13. Mise en oeuvre de l'Accord de Dayton pour la paix en Bosnie-Herzégovine - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Jeudi 30 janvier)
Les
rapporteurs, qui se sont rendus à Belgrade et à Sarajevo les 16
et 17 décembre dernier afin de faire le point des progrès de
la mise en oeuvre des Accords de Dayton, soulignent l'importance des
élections municipales qui se dérouleront en
Bosnie-Herzégovine au cours du premier semestre de 1997.
Ces scrutins seront influencés par la manière dont les
résultats des élections organisées dans les Etats voisins,
à savoir la Croatie et la Serbie, seront respectés. Les
rapporteurs mettent en garde contre toute politique, action ou omission
imputables aux Gouvernements de ces Etats et qui seraient de nature à
compromettre la restauration de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat
démocratique souverain et indépendant.
Se référant aux événements de Belgrade, les
rapporteurs rappellent leur solidarité avec les manifestants de la
capitale serbe et déplorent que les journalistes aient été
privés de rendre compte des événements du fait du
contrôle exercé par l'Etat sur les médias, notamment sur
radio B.92.
Les médias " joueront un rôle significatif dans les campagnes
des partis politiques et exerceront une influence importante sur le climat
général de sécurité pour les élections
municipales de 1997 " et " il est temps que les Gouvernements et les
autorités de la radio et de la télévision à
Belgrade et à Zagreb définissent et annoncent des politiques et
des directives claires en matière de couverture médiatique des
événements et des problèmes en
Bosnie-Herzégovine ", précise le rapport.
Constatant le manque de progrès en matière de libre circulation
entre les entités, de respect des droits de l'homme, de volonté
de traduire devant le Tribunal pour les crimes de guerre les personnes mises en
accusation, de retour des réfugiés et des personnes
déplacées, le rapport lance un appel pour que les obligations qui
découlent des Accords de Dayton soient respectées.
Le rapport préconise par ailleurs que le mandat du Haut
représentant soit renforcé et que les ressources mises à
sa disposition soient augmentées. Il demande à la
République fédérale de Yougoslavie d'accepter les
conclusions de la récente mission de l'OSCE présidée par
Felipe Gonzales et propose qu'une enquête soit mené sur les
allégations des autorités de Sarajevo concernant les actions de
la République croate dans la région de Mostar.
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
, a pris la parole en ces
termes :
" 1995, Dayton, Paris, première année de la mise en oeuvre
des accords, année lourde de conséquences. Faisons le point
rapidement.
Les accords de Dayton, qui ne satisfaisaient personne, ont été
acceptés par tout le monde. La paix est une réalité ;
paix fragile, relative, mais réelle.
Les élections générales qui ont eu lieu en septembre 1996
ont été relativement maîtrisées, relativement calmes
et, selon l'expression de Karl Bildt, " raisonnablement
démocratiques ". Aucune surprise dans ce contexte : le HDZ croate
de Tudjman a élu son candidat en Bosnie-Herzégovine, le SDS serbe
de Karadjic le sien ; le SDA musulman a élu Izetbegovic à la
Présidence bicéphale de l'Etat de Bosnie-Herzégovine.
Mais, et c'est important, en ce pays l'opposition démocratique et
laïque existe : je l'ai rencontrée ! Je me suis rendue
à deux reprises en Bosnie-Herzégovine en l'espace de
six mois. A mon avis, cette opposition s'exprimera aux prochaines
élections locales.
La paix est fragile. L'IFOR a rempli en partie sa mission - en partie
seulement. Elle avait des objectifs, elle en a fixé strictement les
limites, elle a interprété à sa façon les accords
de Dayton. Mais sa présence a été réelle et son
action souvent exceptionnelle. Voilà pour la première phase des
accords.
Sommes-nous pleinement satisfaits ? Certainement pas. Il faut donc
poursuivre. La paix n'est pas assurée, c'est évident. Il faut la
bâtir. Elle était sous condition, sous condition elle reste. J'en
vois quatre.
Première condition : maintien d'une force de stabilisation de l'OTAN.
C'est fait, c'est accepté. Je le rappelle, car ce fut une erreur
malgré l'avis du Conseil de l'Europe qui considérait que l'IFOR
devait partir en 1996. La SFOR, qui remplace l'IFOR, a pris le relais le
20 décembre 1996. Elle compte 33 000 hommes :
121 000 Américains, 11 000 Français,
9 800 Britanniques, 3 000 Allemands. Trente pays sont
représentés au sein de cette armée. Sa mission est de 18
mois. Elle doit contrôler avant le mois d'avril 1997 le stock de
l'armement et le nombre des dépôts.
Deuxième condition : l'organisation d'élections locales. Elles
n'ont pu avoir lieu en même temps que les élections
générales. Des difficultés subsistent. La mission de
l'OSCE se poursuivra. Les élections auront probablement lieu en juin et
juillet 1997 même si les problèmes restent identiques : vote
des réfugiés, vote des personnes déplacées. Tout
retard supplémentaire serait préjudiciable. Si elles ont lieu,
les élections locales seront un moment essentiel qui permettra de faire
le point réel de la situation en Bosnie-Herzégovine.
Troisième condition : maintien de la pression internationale. C'est
absolument nécessaire. Deux exemples.
La situation à Mostar est encore grave. La purification ethnique se
poursuit. L'on assiste à des expulsions de musulmans sous la pression
croate. En janvier 1997, les cas furent nombreux. Il faut le dire et le
dénoncer ! Les militaires de la SFOR présents à
Mostar, qu'ils soient français ou espagnols, estiment qu'ils ne sont pas
chargés de faire la police. Quant aux policiers de l'ONU, ils
déclarent ne pas être mandatés pour intervenir. Ce foyer de
tensions est dangereux ; c'est une réalité.
Le TPI, le Tribunal international est lui aussi relativement impuissant. Il a
inculpé 74 personnes pour crimes de guerre, crimes contre
l'humanité ou génocide. Soixante-six sont toujours en
liberté et nous narguent en toute impunité.
Quatrième condition : la reconstruction. La mise en oeuvre de ce volet
de l'accord est impératif. La paix est à cette condition. En
1996, près de 2 milliards de dollars avaient été
potentiellement récoltés, c'est-à-dire consentis par
divers pays et structures internationales. Moins de 1 milliard a
été versé. Par conséquent, la reconstruction n'est
réellement pas engagée.
Si j'avais à conclure sur le bilan, je dirais : 1995 est l'année
de la guerre et de la paix ; 1996, l'année de la paix et de la mise
en place des institutions politiques ; 1997 sera une année
décisive avec la mise en oeuvre du volet civil des accords de Dayton.
La paix définitive est à ce prix et la fin de ce drame
aussi ! "
A l'issue du débat,
la résolution 1116 contenue dans le
document 7733, amendée, est adoptée.