CHAPITRE PREMIER
RENOVER LES CONDITIONS DE L'EXAMEN DE LA GESTION DES
COLLECTIVITES LOCALES
L'examen
de la gestion des collectivités locales, qui s'exerce concomitamment ou
postérieurement à la vérification des comptes, concentre
l'essentiel des critiques
formulées par les élus locaux
à l'encontre des
" pratiques "
des juridictions
financières.
Les griefs les plus communément formulés portent sur :
- l'
inégalité de traitement
des collectivités
locales au regard du contrôle exercé par les chambres en raison
des disparités de taille entre les chambres, des différences de
rythme dans leurs travaux, et des disparités de tonalité et de
sévérité de leurs observations pour des situations
identiques ;
- le
climat
dans lequel se déroule l'examen qui peut parfois
donner aux élus locaux l'impression de faire l'objet d'une
véritable
inquisition
;
- l'
accent
mis par les chambres sur les seuls
aspects
négatifs
d'une gestion
(" la préférence pour
le pathologique ")
sans resituer ces éléments dans
l'ensemble de l'action de la collectivité, afin de les pondérer
et de les relativiser ;
- l'
absence
de
hiérarchisation
des
observations,
l'important et le secondaire, l'essentiel et l'anecdotique étant
trop souvent placés sur le même plan ;
- la
publicité
qui est parfois faite à des
observations
provisoires
dont la véracité n'est pas toujours
établie ;
- la
disproportion
existant entre, d'une part, le caractère non
juridictionnel de l'examen de la gestion qui devrait s'apparenter à une
aide à la gestion,
" dépassionnalisée "
et
" banalisée "
et, d'autre part, l'impact
médiatique des observations formulées par les chambres dont le
retentissement est lié à l'aura de juridiction dont elles sont
parées ;
- la
dérive,
plus ou moins subreptice, du contrôle de
gestion vers une
appréciation
de
l'opportunité
ou
de la
pertinence des choix effectués par la collectivité,
qui relèvent pourtant de la responsabilité exclusive des
élus.
Il apparaît donc indispensable de
rénover
et de
moderniser
les conditions d'exercice de l'examen de la gestion des
collectivités locales afin que ce " contrôle ", dont la
nécessité et l'utilité ne sont pas contestables, soit
" accepté "
par les élus locaux, cette
acceptation constituant le gage de son efficacité.
Cette rénovation de l'examen de gestion passe, d'une part, par
l'élaboration
d'un
" code du bon usage du
contrôle "
et par une
définition
législative
de l'objet de ce contrôle et, d'autre part, par un
renforcement
des
garanties
dont doivent bénéficier
les
" contrôlés ".
Enfin, cette harmonisation des pratiques des chambres suppose une
homogénéisation de la dimension et des moyens des juridictions
financières.
I. ELABORER UN " CODE DU BON USAGE DU CONTRÔLE " ET DEFINIR L'OBJET DE L'EXAMEN DE GESTION
A. POUR L'EDICTION D'UN " CODE DU BON USAGE " DE L'EXAMEN DE GESTION
La
proposition de loi, présentée en mars 1997 par nos
collègues Patrice Gélard et Jean-Patrick Courtois, a eu le
mérite de faire prendre conscience à la Cour des comptes de
l'ampleur du malaise et de l'étendue du malentendu qui affectent les
relations entre les élus locaux et les juridictions financières.
C'est ainsi que la Cour a élaboré, au terme d'une étroite
concertation avec les chambres régionales, qui s'est achevée en
juillet 1997, un
" texte de référence "
sur l'objet et la forme des observations des chambres.
Ce texte, qui consacre des
" principes généraux et de bon
sens ",
constitue à l'évidence, une
avancée
positive ;
mais il apparaît également, en raison de
certaines de ses lacunes, comme une
initiative perfectible.
1. Une avancée positive
Le
premier mérite du
" texte de référence "
est celui
d'exister
. Certes, ce texte ne constitue pas une
" instruction "
adressée aux chambres régionales
des comptes : une telle démarche aurait été
incompatible avec le statut des juridictions et de leurs magistrats ; mais
ce texte n'est pas dénué de portée puisqu'il
représente
" l'expression d'une volonté
concertée ".
Il a, en effet, été
élaboré sous l'égide de la Cour, à l'issue d'une
large consultation des présidents de chambres, des magistrats et de
leurs organisations représentatives. Ce texte a, de plus,
été soumis au Conseil supérieur des chambres
régionales des comptes. Cette démarche originale a
débouché sur un document qui comporte de nombreux
aspects
positifs.
Tout d'abord, le texte insiste sur le
" souci de
cohérence ",
qualifié
" d'exigence
déontologique ",
qui doit guider les chambres dans la
formulation des observations de gestion. Il s'agit,
" d'harmoniser les
pratiques des chambres ",
afin d'éviter que, face à des
pratiques semblables des collectivités, apparaissent des
" divergences inexplicables d'appréciation ".
Par ailleurs, le texte n'exclut pas que le rapporteur de la chambre puisse
informer l'ordonnateur ou le responsable de l'organisme concerné
" des principaux axes envisagés pour la
vérification ",
tout en veillant à éviter un
malentendu à cet égard, car
" l'instruction peut conduire
à réorienter le contrôle ".
En outre, le texte rappelle que si les lettres d'observations
définitives ne sont pas des jugements (même si elles sont
délibérées et arrêtées par des juridictions),
la publicité auxquelles elles donnent lieu
" n'est pas sans
conséquence sur la forme qu'elles doivent revêtir ".
A cet égard, le texte insiste sur le fait que
" les lettres
d'observations doivent être compréhensibles pour des non
spécialistes, quelle que soit la complexité de la question
traitée ".
La lettre d'observations, précise le
" texte de
référence ",
doit
" s'appuyer sur des faits
précis, sans y ajouter par des qualificatifs ou des formules
susceptibles d'une exploitation politique ou médiatique
indésirable ".
Doit être proscrite l'utilisation de termes
" qui annonceraient
prématurément une qualification pénale, des allusions, des
sous-entendus, voire de l'ironie ".
De plus, si
" les observations peuvent, le cas échéant,
faire état des interrogations qui subsistent au terme de la
procédure, faute d'explications satisfaisantes apportées dans le
cadre de l'instruction ",
elles doivent néanmoins se garder
" de toute insinuation ".
Enfin, le
" texte de référence "
formule des
recommandations judicieuses quant à la
présentation
des
lettres d'observations définitives.
Après avoir rappelé que la lettre d'observations provisoires a
pour objet de permettre à l'ordonnateur d'apporter une réponse
écrite,
" éventuellement éclairée par des
explications orales ",
le texte précise que la lettre
d'observations définitives doit mentionner,
" dans une
brève introduction ",
la date de l'entretien préalable,
la date de la séance au cours de laquelle ont été
arrêtées les observations provisoires, la date de la lettre
d'observations provisoires et des réponses qui y ont été
apportées ou l'absence de réponse dans le délai prescrit
est expressément mentionnée, le cas échéant, la
date de l'audition de l'ordonnateur ou du dirigeant de l'organisme
contrôlé et, enfin, la date de la séance au cours de
laquelle ont été arrêtées les observations
définitives.
Par ailleurs, le texte indique que la lettre d'observations définitives
doit
" s'efforcer d'indiquer les raisons qui conduisent la chambre
à écarter certains des arguments soulevés en
réponse ".
En outre, -et il s'agit là d'un apport essentiel-, le texte
préconise une
hiérarchisation des observations
en
précisant que
" la structure même de la lettre "
et
" le plan d'exposition retenu "
doivent tenir compte
" de l'importance relative des observations ".
Il affirme dans une phrase sans équivoque :
" ce qui est
important
est annoncé
clairement comme tel ;
ce
qui est
secondaire,
l'est également
".
Enfin, le texte recommande aux rédacteurs des lettres d'observations de
préciser
" si les irrégularités, anomalies, ou
dysfonctionnements relevés apparaissent
accidentels
ou bien si,
compte tenu des méthodes de contrôle mises en oeuvre, ils peuvent
être considérés comme représentatifs d'un
comportement de gestion ".