CONCLUSION
Au terme
de cette mission, votre rapporteur a pu prendre la mesure des
spécificités de Saint-Pierre et Miquelon et de leurs
conséquences en matière d'enseignement scolaire. L'isolement de
l'archipel et le marasme économique qu'il traverse depuis près de
six ans ne sont en effet pas de nature à encourager l'excellence
scolaire en dépit des efforts tout à fait satisfaisants
consacrés par la communauté scolaire à l'éducation
des élèves.
Deux priorités apparaissent dès lors essentielles à votre
rapporteur : un désenclavement du territoire pour favoriser les
échanges et un développement de la coopération de zone
pour ouvrir les élèves sur l'extérieur.
A cet égard, le rayonnement européen de l'archipel de
Saint-Pierre et Miquelon et son statut " d'île du ponant
8(
*
)
du continent européen en
Amérique du Nord " peut être un atout important à
valoriser auprès des nombreux établissements francophones de la
région.
Enfin, votre rapporteur voudrait remercier le personnel administratif local et
plus spécialement le chef des services de l'éducation nationale
pour le concours efficace qu'ils lui ont apporté dans le
déroulement de sa mission et souhaiterait également leur rendre
hommage pour la compétence et le dévouement dont ils font preuve
dans l'exercice, parfois difficile, de leurs fonctions.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 16 juin 1998 sous la présidence de
M. François Trucy, la commission a entendu la
communication de
M. Jacques-Richard Delong,
rapporteur spécial des
crédits de l'enseignement scolaire, sur la
mission
de
contrôle
qu'il a effectuée à
Saint-Pierre et
Miquelon
du 10 au 17 mai 1997.
M. Jacques-Richard Delong
a tout d'abord indiqué que
l'économie de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon, principalement
assise sur les activités liées à la pêche, avait
été profondément affectée par le moratoire sur la
pêche à la morue imposé par le Canada à partir de
1992. Il a précisé que le chômage avait pu être
limité grâce aux aides financières importantes de l'Etat
pour la reconversion des entreprises et des personnels, et par le maintien d'un
secteur public et parapublic important. Il a estimé que l'archipel se
trouvait à une période charnière de son histoire et qu'il
appartenait à ses 6.660 habitants, et notamment à ses jeunes, de
construire l'avenir sur des activités encore à définir.
Puis,
M. Jacques-Richard Delong
a indiqué que sa mission lui
avait permis de constater que le système éducatif était
relativement préservé dans un environnement économique
profondément déstructuré. Il a ainsi indiqué que
les 1.523 élèves scolarisés à Saint-Pierre et
Miquelon, dont 906 dans l'enseignement public et 613 dans l'enseignement
privé, étaient encadrés par 169 enseignants, ce qui
garantissait un taux d'encadrement tout à fait satisfaisant. Il a par
ailleurs fait état d'une dépense globale de près de
54 millions de francs consacrée par l'Etat à l'enseignement
scolaire dans l'archipel, comprenant les dépenses d'investissement et de
fonctionnement du lycée d'Etat de Saint-Pierre, qui scolarise 525
élèves. Il a précisé que tous les agents de l'Etat
bénéficiaient d'un coefficient de majoration indiciaire de 1,7 en
vertu d'une loi du 3 avril 1950 et d'un décret du 10 mars 1978.
M. Jacques-Richard Delong
a toutefois déploré que les
résultats scolaires ne soient pas à la hauteur des efforts
consentis par l'éducation nationale. Il a en effet relevé que
seuls 70 % des élèves d'une classe d'âge parvenaient
aujourd'hui en troisième contre 81 % en métropole et que le
taux d'accès à la seconde était de 43 % contre
55 % en métropole. Il a attribué un tel résultat au
manque de motivation et d'émulation des élèves, lié
à l'enclavement de l'archipel et à son marasme économique.
Il a cependant observé que les résultats au baccalauréat
étaient conformes à la moyenne nationale.
Enfin,
M. Jacques-Richard Delong
a observé que parmi les
14 % de jeunes adultes ayant quitté l'archipel après leur
scolarité, les bacheliers étaient majoritaires. Il a noté
à cet égard que les bons élèves étaient
relativement réticents à exceller en matière scolaire afin
de ne pas être envoyés en métropole, ce qui dénotait
une certaine " frilosité " des habitants de Saint-Pierre et
Miquelon.
M. Jacques-Richard Delong
a ensuite considéré que pour se
réformer, le système éducatif de Saint-Pierre et Miquelon
devait rester étroitement associé aux axes de
développement de l'archipel. Il a fait état à cet
égard de quatre voies de diversification économique :
- les activités liées à la mer : pêche de
nouvelles espèces (crabe, requin, pétoncle, oeufs de lompe),
transformation des produits de la mer, développement de l'aquaculture,
avitaillement et embarquement, création d'un registre d'immatriculation
à Saint-Pierre, mise en place de procédures de
dédouanement en faveur de marchandises destinées à l'Union
européenne ;
- le tourisme : tourisme de proximité dirigé vers les
habitants de Terre-Neuve, tourisme métropolitain, tourisme linguistique,
tourisme maritime ;
- la mise en valeur des richesses et des productions locales :
développement de bureaux d'études, fabrication de maisons
pré-fabriquées, élevage de moutons, culture sous serre,
reboisement et exploitation des forêts ;
- les activités culturelles et la francophonie.
M. Jacques-Richard Delong
a estimé qu'il convenait de former les
futures générations actives aux métiers qui assureront
l'avenir de Saint-Pierre et Miquelon et de garantir le bilinguisme des
élèves. Il a cependant relevé que le développement
de l'archipel était subordonné au règlement de certains
problèmes. Observant ainsi que pour se rendre à Saint-Pierre, il
fallait passer par Montréal ou Halifax, ce qui rallongeait
considérablement la durée du voyage, il s'est tout d'abord
prononcé pour un désenclavement " physique " de
l'archipel. A cet égard, il a regretté que la nouvelle piste
d'atterrissage de l'aéroport de Saint-Pierre, actuellement en
construction, ne soit pas suffisamment longue pour permettre aux avions long
courrier qui desservent l'Amérique du Nord au départ de Paris de
faire escale à Saint-Pierre, qui n'est qu'à quatre ou cinq heures
de vol de Paris. Il s'est également montré favorable à un
désenclavement " virtuel " de l'archipel à travers un
développement des nouvelles technologies et de l'utilisation d'Internet,
qui permettent de valoriser la " matière grise " sur place.
Observant ensuite que certaines dispositions de la législation
française n'étaient pas nécessairement adaptées
à l'archipel et que les communes étaient privées de
l'essentiel de leurs prérogatives au profit du Conseil
général compétent dans des domaines comme la
fiscalité, l'urbanisme ou le logement,
M. Jacques-Richard Delong
a également préconisé une clarification du statut de la
collectivité territoriale de Saint-Pierre, régie par la loi
n° 85-595 du 11 juin 1985.
S'agissant du système éducatif,
M. Jacques-Richard Delong
a appelé le corps enseignant de Saint-Pierre et Miquelon à se
mobiliser auprès des élèves en contrepartie d'un plan de
formation continue qui leur permettrait de bénéficier, à
intervalles réguliers, de stages de remise à niveau des contenus
et des méthodes en métropole. Enfin, le rapporteur spécial
des crédits de l'enseignement scolaire a préconisé la
création d'un vice-rectorat à Saint-Pierre et Miquelon. Il a en
effet expliqué qu'une telle création s'imposait non seulement
pour entamer une réflexion sur l'avenir du système
éducatif à Saint-Pierre et Miquelon, mais également pour
mettre un terme au cumul des postes de proviseur du lycée de
Saint-Pierre et de chef des services de l'éducation nationale, qui sont
à l'heure actuelle assumés, par intérim, par le proviseur
adjoint du lycée.
En conclusion,
M. Jacques-Richard Delong
a fait valoir que le statut
d' " île du ponant du continent européen en
Amérique du Nord " de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon
pouvait être un atout important à valoriser auprès des
nombreux établissements francophones de la région.
A la suite d'un débat au cours duquel sont intervenus
MM. François Trucy, Jean-Philippe Lachenaud et Mme Maryse
Bergé-Lavigne,
la commission a donné acte au rapporteur des
conclusions de sa communication et a décidé
d'autoriser leur
publication sous la forme d'un rapport d'information.