ports autonomes absorbent les deux tiers des crédits ;

- les crédits sont modestes au regard des autres secteurs du transport ;

- Les politiques publiques : appréciation et essai d'évaluation -

- malgré cette modestie, des annulations de crédits relativement importantes frappent chaque année la réalisation de ce budget : 11 MF en 1997, 27 MF en 1996, 70 MF en 1995, 61 MF en 1994, 59 MF en 1993, 56 MF en 1992...

Évolution des crédits en LFI et consommés
pour les ports métropolitains

Mais la caractéristique essentielle de ce budget est sa décroissance quasi continue, comme le montre le graphique ci-dessus indiquant la dotation budgétaire en Loi de finances initiale et les crédits consommés hors fonds de concours (dépenses ordinaires et crédits de paiement) en francs constants 1996 pour les ports métropolitains (articles 35-34, 44-34 et 53-30) depuis 1980. Le décrochement des années 1985 à 1987 s'explique par des concours en provenance du FSGT (Fonds spécial des grands travaux) venus abonder les crédits budgétaires, pour des montants de l'ordre de 150 à 200 MF pendant ces années. Les tableaux en annexe 6 présentent le détail des crédits consommés de 1980 à 1996.

Les crédits d'État diminuent de moitié en seize ans en francs constants. En ce qui concerne les ports d'intérêt national, la réduction des dotations est compensée par les fonds de concours en provenance des collectivités locales, le montant de ceux-ci passant de 6 MF en 1980 à 36 MF en 1996. Malgré cela, la direction des ports fait état de dégradations multiples au niveau des quais, jetées, écluses et ponts-mobiles, mettant parfois en question la sécurité des personnes et des biens, et d'une situation préoccupante sur l'entretien des profondeurs des chenaux et avant-ports.

Ces dégradations touchent des infrastructures utiles à l'exploitation, soit datant du XIX e siècle, soit des équipements plus sophistiqués des années 1960, mais à durée de vie limitée et concernent en première urgence les ports de Brest, Boulogne, Cherbourg, Concarneau, Marseille et Sète. Une expertise technique de ces désordres a été menée en 1994 par la direction des Ports qui souhaite bénéficier à ce titre d'une enveloppe spécifique pluriannuelle. La responsabilité de l'État étant engagée, cette attente devrait être satisfaite dans la mesure du possible et il reste à déterminer l'urgence et le montant des travaux de rattrapage à effectuer.

Par ailleurs, une part des dépenses « normalement » à la charge de l'État est reprise par les autorités portuaires, ports autonomes et concessions, dans la mesure de leur capacité d'autofinancement et des possibilités d'emprunt. Des crédits initialement prévus pour les dotations en capital sont transférés aux dépenses d'entretien, l'ajustement se faisant in fine sur la part de l'État des contrats de plan État-régions qui, au rythme actuel d'exécution, serait de l'ordre d'une dizaine d'années (voir à ce sujet le tableau sur l'état d'avancement des contrats de plan État-régions en point 7 de ce chapitre).

1.5 Les métiers encadrés par l'État : souvent des monopoles de fait

Les autorités portuaires, représentant l'État dans les ports, contrôlent et encadrent certaines activités. Elles agissent par l'intermédiaire des Conseils d'administration ou des conseils portuaires dans les PIN, dans lesquels sont représentés, outre les administrations concernées, les collectivités locales de la circonscription, des représentants des principaux usagers des ports et des représentants du personnel.

Pour des raisons de sécurité, le métier de pilotage est réglementé par l'autorité publique qui vérifie la conformité aux règles de police applicables au port. La profession est organisée en monopole par le syndicat professionnel des pilotes maritimes. Les tarifs pratiqués sont imposés ; ils sont débattus en assemblée commerciale constituée et le Préfet représentant de l'État décide en dernier ressort.

De même, le métier de remorquage est exercé par des sociétés indépendantes de droit privé mais constitue un monopole de fait. Les tarifs sont encadrés et examinés par une assemblée commerciale, sans toutefois qu'ils soient imposés.

Le métier de lamanage, chargé de l'amarrage des navires, bénéficie souvent aussi d'un monopole de fait dans les ports. À la différence des précédents, les tarifs sont libres.

L'affectation des postes à quai est du ressort exclusif de l'autorité portuaire.

Les autres services d'escale des navires et des services à la marchandise sont exercés par des opérateurs privés, mais il arrive fréquemment que l'autorité portuaire soit impliquée dans certaines de ces activités, en raison soit d'implications de service public, soit surtout de la faiblesse financière de ces opérateurs qui nécessite un soutien de la puissance publique sous forme, par exemple, d'une participation à l'acquisition de certains équipements lourds.

1.6 Les organisations des systèmes portuaires dans les pays d'Europe

De façon globale, d'après l'analyse faite par Robert Rezenthel, secrétaire général du Port de Dunkerque, il existe des ports :


• à gestion centralisée : l'État définit le régime juridique des ports et, par voie de conséquence, le degré de dépendance de l'autorité portuaire par rapport à lui. Une collaboration avec des entreprises privées est possible, celles-ci intervenant en qualité de concessionnaires de l'outillage public ou entrepreneurs de la manutention portuaire. En Europe : Espagne (à l'exception des ports autonomes et de certains sites privatisés), Italie (sauf ports autonomes), Grèce, France (à l'exception des ports départementaux et communaux dont la gestion a été décentralisée en application de la loi n° 83-583 du 22 juillet 1983 et des ports autonomes), et quelques ports Danois.


• à gestion décentralisée : cette catégorie comprend les ports gérés par une collectivité locale, un établissement public ou une entreprise publique, une région ou un État fédéré. En Europe : Pays Scandinaves, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni, Irlande, Portugal, France (ports autonomes, départementaux et communaux), Espagne (ports autonomes), Italie (ports autonomes).


• à gestion privatisée : cette idée se développe de plus en plus et a fait l'objet d'observations de la part de la CNUCED (Conférences des Nation-Unies sur le Commerce et le Développement). On en trouve en Europe au Royaume-Uni, en Allemagne, en Grèce et en Espagne.

1.6.1 Allemagne

Les ports ne bénéficient pas d'autonomie réelle par rapport aux collectivités territoriales. Ils ne sont généralement pas gérés par une autorité unique mais par un ensemble de services des administrations territoriales concernées. Il n'existe pas de Commission spéciale pour les questions portuaires. Par exemple, dans la ville-État d'Hambourg, s'il existe un département plus particulièrement chargé du port au sein du ministère des Affaires Économiques, les questions portuaires sont également traitées dans les autres départements et ministères. Le port (et donc l'État) financent les infrastructures tandis que les superstructures sont du ressort des capitaux privés. Compte tenu du fait que la plus importante société de manutention, HHLA, a pour actionnaire principal, la ville de Hambourg, tout se passe comme si ville et port se confondent. Un système similaire existe à Brême.

Il existe cependant des ports considérés comme privés, c'est-à-dire dont les installations font principalement l'objet de financements privés. Exemple : Nordenham ou le port pétrolier de Wihelmshaven. Un terminal forestier privé existe également à Lübeck depuis fin 1995-début 1996. Le port de Lübeck est géré à 50 % par la ville et 50 % par l'État. Les ports de Kiel et de Rostock sont en cours de privatisation.

Le financement futur des infrastructures fait actuellement l'objet de débat, l'argent public risquant de faire défaut (y compris pour les ports de Brême et Hambourg) Parallèlement, des réflexions sont menées pour définir ce qui ressort ou non des infrastructures publiques.

1.6.2 Belgique

En Belgique, n'existent ni hiérarchie entre les ports, ni différence de régime en matière de crédits selon qu'il s'agit de ports autonomes ou de ports de chambres de commerce. La comptabilité n'est pas uniforme. En fait, les ports dépendent des États sur le territoire desquels ils sont implantés.

Le gouvernement flamand a adopté, en 1994, un projet de décret accordant une large autonomie à ses ports maritimes, tant sur le plan de la politique commerciale que sur celui de la gestion. Les ports peuvent bénéficier du statut de personnalité juridique, et il appartient aux municipalités de déterminer si elles souhaitent en rester actionnaires à 100 %. Le caractère de service public doit être maintenu, même si le rôle de la région est restreint.

Le gouvernement flamand est en mesure d'infléchir la politique portuaire par l'entremise des crédits qu'il met à la disposition des ports, pour des projets approuvés par la Commission portuaire. Il finance les travaux relatifs aux accès maritimes et intervient à hauteur de 60 % dans les financements des infrastructures.

Le port d'Anvers est géré par une régie portuaire communale autonome, dont la création a été approuvée par le Conseil Municipal de la ville le 24 juin 1996. Les initiatives sont prises par le Comité de direction, qui gère au quotidien les affaires. Une fois approuvées par le Conseil d'administration, les décisions peuvent être mises en oeuvre immédiatement (dans la logique des statuts de 1987, les décisions à prendre devaient transiter par plusieurs instances publiques).

L'Agha, Communauté du Port d'Anvers, est une structure de concertation sur les grandes orientations du port.

Assiport, Association des intérêts portuaires d'Anvers, est un organisme créé en 1947 et « institutionnalisé » par les associations professionnelles du secteur portuaire et la Chambre de Commerce d'Anvers. Les associations qui en font partie représentent les principaux secteurs privés (commerce, industrie, transbordement, transport, finances), catégories représentées au sein de son Conseil d'administration et de son bureau. Assiport a trois principaux objectifs :


• harmoniser les relations entre les différentes branches de transport et les activités connexes,


• conquérir et développer des trafics,


• mettre sur pied un réseau de relations extérieures permettant d'atteindre les deux premiers objectifs.

SEA, Centre d'études pour l'expansion d'Anvers, est plus particulièrement une structure de recherche.

C'est le Conseil d'administration qui définit la politique portuaire. Selon la loi, il doit se composer au moins pour moitié de conseillers communaux. Pour la première fois, des représentants externes prennent également part à la gestion publique du port. Il s'agit en l'espèce de représentants de l'Agha, de la Société pour la politique industrielle de la rive gauche, de l'Institut pour la préservation de l'environnement, et du Cabinet de l'échevin du port. Le contrôle de la gestion financière est confié à un collège de trois commissaires nommés par le Conseil communal.

Suite à la création de cette règle, le secteur privé anversois regroupé au sein de l'Agha, d'Assiport, et du SEA, s'est réorganisé pour conjuguer ses efforts. Les trois groupements d'intérêts continueront à exister en tant qu'entités juridiques, mais accorderont leurs politiques au sein d'un conseil d'administration commun, composé de deux représentants des six associations anversoises défendant les intérêts des diverses professions portuaires (Groupements des Agents Maritimes d'Usines, Union des Expéditeurs d'Anvers, Fédération Maritime d'Anvers, Union des manutentionnaires de Marchandises) et de deux délégués de la Chambre de commerce et d'industrie d'Anvers. Le secteur fluvial, le transport routier et la SNCB sont représentés en tant que membres associés. Cette structure collaborera de façon plus explicite avec la régie communale du port dans le cadre de la politique commerciale.

Le port de Zeebrugge est géré par un organisme public créé à la suite d'un accord entre l'État belge, la ville de Bruges et des investisseurs privés.

1.6.3 Danemark

Il existe quelques ports administrés par l'État (Esjberg, Friederiskhaven, Helsingor), alors que la plupart des autres sont municipaux.

Il est à noter que le port de Copenhague est doté, depuis 1913, d'un régime d'autonomie. L'établissement est dirigé par un Conseil où l'État et la municipalité sont représentés, mais dont la majorité des membres représentent les secteurs du commerce et de l'industrie. L'autorité portuaire de Copenhague détient de vastes zones au nord du port. Les secteurs situés au sud appartiennent pour la plupart à la municipalité et à des particuliers, et les zones militaires sont propriétés de l'État. La planification de toute extension ultérieure de la ville et du port relève essentiellement de la compétence de l'État et s'inscrit dans le cadre de l'aménagement du territoire.

1.6.4 Espagne

La constitution espagnole du 6 décembre 1978, dans son article 1491 alinéa 20, attribuait à l'État la compétence exclusive sur les ports dits « d'intérêt général », alors que les communautés autonomes (équivalent des régions) étaient compétentes pour les ports de pêche et de plaisance (alinéa 6 de l'article 148).

Une importante réforme portuaire a eu lieu en 1992, réforme fortement critiquée dans la mesure où elle remet en cause le domaine des compétences des communautés autonomes, définies dans la Constitution. Afin d'éviter les conflits liés à l'aménagement de l'espace portuaire, entre les compétences de l'État sur les ports d'intérêt général et les compétences des communautés autonomes en matière d'urbanisme, la loi de 1992 a prévu un mécanisme de coordination, associant l'administration portuaire, la communauté autonome et la municipalité sur laquelle se trouvent les installations portuaires. L'initiative du plan d'aménagement revient à l'autorité portuaire, et, en cas de désaccord avec l'administration de l'urbanisme, le Ministre des ouvrages publics est en situation d'arbitre.

La loi de 1992 a confié la gestion des ports à :


• l'organisation « Puerto del Estado », qui dispose de la personnalité morale de droit public et de l'autonomie budgétaire. Rattaché au ministère des ouvrages publics, il a pour objectifs essentiels l'exécution de la politique portuaire du gouvernement et la coordination des différents services de l'État présents dans le domaine portuaire. Il peut être considéré comme un holding aux fonctions de contrôle et de conseil des différentes autorités portuaires. À ce titre, il en approuve le programme financier, autorise la prise de participation de celles-ci dans les sociétés commerciales, définit les orientations de leurs ressources humaines. La création d'une telle structure a pour but de rechercher la coordination de l'ensemble du système portuaire, avec spécialisation des ports.


• 26 « autorités portuaires », personnes morales de droit public bénéficiant de l'autonomie financière, et chargées de la gestion spécifique de chaque port. Elles ont pour mission la gestion et le contrôle des opérations maritimes et terrestres liées au trafic, ainsi que la gestion des services portuaires. Elles élaborent en outre le règlement de police du port, gèrent le domaine portuaire dans le respect du cadre territorial de la zone de service du port.

Par cette loi, le législateur avait pour objectif d'améliorer la compétitivité portuaire, en abaissant les coûts de passage dans les ports, mais aussi de parvenir à l'indépendance financière complète du système portuaire (déjà évoquée dans la résolution du Parlement Européen du 16 novembre 1988 relative à la politique portuaire commune). Désormais, les services portuaires destinés à favoriser les trafics peuvent être gérés directement par l'autorité portuaire, ou par l'intermédiaire d'un entrepreneur privé.

1.6.5 Finlande

À l'exception du port de Hangö, tous les ports sont municipaux.

1.6.6 Grèce

La gestion des nombreux ports grecs est placée sous la responsabilité de l'État. Il existe cependant des ports privés, généralement spécialisés dans le traitement de vracs spécifiques à l'entreprise privée dont ils font partie.

1.6.7 Irlande

Les ports de Dublin, Cork et Limerick bénéficiaient du statut d'autonomie depuis le « Harbours Act » de 1946. Cependant une réforme des ports a conduit à une réorganisation des ports en 1996. Le Companies Act prévoit la création de nouvelles sociétés pour gérer les ports de Shannon, Dublin, Waterford, Cork, Wicklow, New Ross, Arklow, Dundalk, Drogheda, Foynes, Dun Laoghaire et Galway. L'État en est le seul actionnaire, mais la structure plus souple qu'auparavant permet aux ports d'être plus réactifs face au marché.

1.6.8 Italie

La Commission des transports de la Chambre des députés et la commission correspondante du Sénat ont adopté, à la mi-janvier 1994, le projet de loi de « révision de la législation portuaire », qui autorise la privatisation partielle des activités de transbordement portuaire. En vertu de cette loi, les ports d'Ancône, Bari, Brindisi, Cagliari, Catane, Civitavecchia, Gênes, La Spezia, Livourne, Marina de Carrare, Messine, Naples, Palerme, Ravenne, Savone, Tarente, Trieste et Venise sont réorganisés dans le sens d'une privatisation.

L'idée de la privatisation des ports était apparue en Italie dans les années 1970, et jusqu'à cette loi, les ports italiens étaient considérés comme un service public dont la rentabilité et l'efficacité n'étaient pas prioritaires. En 1908, une loi avait créé l'administration portuaire de Gênes, dans le but d'en laisser la gestion à des entités locales en vue de promouvoir un service efficace sous le contrôle de l'État. Six entités similaires avaient été créées par la suite.

La loi de 1994 prévoit que la gestion financière des ports soit assurée de façon autonome par les administrations portuaires respectives. Celles-ci auront en outre en charge la planification, la coordination la commercialisation et le contrôle des activités portuaires, mais pas leur exploitation. Sont par ailleurs du ressort des administrations les terrains et biens maritimes propriétés de l'État, ainsi que tout ce qui ressort des concessions et autorisations correspondantes.

Pour développer les activités portuaires, un comité portuaire, composé de 14 membres (au nombre desquels figurent les représentants des institutions locales, des organisations syndicales, des usagers portuaires et des entreprises portuaires) devra élaborer un plan triennal. Le président, responsable de la gestion doit être nommé par le Ministre des Transports et de la navigation en accord avec la Région. Les nouvelles autorités portuaires sont uniquement autorisées à gérer des sociétés de services en rapport avec l'exploitation portuaire (transbordement, sécurité, ...), et pour cela elles peuvent s'associer avec le secteur privé.

La réforme est encore loin d'être mise en place dans tous les ports a priori concernés.

1.6.9 Pays-Bas

Il existe deux types de structures : le havenbedrijf et le havenshap.

Le havenbedrijf, ou port communal, est géré part un organisme spécifique relevant de l'autorité communale. L'instance supérieure en est le Conseil municipal. Exemples : Rotterdam et Amsterdam. La direction municipale du port de Rotterdam, sous la gérance d'un directeur général, compte trois directions principales : recherche et développement, navigation et commercial et exploitation. En 1996, une possible réforme de l'administration locale dont dépend le port de Rotterdam était envisagée, ce qui aurait donné davantage de marge de manoeuvre au port pour développer ses activités et moderniser les infrastructures avoisinantes. Il était en effet question de fusionner en une « mini-province » les différentes communes de cette zone. L'administration centrale a abandonné ce projet.

Le havenshap est un organisme autonome doté de la personnalité juridique. Il est composé de représentants de l'État, de la Province et des Communes. Le président du Conseil d'administration est désigné par la province et le vice-président par le ministre des transports et du Waterstaat. Exemples : Delfzijl, Flessingue, Temeuzen.

1.6.10 Portugal

Au cours de la dernière décennie, une réforme portuaire a été mise en oeuvre. Après avoir promulgué une nouvelle loi sur la main d'oeuvre portuaire en 1993, le gouvernement a remis en cause le rôle des autorités portuaires et promu la participation des acteurs privés aux opérations.

Constat fut fait que les compétences concernant la marine marchande et les ports portugais se trouvaient dispersées dans plusieurs ministères. La sécurité maritime, le contrôle de la navigation au large des côtes, l'entrée et la sortie des ports, la vérification des conditions de fonctionnement des équipements et la qualification des équipages relevaient simultanément de plusieurs services, d'où un enchevêtrement permanent des prérogatives de la direction générale des ports et de la marine, des administrations régionales et des capitaineries.

Une véritable politique maritime a donc été mise à l'étude, comprenant un plan stratégique pour les ports. Ceux-ci sont encouragés à se spécialiser. La réforme portuaire est appelée à se poursuivre. Une loi réglera la question de l'attribution des concessions aux sociétés de manutention. L'exploitation des services portuaires devrait s'ouvrir au secteur privé et un organisme chargé de délivrer les licences aux dockers mis en place.

D'ici la fin du mois d'octobre 1997, 21 points du train de mesures relatif à la réforme portuaire prévue devront être approuvés en Conseil des Ministres. La réforme pourra donc s'appliquer dès l'an prochain. Onze autres mesures seront étudiées ultérieurement.

Dans la foulée, l'Instituto Maritimo Portuario, future société holding des ports de mer, qui remplacera la Direction générale des ports de mer portugais sera créée au mois d'octobre.

Les administrations portuaires de Lisbonne, Leixoes et Setubal deviendront des entreprises portuaires publiques, statut qui sera également étendu à Aveiro. Les ports commerciaux de moyenne importance restent sous la tutelle de la direction générale des ports portugais.

1.6.11 Royaume-Uni

Le ports Act signé en 1991 a demandé aux principaux ports de présenter des plans de privatisation. Le port privé de Felixstowe a ainsi été rejoint sous ce statut par les ports de Tilbury, Liverpool, Clyde, Forth and Tees, Dundee (dont le principal propriétaire, Associated British Ports, relevait du secteur privé). Par ailleurs, l'Associated British Ports Holdings PLC est propriétaire de 21 ports qu'elle exploite (Southampton, Grimsby and Immingham, Hull, Newport, Cardirff, Swansea,...).

Le gouvernement ayant décidé que tous les autres ports traitant plus de 5 millions de tonnes seraient privatisés, les ports de Douvres, Ipswich et Tyne durent présenter leur programme en 1995. Douvres a obtenu un délai de deux ans, afin d'y impliquer les opérateurs du Transmanche. Certains ports restent municipaux : Portsmouth, Boston, Ramsgate.

1.6.12 Suède

Il n'existe pas de loi organisant le système portuaire en Suède et il n'y a donc pas de politique gouvernementale correspondante. Même si la plupart appartiennent aux municipalités, les ports sont le plus souvent gères par des entreprises privées. Le rôle de l'État se limite parfois aux questions d'investissement et d'amélioration du système portuaire. Il n'accorde généralement pas de subvention.

1.7 Organisation des ports européens : prédominance des pouvoirs publics ou des acteurs commerciaux

L'organisation institutionnelle des ports en Europe est très diverse car elle dépend du contexte politique du pays où ils sont implantés et des pesanteurs historiques. Elle peut constituer un facteur de compétitivité. Les ports peuvent être classés en quatre grandes catégories :

- les ports administrés par l'État

- les ports administrés par des collectivités locales

- les ports gérés par des organismes publics désignés

- les ports gérés par des organismes privés.

Cependant, les ressemblances du point de vue formel peuvent cadrer des différences importantes du point de vue fonctionnel, et vice versa. Il n'y a pas coïncidence entre actionnariat ou propriété publique, d'une part, et priorité donnée aux missions de service public par rapport aux finalités commerciales, d'autre part. Si les missions de service public prédominent, les activités régaliennes de l'État ont une grande importance dans la vie de l'établissement portuaire, et peuvent être entremêlées avec la gestion même du port. Si les finalités commerciales sont plus déterminantes, le rôle moteur est joué par les entreprises privées, qui impriment leur marque à la gestion portuaire. Les pouvoirs publics se cantonnent alors aux missions d'intérêt général et aux affaires domaniales. On parle d'ailleurs, dans le premier cas, d'une autorité portuaire globale (« comprehensive port authority ») et dans le second d'une autorité portuaire propriétaire (« landlord port authority »).

En réalité, les ports se positionnent en un point plus ou moins proche des deux schémas décrits ci-dessus. D'une façon générale, si les ports d'Europe du Sud se situent plutôt dans le groupe des ports à prédominance des pouvoirs publics et ceux d'Europe du Nord dans celui des ports à prépondérance commerciale, dans tous les cas, l'intervention publique est importante même si la répartition entre autorités locales et nationales est différente selon les pays et si les modalités de cette intervention sont diverses au point de rendre les comparaisons difficiles. En tout état de cause, les structures organisationnelles ont un effet sur la compétitivité des ports et les conditions de la concurrence qui s'y exercent.

À cet égard, le chapitre 5,4 de la première partie (« les investissements portuaires et l'entretien des équipements ») montre les différents degrés d'intervention publique pour construire et financer les équipements portuaires. Si l'on ajoute à ces éléments les difficultés d'identification des flux financiers, les différences dans l'organisation du travail qui peuvent limiter la compétitivité des ports et justifier ainsi la voie à des subventions publiques destinées à couvrir des besoins sociaux, l'existence de monopoles ou de « droits exclusifs » de fourniture de certains services, on imagine la complexité d'un ensemble qui crée les conditions volontaires ou involontaires de diverses distorsions de concurrence.

Divers observateurs internationaux du secteur, dans ces conditions, préconisent une évolution vers une autorité portuaire à vocation domaniale (c'est-à-dire du deuxième groupe ou « propriétaire ») accompagnée de l'autonomie financière, d'une comptabilité spécifique et ne s'occupant que de la programmation et de la gestion du site. La situation institutionnelle des ports des différents pays européens est presque partout en pleine évolution et tend, même dans ceux où le poids des pouvoirs publics est prédominant, vers une présence accrue des acteurs privés.

2. La réforme de la manutention bien engagée reste à compléter

2.1 La principale attente du client est la fiabilité

Dans la perspective de la concurrence des ports étrangers, il est fréquemment avancé que la cause principale du manque de compétitivité des ports français, qui se traduit par des pertes sensibles de parts de marché, réside dans les difficultés rencontrées dans l'organisation du travail de la manutention. Le coût de la manutention est prépondérant dans le passage portuaire, en particulier en ce qui concerne les marchandises diverses et les vracs solides de faible densité. Mais les clients des ports sont surtout sensibilisés au manque de fiabilité provoqué notamment par l'accumulation des conflits sociaux et par la faible productivité des opérations conduisant à des coûts anormalement élevés.

Les organisateurs de transport sont en mesure de valoriser en termes monétaires les différents éléments qualitatifs du passage portuaire que ce soient les risques de retards d'acheminement causés par les conflits sociaux ou les conséquences des dommages causés à la marchandise ou plus simplement certaines pratiques peu rationnelles d'utilisation de la main d'oeuvre. De même, les armateurs sont extrêmement sensibilisés aux coûts d'immobilisation de leurs navires, ainsi qu'aux rythmes de chargement et déchargement par les équipes de manutention. Lorsqu'un chargeur ou un armateur est échaudé un certain nombre de fois, il réorganise sa logistique pour passer par un port concurrent plus attractif et risque ainsi d'abandonner pendant une très longue période celui qui, de par sa situation, devrait accueillir l'essentiel de son trafic.

La notion de fiabilité se rapporte à la fois aux performances techniques des installations, aux déprédations intentionnelles ou non de la marchandise, mais aussi et surtout, aux défaillances, quelle qu'en soit la cause, des personnels et parmi ceux-ci plus particulièrement en évidence les ouvriers dockers. De plus, des causes externes au monde portuaire, telles que des blocages de port lors de mouvements sociaux, peuvent aussi influer sur la fiabilité. Elle peut être en partie subjective si l'on considère qu'elle est parfois inhérente à une image déformée de la réalité fondée sur une réputation ancienne ou imméritée.

L'enquête du BCEOM, entreprise en juin-juillet 1997 pour le Commissariat général du Plan, met en évidence l'importance, pour les usagers des ports français, de la fiabilité comme facteur de compétitivité du passage portuaire. Parmi les dix facteurs recensés, la fiabilité est considérée comme un facteur très important, souvent le plus important, de la compétitivité des ports français par quasiment tous les professionnels interrogés. Les indices de satisfaction associés à ce facteur montrent que sur ce point, la fiabilité du Havre est jugée satisfaisante (notée 2), celle de Marseille peu satisfaisante (notée 3), alors que celle de Dunkerque, Anvers et Rotterdam est jugée comme très satisfaisante (notée 1).

Il n'existe pas d'indicateur mesurant objectivement la fiabilité globale d'une place portuaire. Le décompte du nombre de jours de grève constitue une approche partielle un peu fruste dans la mesure où il n'intègre pas des pratiques également dommageables et non prises en compte (grèves perlées, refus d'heures supplémentaires, rigidités diverses) et où, pour des raisons commerciales évidentes, la vérité des pratiques n'est pas toujours avouée.

Le tableau ci-après présente un décompte des jours de grève quasi-générale dans cinq des six ports autonomes depuis 1991. Effectué à partir des renseignements fournis par les ports, il n'inclut pas les mouvements spécifiques des agents mensualisés au sein des entreprises ; depuis 1994, la situation s'est apparemment grandement améliorée.

Jours de grève quasi-générale
dans les ports autonomes depuis 1981

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997 (1)

Dunkerque

11

50

0

0

0

0

0

Le Havre

17

55

6

9

0

1

2

Rouen

nc

nc

nc

nc

nc

nc

nc

Nantes (2)

17

52,5

6

7,5

2,5

1,25

3

Bordeaux

nc

66

6

17

1

1

3

Marseille

Est

Ouest

24

29

81

81

14

14

23

23

2

2

2

2

5

6

Nb moyen

16,3

64,2

7,7

13,2

1,2

1,2

3,2

(1) à la date du 20 octobre

(2) aucun mouvement de grève à Saint-Nazaire Source : Ports autonomes

En revanche, l'impact du facteur fiabilité sur les trafics peut être nettement mis en évidence en ce qui concerne les plus volatils de ceux-ci, c'est-à-dire les marchandises diverses et surtout les conteneurs. À titre indicatif, les mouvements survenus à l'occasion de la réforme de 1992 ont provoqué un décrochement marqué du trafic de conteneurs des ports autonomes, comme le montre le graphique ci-après.

Trafic de conteneurs des 6 ports autonomes
(en cumul annuel glissant)

En 1992, au Havre, le trafic de marchandises diverses a chu de 12,1 à 10,2 Mt, soit - 16 % et celui des conteneurs de 8,8 à 6,9 Mt, soit - 22 %. À Marseille, les mêmes trafics ont régressé de 10,3 à 9 Mt (- 12,5 %) et de 4,9 à 3,9 Mt (- 20 %). Pendant ce temps, les échanges internationaux ont continué à progresser et les deux principaux ports français ont perdu des parts de marché qu'ils n'ont pas réussi à récupérer depuis.

Ces pertes de parts de marché peuvent être mises en évidence par la comparaison des trafics de marchandises diverses et de conteneurs en 1991 et 1996 entre Le Havre et les principaux ports du nord (y compris britanniques), ainsi que celle de Marseille et des principaux ports de la Méditerranée occidentale (hors Malte et GioiaToro). Pour conserver leur situation, le port du Havre aurait dû enregistrer en 1996 un trafic de marchandises diverses supérieur de 8 % et de conteneurs de 29 % et le port de Marseille de respectivement 37 et 57 %. Les écarts sont moins marqués pour les autres trafics en raison de leur caractère captif.

Au total, la fiabilité, aussi difficile soit-elle à mesurer, à un effet incontestable sur la performance des ports français. Cet effet fortement dissymétrique se traduit par des chutes rapides de parts de marché lorsque des dégradations surviennent et par un temps de récupération beaucoup plus long, voire peut-être des pertes irréversibles, lorsque la situation s'améliore. Plus que les coûts, il s'agit du facteur essentiel conditionnant le niveau de compétitivité du passage portuaire.

2.2 Une situation initiale particulièrement dégradée

Avant la réforme de 1992, le travail de la manutention s'effectuait dans les conditions qui prévalaient depuis le XIXe siècle et qui avaient été précisées dans différents textes, dont le plus connu date du 6 septembre 1947.

Il était admis alors que la vigueur physique qu'exigeait ce travail, ainsi que le caractère irrégulier du trafic de marchandises dans les ports avec des pointes d'activité et des temps morts, ne nécessitaient pas de liens contractuels entre la main d'oeuvre et les entreprises. Ces dernières étaient donc amenées à recruter une ou deux fois par jour la main d'oeuvre nécessaire auprès d'un organisme d'embauché, le bureau central de la main d'oeuvre (BCMO). Dans chaque port, existaient un contingent de dockers intermittents titulaires d'une carte professionnelle (carte « G ») et un autre contingent de dockers occasionnels destinés à faire face aux périodes de pointes.

Cette loi de 1947 n'était pas intrinsèquement mauvaise si l'on considère que les principaux ports d'Europe fonctionnaient de façon satisfaisante en suivant à peu près les mêmes principes. Ce sont les dérives auxquelles elle a donné lieu qui ont conduit à la perte progressive de fiabilité des ports français. L'immobilisation d'un navire à quai coûtant souvent plus à l'armateur que la satisfaction d'une revendication ponctuelle, au fil des années les conditions de production sont devenues de moins en moins compétitives pour les armateurs et les chargeurs, sans que la situation des dockers s'améliore pour autant.

Dans le même temps, en effet, le progrès technique a nécessité moins de main d'oeuvre sans que les effectifs soient adaptés en conséquence, le syndicat unique des dockers contrôlant directement l'organisation du travail et le niveau des effectifs affectés à chaque opération. Comme de plus ce personnel revendiquait l'exclusivité des activités de traitement de la marchandise dans l'enceinte portuaire (alors que la loi de 1947 ne le prévoyait pas), les ports français ont acquis, à tort ou à raison, une mauvaise réputation auprès de l'ensemble des opérateurs internationaux, qui ont cherché à les contourner pour les trafics non captifs.

Ce système tripartite, marqué par une organisation efficace du côté des personnels de la manutention en situation sociale sans cesse plus difficile, par un patronat en situation de faiblesse, et par un État qui ne voulait pas prendre en charge les coûts d'ajustement nécessaires et en perpétuelle situation d'arbitrage délicat rendant difficile l'application équitable des textes réglementaires et législatifs, a donc trouvé ses limites et contribué à la dégradation des conditions d'activité de manutention dans les ports français.

2.3 La loi de 1992 : une réforme importante

Une première série de plans sociaux, établis durant les années 1986-1988, avait déjà permis de réduire de plus de 3 000 un effectif de quelques 12 000 dockers. La loi du 9 juin 1992 et les décrets du 12 octobre 1992 ont pour objet de mettre un terme aux dysfonctionnements. Le principe essentiel porte sur la mensualisation des dockers, employés dorénavant par les entreprises de manutention et assujettis au droit commun de travail. Cette loi a fourni un cadre à une négociation qui s'est engagée port par port.

La mensualisation a pour effet de rattacher par un contrat de travail chaque docker à une entreprise de manutention qui l'embauche. Celle-ci est responsable du personnel et, en particulier, doit dorénavant organiser le travail selon les normes usuelles des entreprises de droit privé. Elle doit se conformer au Code du Travail et exercer son pouvoir disciplinaire. Il n'est plus attribué de carte professionnelle aux intermittents, ni de carte d'occasionnel à la main d'oeuvre d'intérim. Cependant, le législateur a imposé le recours en priorité aux dockers professionnels intermittents puis, à défaut, aux ouvriers dockers occasionnels.

Pour les nouveaux venus, le droit commun devient la règle d'emploi. En cas de pointes d'activités, les entreprises peuvent embaucher une main d'oeuvre complémentaire sous forme traditionnelle : contrat à durée déterminée, temps partiel, etc. Les ouvriers dockers occasionnels ne constituent plus une catégorie spécifique au sein du BCMO, mais nécessitent un suivi régulier puisqu'au delà de 100 vacations exercées dans les douze mois, ils deviennent prioritaires après les intermittents, en cas de nouvelle embauche de mensualisés dans les entreprises de manutention.

Au total, la loi crée une nouvelle catégorie d'employés de la manutention : les mensualisés. Elle prévoit l'extinction progressive de la catégorie des intermittents par intégration progressive dans le droit du travail. Elle rétablit en principe l'entreprise dans ses prérogatives.

Afin de faciliter la transition vers le droit commun, la réforme n'a pas été jusqu'au bout de sa logique en maintenant les BCMO (Bureaux centraux de la main d'oeuvre). Les titulaires de la carte professionnelle au 1er janvier 1992 peuvent la conserver et, en cas de licenciement économique, retourner s'inscrire auprès de cet organisme. En outre, toujours afin de permettre la transition, il est prévu qu'un certain nombre de dockers peuvent demeurer, sous certaines conditions d'emploi, intermittents.

2.4 Une réforme qui reste à achever en particulier dans les deux plus grands ports français.

La réforme de la manutention a conduit à une réduction de moitié des effectifs de la profession. Au cours de la période allant de 1992 à 1994, des plans sociaux ont été négociés directement entre les entreprises et les représentants du personnel, cette négociation s'étant prolongée durablement en particulier dans les ports du Havre et de Marseille. Le coût global en est supérieur à 4 milliards, se répartissant en deux parts égales, deux milliards à la charge de l'État (ministère du Travail et des Affaires sociales et ministère de l'Équipement, du Logement et des Transports), deux milliards à la charge des places portuaires. Dans cette dernière part, les montages financiers sont très différents d'un port à l'autre : en général, les autorités portuaires ont pris à leur charge une part importante du financement, le solde étant à la charge des employeurs qui ont eu à supporter un quart du montant global. Les collectivités locales n'ont en général pas participé au financement des plans sociaux, mais ont accru en compensation leurs subventions d'investissement.

Tableau synthétique de la dépense liée aux plans sociaux

en MF

Dépense totale

Part de l'État

Part locale

Dockers partants

Dépense moyenne par docker partant

Dunkerque

330

205

125

483

0,683

Le Havre

1 375

563

812

1 055

1,303

Rouen

401

213

188

526

0,762

Nantes

106

65

41

138

0,772

Bordeaux

176

85

91

210

0,837

Marseille

1 060

530

530

973

1,089

Ensemble des ports

4 052

2 021

2 031

4 231

0,958

Source : DTMPL

Si ces plans représentent une dépense moyenne significative, il résulte de la décentralisation des négociations que l'effort est inéquitablement réparti, l'indemnisation de départ étant nettement plus faible dans les petits ports que dans les grands.

Au moment de la réforme, l'effectif s'élevait à 8 234 dockers. Au 1 er janvier 1996, 1 917 d'entre eux sont partis en mesure d'âge, 2 127 en reconversion et 179 ont quitté la profession hors plan social. Sur environ 4 000 dockers restant en activité, 3 500 ont été mensualisés et 375 intermittents subsistent dont les deux tiers à Marseille. Dans 22 BCMO sur 31, il n'y a plus de dockers intermittents, les entreprises ne faisant appel qu'à des dockers mensualisés ou occasionnels dans le cadre normal.

D'une façon générale, les signatures d'accord entre les entreprises et les syndicats de dockers ont ramené la paix sociale et rétabli des conditions normales de fonctionnement. Cependant, si la réforme est considérée comme donnant des résultats satisfaisants dans un grand nombre de ports, comme Dunkerque, Nantes ou Rouen, dans les deux plus grands ports français

Marseille et Le Havre, de fortes résistances à une nouvelle application de la réforme perdurent et se traduisent, malgré la promesse de trêve sociale, par la résurgence de mouvements sociaux. Ces troubles proviennent d'interprétations divergentes entre les syndicats et les entreprises de la réforme de 1992, notamment concernant les travaux annexes au chargement et déchargement des navires. En particulier, le monopole de pré et post-acheminement (brouettage, manutention sous hangars privés, distribution) fait l'objet de débat. Cette exigence a pour effet de dissuader l'installation d'opérateurs dans l'enceinte portuaire. De plus, au niveau national, le syndicat unique des dockers, actif dans plusieurs ports importants, reprend ses actions sur des thèmes plus généraux (revalorisation des salaires, durée du travail et conditions de départ de la retraite). Ces diverses revendications ont été soutenues sous la forme de grèves perlées en mars et avril 1997 au Havre et Marseille.

En ce qui concerne les coûts, un armateur auditionné estime que globalement, en incluant tous les paramètres, la réforme aurait dû conduire à une réduction des coûts de l'ordre de 15 %. D'une façon générale, il n'a pas été possible d'obtenir des données précises sur les variations de coûts avant et après la réforme en raison de l'opacité qui règne dans l'application des tarifs. À cet égard, il faut souhaiter que la création de l'observatoire des coûts de passage portuaire puisse à l'avenir fournir des évaluations ex-post quantifiées. Sur les trafics de tramping, quelques baisses sensibles de prix de manutention ont été répercutées ; en revanche, la réforme tarde à produire les effets escomptés pour les lignes régulières. Il a été avancé que les armateurs de ces lignes ont profité des baisses de tarif pour compenser en partie la chute sensible des taux de fret au cours des dernières années. Il est vrai que les coûts de manutention répercutés aux chargeurs sous forme de THC (terminal handling charges) ne sont pas liés directement aux coûts réels facturés par les manutentionnaires.

La productivité s'est améliorée, mais n'atteint pas encore celle des entreprises étrangères les plus performantes. En particulier, il subsiste de fortes rigidités dans l'utilisation des périodes de vacations des dockers (« shift »). Une étude citée par les autorités du port d'Anvers fait état de 21 à 24 mouvements de conteneurs par heure de portique au Havre contre 33 à Anvers et 30 à Rotterdam (il est vrai que cet indicateur intègre également la performance des grutiers). La mesure objective de la productivité est difficile, car elle constitue un paramètre commercial essentiel des entreprises et du port pouvant influer sur la concurrence, de sorte que les responsables sont réticents à communiquer les informations. De plus, différents facteurs sont à prendre en considération comme le montre l'encadré ci-après

Cependant, un indicateur de cette productivité pourrait constituer un item pour le futur observatoire du coût des passages portuaires.

Finalement, le principal reproche fait à la réforme résulte de l'inachèvement de celle-ci. Les dispositions spécifiques adoptées au titre de la phase transitoire, notamment au Havre et à Marseille, risquent, si elles perdurent, d'instaurer une dérive par rapport à l'esprit de la loi, qui consiste à faire du docker un salarié de droit commun (ce qui ne veut pas dire qu'il ne bénéficie pas d'une sérieuse protection sociale). Le retour à l'intermittence en cas de licenciement et le maintien des BCMO affaiblissent la position des entreprises et constituent une forme de retour en arrière. De même, le maintien d'un régime spécial pour les dockers occasionnels, incluant une priorité d'embauche en cas de mensualisation, crée encore une catégorie de personnels en dehors du droit commun et empêche ainsi le rajeunissement de la pyramide des âges. De façon plus générale, une solution au vieillissement du personnel docker (44 ans en moyenne) n'a pu être trouvée. Les sureffectifs encore existants limitent l'arrivée de jeunes et accroissent progressivement ce vieillissement qui induit un taux d'inaptitude élevé : 14 % en moyenne et 30 % pour les plus de 50 ans. Si rien n'est fait, on risque d'atteindre le chiffre de 1 000 inaptes dans les cinq ans à venir.

Malgré cela, la Direction des ports ne propose pas dans l'immédiat de modification de la loi sur la manutention, les divergences d'appréciation sur les textes d'application ne permettant pas de dégager un consensus entre les partenaires sociaux. En tout état de cause, elle estime que l'application pleine et entière des textes existants constitue un préalable avant le passage à une phase ultérieure qui consisterait en premier lieu à supprimer totalement l'intermittence et utiliser, pour faire face aux pointes d'activités, les procédures de droit commun accompagnées des aides légales correspondantes, si besoin est.

En ce qui concerne l'inaptitude, des réflexions sur une meilleure adaptation du personnel docker aux travaux à réaliser pourraient être engagées avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, visant au renouvellement des générations par départ progressif des dockers plus âgés ou inaptes avec corrélativement l'embauche de jeunes.

En définitive, les responsables du monde portuaire sont d'accord pour estimer que la prolongation de la phase transitoire risque d'induire une dérive préjudiciable à l'esprit de la loi de 1992. Ils souhaitent vivement consolider les progrès déjà enregistrés et aller plus avant en supprimant progressivement les exceptions à l'état de droit commun.

2.5 La faiblesse des entreprises de manutention

La dernière enquête connue, effectuée par la DAEI (Direction des affaires économiques et internationales), recense, en 1994, 129 entreprises de manutention employant 6 071 agents. Plus de la moitié d'entre elles emploient moins de 20 salariés et, même si une tendance à la concentration est observée ces dernières années, on peut estimer qu'il s'agit d'une activité très dispersée. Le chiffre d'affaires du secteur représente 4,4 milliards de francs.

Quelques grands groupes liés financièrement à des intérêts maritimes français exploitent des filiales de manutention implantées dans plusieurs ports : le groupe SAGA (Société anonyme de gérance et d'armement), le groupe CGM (Compagnie générale maritime) et le groupe SDV (SCAC - Delmas -Vieljeux). Ils connaissent tous à des degrés divers de fortes difficultés financières 51 ( * ) qui conduisent à des restructurations, des concentrations, des cessions de parts à des actionnaires minoritaires ou à des opérateurs locaux, voire des redressements judiciaires (Somotrans, filiale de SAGA) et, la plupart du temps, souhaitent se désengager des activités de manutention. D'autres entreprises à caractère familial sont implantées dans les ports. Elles dégagent parfois des marges appréciables, néanmoins insuffisantes pour faire face à des investissements lourds.

Dans l'ensemble, le marasme prédomine dans le secteur d'activité de la manutention. Les entreprises ont payé un tribut élevé à la mise en place de la réforme, non seulement en raison du poids des plans sociaux mais aussi des grèves endurées, des coûts salariaux très élevés et parfois des sureffectifs difficiles voire impossibles à résorber. Ces handicaps ont dissuadé l'installation d'entreprises nouvelles qui auraient permis d'injecter du sang neuf.

Comparés aux grandes entreprises étrangères de manutention, comme Hessenatie à Anvers ou ECT à Rotterdam, qui affichent des profits substantiels, les représentants français de la profession arguent qu'ils ont à supporter une partie des plans sociaux. Cela augmente leur coût et obère leur compétitivité. Ils font valoir, aussi, que les réformes analogues à l'étranger auraient été entièrement supportées par les États. Afin d'atténuer ce handicap, l'État a accepté, enfin, en août 1996 de verser aux entreprises de manutention l'excédent des fonds de réserve de la CAINAGOD (Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers) soit 50 MF, cet organisme destiné à verser des indemnités de garantie aux dockers intermittents étant appelé à terme à disparaître. Cet effort est jugé insuffisant par la profession qui réclame la prise en charge par l'État et les collectivités locales de leur part de plans sociaux (600 MF restant à verser). Reste que ce dernier a déjà accompli un effort très important en prenant à sa charge la moitié du coût des plans sociaux. En outre, la reprise de la part patronale créerait une situation délicate à gérer dans la mesure où certaines entreprises ont déjà fini de payer leur part alors que d'autres (au Havre en particulier) ont interrompu indûment leurs paiements.

Il serait en revanche plus concevable d'envisager d'autres mesures destinées à venir en aide à la profession. Parmi les pays européens, des divergences importantes, sources de déséquilibre concurrentiel, apparaissent au niveau de la fiscalité locale. C'est pourquoi, l'exonération de la taxe professionnelle (70 MF par an nets des dégrèvements) estimée judicieuse par le « rapport Vittemant » d'avril 1997, au même titre que celle accordée à la marine marchande, permettrait d'aligner les ports français sur la pratique européenne. De même, les possibilités de financement des équipements de manutention par des crédits communautaires pourraient être envisagées sans a priori.

Par ailleurs, il convient de regretter que de nouvelles entreprises de service, par exemple les entreprises étrangères évoquées précédemment, ne soient pas en mesure d'intervenir dans le secteur de la manutention portuaire française. Ce ne sont pas tant les perspectives économiques que certaines « barrières coutumières » qui exercent un effet dissuasif. À titre d'exemple, on peut citer l'exigence du personnel docker d'avoir l'exclusivité du brouettage (transport horizontal) dans l'enceinte portuaire, ou encore l'accord, jugé récemment illégal, conclu entre les syndicats des dockers du Havre et les patrons d'entreprises qui réservent aux fils de dockers les contrats d'embauche dans la profession.

Au total, la réforme de 1992 a laissé de côté un volet important du secteur de la manutention : les entreprises qui sont restées en situation de faiblesse chronique. Si, selon le Président de l'UNIM (Union Nationale des Industries de la Manutention), « le véritable enjeu de la réforme portuaire réside dans la constitution d'entreprises de manutention fortes et responsables ». Jusqu'à maintenant, l'objectif n'a pu être atteint.

2.6 Le cas particulier des grutiers

Il est à noter que la réforme n'a pas abordé le cas du personnel grutier dont on rappelle qu'il fait partie des effectifs des ports autonomes ou des CCI. Même si le droit commun s'applique à cette profession, certains problèmes sont analogues à ceux des ouvriers dockers : sureffectifs chroniques (quoiqu'à un degré moindre) qui alourdissent les taxes portuaires, vieillissement du personnel, monopole syndical, etc. À terme, il sera difficile de justifier au moins dans les ports importants la coexistence sur les quais de deux métiers de la manutention très similaires et complémentaires. Dans les ports plus petits, un accroissement de la polyvalence pourrait être recherché.

Par ailleurs, les entreprises de manutention regrettent de ne pas avoir autorité sur un personnel qui travaille pour leur activité. Cela constitue également une cause de réticence de la part des entreprises privées pour investir en matériels de superstructure (grues et portiques), car elles veulent assurer la conduite et la maintenance de leurs équipements. De plus, les armateurs ont particulièrement montré leur intérêt pour des améliorations dans la coordination entre les prestations des manutentionnaires et celles de l'organe de la gestion de l'outillage portuaires (l'autorité portuaire). De façon plus précise, ils préconisent que ces deux services puissent être offerts de façon groupée par des opérateurs privés et intégrés. Au total, des solutions pragmatiques sont à trouver pour cette profession, qui pourraient passer par le chemin d'expérimentation au niveau local (GIE, détachements de personnels, exploitations directes par le privé...).

Quelques indicateurs pour comparer la manutention
des conteneurs dans les ports européens du Nord

par Élisabeth Gouvernal

Une productivité moyenne par portique et par port ne rend pas bien compte de la variété des trafics. La productivité d'un port comme Le Havre n'est pas forcément directement comparable à celle d'un port comme Rotterdam, car Le Havre a une part non négligeable de trafics « d'épicerie 52 ( * ) », c'est à dire de trafics de conteneurs isolés qui compte tenu des plans de chargements des navires nécessitent de nombreux shirtings 53 ( * ) pour leur chargement et leur déchargement. Une moyenne, tous trafics de conteneurs confondus, ne serait donc pas significative.

La productivité du déchargement par navire qui intéresse les armateurs offrant un service de ligne régulière avec les mêmes navires dans chaque port, semble la meilleure approche. Elle détermine la cadence des mouvements 54 ( * ) par navire. Elle aura l'avantage d'éviter l'incertitude concernant la taille des navires ; il restera néanmoins la taille des escales qui constitue un facteur non négligeable de productivité.

Cette productivité peut être calculée de plusieurs façons, nous en retiendrons deux :

- la productivité nette de la manutention durant les heures où le navire est opéré (OPS prod), c'est à dire le nombre de conteneurs manutentionnés par heure travaillée ;

- la productivité à quai qui constitue le critère retenu par les armateurs pour juger de l'efficacité d'un port, c'est-à-dire le nombre de mouvements à l'heure par rapport au temps total passé à quai.

L'objectif de l'armateur est de minimiser son temps d'escale compte tenu des coûts en jeu. Ce souci se renforce avec l'accroissement de la taille des navires. L'armateur est donc plus sensible au temps réellement passé à quai qu'à la productivité nette des portiques pendant le temps travaillé.

La productivité de la manutention dans différents ports peut être appréciée à partir des données armatoriales suivantes

:

* Le Havre West est le premier port touché en Europe du Nord dans le sens Asie-Europe, Le Havre East, le dernier dans le sens Europe-Asie

Source : armateurs sur 3 mois ; porte-conteneurs de 3300 à 3900 EVP.

Quels que soient les indicateurs utilisés le port du Havre n'obtient pas la meilleure productivité. Seul Isle of Grains (port de Londres) a une cadence par portique inférieure (18 mvts/heure) au lieu de 18,5 à 23 au Havre (colonne 8), mais qu'il compense par la mise à disposition d'un plus grand nombre de portiques, 2,7 au lieu de 2 en moyenne au Havre (colonne 7 du tableau). Ainsi la cadence des opérations -fonction du nombre de portiques affectés au navire, lui-même fonction du nombre de mouvements à effectuer-de ce port est de 48,7 (colonne 6), alors que celle du Havre varie de 37 à 46 mouvements/heure.

Il faut analyser ces paramètres entre eux, et notamment tenir compte du nombre de mouvements par escale.

De ce point de vue, on peut noter que Le Havre a une situation géographique privilégiée en début et fin de ligne Europe-Asie, qui permet à certains armateurs de faire deux escales et d'améliorer le transit time qu'ils proposent. Cependant, cet avantage impose en contrepartie des escales de moindre volume : de 315 et 460 mouvements au lieu de 986 à Rotterdam ou 815 à Hambourg. Cet impact « diviseur » explique des cadences de manutention moins bonnes (colonnes 6 et 8), mais elles sont à relativiser par l'avantage retiré par les armateurs d'un meilleur transit time.

La cadence à quai est fonction de la cadence des opérations proprement dites, mais également du pourcentage travaillé par rapport au temps d'escale (colonne 4). Si l'on peut expliquer la moindre cadence opérationnelle par le plus faible nombre de mouvements 55 ( * ) , il n'en reste pas moins vrai que le pourcentage travaillé par rapport an temps a quai ne se suffit plus de ces explications (colonne 4) : il n'est que de 67 à 74 % au Havre alors qu'il atteint plus de 95 % à Rotterdam. Si Anvers n'enregistre que 79 %, cette attente dans ce port a une explication technique : les marées obligent à des attentes à quai avant de repartir après la fin des opérations.

Le graphique ci-après permet de visualiser les temps à quai par rapport au temps travaillé.

Le rapport entre ce temps travaillé et le temps passé à quai semble le problème important du Havre, qui apparaît au travers des « cadences à quai » de 27 à 30 mouvements à l'heure contre 43 à Isle of Grains, port comparable en nombre de mouvements. Ce dernier port affiche malgré tout 83 % du temps à quai réellement travaillé.

Ces indicateurs ont le même biais que d'autres : ils expriment « un » point de vue ; ainsi, par exemple, le nombre moyen inférieur de grues mises à disposition (colonne 7) doit être mis en face des contraintes de gestion des manutentionnaires qui tient compte de l'ensemble du trafic et du chargement des navires.

Ces différences peuvent révéler des formes d'organisation du travail et des conditions d'utilisation du matériel différentes. Il faudrait donc poursuivre cette première analyse et la compléter par le point de vue des manutentionnaires. Il n'y a pas une situation optimale unique. II faut donc comprendre ce qui relève des contraintes de gestion des manutentionnaires qui sont différentes de celles des armateurs, voir si des modifications possibles peuvent être introduites dans l'un ou l'autre de ces domaines, que ce soit l'organisation du travail ou les conditions d'utilisation du matériel qui amélioraient ces indicateurs sans détériorer ceux des autres parties prenantes de la manutention.

La volonté de ce propos est d'ouvrir quelques pistes de recherche au vu d'indices de productivité qui paraissent à première vue défavorables.

3. La réforme de la domanialité : pas encore d'effets sensibles

3.1 Des mesures qui favorisent l'occupation du domaine portuaire par des investisseurs

L'investissement privé est indispensable au développement des ports, tant en ce qui concerne les zones industrialo-portuaires, que pour la mise en oeuvre d'outillages spécialisés modernes. Or, dans la situation prévalant avant une loi de 1994, cet investissement était freiné par les règles de domanialité publique, dont relèvent pour l'essentiel les espaces portuaires. Le domaine public de l'État est en effet inaliénable, imprescriptible et n'est susceptible d'occupation privative que de façon précaire, révocable et personnelle. Cette précarité et cet éloignement du droit commercial n'avaient pas rebuté les entreprises en place, mais étaient considérés comme pouvant gêner tes investisseurs potentiels, notamment étrangers, attentifs aux risques de contentieux.

Par ailleurs, il convenait d'une part de permettre à ces investisseurs de bénéficier de droits réels immobiliers facilitant leur engagement, par le recours à des garanties autorisant des modalités de financement aujourd'hui classiques (crédit-bail, crédit hypothécaire...), d'autre part, de les indemniser de manière raisonnable en cas d'éviction.

La loi du 24 juillet 1994, complétant le code du domaine de l'État, permet à présent aux occupants du domaine public de bénéficier de droits réels. Venant après un premier décret du printemps 1995, un décret du 2 décembre 1996 permet désormais aux ports de délivrer ces titres, engageant ainsi concrètement l'application de la loi. À noter que ces dispositions ne concernent que les nouveaux occupants, mais cela ne semble pas avoir nui en pratique aux précédents investisseurs, qui ont des liens confiants avec les ports.

Ce droit réel accordé à l'occupant est une sorte de droit de propriété limité à soixante-dix ans 56 ( * ) et soumis à certaines conditions et procédures administratives assez lourdes en cas de cession, hypothèque ou recours au crédit-bail. Si l'autorisation d'occuper est retirée avant les soixante-dix ans, l'investisseur a droit à une indemnisation calculée comme en matière d'expropriation. La loi permet donc un accroissement réel des prérogatives des entreprises. Mais des améliorations sont souhaitables qui devraient permettre d'alléger certaines dispositions. Citons, par exemple, la décision prise par les pouvoirs publics de soumettre à un double accord ministériel les investissements supérieurs à 20 MF concernant les concessionnaires de service public, d'outillage public ou nécessaire à la continuité du service. L'UPACCIM propose de relever ce seuil à 150 MF ce qui correspond au coût d'un termina] de conteneurs ou de vrac.

Par ailleurs, le Conseil national de la comptabilité recommande d'inscrire les droits réels accordés par la loi sur les bâtiments en immobilisations incorporelles : mais un tel traitement comptable, inconnu dans les milieux financiers anglo-saxons, est défavorable à l'appréciation par ces banquiers des garanties apportées par l'entreprise.

On voit par ces restrictions que l'on approche des limites en matière de droits réels sur le domaine public portuaire. Pour aller plus loin, il faudrait envisager de transférer au domaine privé certains des terrains, pourvu qu'ils soient suffisamment éloignés des plans d'eau (de l'ordre de 200 à 250 mètres, de manière à ne pas obérer le fonctionnement des ports).

Auparavant, il conviendrait d'évaluer les possibilités nouvelles offertes en matière de gestion domaniale. Certes, cette évaluation ne sera possible qu'avec un peu de recul compte tenu du caractère récent du dernier décret. Néanmoins, il ne semble pas que les entreprises se soient précipitées sur les nouvelles dispositions, ni qu'elles ne leur aient accordé d'autre intérêt que de principe. Mais la question reste ouverte à ce stade.

Enfin, une étude du cabinet de consultants Arthur Andersen, effectuée à la demande du port autonome du Havre conclut que les modalités de mise à disposition du domaine portuaire sont aussi satisfaisantes et les tarifs vraisemblablement plus incitatifs au Havre qu'à Anvers, Rotterdam ou Hambourg (voir encadré ci-après). Ces ports pratiquent la mise à disposition des terrains sous forme de contrats de location de longue durée et ne souhaitent pas vendre. Ces considérations tendraient à relativiser quelque peu l'opinion défavorable de certains intervenants sur la politique domaniale française et la nécessité de transferts de terrains du domaine public au domaine privé.

Le Havre : gestion domaniale souple...

(...) « La comparaison des différentes clauses principales des conventions d'occupation temporaire du domaine public permet à Arthur Andersen de constater que le Port autonome du Havre n'offre pas de spécificités dérogatoires plus strictes dans ses conventions et cahiers des charges que celles relatives aux clauses imposées dans les conventions de Rotterdam, Hambourg et Anvers. Ainsi, le facteur d'insécurité résultant des conventions passées au Havre n'est pas plus important que celui inhérent aux conventions des autres ports de la rangée.

La comparaison de la durée moyenne des conventions d'occupation fait apparaître que le Port autonome du Havre se positionne, en la matière, de façon satisfaisante. En cas de renouvellement, les prorogations sont facilement accordées et ne posent pas de problème particulier, dans la limite évidemment des 70 ans fixée par la loi du 25 juillet 1994 sur le domaine public. La faculté de renouvellement suit le même principe dans les autres ports de la rangée.

Les mesures d'incitation à l'implantation sont assez comparables entre les quatre ports. En effet, les efforts consentis par les gestionnaires sont toujours fonction de l'attrait économique (volumes d'activités générés) et social (potentiels d'emplois) que représente la société voulant s'installer. La politique d'incitation se traduit par des loyers attractifs, associés à des remises selon les tonnages générés par l'activité de l'entreprise, auxquels s'ajoute la possibilité d'hypothéquer les biens construits pour financer une partie des bâtiments. D'autres avantages tiennent également à la nature des clauses contractuelles propres à chaque port. »

Source : Revue de la Navigation - Ports et industries, 16 décembre 1996. p. 670

3.2 Des mesures qui favorisent les cessions foncières

Un décret du 29 février 1996 a donné aux ports autonomes la faculté de récupérer, pour asseoir leur propre développement par des investissements, 90 % du produit des cessions foncières auxquels ils ont procédé. Cette opération s'effectue de plus par versement direct au port, sans transit retardateur par le budget de l'État. Un décret comparable a été établi le 27 avril 1997 pour les ports d'intérêt national.

Auparavant, les ports n'étaient pas incités à ces cessions dont le produit ne pouvait être réemployé que pour des acquisitions foncières. Ils étaient ainsi amenés à conserver dans leur patrimoine des espaces inutiles, sous-utilisés, voire à l'état de friche. Cela envenimait le dialogue entre les villes et les ports, ces derniers paraissant s'opposer à des mises en valeur urbaines touchant sites portuaires urbains, notamment en centre-villes.

4. Diverses autres réformes sont en cours

4.1 La modernisation bien avancée des pratiques douanières et administratives

Un plan d'action « douanes-ports », mis au point par la Direction des ports et la Direction générale des Douanes et fortement porté par ces deux administrations, a été retenu par le Comité interministériel de la mer du 26 octobre 1995. Il comporte 60 mesures, dont 48 sont déjà en application ou en cours de mise en oeuvre avancée. Les enjeux sont le développement de l'activité économique par reconquête du trafic maritime perdu au bénéfice des autres ports concurrents européens. Par ailleurs, il s'agissait de fixer dans nos enceintes portuaires les opérateurs économiques, qui ont, depuis le 1 er janvier 1996, une liberté de choix de lieu de dédouanement de leurs flux commerciaux à l'importation et à l'exportation.

Les 60 mesures sont regroupées autour de trois axes :

1° Accélérer la fluidité du passage portuaire en simplifiant et facilitant les mouvements de marchandises (notamment par la promotion du pré-dédouanement permis par l'informatique).

2° Favoriser l'implantation de services logistiques industriels et commerciaux (en assouplissant les pratiques administratives, en améliorant la sûreté et la sécurité des enceintes portuaires - loi du 26 février 1996 -).

3° Harmoniser, au plan européen, les procédures et politiques douanières.

Parmi les nombreuses mesures mises en application ou en cours, on peut citer :

- l'élargissement du bénéfice de « l'entrepôt franc » aux opérateurs privés dans les enceintes portuaires. L'entrepôt franc est un régime douanier très simplifié et dispensé de cautionnement permettant l'entreposage, hors taxe, de marchandises originaires des pays n'appartenant pas à l'Union européenne ;

- la création de deux nouvelles catégories « d'entrepôt fiscaux » 57 ( * ) : entrepôt de stockage de biens négociés sur un marché à terme et entrepôt pour les fabrications coordonnées en exécution d'un contrat international (loi de finances rectificative du 30 décembre 1995 et textes d'application du 25 juillet 1996),

- la simplification du statut de « représentant fiscal » 58 ( * ) , qui met les opérateurs français à égalité avec leurs homologues belges et néerlandais (décret du 22 août 1996) ;

- la promotion des régimes douaniers économiques existants qui permettent aux entreprises d'exercer des activités - hors taxe - de stockage, de groupage, de transformation et de négoce ;

- la personnalisation du dédouanement, qui consiste à offrir aux entreprises, de façon conventionnelle, une palette de procédures à simplifications graduées, adaptée à leur spécificité et à leur activité.

Cette démarche s'est traduite, sur place, par la signature de sept chartes de qualité entre les douanes et les ports (Le Havre, Bordeaux, Bayonne, La Rochelle, Nantes-Saint-Nazaire, Marseille, Sète et prochainement Dunkerque). Il est souhaitable que cette procédure soit poursuivie.

Mais au total, les « 60 mesures » traduisent un esprit positif des administrations concernées. Reste à savoir si elles suffiront pour rétablir l'équilibre avec des politiques résolument laxistes pratiquées par les pays du Nord. Certains n'ont-ils pas été jusqu'à vanter dans une annonce publicitaire l'attitude particulièrement « compréhensive » de leur administration des douanes ? Ainsi, la Lettre de l'Expansion du 20 janvier 1997 mentionne l'existence « d'un document de prospection aux États-Unis, qui incite à importer en Europe, sur le thème : il y a un seul droit douanier européen mais, pour l'application, il y a les "durs", la France et l'Allemagne notamment, et les "intelligents", les Pays-Bas. Il semble également que le port de Rotterdam applique deux vitesses de dédouanement. Une, rapide, pour les produits en transit vers les autres pays européens ; l'autre, plus lente, plus scrupuleuse, pour les importations destinées au marché national ». En tout état de cause, le programme communautaire « Douanes-2000 » en discussion, cité dans les « 60 mesures » devrait contribuer à l'harmonisation des politiques.

Dans le prolongement du plan « douanes-ports », il est enfin apparu souhaitable d'améliorer la coordination et la simultanéité de tous les contrôles des services administratifs, plus particulièrement des contrôles douaniers et sanitaires (vétérinaires et phytosanitaires). Un groupe de travail agriculture-équipement devrait émettre prochainement des propositions. Au niveau local, des aménagements ont été ponctuellement mis en oeuvre pour faciliter et accélérer les flux des produits agro-alimentaires et des animaux.

4.2 Les mesures fiscales en cours d'examen

Les distorsions fiscales qui pourraient exister par rapport aux places portuaires étrangères constitueraient un handicap pour nos ports.

C'est pourquoi un groupe de travail commun au ministère des Finances et au ministère de l'Équipement et des Transports, présidé par Rose-Marie Vittemant (Trésorier-Payeur général), a été chargé de dresser un état comparatif des règles fiscales en vigueur dans les différentes zones portuaires européennes et pour les opérateurs de pré et post-acheminement portuaires.

Son analyse concerne la fiscalité des entreprises installées à l'intérieur du périmètre portuaire et travaillant avec les installations des ports. Il propose notamment que soit examiné le cas de entreprises de manutention françaises qui, contrairement à leurs homologues étrangères, sont soumises au paiement de la taxe professionnelle.

Les ports autonomes et les Chambres de commerce et d'industrie 59 ( * ) sont, quant à eux, soumis en principe aux impôts de droit commun. Mais ils sont exonérés, sur les seules activités portuaires, par des dispositions légales en ce qui concerne la taxe professionnelle, par la reconduction d'année en année d'une circulaire ministérielle pour les autres impôts directs nationaux ou locaux.

- Les politiques publiques : appréciation et essai d'évaluation -Un point est fait en annexe 7 sur la fiscalité touchant les ports français.

Par ailleurs, l'UPACCIM a effectué une comparaison avec les ports étrangers qui montre que les ports du Bénélux et les ports allemands sont officiellement soumis aux règles d'imposition de droit commun. Cependant, en raison de leur caractère d'établissements municipaux ou d'État, ils échappent en réalité à l'essentiel des impositions. Au demeurant, quand il existe des comptabilités identifiées, les dépenses qui apparaissent au titre des impôts sont tout à fait limitées. En outre, il n'existe pas, dans ces pays, d'imposition équivalente à notre taxe professionnelle et à nos impôts fonciers.

Les plus importants des ports (Anvers, Rotterdam) effectuent un reversement à la commune. Ce reversement reste cependant limité et il est en outre dans certains cas, affecté à des dépenses liées au port 60 ( * ) .

Dans certains ports importants (Gand par exemple), la ville verse en revanche un subvention annuelle destinée à combler le déficit d'exploitation et présentée comme « rémunérant » l'activité économique apportée à la ville par le port.

L'UPACCIM estime que le port de Rotterdam paye en 1995 au total 5,625 millions de florins de taxes diverses soit près de 17 MF, chiffre à comparer à la situation des ports français, décrite dans le tableau page suivante.

ACTIVITÉ

IMPOTS (MF)

Total des

impôts payés

dont

Impôts liés aux rémunérations 61 ( * )

Taxe foncière

Tonnage (MT)

CA (MF

Rotterdam (1995)

295

2100

17

n.c

n.c

Marseille (1996)

90,7

925

8,4

8,4

0,3

Le Havre (1996)

56,2

843

7,9 62 ( * )

7,9 63 ( * )

0

Dunkerque(1996)