C. LES CONTRATS DE PLAN ETAT-RÉGIONS, ÉTAPE DE LA DÉCENTRALISATION ?
•
Votre rapporteur a montré comment la contractualisation a
participé à la maturation de la décentralisation,
notamment, selon une Région, "
dans la mesure où cette
procédure a donné l'occasion aux collectivités de
réaliser des travaux prospectifs et d'avoir une vision sur le long
terme ; où elle a permis aux collectivités de
développer la concertation avec les autres collectivités, les
services de l'Etat et l'ensemble des acteurs économiques, sociaux et
culturels
".
En particulier, les contrats de plan Etat-Régions ont pu soutenir le
processus de
décentralisation régionale
, en donnant
l'occasion aux Régions de se constituer une expertise et des
référentiels propres, en asseyant leur légitimité
vis-à-vis des autres collectivités, enfin en catalysant des
travaux de prospective et d'évaluation.
Ce processus est aujourd'hui largement engagé : Les Régions
disposent désormais d'une expertise, d'une légitimité et
de moyens financiers reconnus.
Dans ces conditions, la contractualisation est-elle encore
nécessaire
?
• A première vue, cette question paraît iconoclaste.
Néanmoins, la contractualisation est un processus de décision
publique
coûteux
en temps et en énergie, et peu transparent
pour les citoyens-électeurs. La contractualisation ne constitue donc pas
une fin en soi.
Le développement des procédures contractuelles pour
l'intervention publique n'est d'ailleurs
pas
un phénomène
irréversible
. Par exemple
188(
*
)
, le développement aux
Etat-Unis, à partir du début des années 1980, des
" Regulatory Negociations ", c'est à dire des démarches
contractuelles entre des autorités publiques et des
intérêts publics ou privés, selon des modalités
formalisées par le
Negociating Rulemaking Act
du 23 janvier 1990,
semble avoir achoppé sur l'attachement des américains à
des règles générales et impersonnelles, sur des normes
sociales valorisant la conflictualité politique et judiciaire, enfin sur
la capacité des tiers à contester ces procédures
contractuelles devant les tribunaux
189(
*
)
.
• Or l'Etat ne
joue pas le jeu
, et ne se donne guère les
moyens d'une contractualisation réussie.
En premier lieu, l'Etat n'a pas toujours réservé les
ressources
financières
nécessaires à une
contractualisation confiante et réussie. Certaines Régions
s'interrogent ainsi sur la pertinence de la contractualisation dans des
secteurs où l'Etat, appauvri, n'a plus les moyens de ses ambitions, et
n'a plus grand chose à apporter aux collectivités locales.
En second lieu, l'Etat ne s'est toujours pas doté de
l'organisation
déconcentrée
indispensable à
la conduite d'une démarche partenariale : la plupart des arbitrages
sont encore rendus dans le secret des administrations centrales ; les
préfets ne sont pas assez les " patrons " des services
déconcentrés de l'Etat et ne sont pas toujours des vrais
maîtres d'ouvrage dotés de mandats clairs ; enfin, les
préfets ne disposent guère de moyens de redéploiement
budgétaire. Au total, les Régions n'ont pas toujours des
véritables
partenaires
identifiés du côté de
l'Etat. Par ailleurs, l'Etat coordonne mal l'action de ses différents
ministères et n'a pas toujours de vision prospective : l'Etat dans
son ensemble n'est donc pas non plus un véritable partenaire
cohérent.
Enfin, l'Etat impose des
règles du jeu floues
et ne les
respecte
pas
. La Cour des Comptes
190(
*
)
résumait d'ailleurs ainsi la
procédure des troisièmes contrats de plan :
"
l'Etat, qui utilise la contractualisation pour faire financer une
partie de ses investissements, en tire un avantage certain. Toutefois,
chargé d'en établir les règles, il a posé des
principes qu'il n'a pas respectés. Il n'a pas tenu non plus tous les
engagements qu'il avait pris. Il ne suit que très imparfaitement
l'exécution des contrats en cours
". L'Etat se
défausse
ainsi sur ses partenaires. A l'extrême, certaines
collectivités locales ont parfois le sentiment que l'Etat essaie de
transformer le contrat de plan en un "
contrat
d'allégeance
", alors même que sa position de force face
aux collectivités locales s'effrite.
Dans ces conditions, pour certaines Régions, la procédure de
contrat de plan Etat-Région, sous sa forme actuelle, pourrait
n'être qu'une
étape
de la décentralisation.