C. UN BESOIN DE CLARIFICATION
•
Les développements qui précèdent ont
démontré un quadruple
besoin de clarification
:
- les contrats de plan s'inscrivent dans un
cadre législatif
obsolète et largement inappliqué (cf. chapitre I) ;
- la
jurisprudence
relative aux contrats de plan est ambiguë. En
outre, il n'est guère opportun que les tribunaux tranchent des
controverses aussi politiques ;
- l'Etat et les différentes Régions ne semblent pas attacher la
même
signification
aux contrats de plan ;
-
l'exécution
des troisièmes contrats de plan
soulève des interrogations quant à leur portée.
Au total, la
confiance
nécessaire à la réussite de
la démarche contractuelle est ébréchée.
Par contraste, on peut remarquer que dans la plupart des autres pays où
la coopération contractuelle entre collectivités se rencontre,
"
elle se traduit par des conventions ou des accords qui ont toujours
un objectif bien défini... et elle s'inscrit dans un cadre juridique
précis... les accords passés sont créateurs
d'obligations
"
120(
*
)
.
• Votre rapporteur estime donc indispensable que s'engage au Parlement
un débat de fond sur la nature et la portée des contrats de plan,
ce débat devant conduire à une
révision
de la
loi du 29 juillet 1982
.
Ce débat devra notamment répondre aux deux questions
suivantes :
- quelle est la portée attachée aux contrats de plan et quelles
sont les sanctions possibles en cas d'inexécution des contrats ?
- que peut-on contractualiser ?
• Les termes du débat relatif aux
sanctions
possibles en
cas d'inexécution des contrats de plan sont bien connus.
D'un côté, l'existence de
sanctions
crédibles est un
facteur de
sécurité
pour les cocontractants, mais aussi
pour l'ensemble des collectivités locales partenaires et pour les
bénéficiaires des contrats.
Il s'agirait aussi d'une
incitation
forte à contractualiser moins
pour contractualiser mieux : l'existence de sanctions pousserait les
cocontractants à une sélectivité accrue et à la
définition d'objectifs clairs, réalistes et partagés.
En d'autres termes, l'existence de sanctions serait un puissant
aiguillon
pour la réalisation des objectifs assignés
à la contractualisation.
Plus généralement, comme l'indiquait M. Didier MIGAUD,
Rapporteur général de la Commission des Finances de
l'Assemblée nationale, dans son rapport sur le débat
d'orientation budgétaire de juin 1999, certes "
la
rigidité de la dépense publique, [parce qu'elle] limite les
possibilités de redéploiement et, à l'extrême,
heurte quelque peu le principe de l'autorisation parlementaire annuelle, dans
la mesure où elle conduit à une sorte de carte
forcée..[cette rigidité] est incontestablement une contrainte...
Pour autant il faut bien voir que la rigidité de la dépense ne
fait que traduire au niveau budgétaire l'insertion de l'Etat dans un
faisceau de relations de nature quasi contractuelle qui n'est autre que le
signe d'une certaine
modernité de l'action
publique
".
• Inversement, la DATAR estime que des sanctions seraient au mieux
inefficaces : "
au sein de l'Etat, les gels et les annulations
interviennent en dernière extrémité. On peut donc penser
qu'ils auraient lieu en dépit des sanctions, ou bien que les
partenaires, conscients du risque de non respect,
refuseraient
de
contractualiser
".
Par ailleurs, selon la direction du Budget, "
il n'est
évidemment pas souhaitable d'assortir de mécanismes de sanction
les contrats de plan, parce qu'ils reflètent à un moment
donné des priorités qui peuvent évoluer et qu'ils portent
essentiellement sur des projets d'investissement dont le coût est
difficile à évaluer et le rythme d'exécution soumis
à des aléas de toute nature
".
En d'autres termes, les contrats de plan auraient besoin d'une exécution
souple
.
Enfin, la création de mécanismes de sanction paraît peu
compatible avec le flou du
suivi
du contrat.
Certaines régions estiment ainsi "
qu'il paraît peu
envisageable d'instaurer des sanctions financières en cas de non-respect
des engagements
".
Au total, l'arbitrage entre sécurité juridique et souplesse
d'exécution semble difficile.
Il n'en demeure pas moins que cet arbitrage doit être
précisé. En effet, compte tenu de l'expérience des
troisièmes contrats de plan,
l'ambiguïté
n'est plus
constructive
.
• Certaines régions proposent d'ailleurs des solutions pour
sortir du
dilemme
entre souplesse et sécurité.
Une première solution, radicale, consisterait à
"
remettre en cause la volonté de tout rassembler dans un
même cadre, et casser le mythe du contrat de plan point de passage
fondamental de l'action publique, comme la réalité l'a d'ailleurs
fait, souvent avec bonheur, comme l'illustrent les exemples du plan
université 2000, des transferts CFI, des conventions ferroviaires,
etc
. ".
En d'autres termes, la portée des contrats de plan étant
limitée à un contrat d'objectifs, les cocontractants
focaliseraient plutôt leur attention sur la signature de
contrats
particuliers
auxquels ils assigneraient la portée qu'ils entendent.
• Une seconde solution part du constat selon lequel les contrats de plan
recouvrent des réalités et des programmes de nature
différente, qui appellent des
régimes juridiques
différents
:
- "
des
opérations d'investissement
(routes, enseignement
supérieur, etc.). Par essence, ces opérations répondent
à des enjeux stratégiques pour une région. Leur
inscription ne devrait intervenir qu'en fonction du niveau et de la
qualité de la préparation des opérations. Leur mise en
cause ne devrait pas être possible ;
- des
actions en articulation avec la conjoncture économique
. La
programmation de ces crédits est très étroitement
liée aux fluctuations de la conjoncture. Après une période
atone, ces crédits ont ainsi connu un nouvel engouement à partir
du second semestre 1998. De plus ce type d'opérations devrait pouvoir
être remis en cause s'il ne correspond pas, ou plus, aux attentes du
terrain, ni aux objectifs visés ;
- enfin
, des actions dont le fait générateur relève de
décisions publiques
. L'exemple type de cette catégorie est la
politique de développement local qui a connu une consommation annuelle
constante du début à la fin du contrat de plan. Ce type
d'opérations devrait pouvoir être remis en cause s'il ne
répond plus aux objectifs visés
".
Cette distinction s'inscrirait dans le prolongement de la
jurisprudence
relative aux contrats de plan. En effet, il ressort des arrêts du Conseil
d'Etat que la faible portée des contrats est liée au flou de leur
rédaction.
Inversement, dans un arrêt du 13 décembre 1993
Syndicat mixte
pour le développement d'activités économiques dans le
Blayais
, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a accordé une
indemnité pécuniaire de 360 000 francs pour non respect
d'une convention "
passée en forme de contrat régional de
plan au sens de l'article 16 de la loi du 29 juillet 1982
",
en estimant que cette convention comportait des dispositions précises la
rendant pleinement applicable.
Certains observateurs ont donc proposé que les contrats de plan
recouvrent des dispositions de nature différente, depuis un
" bloc contractuel
", jusqu'à des dispositions relevant
seulement de l'annonce d'objectifs communs. Ce dispositif poserait d'autant
moins de problèmes que les clauses du contrat de plan sont divisibles,
les articles ou chapitres ayant leur autonomie
121(
*
)
. Cette solution ne remettrait donc
pas en cause l'unité et le rôle de mise en cohérence du
contrat.
• Votre rapporteur a ici esquissé quelques
pistes
, qu'il
ne lui appartient aucunement de trancher.
Il lui semble toutefois indispensable que les cocontractants soient en
accord
sur la signification qu'ils accordent aux contrats de plan, ce
qui suppose un débat national et/où des précisions,
propres à chaque région, inscrites dans les contrats.
Chapitre V :
La procédure de contrat de plan
transforme
la décision publique