B. LA RECHERCHE D'UNE CRÉDIBILITÉ NOUVELLE DANS LE DOMAINE DE LA GESTION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
Au lendemain d'une période de croissance soutenue (en
particulier de 1980 à 1985, années au cours desquelles le PIB a
été multiplié par trois), le Cameroun s'est enfoncé
dans la crise sous l'effet d'un double facteur : la baisse du prix du
pétrole (de l'ordre de 65 %) aggravée par l'érosion du
dollar et la contraction des cours des matières premières (- 11 %
pour le café, - 24 % pour le cacao) et une gestion laxiste.
Les finances publiques se sont profondément dégradées et
l'alourdissement de la dette publique a contraint le Cameroun à mettre
en oeuvre un premier programme d'ajustement structurel approuvé par le
FMI. Cette crise ouvre une période de récession de huit
années (1986-1994) pendant lesquelles le produit intérieur brut a
été divisé par deux. Elle a eu pour conséquence une
chute spectaculaire du revenu par habitant que traduit en particuler la
réduction de moitié de la consommation en dix ans ; contraint de
limiter les dépenses publiques, le gouvernement camerounais a choisi,
dans un premier temps, de baisser les traitements de la fonction publique
plutôt que le nombre de fonctionnaires.
La dévaluation du franc CFA, en 1994, est venue, dans un premier temps,
redoubler les effets de cette contraction. Le changement de parité a
toutefois jeté les bases d'un retour à la croissance même
si celle-ci demeure encore insuffisante pour faire sentir ses effets dans la
population.
1. Les moyens d'une croissance durable
L'économie camerounaise présente de nombreux atouts que la dévaluation du franc CFA a permis de mieux valoriser.
a) De nombreux atouts
Le Cameroun dispose de quatre atouts décisifs.
En premier lieu, malgré des disparités régionales, la
production vivrière
(et au premier chef, le sorgho) permet, dans
l'ensemble, de satisfaire les besoins de la population.
En outre, le Cameroun bénéficie de
richesses naturelles
dont la commercialisation constitue une source importante de recettes à
l'exportation. La production de bois (de l'ordre de 3 millions de mètres
cubes sur la période 1996-1997, même si 2 millions seulement se
prêtent à l'exploitation) place le Cameroun au second rang des
pays africains derrière l'ancien Zaïre et représente 16 %
des recettes d'exportations. Le café (100 000 tonnes, 7 % des recettes
d'exportation), le coton (230 000 tonnes, 6,6 % des recettes d'exportation), le
cacao (126 000 tonnes, 6,4 % des recettes d'exportation) représentent
aussi des sources appréciables de devises. Surtout,
le
pétrole
a pris une place prépondérante dans
l'économie camerounaise depuis le début des années 80,
même si la production a décru (5 millions de tonnes en 1995 contre
10 millions en 1989) en raison de l'épuisement des réserves du
pays ; il assure aujourd'hui
41,5 % des recettes d'exportations du pays
.
Le pays avec un PIB de 5 135 milliards de Francs CFA représente
ainsi la moitié du potentiel économique des Etats de l'Union
douanière et économique de l'Afrique centrale (UDEAC).
Grâce à sa
position de carrefour
entre le Nigeria, le
Tchad, la RCA, le Gabon, le Congo et la Guinée équatoriale, il
peut, et c'est là son troisième atout, servir de couloir de
transit pour les pays enclavés.
Enfin, le Cameroun dispose en partie grâce à un taux de
scolarisation supérieur à la moyenne des Etats d'Afrique
francophone, d'une
main-d'oeuvre de qualité
et d'une élite
bien formée.
b) Une orientation économique plus favorable
L'évolution économique du Cameroun lui
permettra-t-elle de valoriser ce potentiel important ? Trois
éléments permettent de l'espérer : le retour de la
croissance, l'assainissement des finances publiques et l'amélioration
des relations avec les bailleurs de fonds internationaux.
.
Le retour de la croissance
A suite de la dévaluation, le Cameroun a renoué avec la
croissance, estimée à 3,3 % en 1994-1995 et à 5 % au cours
des deux dernières années. La compétitivité accrue
des productions camerounaises a relancé les exportations. Ainsi, les
échanges ont progressé de 21 % en valeur au cours de l'exercice
1996-1997 par rapport à l'exercice précédent. La balance
commerciale enregistre un excédent de 274 milliards de francs CFA en
hausse de 25 milliards, lié essentiellement aux ventes de pétrole
(hors pétrole, en effet les échanges se soldent par un
déficit de près de 25 milliards de francs CFA).
En outre, certains projets ouvrent au Cameroun les perspectives d'une
croissance plus durable. Les espoirs se concentrent en particulier sur
l'oléoduc Tchad-Cameroun
dont les travaux commenceront cette
année. L'oléoduc d'une longueur de 1 500 km reliera les champs
pétrolifères tchadiens de Doba (riches de réserves
estimées à 135 millions de tonnes) au port camerounais de Kribi.
Le projet représente un investissement de 3,2 milliards de dollars dont
l'essentiel financera la construction de l'oléoduc (enterré
à 1 mètre de profondeur) confiée, pour la partie
camerounaise, à une société de transport d'hydrocarbures
(formée par un consortium auquel participent le Cameroun, 8,3 % ; le
Tchad, 5 % ; Elf, 17,3 % ; Shell, 34,5 % ; Exxon, 34,5 %).
La crise asiatique
demeure un facteur d'incertitude car si elle peut
favoriser un renouveau d'intérêt pour l'Afrique, elle risque en
revanche d'affecter les secteurs bois et coton pour lesquels le marché
asiatique représente respectivement 38 % et 65 % des exportations.
.
L'assainissement des finances publiques et la mise en oeuvre
de réformes de structures
Le retour à la croissance s'est inscrit dans un climat économique
assaini. L'inflation reste maîtrisée et n'a pas
dépassé 4,3 % sur l'exercice 1996-1997 alors qu'elle approchait
30 % en 1994. Par ailleurs, les autorités ont limité les
dépenses publiques. Parallèlement, les recettes
budgétaires ont progressé de 17 % sur la période 1996-1997
grâce à une conjoncture favorable et à une meilleure
budgétisation des recettes (en hausse de 43 %) procurées par le
secteur pétrolier. Ainsi la situation financière de l'Etat s'est
améliorée en 1996-1997. Le solde primaire (solde
budgétaire dont sont retranchés les intérêts de la
dette) est passé de 28 milliards de francs CFA en 1993-1994 (moins de 1
% du PIB) à 297 milliards de francs en 1996-1997 (près de 6 % du
PIB). Cette évolution a permis de financer sur
ressources propres
une grande partie des versements au titre de la dette extérieure. Ce
dernier point a été déterminant dans la décision
des bailleurs de fonds à d'accorder une nouvelle facilité
d'ajustement structurel au Cameroun.
Par ailleurs, les autorités camerounaises, après plusieurs
années d'immobilisme, paraissent montrer plus de résolution dans
la réforme d'une économie marquée par le poids excessif de
l'Etat. Certes, le
programme des privatisations
a enregistré
plusieurs retards
1(
*
)
. En effet,
il se heurte au souci manifesté par certains responsables des
sociétés publiques de préserver des sources de revenu
avantageuses ou des réseaux de financement opaque. La restructuration du
secteur bancaire paraît quant à elle bien avancée. Les
mesures adoptées dans ce domaine se sont traduites notamment en 1997 par
la mise en liquidation du Crédit agricole du Cameroun et la reprise des
actifs sains de la plus grande banque du pays, la Banque internationale pour le
commerce et l'industrie (BICI). Toutefois cette restructuration a fortement
réduit l'implantation nationale des banques (77 agences contre 120 avant
la restructuration) et limité leurs activités aux seules
opérations rentables. Les besoins de financement dans les domaines de
l'habitat social, de l'agriculture et des PME demeurent insatisfaits sans que
le développement d'un réseau financier coopératif puisse
vraiment prendre le relais d'un système financier déficient.
.
L'amélioration des relations avec les bailleurs de
fonds
Le non-respect par le Cameroun des quatre précédents accords
signés avec le FMI avait considérablement affecté la
crédibilité de ce pays auprès de la communauté
financière internationale. L'octroi, le 21 août 1997, d'une
nouvelle facilité d'ajustement structurel renforcé
(FASR)
de 162 millions DTS (environ 222 millions de dollars sur trois ans) a
ouvert la voie à un accord sur le réaménagement de la
dette publique extérieure dans le cadre du Club de Paris en octobre
dernier. Les pays créanciers se sont engagés à annuler une
partie de la dette publique extérieure (soit 540 millions de dollars sur
9 milliards de dollars).
La Banque mondiale pourrait débloquer prochainement un crédit
d'ajustement structurel de 150 millions de dollars tandis qu'un nouveau
programme indicatif national (PIN) de 113 millions d'écus a
été conclu avec l'Union européenne. Le ministre des
finances a souligné devant votre délégation la ferme
résolution des autorités camerounaises de respecter le programme
d'ajustement structurel négocié avec le FMI. Une mission de revue
à mi-parcours de la première année du programme FASR
organisée par le FMI a d'ailleurs pu faire état, en
février dernier, de résultats encourageants. Le respect des
critères de performance du programme pendant six mois consécutifs
constitue une "première" dans le processus d'ajustement structurel.
Le Cameroun paraît ainsi déterminé à restaurer sa
crédibilité auprès des bailleurs de fonds dont le soutien,
il est vrai, lui demeure indispensable.