C. MAIS LES CONTRATS DE PLAN NE FAVORISENT QU'UNE COHÉRENCE LIMITÉE DE L'ACTION PUBLIQUE
Comme le
souligne une Région, "
le rôle des contrats de plan est
indéniable dans la construction d'une
cohérence
limitée
de l'action publique
". L'influence de la
procédure de contrat de plan sur la cohérence des politiques
publiques est en effet limitée par de multiples facteurs :
- la cohérence de l'action publique en région dépend
largement des relations de coopération
préexistant
à la contractualisation ;
- les contrats de plan ne regroupent qu'une faible partie des interventions
publiques en région, et portent pour l'essentiel sur les
compétences de l'Etat
;
- les principaux
objectifs
des contrats de plan n'ont pas toujours
été mis en cohérence. Par exemple, même si les
diagnostics environnementaux étaient souvent éligibles aux Fonds
régionaux d'aide au conseil (FRAC), peu de contrats de plan
s'efforçaient véritablement de concilier les objectifs de
développement économique et de protection de l'environnement en
intégrant des préoccupations environnementales dans l'ensemble
de leurs aides aux entreprises
127(
*
)
. Certains exemples suggèrent
pourtant que cette conciliation est possible (cf. encadré ci
dessous) ;
QUELQUES EXEMPLES DE CONCILIATION DES OBJECTIFS DE
DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT.
En
Haute-Normandie
, l'objectif III . A "
conjuguer
environnement et
développement
", qui vise
"
à intégrer les préoccupations environnementales
en amont de
chaque décision
" des entreprises, mobilisa
la quasi totalité des catégories d'aides, notamment des aides
directes "
au développement de technologies respectueuses
de l'environnement
".
En
Picardie
, le contrat de plan visait à promouvoir
l'implantation dans la région de nouvelles industries dans le domaine de
l'environnement, d'une part ; à favoriser la diffusion
auprès des entreprises picardes des avancées technologiques en
matière de procédés respectueux de l'environnement d'autre
part. Pour ce faire, le contrat de plan comportait notamment un fonds d'aide
à l'investissement spécifique intitulé "
Fonds
produire et recycler propre
".
- les contrats de plan n'articulaient pas toujours ensemble la construction des
bâtiments, leur équipement (notamment informatique), leur
maintenance, l'animation des sites, le recrutement des personnels et la
formation des utilisateurs quand ces opérations relevaient de la
compétence de différentes collectivités. Selon une
Région, "
l'inscription financière dans les contrats de
plan
[tendait même]
à dédouaner d'un réel
examen des conditions d'articulation des actions Etat-Région dans le
domaine des lycées
". Par exemple, les investissements des
Régions en équipement informatique des lycées
n'étaient pas toujours corrélés avec les stages de
formation des enseignants organisés par l'Etat, de sorte que des
matériels ou des compétences étaient
sous-utilisés ;
- plus généralement, la cohérence des contrats de plan est
limitée par leur
logique
sectorielle
et
financière
, qui incite parfois les administrations centrales
à se livrer une concurrence stérile pour l'octroi ou la
sauvegarde de leurs crédits ;
- la cohérence des contrats de plan est également limitée
par la dispersion des programmes contractualisés, comme par la
multiplication des partenariats et des financements croisés : il
manque parfois un "
chef de file
" bien identifié pour
certaines actions ;
- même si, comme l'indique la DATAR, "
les contrats de plan
intègrent des politiques de massifs
[tel que le massif vosgien]
,
et comportent des politiques conjointes et des projets, notamment routiers, qui
sont inscrits dans les contrats de régions limitrophes "
et
si
" il existait aussi un Contrat de plan interrégional du
bassin parisien
[doté de 333 millions de francs par l'Etat] ",
la
coordination interrégionale
des contrats de plan
"
n'était pas la préoccupation majeure
", selon
plusieurs Régions.
De par leur nature, les contrats de plan ne constituaient d'ailleurs pas un
cadre privilégié pour prendre en compte des préoccupations
interrégionales.
In fine
, nombre des troisièmes contrats de plan
n'intégreront donc guère de projets interrégionaux, et
encore moins de projets
frontaliers
. Il est vrai que le
développement de la coopération entre Régions
soulève d'évidentes difficultés pratiques. La gestion du
Contrat de plan interrégional du Bassin parisien, qui constituait une
novation des troisièmes contrats de plan, s'est d'ailleurs
révélée d'une effroyable
complexité
,
notamment en matière comptable, alors même qu'elle
représentait moins de 1 % des montants contractualisés des
régions concernés.
La cour des Comptes
128(
*
)
observe en effet que "
la DATAR ne disposant pas de chapitre
adapté sur le titre V pour transférer directement au
ministère de l'Equipement les crédits routiers reçus des
Régions [au titre du contrat interrégional du Bassin parisien],
il est nécessaire d'inscrire ceux-ci dans une loi de finances
rectificative
".
Sans doute conviendrait-il donc de
simplifier
les procédures et
de
concentrer
les coopérations interrégionales sur des
projets de développement macrorégionaux précis, ou sur les
opérations symboliques ayant un effet d'entraînement (par exemple
en matière culturelle).
Les novations des quatrièmes contrats de plan, par exemple le contrat
interrégional Bretagne - Pays de la Loire, montrent d'ailleurs que la
coopération interrégionale est possible, lorsqu'elle est
impulsée par les Régions et non imposée aux
Régions ;
- plus généralement, les contrats de plan ne favorisent pas
toujours la cohérence des choix publics à
l'échelle
nationale
. En effet, selon la DATAR, certes "
la
simultanéité de l'élaboration de tous les contrats, qui
permet notamment une réflexion nationale lors de la répartition
des enveloppes, la définition d'un champ de la contractualisation, la
coordination au niveau central par la DATAR, le rôle confié aux
administrations visent à assurer la cohérence nationale.
Cependant, les marges de négociation laissées aux préfets
et aux conseils régionaux [sic] conduisent à privilégier
souvent les choix locaux
" ;
- par ailleurs, malgré le succès de certaines pratiques, comme
les "
contrats de ruralité
" en Poitou-Charentes, et
même si le contrat de plan permet un maillage du territoire en
prévoyant des actions en faveur de la politique de la ville et des
actions de développement local, la procédure des
troisièmes contrats de plan n'a guère favorisé la
coordination
entre
l'urbain
et le
rural
. Cela
résultait notamment de l'insuffisance du volet territorial ;
- enfin,
l'articulation
des différents procédures
contractuelles n'a pas toujours été satisfaisante (cf. infra)
Au total, la procédure de contrat de plan ne permet donc même
qu'une cohérence
limitée
de l'action publique en
région.