SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
1
).
3.
Demande d'autorisation d'une mission d'information
(p.
2
).
4.
Etats généraux de l'université.
- Débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
3
).
MM. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement
supérieur et de la recherche ; Adrien Gouteyron, président de la commission des
affaires culturelles.
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
MM. Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Lorrain, Ivan Renar.
Rappel au règlement (p. 4 )
MM. Emmanuel Hamel, le président.
Débat sur une déclaration du Gouvernement (suite) (p. 5 )
MM. Jean-Louis Carrère, le ministre.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA
5.
Conférence des présidents
(p.
7
).
MM. le président, Emmanuel Hamel.
6.
Scrutins pour l'élection de juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de
justice de la République
(p.
8
).
7.
Etats généraux de l'université.
- Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
9
).
MM. François Lesein, André Maman, Patrice Gélard, Hubert Falco, Michel Rocard,
Bernard Joly.
8.
Election d'un juge suppléant de la Haute Cour de justice
(p.
10
).
9.
Election d'un juge titulaire et d'un juge suppléant de la Cour de justice de la
République
(p.
11
).
10.
Prestations de serment
(p.
12
).
11.
Etats généraux de l'université.
- Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
13
).
MM. Jean-Philippe Lachenaud, Claude Saunier, Jean Clouet, François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Clôture du débat.
12.
Réglementation des télécommunications.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
14
).
Discussion générale : M. François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux
télécommunications et à l'espace.
Suspension et reprise de la séance (p. 15 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
MM. Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le
ministre délégué, François Trucy, Daniel Hoeffel, Claude Billard, Mme Danièle
Pourtaud, MM. René Trégouët, Roland du Luart, Jean Cluzel, Mme Marie-Claude
Beaudeau.
Renvoi de la suite de la discussion.
13.
Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire
(p.
16
).
14.
Dépôt de propositions de loi organique
(p.
17
).
15.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
18
).
16.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
19
).
17.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
20
).
18.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
21
).
19.
Dépôt de rapports
(p.
22
).
20.
Ordre du jour
(p.
23
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Bénard-Mousseaux, qui fut sénateur de l'Indre de 1971 à 1989.
3
DEMANDE D'AUTORISATION
D'UNE MISSION D'INFORMATION
M. le président.
J'ai été saisi d'une demande conjointe des présidents des commissions des
affaires culturelles, des affaires économiques, des affaires sociales, des
finances et des lois, aux termes de laquelle ces cinq commissions demandent au
Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information commune chargée
d'étudier les conditions de la contribution des nouvelles technologies de
l'information au développement économique, social et culturel de la France.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par
l'article 21 du règlement.
4
ÉTATS GÉNÉRAUX DE L'UNIVERSITÉ
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
sur les états généraux de l'université.
La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est
au Sénat que s'achève la phase préparatoire des états généraux de l'université.
Rien n'est plus conforme à nos institutions que de voir le Sénat, assemblée du
long terme, intervenir en clé de voûte d'un grand débat national.
C'est pourquoi, d'emblée, je remercie les sénateurs de leur participation à
ce débat. Je veux également remercier M. Monory d'avoir tenu à le présider
personnellement, lui dont je n'oublie pas qu'il eut, deux années durant, la
charge de ce si difficile dossier.
Dossier difficile, en effet : s'il est une seule certitude touchant à
l'éducation en général et à l'université en particulier, c'est celle-là.
Gouvernement après gouvernement, majorité après majorité, alternance après
alternance, la France a découvert qu'elle ne savait pas répondre aux questions
de son enseignement supérieur. Election après élection, sitôt proclamés le
désir ardent et l'impérieuse nécessité de réforme universitaire, la politique
universitaire retrouvait une ornière creusée par plusieurs décennies d'échecs
politiques successifs. Sitôt présenté le projet de réforme, ou son idée
seulement - parfois son fantasme suffisait - un mouvement étudiant se formait
pour le contester ; le projet de réforme était retiré, et les problèmes de
l'université retrouvaient leur calendrier habituel, celui des calendes grecques
!
Je n'ai pas l'intention d'être animé, à cette tribune, d'un esprit partisan.
Il est vrai qu'il y a eu des périodes plus fastes sur le plan budgétaire. Il
faut en rendre hommage à ceux qui ont su conduire cet effort, et, pour ma part,
je ne discuterai pas cet hommage qu'il convient de leur rendre.
Des moyens ont été accordés, mais les problèmes des étudiants et de
l'université n'ont pas trouvé de réponse susceptible de rassurer les intéressés
et la nation dans son ensemble. Au contraire, la succession des crises a braqué
le projecteur sur un Himalaya de difficultés qui ont fini par donner
l'impression qu'il y avait là, pour la société française, un lieu de
résignation et d'incapacité politique.
Cette impression est désastreuse. Elle l'est pour ceux, universitaires et
personnels, qui font vivre notre enseignement supérieur. Elle l'est aussi pour
les étudiants, spécialement pour ceux qui font le choix de la formation
universitaire et qui sont victimes de cette mauvaise image en même temps qu'ils
souffrent des difficultés d'organisation et d'accueil constatées dans notre
système d'enseignement supérieur.
C'est pourquoi il n'était pas imaginable de laisser cette question sans
réponse. Dès que M. le Premier ministre, il y a un an exactement, m'a confié la
responsabilité de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment nous
avons examiné ensemble le calendrier de l'action indispensable en ce domaine.
C'est ainsi que, dans son discours de politique générale, M. Alain Juppé a
indiqué que le Gouvernement était déterminé à agir vite dans les domaines
touchant à l'enseignement supérieur, en particulier l'orientation et le premier
cycle universitaire.
Agir vite, c'était, et c'est toujours agir avec méthode, tant le danger de
confondre vitesse et précipitation s'est déjà révélé pernicieux. Ce n'est pas
seulement une question de rythme. C'est une conception de l'action qui s'impose
chaque fois que l'on touche à des sujets de société, à ceux qui font la trame
de la vie de nos compatriotes, à ceux qui ont pour enjeu leur destin, à ceux
dans lesquels ils placent leurs espoirs, pour eux et pour leurs enfants.
Ma conviction est que, dans ces domaines, les politiques ne détiennent pas de
chèque en blanc. Un peuple à haut niveau de formation et d'information ne se
gouverne pas par blanc-seing. Le débat ne sert pas seulement à l'information
des gouvernants, il sert d'abord à former la décision.
D'une manière certaine, les citoyens doivent être partie prenante à
l'orientation et à la décision. Ils ne sont pas des sujets, même d'une
monarchie éclairée ; ils ont leur mot à dire avant que la décision ne se noue.
C'est même la condition pour qu'ils comprennent la portée et le sens, pour
qu'ils l'acceptent, ou acceptent, en tout cas, de la considérer comme fondée.
Je crois que c'est ce que le général de Gaulle avait à l'esprit lorsqu'il fit
de la participation, à la fin de sa vie publique, la pierre angulaire de sa
conception de la société.
La participation est un mode de gouvernement encore à explorer, tant il
comporte de remises en cause, dont la moindre n'est pas celle du temps
médiatique, ce temps de la précipitation et de l'obsolescence immédiate des
faits et de leurs causes. En effet, la construction d'une conscience commune,
le mûrissement d'une volonté commune demandent que l'on respecte le temps qui
commande aux décisions profondes. Les politiques devraient méditer
l'organisation du panthéon grec, qui voyait le dieu Cronos dévorer ses
enfants.
Si nous voulons retrouver l'équilibre et l'harmonie de nos sociétés et
réconcilier celles-ci avec la démocratie, il importe que nous apprenions à
maîtriser le temps, en sachant deviner ses logiques secrètes aussi bien que les
plus apparentes.
Vaclav Havel l'a dit d'une autre manière, évoquant l'impatience de ceux qui
croient que l'action publique peut porter ses fruits du jour au lendemain : «
Ils sont comme ces enfants qui, pour faire pousser les arbres plus vite, leur
tirent sur les feuilles. »
Il convenait donc de prendre le temps nécessaire, au moins une année
universitaire, pour conduire ce projet à son terme. C'est pourquoi j'annonçais
dès la rentrée de l'enseignement supérieur, le 21 octobre dernier, à Cergy, le
projet de cette année de réforme et le plan de ces états généraux en trois
phases : la phase des questions, celle de l'élaboration des principes qui
commanderaient à la réforme et, enfin, celle de l'entrée en vigueur,
nécessairement progressive, des décisions, des textes, des changements à
prévoir et à construire. Nous sommes au terme de la deuxième phase : celle des
principes.
Comme chacun s'en souvient, les mois de novembre et de décembre ont été
marqués, dans les universités comme dans le pays tout entier, par une période
de tension peu propice à la réflexion organisée. C'est donc en janvier que j'ai
commencé à recevoir toutes les organisations rassemblant les acteurs de
l'université et de l'enseignement supérieur, quelle que soit leur nature :
syndicats d'universitaires ou d'étudiants, associations de parents d'élèves,
conférences des présidents, des directeurs, mutuelles ou conseils nationaux de
l'université.
Plus de cent rencontres approfondies ont ainsi été organisées, sans compter
des dizaines de rencontres informelles avec les acteurs individuels.
Je n'ai bien entendu pas non plus négligé, comme c'était mon devoir, la
consultation du Parlement, en particulier du Sénat ; elle s'est déroulée lors
d'une réunion spéciale des commissions compétentes des assemblées.
Pendant cette période, la conférence des présidents d'université - instance
légitime puisqu'elle est entièrement formée d'élus de l'ensemble des acteurs
locaux - a été mon interlocuteur constant au long de débats souvent passionnés,
dont je veux la remercier publiquement, comme je remercie les trois présidents
successifs qui ont accepté la charge de l'animer.
A l'issue de cette première phase, il m'a semblé que les problèmes de
l'université française pouvaient être résumés en dix questions principales.
J'ai vérifié auprès de mes interlocuteurs que ces dix questions leur
paraissaient pertinentes et qu'elles recouvraient toutes leurs interrogations.
Nous avons publié ces questions en livre de poche : dix dossiers de réflexion
pour dix questions, rappelant des faits établis, vérifiables par tous, ainsi
que l'ensemble des interrogations de nos interlocuteurs. Ce livre de poche a
été tiré à 500 000 exemplaires et distribué gratuitement dans les
universités.
Le débat s'est ensuite organisé localement dans toutes les universités
françaises. Les conseils se sont réunis, élargis le plus souvent à des forums
de réflexion. On m'a dit que les étudiants de base n'avaient pas été assez
nombreux à participer à ces forums. C'est sans doute vrai. Pour qui est-ce une
surprise ? Surtout pas pour ceux qui, comme moi, considèrent que l'absence de
participation des étudiants dans les universités depuis des décennies doit être
considérée comme le véritable symptôme de la crise endémique que connaît
l'université française.
Toutefois, j'ai été encouragé par les débats dans nombre d'universités et je
n'ai pas été découragé par les difficultés rencontrées ailleurs. Les
universitaires et les personnels IATOS - ingénieurs, administratifs,
techniciens, ouvriers de service - ont donné leur avis. C'est bien ! Les élus
étudiants aussi. C'est donc un mouvement qui commence. Le jour viendra, si nous
sommes assidus et de bonne foi, décidés à rechercher tous les moyens d'un
engagement des étudiants dans l'université, où ces derniers vérifieront que
leur avis est écouté sur des sujets qui les concernent au premier chef. Ce
jour-là, la vie citoyenne sur les campus aura fait un pas décisif.
A ce jour, j'ai reçu, en réponse à cette consultation, la contribution écrite
des trois quarts des universités françaises. Presque toutes les organisations
nationales consultées m'ont adressé leurs réflexions. J'ai été invité - c'est
une première - à participer aux bureaux nationaux de trois des principales
organisations nationales d'étudiants, l'UNEF-ID, l'Union nationale des
étudiants de France indépendante et démocratique, l'UNI, l'Union nationale
interuniversitaire, et la FAGE, la Fédération des associations générales
étudiantes, qui m'ont présenté leurs travaux. Un débat a été organisé à la fin
du mois de mai à l'Assemblée nationale, un débat a lieu aujourd'hui au
Sénat.
Il reviendra au Gouvernement, dans quelques jours, de rassembler l'ensemble
des attentes exprimées, de proposer les voies et les moyens, les principes qui
organiseront cette réforme profonde et de longue haleine que les Français
attendent.
Viendra, ensuite, le troisième acte : la mise en oeuvre. Je n'ai pas besoin de
vous dire que cela ne se fera pas en un jour. Il faudra un calendrier
d'application et une organisation méthodique pour conduire cette réforme
jusqu'au détail de la réalité de son application, jusqu'au changement concret
et perceptible par tous, évalué dans ses conséquences, défini par des textes et
pris en compte dans l'organisation locale.
Je voudrais maintenant, monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, reprendre devant vous les dix questions qui sont en résonance les
unes avec les autres et qui décrivent l'ampleur de la tâche à accomplir.
Les deux premières questions sont commandées par l'observation, si souvent
soulignée, de l'augmentation géométrique du nombre des étudiants au cours des
dernières années.
Nombreux sont ceux qui s'interrogent sur l'importance du nombre de nos
étudiants. La plupart d'entre eux considèrent qu'il s'agit d'un phénomène
irrépressible mais ils en regrettent l'ampleur, estimant qu'il eût été
préférable qu'un certain nombre de ceux qui sont présents dans les universités
eussent fait un autre choix. Tel n'est pas, selon moi, le bon angle
d'approche.
Toutes les sociétés développées ont mis leur enseignement supérieur en
question. Toutes observent que la demande d'éducation et de formation
supérieure croît, et nombre d'entre elles concluent que, dans le contexte de
très grande compétitivité où nous nous trouvons, ce sont les peuples les mieux
formés qui seront le mieux armés pour remporter la bataille.
La question n'est donc pas tant celle du nombre des étudiants présents à
l'université que celle du choix qu'ils ont fait et qui, le plus souvent, les
place en situation de grande difficulté.
Ces jours derniers, malgré un effort d'information très important en direction
des lycéens de terminale avant leur inscription dans l'enseignement supérieur -
effort qui a donné des résultats satisfaisants à peu près pour toutes les voies
de formation proposées - nous observons un effet de mode qui porte des dizaines
de milliers de lycéens à choisir la voie de la formation en éducation physique
et sportive. La vérité oblige à dire que ni les débouchés ni la place dans les
universités n'existent pour ces jeunes qui croient trouver là un
accomplissement pour leur future carrière.
Il est très important que nous sachions apporter aux jeunes des réponses
concrètes, leur montrer de manière efficace, suffisamment tôt, où sont les
voies de succès pour eux, où est leur intérêt. Il est très important que nous
sachions, s'il le faut, établir des règles du jeu claires de façon que ces
années de formation ne soient pas, pour la plupart d'entre eux, une impasse.
La question du nombre d'étudiants commande donc les deux questions qui ouvrent
ce débat, c'est-à-dire celle de la transmission du savoir et celle de
l'orientation.
J'examinerai d'abord la transmission du savoir.
C'est l'échec d'un très grand nombre d'étudiants, notamment dans le premier
cycle, qui explique l'inquiétude d'une partie des observateurs et de nombreux
jeunes inscrits à l'université. Dans certaines filières, cet échec s'élève à 60
p. 100, et on peut trouver jusqu'à moins de 20 p. 100 des étudiants qui
obtiennent leur diplôme de premier cycle en deux ans. C'est là un sujet
d'inquiétude réel pour nous tous.
Cette inquiétude touche en particulier aux questions de méthodologie. Elle
commande l'élaboration d'un programme raisonné afin de montrer aux étudiants
que l'édification du savoir n'est pas de même nature dans l'enseignement
supérieur et dans le deuxième cycle. Il existe une différence profonde entre la
démarche autonome qui doit être celle des étudiants et la démarche davantage
assistée qui concerne les lycéens. Nous devons conduire les étudiants à cette
adaptation. Aussi la charnière, l'articulation entre l'université et le lycée
doit-elle faire l'objet de tous nos soins.
La question de la transmission du savoir va évidemment de pair avec celle de
la conception même des diplômes de premier cycle. Quelle est leur vocation,
quelle est leur architecture ? Quelles compétences souhaite-t-on que les
étudiants acquièrent au cours de ces deux premières années ? Quelle est la
relation entre les diplômes de premier cycle et les diplômes de deuxième et de
troisième cycle ? Quelle est l'architecture de la certification dans
l'université française ?
La deuxième question est celle de l'orientation. C'est là, bien sûr, que les
débats sur la sélection ont pris place.
La sélection me semble un faux problème. L'idée selon laquelle nous aurions
comme objectif d'interdire à un très grand nombre d'étudiants de tenter leur
chance, alors qu'ils ont su faire la preuve au baccalauréat de leur capacité à
atteindre la fin des études du lycée, est absurde.
Cette question ne peut pas être posée en termes d'exclusion. En revanche, elle
doit l'être en termes d'éducation, de choix que le jeune doit faire...
Mme Hélène Luc.
Et de réussite !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... pour s'inscrire à l'université. Cette politique
d'orientation doit donc être conçue très en amont, au lycée, peut-être même au
collège. Elle doit commander l'organisation du premier cycle, de manière qu'il
y ait là un
continuum
permettant de répondre clairement aux questions
que se posent les étudiants, et que ceux-ci puissent exercer leur liberté de
manière responsable.
Cette politique d'orientation est naturellement la condition même de la
réforme que nous avons à construire pour notre université. J'ai été très
heureux de constater, à l'Assemblée nationale - je serais très heureux si
c'était également le cas aujourd'hui au Sénat - que tous les groupes se sont
exprimés dans le même sens, classant, d'une certaine manière, au nombre des
débats du passé, ceux qui ont tellement agité la société universitaire
française et l'opinion publique sur ces sujets.
C'est un très grand pas en avant que toutes les sensibilités aient pu se
rencontrer pour observer, les unes que l'exclusion n'était plus à l'ordre du
jour, qu'elle n'était pas possible et qu'elle n'était pas souhaitable, les
autres qu'il convenait, en effet, de traiter ce problème d'éducation pour que
les choix prononcés par l'étudiant soient en cohérence avec son intérêt
propre.
La troisième question, très vaste, a trait au statut des étudiants à
l'université.
Je veux rappeler devant vous - je l'ai dit à l'Assemblée nationale - que je ne
prends pas le mot « statut » au sens de protection contre tous les risques de
la vie. Il ne s'agit pas de placer les étudiants dans une situation de
fonctionnaire avant l'heure. Ce serait d'ailleurs une très grande et très
profonde injustice à l'égard de ceux qui, n'étant pas à l'université, se
trouveraient eux-mêmes dans une situation d'exclusion par rapport à des
avantages dont les étudiants bénéficieraient.
En revanche, se pose la question de l'équité et de l'efficacité des aides que
nous apportons.
Une observation simple de la distribution de ces aides permet de conclure
qu'il existe deux catégories d'étudiants qui sont particulièrement aidés par la
nation : d'une part, les étudiants issus des milieux les moins favorisés, les
plus pauvres, d'autre part, les étudiants issus des milieux les plus favorisés,
les plus riches. On aide autant les plus riches que les plus pauvres, ce qui
constitue naturellement une injustice.
En théorie, on pourrait défendre l'idée - certains l'ont défendue par le
passé, mais telle n'est pas ma position - qu'il faut aider également l'ensemble
des étudiants, que l'Etat n'a pas à juger de leur position d'origine. Ce n'est
pas, je le répète, mon avis, et même je ne crois pas qu'il s'agisse d'une
position de bon sens. Mais, à la limite, on pourrait défendre cette idée.
Toutefois, aider de façon préférentielle les plus pauvres et les plus riches,
et non pas ceux qui se trouvent entre les deux, entraîne une situation
d'injustice.
Il convient de réfléchir non seulement à la question de l'équité des aides que
l'on apporte, mais également au canal par lequel ces aides sont accordées, à
leur transparence et à leur efficacité.
Mais cette réflexion n'épuise pas celle qui concerne le statut de l'étudiant.
En effet, la place, la reconnaissance due aux étudiants au sein de l'université
et de la société française dépasse de beaucoup la simple question des aides
sociales.
Il y a une réflexion à conduire sur la participation des étudiants, il y a une
réflexion à conduire sur les aspects pédagogiques, il y a une réflexion à
conduire, sur la vie des campus, sur la manière dont ils sont animés, enfin, il
y a une réflexion à conduire sur l'accueil et le rôle qui sont réservés aux
étudiants à leur sortie de l'université.
Je suis de ceux qui croient que l'on peut imaginer une nouvelle distribution
des rôles et une tout autre reconnaissance de l'étudiant au sein de la société
française.
La quatrième question concerne l'équilibre entre les filières que l'université
propose aux étudiants.
Un vieil héritage de l'histoire intellectuelle française nous a conduits à
privilégier, au travers du temps, les voies de formation les plus
intellectuelles et les plus abstraites, et nous avons considéré que le seul
savoir intellectuel suffisait à épuiser l'ensemble des préoccupations de la
société française. En raison de cette espèce d'esprit de caste, la France a
négligé les sujets d'application pratique et la filière technologique. Elle n'a
pas su construire des voies de formation susceptibles de montrer aux lycéens et
aux familles qu'on pouvait autant valoriser les aptitudes au concret que les
aptitudes à l'abstrait.
Aujourd'hui, il faut corriger ce défaut de notre système d'enseignement et
essayer d'apporter une réponse nouvelle par la construction d'une voie
technologie cohérente qui irait jusqu'au sommet des formations universitaires
et qui pourrait présenter aux étudiants, de manière efficace, très tôt, la
perspective d'une réalisation dans des domaines de connaissance et
d'affirmation personnelle où, jusqu'alors, ils ne rencontraient pas le
succès.
La cinquième question est celle de la voie professionnelle.
J'ai distingué la question de la filière technologique de celle de la voie
professionnelle. C'est la première fois que cela est fait. Jusqu'à présent, en
France, on disait communément « techniques professionnelles », comme si - c'est
toujours ce vieil héritage d'un esprit de caste ! - l'impératif de
professionnalisation ne s'adressait qu'à ceux qui ne pouvaient pas « suivre »,
comme l'on dit, dans les voies les plus abstraites.
Or l'observation de bon sens conduit, au contraire, à penser que l'exigence de
formation professionnelle s'adresse à tous, et sans doute spécialement à ceux
qui ont choisi les voies de formation les plus conceptuelles.
Je ne crois pas qu'il faille professionnaliser davantage en matière de
mécanique appliquée que dans le domaine de la sociologie. C'est aux étudiants
qui choisissent les filières les plus générales qu'il faut montrer et prouver,
dès le début de leur entrée à l'université, qu'ils devront un jour rechercher
la voie de la professionnalisation.
Cet impératif nouveau, qui n'était pas reconnu dans l'histoire de l'université
parce qu'il semblait évident à tous que le diplôme valait emploi, doit
aujourd'hui être mis au premier plan.
J'en viens à ma sixième question, la recherche universitaire.
Cette question, très importante, est souvent mal connue. Si l'on interrogeait
la société française, au sens large - pour moi, la société française va de
l'opinion publique à la direction du budget ! - sur les missions de
l'université, bien évidemment, c'est la mission d'enseignement supérieur
qu'elle placerait au premier plan. La mission de recherche est très largement
ignorée par les décideurs.
Il convient de rappeler à cette tribune que, nulle part dans le monde, il n'y
a d'université sans recherche...
M. Jean-Louis Carrère.
Et il n'y a pas de recherche sans argent !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... et que tous les systèmes qui ont essayé de construire une
université coupée de la recherche ont très largement échoué. Il n'y a pas de
transmission du savoir sans création du savoir. Il n'y a pas de maintien d'un
haut niveau de connnaissances sans mise à jour de ces connaissances. C'est
pourquoi la recherche universitaire doit être présentée - c'est la loi, mais
c'est également la réalité - comme l'une des missions majeures de notre
organisation universitaire.
Cependant, il existe un problème spécifiquement français : nous avons fait le
choix, voilà des décennies, de construire de grands organismes dont la
recherche est la vocation unique. Ces organismes, qui, me semble-t-il, ont
réussi dans leur ensemble, ont monopolisé la mission de recherche dans l'esprit
de l'opinion publique.
Il y a donc un problème de réglage, toujours difficile à résoudre, entre
l'organisation et la direction de la recherche dans les grands organismes, et
l'organisation et la direction de la recherche au sein des universités. C'est
cette question de l'organisation de la recherche universitaire, de ses
relations avec les grands organismes, que nous avons voulu traiter ici.
La septième question, que je présenterai de manière succincte tant elle me
paraît évidente, concerne l'ouverture internationale des universités.
Il n'y a pas d'université sans ouverture internationale, comme il n'y a pas
d'université sans recherche. Il n'y a pas de recherche sans ouverture
internationale et, désormais, il n'y aura plus de formation supérieure sans
ouverture internationale.
C'est sur cette notion, sur cette exigence qu'il convient de s'interroger.
Comment définir les principes qui assureront à tous les étudiants et à tous les
universitaires l'ouverture internationale indispensable au rayonnement de leur
université en même temps qu'à leur formation personnelle ?
La huitième question, celle des personnels, est, elle aussi, très difficile à
traiter.
Je voudrais revenir au quiproquo que j'ai évoqué à l'occasion de la sixième
question et qui portait sur la mission d'enseignement supérieur et la mission
de recherche.
L'opinion publique dans son ensemble, depuis les décideurs majeurs jusqu'aux
citoyens, confie à l'université une mission d'enseignement supérieur.
Profondément surpris seraient les citoyens, ainsi que les décideurs majeurs,
s'ils savaient que les carrières universitaires ne sont organisées que selon un
seul critère d'évaluation, celui de la recherche.
Voilà donc une société moderne qui assigne une mission majeure à l'université,
la mission pédagogique, et qui organise les carrières de ceux qui sont chargés
de cette mission selon un seul critère, celui des publications des
recherches.
Il y a là, me semble-t-il, des sources de dysfonctionnements majeurs qui
expliquent que les universitaires les mieux disposés mais qui ont le désir
légitime de faire carrière, formulent des choix quant à l'organisation de leur
métier qui les conduisent, en réalité, à s'intéresser moins à l'animation des
universités ou aux charges d'enseignement qu'à leurs publications.
Il s'agit de problèmes qu'il convient de traiter enfin, en y apportant des
réponses cohérentes et homogènes.
De la même manière, je rappelle que, pour la première fois cette année, le
nombre des emplois créés dans les universités françaises pour les personnels
IATOS, qui sont si précieux, s'est situé au même niveau que pour les personnels
enseignants : ce nombre s'élève, de part et d'autre, à 2 000. C'est la première
fois qu'est recherché l'équilibre entre ces deux types de personnels qui font
vivre nos universités.
Cependant, parmi les personnels IATOS - qui remplissent pourtant les mêmes
missions - coexistent toujours des corps différents de gestion, de recrutement
et de carrières. Il est très difficile de les homogénéiser, et c'est ce qui
explique les débats très nombreux et parfois très agressifs que suscite la
question du temps de travail des personnels IATOS et de leur engagement dans
les universités.
Tout cela résulte, en réalité, d'une très grande incompréhension, qui
s'explique par le maquis des carrières et des corps régissant les personnels
IATOS.
Les neuvième et dixième questions concernent la gestion des universités.
Quel type d'organisation ? Quelles relations avec les partenaires ? Quelles
relations avec l'Etat ? Quelles normes de répartition et quelle programmation
dans le temps des moyens des universités ou de l'effort de l'Etat ? Quel type
de relation entre la programmation nationale et la programmation régionale ?
Quelle organisation de la décision à l'intérieur des universités ? Quel type de
conseils ? Quel type de présidence ?
Toutes ces questions ont été versées au débat. Elles sont, naturellement, en
très étroite relation avec une interrogation majeure que le Sénat a si souvent
reprise : quel aménagement du territoire universitaire ?
Vous savez que la question des contrats entre l'université et l'Etat a dominé
la réflexion ces dernières années. Il ne vous surprendra donc pas que je me
range au nombre de ceux qui considèrent que le contrat doit être la clé de
voûte des relations entre la puissance publique et les établissements
d'enseignement supérieur et qu'il doit y être envisagé l'attribution des moyens
à travers des critères transparents pour que cette attribution ne soit pas
discutée.
Telles sont les dix questions qui sont soulevées. Aurait-on pu les poser
autrement ? Sans doute, mais les réalités traitées auraient été les mêmes.
Nous n'avons esquivé aucun des problèmes principaux apparus lors des
consultations et il a été très encourageant pour moi de vérifier que les
questions n'étaient, dans leur formulation, discutées par personne ; c'est
suffisamment rare pour qu'on le note.
Je voudrais, avant d'écouter le Sénat, faire deux réflexions complémentaires
pour répondre à des remarques entendues ici ou là.
La première concerne le but des états généraux, qui est quelquefois mal
compris.
Certains imaginent qu'il s'agit d'une recherche du consensus à tout prix. Ce
n'est pas le but que je me propose : si je jugeais que, sur tel ou tel des
sujets que nous traitons, le consensus ne pouvait être atteint qu'en sacrifiant
le changement nécessaire, je le dis au Sénat, je choisirais le changement
contre le consensus. C'est le devoir des gouvernants de choisir lorsqu'il le
faut. Nous ne sommes pas ces notaires emmanchés de lustrine chargés de noter
aussi scrupuleusement que possible ce qu'exposent les interlocuteurs. Ma
conviction est précisément que seul ce vaste effort de consultation, de
concertation, de participation, de respect des acteurs peut rendre le
changement possible.
Pardonnez-moi de reprendre les métaphores agricoles qui sont celles de mes
origines : c'est parce que nous aurons suffisamment labouré, hersé, fertilisé,
parce que nous aurons soigneusement semé, sarclé, désherbé, que nous pourrons
espérer, comme dit Charles Le Quintrec, « de belles moissons bleues » . Car ces
moissons ne demandent qu'à pousser !
Contrairement à ce que nous avons cru pendant trente ans, le changement est
possible à l'université, c'est ma conviction.
De la gauche à la droite de l'échiquier universitaire en passant par le
centre, les zones de rencontre se sont élargies, les esprits ont bougé. Ce que
j'appelle la politique du triple respect - respect des acteurs, respect du
temps nécessaire au travail en profondeur, respect des réalités - a porté ses
fruits, comme l'ont montré les débats de la semaine dernière à l'Assemblée
nationale et comme, je l'espère, le montreront aujourd'hui ceux du Sénat.
La recherche de la conciliation et, s'il le faut, de la réconciliation, ce
n'est pas l'immobilisme, c'est la condition même du mouvement.
Ma seconde réflexion complémentaire concerne les moyens. Il ne serait pas
honnête de ne pas traiter de cette question, car le problème de la dépense
publique se pose désormais en termes identiques dans tous les pays du monde,
quelle que soit leur majorité. Vous aurez ainsi observé que, dans deux grands
pays latins voisins, l'Italie et l'Espagne, des élections générales ont été
organisées en même temps, à quelques jours près, et qu'elles ont vu la victoire
de deux majorités antagonistes : une majorité de gauche et de centre gauche en
Italie, une majorité de droite et de centre droit en Espagne. Et quelle a été
la première déclaration publique des chefs des deux gouvernements qui sont
issus de ces élections, dont l'un est assez à droite et l'autre très à gauche,
puisque les anciens communistes italiens ont obtenu neuf sièges sur vingt dans
le gouvernement italien ? MM. Aznar et Prodi ont annoncé qu'ils allaient
baisser la dépense publique dans leur pays ! Cette conjonction de deux
démarches politiques en principe opposées mais dont la première ligne
directrice se rejoint sur le même choix politique doit, me semble-t-il, nous
conduire à nous poser des questions.
Nous sommes, d'un bord à l'autre de cet hémicycle, suffisamment familiers des
débats politiques en Europe et dans les pays développés pour savoir qu'il n'est
pas un seul pays développé dans le monde qui n'ait procédé aujourd'hui au même
choix.
Cette exigence s'impose à la France et s'imposera à elle, quelles que soient
les majorités qui, dans les années qui viennent, la gouverneront.
Cela ne m'empêchera pas de défendre l'idée qu'en temps de difficultés
budgétaires plus qu'à toute autre époque il faut répondre à trois
impératifs.
En premier lieu, lorsque l'argent est rare, il faut choisir ses priorités, il
faut le dépenser pour l'essentiel. Or, comme vous l'avez souvent dit dans
d'autres enceintes, monsieur le président du Sénat, l'éducation, c'est de
l'investissement ; c'est par l'éducation que l'on peut éviter des dérives
ultérieures, celles qui coûteront très cher un jour ; c'est par l'éducation que
se prépare la compétitivité de demain.
Ensuite, lorsque l'argent est rare, il faut savoir programmer l'effort dans le
temps. C'est pourquoi je crois à la politique des contrats que la nation se
donne à elle-même et des contrats que l'Etat négocie avec ses partenaires, en
particulier les universités.
Enfin, lorsque l'argent est rare - et précisément à ce moment-là - il faut
savoir entreprendre les réformes en profondeur permettant de donner au pays les
fondamentaux sains qui feront ses succès.
C'est au moment des difficultés qu'il est le plus malaisé de réformer, c'est
vrai, mais c'est au moment des difficultés qu'il est le plus urgent et le plus
important de le faire. L'expérience montre même qu'il n'y a qu'à ce moment-là
qu'on le fait.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la démarche et son objet. Cette
démarche est de bonne foi. Elle ne vise pas à préparer la victoire d'un camp
sur un autre, d'un clan sur un autre, d'une idéologie sur une autre. Le temps
des camps, des clans et des idéologies fermées sur elles-mêmes, ce temps, j'en
ai la conviction - et je servirai cette conviction - est derrière nous.
Je sais que, si la réforme apparaissait comme marquée d'esprit partisan, elle
échouerait. Or je crois que cette réforme est indispensable et qu'après six
mois de préparation elle est devenue possible. Je sais qu'elle ne marquera pas
un aboutissement. Elle sera le point de départ d'une étape nouvelle pour
l'université et pour l'enseignement supérieur français.
Je suis heureux que le Sénat ait accepté de participer à chacun des actes qui
l'ont préparée. J'ai la conviction qu'en le faisant, en mettant ce que nous
avons de volonté au service de cette entreprise, nous préparons l'avenir, nous
construisons une société généreuse et efficace, nous agissons en citoyens.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie. Si je ne présidais pas la séance, ce
qui m'impose un devoir de neutralité, je vous aurais félicité !
(Sourires.)
M. Ivan Renar.
C'est fait !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
ministre, vous avez dit tout à l'heure qu'il ne fallait plus que l'université
soit un lieu de résignation et d'incapacité politique. Vous savez bien que nous
partageons cet objectif et cette volonté.
Vous avez décrit une démarche que nous ne pouvons qu'approuver dans ses
fondements et ses justifications. En effet, s'il a existé, le temps où le
ministre décidait seul est, nous en sommes tout à fait conscients, sans doute
définitivement révolu. Cette attitude ne correspondait ni à l'exigence de
participation - j'ai relevé, comme d'autres, que vous aviez insisté sur le mot
- ni à la complexité des problèmes posés et à leur évolution dans le temps.
Nous approuvons assez largement la démarche sur ces travées. Nous pouvons
approuver aussi la solennisation que vous avez recherchée en choisissant
l'expression d'« états généraux » pour marquer l'importance du sujet traité et
l'incidence sur notre société des évolutions qui seront engagées.
Vous l'avez dit, la préparation a été méticuleuse.
Les questions sont claires. Je ne sais pas si elles résument tout le sujet,
mais elles sont claires. Elles peuvent donc recevoir, espérons-le, des réponses
précises et claires.
Je ferai maintenant part d'une légère insatisfaction, que vous-même n'avez
d'ailleurs pas cachée tout à l'heure. Elle a trait au fait que ces états
généraux ont donné lieu à des débats qui n'ont pas été suivis par beaucoup
d'étudiants. Sans doute l'époque y est-elle pour quelque chose ! Y a-t-il des
raisons plus profondes ? J'ai cru comprendre que c'était votre avis.
Par ailleurs, je regrette un peu que la consultation soit restée à l'intérieur
des murs de l'université. L'évolution de l'université, son avenir, c'est
l'affaire de la nation tout entière.
Bien sûr, le Parlement est consulté, notamment aujourd'hui, et je pense que
nous ne sommes pas au bout du processus, comme vous l'avez vous-même laissé
entendre.
Sur ce point, je crois que l'on peut attendre beaucoup. Le face-à-face entre
le ministre et les organisations syndicales, ce face-à-face fait d'esquives, de
tactiques, ne correspond pas à la noblesse du sujet et à son importance, vous
l'avez parfaitement compris. On peut souhaiter que la nation soit largement
associée à cette réflexion.
J'examine maintenant le fond du sujet pour m'arrêter à quelques points
seulement.
Après beaucoup d'autres, je veux rappeler le paradoxe français de
l'enseignement supérieur, qui est caractérisé par l'existence de deux secteurs
: un secteur protégé, si je puis dire, en tout cas sélectif, celui des grandes
écoles, des IUT, des BTS et de certaines écoles d'ingénieurs, et un secteur
beaucoup plus ouvert, le secteur universitaire. Paradoxalement, c'est dans ce
second secteur que se trouvent les maîtres les plus titrés, ceux dont la
mission - vous l'avez rappelé en y insistant - est non seulement de transmettre
le savoir, mais de l'élaborer, de le « fabriquer », ce qui est évidemment une
difficulté supplémentaire.
Pourtant, le secteur sélectif croît. Son importance augmente en valeur
absolue, ainsi qu'en pourcentage, d'après les indications qui me sont données.
Cette opposition, toutefois, ne suffit pas à rendre compte de la réalité,
beaucoup plus bigarrée : les BTS évoluent. Le nombre des étudiants qui suivent
cette filière augmente de façon très sensible, mais ces brevets sont de moins
en moins sélectifs, à l'instar me dit-on, des IUT, du moins de certains d'entre
eux.
Faut-il mettre fin à une situation marquée par cette opposition ? Dans la
mesure où elle correspond à une tradition forte dans notre pays et où elle
permet certains ajustements et une certaine souplesse, je ne pense pas qu'il
soit possible de la modifier.
En revanche, il faudrait sans doute en corriger certains effets pervers.
On ne peut pas ne pas observer que les étudiants relevant du secteur le plus
protégé sont ceux qui bénéficient des crédits les plus importants, que le coût
d'un élève ou d'un étudiant de ce secteur est beaucoup plus élevé que celui
d'un étudiant du secteur universitaire proprement dit.
Il y a là une anomalie, un déséquilibre, qu'il conviendrait de corriger.
Je signalerai une autre « bizarrerie » : lorsqu'un bon élève devenu étudiant
d'IUT a l'ambition légitime de continuer son cursus, il revient à l'université,
mais pas toujours dans de très bonnes conditions, ce qui en fait un insatisfait
de plus.
Je voudrais maintenant parler du défi de l'échec, de ce défi lancé à la
société française.
Ainsi que vous l'avez rappelé tout à l'heure, la situation actuelle n'est pas
satisfaisante. Une réponse par la sélection ne conviendrait pas. Vous l'avez
dit, monsieur le ministre, et je tiens à vous dire que nous partageons
largement votre opinion.
On ne peut pas réduire les effets des échecs en anticipant leur constat. Ce
n'est pas la solution. Il faut simplement essayer de corriger les échecs.
Parler de sélection, ce serait oublier l'extraordinaire demande sociale. Ce
serait aussi oublier que le taux d'entrée dans les universités n'est pas, dans
notre pays, supérieur à ce qu'il est dans les autres grands pays, qu'il est
même parfois légèrement inférieur.
J'en viens aux solutions. Vous en avez évoqué plusieurs, et certaines d'entre
elles sont tout à fait essentielles. Je voudrais y revenir, si vous le
permettez, monsieur le ministre.
Parlons d'abord de l'orientation. Il s'agit de donner enfin un contenu à ce
mot.
Il convient sans doute de commencer très tôt, beaucoup plus tôt que la classe
terminale, car il est déjà bien tard et les projets se sont souvent figés. Il
importe donc de regarder bien avant comment se forment les projets des futurs
étudiants.
Une remarque me paraît refléter la difficulté dans ce domaine. L'orientation,
elle existe dans le second degré, elle est même parfois assez autoritaire.
Certaines procédures ont été mises en place à la fin de la quatrième et à la
fin de la seconde. Un élève scolarisé au lycée ou au collège ne fait pas tout
ce qu'il veut, il ne va pas là où il veut, ou même là où ses parents voudraient
qu'il aille.
Le baccalauréat efface tout : le baccalauréat donne liberté à l'étudiant
d'entrer dans quelque filière que ce soit de l'enseignement universitaire.
Cette situation exige une analyse approfondie, non pas pour introduire la
contrainte, mais pour aider les lycéens à bâtir leurs projets et à élaborer
leurs choix.
La commission des affaires culturelles, vous le savez, monsieur le ministre, a
constitué une mission qui vous transmettra ses propositions, sans doute après
l'énoncé des principes que vous annoncerez bientôt. J'espère toutefois que les
propositions de la commission vous seront utiles et qu'elles seront prises en
compte.
S'agissant encore de l'orientation, il faut également éviter la fracture entre
le lycée et l'université.
Cette fracture tient à l'extrême et brutale spécialisation. Elle tient aussi à
la présence, théoriquement du moins, de maîtres qui ont comme charge principale
l'enseignement, bien sûr, mais aussi le progrès du savoir dans leur discipline.
La fracture tient par ailleurs à des modes de vie différents, ainsi que, sans
doute, à l'organisation même de l'année universitaire.
Sans doute y a-t-il des formules à rechercher. Elles sont variées et diverses.
Je suis persuadé que des progrès sensibles peuvent être faits dans ce
domaine.
Je traiterai enfin de l'insertion professionnelle, je terminerai sur ce point,
mais il y aurait encore beaucoup à dire.
Vous avez, à très juste titre, évoqué la professionnalisation. Cette
professionnalisation est nécessaire dans toutes les filières, à condition,
évidemment, qu'on ne la conçoive pas de manière trop étroite. Elle est
nécessaire, mais elle exige sans doute un autre mode de fonctionnement,
d'organisation des universités, peut-être même une autre distribution des
pouvoirs dans les universités. C'est un vaste sujet, celui de l'autonomie des
universités.
Comment faire pour affirmer la pérennité des diplômes nationaux dans un pays
comme le nôtre et l'adaptation aux besoins et aux réalités ? C'est un beau «
challenge », c'est en tout cas un vaste sujet de réflexion.
Je suis persuadé, pour ma part, qu'on n'y parviendra qu'en donnant aux
universités une capacité d'agir qu'elles n'ont pas peut-être suffisamment
aujourd'hui, en contractualisant leurs relations aussi - vous l'avez recommandé
tout à l'heure - et, bien entendu, d'abord leurs relations financières avec le
ministère dont elles dépendent.
Monsieur le ministre, vous avez tout à l'heure parlé du calendrier. Je
terminerai mon propos en traitant brièvement de ce sujet.
Alain disait : « Un calendrier est un avenir divisé en cases où je vais
pouvoir distribuer mes projets et mes espérances. » Nous aurons besoin de
savoir comment vous répartissez vos projets dans les cases que nous laisse le
calendrier de la politique, puisque personne ne peut méconnaître cette
nécessité.
M. Jean-Louis Carrère.
Voilà ! C'est comme pour la réforme de la fiscalité : avant les législatives
et avant la présidentielle !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je me demande,
monsieur le ministre, si l'un des sujets que vous avez à traiter en priorité,
et sur lequel vous avez tout à l'heure justement insisté, ne serait pas celui
de l'aide aux étudiants et du statut de l'étudiant.
Il me semble qu'il y a des choses à accomplir rapidement dans ce domaine, et
qu'on peut y parvenir à condition d'avoir, bien entendu, du courage. Mais nous
savons que vous en avez et que le Gouvernement a la volonté politique
d'avancer.
Victor Hugo campe, dans une scène assez étonnante de
Choses vues,
je
crois, Louis XV. Il le montre recevant un projet de réforme et le jetant dans
un tiroir en disant : « Voilà pour mon successeur ! ». Certes, Louis XV n'est
pas votre personnage historique préféré...
M. Ivan Renar.
Louis XVI non plus !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
... vous en aimez
mieux un autre !
(Sourires.)
Eh bien, monsieur le ministre, inspirez-vous de la détermination et du
panache de votre préféré. Nous vous faisons confiance, lucidement, mais nous
vous faisons confiance.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
9 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État,
mes chers collègues, le Sénat est aujourd'hui appelé à débattre sur les états
généraux de l'université qui ont été initiés par le Gouvernement pour préparer
l'avenir et les nécessaires réformes de notre enseignement supérieur.
Comme vous le savez, cette concertation s'inscrit dans une floraison
d'initiatives et d'instances de réflexion créées sur le même thème, dont les
calendriers ne coïncident pas nécessairement, ce qui risque de provoquer une
certaine perplexité dans l'opinion.
Sans reprendre la totalité des problèmes qui doivent être abordés au cours des
états généraux, je voudrais évoquer quelques thèmes qui me paraissent
essentiels pour l'avenir de l'enseignement supérieur : l'image de l'université
dans l'opinion, l'orientation dans les premiers cycles, le nécessaire
développement de la recherche universitaire, auxquels j'ajouterai quelques
réflexions relatives à l'opportunité de légitimer par la voie référendaire les
réformes qui seront proposées.
S'agissant du premier point, tout le monde peut constater que l'université ne
bénéficie pas d'une image flatteuse dans l'opinion. On souligne souvent
l'inadaptation de ses formations aux besoins des entreprises ; on dénonce un
enseignement trop académique ; on la tient pour responsable des taux d'échec
constatés dans les premiers cycles et du chômage ou de la déqualification de
ses diplômés.
Je voudrais, à cet égard, souligner que notre système universitaire a été
confronté depuis une dizaine d'années à un défi considérable, celui de la «
massification », et l'on peut considérer que l'université y a répondu d'une
manière aussi satisfaisante que possible, compte tenu des moyens qui lui sont
accordés.
Je rappellerai à ce propos que 10 p. 100 d'une génération obtenait le
baccalauréat en 1960, que ce pourcentage est passé à 30 p. 100 en 1985 et à 60
p. 100 en 1995, l'objectif de conduire 80 p. 100 d'une classe d'âge au
baccalauréat étant ainsi en passe d'être réalisé, et que 2,2 millions
d'étudiants sont aujourd'hui accueillis par le système universitaire, soit un
doublement des effectifs étudiants au cours des dix dernières années.
L'université a donc, contrairement à une opinion trop répandue, surmonté dans
des conditions convenables le choc démographique des dernières décennies et
elle a sans doute plus évolué que la société française au cours des mêmes
années, notamment que le secteur de la protection sociale.
Il convient également de remarquer qu'une partie très importante de notre
enseignement supérieur fonctionne d'une manière satisfaisante : c'est le cas
des filières sélectives à finalité technologique et professionnelle - classes
préparatoires et grandes écoles, instituts universitaires de technologie,
sections de techniciens supérieurs, instituts universitaires professionnalisés
- mais aussi des cycles supérieurs, même si les deuxièmes cycles risquent, dans
les années à venir, de connaître comme les premiers cycles des difficultés.
J'ajouterai, contrairement à ce qu'on peut en dire, que le diplôme
universitaire reste un atout pour la recherche d'un emploi et que le chômage
touche dans des proportions bien supérieures les jeunes dépourvus de
qualification.
Il reste que les premiers cycles qui accueillent, sans sélection, l'ensemble
des bacheliers concentrent l'essentiel des difficultés rencontrées par
l'université et enregistrent un échec universitaire trop important qui est
source de gaspillages humains et financiers inacceptables.
Encore convient-il de ne pas dramatiser et exagérer le discours tenu sur
l'échec dans les premiers cycles puisque 57 p. 100 des étudiants inscrits en
DEUG passent en licence, soit un taux non négligeable qui peut être rapporté à
celui des classes préparatoires scientifiques - 60 p. 100 - que de nombreux
étudiants se réorientent vers d'autres filières et que les autres auront retiré
de toute façon de leur passage à l'université un bénéfice qui pourra être
valorisé lors de leur embauche.
La situation apparaît, certes, plus préoccupante pour les bacheliers
technologiques, dont 75 p. 100 ne passent pas en licence et, surtout, pour les
bacheliers professionnels qui se présentent en nombre de plus en plus grand
dans les premiers cycles généraux avec des chances de réussite excessivement
faibles.
C'est donc en priorité pour ces deux types de bacheliers qu'il importe, d'une
part, de développer un véritable dispositif d'information et d'orientation, dès
l'enseignement secondaire, et de prévoir, d'autre part, des formations
adaptées, afin de réduire la fréquence de leur échec à l'université.
J'en terminerai avec ce premier point en notant que l'enseignement supérieur
apparaît, à bien des égards, comme le parent pauvre de notre système éducatif
et que la dépense que nous consacrons à chaque étudiant reste inférieure de
moitié à celle de pays comparables, comme le Royaume-Uni et les Etats-Unis : il
conviendra, à cet égard, sans doute, de réexaminer la part des crédits
consacrés à chaque degré d'enseignement et d'envisager un certain transfert des
moyens du primaire, voire du secondaire, vers le supérieur, ainsi que de revoir
la répartition des crédits entre les filières sélectives, notamment les grandes
écoles et les filières générales universitaires.
J'aborderai ensuite le deuxième thème de mon intervention, déjà rapidement
évoqué, celui de l'orientation des lycéens et des étudiants, qui constitue un
moyen privilégié pour réduire l'échec dans les premiers cycles.
Comme vous le savez, la commission des affaires culturelles a pris
l'initiative de créer une mission d'information sur l'information et
l'orientation des étudiants des permiers cycles. Cette mission a pu constater,
tout au long de ses auditions, que le système actuel ne fonctionnait pas d'une
manière satisfaisante, du fait, en particulier, d'un manque de moyens - 4 500
conseillers d'orientation pour 6 millions d'élèves et 2,2 millions d'étudiants
- mais aussi d'une mauvaise organisation n'assurant pas une articulation
convenable entre le lycée et l'université et ne prenant pas suffisamment en
compte les réalités des entreprises et les besoins de l'économie.
L'information dispensée aux lycéens et aux étudiants en vue de leur
orientation, en dépit d'expériences engagées dans de nombreux lycées et
universités, présente en effet de graves lacunes concernant le contenu, les
débouchés et le devenir des étudiants des diverses filières supérieures, et
l'évaluation des universités apparaît à cet égard inexistante.
Ce constat est d'autant plus regrettable qu'une véritable rupture existe,
notamment sur le plan méthodologique - vous avez insisté sur ce point tout à
l'heure, monsieur le ministre -, sur le contenu des enseignements et sur les
modalités d'encadrement entre le lycée et l'université.
La massification de notre enseignement supérieur ne sera une chance pour le
pays que si les nouveaux étudiants ont la possibilité de s'orienter vers des
filières correspondant à leurs capacités, après une information dispensée très
en amont de leur entrée à l'université.
J'ajouterai que la « demande sociale » qui s'exprime en matière d'études
supérieures commande de maintenir le principe du libre accès à l'université, en
permettant à chaque bachelier de tenter sa chance dans les premiers cycles. La
prise en compte de cette réalité conduit, en conséquence, à exclure toute idée
de sélection après le baccalauréat, qui doit rester le premier des grades
universitaires.
Afin de répondre à ce défi du grand nombre, une véritable politique
d'orientation devra être développée. Quels pourraient en être les grands axes
?
Il faudrait d'abord sans doute rechercher une simplification des DEUG, qui
apparaissent aujourd'hui trop spécialisés autour de quelques grands types de
formation.
Il serait souhaitable ensuite de s'orienter vers une diversification et une
professionnalisation des filières supérieures, soit en créant une grande voie
technologique, soit en instillant une formation technologique dans l'ensemble
des filières, même générales, qui s'accompagnerait d'un développement des
stages en entreprises.
Il conviendrait également d'envisager une période d'observation et
d'orientation au cours de la première année d'université, complétée, le cas
échéant, par une remise à niveau, notamment pour les bacheliers technologiques
et professionnels, un système de passerelles permettant des réorientations
rapides entre les diverses filières et un renforcement de l'encadrement dans
les premiers cycles.
Une politique efficace d'orientation constituerait ainsi l'une des principales
réponses à la démocratisation de notre système universitaire et permettrait de
réduire la fréquence des choix fantaisistes ou dictés par les modes qui
contribuent à réduire la motivation des nouveaux étudiants et à alimenter
l'échec universitaire dans les premiers cycles.
J'en viens maintenant au troisième volet de cette intervention : le nécessaire
soutien qu'il convient d'apporter à la recherche universitaire.
Il convient d'abord de rappeler que le niveau de la recherche d'aujourd'hui
commande notre prospérité de demain et que la recherche universitaire constitue
un enjeu décisif tant pour la formation des étudiants que pour le développement
scientifique du pays.
A cet égard, un débat s'est engagé sur la place des enseignants-chercheurs
dans les premiers cycles et sur la part qu'il conviendrait d'accorder aux
professeurs agrégés du secondaire dans le fonctionnement de ces derniers. Afin
d'éviter une « secondarisation » des premiers cycles, de préparer les étudiants
à la poursuite d'études et de garantir l'actualité des enseignements dispensés,
il semble indispensable de conserver une part importante
d'enseignants-chercheurs qui devraient sans doute, en sens inverse, accorder
plus d'importance à l'animation pédagogique, à l'encadrement et à l'orientation
des étudiants.
Cet objectif implique un aménagement de la carrière des
enseignants-chercheurs, qui ne serait plus fondée exclusivement sur leur
activité de recherche, et un recours plus large aux jeunes docteurs pour
renforcer l'encadrement des premiers cycles.
Monsieur le ministre, la brillante démonstration que vous avez faites tout à
l'heure montre que vous partagez tout à fait cette opinion.
Il conviendrait également que la recherche universitaire développe une
véritable synergie avec les entreprises, que l'université soit davantage
associée à leurs projets et que les stages en entreprises des chercheurs et des
étudiants se trouvent multipliés. Au total, alors que la « dualisation » de
l'enseignement supérieur constitue une tentation permanente, il ne faudrait pas
que l'affectation de toutes ses ressources à un enseignement de masse, sans
orientation et sans finalité, aboutisse à sacrifier la recherche universitaire
qui se réfugierait alors dans les grands établissements et les grands
laboratoires.
J'en terminerai par quelques remarques relatives à la nécessité de légitimer
la réforme de notre enseignement supérieur, ce qui soulève la question de
l'organisation éventuelle d'un référendum sur le système éducatif.
A titre personnel, je ne peux qu'être favorable au principe d'une légitimation
référendaire, à la condition que cette procédure réponde à certaines
exigences.
D'abord, un référendum sur l'organisation de notre enseignement supérieur ne
saurait être utilisé pour permettre à une majorité, même parlementaire,
d'imposer une réforme contre le monde universitaire et sans aucune concertation
préalable.
M. Claude Saunier.
Très bien !
M. Jean-Pierre Camoin.
Il ne saurait s'agir, en l'espèce, de faire passer en force une série de
mesures contre les principaux acteurs de l'université, qu'ils soient
enseignants ou étudiants.
J'apprécie l'approbation de M. Rocard à sa juste valeur !
M. Michel Rocard.
Il s'agissait de M. Saunier !
M. Jean-Louis Carrère.
Nous n'avons pas tous approuvé !
M. Jean-Pierre Camoin.
A cet égard, la méthode de concertation engagée par le ministre avec
l'ensemble des organisations représentant le monde universitaire, les
présidents d'université, les étudiants et les enseignants au sein de chaque
établissement doit être saluée, ce que je fais à cette tribune.
Il importe cependant de remarquer que, pour des raisons tenant à
l'organisation de l'année universitaire, cette concertation se déroule dans les
établissements, à un moment peu propice à la participation directe des
étudiants et que la consultation de la centaine d'organisations entendues par
le ministre, si elle présente un intérêt évident, ne peut masquer une réalité,
celle d'une faible représentativité des organisations enseignantes et
étudiantes, qui est traditionnelle dans l'enseignement supérieur.
Je tiens à vous remercier, ensuite, monsieur le ministre, d'avoir associé le
Parlement à cette concertation. Vous l'avez fait voilà quelques semaines en
venant devant notre commission des affaires culturelles et en organisant un
débat à l'Assemblée nationale ; vous le faites aujourd'hui devant le Sénat tout
entier. J'ose espérer que ces débats permettront de lever une certaine
incompréhension, voire une certaine méfiance, qui subsistent entre les
parlementaires et le monde universitaire.
A titre personnel, je souhaite porter témoignage en indiquant que les
nombreuses auditions qui se sont déroulées au sein de notre mission
d'information sur les premiers cycles ont permis de réduire notablement cette
incompréhension, que j'éprouvais d'ailleurs moi-même sans m'en rendre bien
compte.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
C'est tout à fait
vrai. Très bien !
M. Jean-Pierre Camoin.
Je crois qu'une attitude didactique doit être adoptée vis-à-vis des
parlementaires pour leur apprendre l'université. Certes, ils l'ont connue pour
la plupart mais elle a tellement évolué depuis quelques dizaines d'années que
certains d'entre nous ont besoin de la réapprendre.
La représentation nationale a ainsi naturellement vocation à participer à
cette réflextion sur l'avenir de notre enseignement supérieur, qui ne doit pas
être laissée à la seule compétence des spécialistes et des acteurs
universitaires. Le Parlement sera éventuellement conduit à examiner les
modifications législatives, voire la programmation budgétaire que vous lui
proposerez.
Il reste que la logique de votre démarche commande de prolonger cette
concertation par une consultation des citoyens et que, à l'issue d'un débat
approfondi dans le cadre des états généraux, tous les Français soient invités à
se prononcer par voie référendaire pour légitimer une réforme qui commande
l'avenir de notre jeunesse.
Si le pays doit être appelé à se prononcer par référendum sur une réforme de
société essentielle, celle du service national, pourquoi ne pas l'inviter à se
prononcer, selon la même procédure, sur un dossier aussi important, celui du
nécessaire aménagement de notre système universitaire ?
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre, permettez-moi, au nom de mon groupe, de saluer votre
volonté, d'une part, d'engager la réforme de notre système universitaire,
domaine considéré comme impossible à traiter, d'autre part, d'avoir voulu qu'un
sujet aussi important fasse l'objet d'un débat avec les représentants de la
nation. Soyez-en remercié, car vous avez raison sur le fond et sur la forme.
Sur la forme, vous avez choisi la concertation, la participation. Vous avez
raison car, dans ce domaine comme dans de nombreux autres, les corporatismes
sont forts et retardent, ralentisssent, voire interdisent souvent les réformes
pourtant jugées nécessaires.
La seule méthode est bien celle du dialogue et du partenariat : en effet, ce
n'est pas en dressant les uns contre les autres que nous avancerons.
Il est vrai qu'au terme de cette phase de concertation il nous faudra faire
preuve de volonté, de courage et, si besoin, de fermeté, tant sur les choix,
sur les orientations, que sur le calendrier.
Sur le fond, cette réforme est indispensable et urgente tant au niveau
économique qu'au niveau social.
Le contexte social nous l'impose. Malgré les efforts conjugués de l'Etat, des
collectivités locales, des professions, un jeune sur quatre, à l'issue de son
cursus, est conduit à pousser la porte de l'ANPE. Cela n'est pas acceptable. On
estime à 40 p. 100 le nombre d'étudiants en situation d'échec au terme de leur
première année d'université, et, parmi eux, 60 p. 100 sont issus des bacs
professionnels ou technologiques.
Certes, les titulaires d'un diplôme délivré à l'issue d'études longues
trouvent plus facilement un emploi. Mais à quel prix, car nous sommes dans
cette logique infernale de « qui peut le plus peut le moins » !
Nous formons chaque année 160 000 étudiants de niveau I et II pour seulement
65 000 offres d'emploi. Le risque social est là : nous sommes en train de faire
une génération de frustrés et d'aigris, qui, tôt ou tard, nous réclamera des
comptes.
Cette réforme est également urgente au niveau économique en raison du
formidable « gâchis » humain d'abord, financier, ensuite auquel nous assistons.
En effet, depuis vingt ans, face aux difficultés, aux corporatismes, les
gouvernements successifs, quelle que soit d'ailleurs leur couleur politique,
ont répondu par l'inflation budgétaire. Pour quels résultats ? Ceux que je
viens d'énoncer.
Aujourd'hui, la situation financière du pays, la charge de la dette, le poids
énorme de secteur public nous mettent le dos au mur et nous interdisent une
nouvelle dérive budgétaire. Mais, même si nos moyens financiers étaient
meilleurs, je ne suis pas convaincu que la situation s'en trouverait améliorée.
En effet, le problème est plus profond ; il s'agit d'un problème culturel, d'un
problème de société presque inscrit dans nos gènes.
Depuis des décennies, notre société ne reconnaît qu'une forme d'intelligence :
l'intelligence abstraite. Notre société tout entière est atteinte par le «
syndrome de la diplômite », qui a dévoyé notre système éducatif.
Des décisions qui a l'origine sont bonnes et adaptées engendrent souvent des
résultats à l'opposé de ceux qui sont recherchés.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de prendre l'exemple des bacs
professionnels. Cette voie répondait à la fois aux besoins de notre économie et
aux aspirations de jeunes qui souhaitaient une scolarité courte. Leur diplôme
en poche, la grande majorité d'entre eux devait normalement intégrer la vie
professionnelle ; quelques-uns, bien sûr, pensaient poursuivre par un BTS.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
La plupart de ces jeunes sont obligés soit de pousser la porte de l'ANPE, soit
d'entrer à l'université, filière pour laquelle ils sont le moins bien
préparés.
Pourquoi sont-ils confrontés à une telle situation ? Pour deux raisons au
moins.
Le manque d'analyse des besoins de l'économie et le phénomène de mode ont fait
orienter la moitié des bacs professionnels vers le secteur tertiaire, où les
débouchés sont limités et où, aujourd'hui, les titulaires d'un bac sont
concurrencés par leurs camarades détenteurs d'un BTS ou d'un DUT, n'ayant plus
comme seul recours que l'université.
Quelles conclusions peut-on tirer de tout cela ?
Une décision qui était
a priori
justifiée se solde aujourd'hui par un
double échec : pour le titulaire d'un bac professionnel, mais aussi pour le
titulaire d'un bac général, qui, après le BTS ou le DUT, décidera sans doute de
poursuivre son cursus en université.
Notre système est à la fois très sélectif au niveau des grandes écoles, des
BTS et des DUT - même si c'est dans une moindre mesure dans ces derniers cas -
et très ouvert pour les autres filières.
Considérée sur le plan de l'éthique, la sélection n'est peut-être pas
souhaitable. Mais la réalité est souvent tout autre. La sélection est là. Elle
s'opère par l'échec et très souvent par défaut.
En fait, nous oublions trop souvent la triple réponse que doit apporter tout
système éducatif : une réponse d'ordre économique, une réponse sociale, une
réponse d'aménagement du territoire. C'est parce que nous avons en permanence
oublié ce triptyque que le système s'est dévoyé.
Pendant les « trente glorieuses », le contexte économique nous a fait
privilégier la réponse sociale. La crise économique actuelle nous inciterait,
aujourd'hui à privilégier une réponse strictement utilitaire, certes
nécessaire, mais dangeureuse, car les besoins évoluent très vite. Je
n'insisterai pas sur la réponse en matière d'aménagement du territoire : vous
savez comme moi que l'inégalité du domicile est sans doute, après celle de
l'emploi, l'une des plus flagrantes ; mais il est vrai que les délocalisations
universitaires trouvent leurs limites.
Cette triple réponse est bien sûr sélective, mais au sens noble du terme, car
elle doit être ou devrait être, la résultante d'une action qui, aujourd'hui,
fait terriblement défaut : l'orientation.
Aujourd'hui, l'orientation est vécue comme un échec par le jeune à qui l'on
dit : « On va t'orienter. Tu vas aller voir le conseiller d'orientation ».
Monsieur le ministre, le déficit d'orientation est sûrement la raison majeure
de nos difficultés. S'il est un domaine où notre action doit se porter en
urgence, c'est bien celui-ci.
Pour réussir, elle doit être le fait des trois partenaires du système éducatif
: la communauté éducative, le monde économique, le jeune et sa famille.
S'agissant de la communauté éducative, il faut réduire le gué, pour ne pas
dire le fossé, qui existe entre le lycée et l'université. Les liens ne sont pas
assez forts entre l'orientation au lycée et celle qui est faite à l'université.
Construisons un véritable dispositif d'information entre l'enseignement
secondaire et l'enseignement supérieur, mais aussi entre le monde universitaire
et le monde économique, qui trop souvent se rejettent les responsabilités. Ce
dernier devrait s'impliquer d'avantage, comme il le fait pour les filières
professionnelles.
Le jeune et sa famille sont les premiers acteurs de l'orientation. Ce n'est
pas facile, le parcours est complexe.
La plupart des parents souhaitent que leurs enfants soient étudiants. Pour
beaucoup d'étudiants, c'est la première fois qu'un membre de la famille arrive
en université.
Par ailleurs, la carrière des enseignants-chercheurs se fait plus sur les
publications que sur les actions pédagogiques. Ils sont donc de ce fait peu
incités à faire du soutien. C'est la raison pour laquelle le témoignage, voire
le parrainage d'étudiants auprès des élèves de terminale, doit être
encouragé.
Il est pourtant un corps dont ce devrait être la mission : celui des
conseillers d'orientation. Force est de reconnaître que les résultats ne sont
pas satisfaisants. Et pourtant ces conseillers sont le point de contact
privilégié entre le jeune, l'établissement et le monde économique. Mais leur
nombre est insuffisant : 4 500 pour 8 millions d'élèves. Le temps qu'ils
peuvent passer par élève ne dépasse pas en moyenne trois quarts d'heure à une
heure. C'est surréaliste lorsque l'on sait que l'orientation, avant d'être un
problème de logiciel, de plaquette ou d'information, est d'abord un problème
d'hommes.
Il est clair que la situation budgétaire nous interdit d'en augmenter
considérablement le nombre. Alors améliorons d'abord leur connaissance de
l'entreprise - ils le souhaitent - et ensuite confions-leur la mission de chef
d'orchestre autour d'un réseau constitué par des compétences disponibles :
celles des retraités du monde économique et industriel et celles des étudiants
capables, plus que quiconque, de témoigner de leur expérience auprès des
lycéens.
Un tel dispositif permettrait d'améliorer l'orientation des jeunes, qui
aujourd'hui relève pour beaucoup du hasard et de la méconnaissance des
filières, et qui souvent intervient de façon tardive : en effet, un tiers
seulement des lycéens arrêtent leur choix avant la terminale, tandis que la
moitié d'entre eux prennent une décision pendant l'année du baccalauréat et un
quart après celui-ci.
Par ailleurs, un étudiant sur quatre, au terme de la première année
d'université, dit regretter son choix et prendrait une autre orientation si
c'était à refaire.
C'est une mesure urgente qui peut être mise en place sans conséquences
financières importantes.
Une autre mesure à court terme consiste à favoriser la réorientation des
jeunes en situation d'échec au terme du premier trimestre à l'université en les
dirigeant vers des classes de BTS.
Des expériences existent ; elles donnent de bons résultats, et je crois qu'il
convient de les encourager.
Voilà quelques pistes pour le court terme, mais, monsieur le ministre, notre
action doit aussi s'inscrire dans la durée, car il s'agit d'un problème de
société.
Dans cette optique, permettez-moi de formuler trois propositions.
En premier lieu, je pense que l'orientation doit faire partie intégrante des
programmes scolaires et universitaires, et ce le plus en amont possible : au
collège, et j'oserai même dire à l'école primaire, à destination non pas des
enfants, mais des enseignants. Pour cela, développons les conventions entre le
monde économique local et les IUFM, les instituts universitaires de formation
des maîtres. En effet, les futurs maîtres ont souvent une image très négative
du secteur industriel et de l'entreprise, qui fait souvent référence à Zola.
Or c'est cette image qu'ils transmettront à nos jeunes. Comment s'étonner dès
lors qu'aujourd'hui à peine 14 p. 100 d'entre eux soient attirés par les
secteurs de l'industrie ou de l'artisanat, qu'ils jugent sales, bruyants, «
ringards » ? En revanche, un tiers des jeunes veulent être fonctionnaires,
alors que le secteur productif est sûrement aussi indispensable au
développement économique d'une grande nation que la fonction publique.
Il faudrait aussi modifier les rythmes scolaires, non pas au sens du
calendrier ou de l'horloge, fût-elle biologique, mais en vue de donner une
place à d'autres acteurs de l'orientation, de l'emploi et de l'économie au sein
de nos collèges, de nos lycées et de nos universités.
En deuxième lieu, il faudrait que la première année d'université présente des
filières plus larges, au moins au cours du premier semestre, afin de favoriser
une préorientation permettant au jeune de choisir véritablement sa spécialité.
L'alternance, qui devrait être une partie intégrante de tout cursus
universitaire, doit, bien sûr, être développée.
En troisième lieu, il conviendrait de proposer aux jeunes un parcours plus
itératif et une insertion plus précoce dans la vie professionnelle, en leur
donnant unticket de retour vers la formation s'ils le souhaitent.
Ce ne sont, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que quelques mesures parmi tant
d'autres, car s'il est une solution qu'il nous faut bannir à jamais, c'est la
solution unique.
Elle a été enfantée par les corporatismes, les beaux discours, les idéologies
et les dogmes. Elle a toujours nié les réalités, qui, il est vrai, sont parfois
dures à accepter. Ainsi, on sait par exemple qu'un enfant qui redouble le cours
préparatoire n'a que 5 p. 100 de chance de réussir au baccalauréat !
C'est de l'avenir de nos enfants qu'il s'agit, et, comme vous l'avez dit à
juste titre, monsieur le ministre, « c'est un peu de la France qui est en jeu
». Sachons donc créer le cadre favorable à l'expérimentation autour de la
triple réponse dont j'ai parlé.
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants est et sera à
vos côtés pour donner à nos jeunes une autre espérance que la fatalité du
chômage, en leur offrant le meilleur investissement qui soit, celui de la
connaissance, afin de leur permettre de réussir au mieux leur vie.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, nous avons longtemps vécu dans l'idée que rien ne pouvait
faire fondre le glacis universitaire français.
Quelle loi, quel règlement, quelle circulaire, quel rapport - oserai-je dire «
quelle rumeur » ? - n'a pas provoqué sur l'épiderme sensible des étudiants un
prurit, un urticaire douloureux et parfois dramatique ? Etudiants, personnels
enseignants ou administratifs ont en effet souvent montré une forte réticence à
tous changements profonds dès lors qu'ils n'en maîtrisaient ni les tenants ni
les aboutissants.
Il est cependant vrai que l'Etat n'a jamais pu ou su rénover en profondeur la
citadelle universitaire, se heurtant tour à tour à une forte capacité de
résistance et aux difficultés budgétaires. Il n'a pas réussi les réformes qui
pourtant s'imposaient, malgré les attentes des étudiants, des enseignants et de
l'opinion publique en général. N'est-ce pas là un étrange paradoxe s'agissant
d'un enjeu d'ordre national, voire européen ?
Il serait donc inexact de dire que l'université n'a pas évolué depuis vingt
ans. L'offre de formation s'est accrue de façon importante, les facultés se
sont ouvertes sur l'extérieur, des expériences pédagogiques ont été menées avec
succès. Mais elle n'a pas pu faire face au flot toujours croissant des jeunes
frappant à sa porte et s'adapter au marché de l'emploi. Elle n'a pas su, non
plus, faire suffisamment preuve de pragmatisme et de créativité pour suivre les
mutations de notre société.
Je tiens en cet instant, monsieur le ministre, à saluer, au nom du groupe de
l'Union centriste, votre courage et votre détermination. Alors que les
problèmes de l'université ont depuis longtemps été cernés, il méritaient d'être
affinés. Il est temps, aujourd'hui, de mettre en place les moyens de les
résoudre ou tout au moins de tenter de le faire.
Les états généraux que vous avez lancés en octobre dernier témoignent du fait
que l'université n'est pas une bastille imprenable. En effet, tous les
partenaires concernés ont adhéré totalement à la méthode que vous avez choisie.
Ils ont participé visiblement sans tabou ni arrière-pensée à la consultation
débouchant sur une sorte de « nouveau contrat pour l'université ».
Cette méthode, à laquelle nous apportons tout notre soutien, est importante ;
elle a l'avantage d'éviter l'immobilisme, cet immobilisme que l'on rencontre
souvent dès lors qu'un consensus est difficle à trouver.
Sur les dix questions autour desquelles s'est organisée la réflexion, je
retiendrai cinq points qui me tiennent particulièrement à coeur : les premiers
cycles, la création d'une vraie filière technologique, la vie des étudiants,
l'affirmation d'une recherche universitaire plus proche des réalités
économiques et un aménagement du territoire réfléchi.
En ce qui concerne les premiers cycles, monsieur le ministre, vous n'avez pas
choisi la facilité. Vous avez affirmé que le grand principe républicain de
l'égalité d'accès de tous à l'université ne devait pas être remis en cause.
Pour autant, la dure réalité à laquelle sont confrontées les universités, à
chaque rentrée et tout au long de l'année, impose une refonte totale des
premiers cycles.
Il est clair que le premier cycle conditionne quasi totalement le destin
universitaire des étudiants. Initialement cycle d'initiation et
d'apprentissage, il ne remplit plus son rôle intégrateur et perd de plus en
plus son caractère généraliste primordial.
La confusion s'est introduite à travers un empilage systématique des premiers
cycles, et cela pour le malheur des étudiants. Si la sélection n'existe pas à
l'entrée de l'université, il faut bien le reconnaître, elle s'installe au grand
jour au cours et à l'issue des deux années de DEUG.
Toute la difficulté est d'offrir aux étudiants tout juste sortis du lycée une
période d'adaptation et d'éducation. Améliorer la scolarité des premiers cycles
passe vraisemblablement par une restructuration des programmes proposés,
laissant une place plus importante à la méthode et à la culture générale. Il
est également essentiel d'informer les étudiants sur les ressources disponibles
dans leur propre université.
Demeure le problème de la mauvaise orientation : orientation par défaut ou, le
plus souvent, orientation par hasard. Elle résulte certainement d'une carence
en matière d'information, une information qui devrait être prodiguée dès le
lycée.
Les actions que vous avez menées cette année dans les classes témoignent de
l'importance que vous accordez à cette information. Plus les choix sont larges,
plus la décision est difficile. Il est donc essentiel que les futurs étudiants
puissent appréhender concrètement toutes les implications de leur décision.
Plus l'effort d'information sera grand, plus le taux d'échec sera susceptible
de diminuer.
L'enjeu des premiers cycles est surtout de bien orienter les étudiants vers un
métier qu'ils pourront exercer dès la fin de leurs études. Il s'agit de trouver
un équilibre entre les aspirations de chacun et les possibilités offertes par
le marché de l'emploi.
La création d'une vraie filière technologique universitaire est un objectif
majeur. Serpent de mer, Arlésienne de tout ministre, elle n'a jamais pu voir le
jour, malgré l'impérieuse nécessité que chacun s'accorde à lui reconnaître.
Longtemps dévalorisée, cette filière, à laquelle vous avez le grand mérite de
vouloir donner des lettres de noblesse, monsieur le ministre, correspond à une
forte attente des acteurs économiques. Sa création permettrait d'établir le
lien qui n'a jamais véritablement existé entre l'université et l'entreprise.
L'effort à accomplir à cet égard ne doit surtout pas négliger la formation
professionnelle. Celle-ci doit même en être l'aiguillon.
Telles sont les conditions d'une valorisation de tous les acteurs concernés,
dont l'attente légitime l'ensemble de la démarche.
Il faut donner à cette filière technologique à fort potentiel professionnel
les attributs de l'excellence, c'est-à-dire le sérieux, la qualité et
l'efficacité, gages de débouchés.
Le souci de bien orienter et celui de bien former sont au centre d'une réforme
que nous appelons de nos voeux.
Si une réforme de cette ampleur ne s'accompagnait pas d'une amélioraiton de la
vie des étudiants à l'intérieur des universités, elle serait un échec.
Nombre d'étudiants souffrent d'un mal-être dès leur arrivée en première année.
Juste sortis du lycée, ils ont parfois du mal à trouver les repères qui les
guideront à l'intérieur d'un milieu nouveau. Amphithéâtres et salles de travaux
dirigés surchargés, emplois du temps compliqués, collecte d'informations
souvent hasardeuse sont autant d'éléments qui ne favorisent guère
l'épanouissement de chacun.
Le statut social de l'étudiant doit permettre d'aplanir ces difficultés,
autant qu'introduire plus de clarté, de transparence et surtout de justice dans
l'attribution des aides.
J'en viens au thème de la recherche.
L'université constitue, selon moi, le milieu naturel de cette activité, de son
développement, de sa transmission. Mais la recherche universitaire souffre d'un
trop grand cloisonnement. Afin de conserver son troisième rang mondial, la
recherche française doit miser sur l'université, quitte à privilégier
l'application par rapport à l'abstraction.
Les enseignants-chercheurs doivent pouvoir partager équitablement leur temps
entre l'enseignement et la recherche. Ils doivent également pouvoir bénéficier
non seulement des réseaux établis entre les universités, mais aussi de
l'association nécessaire aux grands organismes de recherche comme le CNRS, le
Centre national de la recherche scientifique, l'INRA, l'Institut national de la
recherche agronomique, l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la
recherche médicale, etc.
La recherche universitaire doit avoir les moyens humains, matériels et
financiers de son ambition nationale. Cette ambition doit être en adéquation
avec les besoins de notre société et servir le développement des entreprises
innovantes.
La recherche est le poumon de l'université. Elle doit être en mesure de la
mettre en contact avec les réalités économiques et sociales, et nous espérons,
monsieur le ministre, que votre action permettra de traduire concrètement cet
impératif.
J'évoquerai enfin l'aménagement du territoire, thème cher au Sénat puisque
c'est sur l'initiative de notre assemblée que les schémas de l'enseignement
supérieur et de la recherche ont été inscrits dans la loi.
Dans ce domaine, les relations entre l'université et l'Etat concernent la
localisation des structures. Le foisonnement des sites de formation et de
recherche n'est pas forcément souhaitable, dans la mesure où une dissémination
trop large peut poser des problèmes aux universités, notamment en matière de
gestion, mais aussi en matière pédagogique. En 1960, il n'existait que seize
sites universitaires ; aujourd'hui, il y en a près de quatre-vingts. Quelle
agglomération de 100 000 habitants n'a pas accédé au rang très envié de ville
universitaire ?
Afin d'éviter un éclatement trop brutal de la collectivité des étudiants, il
faut maîtriser l'implantation des sites. Nous devons trouver le juste équilibre
entre un nécessaire aménagement du territoire et une université efficace.
L'université doit non pas subir l'aménagement du territoire, mais devenir un
élément de structuration du territoire.
Dans cette perspective, les schémas régionaux de l'enseignement supérieur et
de la recherche peuvent constituer un outil précieux, car ils permettent de
procéder de façon cohérente au niveau académique, voire inter-académique.
Il semble par ailleurs essentiel de tenir compte des phénomènes de proximité
non seulement à l'intérieur du territoire national mais aussi dans un cadre
européen.
La proximité d'établissements universitaires étrangers permet, à moindre coût,
l'ouverture à l'international, notamment pour les étudiants. Le principe des
universités en réseau, auquel je vous sais très attaché, monsieur le ministre,
prendra ainsi tout son sens.
Je crois souhaitable de développer la spécificité des établissements
frontaliers capables de jouer le jeu de l'intégration grâce à des contacts de
proximité avec leurs partenaires étrangers.
Dans ce cadre, il convient de définir clairement le rôle des collectivités
locales. L'élaboration des schémas régionaux appelle quelques remarques,
notamment sur la place qui leur sera dévolue.
Selon la procédure retenue par l'Etat, celui-ci confie la responsabilité de
cette élaboration aux autorités déconcentrées, qui reçoivent un pouvoir
d'arbitrage, et à un comité national de pilotage. Elle donne donc lieu à une
procédure déconcentrée et non décentralisée.
Concernant les implications financières, il conviendrait, me semble-t-il, de
clarifier la question des engagements susceptibles de résulter de ces schémas.
Se traduiront-ils, par exemple, par une programmation des investissements
impliquant financièrement les collectivités locales ?
Restructuration des premiers cycles, meilleure orientation, meilleure
formation technique, mise en place d'une vraie filière technologique,
épanouissement plus grand des étudiants, renforcement de la recherche
universitaire, souci de l'aménagement du territoire : voilà autant d'objectifs
répondant à une logique de réforme, que nous nous devons de transformer en
logique du succès.
Nous sommes conscients que cette réforme ne pourra pas se faire en un seul
jour, compte tenu, notamment, de l'impératif de maîtrise des dépenses
publiques. Elle doit s'inscrire dans la durée. Pour exister, elle doit être
programmée.
Certes, il est toujours difficile de différer des mesures qui font l'objet
d'une très forte attente. Il vous faudra expliquer pour convaincre, monsieur le
ministre, avec toute la pédagogie dont vous avez déjà su faire preuve.
Sachez que le groupe de l'Union centriste dans son ensemble apportera tout son
soutien à la politique courageuse et ambitieuse que vous avez définie.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, bien peu de temps se sera écoulé entre l'annonce des états
généraux de l'enseignement supérieur et de l'université et la présentation de
leurs conclusions, qui devrait être faite à la presse dans quelques jours.
Le débat se précipite, comme en témoigne la période choisie pour associer le
Parlement, alors que la majorité des étudiants et des enseignants sont occupés,
en ce moment même, à préparer et à passer ou à faire passer des examens, et ne
peuvent donc participer à ces travaux, comme il conviendrait qu'ils puissent le
faire.
La hâte mise à clore la réflexion entamée sur notre enseignement supérieur est
le reflet d'une concertation étriquée. Cette concertation, nous l'aurions
voulue plus large, plus ouverte, plus démocratique, de manière que chacun des
acteurs de la communauté éducative - les étudiants, les enseignants, les
familles - puisse s'exprimer.
Cette précipitation est peu propice au recul nécessaire pour aborder du dedans
et du dehors les problèmes de l'université et de son devenir.
Débattre de l'université et de son avenir, évoquer ce qui est le symbole de
l'ensemble de la communauté éducative, de la connaissance et, plus largement,
du savoir, ne peut se faire sans un grand dessein : dessein pour l'institution
elle-même et, à travers elle, pour notre pays ; dessein ambitieux pour des
millions de jeunes qui attendent tant, et même le plus souvent tout, de notre
système éducatif.
L'ambition nécessaire à notre débat est-elle au rendez-vous ? On peut, hélas !
en douter.
Il est des questions essentielles auxquelles votre majorité ne répond pas,
monsieur le ministre : le chômage, la casse du service public,
l'affaiblissement de la place de la France au sein de l'Europe, le libéralisme
sauvage. Ce sont là autant de maux qui broient l'individu et que la politique
menée actuellement dans notre pays accentue.
Comment ne pas voir qu'une chape de plomb pèse sur la jeunesse de notre pays :
l'hypothèque de l'emploi ?
Dès lors, il peut paraître vain de s'attaquer à la question de notre
enseignement sans avoir, au prélable, manifesté quelque volonté de s'attaquer
aux différents maux qui rongent la société française.
L'université, nous dit-on, doit s'adapter. L'université doit se préparer au
siècle qui s'annonce. Adaptation à quoi et, serais-je tenté de dire, à quel
type de siècle ? Celui qui verra augmenter les revenus du capital, ou les
revenus du travail ?
Ces questions, approchées timidement durant la campagne de l'élection
présidentielle, sont à présent prudemment contournées.
Mais je voudrais en revenir à l'université, même si je n'ai jamais
véritablement quitté ce sujet.
L'université, qui accueillait 1 200 000 étudiants en 1981, en accueille
aujourd'hui près de 2 200 000, soit un doublement du nombre d'étudiants en
quinze ans.
Dans la tranche d'âge des dix-neuf à vingt et un ans, désormais, 30 p. 100 des
garçons et 38 p. 100 des filles suivent des études dans l'enseignement
supérieur, et cela concerne une famille sur deux.
Il s'agit là d'un développement quantitatif sans précédent. Dois-je rappeler
que ce développement, nous l'avons défendu, promu ? Nous continuons à le
faire.
Les raisons de cette demande croissante d'enseignement sont multiples, et nous
les avons très souvent abordées ici même : volonté de maîtriser son avenir,
transformation des modes de production, perte de repères structurant le
pourquoi d'un « ici » et « maintenant », - absence de cohérence apparente de
notre monde actuel. A ces facteurs, il convient d'ajouter la pression de la
crise et du chômage.
A tout cela, l'université tente de répondre. On peut même dire, et je veux
rendre hommage aux immenses efforts accomplis par les personnels, qu'à tout
cela l'université répond bien, au-delà même des moyens dont elle dispose.
Mais les confusions sont grandes, les attentes démesurées, et parfois
contradictoires, proportionnelles aux aspirations massives de notre jeunesse.
Mais, à ces aspirations, nous nous devons de répondre.
Le désir d'apprendre, le désir d'enseigner, le désir de chercher, désirs
résolus, accompagnés parfois d'une grande souffrance, constituent la clef de
voûte de notre édifice universitaire ; ils lui ont permis de se maintenir
debout et en bonne place au niveau international.
Pourtant, aujourd'hui, les interrogations se font plus pressantes, et il faut
chercher des réponses nouvelles.
Le glissement de sens qui s'est opéré entre les « états généraux de
l'université » et les « états généraux de l'enseignement supérieur » est-il une
amorce de réponse ?
En effet, la mission de l'université ne s'arrête pas à la simple fonction de
transmission du savoir, aussi noble soit-elle.
Aujourd'hui, trop peu de nos compatriotes ont une claire vision de la
spécifité de notre université, qui associe de manière étroite enseignement
supérieur et recherche. Le glissement qui s'opère dans les discussions autour
des états généraux de l'enseignement supérieur n'est-il pas de nature à faire
oublier que l'enseignement et la recherche devraient faire l'objet d'un même
traitement attentif ?
Nous ne sommes pas des défenseurs absolus du
statu quo,
encore moins
quand il s'agit de répondre à l'enjeu de civilisation que constitue la
modernisation de notre université. Mais nous nous devons d'agir avec prudence,
discernement et responsabilité, mus par la volonté d'ouvrir à tous les portes
de la connaissance et de l'épanouissement individuel et collectif.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Ivan Renar.
Les révélations qui nous sont faites, ici ou là, concernant les travaux de la
commission Fauroux, par exemple, ne vont pas dans ce sens, et si des
propositions devaient malheureusement en résulter, nous nous y opposerions avec
détermination.
Chaque gouvernement apporte son lot de réformes de l'université, mais quand se
creusent les difficultés, alors que les choix économiques commandés par la
seule recherche du profit immédiat laissent sur le bord de la route un nombre
toujours plus grand de nos concitoyens, soyons attentifs à doter notre pays de
l'enseignement et de la recherche qui lui permettront de préparer l'avenir.
Deux millions d'étudiants, c'est une chance pour notre pays, une chance pour
l'ensemble de nos concitoyens et un formidable moyen de création de
richesses.
Mesure-t-on suffisamment l'impact de l'ouverture de l'université sur notre vie
quotidienne ? J'en veux pour preuve les pratiques culturelles qui se
diversifient et s'enrichissent. Mais je pense aussi aux gains de productivité
qui découlent très largement d'une formation plus approfondie de nos
compatriotes.
L'université doit être modernisée, mais est-ce bien de réforme qu'elle a
besoin ?
La loi du 20 janvier 1984 rappelait les principes humanistes et citoyens qui
n'ont rien perdu de leur qualité pour l'université de demain. Ainsi, ce texte
indiquait que l'enseignement supérieur participe « au développement de la
culture et à la diffusion de la connaissance. Il favorise l'innovation, la
création individuelle et collective dans le domaine des arts, des lettres, des
sciences et techniques... l'enseignement supérieur et la recherche contribuent
à promouvoir l'acquisition, le progrès et le transfert du savoir et constituent
une richesse culturelle et scientifique exceptionnelle ». Cette pétition de
principe est toujours valable.
Les réformes passées ont souffert non pas d'un excès d'application, mais d'une
insuffisante prise en compte de ces principes. En particulier, de très
nombreuses universités qui avaient amorcé l'application des réformes ont vu
leurs efforts annihilés par un manque absolu de moyens leur permettant de les
mener à terme. Ce n'est pas le fond qui a manqué : ce sont les fonds !
Dans le même temps, la modernisation dans le sens du progrès s'est révélée
incompatible avec le démantèlement du service public.
Afin que nos deux millions d'étudiants soient une réelle chance pour notre
pays, nous avons besoin d'un service public d'éducation et de recherche
efficace, moderne. Voilà qui appelle d'autres moyens financiers que ceux qui
sont consacrés par un budget de l'éducation nationale en régression pour la
troisième année consécutive. Cette question reste incontournable. Monsieur le
ministre, vous avez fait état de votre estime et de votre considération pour
l'université, mais sans assortir vos propos de propositions quant aux moyens.
Vous le savez, le poète Jean Cocteau disait que, en amour, ce ne sont pas les
déclarations qui comptent, ce sont les preuves.
M. Jean-Louis Carrère.
Et les actes !
M. Ivan Renar.
Il y a quelques mois, de la même façon, je vous rappelais les propos de
Prévert à la femme aimée : « Tu dis que tu aimes les fleurs, et tu leur coupes
la queue ; alors, quand tu dis que tu m'aimes, j'ai un peu peur !
»
(Sourires.)
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, la méfiance
des étudiants, des enseignants et des chercheurs.
Mme Hélène-Luc.
Très bien !
M. Ivan Renar.
L'avenir de notre pays, sa capacité à inventer, à produire de nouvelles formes
de démocratie, de citoyenneté, un mieux être économique, social, culturel,
voilà qui appelle une ouverture toujours plus grande de notre enseignement
supérieur.
C'est vrai, l'université s'est ouverte et un nombre toujours plus grand de
jeunes accèdent à l'enseignement supérieur. Néanmoins, l'enseignement
universitaire reste marqué par une sélection sociale elle aussi toujours forte.
Ainsi, en 1992, il y avait 41 enfants de cadres pour 100 enfants d'ouvriers
scolarisés ; chez les bacheliers, ce chiffre s'inverse et l'on passe à 142
enfants de cadres pour 100 enfants d'ouvriers.
Les mouvements de décembre ont porté haut et fort la question du statut de
l'étudiant, passage obligé et incontournable de l'ouverture et de l'accueil à
l'université du plus grand nombre. A ce titre, le préambule de la Constitution
instituant la gratuité de l'enseignement doit être respecté et les droits
d'inscription, y compris en thèse, doivent être remplacés par des dotations de
l'Etat.
Non seulement il convient d'augmenter le nombre des boursiers mais encore il
faut élever impérativement le montant des bourses.
Les problèmes de logement sont au premier rang des difficultés rencontrées par
les étudiants. En effet, notre pays ne compte que 150 000 logements
universitaires. Les étudiants, appelés à une mobilité toujours plus grande,
devraient pouvoir bénéficier, en Ile-de-France, de la gratuité des transports
et de réductions importantes dans les autres régions.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre
?
M. Ivan Renar.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je vous écoute avec attention, monsieur Renar, et une question
me brûle les lèvres : avez-vous bien conscience que chacune des mesures que
vous déclinez vaut augmentation des impôts pour nos concitoyens ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ça dépend lesquels !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Il n'y a pas de miracle : soit nous considérons que la pression
fiscale a atteint des seuils qu'il est difficile de dépasser, soit nous
décidons de reporter la charge sur le futur, et nous augmentons sans mesure
l'endettement de la France, dont vous savez qu'il est d'ores et déjà limite
pour nombre d'observateurs. Quel est votre choix ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous avons une autre politique à vous proposer.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
En vous écoutant, je faisais marcher le compteur : au point de
votre intervention où je vous ai interrompu, vous en étiez déjà à une vingtaine
de milliards de francs de dépenses supplémentaires !
M. Ivan Renar.
Un peu plus, monsieur le ministre !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je sais bien qu'il y a des jeux de rôle. Je sais bien que les
discours ne feront qu'illustrer les sensibilités qui s'expriment habituellement
sur les différentes travées de cette assemblée. C'est légitime, et je ne ferai
pas de polémique sur ce point. Simplement, il faut que nous sachions les uns et
les autres que, les marges ayant toutes été absorbées, chaque mesure nouvelle
augmente directement la pression fiscale sur nos concitoyens.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et le plan de sauvetage du Crédit Lyonnais ?
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
On ne peut pas plaider à la fois pour la baisse de l'impôt et
pour l'augmentation de la dépense publique.
Mme Hélène Luc.
Les choses ne se passent pas comme cela, monsieur le ministre !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Les deux sont inconciliables.
Il me paraissait juste de le relever, pour que les positions soient
claires.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
On peut toujours taxer les profits financiers, monsieur le ministre !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Renar.
M. Ivan Renar.
Il s'agit effectivement d'un débat de fond, monsieur le ministre. Vous parliez
tout à l'heure de l'Espagne et de l'Italie, mais la question qui est posée pour
toute l'Europe, je le disais tout à l'heure, est de savoir si nous allons vers
un système dans lequel les revenus du capital croîtront de façon exponentielle
aux dépens de ceux du travail.
De surcroît, quand on mesure ce que coûte un porte-avions ou l'explosion d'une
seule bombe nucléaire à Mururoa, on constate que notre pays a les moyens de
financer un enseignement supérieur de qualité.
C'est une question de choix politique, j'en suis bien d'accord avec vous !
Mme Hélène Luc.
L'enseignement doit être la priorité absolue !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Le syndicat CGT des arsenaux est-il d'accord avec vous,
monsieur Renar ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il ne s'agit pas des arsenaux. Il s'agit des essais nucléaires !
M. le président.
Mes chers collègues, M. Renar a seul la parole !
M. Ivan Renar.
J'évoquais les expérimentations nucléaires et le coût du porte-avions
Charles-de-Gaulle,
monsieur le ministre.
Mais je reprends le cours de mon propos, en espérant que je ne serai pas de
nouveau interrompu, car j'ai encore des dépenses à vous
proposer.
(Sourires.)
Le droit à la santé, dont il est beaucoup question aujourd'hui, doit concerner
aussi notre communauté étudiante. A cet égard, la médecine préventive et
l'action sociale doivent être développées, c'est urgent alors que l'on ne
compte qu'une infirmière pour trois mille étudiants et une assistante sociale
pour dix-sept mille étudiants.
Tout manquement dans ces domaines contribue à accentuer l'échec.
Il est un autre sujet de préoccupation, je veux parler de l'orientation des
étudiants.
Le taux d'échec dans les premiers cycles universitaires soulève nombre de
problèmes.
Avant tout, sur le plan du principe, il n'est d'orientation acceptable que
celle qui est librement acceptée et mise en oeuvre par l'étudiant lui-même.
Autant dire qu'il s'agit d'un acte fondamental qui appelle la responsabilité de
l'ensemble des acteurs de la communauté universitaire.
Certes, l'université doit apprendre à savoir faire, mais elle doit aussi
apprendre à savoir être : être citoyen, être individu et pleinement acteur de
sa vie.
Prenons garde à ne pas instrumentaliser l'université de demain dans le sens de
la seule perspective professionnelle.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Très bien !
M. Ivan Renar
Ce serait toute l'activité universitaire, sa richesse, sa diversité, la
recherce publique appliquée et fondamentale qui seraient menacées de
disparition.
J'évoquais il y a un instant le désir des étudiants et des enseignants, mais
peut-être convient-il de rajouter le plaisir, car sans désir ni plaisir il
n'est pas de savoir humaniste et de connaissance universelle, voire pas de
savoir du tout.
L'orientation des étudiants est au centre de cette problématique.
Une juste orientation impose une préparation aux méthodes de travail
universitaire et une meilleure adéquation entre les contenus de l'enseignement
des classes de terminale et de la première année de DEUG.
Cette orientation doit être individualisée au maximum. Cela suppose, bien
entendu, le renforcement massif du nombre des conseillers d'orientation et de
nouvelles coopérations entre professeurs du secondaire et universitaires.
Le premier cycle doit prendre en compte la diversité des acquis antérieurs et
les attentes d'une population étudiante plus nombreuse.
Des passerelles et des offres de formation doivent être aménagées alors que
les diplômes d'IUT, les DUT, les BTS, dont le caractère qualifiant est
aujourd'hui reconnu par tous, rendent difficile, parfois impossible, la
poursuite des études.
Au nom de l'équité, et pour le développement de la connaissance, nous sommes
résolument hostiles à des solutions qui acculeraient les victimes de l'échec
universitaire à modérer leurs ambitions pour se diriger vers des filières
écourtées ou peu valorisantes.
L'orientation et la sélection existent d'ores et déjà dans l'enseignement
supérieur. Les clauses de
numerus clausus,
les filières élitistes sont
là pour nous le rappeler.
Cette façon de faire, de l'avis même d'un grand nombre de chercheurs, n'est
pas le gage d'une meilleure efficacité sociale et économique, ni même d'une
meilleure efficacité scientifique.
Un accès élargi à l'enseignement supérieur et à la recherche exige que soient
traitées conjointement massification et qualité de l'enseignement.
Le renforcement de la qualité appelle des moyens nouveaux - on y revient
toujours - notamment un renforcement des équipes pédagogiques.
Une meilleure pédagogie exige que la part des travaux pratiques et dirigés
augmente : les enseignants évoquent une augmentation de 60 p. 100 de l'horaire
total. Un nombre de quinze étudiants par travaux pratiques et de trente pour
les travaux dirigés est avancé. Quant au nombre d'étudiants des cours en
amphithéâtre, il ne devrait pas excéder deux cents.
Or quels sont aujourd'hui les moyens donnés aux enseignants pour aller dans le
sens d'une nécessaire personnalisation de la relation enseignant-enseigné ?
La constante dégradation des taux d'encadrement étudiants-enseignants et
étudiants-IATOS, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service,
est dénoncée. Encore ces taux ne prennent-ils pas en compte l'ensemble des
actes éducatifs qu'il conviendrait de renforcer pour parvenir à un enseignement
de plus grande qualité et valorisant pour tous.
Il y a trop d'économies contre-productives. Les revendications de décembre
exigeaient la création de 5 000 postes d'enseignants-chercheurs et de 5 000
postes IATOS, compte non tenu d'une amélioration des conditions d'études et du
remplacement des emplois vacants. La titularisation des emplois précaires et la
suppression des heures supplémentaires permettraient la création de 26 000
postes.
Toutes ces mesures montrent la place capitale que l'Etat doit prendre dans la
modernisation de notre université : c'est une responsabilité publique
nationale.
Si l'enseignement public est malade, il l'est des choix politiques qui ont
cours dans notre pays.
Ainsi, ce n'est pas au système de formation d'assurer seul l'insertion
professionnelle des diplômés ; cette tâche revient, au premier chef, au système
économique, aux entreprises.
L'explosion du chômage frappe, depuis 1990, les emplois de cadres, de
techniciens et d'agents de maîtrise.
Les emplois recrutés au niveau du BTS et du DUT, par exemple, ne se sont pas
taris et chacun s'accorde à reconnaître l'efficacité de ces formations. Pour
autant, les choix économiques et sociaux portent les diplômés de ces secteurs
vers le chômage.
Nous pensons que, pour répondre aux besoins d'une croissance nouvelle à partir
de l'ensemble des besoins humains, pour reconquérir enfin une présence dans
nombre de secteurs économiques, l'ouverture d'une grande voie technologique en
prise sur les changements techniques actuels et à venir est indispensable. Cela
commence dès l'enseignement secondaire, et la meilleure façon d'y parvenir
n'est pas de supprimer les lycées techniques.
Vous avez rappelé à l'instant, monsieur le ministre, qu'il n'y a point
d'actualisation permanente des connaissances sans recherche dès la formation
initiale. En cela, je vous rejoins pleinement. Il n'est pas possible d'assurer
un véritable enseignement supérieur qui ne soit pas lié au mouvement du savoir,
donc de la recherche. Cela était vrai au fondement même des institutions
universitaires ; c'est dire combien ce principe, au regard de l'accumulation
des savoirs, reste plus que jamais nécessaire.
La présidence de l'Académie des sciences a exprimé dernièrement son inquiétude
devant la carence en chercheurs et enseignants-chercheurs. Dans le même temps,
50 p. 100 des docteurs formés sont au chômage, ne l'oublions pas.
Les réductions, annulations et gels de crédits pour la recherche pèsent sur
notre université, comme sur le CEA, le CNRS et l'INSERM.
Au-delà, l'absence de réinvestissement des entreprises dans la recherche,
alors même qu'elles profitent de crédits d'impôts recherche, ainsi que le
désengagement de l'Etat menacent la recherche publique dans notre pays, alors
que tout le monde en reconnaît l'excellence et le sérieux.
L'université, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est cet ensemble
que je me suis efforcé de vous dépeindre. La connaissance et le savoir se
nourrissent du doute scientifique, mais il nous faut avancer, pour que
l'ensemble de notre jeunesse ne perde pas le désir que j'évoquais tout à
l'heure.
Collaborer, avec l'ensemble de la population, à l'articulation entre les
besoins du développement moderne et de qualification et le développement de
notre système universitaire permettrait de redonner confiance à notre jeunesse,
bien malmenée aujourd'hui.
Le savoir, la connaissance et la culture ignorent les frontières et
participent à gommer des différences trop souvent sources de totalitarisme.
Notre enseignement supérieur joue un rôle important dans la coopération et les
échanges, dans l'ouverture sur le monde et il paraît absurde, dès lors, de
fermer à présent la porte à des milliers d'étudiants et de chercheurs.
Encore faut-il que notre pays s'accorde à donner à notre enseignement
supérieur les moyens de jouer ce rôle.
Seul cet échange entre moyens financiers de la nation et savoirs permettra,
comme il l'a permis par le passé, d'amener notre pays vers plus de
développement et de richesses.
Monsieur le ministre, nous voulons débattre du système éducatif sans fuir les
questions les plus difficiles. Mais, en même temps, je veux être clair. Le
débat est pour nous l'occasion de dire à vous-même ainsi qu'à M. le Premier
ministre et à M. le Président de la République que nous nous opposerons à tout
rabougrissement du service public, à toute réforme qui conduirait, en fait, à
ce que l'Etat prenne en charge une espèce de SMIC éducatif, le reste étant à la
charge des collectivités et des familles.
Nous riposterons aussi aux insultes envers les fonctionnaires.
Le débat est également pour nous l'occasion de dire ses quatre vérités à la
commission Fauroux,...
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
La pauvre !
Qu'a-t-elle fait ?
M. Ivan Renar.
...de lui préciser, en particulier, que ce qui semble l'effrayer, ce sont
moins les échecs du système éducatif que ses réussites.
Cela étant, nous ne voulons pas d'un
statu quo
ou d'un développement à
l'identique. Nous voulons plus d'égalité et plus d'atouts pour les jeunes. Nous
voulons faire en sorte que les jeunes soient plus libres dans le monde où ils
vivent, qu'ils en comprennent le fonctionnement, qu'ils en relèvent les défis,
qu'ils en infléchissent le sens.
Cela appelle nécessairement un niveau d'exigences qui n'a plus grand-chose à
voir avec le « certif » ou le « bachot » des années vingt.
Notre souci est de réfléchir à ces questions, dans une démarche qui refuse à
la fois de noircir le tableau ou de s'installer dans l'existant, qui veut
s'appuyer sur les potentialités réelles du système, sur ses dynamiques pour
améliorer et pour innover, et qui exige, bien sûr, des moyens à la hauteur de
ses ambitions.
Peut-on dire que le débat touche à sa fin ? Je ne le pense pas.
La question de la place de la recherche, de son lien avec le savoir vivant qui
s'élabore et se transmet à l'université, la réflexion sur les personnels
nécessaires pour encadrer les premiers cycles, sur leur qualification, leur
complémentarité doivent être approfondies.
Plus au fond, il faut encore creuser l'enjeu de démocratisation des
enseignements supérieurs. Il faut refuser clairement la sélection, qu'elle soit
larvée ou sauvage. Il n'y a pas trop d'étudiants ; leur nombre se justifie non
seulement pour des raisons de justice sociale, mais aussi pour le développement
à venir de notre société sur le plan économique et social, pour
l'épanouissement des individus et pour le développement des valeurs et de la
citoyenneté.
Il faut donc accueillir et faire réussir tous ces jeunes dans leur diversité
sociale et culturelle, dans l'hétérogénéité de leurs acquis. Cela pose le
problème de l'articulation, notamment en termes de moyens, entre le lycée et
l'université, des nécessaires continuités et ruptures, de la diversification
positive des structures, de la mise en place de dispositifs à passerelles, de
réorientations, etc.
Il faudra bien, pour en sortir, que ces propositions et réflexions soient
entendues et prises en compte.
La réussite reste une idée neuve en France et en Europe. C'est pourquoi je ne
saurais considérer que nous en sommes à la fin de la discussion. Quoi que vous
décidiez, celle-ci ne fait que commencer.
Evoquant un printemps célèbre, monsieur le ministre, je dirai : ce n'est qu'un
début, continuons le débat !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. Claude Saunier applaudit également.)
Rappel au règlement
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Je voudrais simplement indiquer à la Haute Assemblée que le discours, très
fort, de notre collègue M. Renar a été attribué par la télévision interne à un
autre de nos collègues, M. Lorrain, membre du groupe de l'Union centriste ;
cette confusion a pu tromper certaines personnes.
M. le président.
Je vous remercie de cette information importante, monsieur Hamel. Les
rectifications nécessaires seront faites.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, je peux recommencer !
(Sourires.)
M. le président.
Nous verrons cet après-midi, en accord avec M. le ministre, si cela est
nécessaire !
(Nouveaux sourires.)
Débat sur une déclaration du Gouvernement
(suite)
M. le président.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, j'entends beaucoup parler d'éducation ces temps-ci et,
pourtant, il me semble qu'aucune mesure réglementaire ou législative concrète
ne voit le jour. Tout vient à point à qui sait attendre, me répondrez-vous,
monsieur le ministre !
Pour l'heure, une grande confusion entoure les différents débats qui ont
parallèlement lieu. Entre les innombrables fuites sur les travaux de la
commission Fauroux, l'idée sans cesse relancée, différée puis relancée, du
référendum sur l'éducation, les états généraux, qui ont fait quasiment « amphi
vide », et le débat assez tardif au Parlement à ce sujet, il semble y avoir
télescopage des initiatives.
Avons-nous affaire à une mascarade ? Certainement pas. Mais, monsieur le
ministre, pourquoi avoir lancé vos états généraux parallèlement à la commission
Fauroux, dont le champ d'investigation s'étend à l'ensemble de l'éducation
nationale, sans attendre ses conclusions ? Le débat relatif aux états généraux
ne serait-il qu'un prétexte afin de tâter le terrain, de faire le décompte de
vos alliés pour la programmation - nous pourrions d'ailleurs en être - et de
ceux qui sont partisans - là, nous n'en serions plus - d'un référendum sur
l'éducation ?
Je sais que vous n'êtes guère favorable à ce référendum, monsieur le ministre,
dont on ignore s'il concernerait l'ensemble de l'éducation nationale, donc
l'enseignement supérieur et la recherche, ou une fraction de celle-ci. Je
voudrais d'ailleurs souligner, préalablement au débat de fond sur les états
généraux de l'enseignement supérieur, que la question du référendum ne signifie
rien en tant que telle... au risque de décevoir un certain nombre de mes
collègues.
Le référendum, monsieur Camoin, est un instrument de la démocratie. Ce qui
importe, c'est la pertinence de la question qui est posée, le contenu et non le
contenant. Alors, être « pour » ou être « contre » le référendum, cela ne veut
pas dire grand-chose. Il existe d'autres débats plus sérieux, plus urgents et,
me semble-t-il, plus essentiels. Ne dissimulons pas le vrai débat !
Monsieur le ministre, vous faites mine de vous atteler à ce débat. Vous avez,
par dix questions fondamentales, recensé les problèmes et les missions
essentiels auxquels doit faire face l'université. Sur ce point, il y a
unanimité. L'identification est juste.
Comme d'autres l'ont relevé avant moi, ces dix questions constituent le plus
petit dénominateur commun entre tous les partenaires du système éducatif de
l'enseignement supérieur : les étudiants, les enseignants et les élus.
Les problèmes relevés sont fondamentaux.
Il ne faut pas se voiler la face : une augmentation des crédits permettrait de
résoudre nombre d'entre eux. Or, depuis trois exercices, c'est-à-dire depuis le
retour de la droite au Gouvernement, nous assistons à une dégradation des
crédits, et donc à une détérioration importante des conditions de vie et
d'études à l'université.
Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, le parallélisme des choix
effectués en Italie et en Espagne, par des gouvernements pourtant différents,
l'un de droite, en Espagne, et l'autre de gauche, en Italie. Même si nous ne
sommes pas fermés à ce qui se passe dans notre environnement immédiat - et vous
le savez bien, monsieur le ministre - il s'agit tout de même de l'université
française, avec ses spécificités. Il s'agit, de surcroît, des promesses du
candidat Chirac, devenu Président de la République. Donc, cherchons des
solutions pour honorer ses promesses. On y tient !
Depuis 1993, les crédits destinés à l'enseignement supérieur n'ont progressé,
en moyenne, que de 3,7 p. 100 par an, alors que, de 1990 à 1993, la moyenne
annuelle s'élevait à 13,2 p. 100 ; vous l'avez fait observer et vous avez rendu
hommage à ces chiffres.
Si je fais ce rappel, ce n'est pas uniquement à votre intention, monsieur le
ministre. En effet, nous avons aujourd'hui la chance d'avoir au fauteuil de la
présidence M. Valade, qui a été rapporteur du budget de l'enseignement
supérieur. Je me souviens de certaines critiques qu'il formulait en matière de
budget au nom de la commission des finances, critiques que je partageais.
Pour venir à bout des problèmes que connaît actuellement l'enseignement
supérieur, il lui faut donc des moyens humains, matériels, des moyens de
fonctionnement et d'aide sociale. Pour moi, ce point est primordial, et je vous
ai trouvé discrets, voire gênés, messieurs Gouteyron et Camoin. Certes, la
remarque sur les moyennes par étudiant formulée par M. Camoin est juste et
courageuse, mais elle reste au niveau du constat. C'est pourtant vous,
messieurs, qui gouvernez la France, et donc qui devriez nous indiquer les
voies.
Pour moi, je le répète, ce point est essentiel. Il devrait constituer l'effort
numéro un. Si vous le permettez, monsieur le ministre, j'en ferai ma
proposition numéro un.
Il est nécessaire que l'éducation redevienne la priorité budgétaire. Quand je
dis « priorité », ne jouons pas sur les mots : je sais l'effort et le volume
que cela représente. Toutefois, la progression de ce budget doit être vraiment
significative. S'il est un domaine qui doit échapper à la rigueur, c'est bien
celui-là. L'investissement dans l'avenir ne saurait supporter une pause.
Malheureusement, les derniers échos dont nous avons eu vent concernant les
réductions draconiennes demandées pour la prochaine loi de finances laissent
présager le pire. Selon la presse, aux termes du mandat de préparation qu'il
vous a transmis, M. le Premier ministre vous a demandé de limiter la hausse des
crédits de votre ministère à 1,3 p. 100 pour 1997, soit, autant le dire, une
baisse des moyens octroyés à l'éducation en francs constants.
Alors, débattre, aborder tous les sujets inhérents à l'éducation, pourquoi pas
? Mais si on nous dit d'entrée de jeu que l'on n'a pas les moyens d'honorer les
propositions qui seraient faites, c'est de la poudre aux yeux !
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Jean-Louis Carrère.
Selon vos propos à l'Assemblée nationale, qui m'ont été rapportés par l'écho
des Pyrénées, la loi de programmation de l'université n'est plus à l'ordre du
jour. Or, le 16 avril dernier, devant la commission des affaires culturelles du
Sénat, en répondant à une de mes interrogations, vous vous étiez engagé - et je
sais que vous avez beaucoup de mémoire, monsieur le ministre - à déposer une
loi de programmation permettant de faire aboutir les démarches des états
généraux de l'université.
Je vous avais d'ailleurs dit que quatre possibilités s'offraient à vous : la
première, programmation et argent ; la deuxième, argent sans programmation ; la
troisième, programmation sans argent ; enfin, la quatrième : ce que nous sommes
en train de faire. A l'époque, je craignais que l'on n'en soit parvenu à la
troisième possibilité. Aujourd'hui, je crains que l'on n'ait abandonné la loi
de programmation et que l'argent ne soit toujours pas là.
Quand bien même cette loi de programmation serait encore à l'ordre du jour, je
m'interroge un peu - je vous l'avais dit en son temps - sur les redéploiements
énormes qui s'imposeraient pour en honorer les termes. Tous les secteurs de
l'éducation nationale sont exsangues ; vous le savez, on ne peut déshabiller
Pierre pour habiller Paul !
Ma première proposition, c'est un financement prioritaire.
Ma deuxième proposition consiste à commencer un deuxième volet du plan «
Université 2000 ».
Je ne reviendrai pas sur les raisons en termes économiques et en termes
d'emplois. On sait, là encore, que la réalisation de ce plan a été freinée
depuis le retour de la droite au pouvoir, notamment par votre prédécesseur, M.
François Fillon. Je m'employais d'ailleurs à chacune de nos rencontres à le lui
faire observer et à dénoncer cette situation.
Ce deuxième volet est plus que nécessaire. Il permettrait un aménagement du
territoire éducatif harmonieux, non en ajoutant encore des centres de formation
supérieure, mais en consolidant ceux qui ont été créés au cours des dernières
années dans les villes moyennes. Ainsi, on ferait réellement de l'aménagement
du territoire et on améliorerait les conditions d'accueil des étudiants.
J'en viens au troisième point essentiel et donc à ma troisième proposition,
qui a trait au statut de l'étudiant.
Ce statut constituait l'une des principales promesses du candidat Chirac -
mais il en a fait tant et tant, et j'en ai déjà évoqué quelques-unes ! Depuis,
c'est le silence radio !
Cette promesse devrait être tenue. Le nombre d'étudiants ayant doublé en dix
ans, leurs conditions de vie se dégradent sans cesse. Les représentants des
étudiants - vous avez d'ailleurs participé à leurs travaux - par exemple
l'UNEF-ID, ont fait des propositions raisonnables, notamment pour que le
système d'aide soit plus juste.
Mais il ne faudrait surtout pas que cette réforme marque un désengagement de
l'Etat. Sur ce point, je préférerais donc que l'on parle d'une allocation
personnalisée d'insertion et de formation pour tous les jeunes, et non pas
seulement pour les étudiants, ce qui permettrait de créer un véritable statut
des jeunes de seize à vingt-cinq ans, en incluant aussi bien le système des
bourses que l'allocation de logement sociale et l'instauration d'un RMI jeunes.
Toutefois, ce système ne sera viable que si les entreprises y participent, en
s'engageant à la fois sur le terrain de l'alternance et sur celui de
l'insertion.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je formulerai une quatrième proposition
: une incitation fiscale ciblée pour les entreprises qui accueillent des jeunes
en alternance, et pas seulement en apprentissage.
La réforme des premiers cycles est à l'ordre du jour. Tous s'accordent à le
dire : elle passe par une meilleure orientation.
Je me félicite, monsieur le ministre, de ce que, sur toutes les travées, ce
mot soit à l'ordre du jour et qu'il ait remplacé celui de « sélection », en
vogue encore il y a une dizaine d'années, même si - j'ai l'oreille fine ! je
crois entendre encore, mais à mi-voix, au sein de la commission, quelques
velléités de sélection... Mais, honnêtement, elles s'estompent. Je sais, par
exemple, qui ni M. le président de la commission, ni M. le ministre n'y sont
favorables.
Cette orientation - il s'agit de ma cinquième proposition - commencerait dès
le lycée, avant la terminale, avec rencontre entre étudiants et lycéens. Je ne
suis pas en mesure de vous dire, monsieur le ministre, si c'est au collège
qu'elle doit commencer. Là où je suis d'accord avec vous, c'est qu'elle doit
absolument intervenir avant la classe de terminale parce que, souvent, les
choix sont alors figés - et même les non-choix - et leur remise en cause est
quelquefois compliquée.
Les mondes du lycée et de l'université ont tous deux leurs particularismes
propres. Point n'est besoin de les gommer. Cependant, ces deux mondes se
doivent d'être plus perméables et plus proches. Des échanges d'enseignants et
d'étudiants pourraient voir le jour. Cette proposition me paraît intéressante
et relativement aisée à mettre en oeuvre.
Ma sixième proposition a directement trait à cette réforme des premiers
cycles. Ainsi, en conséquence directe de ma cinquième proposition, je
proposerai que la première année du premier cycle universitaire commence par un
semestre - pourquoi pas unique ? - permettant de réaliser trois objectifs :
mise à niveau, apprentissage des méthodes de travail, complément d'information
sur les différentes filières.
Ces deux propositions déboucheraient même sur des économies budgétaires,
monsieur le ministre ! En effet, une meilleure orientation, une réussite plus
rapide, moins de redoublements, moins de sorties de l'université d'étudiants
sans diplôme, ne peuvent qu'engendrer des économies budgétaires.
Enfin, ma septième proposition concerne la voie technologique.
Tous les ingrédients existent pour en faire une filière d'excellence à part
entière, du CAP à l'agrégation. Il reste à régler le conflit sur la charnière
IUT-IUP. Mais ce problème, qui n'a besoin que d'un peu de liant, est en panne
depuis trois ans !
En faire une filière d'excellence passe par la généralisation de l'alternance
sous statut scolaire et de la validation des acquis professionnels. Tout le
dispositif législatif existe. Il a été mis en place par les gouvernements de
gauche, notamment par la loi sur la validation des acquis professionnels. Il ne
reste qu'à l'appliquer !
Monsieur le ministre, j'ai noté que, lors des débats à l'Assemblée nationale,
vous aviez reproché aux socialistes, et plus particulièrement à mon ami Jean
Glavany, de ne pas être constructifs, de critiquer et de ne pas émettre de
propositions.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Vous avez fait le contraire ! C'est bien, monsieur Carrère !
M. Jean-Louis Carrère.
Vous ne pouvez pas généraliser cette critique à l'ensemble des socialistes,
puisque j'ai pris la précaution de vous énumérer les propositions qui me
paraissaient constituer les avancées les plus significatives en les
numérotant.
Non seulement vous ne pouvez pas réitérer ces critiques, mais je vous invite
également à revenir sur celles que vous avez formulées à l'Assemblée nationale
: en relisant les débats, ce que j'ai fait ; et vous verrez que la plupart des
propositions que je viens de formuler figuraient, certes de manière disséminée,
un peu difficile à repérer, dans le discours que vous aviez incriminé.
Monsieur le ministre - je sais que vous êtes attaché à une certaine cohérence
- vous ne pouvez pas nous dire : vous êtes négatifs, vous ne proposez rien et,
dans le même temps, lorsqu'on formule des propositions, comme l'a fait notre
collègue Ivan Renar, déclarer : vous n'êtes pas sérieux, cela va coûter trop
cher.
Dans une démocratie, les rôles respectifs d'une majorité et d'une opposition
sont clairs, même si l'opposition que nous constituons essaie d'être la plus
sérieuse, la plus cohérente et la plus conséquente possible.
Comme je le disais à l'instant, certaines de mes propositions trouveraient un
écho dans la simple application de lois élaborées par des gouvernements
antérieurs, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre du plan « Université 2000 » ou
de l'amélioration de la voie technologique.
Vous me reprocherez sans doute d'être un peu critique, monsieur le ministre,
mais je ne peux m'empêcher de constater que la politique éducative des
gouvernements auxquels vous avez appartenu depuis 1993 est bien différente de
celle qui a été menée par les gouvernements socialistes pendant dix ans, sous
la conduite, notamment, d'un ancien Premier ministre qui s'adressera à vous cet
après-midi ; je veux parler, bien sûr, de Michel Rocard.
Pendant ces dix années, de grandes réformes ont vu le jour. Il n'a pas
toujours été facile de convaincre les organisations représentatives, les
usagers et les parlementaires, mais une détermination réelle de changer en
mieux l'éducation nationale a toujours animé les gouvernements de gauche et les
a poussés à mener leurs réformes jusqu'au bout.
La postérité leur a donné raison : qui songe aujourd'hui à remettre en cause,
dans leur principe, la loi Savary, les mesures de revalorisation en faveur des
personnels de l'éducation nationale, le plan « Université 2000 » ou la création
des IUFM, même si, je vous l'accorde, les modalités de fonctionnement de
ceux-ci ont été révisées - et elles devaient l'être - par vos soins ?
Il a existé un réel souffle en faveur de l'enseignement. Qu'est-il devenu
aujourd'hui, sous l'égide de votre gouvernement, monsieur le ministre ? Je ne
vois qu'effets d'annonce, consultations, commissions, disputes au sein de la
majorité et, au bout du compte, rien, sauf quelques tentatives de réforme pour
le moins revanchardes ou ultralibérales, que le Conseil constitutionnel, saisi
par nous, n'a d'ailleurs pas manqué de censurer, qu'il s'agisse de la loi sur
les universités nouvelles ou de la réforme de la loi Falloux.
Je disais en commençant mon propos : j'entends beaucoup parler d'éducation,
ces temps-ci. J'ajouterai : je vois peu d'actes concrets en faveur de
l'éducation. Je vous semble peut-être un peu sévère, monsieur le ministre, mais
l'heure est grave.
Je souhaite, d'abord, que l'université française puisse conserver le renom
qu'elle avait, qu'elle puisse former le plus d'étudiants possible, le mieux
possible, en leur garantissant des conditions d'études décentes, en leur
permettant l'accès à l'emploi et en les armant pour la vie.
Je souhaite, ensuite, que les enseignants et les personnels qui travaillent
dans les universités ne voient pas leurs conditions de travail se dégrader.
Je souhaite, enfin, que les échanges inter-universités, notamment avec
l'étranger, continuent de fonctionner, garantissant ainsi l'enrichissement
réciproque des étudiants et des enseignants.
En revanche, je tiens à souligner le danger que présenterait la dénaturation
de l'université si on lui appliquait des solutions qui ne lui sont pas
inhérentes.
La France est l'un des rares pays qui connaissent une aussi forte dualité de
système au sein de l'enseignement supérieur : universités et grandes écoles.
L'université à la française comporte des spécificités, notamment ses méthodes
de travail et l'espace de liberté qu'elle représente, qui nécessitent une
certaine tournure d'esprit. Il serait donc dangereux de vouloir appliquer à
notre université les méthodes des grandes écoles.
L'information et l'orientation - je ne reviendrai pas sur ce point - doivent
jouer un rôle prépondérant : le nouvel étudiant doit s'habituer à l'université
et à son mode de fonctionnement, mais l'université doit être prête,
pédagogiquement, à accueillir ce nouvel étudiant.
N'allez surtout pas voir dans mes propos, monsieur le ministre, un refus de
changer quoi que ce soit dans le système universitaire. Je vous ai clairement
exprimé mes propositions et incité à agir concrètement au plus vite.
Simplement, je ne voudrais pas que notre université perde son âme. Mais - j'y
reviens en guise de conclusion - il faut des crédits, voire une véritable loi
de programmation.
Je citerai, pour terminer, la conférence des professeurs d'université, la CPU,
votre meilleure alliée depuis deux ans, monsieur le ministre, mais qui semble
actuellement vous « lâcher » sur un point, puisque, selon elle, il n'y a « pas
de grande réforme à budget constant dans l'université française. L'Etat doit
réaffirmer son engagement en faveur de l'enseignement supérieur. Il doit le
faire dans une loi de programmation ».
Monsieur le ministre, les jeunes, les enseignants, les personnels attendent
une réponse concrète de votre part, de la part du Premier ministre et du
Président de la République. Ils attendent des crédits pour l'université et des
dispositions significatives. Rassurez-les, rassurez-nous !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel.
Vous êtes devenu d'une grande sagesse, mon cher collègue !
M. Michel Rocard.
Il l'a toujours été !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur Carrère, je ne suis pas un esprit systématique et je
ne pratique pas volontiers la polémique, même si, lorsque j'y suis contraint,
je me rends à cette nécessité. Je vous donne volontiers acte que, cette fois,
au Sénat, tel n'a pas été le cas.
A l'Assemblée nationale, des propositions concrètes, positives pour beaucoup
d'entre elles, ont été formulées par votre groupe.
M. Guy Allouche.
Il fallait les reprendre !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je considère - je l'ai d'ailleurs noté dans mon discours - que
les points de vue exprimés au cours de ces six derniers mois, grâce au travail
qui a été réalisé, se sont considérablement rapprochés ; je pense, en
particulier, à la proposition du semestre unique en début de première année - à
défaut d'être unique, il pourrait être commun à de nombreuses filières - pour
donner aux étudiants des méthodes de travail, pour leur présenter les
différentes filières. Je ne sais pas si nous pouvons la retenir telle qu'elle
- la mise à niveau pourrait induire des effets de « secondarisation » - mais
c'est une bonne piste. Ce que vous avez dit à propos de l'orientation ou de la
voie technologique me paraît également intéressant.
Pour une fois, le débat a progressé ; il a tout à gagner à sortir des
frontières idéologiques traditionnelles. Il me semble trouver là la
justification d'une méthode à la fois de bon sens et de représentation
démocratique de l'avenir, que d'autres - je m'adresse notamment à M. Michel
Rocard ici présent - ont employée à certaines époques sur des sujets encore
plus dramatiques que ceux qui ont été évoqués aujourd'hui, même si nous en
connaissons tous le poids.
Je constate - et c'est pour moi un motif de très grande satisfaction - que les
points de vue deviennent compatibles, même s'ils ne sont évidemment pas
identiques. Bien entendu, monsieur Carrère, le rôle de l'opposition et celui de
la majorité ne se confondent pas. Il est naturel que l'affirmation de
l'opposition comporte une part d'utopie et une part de critique. Quoi de plus
normal lorsque la critique et l'utopie sont de bonne foi et ne sont pas
directement en contradiction avec la réalité ?
Comme nous sommes dans ces rôles-là, je vous citerai à mon tour deux
chiffres.
Vous avez évoqué le très grand effort budgétaire - je l'ai moi-même noté à la
tribune - qui a été accompli à certaines époques. Permettez-moi de vous dire
qu'il souffrait cependant de quelques lacunes. Je vous en donne une en exemple,
qui n'est pas négligeable : la traduction de cet effort budgétaire en
emplois.
Puisque je viens de parler de M. Michel Rocard d'une manière positive, je
citerai, à titre d'exemple, les deux lois de finances de 1989 et 1990, années
où il était Premier ministre. En 1989, le nombre des étudiants augmentait de
près de 80 000 ; en 1990, il s'accroissait de 70 000 - je vous communiquerai
les chiffres précis s'ils vous intéressent.
M. Emmanuel Hamel.
Ils baissent !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
En 1989, M. Rocard a créé 1 000 emplois d'enseignants et 242
emplois de personnels IATOS. Les chiffres sont du même ordre en 1990 : 1 479
emplois d'enseignants et 254 emplois de personnels IATOS. Cette année, au lieu
des 80 000 étudiants supplémentaires constatés en 1989, on en a compté 10 000
de plus. Combien ai-je créé d'emplois d'enseignants ? J'en ai créé 2 000 !
M. Jean-Louis Carrère.
Il y a trois ans qu'il n'y en avait pas eu !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Combien ai-je créé d'emplois de personnels IATOS ? J'en ai créé
2 000 cette année, au lieu de 254 en 1990 !
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
Ce n'est pas une critique !
M. Guy Allouche.
Et avant !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Avant, je vous donne les chiffres : 1 625 et 1 100 dans les
précédentes lois de finances !
C'est donc dire qu'il faut demeurer prudent dans l'utilisation des
chiffres.
Nous savons tous dans cet hémicycle qu'il existe des contraintes budgétaires,
et qu'elles étaient moins lourdes voilà quelques années qu'elles ne le sont
aujourd'hui. Personne ne s'en exonérera !
M. Emmanuel Hamel.
Libérons-nous de Maastricht !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Par conséquent, nous devrions - singulièrement ceux qui croient
à l'Europe - ...
M. Emmanuel Hamel.
J'y crois aussi, mais je suis pour une Europe positive, qui libère l'homme des
contraintes monétaires, pour son épanouissement !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... essayer de faire progresser encore cette recherche d'un
accord, sinon général, du moins largement partagé, en y incluant les
contraintes. Nous commencerions alors à dire la vérité à nos interlocuteurs,
aux universitaires, aux personnels et aux étudiants, puisque ce sont ces
contraintes qui borneront l'avenir et qui délimiteront les grands axes du
devenir de l'université que nous cherchons à construire ensemble.
Il ne s'agissait donc pas, monsieur Carrère, de l'une de nos polémiques
habituelles...
M. Guy Allouche.
Ah ! ces Pyrénéens...
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... mais je souhaitais vous indiquer que j'avais retenu à la
fois ce qui me paraissait positif et ce qui me paraissait discutable dans le
discours que vous avez prononcé au nom du groupe socialiste.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, la conférence des présidents devant se réunir dans
quelques instants, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à
seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures,
sous la présidence de M. Yves Guéna.)
PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat, sous réserve de l'application de l'article 32,
alinéa 4, du règlement :
A. -
Mercredi 5 juin 1996 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de la convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République islamique du Pakistan en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts
sur le revenu (ensemble un protocole) (n° 225, 1995-1996) ;
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de l'avenant (ensemble un échange de lettres) à l'accord du 25 juillet 1977
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir
l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu (n° 224, 1995-1996) ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de la convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de l'Etat d'Israël en vue d'éviter les doubles impositions et de
prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et
sur la fortune (n° 289, 1995-1996) ;
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de la convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République bolivienne en vue d'éviter les doubles
impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un
protocole) (n° 223, 1995-1996) ;
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter
les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles
d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur
la fortune (ensemble un protocole et un protocole additionnel), modifiée par
l'avenant du 14 novembre 1984 (n° 286, 1995-1996) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord fiscal sous forme
d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République du Panama (n° 160, 1995-1996) ;
A quinze heures et le soir :
7° Désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Ordre du jour prioritaire
8° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, de réglementation des télécommunications (n° 357, 1995-1996).
B. -
Jeudi 6 juin 1996 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi de réglementation des télécommunications.
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance, avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la situation en
Corse.
La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des lois ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 5 juin
1996.
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
C. -
Lundi 10 juin 1996,
à quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom (n° 391,
1995-1996).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 10 juin, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant douze heures, le lundi 10 juin
1996.
D. -
Mardi 11 juin 1996 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
- N° 371 de M. Nicolas About à M. le ministre de l'intérieur (politique
gouvernementale à l'égard des gens dits « du voyage ») ;
- N° 382 de M. Michel Mercier à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (situation des enseignants des
écoles municipales de musique) ;
- N° 383 de M. Michel Mercier à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (situation des agents publics
travaillant à mi-temps) ;
- N° 390 de M. François Gerbaud à M. le ministre de la fonction publique, de
la réforme de l'Etat et de la décentralisation (conditions de délivrance de la
dotation globale d'équipement) ;
- N° 391 de M. Dominique Leclerc à M. le secrétaire d'Etat à la recherche
(restrictions budgétaires appliquées au Centre national de la recherche
scientifique) ;
- N° 392 de M. Georges Mouly à M. le ministre du travail et des affaires
sociales (situation de l'institut médico-éducatif de Sainte-Fortunade (Corrèze)
;
- N° 393 de Mme Danielle Bidard-Reydet à Mme le ministre délégué pour l'emploi
(conséquences du départ de schweppes de Pantin) ;
- N° 394 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (rentrée scolaire en
Seine-Saint-Denis) ;
- N° 395 de M. Charles Metzinger à M. le ministre de l'intérieur (application
des circulaires relatives aux autorisations collectives de sortie du territoire
des élèves mineurs) ;
- N° 396 de M. René Rouquet à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche (carte scolaire 1996-1997 pour le
Val-de-Marne) ;
- N° 397 de M. Alain Richard à M. le ministre de l'équipement, du logement,
des transports et du tourisme (conditions de vente de logements HLM par le
groupe Maisons familiales) ;
- N° 398 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de l'équipement, du logement,
des transports et du tourisme (dégradation de la situation des professions du
bâtiment et des travaux publics) ;
- N° 399 de M. Nicolas About à M. le ministre de l'intérieur (pouvoirs de
police des maires pour la mise en fourrière des véhicules en stationnement
gênant) ;
- N° 400 de M. François Lesein à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (conditions de rémunération des
agents territoriaux chargés de mission) ;
- N° 401 de M. Louis Souvet à Mme le secrétaire d'Etat aux transports (coût
financier du canal Rhin-Rhône) ;
- N° 402 de M. Louis Souvet à Mme le secrétaire d'Etat aux transports (avenir
professionnel des élèves pilotes de l'ENAC) ;
- N° 403 de M. Louis Souvet à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (avancement de grade de certains
fonctionnaires territoriaux) ;
- N° 404 de M. Henri Weber à M. le ministre de l'équipement, du logement, des
transports et du tourisme (élargissement de la route nationale 27).
A seize heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom.
E. -
Mercredi 12 juin 1996 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription
de parts de copropriété de navires de commerce (N° 348, 1995-1996).
A quinze heures et le soir :
2° Suite du projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom.
F. -
Jeudi 13 juin 1996 :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
A neuf heures trente :
1° Propositions de loi organique de M. Charles de Cuttoli et plusieurs de ses
collègues :
- tendant à compléter la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote
des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la
République (n° 270, 1994-1995) ;
- tendant à modifier et compléter la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976
sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de
la République (n° 271, 1994-1995) ;
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion
générale commune de ces deux propositions de loi organique ;
2° Proposition de loi de M. Serge Vinçon et plusieurs de ses collègues tendant
à autoriser les élus des communes comptant 3 500 habitants au plus à conclure
avec leur collectivité des baux ruraux (N° 239, rapport n° 314, 1995-1996) ;
A quinze heures :
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n°
75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et
tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme (n° 249, 1995-1996)
;
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses mesures en faveur
des associations (n° 340, 1995-1996).
G. -
Vendredi 14 juin 1996 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite du projet de loi relatif à l'entreprise nationale
France Télécom ;
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant dispositions diverses
relatives à l'outre-mer (n° 333, 1995-1996) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 juin 1996, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
3° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, complétant
la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la
Polynésie française (n° 376, 1995-1996) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 juin 1996, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi organique) ;
A quinze heures :
4° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;
5° Deuxième lecture du projet de loi. adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, sur la loyauté et l'équilibre des
relations commerciales (N° 392, 1995-1996).
H. -
Lundi 17 juin 1996,
à quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat (N°
381, 1995-1996).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 17 juin 1996, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant douze heures, le lundi 17 juin
1996.
I. -
Mardi 18 juin 1996 :
A dix heures :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi relatif au développement et à la promotion du
commerce et de l'artisanat.
A seize heures :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi de modernisation des activités financières.
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
J. -
Mercredi 19 juin 1996 :
A dix heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite du projet de loi relatif au développement et à la
promotion du commerce et de l'artisanat.
A quinze heures :
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la programmation
militaire pour les années 1997 à 2002 (urgence déclarée) (A.N., N° 2766).
La conférence des présidents a fixé à six heures la durée globale du temps
dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes
ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 18 juin
1996.
K. -
Jeudi 20 juin 1996 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années
1997 à 2002.
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance, avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
4° Eventuellement, deuxième lecture du projet de loi organique relatif aux
lois de financement de la sécurité sociale.
L. -
Vendredi 21 juin 1996,
à neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant règlement définitif
du budget de 1994 (A.N., N° 2455).
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.
La conférence des présidents a fixé un délai limite général pour le dépôt des
amendements expirant, dans chaque cas, la veille du jour où commence la
discussion, à dix-sept heures, pour tous les projets de loi et propositions de
loi ou de résolution inscrits à l'ordre du jour, à l'exception des textes de
commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai
limite spécifique.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Monsieur le président, je vais me répéter pour dire une fois de plus -
peut-être pas la dernière - que nous allons encore être en état de faute, et
ce, dès cet après-midi, puisque le débat sur les états généraux de l'université
va poursuivre en séance publique alors qu'à seize heures trente la commission
des finances reçoit le premier président de la Cour des comptes et qu'à la même
heure la délégation du Sénat pour l'Union européenne, tient une réunion très
importante sur un projet qui concerne la mer et les océans.
Nous sommes obligés, compte tenu de la manière dont nos travaux sont
organisés, d'être en faute.
Dès lors, qu'on ne s'étonne pas que le Parlement n'ait pas l'image qu'il
mériterait d'avoir, car les personnes qui sont dans les tribunes et voient ces
travées vides s'imaginent que nous sommes des plaisantins, alors que nous
sommes simplement des sénateurs contraints, de par le règlement, de déserter
l'hémicycle, pour travailler en commission.
Quand pourrons-nous enfin, par une coopération du Gouvernement et de la
présidence du Sénat, avoir des conditions de travail normales, c'est-à-dire, en
fait, plus efficaces ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président.
Monsieur Hamel, j'ai déjà eu l'occasion de dire qu'il ne pouvait pas y avoir
d'« interactivité » entre l'hémicycle et les tribunes, que le public présent
dans les tribunes n'a pas le droit de manifester et qu'il n'est pas convenable,
de la part d'un sénateur, de l'invoquer, ou de l'évoquer.
Cela étant dit - qui n'est en rien une critique envers le sénateur exemplaire
que vous êtes - il est vrai qu'en cette fin de session, dont l'ordre du jour
est très chargé, il est probablement difficile pour les présidents de
commission de se glisser dans les interstices de la séance publique.
L'essentiel - et c'est ce qui figure dans notre règlement - est que la matinée
du mercredi soit exclusivement réservée aux commissions.
Acte vous est cependant donné de votre déclaration, qui était pertinente.
Y a-t-il d'autres observations en ce qui concerne les propositions de la
conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article
48, alinéa 3, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.
6
SCRUTINS POUR L'ÉLECTION DE JUGES
DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE ET DE
LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président.
L'ordre du jour appelle les scrutins pour l'élection d'un juge suppléant de la
Haute Cour de justice et pour l'élection d'un juge titulaire et d'un juge
suppléant de la Cour de justice de la République.
Je rappelle qu'en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-1 du 2
janvier 1959 et de l'article 1er de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre
1993 la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour ces
élections.
Conformément à l'article 61 du règlement du Sénat, les scrutins auront lieu
dans la salle des conférences, où des bulletins de vote sont à la disposition
de nos collègues.
Pour être valables, les bulletins de vote pour l'élection d'un juge titulaire
et d'un juge suppléant de la Cour de justice de la République doivent comporter
deux noms, le nom du titulaire devant être obligatoirement assorti du nom de
son suppléant ; la radiation de l'un ou des deux noms, soit celui du titulaire,
soit celui du suppléant, entraîne la nullité du vote pour l'autre.
Je rappelle aussi que les juges nouvellement élus seront immédiatement appelés
à prêter serment devant le Sénat.
Je prie M. Daniel Millaud, secrétaire du Sénat, de bien vouloir présider les
bureaux de vote.
Il va être procédé au tirage au sort de deux scrutateurs titulaires et d'un
scrutateur suppléant qui opéreront le dépouillement du scrutin pour l'élection
d'un juge suppléant à la Haute Cour de justice.
(Le tirage au sort a lieu.)
M. le président.
Le sort a désigné :
Scrutateurs titulaires : MM. Paul Masso et Jean-Luc Bécart.
Scrutateur suppléant : M. Hubert Durand-Chastel.
Le scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Haute Cour de justice est
ouvert.
Il sera clos dans une heure.
Il va être procédé au tirage au sort de deux scrutateurs titulaires et d'un
scrutateur suppléant qui opéreront le dépouillement du scrutin pour l'élection
d'un juge titulaire et de son suppléant à la Cour de justice de la
République.
(Le tirage au sort a lieu.)
M. le président.
Le sort a désigné :
Scrutateurs titulaires : MM. Emmanuel Hamel et Jacques Bimbenet.
Scrutateur suppléant : M. Jean-Claude Carle.
Le scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de son suppléant à la Cour
de justice de la République est ouvert.
Il sera clos dans une heure.
7
ÉTATS GÉNÉRAUX DE L'UNIVERSITÉ
Suite du débat
sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur les
états généraux de l'université.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le ministre, c'est avec satisfaction que je constate que le
rendez-vous pris au cours de l'hiver dernier est honoré aujourd'hui.
En effet, à la suite des manifestations sociales du mois de décembre dernier,
auxquelles de nombreuses universités avaient pris part, vous aviez promis aux
étudiants d'engager un débat réfléchi sur l'avenir de l'université française et
sur la place des étudiants dans notre société.
Ces étudiants, mais également les membres du corps enseignant, vous seront, je
pense, reconnaissants d'avoir mené cette réflexion. Ils sauront, par ailleurs,
en prenant connaissance de notre débat, qu'ils ont été entendus.
Les mouvements étudiants de l'année dernière ont eu pour mérite d'attirer
notre attention, et la vôtre, sur un fait que nous avions peut-être un peu
tendance à oublier : à l'image de notre société, l'université française est
malade, sous-alimentée du moins, ne serait-ce qu'en matière de budget - mais
peut-être aussi et surtout la flamme intellectuelle ne brille-t-elle plus
autant qu'elle ne l'a fait - malade de certains choix opérés depuis des
décennies, malade de n'avoir pu tenir ses promesses à l'égard des étudiants,
malade enfin de ne plus pouvoir s'affirmer comme la clé de la réussite dans
notre environnement social.
Pendant de nombreuses années, et jusqu'à une époque récente, le passage par la
faculté assurait un emploi à chaque étudiant qui la quittait. En quelque sorte,
« diplôme » était synonyme d'« embauche » et de « garantie de travail ».
A l'heure actuelle, aucun étudiant, qu'il soit en première année ou en
troisième cycle, n'est assuré de trouver un emploi à sa sortie de
l'université.
Pourtant, bien que les jeunes soient conscients de l'extrême difficulté de la
situation que nous connaissons en matière d'emploi, nombreux sont ceux qui
persistent à vouloir être admis en faculté.
Pourquoi cela ?
Parce que, en dehors des diplômes, point de salut ! Cette opinion est gravée
dans les esprits. C'est ainsi. A une époque, le baccalauréat constituait une
garantie en matière d'emploi. Cette époque est révolue et la situation est
peut-être aggravée par l'exigence que 80 p. 100 d'une classe d'âge obtienne le
baccalauréat. Cet objectif a sans doute bouleversé notre système éducatif, en
amont comme en aval !
Monsieur le ministre, depuis un certain temps, il est de bon ton d'affirmer
que l'éducation nationale ne doit pas se montrer sélective à l'égard des jeunes
qu'elle forme. Cette intention est très louable, mais elle est utopique.
En effet, la vraie sélection existe là où elle se révèle le plus difficile à
accepter, c'est-à-dire à l'entrée dans le monde du travail. C'est là qu'on
retrouve la sélection !
La refuser lors du choix des études, c'est conduire assurément de nombreux
jeunes à l'échec. Il faut la remplacer par une véritable orientation, que tous
les partenaires réclament.
Il est effectivement malhonnête de laisser envisager à des étudiants de
première année qu'ils parviendront à coup sûr à obtenir un diplôme de fin
d'études lorsque l'on connaît les statistiques d'échec en DEUG. Il faut une
orientation plus « lourde » que celle que l'on connaît. Je n'ai pas aujourd'hui
de recette. Mais je sais qu'il s'agit là d'une de vos préoccupations, car nous
nous en sommes déjà entretenus en commission.
Si le système universitaire autorise un redoublement, voire deux avec
dérogation, lors des deux premières années d'études - la dérogation étant
accordée souvent avec facilité - il n'est pas rare de rencontrer des jeunes
qui, au terme de trois ou quatre années d'études, ne parviennent pas à obtenir
un DEUG. Ces jeunes doivent donc s'orienter dans une nouvelle voie, avec pour
seul bagage leur baccalauréat.
Il est grand temps, monsieur le ministre, de revenir à des objectifs plus
réalistes. L'université ne peut continuer d'être la panacée de
l'enseignement.
C'est ce message, certes délicat, qu'il convient de transmettre aux futurs
étudiants. Il faut revaloriser les métiers manuels dès les plus petites classes
et, surtout, faire comprendre aux collégiens et lycéens, et ce en faisant
preuve de beaucoup de doigté mais en s'y tenant, qu'il n'est en aucun cas
dégradant de ne pas poursuivre d'études supérieures lorsqu'on n'en a pas les
moyens intellectuels.
Parmi les nombreuses dérives dénoncées par les étudiants l'année dernière, le
manque de moyens financiers consacrés aux universités était fermement
critiqué.
Les nombreuses inquiétudes exprimées à ce sujet se sont toutes révélées
entièrement fondées. Les critiques portaient sur le manque de places, de
professeurs et de crédits. Vous y avez en grande partie remédié.
En ce qui concerne le manque de places - vous l'aurez compris dès le début de
mon propos - je pense qu'une première solution consisterait à réduire le nombre
des étudiants intégrant l'université. Il s'agit non pas de les contraindre à
renoncer à l'université, mais de les y encourager par la revalorisation
d'autres filières. Vous en avez parlé ce matin, monsieur le ministre, et j'en
suis très heureux.
Certes, même si une telle solution aboutissait, il y a fort à craindre qu'elle
n'effacerait pas définitivement les problèmes de surnombre.
J'ai conscience - et de nombreux Français avec moi - que la période n'est pas
propice à l'augmentation des dépenses budgétaires. Dès lors, la création,
l'amélioration ou le développement de pôles universitaires ne semblent pas
envisageables.
En revanche, pour un coût bien moindre, nous pourrions, à n'en pas douter,
moderniser le système actuel de fonctionnement des facultés pour arriver à
doubler, ou presque, le nombre des places dans certaines facultés.
En effet, en dehors des périodes d'examen, les locaux universitaires sont
occupés six mois tout au plus. Pourquoi laisser vacantes des salles de cours
qui pourraient accueillir une nouvelle session d'étudiants ? Les campus
américains, eux, sont occupés, pour la plupart, par des sessions d'été.
D'ailleurs, je m'interroge : faut-il investir de nouveau alors que l'on sait
que la chute démographique se fera prochainement sentir ? On a déjà connu ce
problème à l'échelle des collèges et de l'enseignement primaire. Répétera-t-on
la même erreur avec les universités ?
Je voudrais rappeler un exemple d'occupation à temps complet : les entreprises
qui ont réussi leur projet de réduction du temps de travail sont, en majorité,
celles qui ont accepté de rester en fonction toute l'année et de ne plus avoir
de vacances avec des locaux et des personnels inoccupés. Cette idée est
révolutionnaire, me direz-vous ! Mais pourquoi pas ?
Aussi, monsieur le ministre, je vous encourage à mettre en place un planning
qui permettrait d'assurer une occupation à 100 p. 100 des salles de travail, ce
qui augmenterait corrélativement la capacité d'acccueil pour les étudiants.
Un autre point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne
l'information des étudiants.
Les étudiants manquent très souvent d'informations quant aux perspectives de
carrière que laisse envisager leur cycle d'études et quant aux arcanes des
différents examens à passer. Nombreux sont ceux qui découvrent avec retard et
amertune que leur formation ne correspond pas forcément à la carrière qu'ils
entendaient embrasser.
Il serait bon d'informer les étudiants des choix qu'ils auront à faire, et ce
dès la première année.
Pour comprendre la nécessité de ce concept, je ne citerai qu'un exemple, très
significatif.
Un étudiant titulaire d'une maîtrise en droit peut se présenter à l'examen
d'entrée à un centre régional de formation professionnelle à la profession
d'avocat. Cet examen comporte une série d'épreuves écrites obligatoires et
d'épreuves orales facultatives. Facultatives, parce que, si, au cours de sa
formation antérieure, dès la deuxième année, l'étudiant juriste a choisi des
matières spécifiques dans lesquelles il a obtenu la moyenne, il sera dispensé
des épreuves d'admission à l'examen d'entrée au centre.
Or, aucun étudiant de deuxième année ou de licence ne choisit ses
enseignements en fonction de cet objectif, d'autant qu'il n'a connaissance de
ces possibilités qu'en maîtrise.
Le manque d'information pénalise nos étudiants. Il serait pourtant très simple
d'y remédier.
Par cet exemple, simple mais précis, on constate que, dans certains cas,
l'université n'informe pas assez les étudiants.
Monsieur le ministre, avec un système d'information national, simple à mettre
en place, il serait possible de pallier de nombreuses difficultés rencontrées
par les étudiants en matière d'orientation.
Je ne me bornerai pas à parler de l'hexagone je veux aussi évoquer l'«
université éclatée » en Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe, sans
oublier la Réunion et le Pacifique Sud.
Le contrat prévu jusqu'à l'an 2000 pour rattraper les déficits universitaires
antérieurs sera-t-il conforté, amélioré, reconduit, monsieur le ministre ?
J'insiste sur la création impérative du premier cycle des études médicales
dans ces départements. Sinon, sachez que, avant dix ans, vous n'aurez plus un
seul médecin antillais, guyanais ou natif de l'un des départements
d'outre-mer.
Le troisième cycle existe, c'est vrai, mais le premier cycle se fait en
métrople et les étudiants ne viennent plus.
Avant de conclure, je tiens à attirer une nouvelle fois votre attention sur le
fait que les étudiants et leurs professeurs attendent beaucoup de vous,
monsieur le ministre, comme vous attendez certainement beaucoup d'eux.
Il faudra donc jouer le jeu. Pour cela, il conviendrait, à une heure où de
nombreux jeunes sont inquiets quant à leur avenir, de prendre des mesures
dynamiques qui leur soient favorables, pour éviter que les classes qui leur
succéderont ne soient découragées à l'idée d'intégrer le monde du travail.
Je ne doute pas de votre volonté de relancer notre université, monsieur le
ministre. Certes, des voix se sont élevées pour dénoncer un simple discours de
la méthode - vous l'avez certainement lu dans la presse. Mais vous avez eu
raison de privilégier la concertation et de choisir la prudence. Je ne doute
pas que toutes les réponses et les rapports que vous avez reçus ne soient
autant de cahiers de doléances qui nourrissent bien ce que vous appelez des «
états généraux. »
La plupart des membres du RDSE sont disposés à vous aider dans votre mission,
monsieur le ministre. J'ajouterai, à titre personnel, des souhaits de réussite,
non pas pour donner satisfaction à un ministre, mais pour que nos jeunes soient
mieux armés et plus heureux à l'avenir dans l'Hexagone.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le ministre, je voudrais à mon tour rendre hommage à la méthode que
vous avez définie et obstinément appliquée depuis que le Premier ministre a
fait de la réforme de notre organisation universitaire l'une des priorités de
la politique de son gouvernement.
C'était il y a un peu plus d'un an, et force est de constater aujourd'hui que,
si la réflexion a considérablement progressé sur le sujet toujours sensible de
l'université, c'est que le travail de concertation, d'écoute et d'information
que vous avez mené depuis plusieurs mois a permis à tous les acteurs du monde
éducatif de se rencontrer et, finalement, de se retrouver autour des dix
questions que vous avez formulées devant nous et qui semblent définir la
problématique de la réforme nécessaire de l'université française.
Monsieur le ministre, nous avons besoin de faire évoluer nos institutions
universitaires. Nous avons besoin de lutter contre ce que vous avez appelé, à
juste titre, la « dévaluation implicite de l'université française ». Nous avons
besoin d'adapter aux exigences sans cesse plus rudes de notre temps notre
université, qui est un service public primordial, au sens étymologique du
terme.
Nous avions donc besoin de ce vaste débat. Le mérite de cette méthode fondée
sur la concertation et le dialogue est d'avoir su donner vie à ces dix
questions essentielles, dans un climat - et ce n'est pas le moindre de vos
mérites - que l'on peut objectivement considérer comme apaisé, puisque j'ai
observé que beaucoup sont prêts aujourd'hui à envisager des réformes dont ils
rejetaient hier et l'idée et le principe.
Tous ensemble, nous avons progressé dans la définition de ces questions. Il
nous appartient désormais d'apporter des réponses pertinentes à ces
interrogations, même si nous ne pouvons malheureusement guère spéculer sur les
contours exacts du budget pour 1997.
A cet égard, j'aurais aimé dire un mot sur les problèmes - également
essentiels - de l'équilibre de nos filières universitaires, de la recherche ou
du contenu des programmes. Mais, par manque de temps, je me bornerai à faire
quelques observations sur trois sujets qui me tiennent à coeur, en tant que
parlementaire, bien sûr, mais aussi en tant qu'ancien enseignant : il s'agit de
l'échec scolaire, de l'orientation et, enfin, et de la formation
professionnelle, les deux premiers me paraissant intimement liés.
Aujourd'hui - tous les observateurs en conviennent - l'université française
est fondamentalement malade de son premier cycle. Plus de la moitié de nos
étudiants s'y concentrent, et quatre sur dix d'entre eux n'accéderont jamais au
deuxième cycle. Ce chiffre est à la fois dramatique et symptomatique.
Il est dramatique pour les étudiants eux-mêmes, qui, faute d'avoir été
informés et orientés avant leur entrée à l'université, se retrouvent purement
et simplement écartés à jamais de la voie du succès universitaire, et donc
d'une carrière épanouissante.
Il est symptomatique, car il témoigne du grand paradoxe de notre système, qui,
refusant obstinément toute idée de sélection, la pratique pourtant, et cela
sous la pire des formes puisque nous sommes confrontés en l'espèce, monsieur le
ministre, à ce qu'il faut bien nous résoudre à appeler la « sélection par
l'échec », c'est-à-dire la sélection la plus injuste, la plus aveugle, celle
qui frappe, quasi systématiquement, les plus démunis socialement ou les plus
faibles.
Nous ne pouvons naturellement pas nous satisfaire plus longtemps de ce
formidable gâchis par notre pays. Pour remédier à ce drame, il faut donc mettre
en place une politique d'orientation, fondée sur une information complète et
systématique des lycéens - c'est-à-dire qu'il faut remonter au moins trois ans
avant l'entrée à l'université - car cette politique d'information, que j'ai
toujours suggérée depuis que je suis entré au Sénat, doit commencer dès le
lycée.
Il faut également que les parents, dont nous n'avons pas beaucoup parlé,
bénéficient largement de cette information.
En effet, nous devons observer que, contrairement à certaines idées reçues,
l'offre universitaire s'est considérablement diversifiée et qu'aujourd'hui ce
sont plus de 280 diplômes nationaux différents qui sont délivrés chaque
année.
Les parents, même lorsqu'ils sont eux-mêmes des produits du système
universitaire, ignorent souvent tout de ces formations nouvelles et se trouvent
placés dans l'impossibilité d'apporter à leurs enfants l'aide dont ils ont
besoin. C'est pour cette raison d'évidence qu'il conviendrait que les parents
fussent associés à cette vaste politique d'information.
Mais l'information seule ne suffira pas. Aussi faudra-t-il, comme d'autres
l'ont proposé avant moi, et je souscris pleinement à cette idée, faire de la
première année du premier cycle une année d'orientation articulée autour de
travaux dirigés, de conseils méthodologiques et de rencontres entre étudiants
et enseignants, afin que se dégage une convivialité plus forte. Les jeunes se
plaignent de la solitude dont ils souffrent dès qu'ils entrent à
l'université.
Cette année faite de prises en charge et d'échanges constructifs permettrait
certainement aux étudiants de trouver leurs marques dans un environnement
nouveau, dont ils ignorent souvent, par manque d'apprentissage, les méthodes et
la culture, et parfois même, par manque d'informations élémentaires, la
topographie.
Information avant, orientation après, telles me paraissent être, mes chers
collègues, les deux phases qui permettront à notre pays de faire l'économie de
cet immense naufrage pédagogique qui marque chaque année, pour notre jeunesse,
le passage du premier au deuxième cycle.
Je forme des voeux, monsieur le ministre, pour que les états généraux de
l'université constituent un premier pas vers ces changements, qui me paraissent
être le préalable nécessaire à toute réforme de notre système.
Je voudrais également dire deux mots des problèmes relatifs à la formation
professionnelle, c'est-à-dire de la nécessité d'établir une passerelle stable
et ouverte à tous entre le monde du travail et celui de l'enseignement
supérieur.
Il me semble que notre pays souffre d'un certain retard dans la façon dont il
appréhende les rapports qui devraient exister entre les entreprises et
l'université. Comme vous l'avez remarqué vous-même, monsieur le ministre, ce
retard s'explique sans doute par une certaine tradition académique française
qui a toujours exagérément choyé le conceptuel au détriment du concret.
Je crois, de ce point de vue, que l'expérience américaine, dont je connais
bien les vices et les vertus, pourrait nous permettre de dégager quelques voies
simples qui permettraient au système français d'évoluer positivement tout en
conservant son âme.
Il faudra repenser les rapports entre universités et entreprises, en
multipliant les rencontres et les contacts. Il faudra également imaginer, dans
certaines filières, des programmes dont le contenu sera susceptible de varier
en fonction des réalités économiques du moment.
Toutes ces questions relatives à la nécessité de renforcer le lien entre le
monde universitaire et le monde économique ont été évoquées avant moi, je n'y
reviendrai pas.
En revanche, je voudrais insister sur une idée très simple et peu onéreuse.
Elle a trait au rôle que peuvent jouer les amicales d'anciens étudiants. Il y
en a des milliers aux Etats-Unis, et elles jouent un rôle fondamental dans
l'établissement et le maintien d'un pont permanent entre les entreprises dans
lesquelles sont entrés les anciens étudiants et les universités qu'ils ont
fréquentées.
J'ai toujours regretté qu'en France l'université - bien que l'on y passe en
moyenne quatre ans - soit un lieu vers lequel on ne revient plus, avec lequel
on n'a plus aucun contact, alors qu'il me paraît essentiel que l'université
soit le centre des activités culturelles, scientifiques et industrielles, de
toutes les activités vitales de la nation. C'est une chose que l'on a pas
comprise ou que l'on ne veut pas établir, ce qui m'a toujours un peu surpris.
Les étudiants, les entreprises et, naturellement, les universités elles-mêmes
en tireraient le plus grand profit.
Cette pratique, conviviale sur le plan social, et très efficace sur le plan
économique, n'est pas développée en France, sauf pour les grandes écoles dont
nous admirons les résultats et apprécions l'efficacité. Pourquoi ne pas
l'étendre à d'autres établissements que les grandes écoles ?
Il est regrettable qu'une telle pratique ne soit pas développée, car les
étudiants auraient, je pense, tout à gagner à voir se créer et s'animer de
telles structures.
Nous en convenons tous, la réforme de l'université française est une nécessité
absolue pour notre pays. Le débat que vous avez su initier, monsieur le
ministre, a eu le mérite de nous le rappeler, et tous les collègues
non-inscrits se joignent à moi pour vous en remercier.
Je ne saurais cependant, monsieur le ministre, terminer mon intervention sans
appeler votre attention sur la situation dans laquelle se trouvent nos
compatriotes expatriés.
En effet, toutes les difficultés qui ont été mises en lumière tout au long de
ce débat et auxquelles un étudiant hexagonal a du mal à échapper se multiplient
naturellement dès lors que l'on est éloigné de la France.
Les informations sont plus difficiles à recueillir, les communications sont
souvent hasardeuses et les démarches les plus simples deviennent soudainement
beaucoup plus complexes.
Aujourd'hui, pour un jeune bachelier expatrié - et nous en avons beaucoup dans
le monde - l'entrée dans une université française s'apparente encore trop
souvent à un véritable parcours du combattant.
J'espère donc, monsieur le ministre, que nos jeunes expatriés ne seront pas
oubliés et que la vaste politique d'information que j'appelais tout à l'heure
de mes voeux franchira la porte de tous nos établissements scolaires à
l'étranger, ainsi que celle de toutes nos ambassades.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut
qu'approuver la démarche qui a conduit aux états généraux de l'université ainsi
que la définition, dans les dix questions retenues, de l'essentiel des
problèmes qui se posent actuellement au monde universitaire.
On peut presque estimer que la question a été abordée dans sa globalité au
cours de ces états généraux, que j'ai personnellement suivis de près.
Certaines universités se sont passionnées pour cette technique puisqu'elles
ont décidé de prolonger dans les années à venir de tels états généraux et d'en
faire une structure permanente.
Il convient également de noter que les conclusions de ces états généraux ont
été, non pas des cahiers de doléances - c'est là un élément tout à fait
important - mais un recueil et un examen lucide des propositions émanant non
seulement du ministre, mais des universités elles-mêmes.
Il a été de bon ton, tout au long de ce débat, de souligner la crise de
l'université, qui est surtout une crise de croissance due à la démocratisation
de l'université et à la « massification » à laquelle elle doit faire face. Au
départ, l'université n'était en effet pas faite pour faire du quantitatif. Elle
était faite pour faire du qualitatif.
La situation a été, conjoncturellement, je l'espère, aggravée par le
développement du chômage, qui a induit un allongement de la durée des études
et, dans une certaine mesure aussi, le développement d'« études refuges »
destinées à retarder autant que faire se peut l'entrée dans le monde du
travail.
Cette situation a été compliquée, en outre, par une absence autrefois de
prospectives au niveau des ministères de l'éducation nationale et de
l'enseignement supérieur. En effet, la plupart du temps, les problèmes
universitaires ont été réglés à chaud, à l'issue de crises, après de longues
périodes de répit. Pour la première fois, on va essayer de régler les problèmes
de l'université non pas à chaud, mais à froid, à l'issue d'une longue période
de concertation.
On a trop longtemps manqué de prévisions sur les perspectives de débouchés ou
sur les besoins à moyen terme du marché du travail. On a également trop
longtemps manqué de prévisions sur les perspectives de recrutement dans
l'enseignement, ce qui a entraîné, comme chacun le sait, des effets d'accordéon
entre les années où nous ne recrutions pas et celles où nous recrutions, ce qui
est particulièrement néfaste pour les perspectives dans certaines branches de
formation.
Trop longtemps, le ministère n'a pas analysé non plus les coûts réels des
études supérieures.
On ne peut que se féliciter que cet aspect des choses ait été, au cours des
dernières années, pris en charge par l'observatoire des coûts et par la mise en
place du système analytique de répartition des moyens, baptisé à l'époque San
Remo, qui a permis d'améliorer la connaissance en profondeur du coût réel de
l'étudiant. Beaucoup de progrès restent à faire dans ce domaine : notamment, il
ne faut pas systématiquement prendre comme élément de référence le taux actuel
d'encadrement des diverses formations, qui est précisément une cause de
discrimination.
On peut aussi regretter que l'université classique ait eu à faire face à des
difficultés qui auraient dû, dans une certaine mesure, être prises
naturellement en charge par le système des grandes écoles.
On doit constater que l'essentiel des nouveaux étudiants est allé vers
l'université faute de capacités d'accueil dans les grandes écoles. Le
pourcentage des élèves des grandes écoles, par rapport à celui d'il y a vingt
ans, a, je crois, diminué, malgré l'augmentation du nombre des élèves.
Après ces quelques remarques générales, permettez-moi, monsieur le ministre,
d'aborder quelques éléments techniques, toujours en tant qu'universitaire.
Tout d'abord, on n'a pas suffisamment dit que les universités ne sont ni
comparables ni égales. Elles n'ont pas le même âge : les unes sont anciennes et
fort connues ; d'autres sont nouvelles et ont des difficultés à se faire
connaître. Les unes sont grandes, comptant parfois plus de 30 000 étudiants ;
les autres sont petites, accueillant 5 000, 6 000, 7 000 étudiants. Certaines
sont pluridisciplinaires, d'autres bidisciplinaires voire monodisciplinaires.
Enfin, certaines peuvent faire de la recherche, d'autres n'en ont pas
véritablement les moyens, les capacités ou les concours.
Or toutes ces universités sont en fait traitées de la même façon par une
centralisation qui, au cours des années, s'est renforcée et développée, et est
devenue plus excessive. Je crois bon de rappeler la volonté toujours affirmée
de l'autonomie des universités, mais souvent contrariée par un renforcement des
contrôles ou une rigidité trop grande dans les procédures.
Par conséquent, il faut consentir une plus grande autonomie aux universités,
notamment en ce qui concerne le fonctionnement statutaire. Je crois qu'il n'est
pas normal que toutes les universités, quelle que soit leur taille, quelle que
soit leur spécificité, doivent fonctionner de la même façon. De même, est-il
normal de multiplier les conseils comme cela s'opère ici ou là ?
En fait, cette autonomie statutaire est la seule qui permette le développement
du partenariat des universités avec, par exemple, les collectivités
territoriales, les partenaires économiques et sociaux et - pourquoi pas ? -
celles dont on n'a pas parlé au cours des états généraux et qui sont en dehors
des universités mais qui dispensent aussi de l'enseignement supérieur : les
grandes écoles, les classes préparatoires, les classes de techniciens
supérieurs.
Un mot en ce qui concerne les personnels.
Il faut rendre hommage à la plus grande partie d'entre eux. Les enseignants du
supérieur ont témoigné d'un sens du service public et d'un dévouement assez
remarquable au cours de toutes ces transformations qui ont touché l'université.
Je tiens à saluer les présidents, les vice-présidents, les directeurs, les
doyens, les membres des bureaux, les responsables de filières et les directeurs
d'IUT ; qui se sont donnés à fond en faveur de l'adaptation et de la
transformation de l'université.
Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le ministre, il n'est tenu que très
peu compte de ce dévouement et de ces qualités pédagogiques dans le déroulement
de carrière de ces enseignants. Il est souhaitable, à côté de la promotion par
la recherche, d'envisager une autre promotion, qui est la reconnaissance des
services rendus, parfois dans des conditions très difficiles, par toute une
série d'universitaires et de personnels administratifs, techniques, ouvriers ou
de service.
En ce qui concerne les filières, enfin, on a dit beaucoup de choses au cours
du débat. On a notamment évoqué le taux d'échec dans le premier cycle
universitaire.
Je voudrais tout de même attirer votre attention, mes chers collègues, sur le
fait que cet échec est en France - mais les données ne sont pas les mêmes -
très largement comparable à ce qu'il est à l'étranger.
Faut-il rappeler qu'en Allemagne, où l'étudiant passe ses examens non pas à la
fin de l'année universitaire mais à la fin de ses études, le pourcentage
d'échecs est comparable à celui que l'on enregistre en DEUG ? Cela ne veut pas
dire que les étudiants qui ont échoué à l'université, souvent d'ailleurs parce
qu'ils n'ont pas passé leurs examens, ne trouvent pas à s'insérer dans la vie
professionnelle. On reconnaît en effet aux jeunes qui ont passé trois ou quatre
années à l'université des talents, une maturité et des connaissances, certes
non sanctionnés par un diplôme, mais utilisables dans la vie
professionnelle.
Cela dit, il existe un moyen de remédier à l'échec. Il s'agit, tous les
universitaires le savent, d'assurer, dans les filières classiques, dans les
DEUG, le même encadrement pédagogique que dans les IUT et dans les BTS. Je vous
garantis qu'alors le taux d'échec diminuera considérablement. Quand on
travaille au sein d'un petit groupe de vingt-cinq ou de trente étudiants, que
l'on est suivi, que l'on passe des examens toutes les semaines, il n'y a
pratiquement plus d'échec. Evidemment, cela a un coût ; chacun sait qu'un
étudiant en IUT coûte beaucoup plus cher qu'un étudiant en filière
classique.
On a envisagé la mise en place de DEUG plus généraux. Cela pose un problème
qui n'a pas encore été abordé.
En effet, les DEUG plus généraux risquent d'induire un effet pervers, à savoir
l'allongement de certaines études. Si l'on rétablit une sorte de propédeutique,
où les étudiants feront un peu de tout, mais où ils n'apprendront pas les bases
essentielles de la discipline dans laquelle ils veulent se spécialiser, il sera
fréquent de considérer qu'à l'issue de ce cycle ils devront faire une année
supérieure.
Cela m'amène à poser un problème qui n'a pas été abordé au cours des états
généraux, celui de notre système d'études en deux plus deux : deux ans de DEUG,
deux ans de second cycle avec licence et maîtrise.
Ce système n'est pas universel, loin de là ! Dans un certain nombre de pays,
c'est plutôt trois plus deux ; il en est ainsi notamment en Grande-Bretagne et
en Allemagne.
Cette question nous intéresse parce que nous savons que, dans le cadre de la
réforme des études technologiques supérieures, se pose le problème de
l'allongement éventuel des études en DUT ou du passage des titulaires du DUT
dans le second cycle.
Un autre problème se pose à propos des filières : celui de l'ouverture.
Ainsi, en France, on fait des études immédiatement après le bac et il est
extrêmement rare de revenir à l'université - sauf au niveau du troisième âge -
contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays. Je crois que les universités
ont raté le tournant de la formation continue qualifiante, de la formation
adressée à un adulte qui, à un moment donné de sa vie, avec ses acquis
professionnels, son expérience, reprend des études à quelque niveau que ce
soit. Je viens d'apprendre que l'on peut maintenant préparer par correspondance
sur Internet un MBA, un
master of business administration,
destiné aux
adultes, cette préparation s'effectuant naturellement en langue anglaise et
contre espèces sonnantes et trébuchantes. Tenez-vous bien : 20 000 étudiants
sont d'ores et déjà inscrits à ce MBA !
Cela pose le problème de la professionnalisation et des filières
technologiques, qui est l'un des éléments clés de la réforme.
On a beaucoup parlé de la professionnalisation ; mais permettez-moi d'être un
peu plus nuancé qu'un certain nombre de mes collègues, car il ne faut pas
mélanger plusieurs choses.
En effet, professionnaliser les études, c'est faire éclater l'université en
une multitude d'écoles professionnelles, avec tous les risques que cela
comporte.
Le premier risque, c'est de préparer les étudiants à des métiers qui auront
disparu lorsqu'ils quitteront l'université.
Le deuxième risque, c'est qu'en professionnalisant on spécialise ; or, en
spécialisant, on pourrait rendre peu adaptables à des changements et à des
mutations les étudiants qui ont été formés.
En réalité, l'objectif à atteindre est d'assurer aux étudiants un bon niveau
de qualification et de formation et de leur apporter une connaissance du monde
économique, grâce à l'intervention des professionnels, grâce surtout aux stages
et à l'enseignement en alternance. Mais professionnaliser trop étroitement des
études supérieures comporte de nombreux risques et obligera ceux qui auront été
ainsi spécialisés à revenir tôt ou tard sur les bancs de l'université pour se
réadapter à des professions nouvelles.
Quant à la filière technologique, elle existe déjà, mais son organisation
n'est pas claire : elle englobe les STS - sections de techniciens supérieurs -
les IUT - instituts universitaires de technologie - les MST - maîtrises de
sciences et techniques - les IUP - instituts universitaires professionnalisés -
les DESS - diplômes d'études supérieures spécialisées - ainsi que les nombreux
diplômes de troisième cycle qui seront mis en place.
A ce propos, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur un risque qui
tient à la tentation de créer, en marge des universités, des universités
technologiques formant les étudiants depuis « bac + 1 » jusqu'à « bac + 6 », et
de couper les filières technologiques de leur environnement scientifique
naturel qui est souvent dispensé dans les filières plus classiques.
Je souhaite que cette idée de la filière technologique soit examinée avec
beaucoup d'attention et qu'elle ne soit pas définie de façon autoritaire. Je
suis convaincu qu'il peut y avoir des solutions différentes, parfaitement
adaptées, d'une université à l'autre.
Enfin, monsieur le ministre, je terminerai mon propos en évoquant deux points
qui me préoccupent particulièrement.
Le premier, et je crains que l'on n'en parle pas assez, réside dans la
nécessité absolue pour tous nos étudiants d'apprendre les langues étrangères.
Un étudiant qui, à l'heure actuelle, ne parle pas l'anglais est aveugle ; un
étudiant qui ne parle que l'anglais est borgne.
Je sais qu'un tel objectif représente un coût assez important, mais peut-être
pourrions-nous y parvenir en faisant des économies sur certaines matières à
option, qui font plaisir à tel ou tel, à tel ou tel endroit. En tout cas,
l'enseignement des langues est absolument primordial, notamment pour assurer la
mobilité de nos étudiants dans d'autres universités au cours de leur formation.
Cet échange d'étudiants qui permet aux uns et aux autres de voir ce qui se
passe ailleurs, les rend plus adaptables et plus performants dans la lutte sur
le marché du travail international dans lequel nous vivons.
J'aborde le second point qui me semble un peu inquiétant.
Comme on l'a dit ce matin, la France se situe en troisième position pour la
qualité de sa recherche. Malheureusement, le nombre de chercheurs étrangers
diminue d'année en année. Aussi, je demande solennellement que, parallèlement
aux programmes européens, nous donnions la possibilité aux
post-graduate
de suivre toutes nos disciplines, comme cela se faisait voilà encore peu.
En particulier, l'apparition de nombreux Etats à l'Est nous impose d'accueillir
ceux qui seront sensibles à la qualité de notre science et qui, en même temps,
deviendront des ambassadeurs de la francophonie.
M. Jean-Louis Carrère.
Ça ne va pas avec les réductions budgétaires !
M. Patrice Gélard.
Le processus que vous avez engagé est positif, monsieur le ministre, mais,
hélas ! chacun le sait, la voie est difficile. Il ne faut pas se cacher les
réalités : améliorer l'efficacité de l'université, l'adapter aux exigences du
monde contemporain, faire en sorte qu'elle offre aux étudiants et aux
enseignants des perspectives réelles de concrétisation de leurs espoirs, cela
a, nous le savons tous, un coût.
Ne pas confronter les objectifs aux moyens serait la plus grande erreur et
engendrerait de graves désillusions.
En conclusion, monsieur le ministre, nous tenons à vous assurer de notre
confiance, mais aussi de notre vigilance.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Falco.
M. Hubert Falco.
Vous êtes, monsieur le ministre, confronté à une tâche difficile mais
essentielle : réformer avec ambition et cohérence l'enseignement supérieur de
notre pays.
Vous avez ainsi la charge de concilier les missions de l'université avec les
exigences du marché de l'emploi tout en préservant la vocation traditionnelle
mais essentielle de l'université française, dispensatrice d'un savoir
désintéressé qui consiste à transmettre à notre jeunesse notre patrimoine
culturel et, par là même, une certaine vision du monde.
Vous devez donc, pour réconcilier l'université avec ses étudiants, donner à
chacun des chances égales de réussite universitaire et d'accès à l'emploi.
L'université ne doit plus être considérée par nos lycéens comme un pis-aller.
Elle doit constituer, au contraire, une filière d'excellence conduisant aux
portes du succès.
Certains, à tort, ont critiqué votre méthode. Les échecs passés démontrent
pourtant qu'il n'y a pas d'autre voie que le dialogue pour répondre aux défis
que l'université française doit relever.
En ce sens, je souhaiterais, monsieur le ministre, vous faire part de quelques
réflexions sur les liens unissant l'université et ses partenaires et, plus
particulièrement, sur le rôle que les collectivités locales sont amenées à
tenir en ce domaine.
La première concerne le maintien d'une « université de proximité ».
Les études supérieures signifient en effet trop souvent, pour de nombreux
étudiants, le départ vers les départements voisins.
C'est le cas dans le Var, où, notamment du fait de l'augmentation considérable
de la population, les structures universitaires ne permettent pas de répondre
aux besoins.
Au déracinement familial qui en résulte s'ajoutent les difficultés financières
qui concourent à rendre plus difficile encore la nécessaire adaptation des
étudiants passant du lycée à l'université.
Livrés à eux-mêmes, sans véritable encadrement universitaire et familial, les
nouveaux étudiants rencontrent de réelles difficultés à intégrer des modalités
de travail différentes et, trop souvent, survient l'échec.
Pour ces différentes raisons, il apparaît essentiel de préserver et
d'encourager une université de proximité participant au « maillage » des grands
pôles universitaires.
Il s'agit de garantir l'accès du plus grand nombre aux études supérieures et,
comme vous l'avez très justement dit, monsieur le ministre, de donner à chacun
les conditions matérielles de sa réussite.
Préserver l'université de proximité, cela signifie, pour un département comme
le Var, qu'il ne soit pas le parent pauvre par rapport aux Alpes-Maritimes et
aux Bouches-du-Rhône. Il importe donc que l'Etat accentue son effort en faveur
de l'université varoise afin de réduire rapidement l'écart existant avec ses
voisines.
Le département du Var, pour sa part, a réalisé un effort sans précédent dans
le cadre du plan université 2000. C'est ainsi que plus de 400 millions de
francs ont été accordés pour rénover et étendre les structures de l'université
et donner à nos étudiants des locaux modernes et adaptés.
Notre département accorde en outre, annuellement, 1,5 million de francs de
subventions de fonctionnement aux structures universitaires, auquel s'ajoutent
plus de 2 millions de francs pour financer l'antenne délocalisée de la faculté
de droit implantée à Draguignan.
A ce propos, monsieur le ministre, certains critiquent la mise en place
d'antennes universitaires. Il est vrai que cette politique doit être contenue
dans certaines limites si l'on veut éviter le risque de voir exploser le budget
de votre ministère.
Il faut toutefois rappeler le rôle éminent de ces petites unités qui
permettent l'accès des plus démunis - ce n'est pas vous qui me contredirez sur
ce point, monsieur le ministre - aux études supérieures et qui s'intègrent
parfaitement dans la logique d'aménagement du territoire voulue par l'Etat.
Cet effort des collectivités locales, qui s'impliquent au-delà des compétences
qui leur ont été transférées du fait de la décentralisation, impose qu'elles ne
soient pas considérées comme de simples financeurs.
Si leur intervention ne doit pas se traduire par une immixtion dans la
conduite de la politique universitaire, qui est de la seule compétence de
l'Etat, elle doit consister à établir un partenariat constructif avec
l'université afin que celle-ci s'adapte mieux aux besoins des populations et
aux conditions socio-économiques des unités géographiques concernées.
La confiance des jeunes en l'université passe par la capacité de celle-ci à
mettre en place un soutien adapté et personnalisé à l'étudiant afin de
favoriser son intégration et, en fin d'études, de permettre son accès à
l'emploi.
Là encore, le dialogue entre collectivités locales et université doit
s'instaurer pour prendre des formes nouvelles.
Le département du Var explore, en partenariat avec son université, différentes
formes de soutien visant à améliorer et à faciliter le travail des étudiants,
ainsi qu'à éviter l'échec scolaire qui touche 60 p. 100 des étudiants en
premier cycle universitaire.
De même, nous envisageons la mise en place d'un système d'aide à l'insertion
économique postuniversitaire.
Il appartient, me semble-t-il, aux collectivités locales, là encore en
concertation avec l'université, qui doit s'ouvrir au monde, d'oeuvrer à
favoriser l'accès des jeunes à la vie active.
Voilà, monsieur le ministre, les quelques pistes de réflexion que je
souhaitais mettre en avant dans l'examen des liens unissant l'université et ses
partenaires.
Les collectivités locales sont prêtes à s'investir en faveur de leur jeunesse,
en allant bien sûr au-delà, pour ce faire, de leur simple aide financière.
Le monde universitaire, de son côté, connaît une profonde évolution et il
souhaite, par-delà la simple transmission du savoir, avancer lui aussi dans
cette concertation que de nombreux élus locaux appellent de leurs voeux.
Il nous reste à trouver un cadre adapté, qui nous permette de progresser
ensemble avec l'Etat sur la voie d'une université française moderne, riche de
son histoire et tournée vers l'avenir, dans l'intérêt de notre jeunesse et,
donc, de notre pays.
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants est à vos
côtés dans la tâche difficile que vous menez. Nous connaissons votre ténacité,
votre opiniâtreté et nous sommes certains que vous mènerez cette tâche à bonne
fin, pour le bien de la France.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard.
Monsieur le ministre, il était temps !
En effet, si ce débat sur l'enseignement supérieur intervient au Sénat
quelques semaines avant que vous ne fassiez connaître vos propositions
formelles, il arrive aussi après plus de trois années où la même majorité -
sinon les mêmes hommes : c'est votre excuse - a exercé le pouvoir. Or, pendant
ces trois années, jusqu'à ce que s'ouvre ce débat, cette majorité n'a pas dit
grand-chose ni fait vraiment grand-chose en ce qui concerne l'enseignement
supérieur. Mais je ne veux pas, ici, polémiquer.
Vous le savez, on m'a reproché de n'avoir pas assez fait, pas assez rapidement
! Pourtant, en trois années, mon gouvernement avait consenti le plus grand
effort budgétaire accompli depuis la guerre, revalorisé la condition
enseignante en sachant reconnaître et distinguer les fonctions de recherche et
les fonctions pédagogiques, créé les instituts universitaires de formation des
maîtres, les instituts universitaires professionnalisés, redonné vie à la
recherche universitaire, mis en place le plan Université 2000, sans lequel
l'université aurait croulé sous le nombre.
Vous permettrez à l'inventeur des contrats de plan - j'étais alors ministre du
Plan - de se réjouir au passage de l'hymne que vous leur avez consacré tout à
l'heure, indiquant l'usage que vous souhaitez en faire, pour le bien de
l'université. Avant que cette méthode ne soit mise au point, l'Etat, arrogant,
supérieur à tous ses « sujets », n'aurait su contracter avec aucun de ses
administrés !
Mais, je n'entends pas en dire plus sur le passé. Il reste que comparaison
vaut parfois raison !
Nous vous attendions. Il était temps !
J'entends, bien sûr, consacrer mon court propos à l'avenir, d'abord en posant
quelques questions, puisque nous sommes dans l'attente de décisions, ensuite en
vous faisant part de quelques-unes de mes convictions, tout en vous assurant au
passage, vous vous en doutez, de mon entier soutien à chacune des propositions
de mon ami M. Carrère, qui a accompli un travail très précis, ainsi que vous
l'avez reconnu ; nous serons attentifs aux suites qui seront données à ces
propositions.
Depuis maintenant plus de trente années, le débat sur l'enseignement supérieur
et, plus généralement, sur l'éducation n'a pas cessé.
Il n'y a là rien que de naturel, à condition que nous gardions en mémoire que
nous sommes en présence non pas d'une crise française de l'enseignement
supérieur mais - vous le disiez d'ailleurs à peu près dans ces termes - d'une
crise mondiale, liée aux changements structurels que tous les systèmes ont dû
connaître ces dernières décennies. Nous passons d'une structure pyramidale à
une structure cylindrique, avec des effectifs gigantesques, et cela change tout
dans notre manière d'aborder et de traiter les problèmes.
Faut-il le regretter, comme certains - pas vous, monsieur le ministre - le
font dans votre majorité ? Cela serait d'abord inutile, car cette évolution est
générale. Cela serait ensuite une erreur, car l'élévation du niveau d'éducation
est une absolue nécessité.
Cette évolution, aujourd'hui comme hier, pose trois types de problèmes.
Elle pose d'abord un problème économique : qui doit payer et comment ? Le coût
de l'enseignement supérieur est évidemment lourd.
Elle pose ensuite un problème de création de postes d'enseignant, mais aussi
de formation des enseignants, sachant qu'en 1950 il y avait 3 000 enseignants
dans le supérieur et que vous avez aujourd'hui la charge d'en former 3 000 par
an pour combler les besoins. Quelle différence !
Elle pose enfin un problème de logique d'ensemble : comment orienter les
jeunes bacheliers ? Comment lier la formation initiale et la formation continue
tout au long d'une vie ?
Ces questions essentielles exigent des réponses claires. Pour avoir une chance
de les apporter, nous devons prendre conscience que le malthusianisme serait
une erreur majeure au regard de l'avenir de notre pays.
Une certaine droite - je répète que vous n'en êtes pas, mais je veux
l'incriminer - a pensé et pense encore peut-être qu'il faut avant tout réduire
le nombre d'étudiants. Cela s'est dit, mais, heureusement, pas dans cette
enceinte.
Non, la sélection
a priori
n'est pas une réponse, vous l'aviez dit
ailleurs, monsieur le ministre, vous l'avez répété ici ce matin, et j'espère
que cela engagera tout le Gouvernement à vos côtés.
J'ai pourtant quelques inquiétudes, car, dans les choix budgétaires du
Gouvernement et dans nombre de déclarations venant de la droite, je ne vois
rien qui soit à la hauteur des problèmes qui se posent à nous tous, et
particulièrement à vous.
Je prendrai trois exemples de nature différente.
Premier exemple : nous sommes face à un budget qui prévoit une augmentation
quelque peu factice et qui conduira à des restrictions notables. En décembre
1995, vous aviez annoncé la création de 3 000 postes par an jusqu'en 1999. Vous
ne fûtes pas tout à fait suivi : en 1996, il doit y avoir, si nous avons bien
lu, 1 344 postes, dont 525 régularisations.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Quatre mille postes, dont 2 000 postes d'enseignant !
M. Michel Rocard.
Alors, quelque part, des chiffres sont à rectifier dans un document officiel,
car je n'ai évidemment pas inventé ceux que j'ai cités !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Vous avez pris le premier projet de loi !
M. Michel Rocard.
Merci de cette précision, qui ira droit au coeur de beaucoup de gens,
notamment au mien.
Nous allons chercher, en tout cas, pourquoi le chiffre de 1 344 postes, dont
525 régularisations, circule.
Issu de la grande maison des finances, j'ai une déformation : je préfère m'en
tenir aux documents d'application plutôt qu'à des documents plus généraux.
C'est sûrement un travers. Quoi qu'il en soit, je vous souhaite victoire face à
Bercy !
Il reste que cela augure mal des moyens qui pourront être avancés demain,
alors que la deuxième tranche du plan Université 2000 doit être mise en
oeuvre.
Deuxième exemple : dans les rapports de MM. Bourg-Broc et Dubernard, j'ai
découvert le projet de donner aux universités un « statut analogue aux
collectivités locales ». Premièrement, ce n'est pas très clair. Deuxièmement,
c'est un peu inquiétant.
La remise en cause de la loi Savary est une antienne dans votre camp. Cela ne
lui a pourtant pas porté chance. La droite a déjà échoué deux fois dans cette
entreprise : en 1986 et en 1993. Je ne vous souhaiterai pas bonne chance sur ce
sujet. Je souhaite que vous apportiez vite les clarifications nécessaires.
Je crois beaucoup à l'autonomie des établissements supérieurs. Permettez-moi
une anecdote à ce sujet.
Une de mes premières décisions en arrivant à Matignon a été d'arracher une
amélioration substantielle du règlement comptable des universités. Je vous dois
l'aveu que je n'ai eu que le tiers de ce que je voulais. Bercy est toujours là
!
Nous sommes toujours en train de faire attendre nos professeurs associés
invités, leur payant leurs frais de mission et leur premier salaire avec trois
ou quatre mois de retard, alors que nos propres professeurs, lorsqu'ils sont
associés invités à l'étranger, reçoivent leur chèque en arrivant. C'est un
problème que je vous engage à régler rapidement. Moi, je n'ai pas pu le régler
; il n'y a donc pas de leçon de ma part, monsieur le ministre, et je serais
éperdu d'admiration si vous parveniez à le faire, car cela compte dans la
dignité de la maison dont vous avez la charge.
Quoi qu'il en soit, autant nous pouvons privilégier l'autonomie des
établissements d'enseignement supérieur, jusqu'à cette conséquence comptable,
en favorisant la contractualisation avec l'Etat - associez à chaque université
une fondation, dotez-les patrimonialement ; si vous commencez comme cela,
personne ne discutera et, petit à petit, on les verra riches, un jour ; mais,
naturellement, ce n'est pas un socialiste partageur et nationalisateur qui vous
l'aura dit !
(Sourires.) -,
autant nous ne pouvons accepter le pur et simple
accroissement des inégalités entre universités riches et universités pauvres,
qui est aussi une forme de sélection.
Troisième exemple : le jeu sur l'idée du référendum. Je crois savoir, monsieur
le ministre, que vous n'y êtes pas absolument favorable ; en tout cas, on ne
vous a pas entendu vous déchaîner pour soutenir la cause du référendum ; mais
la proposition est sans cesse remise en avant par le RPR.
Or que voudrait dire réformer l'université par référendum ? A quelle question
sur les premiers cycles universitaires, sur les rapports avec les collectivités
locales, etc., peut-on répondre par oui ou par non ?
Il y a là un vrai danger de rallumer un antagonisme profond. En tout cas,
monsieur le ministre, dans l'histoire de la Ve République, c'est la toute
première fois qu'il est ainsi largement fait état d'un référendum sans que
quiconque ait la moindre idée de la question sur laquelle il pourrait
porter.
Cela figurait dans mes notes avant l'ouverture de cette séance. Cependant,
après avoir écouté mes collègues avec une attention soutenue, je crois que vous
allez pouvoir quitter cette enceinte en clamant que vous avez gagné. En effet,
presque aucun des orateurs de votre majorité n'a évoqué le sujet. Le seul qui
l'ait fait, qui appartient au groupe du RPR, s'est exprimé avec une extrême
prudence, qui devrait conforter votre position : il a posé des conditions
rendant le référendum proprement impraticable.
Dites donc que vous avez gagné ! Débarrassez-nous de cela ! Croyez-moi,
monsieur le ministre, il y aura des gens pour vous comprendre.
Cela ne veut pas dire que je suis prêt à vous approuver sur beaucoup d'autres
sujets. Il y a entre nous des divergences majeures. J'appartiens à la gauche,
je lui suis fidèle, je crois à des choses auxquelles vous ne croyez pas
beaucoup. Mais au moins avons-nous là un combat commun. Ne laissez pas mettre
le feu à cette convergence des volontés tendues vers le refus de la
simplification des problèmes de notre université et à laquelle un référendum
improvisé mettrait sans doute fin.
Tout cela dessine un contexte qui explique que la confiance n'est pas,
aujourd'hui, vraiment au rendez-vous.
Les états généraux de l'enseignement supérieur ont été tout aussi formels que
le débat sur le service national !
Jusqu'ici, monsieur le ministre, vous avez tenu des propos généraux. Je vois
dans l'attention de votre écoute que vous vous préparez à sortir de l'ambiguïté
- il est temps ! - quitte à subir, de ce fait, quelques inconvénients.
J'en viens à la deuxième partie de mon propos, qui me conduira à vous faire
part de quelques-unes de mes convictions.
L'éducation doit retrouver une priorité budgétaire, celle-ci étant interrompue
depuis trois ans. La question budgétaire est d'ailleurs la seule sur laquelle
vous avez choisi de répondre déjà à tel de nos collègues.
Permettez-moi de donner un peu de solennité à ce volet de mon propos.
Je suis de ceux - nous sommes peu - qui ont eu la charge de réduire
significativement le décifit public, et qui l'ont fait. J'ai fait cela ! J'ai
eu à faire le choix de procéder ici ou là à des amputations sévères,
douloureuses, parfois dramatiques. On ne s'y fait pas toujours que des amis, je
le sais.
Mais, monsieur le ministre, il y a dans l'activité publique deux domaines -
et, à ma connaissance, deux seulement - à propos desquels l'opinion considère
que le pays leur affecte une part de la richesse qu'il produit chaque année
inférieure aux exigences du service qu'elle attend : l'un correspond à un petit
budget, la justice, l'autre, à un très gros budget, le vôtre, l'éducation.
Notre dépense par étudiant est de 33 p. 100 à 50 p. 100 inférieure à ce que
font toutes les autres grandes nations démocratiques. Or notre avenir se joue
principalement là.
Nous savons tous - enfin, presque tous ! - que le budget de la République ne
s'équilibre pas comme cela. L'« autre politique » n'est pas à portée de main si
vite, et je vous ai compris, monsieur le ministre, dans certaines de vos
réponses. Mais vous qui êtes le ministre de l'avenir - un de vos prédécesseurs
revendiquait même ce titre ; on ne le lui a pas donné administrativement mais
c'est bien ce que vous êtes -, vous ne pouvez pas accepter la limitation et la
réfaction ou la réduction proportionnelle.
L'école et l'université de notre pays ont absolument besoin de vous voir
gagner sur la nécessité de préserver l'éducation, car celle-ci n'obtient pas la
hauteur du sacrifice public dont elle a besoin.
C'était ma première phrase après mon retrait des fonctions de Premier
ministre, en 1991 : cet effort devra être continué. Il venait de quelqu'un qui
avait fait les économies correspondantes. Je vous souhaite bonne chance,
monsieur le ministre, car nous sommes tous attachés à votre succès à cet égard,
même si nous ne sommes que modérément optimistes.
En tout cas, le succès de la réforme que vous préparez, il est là, vous le
savez fort bien.
Nous devons, en outre, penser l'enseignement supérieur dans son ensemble et ne
pas nous contenter du dualisme entre les grandes écoles et les universités.
Nous devons attaquer de front trois problèmes difficiles, à savoir
l'orientation, la professionnalisation et la décentralisation.
Nous devons être très attentif à la recherche universitaire qui, seule, fait
un enseignement supérieur. Toutefois, je vous le répète, les traductions
budgétaires doivent être assurées.
Nous devons également éviter la démagogie en privilégiant le dialogue avec les
enseignants, les personnels universitaires et les étudiants.
Nous devons, enfin, inciter clairement l'université à prendre sa part dans la
préparation du monde de demain. J'y reviendrai tout à l'heure.
Permettez-moi d'aborder brièvement les trois problèmes difficiles que je viens
d'évoquer pour que je ne tombe pas moi-même dans le travers que je dénonçais
voilà quelques instants, à savoir le bavardage généraliste. Etre dans
l'opposition peut être synonyme d'esprit de responsabilité !
Je lierai les problèmes de l'orientation et de la professionnalisation.
L'orientation se fait aujourd'hui par l'échec. C'est vrai, vous en êtes
vous-même convenu. Mais les grandes écoles, les écoles spéciales et les IUT
constituent autant de filières sélectives en amont. Le dualisme est bien
installé et tend à s'accroître. Les universités ont donc du mal à attirer les
étudiants qu'elles méritent.
L'Etat doit se porter garant de l'accès à l'enseignement supérieur pour une
fraction grandissante d'une classe d'âge. Mais, cet accès étant garanti, tout
peut et tout doit être réexaminé.
Bien sûr, comme il en est question aujourd'hui, une information complète doit
être donnée dès le lycée, voire dès le collège.
Monsieur le ministre, chacun de vos orienteurs professionnels doit, dans
l'enseignement secondaire, traiter une population de 1 200 élèves. La véritable
priorité réside bien dans la crise des effectifs, qu'il s'agisse des personnels
enseignants ou administratifs, par rapport aux besoins.
Mais l'accès à une filière doit être un contrat passé entre l'institution et
ses enseignants, d'une part, et les étudiants, d'autre part. Nous devons mettre
en avant l'idée de premiers cycles en trois ans, avec une première année
pluridisciplinaire, qui faciliterait l'acquisition par tous les étudiants d'une
qualification reconnue, qui les situerait professionnellement et faciliterait
leur insertion à bac + 3. Nombre de mes collègues ont déjà évoqué cette idée,
pour laquelle vous avez manifesté votre intérêt.
Il faut consolider - et tel est bien l'enjeu - le sort de quelque 800 000
étudiants sur les 2 200 000 que compte notre pays.
Ensuite, et cela est lié, l'enseignement supérieur doit développer les
possibilités de retour à l'université après des périodes de travail. Il s'agit
de la formation continue - M. Falco a également abordé ce sujet - qui doit
inclure les niveaux les plus élevés, être valorisée et constituer la priorité
de la mission pédagogique.
Ce qui est intolérable dans notre système, nous devons bien le comprendre, ce
n'est pas tant qu'il sélectionne des élites que le fait que les situations
soient trop tôt figées. La promesse démocratique consiste non pas à dire que
tous les étudiants seront polytechniciens ou normaliens, mais à donner des
chances réelles de réussite à tous les niveaux et à tous les âges.
J'aborderai brièvement aussi la décentralisation et les structures
universitaires.
Une université n'est pas un lycée. Elle a besoin d'être fécondée par la
recherche, et je sais, monsieur le ministre, que vous partagez cette vision.
L'utilité de centres universitaires de proximité est certaine, mais ils
doivent être pensés dans le cadre de pôles et de réseaux universitaires forts.
Ne faisons pas de démagogie en la matière ; telle n'est d'ailleurs pas votre
intention monsieur le ministre. La fertilisation par la force du pôle central
irriguera ces centres universitaires de proximité.
L'Etat doit demeurer le garant d'un enseignement supérieur de qualité dans un
monde de plus en plus marqué par la concurrence et les échanges. Le moyen
d'avoir des établissements forts et capables d'être autonomes c'est, vous
l'avez souligné vous-même, la contractualisation.
Les établissements doivent pouvoir contracter avec l'Etat, les organismes
nationaux de recherche, les collectivités locales et même des demandeurs privés
dès l'instant qu'un savoir nouveau peut être expérimenté. C'est un soulagement
budgétaire qu'il faut savoir rechercher. Il faut donc éviter une
recentralisation tatillonne, qui n'a d'ailleurs pas les moyens de ses
politiques, et une décentralisation sans principe qui interdirait toute
politique nationale efficace.
Les conditions d'une contractualisation réussie tiennent dans la stabilité des
engagements. Je n'y ai pas totalement réussi, monsieur le ministre, mais
peut-être n'aurez-vous pas plus de succès que moi. L'Etat doit respecter sa
signature lorsqu'il a conclu un contrat. Si vous n'accroissez que de 5 p. 100
le taux des engagements tenus par l'Etat, vous aurez bien oeuvré pour la
République et pour l'éducation.
Nous devons enfin, disais-je voilà un instant - votre regard s'est alors perdu
dans le vague - inciter clairement l'université à prendre sa part dans la
préparation du monde de demain. Vous me direz peut-être qu'il s'agit d'une
lapalissade car tel est bien son rôle. Mais je n'en suis pas aussi certain. Je
ne traiterai ici que d'un aspect précis, celui du temps dans la vie.
Vous avez la chance, monsieur le ministre - tel n'est pas toujours le cas - de
regrouper sous votre autorité tous les ordres d'enseignement. Vous êtes donc le
metteur en scène de la réflexion sur les programmes et de leur modification.
Vous êtes le patron des personnels administratifs, des instituts universitaires
de formation des maîtres. Vous fixez donc les orientations de l'université, car
vous êtes en charge de celle-ci à l'enseignement primaire, et vous êtes, de par
vos responsabilités en matière d'enseignement supérieur et de recherche, l'un
des principaux responsables de la formation non seulement des savoirs, mais
aussi des comportements de demain.
Or, monsieur le ministre, nous vivons dans une société tout entière organisée
autour du travail salarié, mais que le travail fuit, comme le disait Hannah
Arendt. Aucun intervenant à cette tribune n'a abordé ce problème avant moi,
mais j'ai la conviction que c'est votre plus grand défi, en tout cas celui qui
est, et de très loin, le plus lourd de conséquences.
Durant près d'un siècle, les emplois que détruisait la machine en se
substituant aux hommes étaient directement compensés - Alfred Sauvy appelait
cela le « déversement » - par les emplois dont la machine elle-même appelait la
création de trois façons.
Il fallait d'abord inventer, roder, mettre au point et fabriquer les machines,
ce qui engendrait des emplois. Il convenait ensuite d'assurer aux usines
puissamment mécanisées une véritable régularité de fonctionnement, ce qui
entraînait la création de très nombreux emplois, en amont dans le secteur des
achats ou de la gestion et en aval dans le service à la clientèle. Enfin et
surtout, la machine créait une richesse dont la consommation appelait une
production et contribuait par conséquent aussi à la création d'emplois.
Vous le savez comme moi, mais nous ne l'avons peut-être pas assez dit à nos
concitoyens, avec la dernière étape technico-scientifique, qu'il convient
d'appeler - l'expression n'est pas très jolie mais elle dit bien ce qu'elle
veut dire - la « révolution informationnelle » ; le processus s'arrête et le «
déversement » ne se fait plus.
Lorsque la machine remplace l'homme dans les tâches non seulement pénibles ou
répétitives, mais aussi de conception, de régulation et de contrôle lorsqu'elle
s'évalue et rectifie elle-même son propre fonctionnement, l'homme n'a plus sa
place dans le processus.
Monsieur le ministre, en 1900, nos arrière-grands-parents travaillaient 3 200
heures par an. Nous en sommes actuellement à quelque 1 650 heures. Ce chiffre
s'est stabilisé depuis une quinzaine d'années, ce qui va de pair avec la montée
en France d'un chômage massif. Nous nous situons à une période où les
consciences mûrissent et où l'on se dit que, décidément, c'est la seule
variable possible.
Il faut se faire à l'idée que les étudiants que vous formez travailleront,
d'ici à vingt-cinq ans, moins de trente heures, voire de vingt-cinq heures par
semaine. C'est à cette société-là qu'il vaudrait mieux songer à les préparer.
Mon sentiment est que nous nous engageons de toute façon dans cette voie. Aussi
conviendrait-il de le faire de bon gré car la pression des faits est là. En
tout cas, l'éducation, c'est vous qui la dispenserez ; la vision prospectiviste
viendra de vos services.
Le problème de la durée n'est cependant pas le seul : le travail éclate
lui-même. Parmi les quinze millions de salariés appartenant au secteur privé,
auxquels s'ajoutent 3 millions de chômeurs, 5 millions ont un statut atypique,
travaillant soit à temps partiel, soit sous contrat à durée déterminée,
bénéficiant d'un emploi aidé ou travaillant dans la sous-traitance - les
définitions sont innombrables. N'oublions pas également tous ceux qui, avec un
contrat de type normal, travaillent chez eux et même, d'après une expérience
récente, sans bureau. Ainsi, une grande entreprise internationale n'offre plus
de bureaux permanents à ses employés, qui travaillent la plupart du temps sur
le terrain. Lorsqu'ils ont besoin d'un bureau pour recevoir un client, par
exemple, ils en font la demande. Les gains immobiliers sont importants. Ces
hommes et ces femmes n'ont pas de racine professionnelle. Leur relation avec
leur employeur se fait par écran d'ordinateur interposé. Telle est la voie dans
laquelle nous nous engageons.
Il n'est pas question que notre protection sociale reste fondée sur l'activité
professionnelle des hommes, tant pour la maladie que pour la retraite. Elle
doit devenir une assurance d'un fait de civilisation.
Mais la principale question qui se pose est celle de l'utilisation de son
temps. Prescient du mécanisme d'évolution de la productivité et de la
technique, Keynes affirmait, en 1930 : « Avant la fin du siècle, il suffira de
trois heures par jour ou de quinze jours par semaine pour que l'humanité
subvienne à ses besoins. » Dans un essai sur l'emploi et la monnaie, il ajoute
: « Mais quand je vois ce que les classes aisées de notre temps font de leur
temps et de leur argent, je crains la dépression nerveuse universelle. »
Nous avons connu, monsieur le ministre - nous sommes de cette génération - les
inquiétudes qui se sont exprimées à propos de la société de consommation - elle
est un peu derrière nous. Le constat selon lequel les pures consommations
marchandes n'ont jamais épanoui personne non seulement est en train d'être
assimilé par ceux qui écrivent et qui pensent - je songe à nos enseignants -
mais aussi se traduit dans la morosité de la consommation marchande et de la
conjoncture actuelle.
Voilà ce que nous vivons. Nous savons, en tout cas, que l'épanouissement d'un
être humain réside dans ce qui est créé, fût-ce à l'occasion d'un acte sportif
ou culturel.
Monsieur le ministre, la démocratie fut inventée à Athènes voilà 2 500 ans. On
a passé 1 500 ans à essayer de la retrouver car elle s'était perdue en route.
Ceux qui l'ont inventée avaient en commun le goût de la liberté, le respect de
la pensée de l'autre et l'horreur du travail, qui n'est en rien une référence à
cette époque. La dignité d'un citoyen d'Athènes tenait dans sa pratique
sportive ou culturelle, dans la formidable intensité de ses rapports avec les
autres et dans la joie dans laquelle s'exerçait la vie publique.
La machine nous donne aujourd'hui la possibilité d'un retour. Le travail n'est
pas une nécessité de l'art de vivre en démocratie. Mais au moins faut-il
développer les sensibilités depuis l'enfance, et je m'adresse là au ministre de
l'avenir. Il ne faut pas « assassiner Mozart », comme l'a dit Saint-Exupéry, ni
détruire la capacité de tout être humain de valoriser entre vingt et quarante
ans, ses talents, surtout sportifs, culturels, picturaux, graphiques ou
musicaux.
Monsieur le ministre, nous vous adjurons : la société de demain sera
musicienne, mais réveillez les enseignements artistiques, c'est un devoir. Si
les hommes que vous formez aujourd'hui ne travaillent plus, d'ici à trente ans,
que vingt-cinq heures par semaine, leur joie de vivre dépendra de
l'épanouissement de leur talent.
Il vous incombe donc d'être prophétique. Si vous en avez la volonté, nous
serons, vous le savez, quelques-uns à vous suivre. Au besoin, nous le ferons
sans vous, mais il est préférable d'oeuvrer ensemble.
Ce n'est évidemment pas d'un référendum dont l'enseignement supérieur a besoin
- quelle question voulez-vous d'ailleurs poser ? - ni d'une réforme en
trompe-l'oeil, qui navrerait les enseignants et les étudiants.
Ce qui pourrait arriver de mieux à l'enseignement supérieur, et donc au pays,
est qu'une réforme solide puisse voir le jour, organisant la démocratisation,
prolongeant l'effort budgétaire de la fin des années quatre-vingt, définissant
des orientations claires, renforçant les structures d'accueil et l'encadrement,
répartissant intelligemment l'offre éducative sur le territoire et pensant,
monsieur le ministre, à demain autant qu'à après-demain. Est-ce trop demander
?
Nous attendons votre réponse.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Camoin et Diligent
applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la famille
et le milieu scolaire sont les deux lieux de vie des individus jusqu'à un âge
de plus en plus avancé.
La première transmet un ensemble de valeurs constitutif de l'homme et de la
femme futurs. Ils tiendront de ce milieu d'appartenance un fonds culturel dont
l'acquisition est à la fois quotidienne et diffuse et qui relève également de
pratiques servant de modèles aux comportements à venir.
Le milieu scolaire, quant à lui, est plus spécifiquement celui de la
transmission du savoir codifié. Toutefois, dans certains cas, il supplée
l'environnement familial dans la constitution du patrimoine culturel et
moral.
Il convient donc d'être extrêmement attentif à ce que nous mettons en place
pour la France de demain.
Les mutations du monde moderne sont tout à la fois profondes et rapides.
L'université doit être capable de s'adapter à ces changements et de répondre
aux besoins qu'ils engendrent. Or, le marché du travail se révèle actuellement
incapable de dégager, de façon immédiate, un nombre d'emplois correspondant à
celui des sorties du système éducatif ; par ailleurs, il y a une inadéquation
entre la nature des formations et celle des emplois offerts.
La dignité de l'homme à la tête bien faite et bien pleine passe toujours par
l'exercice d'une activité lui permettant d'assumer ses responsabilités, et nous
constatons que plus l'exclusion gagne du terrain, plus ce droit recule.
J'ai retenu, monsieur le ministre - et je m'en félicite - que l'un des dix
points sur lesquels portent vos propositions de réforme de l'université
concerne le contenu des études, plus spécifiquement des premiers cycles. Cette
nécessité résulte de l'importance des échecs, qui atteignent 60 p. 100.
Au-delà de la transmission des connaissances, les enseignements primaire et
secondaire jouent-ils suffisamment leurs rôles de filtre et d'orienteur ?
Apprennent-ils aux bacheliers à apprendre ? Combien d'échecs sont dus à
l'absence de méthodologie ?
On est également en droit de se demander, comme vous l'avez fait, monsieur le
ministre, si l'université prépare bien la jeunesse de la France à la
compétition internationale et dans quelle mesure le pays fait encore confiance
à cette institution.
Si l'on ne veut pas voir le choix de la filière des écoles d'ingénieurs ou des
écoles de commerce devenir, en quelque sorte, une assurance sur l'avenir et
celui de l'enseignement universitaire un pis-aller, au-delà de la réforme des
contenus, il faut garantir des moyens qui ne peuvent pas être conservés à
niveau constant.
L'impératif de réduction des déficits n'autorise pas à demander des crédits
supplémentaires, fussent-ils nécessaires. Parlons donc du redéploiement des 23
milliards de francs distribués de votre budget, monsieur le ministre. Vous avez
souligné qu'il fallait revoir la répartition des aides aux étudiants ; une
meilleure saisie des situations permettra une appréciation plus juste des
besoins.
Les filières universitaires ont traditionnellement valorisé les disciplines
générales. Il est impératif, aujourd'hui, d'intégrer les disciplines
technologiques. Les activités industrielles, tertiaires et de techniques
appliquées dont est fait le monde actuel sont trop souvent absentes de
l'enseignement supérieur.
Par ailleurs, la recherche est le pendant indissociable pour maintenir un
équilibre et la valeur de nos universités. Il faut la soutenir, la recherche
!
La Franche-Comté s'enorgueillit de posséder une université pluridisciplinaire
et des écoles d'ingénieurs où s'effectue une recherche de qualité, qui
constitue des pôles forts de renommée internationale. Cette complémentarité est
une richesse, car elle couvre les exigences de la pensée et de l'action ;
encore faut-il que chaque établissement conserve son originalité tout en
développant un partenariat actif.
Je viens d'évoquer nos structures régionales et vous-même avez parlé de la
politique d'aménagement du territoire universitaire menée par le Gouvernement.
Aussi, pour éviter le désarroi de nombreux étudiants, j'aimerais être fixé sur
le sort de l'habilitation de second cycle AES, administration économique et
sociale, de Belfort. Il répond à un enseignement de proximité souhaité.
Déjà, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1996, en intervenant
dans la discussion du budget de l'enseignement supérieur, j'avais, notamment,
souligné qu'il serait souhaitable que les universités puissent créer des
formations spécifiques, qui répondent à des demandes des milieux
socioprofessionnels et économiques. Les maquettes actuelles sont trop
nationales et trop figées.
L'université ne doit pas être un endroit clos. La fin de siècle n'est plus aux
isolats. Les partenariats initiés avec l'Etat et les collectivités locales
doivent être poursuivis et étendus. Les milieux ouverts ont une meilleure
adaptabilité, dimension indispensable pour s'inscrire dans un univers où les
frontières sont gommées. Pour les utilisateurs, un viatique seul ne suffit pas.
Il convient d'apprécier leur aptitude et de prévoir un accompagnement, faute de
quoi la situation se dégradera.
Au lendemain des états généraux, la mise à plat du système vient à point. Il
était urgent d'identifier les blocages pour les traiter avec l'adhésion des
acteurs.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
8
ÉLECTION D'UN JUGE SUPPLEANT
DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
M. le président.
Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un juge suppléant de la Haute
Cour de justice :
Nombre de votants : 139
Suffrages exprimés : 121
Majorité absolue des suffrages exprimés : 61
A obtenu : M. Hubert Falco, 121 voix.
M. Hubert Falco ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je le
proclame juge suppléant de la Haute Cour de justice.
9
ÉLECTION D'UN JUGE TITULAIRE
ET D'UN JUGE SUPPLEANT
DE LA COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE
M. le président.
Voici les résultats du scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de son
suppléant à la Cour de justice de la République :
Nombre de votants : 140
Suffrages exprimés : 121
Majorité absolue des suffrages exprimés : 61
Ont obtenu :
M. Hubert Falco : 121 voix.
M. Philippe de Bourgoing : 121 voix.
M. Hubert Falco et M. Philippe de Bourgoing ayant obtenu la majorité absolue
des suffrages exprimés, je les proclame respectivement juge titulaire et juge
suppléant de la Cour de justice de la République.
M. Emmanuel Hamel.
Qu'ils jugent bien !
10
PRESTATIONS DE SERMENT
M. le président.
M. Hubert Falco, qui vient d'être élu juge suppléant de la Haute Cour de
justice, va être appelé à prêter devant le Sénat le serment prévu par l'article
3 de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute
Cour de justice.
Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu'elle figure dans la
loi organique.
Je prie M. Hubert Falco de bien vouloir se lever et de dire, en levant la main
droite : « Je le jure ».
Voici la formule du serment :
« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le
secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne
et loyal magistrat. »
(M. Hubert Falco, juge suppléant, se lève et dit, en levant la main droite : «
Je le jure ».)
M. le président.
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
M. Hubert Falco, juge titulaire de la Cour de justice de la République, et M.
Philippe de Bourgoing, juge suppléant, vont être appelés à prêter devant le
Sénat le serment prévu par l'article 2 de la loi organique n° 93-1252 du 23
novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu'elle figure dans la
loi organique.
Je prie M. Hubert Falco, juge titulaire, et M. Philippe de Bourgoing, juge
suppléant, de bien vouloir se lever à l'appel de leur nom et de dire, en levant
la main droite : « Je le jure ».
Voici la formule du serment :
« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le
secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne
et loyal magistrat. »
(M. Hubert Falco, juge titulaire, et M. Philippe de Bourgoing, juge suppléant,
se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le
jure ».)
M. le président.
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
11
ÉTATS GÉNÉRAUX DE L'UNIVERSITÉ
Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
Nous reprenons le débat consécutif à une déclaration du Gouvernement sur les
états généraux de l'université.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
pourrait se placer sous le titre : « L'étudiant dans la cité. » A cette phase
essentielle du débat sur les états généraux de l'université, qui ont été lancés
à Cergy-Pontoise, le 21 octobre 1995, le Parlement est très heureusement
associé, notamment, aujourd'hui, le Sénat.
Je vais m'efforcer d'apporter une libre contribution à ce débat, en
m'attachant à des réflexions sur le statut de l'étudiant, que j'articulerai
autour de trois points. Ainsi, après avoir tenté un diagnostic de la situation
des étudiants dans la société française, je traiterai successivement de la
légitimité d'une aide nationale et des orientations possibles pour une
réforme.
Le diagnostic sur la situation des étudiants en France et dans la société
française a, je crois, ceci de caractéristique qu'il fait l'objet d'un très
large accord, un consensus même. Chacun s'accorde ainsi à reconnaître la
démocratisation de notre enseignement supérieur, le nombre des étudiants ayant
été multiplié par dix depuis dix ans, pour atteindre un effectif de 2 200 000
étudiants, soit 40 p. 100 à 50 p. 100 d'une classe d'âge. Cela dit, ces
derniers temps, on note une tendance à la stabilisation des effectifs après une
période de très rapide croissance.
S'il y a démocratisation, il y a aussi inégalité des chances. Cette inégalité
est, certes, fonction du choix des filières, comme cela a été souligné par
nombre d'orateurs avant moi ; mais elle est due aussi à des difficultés d'ordre
familial, économique, social et géographique, qui peuvent, sans en être la
cause principale, expliquer des taux d'échec pouvant atteindre parfois 60 p.
100 dans le premier cycle.
On n'a sans doute pas assez souligné jusqu'ici l'importance de l'effort
national fait en faveur des étudiants. Cet effort est estimé, à la fois pour
l'Etat et pour les collectivités locales, à plus de 23 milliards de francs
chaque année, à comparer au budget de l'enseignement supérieur, qui atteint une
quarantaine de milliards de francs.
Tout le monde le reconnaît, avec 70 p. 100 d'aides directes et 30 p. 100
d'aides indirectes, le système est complexe et manque de transparence. Il est
donc important de le réformer.
Mais, plus grave encore, il est inéquitable.
Cette inéquité résulte d'un certain nombre de facteurs que je rappellerai très
brièvement, car ils sont dans tous les esprits. Il s'agit du système actuel des
bourses, de l'avantage « progressif » de la demi-part fiscale et du bénéfice de
l'allocation de logement à caractère social, l'ALS, égal pour toutes les
familles.
Comme vous l'avez rappelé dans votre propos introductif, monsieur le ministre,
il n'est pas exagéré de dire qu'aujourd'hui les classes moyennes sont
défavorisées par le système d'aide aux étudiants. C'est ainsi que, selon une
étude publiée par le journal
l'Etudiant,
l'avantage fiscal peut aller de
2 000 francs à 33 000 francs pour un foyer.
Toujours dans ce diagnostic, j'insisterai maintenant sur une autre source de
difficultés, que je vois dans l'intégration inégale des étudiants dans la cité.
Il faudrait procéder à une enquête approfondie - un hebdomadaire l'avait
entamée - sur la situation réelle des étudiants à Paris, en province, dans un
grand pôle universitaire ou dans une ville moyenne, comparée à la situation des
étudiants inscrits dans des universités nouvelles, à Cergy-Pontoise, par
exemple. Il faudrait se pencher sur les inégalités en matière de restauration,
de résidence universitaire, ainsi que sur les grandes difficultés ressenties en
matière de transports, élément trop méconnu, alors que la carte orange
représente souvent pour un étudiant un coût supérieur à celui de son
inscription. De même, il faudrait s'intéresser aux inégalités dans l'accès aux
bibliothèques universitaires, voire aux équipements sportifs et culturels.
Oui ! il y a un problème tout à la fois d'efficacité et d'équité en ce qui
concerne l'aide nationale aux étudiants.
Si ce diagnostic recueille l'accord général, en revanche - et c'est le
deuxième point de mon propos - la légitimité de l'aide nationale aux étudiants
pose problème et fait débat.
Monsieur le ministre, en introduisant le débat, vous avez vous-même annoncé
qu'il n'était pas question de mettre en place pour les étudiants un « statut »
de haute protection et d'uniformité juridique, qui serait comme un cadre
administratif ou fonctionnarisé. Nous nous inscrivons donc dans la perspective
de donner plus de chances aux étudiants. Je pose cependant la question : est-il
légitime que la collectivité nationale les privilégie par rapport à d'autres
catégories de jeunes, qui ont parfois des difficultés bien plus grandes qu'eux
? Et cet effort est d'importance puisqu'il atteindra sans doute 24 milliards de
francs cette année.
Pourquoi, comment et à quelles conditions une aide aux étudiants est-elle
légitime à l'échelon national ? Les objectifs qui doivent être poursuivis sont
multiples.
Il s'agit bien évidemment d'accroître et d'égaliser les chances des étudiants.
C'est là le premier point. Il s'agit aussi d'améliorer l'efficacité de
l'appareil de formation, d'éviter notamment les redoublements, trop nombreux et
excessifs, qui détériorent le rendement de l'appareil de formation. Il s'agit
enfin d'équilibrer l'aménagement du territoire pour que chacun, à travers toute
la France, ait ses chances d'accéder à une formation.
C'est donc bien, ainsi que le demandait Michel Rocard tout à l'heure, investir
pour l'avenir que d'aider les étudiants à l'échelon national en leur consacrant
un important effort.
Cela étant, la réforme est nécessaire. Selon quels principes devrait-elle être
conduite ?
Tout d'abord, l'équité.
L'équité ? Quel débat difficile ! Sans reprendre les analyses d'Alain Minc,
sans revenir sur les difficultés d'une société qui, au nom de la justice
sociale, prend souvent des mesures allant précisément contre l'équité, nous
devons tout de même nous interroger.
Deux conceptions de l'équité et de l'aide aux étudiants s'affrontent. Il y a
ceux qui estiment que l'on doit faire un effort vis-à-vis de l'étudiant en tant
qu'individu entièrement autonome, complètement détaché de sa famille.
Personnellement, ce n'est pas mon choix. L'autre option est, il est vrai,
discutée, mais c'est la mienne : j'estime que l'on doit considérer les revenus
et les capacités de travail de l'étudiant ainsi que ses possibilités
d'évolution en essayant d'apprécier sa relation avec sa famille.
Voilà pour l'équité.
Il est un deuxième problème difficile à résoudre, celui de la globalisation.
Face à un système aussi peu transparent, aussi peu clair et si inéquitable, la
tentation est grande de globaliser l'aide, de fusionner en une allocation
unique à la fois l'élément bourses et l'élément aide au logement.
C'est là une méthode un peu irréaliste qui, si elle devait être retenue,
aboutirait sans doute à faire capoter la réforme.
Je ne pense pas qu'il faille tout globaliser et tout unifier. En effet,
l'allocation - c'est là un autre principe que je voudrais défendre - doit être
différenciée. Certains prônent une différenciation radicale, réservant
l'allocation aux deuxième et troisième cycles, à l'exclusion du premier cycle.
C'est tout à fait excessif, d'autant que l'on connaît les difficultés du
premier cycle ! En revanche, l'idée de différencier en distinguant les trois
cycles me paraît un principe intéressant.
Autre thème et autre principe à débattre : donner une deuxième chance. C'est
là un point difficile. Certains considèrent que le mieux est d'instaurer une
aide et de la systématiser lorsqu'il y a redoublement. C'est la thèse de
l'UNEF-ID. Il s'agit d'une thèse dangereuse. Autant l'année joker est
intéressante, autant l'idée de donner une deuxième chance est valable, autant
il faut, évidemment, veiller à l'effort, à l'assiduité, à la participation et
aux résultats des étudiants dans leurs cycles universitaires.
Donc, il faut clarifier, simplifier, mais non de manière abusive ou
irréaliste.
Je ne préconise donc pas le choix d'un « statut étudiant », au sens propre. En
effet, ce serait injuste par rapport à d'autres catégories de jeunes. Ce serait
sclérosant, à l'imitation un peu d'un statut de fonctionnaire. Ce serait
coûteux pour la collectivité. Ce serait, par certains côtés, démobilisant.
L'étudiant citoyen a des devoirs, il faudra le dire aussi lors du débat sur le
statut de l'étudiant, et son premier devoir est d'étudier.
J'ajouterai que l'idée de statut, un peu comme un statut octroyé, est
contraire à un autre des objectifs que l'on doit chercher à atteindre dans la
réforme de la participation des étudiants notamment à la gestion des oeuvres
universitaires et à la gestion des fonds ainsi qu'à la vie des universités.
Cela me conduit au dernier chapitre de mon propos, qui veut tracer quelques
réflexions et orientations pour une réforme.
Certes, le document des états généraux que vous avez diffusé au mois de juin,
monsieur le ministre, et qui est très intéressant, pose l'ensemble des
problèmes du statut de l'étudiant mais aucun choix - et c'est tout à fait
normal à ce stade - n'est effectué. Avant de définir quelques orientations,
j'ai relu quelques programmes d'action.
Tout d'abord, dans son document, l'UNEF-ID propose une allocation d'études
individualisée, l'AEI. Il s'agit d'une aide sociale directe garantissant
l'autonomie de l'étudiant. C'est une aide modulée, globale, avec un guichet
unique, l'Etat s'engageant fortement sur le plan de l'aide aux étudiants, mais
aussi sur le plan des résidences universitaires et sur celui de la
restauration. Par ailleurs, la garantie des soins est assurée par les
mutuelles.
La revue
l'Etudiant
a remis au Président de la République, en mars
1995, un projet spécifique sur le statut de l'étudiant et l'a ensuite diffusé
dans une publication spécifique. L'objectif fixé est que tout étudiant dispose
de revenus s'élevant à 30 000 francs par an. La revue
l'Etudiant
estime
que c'est l'objectif qu'il faut atteindre. Son projet vise à combiner la
réforme fiscale, la revalorisation des bourses, les « chèques-job » - une idée
très intéressante - et l'extension d'un système de prêts à intérêts déductibles
lorsque l'étudiant exercera son activité professionnelle.
Quant à la MNEF, ses propositions ne sont pas sans intérêt, qu'il s'agisse de
la gestion de la couverture santé et de la prévention, ou de sa thèse sur le
logement. Elle estime que l'effort pour le logement des étudiants - l'ALS,
l'APL, les avantages fiscaux de la loi Méhaignerie et les prêts - représente
8,7 milliards de francs, mais rapporte aux collectivités locales et à l'Etat
11,4 milliards de francs. Elle pense donc qu'il faut poursuivre dans cette
voie, elle ne fait pas de propositions de réforme si ce n'est de développer
l'investissement privé en résidences universitaires ou en logements loués aux
étudiants. En effet, vous le savez sans doute, 143 000 étudiants sont logés en
résidence universitaire et 1,3 million résident en dehors de leur famille. Cela
montre bien que la solution du logement universitaire doit être diversifiée.
Par ailleurs, la MNEF propose de développer - c'est une expérience très
intéressante qui est menée à Niort, à Biarritz et dans quatre ou cinq
universités - avec le soutien du CROUS, les chèques-déjeuner, qui donnent la
liberté et évitent de faire des investissements considérables en matière de
restauration collective.
Au vu de ces réflexions et de ces documents, compte tenu de la vie quotidienne
des étudiants et de la manière dont je les vois s'intégrer dans l'université
nouvelle de Cergy-Pontoise, je tracerai quelques orientations.
La première, c'est le choix du guichet social unique. Il s'agit, monsieur le
ministre, d'un choix difficile. Ce sera, je crois, un gage d'efficacité et de
transparence.
Les autres orientations sont les suivantes : choix de l'aide globale
différenciée, choix de la réforme fiscale en profondeur, choix de la
combinaison des modes de financement, enfin, choix de la démocratie et de la
participation.
Nous souhaiterions que, au cours des prochains mois, soient étudiés, de
manière approfondie, plusieurs points.
Il s'agit, d'abord, de la révision du système des bourses, qui concerne
aujourd'hui 407 000 étudiants, avec une moyenne de 15 000 francs. Il s'agit,
ensuite, de la suppression de la demi-part étudiant au-delà d'un certain seuil
ou son plafonnement à 5 000 francs par exemple. Il s'agit, en outre, de
l'évaluation globale des bourses avec l'ALS, qui devrait d'ailleurs disparaître
pour certaines catégories de familles ; en disant cela, je ne cède pas à la
facilité, je ne cherche pas la popularité, mais c'est la conclusion à laquelle
on aboutit quand on examine le problème globalement.
Il convient également d'étudier le développement du parc des résidences
universitaires, des logements, du chèque-déjeuner et du chèque-job. Il faut
aussi étudier l'extension et l'amélioration du dispositif de prêts.
Des propositions assez intéressantes ont été formulées, qui portaient sur les
prêts étudiant. On compte aujourd'hui à peu près 40 000 prêts étudiant en
France, ce qui représente un chiffre très faible et qui pourrait très
vraisemblablement être multiplié par quatre ou cinq. Il faudrait pouvoir
travailler sur la durée de ces prêts et sur le différé de leur remboursement à
partir de la fin des études, ainsi que sur la déductibilité des intérêts. Il y
a là, selon moi, des pistes intéressantes.
Monsieur le ministre, vous en êtes convaincu et vous l'avez dit dans votre
propos liminaire : la réforme est indispensable. Le Président de la République
l'a annoncée, vous l'avez inscrite parmi les objectifs majeurs des états
généraux et vous avez bien défini la méthode à suivre : la réforme doit être
concertée, progressive - il conviendra de prévoir des étapes, car ce n'est pas
en une année que l'ensemble de ce que l'on appelle le statut de l'étudiant sera
mis en place - globale, elle intégrera la dimension fiscale, faute de quoi rien
ne sera possible - et le budget devra être maîtrisé.
Voilà un point difficile, mais il s'agit d'une exigence absolue, pour vous et
pour la collectivité nationale. La revue
l'Etudiant
affirme : « Cette
réforme-là ne coûte rien, elle redistribue. » Elle affirme sans le démontrer !
A nous d'essayer d'apporter la preuve que l'on peut rendre le statut de
l'étudiant plus juste et plus efficace. Je sais que vous mènerez cette réforme
en respectant l'idéal républicain qui est le nôtre, celui de l'égalité des
chances, car il faut rétablir des rapports stables et confiants entre la nation
et les étudiants.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Saunier.
M. Claude Saunier.
Monsieur le ministre, nous parvenons quasiment au terme d'un débat qui a été
tout de même d'une grande densité et - reconnaissons-le - d'une réelle
qualité.
Vous avez pu observer - mais de notre part, cela ne vous a pas surpris - que
les parlementaires de l'opposition ont apporté à ce débat beaucoup de sérieux
et ont fait preuve d'un esprit constructif. Il est vrai que depuis un certain
nombre de semaines, à un titre ou à un autre, nous avons examiné les dix
dossiers sur les dix questions, votre préambule, avec beaucoup d'attention.
Nous avons pris connaissance avec une grande satisfaction des références
républicaines, auxquelles l'orateur qui m'a précédé a fait allusion, même si,
par ailleurs, s'agissant de la méthode - et les travées de cette assemblée en
témoignent, hélas ! - les états sont peut-être un peu moins généraux que vous
auriez pu le souhaiter et que nous l'aurions nous-mêmes souhaité.
Notre autre sujet de satisfaction est d'avoir assisté, au cours de ce débat,
de ces semaines, de ces échanges que vous avez eus, de ces auditions, à un
rapprochement des points de vue. En effet, d'une certaine façon, notre
République y a gagné. Allons-nous nous orienter vers une approche plus
rationnelle, plus raisonnable, moins passionnelle de ce qui a pendant longtemps
divisé la France ? On peut l'espérer. En tout cas, à travers les intentions,
les approches un peu théoriques pour le moment, les choses semblent avancer de
façon positive... sauf que nous n'avons pas encore atteint le coeur du sujet,
je veux parler des finances. Mais vous me rétorquerez, monsieur le ministre,
que telle n'était pas la question. Pourtant, vous le savez, les élus nationaux
et les élus locaux ne sont jamais insensibles à ce type de question.
Sur la méthode, vous avez expliqué ce matin, que Cronos ne devait pas dévorer
ses enfants. Cela m'a rappelé quelques cours de sixième ; c'est sympathique.
Mais notre expérience, en particulier d'élus locaux, nous amène à considérer
qu'il faut... oserai-je dire « donner du temps au temps ». Eh oui, il faut
donner du temps au temps, en tout cas donner le temps aux esprits de
s'approprier certaines évolutions.
Mais, d'un autre côté, la dilution excessive risque d'« effilocher » les
volontés. Or, dans cette affaire, comme dans les autres, il faut de la volonté
pour passer des intentions à l'action.
Le dernier élément de satisfaction très générale est constitué par notre
échange sur la voie référendaire.
Cela ne vous surprendra pas, monsieur Camoin, vos propos nous ont comblés de
satisfaction. Bien entendu, nous resterons extrêmement vigilants, car plus nous
avançons dans le débat, plus nous nous rendons compte qu'il s'agit d'un sujet
extrêmement complexe et plus nous mesurons que la simple réponse par un oui ou
par un non à une réforme de cette ampleur n'a pas de véritable signification,
sauf si c'est en effet la sanction d'une longue démarche qui permet de
rapprocher les points de vue. Nous verrons comment les choses se dérouleront.
En tout cas, nous serons extrêmement vigilants.
J'organiserai mon propos autour de deux ou trois axes de réflexion. Je serai
aussi bref que possible car beaucoup de choses ont été dites.
Sur l'enjeu de l'enseignement supérieur, le débat a permis d'évoluer. Il est
aujourd'hui très clair, parce que cela apparaît dans la société et maintenant
dans notre assemblée, que l'enseignement supérieur constitue l'un des enjeux
majeurs du troisième millénaire. C'est comme cela que les choses sont vécues,
c'est la réalité. C'est comme cela que les parlementaires que nous sommes le
mesurent.
Il s'agit d'un enjeu économique à l'heure de la mondialisation. Il s'agit
également d'un enjeu social déterminant dans une société à vocation
démocratique comme la nôtre. On se rend compte de ce que représente le passage
en quelques années de un million d'étudiants à 2,2 millions, et bientôt 2,5
millions ou davantage.
Il s'agit aussi d'un enjeu géographique. C'est une énorme question. Tout le
monde le pense, le dit et le constate : là où est l'intelligence, il y a les
emplois. Or l'intelligence continue à se concentrer sur un certain nombre de
lieux privilégiés. C'est un paradoxe à l'heure où les nouvelles technologies
d'information et de communication permettent la répartition du savoir sur
l'ensemble du territoire. C'est une des questions que je souhaiterais
aborder.
Je serai concis en ce qui concerne la situation de l'enseignement supérieur.
Bien entendu, nous avons les uns et les autres notre histoire, notre point de
vue, notre perception des choses. Il y a encore, ici ou là, quelques formules
sans doute un peu malthusiennes, un peu frileuses, un peu timorées.
Mais revenons à l'essentiel. La lucidité consiste à mesurer que notre nation a
en effet besoin d'un enseignement supérieur rénové, modernisé, adapté, ouvert
sur la vie. La justice conduit à constater que notre pays a su se doter d'un
enseignement supérieur qui, à l'extérieur, est souvent considéré avec quelque
envie. Il ne ressemble pas à un champ de ruines, comme on pourrait le dire un
peu trop rapidement. Il a su, comme je le rappelais, passer de un million à
plus de deux millions d'étudiants en quelques années, ce qui constitue une
véritable révolution ; cette dernière, loin de conduire à l'explosion du
système, s'est opérée finalement dans des conditions acceptables, et ce grâce
aux réformes antérieures : la loi Savary, la politique des contrats avec
l'université, la volonté de l'Etat - je le dis devant Michel Rocard - de mettre
à la disposition des universités, en particulier, des moyens financiers
qu'elles n'avaient jamais eus auparavant, sans oublier l'engagement des
collectivités locales, qui, vous le savez, ont été fortement sollicitées par
différents gouvernements - le maire que je suis aurait un peu tendance à dire «
hélas ! ».
Telle est la situation actuelle : malgré un bilan qui n'est pas si mauvais que
cela, se fait jour une nécessité de réformes.
L'aspect positif de l'échange que nous avons eu est, à mes yeux, le constat
d'une volonté collective de nous engager dans un enseignement supérieur fondé
sur une démarche de réussite non seulement individuelle, pour chacun des
jeunes, mais aussi collective, pour la nation tout entière.
J'aborderai simplement trois des dix questions que vous avez rappelées,
monsieur le ministre.
S'agissant tout d'abord de la transmission du savoir et de l'orientation, ce
matin, notre collègue M. Carrère a fait part d'un certain nombre de
propositions qui, semble-t-il, ont retenu votre attention.
Nous n'échapperons pas, à mon avis, à la rénovation des premiers cycles. Je ne
reviendrai pas sur le taux d'échec, si ce n'est tout de même pour en souligner
les coûts, en termes non seulement financiers, mais aussi humains : les jeunes
se retrouvent, au seuil de la vie, avec un sentiment d'échec.
Je ferai donc, à cet égard, une proposition très précise : la simplification
des premiers cycles.
Pour parvenir à ce résultat, il importe tout d'abord de réduire le nombre des
DEUG, lesquels devront être moins calés sur la multiplicité des disciplines
universitaires que sur les grandes sensibilités, les grandes orientations
scientifique, littéraire et juridique.
Par ailleurs, des passerelles entre les filières devront être créées.
Enfin, il faudra probablement instituer un cycle d'observation permettant aux
enfants de mesurer qu'ils passent d'un mode de transmission des informations et
du savoir sous contrôle, sous haute surveillance - le lycée - à un autre mode
pédagogique fondé sur l'autonomie - l'université. Faut-il parler de la
renaissance de la propédeutique ? Pourquoi pas ! En tout cas, on voit bien
qu'il y a là une articulation difficile à assumer.
Quant à l'orientation, on a souvent évoqué ici, sur toutes les travées, la
nécessité d'une orientation précoce. Sans doute ! Mais n'oublions jamais que
les jeunes sont des êtres en formation dont la personnalité se dessine et
auxquels nous devons reconnaître la possibilité de choisir et de changer
d'avis. Il faut donc aborder cette question avec beaucoup de prudence.
J'en viens à la voie technologique, dont je ne dirai qu'un mot : en ce
domaine, l'enseignement supérieur n'a fait, depuis maintenant vingt ou trente
ans, que du bricolage ! A chaque fois que se posait un problème, un sigle était
inventé ! Lequel d'entre nous est capable d'identifier derrière ces sigles la
réalité des formations dispensées ?
Il va donc falloir simplifier et rendre cohérent tout cela. Telle est, à vous
écouter, votre intention, monsieur le ministre.
Cette simplification est d'autant plus nécessaire que nous assistons à une
irruption massive de la dimension scientifique et technologique dans notre vie
quotidienne, sociale et professionnelle. C'est d'ailleurs bien la vocation
fondamentale de l'enseignement supérieur, au titre aussi bien de sa mission de
formation professionnelle que de sa mission culturelle, que d'embrasser le
champ scientifique et technologique beaucoup plus fortement qu'il ne le fait
aujourd'hui.
Mon dernier propos portera sur l'aménagement du territoire. Nous avons eu
l'occasion d'échanger nos points de vue sur ce sujet, monsieur le ministre.
Vous savez quelles sont nos préoccupations. Je ne veux pas voir un signe
particulier dans le fait que l'aménagement du territoire figure en dixième
position dans votre liste de dix questions ! J'espère simplement qu'il ne
s'agit pas, de votre part, d'un manque d'attention à ce dossier, qui me paraît
essentiel.
Des débats sur l'aménagement du territoire ayant déjà eu lieu voilà quelques
mois dans cette enceinte, je tiens à lever quelques ambiguïtés, pour le cas où
ce serait nécessaire.
Je rappellerai donc que la mission de base de l'enseignement supérieur, en
particulier de l'université, est, comme vous l'avez indiqué, monsieur le
ministre, la création, la conservation et la transmission du savoir, et non pas
une préoccupation d'aménagement du territoire.
Cela dit, la répartition de la matière grise sur le territoire national a des
conséquences tout à fait importantes sur les plans économique et
démographique.
L'inégalité que nous constatons est tout à fait paradoxale à l'heure des
nouvelles technologies, alors que la transmission des informations est possible
instantanément sur n'importe quel point du territoire.
Faut-il pour autant préconiser une sorte de pulvérisation de la structure
universitaire ? Telle n'est ni l'avis personnel du maire d'une ville moyenne
que je suis ni la position de la fédération des villes moyennes.
La multiplication d'universités départementales aurait à mon avis pour risque
majeur la création de sites universitaires de second rang pour des jeunes
défavorisés dans des régions marginalisées.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Claude Saunier.
Ce serait un alibi, une fausse réponse apportée à une véritable question !
Au contraire, dans les villes moyennes, nous devons imaginer la constitution
de plates-formes intégrant la diversité des composantes de l'enseignement
supérieur de ces villes. Ces plates-formes doivent travailler en réseau
fortement charpenté avec d'autres sites, et, en particulier, être fortement
articulées avec les grandes universités régionales qui, seules, sont à même
d'assurer la qualité de la recherche, la sûreté scientifique et les
perspectives d'ouverture liées à la réflexion et au travail universitaire.
Mais, au-delà de leur fonction naturelle de sites de premier cycle, ces
plates-formes situées dans des villes moyennes doivent se voir reconnaître la
possibilité, lorsqu'elles ont des centres de recherche, de se positionner sur
des créneaux d'excellence. Je ne vois pas pourquoi la présence de plusieurs
dizaines de milliers d'étudiants serait nécessaire pour autoriser un centre
d'enseignement supérieur à participer à l'innovation, à la recherche et à
l'invention. Encore une fois, je crois qu'il y a là quelque chose à
inventer.
Une redéfinition du positionnement des villes moyennes dans le dispositif
universitaire permettrait, à mon avis, d'avancer dans trois domaines.
Tout d'abord, la souplesse des petites structures et leur proximité du terrain
permettraient de procéder à des expériences concluantes sur l'utilisation des
nouvelles technologies. En effet, les équipes pédagogiques des villes moyennes
sont peut-être mieux à même que celles des grandes cathédrales universitaires
de s'adapter, d'évoluer et de s'emparer des nouvelles technologies. Mais ce
n'est pas dans cette assemblée où siègent nos éminents collègues que sont MM.
Sérusclat et Laffitte qu'il est nécessaire de plaider ardemment en faveur des
nouvelles technologies !
Par ailleurs, si, pour des raisons démographiques, les besoins en formation
initale plafonneront dans les prochaines années, en revanche, les besoins en
formation continue, en formation permanente - Michel Rocard en a parlé tout à
l'heure - exploseront véritablement. L'université, l'enseignement supérieur
doivent répondre à ce besoin social, j'allais dire « investir ce marché ».
Enfin, le fait de disposer de centres de recherche sur le terrain, dans les
villes moyennes, peut aussi constituer un élément d'amélioration du transfert
des technologies en direction des petites et moyennes entreprises et des
petites et moyennes industries.
Monsieur le ministre, comme vous pouvez le constater, nous avons procédé à un
examen tout à fait attentif, vigilant et positif de votre travail, et nous
avons fait preuve d'un esprit constructif. Mais je dois à la vérité de dire que
nous jugerons naturellement le Gouvernement à ses actes, en particulier lorsque
le ministre de l'enseignement supérieur que vous êtes passera au stade des
propositions concrètes.
Nous serons notamment extrêmement attentifs au contenu financier de vos
propositions, y compris en matière de partenariat avec les collectivités
locales. Ainsi, le maire d'une ville moyenne que je suis se demande combien
paient les contribuables de cette ville pour un étudiant accueilli par rapport
aux contribuables des grandes métropoles, sans parler de la région parisienne.
Est-il normal, est-il légitime d'imposer aux contribuables des villes moyennes
un engagement financier pour développer une mission qui doit être d'abord celle
de l'Etat ?
Nous serons donc extrêmement attentifs, monsieur le ministre, aux conditions
du partenariat entre l'Etat et les villes auquel vous faites souvent allusion.
J'affirme notre attachement à la nécessaire solidarité nationale incarnée par
l'Etat.
Monsieur le ministre, vous avez de bonnes intentions. Si ces dernières sont
nécessaires, elles ne suffisent néanmoins pas à transformer une société. Il
faudra donc, au-delà des intentions, de la volonté et des actes.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ayant
été dit, et même à plusieurs reprises, je me bornerai à aborder un point
particulier non dénué d'importance.
Monsieur le ministre, il y a deux catégories de ministres de l'éducation
nationale : ...
M. Emmanuel Hamel.
Les bons et les mauvais !
(Rires.)
M. Jean Clouet.
... ceux qui partent avant que le toit ne leur soit tombé sur la tête et ceux
qui en prennent le risque ! Vous figurez parmi ces derniers. Ce ne sont pas les
moins courageux...
M. Emmanuel Hamel.
Il est parmi les bons !
M. Jean Clouet.
... même si, sans doute, ce ne sont pas nécessairement les plus réalistes.
(M. le ministre rit.)
Les uns gèrent avec prudence, les autres
ambitionnent de réformer.
« Vaste programme », eût dit le général de Gaulle, lorsque l'on connaît
l'immense conservatisme des différentes composantes du monde enseignant.
(Exclamations sur les travées socialistes)
: conservatisme de
résignation pour les uns, conservatisme de corporatisme pour les autres, même
et surtout s'il est fréquemment dissimulé derrière un nuage de revendications
très souvent contradictoires.
Dans ce monde où j'ai moi-même enseigné dans les trois ordres,...
M. Jean-Louis Carrère.
Ce n'est pas étonnant !
M. Jean Clouet.
... ce qui m'en a donné une certaine connaissance, et où le meilleur -
vraiment le meilleur - côtoie le pire - vraiment le pire - c'est de
l'enseignement supérieur qu'il s'agit aujourd'hui.
Deux millions d'étudiants - ou présumés tels - constituent sa population :
près de 80 p. 100 de chaque classe d'âge y affluent.
Qualité contre quantité, c'est l'éternel débat, sauf, précisément, dans
l'enseignement supérieur où il est entendu, acquis, proclamé que les deux
concepts ne font qu'un. Il convient donc de ne pas les séparer car, alors, on
tomberait dans cette abomination dont on ose à peine prononcer le nom de peur
de révulser les pharisiens pointilleux, toujours prêts à déchirer leur
tunique.
M. Michel Rocard.
Oh la la !
M. Jean Clouet.
Je ne le prononcerai donc pas.
M. Henri de Raincourt.
C'est dommage !
M. Jean-Louis Carrère.
On l'a entendu !
M. Jean Clouet.
Il n'a cours que dans le monde sportif, les prix littéraires ou au festival de
Cannes.
D'ailleurs, dans l'état actuel du droit, et même si l'on acceptait de
prononcer ce mot et de s'inspirer de son contenu, on s'en trouverait empêché
par le seul fait que le baccalauréat est un grade universitaire, le premier
d'entre eux, et que, dès lors, un bachelier n'a pas à entrer dans l'université
: en tant que tel, il s'y trouve.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Tout à fait !
M. Jean Clouet.
Il s'y trouve, dans le premier cycle de l'enseignement supérieur, que chacun
s'accorde à considérer comme une quasi-catastrophe pédagogique, où les
malheureux professeurs se débattent avec une foule de jeunes, dont beaucoup
sont malheureusement incapables d'accéder au niveau de l'enseignement que l'on
tente de leur dispenser.
De même qu'en quittant le primaire de très nombreux enfants ne sont pas au
niveau du secondaire - c'est une remarque que personne ne conteste - de même,
en quittant le secondaire, de très nombreux élèves ne sont pas au niveau du
supérieur.
M. Jean-Louis Carrère.
Et en quittant le Sénat ?
(Sourires.)
M. Jean Clouet.
Devant cette situation, chacun y va de ses suggestions, toujours généreuses,
souvent utopiques, jamais adoptées.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'entrer dans ce concert, même si je suis
persuadé de n'être pas entendu.
L'historien que vous êtes m'autorisera à m'inspirer de la formule quelque peu
rebattue de Guillaume d'Orange.
Tout le problème tourne autour du baccalauréat, puisqu'il est la clef de
l'enseignement supérieur. Dès lors, une rectification de frontière, me paraît
s'imposer. Elle peut être réalisée selon l'une ou l'autre des deux formules
suivantes.
La première solution consisterait à prolonger de deux années la durée des
études secondaires et à décaler d'autant la date de passage du baccalauréat.
Pendant ces deux années, les lycéens pourraient acquérir, grâce à une pédagogie
mieux adaptée que celle du premier cycle, les connaissances nécessaires et
entrer ainsi à l'université mieux aptes à entamer leurs études, qui
mériteraient alors vraiment le qualificatif de « supérieures ».
La seconde solution serait de faire passer le baccalauréat non plus à la fin
des études secondaires, mais à l'issue de l'actuel premier cycle : ce n'est
qu'à ce moment que, devenu alors bachelier, on entrerait véritablement dans
l'enseignement supérieur, la fin des études secondaires pouvant être
sanctionnée par la délivrance d'un diplôme approprié.
J'aurais tendance à préférer la première formule, car il me paraît évident que
ce qui manque aux actuels étudiants du premier cycle pourrait mieux leur être
apporté par une pédagogie de type secondaire que par une pédagogie de type
supérieur.
Mais tout cela importe peu, monsieur le ministre, car, comme vous le savez à
vos dépens, en matière d'enseignement, penser tout haut c'est déjà prendre un
risque. Mettons que j'aie pensé tout bas.
(Rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Henri de Raincourt.
Il a le sens de la formule !
M. François Bayrou.
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Hamel.
Il va penser tout haut !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur Clouet, en essayant de répondre aux différents
orateurs, je m'efforcerai de ménager la solidité de la coupole du Sénat, afin
de ne pas la voir tout de suite tomber sur ma tête, même si je connais la
nature du risque auquel est nécessairement exposé un ministre de l'éducation
nationale.
(Sourires.)
Tout d'abord, je tiens à souligner la qualité - je ne suis pas le premier
à le faire - le ton et la sérénité du débat que nous avons eu aujourd'hui et
qui me semble, en effet, marquer une évolution profonde, que nous étions
nombreux à attendre.
Peut-être notera-t-on que, au milieu de la dernière décennie du siècle, les
esprits ont suffisamment mûri pour que des problèmes, hier entièrement livrés à
la passion, puissent aujourd'hui être examinés avec davantage de sérénité, de
solidarité nationale et sans doute aussi de générosité. Cela ne sera pas le
moindre des mérites de ceux qui, depuis longtemps, se battent pour que la
priorité à l'enseignement supérieur soit reconnue par la nation de manière plus
unanime.
Je reprendrai très brièvement les principaux points évoqués par les orateurs
qui se sont succédé à la tribune. Ils me pardonneront de ne pas pouvoir leur
répondre dans le détail en raison de l'heure.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles, a
fait allusion au double paradoxe français.
Le premier paradoxe concerne l'invocation de la participation des étudiants au
moment des crises et la très grande difficulté qu'il y a à leur faire prendre
leur part des réflexions sur l'évolution de l'enseignement supérieur lorsqu'on
est hors des crises.
Il n'est pas le seul orateur à avoir observé que, en effet, l'un des maux que
notre pays connaît en matière d'enseignement supérieur, c'est l'incapacité à
traiter les problèmes à froid, de manière dépassionnée, la quasi-obligation où
l'on se trouve de ne les affronter qu'à chaud, en période de crise.
C'est de ce cercle vicieux que les états généraux ont voulu sortir, et je
donne volontiers acte à tous ceux qui ont noté - je fais notamment allusion à
M. Saunier - que nous aurions tous souhaité que les états fussent plus généraux
qu'ils ne l'ont été en réalité.
Pour ma part, je considère que c'est un premier pas. J'ai dit à l'Assemblée
nationale - et je le répète devant le Sénat - que si la démarche d'association
des acteurs de toute nature, qu'il s'agisse des acteurs de terrain - étudiants,
personnels, universitaires - ou des acteurs nationaux que vous êtes, devait
s'arrêter aux alentours du 15 juin, lorsque je m'efforcerai de tirer les
conclusions de ces états généraux et de proposer des principes, ce serait, me
semble-t-il, un grave échec.
Voilà des décennies que l'on constate l'incapacité où nous sommes d'organiser
une véritable participation à l'université, une vraie vie citoyenne,
intellectuelle, culturelle, démocratique. Désormais, c'est l'un de nos premiers
objectifs. Il ne pourra être atteint que par la poursuite du mouvement que nous
avons engagé, que par la certitude qu'acquerront peu à peu les étudiants que ce
qu'ils disent est important. Je voudrais noter, en effet, que lorsque les
étudiants arbitrent contre leur participation à ce genre de discussions et en
faveur des autres aspects de leur vie universitaire ou personnelle, ils n'ont
pas foncièrement tort.
Jusqu'à maintenant, à quoi ont servi leurs paroles, leur réflexion et leur
engagement ? En raison de ce syndrome français d'incapacité à traiter les
problèmes autrement qu'à chaud leur engagement n'a servi à rien !
Ils participaitent à des « amphis » passionnés, enfumés et sympathiques, dans
lesquels ils se forgeaient des souvenirs. Mais, la plupart du temps, leur
réflexion et leurs paroles étaient oubliées dès que les quinze jours
nécessaires pour amortir l'effet d'une crise avaient passée.
Il dépend de nous - mais c'est une oeuvre très complexe et de très longue
haleine - de prendre au sérieux ce qu'ils ont à dire, c'est-à-dire de
construire les institutions de la réforme continue que j'appelle de mes voeux
et que j'ai placée au premier rang de mes objectifs. Celle-ci devra montrer à
chacun des acteurs, par exemple à l'étudiant de première année qui commencera
son itinéraire universitaire, que, en effet, sa voix peut être entendue dans le
cadre de l'organisation de notre enseignement supérieur.
C'est très difficile, mais je suis persuadé qu'il s'agit d'un enjeu
essentiel.
Le second paradoxe, monsieur Gouteyron, porte, en effet, sur les places
respectivces du secteur sélectif et du secteur ouvert dans notre université.
Je reviens sur l'incapacité où nous sommes - de nombreux orateurs sont en
effet intervenus sur ce point, soit pour s'en féliciter, soit pour le regretter
; M. Clouet a menacé de voir en nous des pharisiens déchirant leur tunique dès
l'instant que le mot « interdit » serait prononcé - je reviens, dis-je, sur
l'incapacité où nous sommes de parler sereinement d'un problème qui concerne
pourtant la vie quotidienne des étudiants de notre pays.
Je m'attarderai quelque instants sur cette question de la sélection interdite,
de la sélection taboue.
Monsieur Clouet, vous avez raison, la sélection existe ! Elle existe non
seulement dans la vie sportive, culturelle, médiatique ou politique - nous
sommes nombreux à en savoir quelque chose !
(Sourires.)
- mais également à l'université.
Un grand nombre d'étudiants - entre 30 et 40 p. 100 - font le choix serein,
médité, volontaire d'une filière sélective. Ils s'inscrivent dans une filière
où ils savent qu'ils auront des concours à passer. Ils postulent à une
inscription où leur dossier sera examiné : BTS, IUT, classes préparatoires aux
grandes écoles, grandes écoles, facultés de médecine... dans ces cinq domaines,
la sélection existe !
Les autres étudiants, qui auraient pu être inscrits dans le secteur ouvert, le
sont en réalité dans un secteur où la sélection est féroce : plus de 60 p. 100
d'échecs dans certains cycles et moins de 20 p. 100 de réussites à l'issue des
deux années dites « normales ».
Par conséquent, la sélection existe, et elle est féroce !
Mais la question de la sélection ne se limite pas à ce constat. Elle recouvre
deux interrogations. Premièrement, la sélection actuelle est-elle juste ?
Deuxièmement, faut-il la renforcer encore en choisissant le principe de
l'exclusion d'un certain nombre d'étudiants avant même qu'ils puissent tenter
leur chance ?
Mme Hélène Luc.
Non !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Telles sont les deux questions qui se posent et auxquelles
j'ai répondu non.
La sélection actuelle n'est pas juste ! Comme M. Maman l'a dit, me
semble-t-il, avec beaucoup de justesse, naturellement, l'échec touche toujours
les mêmes, c'est-à-dire ceux dont la formation dans l'enseignement secondaire
n'a pas eu la solidité que l'on aurait souhaitée, soit par manque d'attention
familiale, soit par manque de conseil, ceux pour qui la jungle n'a pas été
défrichée par la connaissance subtile qu'ont les familles les plus avantagées
de ce qu'est une véritable formation universitaire. Ils n'ont pas été guidés
comme ils auraient dû l'être ni pour leur orientation ni pour leur travail.
Bien entendu, ce n'est pas la seule raison et, tout à l'heure, en réponse à un
orateur, je dirai ce que je pense de l'effort.
La sélection actuelle n'est pas juste ! Faut-il la renforcer en interdisant à
un grand nombre des jeunes de tenter leur chance ? Ma réponse est « non ». Je
considère qu'il n'y a pas de plus grande injustice, lorsqu'un jeune a satisfait
aux épreuves du baccalauréat, que de lui interdire de tenter sa chance
ensuite.
Permettez-moi de vous rappeler que, parmi ceux qui sont reçus au
baccalauréat, un très grand nombre, sinon la majorité, sont les premiers à
avoir réussi cet examen dans leur famille ! Nous l'oublions parce que nous
vivons dans des milieux où les diplômes pleuvent, mais la vérité est que, pour
beaucoup, la réussite au baccalauréat se traduit par une promotion et par une
émotion profonde. Qui aura le front, dans ces conditions, de regarder ces
jeunes dans les yeux en leur interdisant de tenter leur chance ? Surtout pas
moi !
Notre expérience commune, aux uns et aux autres, celles dont nous avons
connaissance dans notre entourage, montrent bien que ce n'est pas à dix-sept
ans que se photographient les succès ultérieurs. Beaucoup d'entre nous ont mûri
après cet âge-là, beaucoup d'entre nous ont eu des scolarités secondaires
cahotiques alors que, au contraire, tel qui paraissait promis au plus brillant
avenir s'est révélé, en réalité, en panne lorsqu'il s'est agi d'entamer des
études supérieures.
Je considère que, outre une injustice sociale, il y a une injustice culturelle
à refuser à un jeune de tenter sa chance. La question de la sélection, pour
moi, doit donc être tranchée de la manière suivante : étant donné ce qui
constitue la tradition française, étant donné ce qu'est l'intimité entre l'idée
d'école et l'idée de République, on n'a pas le droit d'interdire à un jeune de
tenter sa chance. Qui plus est, on n'a pas le droit de l'abandonner sans aide
dans la jungle impitoyable que représente, pour beaucoup d'entre eux, notamment
les moins favorisés socialement et culturellement, le premier cycle de notre
enseignement supérieur.
La réforme des premiers cycles et celle de l'orientation sont très étroitement
liées et il est d'enjeu national que nous arrivions à nous retrouver autour
d'une architecture qui puisse satisfaire à la fois deux exigences : permettre
raisonnablement à chacun de tenter sa chance et offrir les garanties de justice
indispensables pour faire en sorte que la sélection, inévitable s'agissant
d'études et de formation supérieures, soit considérée comme indiscutable par
tous ceux qui, précisément, auront tenté leur chance.
Voilà pourquoi je pense que la question de la sélection, que certains
considèrent comme taboue, est en réalité, si l'on appronfondit la réflexion,
une question vide, l'une de ces questions qui déchirent au lieu de
rassembler.
M. Gouteyron, enfin, a insisté sur l'insertion professionnelle, en posant une
question très simple : quel doit être le degré d'initiative des universités
dans le travail sur l'insertion professionnelle ? Je crois qu'il y a là un axe
tout à fait intéressant pour la rénovation en profondeur des modes de gestion
de notre université.
M. Camoin a insisté sur le caractère pénalisant de l'incapacité où nous sommes
de changer notre université. Il a relevé - nous devons également y réfléchir -
que la dépense pour l'université, en France, est nettement inférieure à celle
qui est pratiquée partout ailleurs.
Qu'il me permette de dire, pour être tout à fait exact, que la France a fait,
pour son enseignement élémentaire, des choix de dépenses publiques qui n'ont
été faits nulle part ailleurs non plus. La France est ainsi le seul pays au
monde à avoir une école maternelle...
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... et je crois que nous avons le droit d'en être fiers.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je ne partage pas le jugement sommaire porté ici ou là - je
l'ai entendu dans une autre assemblée - selon lequel il suffirait, pour faire
quelques économies, de supprimer quelques années d'école maternelle, en
considérant que les enfants ne s'en porteraient pas plus mal.
M. Gérard Delfau.
Ce sont des illettrés qui s'expriment ainsi !
Mme Hélène Luc.
Il faut la développer, au contraire !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Soyons honnêtes : la plupart des enfants de milieux favorisés
ne s'en tireraient pas si mal, mais, s'il est un point sur lequel les études
sont unanimes, c'est que l'école maternelle est un atout pour les enfants des
milieux socialement et culturellement les moins favorisés de la nation, et il
est juste de les défendre. Nous devons donc prendre cette dépense en compte
dans l'effort national pour l'éducation.
Certes, dans les temps difficiles que nous allons connaître, nous pouvons
imaginer la réorientation d'un certain nombre de moyens, à condition qu'aucun
enfant n'en souffre. Et il n'y aura pas là quadrature du cercle !
Je sais bien que l'expression « déshabiller Pierre pour habiller Paul » est un
des lieux communs de la rhétorique parlementaire en matière d'éducation...
M. Jean-Louis Carrère.
Pas seulement en matière d'éducation !
M. François Bayrou.
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... mais, depuis trois ans et demi maintenant que j'assume la
charge de ministre de l'éducation, en commençant par le primaire et le
secondaire et en poursuivant par l'enseignement supérieur, ma conviction est
qu'il existe des marges et que certains moyens pourraient être utilisés de
manière plus utile et plus efficace.
Toutefois, cette conviction s'accompagne d'une autre : la réorientation de ces
moyens ne peut se faire que dans le temps. Croire que, d'un claquement de
doigts, nous pourrions brutalement amputer des emplois, fermer des classes,
supprimer des écoles pour nourrir tel autre secteur de notre éducation
nationale qui en aurait besoin, c'est une vue de l'esprit.
Ce n'est pas au Sénat, où les représentants de tous les groupes m'ont
régulièrement interpellé sur telle fermeture de classe dans telle école
primaire de notre pays - fermeture considérée toujours comme abusive et
excessive, et je vois des sourires entendus sur toutes les travées - ...
M. Claude Estier.
Oui, sur toutes les travées !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... que j'aurai besoin d'insister sur la très grande attention
que nous devons apporter au maillage du territoire national par l'éducation
nationale.
M. Emmanuel Hamel.
Maintenez le maillage !
M. François Bayrou.
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Des marges existent, mais il faut beaucoup de soin, de
vigilance et de travail en profondeur pour les dégager et les réutiliser. Elle
peuvent, en tout cas, nous ouvrir des voies positives.
M. Camoin a également parlé de la simplification des DEUG. Ce sujet a
d'ailleurs été évoqué par beaucoup d'entre vous et j'y répondrai peut-être plus
longuement tout à l'heure.
M. Camoin est le seul, en tout cas, à avoir abordé la question des professeurs
agrégés dans l'enseignement supérieur. Ces PRAG - vous connaissez tous ce sigle
- assument une charge d'enseignement dans notre enseignement supérieur, mais
ils sont régulièrement montrés du doigt et on leur fait des procès totalement
injustes.
Je ne peux pas dire, à cette tribune, que ceux qui réussissent le concours de
l'agrégation sont moins bons que les autres, je ne serais pas crédible.
M. Henri de Raincourt.
Ah non !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
En tout cas, je n'aurai pas ce masochisme-là.
Il existe cependant une interrogation légitime au sein de la communauté
universitaire à propos de la possibilité, pour ces enseignants, de conduire des
recherches s'ils le souhaitent. Nous aurons à traiter de cette question. En
effet, si je considère que, pour l'instant, la situation n'est pas
satisfaisante, la simple idée que l'on va transférer des professeurs du
secondaire vers le supérieur pour écluser la charge de travail qui règne ici ou
là - M. Rocard parlait de Bercy, mais je ne vise personne - me semble toutefois
de nature à déséquilibrer la réalité universitaire.
Ce n'est pas pour autant que nous devons négliger la contribution, à mon avis
exceptionnelle, que beaucoup de jeunes agrégés brillants peuvent apporter à
l'enseignement supérieur dans les matières littéraires, dans les domaines de
gestion et peut-être aussi - je sais bien que ce n'est pas habituel d'y faire
référence depuis quelques années - dans les matières scientifiques.
Je suis persuadé qu'un chemin peut être trouvé pour concilier ces deux
exigences. Je m'efforcerai de le trouver, et de le définir.
M. Carle a parlé de la triple réponse - économique, sociale et en termes
d'aménagement du territoire - que nous devions apporter. Il a surtout focalisé
son intervention sur l'orientation, qui est en effet l'un des très grands
sujets qui sont posés, nous l'avons vu tout au long de cette journée.
Il a émis une idée que je trouve juste : il faut essayer d'élargir le champ
des intervenants, de ceux qui sont susceptibles d'apporter une information aux
lycéens pendant toute la période - et elle doit être longue -, où leur
orientation, leurs choix se préparent. Que ce soit en direction des retraités,
d'un côté, ou des étudiants, de l'autre, je suis persuadé que nous avons
beaucoup à faire.
A ce sujet, je dirai tout à l'heure à M. Rocard à quel point j'ai été
intéressé par ce qu'il a dit à cette tribune, notamment concernant le temps.
Cela me permettra d'ajouter une dimension à la réflexion de M. Carle : je crois
profondément que nous devons travailler sur la solidarité entre générations.
Autant il faut poser la question du meilleur équilibre, de la meilleure
harmonie à trouver dans nos vies personnelles compte tenu des données nouvelles
avec lesquelles nous ne pourrons pas ne pas vivre, autant je crois nécessaire
de la poser en termes de solidarité et de chaleur humaine. L'une des menaces du
monde vers lequel nous nous dirigeons, c'est l'anonymat qui pèse de plus en
plus lourd sur les épaules, notamment des plus fragiles. L'idée que l'on puisse
faire de l'ingénierie sociale, pour reprendre une expression chère à certains
d'entre vous, autour de principes de générosité un peu idéalistes - je le
reconnais volontiers, mais, après tout, pourquoi sommes-nous là ? -
c'est-à-dire l'idée que nous puissions modeler l'architecture de nos
institutions pour favoriser cette solidarité-là me paraît tout à fait
intéressante.
Elle n'est pas seulement un voeu pieux, je crois que les moyens pratiques
existent pour nous orienter vers cet échange de générosités-là. Après tout,
nous pouvons imaginer qu'il y a là un des axes de cette nouvelle orientation
que nous cherchons ensemble !
Je veux enfin, monsieur Carle, vous dire à quel point je suis d'accord avec
vous sur le fait qu'il n'y a pas de solution unique à construire. L'idée
napoléonienne selon laquelle c'est à Paris, rue de Grenelle, que doit se
décider l'ensemble des dispositions qui vont régir, sur le terrain,
l'université ou l'éducation nationale, est heureusement obsolète... en tout cas
pour moi.
C'est la raison pour laquelle nous avons grand intérêt à favoriser la
politique des contrats, c'est-à-dire à reconnaître la capacité d'initiative,
d'inventivité, d'innovation, d'imagination, de création des acteurs de terrain.
C'est en effet la seule qui, me semble-t-il, peut répondre de manière fine aux
problèmes fins qui se posent sur le terrain et qui ne sont pas tous
identiques.
M. Jean-Louis Lorrain a posé des questions tout à fait fondamentales, et il ne
s'étonnera pas que je sois en accord profond avec lui, notamment sur
l'aménagement du territoire, sujet sur lequel je voudrais m'arrêter un instant.
Je répondrai ainsi également à M. Claude Saunier, qui a abordé ce point dans
son intervention.
Chacun sait bien qu'il y a en la matière deux attentes, qui peuvent paraître
contradictoires. Elles ont d'ailleurs été exprimées chacune en leur temps par
le Sénat.
Il s'agit, en premier lieu, d'une attente traditionnelle dans une assemblée
pour laquelle l'aménagement du territoire est particulièrement cher :
l'université doit être un service public de proximité et vivifier le territoire
national, tout en répondant à une demande sociale.
Beaucoup d'entre vous ont exprimé cette attente, et M. Lorrain en particulier.
Certains jeunes auraient ainsi plus de chances si le service public
universitaire était plus proche d'eux. En outre, la charge financière de leurs
études serait naturellement moins lourde pour leurs parents.
Cette première exigence est corroborée, je le souligne, par une observation
qui ressort de l'évaluation des universités effectuée par le ministère, à
savoir que le taux de réussite est plus important dans les universités de
proximité que dans les très grands centres universitaires. Cet élément n'est
pas sans intérêt.
Il s'agit donc là d'une attente forte - et ce n'est pas l'élu pyrénéen que je
suis qui pourrait dire le contraire - corroborée par les évaluations menées par
le ministère.
En second lieu, certains disent, à juste titre, que l'université c'est la
recherche et que, sans structures de recherche de dimension suffisante, il ne
s'agit plus d'université. A en croire les grandes universités, ce que l'on
installe dans vos chefs-lieux de canton, ce ne sont pas des universités !
Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que les deux sont vrais.
M. René-Pierre Signé.
Ce n'est pas dans les chefs-lieux de canton, mais dans les chefs-lieux de
département !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Elles disent « chefs-lieux de canton » de manière ironique et
péjorative !
Les deux sont vrais. Je ne veux citer à l'appui de cette thèse que le débat
que vous avez eu vous-mêmes sur la proposition faite l'année dernière par M.
Jean François-Poncet d'universités expérimentales qui permettrait de construire
ces universités de proximité dont il rêve à juste titre.
J'ajoute que les deux systèmes sont conciliables par le biais du réseau, non
encore systématisé, ni organisé pour l'instant, excepté dans quelques
universités par nature multipolaires.
Je crois qu'il est possible de réaliser des appareils de recherche et
d'enseignement de taille suffisante décentralisés, surtout à l'ère des
technologies de l'information, où les données peuvent circuler sans aucune
limite.
Nous avons à inventer cette université du troisième type, notamment pour la
France provinciale, qui en a, je le crois, le plus urgent besoin.
Ainsi seront vidées un certain nombre de querelles stupides - nous en
connaissons, y compris dans le département des Pyrénées-Atlantiques - qui
visent à la scission, à la « scissiparité » perpétuelle des universités pour
affirmer la dignité universitaire de telle région ou de telle ville. Ces
querelles et ces méthodes sont d'un autre temps ; je les crois absurdes.
L'université en réseau peut répondre à un certain nombre des demandes que nous
avons constatées, je voulais le dire à M. Lorrain.
M. Renar a listé un certain nombre d'attentes, et je ne m'inscrirai pas en
faux contre celles-ci.
Dans un monde idéal, un monde où le compte en banque serait abondamment
crédité, je serais infiniment, sincèrement heureux, monsieur Renar, d'adopter
la démarche que vous avez proposée. Je ne crois pas, pour autant, que tous les
problèmes seraient résolus...
Mme Hélène Luc.
Ça aiderait !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... mais, sans aucun doute, un certain nombre des attentes des
étudiants, des universitaires, des personnels seraient satisfaites.
Nous sommes cependant bien obligés de vivre dans le temps qui est le nôtre,
avec les contraintes qui s'imposent à nous comme elles se sont imposées au fil
du temps à tous les gouvernements, y compris à ceux que vous avez soutenus.
Il faut naturellement conserver cette orientation républicaine que vous avez
défendue à la tribune, et dont je vous donne volontiers acte. Mais il importe
aussi de savoir que cela ne pourra se faire qu'au prix d'effort prolongé dans
le temps. Pour ma part, je m'efforcerai d'aller dans ce sens.
Monsieur Carrère, j'ai déjà répondu à l'essentiel de votre intervention.
M. René-Pierre Signé.
Excellente !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
En effet, quelques-unes des idées que vous avez émises à cette
tribune me paraissent intéressantes, et vous avez pu constater que, reprises
par les uns ou par les autres, elles ont fait progresser l'accord que nous
recherchons.
Je vous remercie d'avoir noté que l'identification des problèmes est juste. Je
n'ai pas une volonté irénique à tout prix, car je sais que nous serons en
désaccord sur un certain nombre de points. Quoi de plus légitime ? Mais quoi de
plus heureux aussi de voir les différentes composantes d'une nation être
capables de se rencontrer pour désigner du doigt les causes des problèmes dont
elle souffre et, peut-être, d'en dessiner ensemble les futures solutions ?
Il est donc normal et légitime que je qualifie d'intéressante l'intervention
de M. Carrère, ce qui n'a pas été toujours le cas dans cet hémicycle et à cette
tribune...
MM. René-Pierre Signé et Robert Castaing.
On a tous le souvenir !
(Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère.
Eh oui !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Oui, on a le droit d'avoir des souvenirs !
(Nouveaux sourires.)
M. Ivan Renar.
Il se souvient des bagarres dans la cour de récréation !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
M. Lesein a noté qu'en effet nous avions vécu dans un temps où
le diplôme était synonyme d'embauche et que là réside la vraie révolution
culturelle que nous sommes en train de vivre. Il a noté que cela changeait
considérablement les données de l'université que de découvrir un monde,
notamment pour les étudiants, dans lequel il n'existe plus d'automaticité entre
l'acquisition du diplôme et la situation protégée qui lui était hier liée.
Devant cette découverte, nous devons nous poser la question de savoir si, pour
protéger le lien indissoluble diplôme-statut, diplôme-fonction de cadre, comme
un certain nombre d'intervenants l'ont noté, nous devons interdire à un certain
nombre de jeunes d'acquérir des diplômes, ou au contraire conduire avec eux le
mouvement d'éducation pour que, outre leur droit à l'obtention du diplôme, ils
puissent construire leur parcours professionnel.
Sans doute cette double démarche doit-elle se substituer aujourd'hui à la
démarche unique qui prévalait hier, où il suffisait d'acquérir un diplôme pour
trouver un emploi. Aujourd'hui, certes ceux qui le souhaitent peuvent obtenir
un diplôme, mais il faut qu'en plus ils choisissent une orientation
professionnelle et accomplissent un parcours qualifiant pour réussir d'abord
leur entrée dans la vie professionnelle et, plus tard, leur carrière
professionnelle.
Il est vrai, j'y reviendrai, que l'université comme lieu de formation continue
joue alors un rôle majeur.
Vous ne pouvez pas non plus dire que seuls auront droit à un parcours
professionnel ceux qui seront restés le plus longtemps possible à l'université.
Il convient, c'est un grand enjeu - et j'y reviendrai également parce qu'un
orateur s'y est intéressé - de favoriser autant que possible la mobilité qui
permet la sortie de l'université, même précoce, puis le retour à
l'université.
M. Lesein a posé une question sur laquelle je voudrais m'intéresser à cette
tribune, c'est la question de l'année universitaire.
Nous avons en effet des équipements extrêmement coûteux qui ne sont utilisés
que cinq mois et demi par an pour les cours, le reste de l'année étant voué aux
examens ou aux congés universitaires.
Il y a là une piste d'amélioration de la productivité de nos dépenses
éducatives en matière d'enseignement supérieur. Mais, ne nous y trompons pas,
c'est très difficile, très compliqué. Cela est pourtant essentiel, et je
m'efforcerai de proposer, d'ici à quelques semaines, des réponses.
J'ai noté, monsieur Lesein, votre observation sur les premiers cycles d'études
médicales aux Antilles et en Guyane : je regarderai de près ce que cette
demande de formation recouvre de besoins réels.
Je remercie M. Maman pour les propos chaleureux qu'il a eu à l'égard de la
méthode suivie. Il a lui aussi noté le paradoxe de la sélection et il a insisté
pour que les parents soient associés au travail d'orientation.
Vous avez raison, monsieur Maman. Traditionnellement, en effet, les parents
n'étaient pas reconnus comme ayant leur mot à dire à l'université. On
considérait que le rôle des parents, notamment des associations de parents
d'élèves, s'arrêtait lorsque le baccalauréat était obtenu.
Monsieur Maman, vous avez raison parce que la société change et il n'y a pas
de raison d'exclure des acteurs qui, en réalité, sont majeurs de la réflexion
sur l'avenir de notre université et du travail d'orientation mené auprès des
jeunes lorsqu'ils fréquentent encore le lycée.
Tout reste à inventer dans ce domaine. A cet égard, vous savez que j'ai fait
distribuer, pour la première fois cette année, une brochure à tous les élèves
de terminale leur permettant d'apprécier le choix qu'ils devront faire à
l'université, notamment en leur indiquant leurs chances de succès.
Nous avons obtenu des résultats satisfaisants, maintenant que nous commençons
à disposer de statistiques, pour toutes les formations, à l'exception de l'une
d'entre elles, l'éducation physique et sportive, pour laquelle, je le signalais
ce matin, la demande est pléthorique : les candidats se comptent par dizaines
de milliers. Cela nous obligera à arrêter les procédures ou du moins à mener un
travail d'orientation spécifique.
Il y a là un phénomène profond, auquel n'est pas étrangère la place croissante
qu'occupe le sport dans la société française. Il n'est pas étonnant, quand les
événements sportifs recueillent les plus grandes audiences audiovisuelles, que
de nombreaux jeunes demandent à s'engager dans cette voie. Ces deux faits sont
liés. Il faudra donc que nous y réfléchissions longuement.
Mais la vérité que nous devons à ces jeunes oblige à dire que, pour l'instant,
la société française, notamment l'éducation nationale, n'offre pas le dixième
des débouchés qui permettraient de satisfaire la vocation sincère qui est la
leur. Nous sommes contraints, sauf à les trahir et à être irresponsables
vis-à-vis d'eux, d'harmoniser dans la mesure du possible l'offre de débouchés
et la demande de diplômes que nous constatons.
Nous ne pouvons pas construire les centaines de stades, de gymnases
universitaires qui conviendraient pour, d'un seul coup, demain, répondre aux
demandes de dizaines de milliers d'étudiants. C'est là, me semble-t-il, un
signal de l'évolution des sociétés dans lesquelles nous allons vivre.
Raison de plus, monsieur Rocard, pour poser les questions que vous avez
soulevées à cette tribune ! Cependant, nous ne pouvons pas, aujourd'hui, sur ce
sujet, apporter les réponses, et il est, bien entendu, très important, monsieur
Maman, de réfléchir au rôle des parents dans cette affaire.
J'ai noté vos remarques sur la formation professionnelle. Je les crois très
justes. Il s'agit de faire évoluer positivement le système tout en lui
conservant son âme.
La réflexion qui a été la vôtre sur ce point vaut également pour notre
université.
Nous vivons dans un monde qui est constamment fasciné par l'herbe qui se
trouve dans le pré du voisin. On nous propose en exemples les universités
allemandes, britanniques, américaines, japonaises, sans discerner la multitude
de débats qui, dans chacun de ces pays, met en cause les systèmes de formation
qu'ils ont choisis. L'Allemagne, par exemple, considère aujourd'hui - j'en
parlais avec le chancelier Kohl voilà à peine quarante-huit heures - que son
système de formation supérieure est devenu insupportable non pas seulement pour
les budgets publics mais pour la société allemande, parce que l'âge moyen de
sortie des étudiants est de vingt-neuf ans !
A cet égard, M. Gélard a signalé à très juste titre qu'en Allemagne la
certification n'avait lieu qu'au terme des études et que le taux d'échec y est
le même qu'en France. Naturellement, la société allemande considère que ce taux
est trop élevé. Le chancelier Kohl était fondé à me dire qu'après tout les
Français et les Anglais n'étaient pas moins bien formés que les Allemands, même
s'ils restaient moins longtemps à l'université que ces derniers.
Cependant, les Français sont portés, par un esprit de fascination pour l'autre
qui caractérise souvent notre société, à regarder toujours ailleurs, sans avoir
conscience des problèmes qui s'y posent, et, partant, à adopter les systèmes
des autres.
Pour ma part, je vous dis ma conviction : ce que nous construirons, c'est
l'université française et non pas l'université allemande, britannique,
américaine, japonaise ou autre. Nous construirons l'université française, avec
sa tradition intellectuelle, avec ses principes d'organisation. Nous ne
transplanterons pas chez nous des universités étrangères, tant la nature d'un
système éducatif est profondément liée à l'identité nationale.
Je crois donc que ce n'est pas ailleurs qu'il faut chercher l'âme de notre
université. Nous avons une âme profondément enracinée, il est juste de le dire
et de le rappeler.
Enfin, j'ai été très frappé, parce que c'est aussi ma conviction, par la
référence aux amicales d'anciens étudiants. C'est en effet une des faiblesses
françaises que l'absence d'identitié de nos universités. Dans notre pays, il
est difficile de rendre les étudiants fierts de l'établissement dans lequel ils
ont fait leurs études, si ce n'est pour les très grandes écoles.
Si l'université de Bordeaux, où j'ai fait mes études, suscitait la même fierté
que l'Ecole polytechnique - après tout, pourquoi pas ? - il me semble que, pour
ses étudiants, les choses iraient mieux. En effet, monsieur Maman, le pont
entre les générations jouerait dès lors un rôle beaucoup plus important.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes tout à fait au
coeur du débat que nous avons eu au commencement : construire, au travers de
l'institution universitaire, un peu de la société dont nous rêvons, celle où
l'on se tient la main, plutôt que celle qui favorise l'anonymat, qui enfonce
les plus faibles.
Monsieur Gélard, je signale votre très intéressante intervention à propos de
la certification. Si vous n'êtes pas le seul à avoir évoqué cette question,
vous êtes celui qui a le mieux posé le problème, puisque vous vous êtes référé
au changement nécessaire de l'évolution des carrières.
En effet, notre incapacité à tenir compte de l'engagement pédagogique et
administratif des universitaires est l'une des grandes faiblesses de notre
système.
Les carrières de certains se sont achevées parce qu'ils avaient été obligés de
devenir doyen ou président d'université. Pendant cette période, ils n'avaient
pas publié, ils n'ont donc pas pu réunir les critères de recherche leur
permettant de postuler à d'autres postes.
Un système qui pénalise ceux qui le portent sur leurs épaules est voué à
l'échec à court terme !
Dans de telles conditions, il n'est pas étonnant que des personnalités
éminentes ne soient pas animées par la vocation d'assurer des responsabilités
dans l'université. Voilà une question à laquelle nous aurons à apporter une
réponse.
Monsieur le sénateur, vous me permettrez de ne pas répondre à tous les points
très intéressants que vous avez abordés, mais je tenais à insister sur
celui-là.
Monsieur Falco, j'ai déjà répondu d'une certaine manière à votre intervention
en parlant des universités de proximité. Vous avez cité l'exemple du
département du Var.
En ce qui concerne le partenariat entre l'université et les collectivités
locales, il est destiné, non seulement à servir l'université, mais aussi à
proposer aux universités de participer de manière citoyenne à la lutte contre
l'échec scolaire, par exemple, ou à la préparation de l'entrée dans la vie
active.
Je suis persuadé qu'il y a là une piste tout a fait intéressante, qui est
également suivie ailleurs, même si elle n'est absolument pas généralisée. Elle
me paraît de nature à changer le climat et à créer ces liens de reconnaissance
que j'évoquais à l'instant. Je trouve donc très riches les propositions que
vous avez faites sur ce sujet, monsieur le sénateur.
Monsieur Rocard, monsieur le Premier ministre, tout le monde a perçu - sur
toutes les travées - la richesse de votre intervention. Je n'en relèverai
cependant qu'un ou deux points !
Tout d'abord, j'ai trouvé très intéressante et originale votre idée d'accoler
une fondation à chaque université. Cela reviendrait à renforcer l'autonomie
universitaire sans porter atteinte ni aux principes républicains, ni au rôle de
l'Etat, ce que je trouve juste et profond.
En effet, on « bricole » sur ce sujet depuis très longtemps et vous savez que
gravitent autour des universités une forêt d'associations qui sont « limites de
la loi de 1901 », et qui permettent en fait aux universités françaises de
contourner des règles comptables - vous avez fait allusion aux plans comptables
- trop strictes et profondément pénalisantes.
Votre idée, que je n'avais jamais entendue, constitue une piste tout à fait
intéressante pour tenter d'ouvrir de nouvelles voies. En revanche, je résiste
quelque peu à propos du premier cycle en trois ans. Je note, d'ailleurs, que
votre proposition n'est pas exactement la même que celle de M. Carrère.
Vous avez commencé votre intervention en annonçant l'unité profonde du groupe
socialiste sur les propositions de M. Carrère. Puis vous avez présenté une
proposition radicalement différente de la sienne, même si, on le voit bien,
l'inspiration est la même.
Un premier cycle en trois ans, je vous l'accorde, est le mode de certification
habituel en Europe. Je crois d'ailleurs que M. Gélard l'a noté lui aussi. Mais
un tel dispositif aurait pour conséquence d'allonger les études pour un fruit
que je n'aperçois pas.
Vous savez à ce propos combien l'un de mes prédécesseurs, M. Jospin, et son
conseiller spécial en matière d'enseignement supérieur, M. Allègre, ont résisté
de toutes leurs forces au « cylindrage » des études technologiques - BTS, IUT -
puisqu'ils ont créé une chicane entre l'IUT et l'IUP qui obligeait l'étudiant
ayant été admis en deuxième année d'IUT à reprendre ses études un an plus bas
pour entrer dans un IUP. C'était une manière d'éviter que le « cylindrage » ait
lieu.
Je résiste donc à cet allongement mécanique de la durée des études, même si je
reconnais l'impératif d'orientation que vous avez ainsi mis en valeur.
Enfin, monsieur Rocard, vous avez mis l'accent sur le temps dans la vie.
Voilà l'un des sujets essentiels et extrêmement complexes dont nous aurons à
traiter dans les décennies qui viennent.
Vous avez de même relevé qu'au cours de certaines périodes de l'histoire de
l'humanité le travail n'était pas considéré comme un lien social et qu'il était
même rejeté en tant que tel.
Vous avez cité l'exemple d'Athènes à fort juste titre. Voilà seulement 250
ans, en France, on dérogeait si l'on travaillait, on était en rupture avec son
milieu social si l'on travaillait.
Pourtant, en deux siècles, le travail est devenu le lien social par
excellence. Et, aujourd'hui - c'est un paradoxe des temps que nous vivons ! -
le travail est le seul lien social reconnu par la société et par les cellules
élémentaires qui la composent.
Réfléchir à cette évolution est une tâche immense.
Quoi qu'il en soit, j'ai été tout à fait intéressé par vos remarques. Mais
vous mesurez bien, monsieur le sénateur ce que cela représente comme changement
dans les systèmes de valeurs de la société dans laquelle nous vivons.
M. Michel Rocard.
Oh oui !
M. François Bayrou
, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Notre société décide ainsi de mettre la valeur et la
reconnaissance dans autre chose que le matériel.
Elle décide d'accomplir enfin la mission humaniste qu'elle invoque
verbalement, mais qu'elle réalise peu dans son organisation.
Elle décide que l'être humain a vocation à la création, à la rencontre, à la
compréhension des autres et du monde.
Comme, dans le même temps, la mondialisation de l'économie et l'autonomisation
de la sphère financière font que, d'une seconde à l'autre, des milliards de
dollars arbitrent contre ces valeurs-là ou, en tout cas, oeuvrent dans le
désintérêt le plus complet de ces valeurs, nous sommes confrontés à un conflit
non de société mais de civilisation. C'est précisément sur ce point que vous
avez mis le doigt.
Je suis persuadé que notre débat d'aujourd'hui sur l'université porte
exactement sur ce sujet. Telle est la question qui nous est posée par la
tentative de définition de l'université française de demain.
Je voulais enfin vous remercier, monsieur le Premier ministre, d'avoir assisté
d'un bout à l'autre au débat que nous avons eu sur ce sujet tellement
important.
M. Joly est intervenu principalement pour me demander des informations sur
Belfort, à propos de la certification. Je veux lui donner des nouvelles assez
rassurantes.
En effet, la mission scientifique et technique avait émis un avis défavorable,
comme il l'a laissé entendre, mais nous avons examiné de près l'impératif
d'aménagement du territoire à l'égard de cette région. J'ai donc proposé qu'un
avis favorable soit donné à la reconnaissance de la formation que vous avez
défendue à cette tribune, monsieur le sénateur.
J'ai pris cette décision voilà quelques semaines, et non à l'issue de votre
intervention, mais je suis heureux de vous rassurer sur ce point.
M. Lachenaud est intervenu de manière tout à fait argumentée sur le statut, la
place de l'étudiant dans la cité et les exigences qui s'imposaient à nous en
matière de nouvelles définitions des aides.
Il a tout à fait raison sur un point : une telle réforme ne peut pas être
brutale et simpliste.
Il n'est pas facile de sortir d'un système à interventions multiples et
inéquitables, à canaux administratifs divers, pour passer d'un seul coup à un
système unique qui serait réputé équitable. Cela ne pourrait qu'engendrer des
problèmes.
Il n'en demeure pas moins, monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison
de le dire, que, désormais, nous ne pouvons plus laisser cette question sans
réponse. Nous ne pouvons plus, maintenant que les débats l'ont établi,
maintenant que ce qui se chuchotait est sur la place publique, avoir un système
qui aide préférentiellement les plus pauvres et les plus riches mais pas ceux
qui sont entre les deux. Il faudra trouver une solution.
Comme vous, je l'ai dit à la tribune, je ne crois pas à l'égalité de
traitement pour tous. Il me semble qu'il est injuste de traiter également les
pauvres et les riches.
Bien entendu, la revendication d'autonomie des jeunes est une revendication
légitime. Et il est vrai aussi qu'un certain nombre d'entre eux ne sont pas
forcément aidés sous prétexte qu'ils appartiennent à un milieu favorisé. Mais
des dispositifs nous permettront d'aller dans le sens que vous avez signalé.
En tout cas, je voulais vous remercier pour la richesse des remarques que vous
avez faites sur ce sujet, qu'il s'agisse du guichet social unique, de l'aide
globale différenciée... la réforme fiscale étant naturellement au coeur de
cette réflexion.
J'en viens à l'intervention de M. Saunier, à laquelle j'ai fait plusieurs fois
allusion.
J'ai noté également dans vos propos, monsieur Saunier, une tension entre deux
impératifs contraires. Ne croyez pas que ce soit une obsession centriste qui me
les fait remarquer à cette tribune ! Bien des domaines de la société jouent sur
ce registre.
Vous avez dit, à très juste titre, qu'il ne fallait pas que le débat s'arrête
là. Mais vous avez ajouté : « Attention à une dilution excessive du débat ! ».
C'est bien pour cette raison que j'ai tenu à conclure ces états généraux avant
la fin de l'année universitaire. En effet, ma conviction était - les temps
médiatiques étant ce qu'ils sont - que si l'on avait recommencé l'année
prochaine, on aurait donné l'impression que le Gouvernement voulait noyer le
poisson, ce qui évidemment n'est pas notre objectif.
Je suis très heureux que vous ayez noté, monsieur Saunier, que l'université
n'était pas le champ de ruines que beaucoup dénonçaient. Je crois que c'est la
multiplication des crises qui donne cette impression de champ de ruines ; c'est
la succession des messages lancés sur la difficulté de vivre à l'université qui
impose ce genre d'images noires. Vous avez tout à fait raison de dire qu'après
tout l'université a relevé le défi du nombre et y a apporté une réponse sans se
dévaloriser, sans trahir la mission qui était la sienne.
Elle rencontre des difficultés, mais elle a su absorber le choc de la
démocratisation ou de la « massification », comme certains disent en utilisant
un mot horrible que je ne reprends pas à mon compte. La révolution du nombre a
été maîtrisée, et il est juste de mettre cela au crédit des universités.
Vous avez raison de dire que cette réforme est nécessaire pour que
l'université retrouve la réputation qui n'aurait jamais dû cesser d'être la
sienne et que les efforts de très nombreux universitaires méritent.
Vous avez à votre tour évoqué - vous n'êtes pas le seul - la réduction du
nombre des DEUG, M. Gélard a également émis une réserve sur ce point. Là
encore, il nous faudra concilier les contraires, arbitrer entre ceux qui
dénoncent les DEUG trop spécialisés, lesquels conduisent les étudiants dans des
impasses sans leur donner les armes nécessaires à la construction d'une
véritable personnalité, à l'acquisition d'une véritable culture générale, et
ceux qui redoutent les formations passe-partout, qui obligeraient à allonger
d'autant les études ultérieures pour retrouver un bon niveau de formation
spécialisée. Une conciliation peut sans doute être trouvée parce que je crois à
la justesse des deux attentes, auxquelles je m'efforcerai de répondre.
Mon dernier mot s'adressera à M. Clouet, que je remercie de son intervention,
qui fut comme toujours franche et talentueuse, ironique et subtile, pour lui
dire que je suis en désaccord avec lui sur un point. Ce désaccord porte sur
l'image si souvent véhiculée d'un monde enseignant réactionnaire, conservateur,
incapable de mouvement. Les organisations syndicales qui représentent le monde
enseignant, qu'on charge généralement de tous les maux, sont traitées à peu
près de la même manière. Ce que je vais vous dire pourrait naturellement être
considéré comme une
captatio benevolentiae.
Ce n'est pas le cas ; Je
vous livre ma pensée après avoir effectivement écrit les propos que vous
m'attribuez. Il est vrai que j'ai autrefois écrit sur les organisations
syndicales des pages souriantes mais un peu sévères, du même ordre que celles
que vous évoquez.
Je vous dirai sincèrement que, quels qu'aient été les conflits passés, les
organisations syndicales que j'ai rencontrées dans le monde de l'éducation
nationale ont constamment entendu l'appel au changement et à un meilleur
service des valeurs républicaines que je leur lançais.
Je n'ai pas trouvé la puissance réactionnaire à laquelle je m'attendais, au
contraire : j'ai constamment rencontré - cela paraît difficile à croire ! -
...
M. Jean-Louis Carrère.
Il nous joue un peu de violon !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Non, monsieur Carrère ! Ne démolissez pas vos amis !
Mme Hélène Luc.
Il aurait du mal !
M. Jean-Louis Carrère.
Je ne les démolis pas, je parle de violon !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... j'ai constamment rencontré, disais-je, parmi les
responsables d'organisations des femmes et des hommes très positifs et
profondément avertis de ce qui se passe sur le terrain.
On ne gère pas un corps de 1 200 000 personnes sans organisations
intermédiaires. Ceux qui croient qu'on pourrait y parvenir s'engagent dans une
impasse. Il faut trouver une façon de faire vivre et travailler ensemble
organisations syndicales et responsables gouvernementaux. Les enseignants
nourrissent profondément cet espoir. Ils constatent les mêmes problèmes que
nous et en souffrent plus que nous. Ce sont eux qui sont au premier rang
lorsque des difficultés surgissent dans les « amphis » ou lorsqu'ils n'arrivent
pas à faire passer leur message de formation. Ce sont eux qui sont en première
ligne et qui, d'une certaine manière, sont les premières victimes.
Si les esprits ont tant évolué au cours de ces derniers mois, n'est-ce pas en
raison d'une pression venant de la base qui se serait exercée pour éviter que
les problèmes de l'université française ne soient encore éludés ?
Voilà une raison de plus pour choisir comme mot d'ordre de faire confiance au
terrain. C'est une telle attitude qui assurera le succès de la réforme à
laquelle nous avons, je crois, utilement travaillé aujourd'hui. Et, en cet
instant, permettez-moi, monsieur le président, d'exprimer au Sénat ma gratitude
pour sa contribution.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n°
399 et distribuée.
12
RÉGLEMENTATION
DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 357, 1995-1996),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de
réglementation des télécommunications. [Rapport n° 389, (1995-1996).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'évoquer le
projet de loi portant réforme de la réglementation des télécommunications, vous
me permettrez d'évoquer l'échec du premier tir du lanceur Ariane 5.
Cet échec est douloureux pour l'Europe spatiale, en particulier pour tous ceux
qui, depuis dix ans, préparaient le premier vol de ce qui devra être le lanceur
européen pour les vingt ans à venir.
Cet échec, douloureux je le répète, n'était pas complètement improbable
puisqu'il s'agissait d'un vol de qualification, donc d'un vol expérimental.
L'histoire spatiale européenne, comme l'histoire spatiale des Etats-Unis ou
celle de l'Union soviétique, est pleine de ces échecs qui ont permis ensuite la
qualification des lanceurs.
Nous ignorons encore les causes qui ont conduit la fusée à quitter sa
trajectoire et amené les responsables du centre spatial guyanais à la faire
exploser en vol. Les premières indications qui nous ont été fournies semblent
incriminer les systèmes de guidage, ce qui serait moins grave que si la
structure même du lanceur était en cause.
Une mission d'enquête vient, comme c'est normal, d'être diligentée. Elle
devra, avant le 15 juillet, rendre un rapport technique, à partir duquel nous
établirons le calendrier du second tir, le vol 502, qui était prévu pour le
mois de septembre. Il sera sans doute décalé de quelques mois mais il aura lieu
: la détermination du Gouvernement français comme celle des gouvernements
européens qui sont associés à l'aventure Ariane 5 est totale.
La mise au point de ce lanceur est essentielle pour que l'Europe conserve la
première place dans le domaine des lanceurs de satellites commerciaux et
qu'elle assure son indépendance dans le domaine des vols habités.
M. Emmanuel Hamel.
Maastricht porte toujours malchance !
M. François Fillon,
ministre délégué.
C'est un très mauvais exemple, monsieur le sénateur,
car la coopération spatiale européenne est une histoire faite de succès et,
comme vous le savez, elle dépend non pas de l'Union européenne, mais d'une
agence gouvernementale qui fonctionne fort bien.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de
loi dont vous allez maintenant débattre marque un tournant dans l'histoire des
télécommunications françaises puisqu'il consacre la fin du monopole de l'Etat
sur le téléphone.
Contrairement à une idée reçue, ce sont moins les réglementations européennes
que les évolutions technologiques qui rendent aujourd'hui nécessaire cette
réforme de la réglementation.
Dans notre histoire, ce sont souvent les évolutions technologiques qui ont
provoqué les changements de société. On peut dire que c'est la maîtrise de
l'énergie qui a introduit la société industrielle. Ce seront sans doute les
technologies de l'information qui nous feront entrer dans ce qu'il est convenu
d'appeler, à la fin de ce siècle, la société de l'information.
Cette révolution des technologies de l'information est déjà en marche, c'est
le fruit du mariage de l'informatique et des télécommunications. Elle a déjà
débouché sur une croissance exponentielle des services de télécommunications et
sur l'avènement de ce qu'il est convenu d'appeler le multimédia.
Nous allons assister à la fin du vieux téléphone tel que nous le connaissions
et à l'apparition de terminaux plus intelligents, capables d'échanger des
informations sous forme aussi bien visuelle ou écrite que vocale. Ces terminaux
nous relieront à toutes les sources d'information disponibles à travers le
monde. La révolution de la société de l'information, c'est, au fond, la
réalisation de réseaux de télécommunications mondiaux interactifs, c'est-à-dire
sur lesquels chacun est à la fois récepteur et émetteur d'informations.
Les enjeux de cette révolution des technologies de l'information sont
considérables, aussi bien sur le plan économique que sur le plan culturel ou
social. Tous les pays développés ont d'ailleurs engagé, souvent depuis
plusieurs années, la réforme de leur réglementation pour s'adapter à l'arrivée
de ces nouvelles technologies.
Cette réforme, l'Union européenne l'a également entreprise, et on peut dire
qu'elle a anticipé très largement ces évolutions puisque c'est en 1984 que,
pour la première fois, a été décidée, par le conseil des ministres des
télécommunications, la rédaction d'un livre vert des télécommunications qui
faisait pressentir toutes les étapes de la libéralisation du marché à laquelle
nous sommes en train de procéder.
En 1986, l'Acte unique a, d'une certaine manière, dessiné les contours d'un
marché unique des télécommunications. Cette même année, le livre vert des
télécommunications a lancé un mouvement de libéralisation qui s'est poursuivi
depuis lors sans interruption. Je crois essentiel de souligner que ce mouvement
a été soutenu par tous les gouvenements français, qu'ils aient été de droite ou
de gauche.
C'est même sous présidence française, en 1989, que la décision fondamentale
d'ouvrir progressivement à la concurrence la plupart des services de
télécommunications, à l'exclusion de la téléphonie vocale, a été prise.
M. Gérard Delfau.
C'est inexact !
M. François Fillon,
ministre délégué.
C'est la stricte réalité, mais elle vous gêne ! Et je
vous défie de m'apporter la moindre preuve que les gouvernements français n'ont
pas accompagné la libéralisation des télécommunications.
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas une raison pour continuer !
M. Gérard Delfau.
On s'expliquera !
M. Michel Pelchat.
Ayez donc l'obligeance d'écouter M. le ministre !
M. François Fillon,
ministre délégué.
En 1989, sous présidence française, il a été décidé à
l'unanimité d'ouvrir à la concurrence tous les services de télécommunications,
à l'exclusion de la téléphonie vocale. Si vous voulez tout à l'heure m'apporter
la preuve du contraire, je l'attends !
Mme Hélène Luc.
Mais pourquoi poursuivre dans cette voie ?
M. François Fillon,
ministre délégué.
Cela, c'est une autre question, madame Luc.
La continuité de la position française a permis justement - et chacun devrait
ici s'en réjouir - la transcription à l'échelon communautaire, dans le domaine
des télécommunications, des principes fondamentaux qui sont ceux du service
public à la française, c'est-à-dire la continuité et la qualité du service,
l'égalité du traitement et de l'accès, l'universalité et l'adaptabilité.
Pourquoi une telle convergence de vues de la part de gouvernements aussi
différents depuis dix ans ? Au fond, nous n'avions pas d'autre choix que de
devancer les mutations en cours pour tenter de les tourner à notre avantage.
Chercher à s'y soustraire, comme le souhaitent ceux qui sont tentés par la
chimère du
statu quo
, ce serait aller nécessairement à l'échec.
Aujourd'hui, déjà, le monopole de l'Etat est très fortement entamé par les
nouvelles technologies.
Je pense à Internet, qui permet de communiquer avec le monde entier pour le
prix d'une communication locale, c'est-à-dire en échappant déjà aux règles du
jeu et à la tarification mises en place par l'opérateur national.
Je pense aux techniques de
call back
, auxquelles ont recours certaines
entreprises et qui permettent de détourner des flux considérables de
communications par l'intermédiaire des pays où, du fait de l'ouverture à la
concurrence, les tarifs sont plus bas.
Lorsque le téléphone mobile direct par satellite apparaîtra, c'est-à-dire dans
moins de deux ans, un autre coup sera porté aux monopoles nationaux.
En outre, les consommateurs, les usagers, exigent de plus en plus, et avec
raison, de nouveaux services - et de nouveaux services moins chers - qu'il est
difficile d'offrir dans le contexte du monopole.
Pour la France, il s'agit bien sûr d'un défi. Or tous les défis inquiétent.
Pourtant, il y a peu de domaines où nous disposions d'autant d'atouts.
France Télécom, chacun le sait, est le quatrième opérateur mondial. Nos
entreprises de télécommunications comptent parmi les toutes premières du monde
; je pense en particulier à Alcatel, à Matra, à la SAGEM. Notre expérience de
la télématique est pratiquement unique au monde, que ce soit du point de vue
des concepteurs de services en ligne ou de celui des usagers. Enfin, notre
recherche dans le domaine des télécommunications se situe au meilleur
niveau.
Dans ces conditions, la libéralisation du secteur des télécommunications doit
être une chance pour l'économie française.
J'ai toujours été convaincu que, dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres
d'ailleurs, il fallait renvoyer dos à dos l'ultralibéralisme, pour lequel le
marché est censé tout régler, et le conservatisme, qui est une défense
inadaptée du service public.
Le Gouvernement a voulu une libéralisation du secteur des télécommunications
qui soit à la fois maîtrisée et équilibrée : maîtrisée parce que nous voulons
garantir le service public ; équilibrée parce que nous voulons une concurrence
ouverte et stimulante, qui soit au service de l'usager.
C'est, au fond, ce double objectif qui fonde l'originalité du projet de loi de
réglementation des télécommunications qui vous est aujourd'hui soumis.
Nous avons recherché l'équilibre entre le respect des valeurs républicaines
auxquelles nous sommes attachés et l'ouverture sur l'avenir. Nous voulons
démontrer que, en cette matière comme en d'autres, la concurrence, à condition
qu'elle soit encadrée, n'est pas l'ennemi du service public.
Nos concitoyens, aujourd'hui, se posent, à propos de cette réforme du secteur
des télécommunications trois questions essentielles.
Les usagers s'interrogent sur l'intérêt de la libéralisation pour eux-mêmes ;
ils se demandent notamment quel en sera l'impact sur le service public.
Les entreprises s'interrogent sur les règles du marché et se demandent si la
compétition sera réellement équitable.
Enfin, chacun s'interroge sur l'avenir de France Télécom.
Je voudrais essayer de répondre à ces trois questions.
L'ouverture à la concurrence profitera d'abord à l'usager. La concurrence,
c'est le choix de l'opérateur, c'est-à-dire, en réalité, le choix de services
et de conditions tarifaires adaptés aux besoins de chaque usager.
Dans les pays qui ont déjà libéralisé leur secteur des télécommunications, en
particulier en Grande-Bretagne, beaucoup de services qui, chez nous,
aujourd'hui, soit n'existent pas encore, soit existent mais sont payants, sont
offerts gratuitement. C'est le cas de la facturation détaillée, du transfert
d'appel, de l'identification du numéro d'appel ou encore du poste téléphonique
lui-même.
En réalité, la concurrence aboutit, partout où elle a été introduite dans le
secteur des télécommunications, à une baisse des prix pour toutes les
catégories d'utilisateurs.
On profère beaucoup trop de contrevérités à ce sujet. Partout où la
libéralisation est intervenue, les prix du téléphone ont baissé.
Mme Hélène Luc.
Ça dépend pour qui !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Si l'on appliquait aujourd'hui à la facture moyenne
d'un ménage français les tarifs de British Telecom ou ceux de Télia,
l'opérateur dominant suédois, cette facture devrait baisser de 30 p. 100.
M. Gérard Delfau.
On verra !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Oui, on verra, et plus tôt que vous ne le croyez !
Mme Hélène Luc.
Vous pouvez le faire avec le service public !
M. François Fillon,
ministre délégué.
La concurrence va en fait provoquer un accroissement de
l'offre de services ainsi qu'une augmentation du trafic.
En France, l'augmentation du trafic téléphonique est de l'ordre de 3 p. 100
par an, contre 7 p. 100 à 10 p. 100 par an dans les pays qui ont libéralisé le
secteur des télécommunications, notamment aux Etats-Unis.
Je rappelle qu'un Français utilise son téléphone en moyenne huit minutes par
jour, quand un Américain l'utilise vingt minutes.
Je veux démontrer par là que l'augmentation du nombre des services et la
baisse des tarifs ont pour conséquence l'augmentation du trafic, qui entraîne
elle-même une croissance de l'activité dans le secteur des télécommunications,
donc la création d'emplois.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement affirme que la réglementation
nouvelle qu'il souhaite mettre en place, c'est-à-dire l'ouverture à la
concurrence, se traduira globalement par la création de nombreux emplois dans
le secteur des télécommunications. Nous avons estimé à 70 000 les nouveaux
emplois qui seront créés, soit par les nouveaux opérateurs, soit par ceux qui
mettront en place les services nouveaux qui seront diffusés sur le réseau
téléphonique.
Dans tous les pays où la libéralisation a eu lieu, le secteur des
télécommunications, globalement, a vu ses effectifs croître.
Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer la part du secteur des
télécommunications dans le produit intérieur brut de différents pays : 2,4 p.
100 aux Etats-Unis, 2,2 p. 100 à 2,3 p. 100 en Grande-Bretagne et en Suède,
pour seulement 1,6 p. 100 en France.
Par ailleurs, la concurrence fera réellement entrer notre pays dans la société
de l'information.
Il faut bien dire que la France est aujourd'hui, en Europe, l'un des pays les
plus en retard dans le domaine de la diffusion des services en ligne. Une des
principales raisons de ce retard tient à la tarification trop élevée qui est
pratiquée pour l'utilisation de ces services. Un service en ligne ne peut
fonctionner que s'il est facturé au coût d'une communication locale, et sans
même que la durée de la communication soit prise en compte. Il en est ainsi aux
Etats-Unis : lorsqu'on se connecte sur Internet, on paie le prix d'une
communication locale, et cela quelle que soit la durée de la connexion, une
minute ou une journée.
L'ensemble des services en ligne qui pourront être mis en oeuvre demain -
Internet, la télévision à la demande, des services en ligne offerts par des
opérateurs français ou européens - n'auront un véritable succès populaire que
si le coût d'accès est extrêmement bas.
Nous avons commencé à rattraper notre retard en offrant, depuis deux mois, un
accès au réseau Internet sur l'ensemble du territoire français au prix d'une
communication locale ; mais la durée reste prise en compte. France Télécom
vient d'ouvrir un service en ligne qui offre lui-même des accès à Internet :
Wanadoo.
Nous réfléchissons à l'adaptation de la législation française sur le contrôle
des contenus, qui constitue sûrement un point central pour le développement de
ce service en ligne.
L'ouverture à la concurrence devra également être simple pour les usagers, qui
peuvent craindre que la multiplication des opérateurs ne rende compliqué cet
acte aujourd'hui très simple qu'est le fait de téléphoner.
Nous avons d'abord voulu, évidemment, que les réseaux soient interconnectés :
ainsi, pour l'utilisateur, ils seront sans couture ; on n'aura pas le sentiment
de passer d'un opérateur à l'autre.
Nous avons prévu la « portabilité » des numéros, c'est-à-dire la possibilité
pour un usager de garder son numéro de téléphone tout au long de sa vie, même
s'il change de résidence ou d'opérateur.
Nous avons également prévu l'édition d'un annuaire universel, de manière que
chacun puisse, à tout moment, trouver les numéros téléphoniques de tous les
abonnés au téléphone, quel que soit l'opérateur.
Enfin, l'ouverture à la concurrence ne se fera pas contre le service
public.
Nous avons, dans ce domaine, une tradition. Je me fais, pour ma part, une
certaine idée de la République, comme beaucoup d'entre vous, et je considère
que le service public - l'égalité des chances, au fond - est au coeur de cette
idée de la République. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu conforter et
garantir le service public comme il ne l'avait jamais été.
C'est en effet la première fois que le service public des télécommunications
fait l'objet, dans la loi, d'une définition et que ses moyens de financement
sont clairement exposés.
Il s'agit en fait de définir un droit nouveau du citoyen : le droit à la
communication. Chaque Français, quelle que soit sa situation financière, doit
pouvoir, en tout point du territoire, accéder au réseau de
télécommunications.
Ce droit à la communication est consacré par le présent projet de loi.
J'entends dire, ici ou là, que nous proposons un service public minimum des
télécommunications. Rien n'est plus faux.
M. Gérard Delfau.
Ce n'est pas sûr !
M. François Fillon,
ministre délégué.
D'ailleurs, lors des débats à l'Assemblée nationale,
ceux qui défendaient cette idée n'ont jamais été capables de proposer une autre
définition du service public ni, en particulier, d'indiquer quel type de
service nouveau devrait être intégré à la définition du service public des
télécommunications.
En réalité, le service public que nous proposons, c'est le service de la
téléphonie vocale tel qu'il fonctionne aujourd'hui...
M. Gérard Delfau.
Justement !
M. François Fillon,
ministre délégué.
... mais avec la perspective d'une évolution en
fonction des technologies et des besoins de la société.
La clé de cette évolution nous ne la donnons ni au Gouvernement ni à
l'opérateur : c'est le Parlement qui la détiendra. Nous proposons en effet que
ce soit le Parlement qui décide, à intervalles réguliers - nous avions prévu
tous les cinq ans, mais l'Assemblée nationale a préféré un délai plus court, et
je crois que le Sénat a des idées précises à ce sujet - du contenu de la
définition du service public des télécommunications et de l'évolution de son
mode de financement.
Le service public tel que nous le proposons dans ce projet de loi, ce sera
d'abord le service universel, c'est-à-dire le téléphone pour tous au même prix,
abordable, où que l'on se trouve sur le territoire, avec des cabines
téléphoniques, un annuaire complet et un service de renseignements.
Nous avons maintenu ce qui est au fond le coeur du service public de
téléphone, c'est-à-dire la péréquation géographique.
En outre, le service universel ne sera pas divisé. Certains pays, l'Allemagne
notamment, ont choisi de diviser le service universel en le proposant à
plusieurs opérateurs, essentiellement privés. Nous avons, nous, souhaité que
France Télécom soit désigné par la loi comme l'opérateur public du service
universel du téléphone.
Quant au financement de ce service universel, il est clairement indiqué dans
ce projet de loi : il sera assuré par l'ensemble des opérateurs privés
intervenant sur le territoire national puisque ceux-ci paieront une redevance
d'interconnexion, qui permettra de financer le coût de la péréquation
géographique et, de manière temporaire, le coût du déficit d'accès, et qu'ils
participeront à un fonds de service universel, qui permettra de financer le
coût des cabines téléphoniques, des services d'urgence et de renseignements,
ainsi que le coût de l'annuaire.
Le deuxième élément constitutif du service public, ce sont les services
obligatoires. Il s'agit de permettre, sur tout le territoire et dans le respect
des principes du service public, l'accès aux services spécialisés de
télécommunications, pour les entreprises comme pour les particuliers. Par
services spécialisés de télécommunications, j'entends, aujourd'hui, le réseau
numérique à intégration de services, le RNIS, les liaisons louées, les
transmissions de données et le télex. Je le répète, ces services obligatoires
devront être offerts par France Télécom sur l'ensemble du territoire et selon
les principes du service public. La seule différence, au fond, avec le service
universel, c'est, dans le respect des principes de service public, la liberté
de tarification qui est laissée à France Télécom sur ces services
obligatoires.
Enfin, j'en viens au troisième élément constitutif du service public, à savoir
les missions d'intérêt général, les missions de sécurité publique, de défense,
d'enseignement supérieur et de recherche, qui seront totalement assumées par
l'Etat.
Cette définition du service public est la plus large et la plus généreuse que
l'on puisse trouver dans tous les Etats de l'Union européenne. Cette définition
sera évolutive puisque, au moins tous les cinq ans, comme le prévoit le texte
en l'état actuel - mais je sais que, dans un amendement du Sénat, une
périodicité de quatre ans est proposée - le Parlement pourra réviser cette
définition et introduire de nouveaux services. Je prends l'exemple du
visiophone, qui permettra peut-être, demain, à chacun de voir son interlocuteur
au téléphone. Si l'on estime, dans quatre ans, que le visiophone doit être
introduit dans le système universel, il reviendra au Parlement de l'y
introduire.
J'insiste sur le fait que l'Etat reste le garant du service public, puisque
c'est lui qui en contrôlera le contenu, le prix et le financement. Telle est,
mesdames, messieurs les sénateurs, notre conception du service public.
Mme Hélène Luc.
Ce n'est plus le service public !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Elle préserve le service du téléphone tel que nous le
connaissons aujourd'hui, comme elle respecte l'ouverture à la concurrence qui a
été décidée par l'Union européenne.
Cette ouverture à la concurrence devra être équitable pour tous les acteurs du
marché.
Qu'on ne se méprenne pas : le Gouvernement souhaite l'ouverture à la
concurrence, une concurrence libre et stimulante. D'ailleurs, à quoi servirait
de libéraliser notre marché des télécommunications si cela devait conduire les
opérateurs privés à s'installer chez nos voisins pour « écrémer » le marché
français ? Nous voulons que les nouveaux opérateurs s'installent dans notre
pays pour participer au service des télécommunications, en particulier au
financement du service universel.
Pour cela, nous avons prévu que les autorisations délivrées aux nouveaux
opérateurs ne seront pas limitées, sous réserve de réciprocité s'agissant des
opérateurs étrangers. Nous avons également prévu que le cahier des charges et
les modalités de financement du service public seront transparents, afin que
chacun puisse juger, lorsqu'il s'engagera sur le marché français, des
conditions réelles de l'exercice de la concurrence.
Surtout, et c'est la pièce maîtresse du dispositif dont nous souhaitons la
mise en place, le Gouvernement vous propose de créer une autorité de régulation
des télécommunications indépendante, qui permettra à l'Etat de continuer à
assumer ses responsabilités en matière de service public et d'exercer ses
responsabilités d'actionnaire majoritaire de France Télécom, tout en laissant
la régulation du marché sous l'autorité d'un certain nombre de femmes et
d'hommes désignés de manière à leur assurer une réelle indépendance, par
rapport aux opérateurs comme par rapport au Gouvernement.
Il a été dit, lors des débats qui ont présidé à l'introduction de cette
autorité de régulation des télécommunications dans notre projet de loi, qu'au
fond elle n'était pas conforme à nos traditions juridiques. Ce serait vrai si
un très grand nombre d'autorités indépendantes n'avaient pas été introduites
dans notre système juridique depuis quinze ans, et par tous les gouvernements.
Permettez-moi d'en citer quelques-unes : le Conseil supérieur de
l'audiovisuel...
M. Gérard Delfau.
Cela n'a rien à voir !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Cela a beaucoup à voir ! Nous y reviendrons.
Je poursuis mon énumération : la Commission nationale de l'informatique et des
libertés, la Commission des sondages, la Commission des opérations de bourse,
le Conseil de la concurrence, la Commission de la réglementation bancaire, le
Comité des établissements de crédit, le Conseil de la politique monétaire, ou
encore la Commission de contrôle de la concurrence, pour ne citer que quelques
exemples.
En réalité, l'autorité de régulation des télécommunications n'est pas une
innovation juridique. Au contraire, la répartition des pouvoirs entre
l'autorité de régulation et le Gouvernement s'inscrit parfaitement dans notre
tradition républicaine, puisque le Gouvernement conserve les prérogatives
essentielles, celles d'édicter la réglementation, de délivrer les licences
ainsi que contrôler le contenu et les tarifs du service universel.
Pour ce qui est de l'avenir de France Télécom, le projet de loi de
réglementation prévoit très clairement que France Télécom est l'opérateur
public du service universel et donc que cet opérateur doit rester sous le
contrôle de l'Etat.
Vous l'aurez noté, le projet de loi ne dit rien ni sur le statut futur de
l'entreprise, ni sur les ambitions du Gouvernement pour notre champion
national. Ce choix, c'est le mien ; j'en assume la responsabilité.
En août 1995, j'avais indiqué que le Gouvernement s'était fixé trois priorités
dans le domaine des télécommunications. Il s'agissait, dans un premier temps,
de réussir l'alliance entre France Télécom, Deutsche Telekom et l'américain
Sprint, ce qui semblait, à l'été 1995, difficile, compte tenu, en particulier,
de l'opposition de la Commission de Bruxelles et des autorités américaines. La
deuxième étape devait être la concertation en vue de la mise au point d'un
projet de loi sur la réglementation, de manière que le paysage des
télécommunications pour « l'après 1er janvier 1998 » soit clair et que les
salariés de France Télécom puissent constater que le Gouvernement entendait
bien leur conserver le rôle qui est le leur aujourd'hui en matière de service
public. Ce pouvait être, après tout, une de leurs inquiétudes majeures tant que
le projet de loi de réglementation n'était pas connu.
Ce texte est maintenant connu. Il a fait l'objet d'une très large concertation
et reprend d'ailleurs nombre de propositions des organisations syndicales qui
ont souhaité négocié le texte avec le Gouvernement. Maintenant que ce projet de
loi est sur la place publique, qu'il a déjà fait l'objet d'un débat à
l'Assemblée nationale et qu'il vient devant votre assemblée, le Gouvernement
estime nécessaire d'indiquer clairement la troisième étape, celle du changement
de statut de notre opérateur national.
Ce changement de statut est rendu nécessaire par l'abandon du monopole. Dans
une situation de monopole, on peut considérer qu'un établissement administratif
qui fonctionne, pour une large part, selon des règles administratives est
viable. Dans un monde ouvert à la concurrence, il est incontestable que seul un
établissement disposant des mêmes règles de fonctionnement et de gestion que
ses partenaires ou ses concurrents peut tirer son épingle du jeu.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vient de déposer un texte qui
modifie le statut de France Télécom pour en faire une société commerciale dotée
d'un capital social.
Il faut bien voir que le monde des télécommunications est en train de changer
à très grande vitesse. La nécessité de mettre en oeuvre ce qu'on appelle des «
réseaux mondiaux sans couture » a conduit les grands opérateurs de téléphone à
se regrouper. Nous le voyons bien aujourd'hui, le marché des télécommunications
est en passe de s'organiser autour de trois ou quatre grandes alliances
internationales. La première s'est organisée autour de ATT et de plusieurs
opérateurs européens ; la deuxième autour de British Telecom et d'un opérateur
américain ; la troisième autour de France Télécom, de Deutsche Telekom et de
l'américain Sprint.
Pour que France Télécom puisse être, demain, un opérateur performant en
France, en Europe, en Amérique et en Asie, c'est-à-dire sur l'ensemble du
marché mondial, son alliance avec Deutsche Telekom et Sprint doit être durable.
Or, mesdames, messieurs les sénateurs, cette alliance ne sera durable que si
les règles de fonctionnement à l'intérieur de ces trois entreprises sont
identiques.
Comment imaginer, en effet, une alliance durable entre des entreprises qui,
par exemple, n'ont pas la même façon d'établir leur bilan, de gérer leurs
comptes ou de décider leurs investissements ?
J'ajoute que la possibilité donnée à France Télécom d'échanger des
participations croisées avec ses partenaires Deutsche Telekom et Sprint est
incontestablement un atout supplémentaire pour permettre à notre opérateur
national de consolider autour de lui cette alliance mondiale essentielle.
Nous voulons que France Télécom puisse se battre à armes égales avec les
grands opérateurs de téléphone, dont aucun dans le monde, en dehors de France
Télécom, n'est doté d'un statut administratif.
M. Gérard Delfau.
Ce n'est plus le cas !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Tous les grands opérateurs, monsieur Delfau, sont
aujourd'hui des sociétés commerciales dotées d'un capital social. C'est le cas
pour les vingt premiers opérateurs de téléphone du monde et pour tous les
opérateurs de l'Union européenne, à l'exception des opérateurs grec et
autrichien, qui ont entrepris leur transformation en société commerciale dotée
d'un capital social.
D'ailleurs, nous avons l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire avec la société
Air France. Lorsqu'il a été décidé d'ouvrir à la concurrence le transport
aérien, le gouvernement français aurait dû adapter l'entreprise Air France aux
nouvelles conditions du marché. Il ne l'a pas fait, et l'un des fleurons de
l'économie française est aujourd'hui l'une des entreprises les plus mal en
point du transport aérien.
Nous ne voulons pas faire la même erreur avec France Télécom. C'est la raison
pour laquelle nous ne laisserons pas France Télécom affronter la concurrence le
1er janvier 1998 sans l'avoir dotée d'un statut de société commerciale,...
Mme Hélène Luc.
Vous bradez tout !
M. François Fillon,
ministre délégué...
d'une autonomie de gestion et de la possibilité de
recourir à des financements extérieurs pour assurer son développement et
réduire son endettement.
M. Robert Pagès.
Et licencier plus facilement !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Pour conduire cette réforme, le Premier ministre a
choisi le dialogue et la concertation.
Mme Hélène Luc.
Avec des milliers de manifestants dans la rue ? C'est cela, la concertation
?
M. Michel Pelchat.
Ah oui !
M. François Fillon,
ministre délégué.
N'en parlez pas trop, madame Luc ! Je vais y venir.
Le Premier ministre a donc engagé le dialogue avec les organisations
syndicales, en commençant par leur donner un certain nombre d'assurances.
C'est la garantie pour tous les personnels de France Télécom qui sont
fonctionnaires de conserver leur statut de fonctionnaire et tout ce qui s'y
attache. C'est la garantie que l'Etat prendra à sa charge les retraites des
agents de France Télécom qui sont fonctionnaires. C'est la garantie que tous
les personnels de France Télécom, y compris les fonctionnaires, pourront
devenir actionnaires de la future entreprise. C'est la possibilité ouverte à
France Télécom de continuer à engager un certain nombre d'agents fonctionnaires
jusqu'en 2002. C'est, enfin, la garantie que l'Etat conservera 51 p. 100 du
capital de France Télécom. Il s'agit non seulement de permettre le
fonctionnement du service public qui est confié à France Télécom, mais aussi,
vous le savez, de respecter notre droit constitutionnel, qui en fait une
condition pour que l'intégration des fonctionnaires dans une société
commerciale dotée d'un capital social puisse se réaliser.
Il n'y a donc pas, vous le voyez bien, privatisation.
(Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Gérard Delfau.
Mais si, il y a privatisation !
Mme Hélène Luc.
Monsieur le ministre, il faut appeler les choses par leur nom !
M. Robert Pagès.
Il faut avoir le courage de ses actes !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Si vous parlez de privatisation au sujet d'une
entreprise qui reste détenue par l'Etat à 51 p. 100, dont le personnel est à 90
p. 100 composé de fonctionnaires de l'Etat...
M. Claude Billard.
Jusqu'à quand ?
M. François Fillon,
ministre délégué...
et qui a des missions de service public,...
M. Guy Fischer.
Pour mieux brader par la suite !
M. François Fillon,
ministre délégué...
alors, évidemment, nous n'avons pas la même
conception de la privatisation !
Mme Hélène Luc.
On ne maintient pas le service public en le privatisant !
M. Gérard Larcher,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Voyez
les propositions de Michel Rocard !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces garanties qui
ont été offertes par M. le Premier ministre à l'ensemble des salariés de France
Télécom sont intégralement reprises dans le projet de loi qui a été adopté par
le Conseil des ministres la semaine dernière et dont le Sénat débattra dans
quelques jours.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons procéder
à une réforme historique. Il s'agit pour la France de prendre toute sa place
dans la société de l'information sans pour autant sacrifier ses valeurs
républicaines. Nous avons choisi une démarche originale, qui consiste à donner
une place prédominante au service public tout en ouvrant la concurrence dans
l'intérêt des usagers. Pour cela, nous sommes allés jusqu'au bout de ce que
nous permettait la réglementation européenne.
Ne tournons pas le dos au progrès, et sachons saisir la chance qui nous est
offerte de prendre une place de premier plan dans un secteur clé de notre
économie, qui comptera demain plus d'emplois que l'industrie automobile. Ne
soyons pas frileux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une nouvelle société est en train de
naître. Il vous appartient de décider de la place que la France y occupera.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la
présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, de réglementation des
télécommunications.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de
réglementation que nous avons à examiner aujourd'hui est un texte d'équilibre.
Je dirai même, après vous avoir entendu, monsieur le ministre, que c'est un
texte sage : il répond en effet aux orientations souhaitées par le Sénat à
travers le rapport d'information sur l'avenir de France Télécom qui a été
présenté par sa commission des affaires économiques ; or, la sagesse ne
compte-t-elle pas au nombre des qualités que l'on prête traditionnellement au
Sénat ?
Ce projet de loi de réglementation est aussi un texte d'équilibre et un texte
sage car il assure la réponse aux défis de la modernité et aux mutations du
secteur des télécommunications tout en préservant des valeurs collectives de
solidarité auxquelles les Français sont très attachés.
En effet, les années à venir vont être décisives pour le secteur des
télécommunications. Peu de secteurs de l'activité humaine ont connu - chacun en
est bien conscient, je crois - une évolution technologique aussi accélérée que
celui-ci. Songeons seulement au poste de téléphone que nous utilisions lorsque
nous étions enfants - pour moi, dans le département de l'Orne, c'était encore
l'automatique rural ! - et aux moyens en téléphonie dont disposent aujourd'hui
les entreprises et les ménages dans notre pays. Ce n'est pas une évolution ;
c'est réellement un bouleversement ; c'est un monde nouveau qui s'ouvre
rapidement devant nous.
Pourrions-nous conquérir ce monde nouveau avec nos outils institutionnels et
juridiques forgés pour l'essentiel à la fin du siècle dernier ? C'est la
question à laquelle nous sommes aujourd'hui conviés à répondre. C'est aussi la
question que nous serons conduits à trancher la semaine prochaine, lorsque
viendra en examen au Sénat, en première lecture, le projet de loi relatif à
l'entreprise nationale France Télécom.
L'entreprise est hardie, l'entreprise est difficile. La commission des
affaires économiques l'avait appelée de ses voeux dans son rapport intitulé
L'avenir de France Télécom : un défi national.
Elle est résolue à
contribuer à l'élaboration d'un bon projet de loi, c'est-à-dire d'un texte
clair et facilement applicable.
Les enjeux de la mutation que vont connaître les télécommunications sont
considérables.
Ils sont d'abord politiques, puisque le texte qui est soumis à notre vote est
le fruit d'une constance politique depuis la signature du traité de Rome. Tous
les gouvernements quels qu'ils soient - vous l'avez rappelé, monsieur le
ministre - ont en effet travaillé à la mise en oeuvre progressive des
orientations ainsi tracées depuis 1957. Dans le domaine des télécommunications,
aujourd'hui, leur aboutissement est clair : fin des monopoles, ouverture à la
concurrence.
Cette mutation est aussi lourde d'enjeux économiques, puisqu'un marché des
télécommunications ouvert à la concurrence sera amené à se développer,
favorisant ainsi la croissance, donc l'emploi.
En effet, la part du secteur des télécommunications dans le produit intérieur
brut n'est aujourd'hui que de 1,6 p. 100 en France, alors que ce chiffre
dépasse 2 p. 100 dans les principaux pays ayant déjà mis fin au monopole. Cela
laisse donc espérer une croissance réelle de l'activité dans notre pays.
Le secteur de la radiotéléphonie est d'ailleurs, me semble-t-il, un exemple du
phénomène de rattrapage dont notre pays pourrait bénéficier : depuis l'annonce
de l'arrivée sur le marché d'un troisième opérateur, Bouygues Télécom, qui a
présenté le 29 mai dernier sa première offre de services, on constate une très
forte croissance du marché et du nombre d'abonnés, ainsi qu'une diminution très
nette des tarifs.
Le monopole public, inefficace dans les années cinquante et de 1960 à 1967, a
permis à notre pays, après 1967, de bénéficier progressivement d'un service
téléphonique de grande qualité. Mais il est temps, aujourd'hui, de passer, si
j'ose dire, à la vitesse supérieure, celle de la concurrence régulée. C'est ce
que nous proposent les auteurs du projet de loi de réglementation des
télécommunications.
Les enjeux de la mutation que nous nous apprêtons à opérer sont enfin -
j'allais dire « surtout » - des enjeux de techniques qui vont modifier notre
vie quotidienne. Il serait faux, en effet, de penser que l'ouverture à la
concurrence n'est que le fruit d'une volonté politique. Elle est au contraire
inéluctable, et c'est pourquoi il est nécessaire de l'accompagner et de la
maîtriser.
Face aux évolutions technologiques actuelles, le monopole ne serait, dans
quelques années, qu'un bouclier de carton. Je ne prendrai qu'un seul exemple,
celui du
call back
, que vous avez d'ailleurs cité, monsieur le ministre
: ce système permet déjà, de manière simple - ce sera, demain, de plus en plus
simple, dans le cadre de l'adaptation des terminaux - de contourner le monopole
en passant par des opérateurs implantés à l'étranger. On obtient ainsi, pour
des communications internationales vers New York ou Londres, un tarif inférieur
de 30 à 45 p. 100, voire parfois plus, par rapport aux tarifs français. Je
pourrais aussi citer les nouvelles possibilités offertes par le réseau Internet
ou par les réseaux de communication par satellite.
Mais cette mutation nécessaire que nous nous apprêtons à accomplir doit, à mon
avis, être maîtrisée.
L'ouverture à la concurrence de la téléphonie entre points fixes doit
s'effectuer non pas dans l'anarchie, mais, au contraire, dans un cadre clair
qui fixe des règles du jeu non seulement précises, mais aussi loyales et
équilibrées. C'est pourquoi la commission des affaires économiques se félicite
des dispositions du projet de loi qui organisent une concurrence soigneusement
régulée par le ministre chargé des télécommunications et l'autorité de
régulation des télécommunications.
La création d'une autorité administrative indépendante - ce n'est pas chose
nouvelle dans notre pays - est un gage pour les nouveaux entrants sur le
marché, même si son instauration ne signifie en aucun cas, à mes yeux, que
l'impartialité de l'Etat puisse être mise en cause. C'est d'ailleurs le
ministre chargé des télécommunications qui délivrera les autorisations les plus
importantes et fixera les règles générales dans le cadre du pouvoir
réglementaire dévolu au pouvoir exécutif. Cela devrait rassurer ceux qui
craignent le trop grand pouvoir d'une autorité de régulation.
Cette évolution, que nous voulons maîtrisée et équilibrée, doit aussi nous
permettre de consolider des acquis essentiels et d'ouvrir de nouveaux droits.
La commission des affaires économiques a été particulièrement attentive à
poursuivre dans cette voie dans trois domaines : le service public,
l'aménagement du territoire, les droits des consommateurs.
Le service public est une option politique majeure du texte qui nous est
soumis. En effet, celui-ci précise le contenu du service public, qui repose sur
trois piliers auxquels s'appliquent les principes fondamentaux d'égalité, de
continuité et d'adaptabilité.
Le premier pilier est le service universel, qui englobe le service
téléphonique tel qu'on le connaît aujourd'hui, c'est-à-dire le téléphone pour
tous, à un prix abordable qui soit le même quel que soit l'endroit où l'on se
trouve sur le territoire, des cabines téléphoniques et un service d'annuaire et
de renseignements.
Il s'agit d'autant moins d'un service « minimum », comme ont pu le dire
certains, que la loi prévoit une clause de « rendez-vous » entre le Parlement
et le Gouvernement, dont la commission des affaires économiques vous proposera,
mes chers collègues, de rapprocher l'échéance pour mettre en oeuvre plus
rapidement l'enrichissement à terme du contenu du service universel qu'elle
vous présentera par ailleurs.
En outre, le service universel ne sera pas régionalisé, à la différence de ce
qui est prévu en Allemagne : il devra être fourni sur l'ensemble du territoire.
France Télécom sera chargé par la loi de fournir le service universel.
La loi prévoira un financement par tous les opérateurs des obligations du
service universel. Des tarifs adaptés devront être proposés aux personnes
souffrant d'un handicap ou de revenus insuffisants.
Les services obligatoires de télécommunications sont le deuxième pilier du
service public. Ils comprennent l'accès au réseau numérique à intégration de
services, les liaisons louées et la transmission de données. Ces services
seront offerts sur tout le territoire, dans le respect des principes d'égalité,
de continuité et d'adaptabilité.
Les missions d'intérêt général dans le domaine des télécommunications
représentent la troisième composante du service public : elles concernent la
défense, l'enseignement supérieur, la recherche, et seront prises en charge par
l'Etat.
La commission des affaires économiques approuve pleinement le choix qu'opère
le texte d'une définition ambitieuse - c'est la plus ambitieuse au sein de
l'Union européenne - du service public.
Il ne fait nul doute que la position française a conduit d'autres pays de
l'Union européenne à élargir leurs conceptions mêmes du service universel et du
service public. C'est en effet la conception française qui, sous l'impulsion du
Gouvernement, s'est peu à peu imposée à l'échelon européen. Il me paraît
opportun de le rappeler ici ce soir.
La commission des affaires économiques vous proposera des amendements tendant
à consolider ce service public, mes chers collègues : ces amendements viseront
tout d'abord à permettre de rendre insaisissable la ligne téléphonique d'un
abonné en situation financière difficile, lui conservant ainsi pendant un
certain temps ce fil de vie, avec la possibilité à la fois de recevoir des
appels et de joindre les services d'urgence ; ils tendront également à
rapprocher de cinq à quatre ans, je l'ai déjà dit, la périodicité de la clause
de « rendez-vous » permettant d'élargir le service universel et à inclure
toutes les cabines situées sur le domaine public dans le champ du service
universel.
Après le service public, la deuxième préoccupation de la commission des
affaires économiques et du Plan a concerné l'aménagement du territoire. Cela
n'étonnera personne !
Le texte pose déjà nombre de garanties, puisqu'il préserve le principe de la
péréquation, dont il assure le financement par l'ensemble des opérateurs, et
qu'il inscrit l'aménagement du territoire au titre des « exigences essentielles
».
La commission vous proposera malgré tout d'aller plus loin, en permettant
notamment un accès à des tarifs préférentiels aux services les plus avancés de
télécommunications - on pense aujourd'hui à Internet mais, demain, ce peut être
un autre service - pour les établissements d'enseignement situés en zones de
redynamisation rurale et en zones de revitalisation urbaine. Cet accès
privilégié, notamment pour les écoles, existe dans la loi américaine du 8
février 1996 et n'a pas aujourd'hui d'équivalent en Europe.
Il importe, me semble-t-il, d'appliquer cette discrimination positive pour les
territoires en difficulté : elle favorise leur développement, leur attractivité
et les met en même temps au contact des technologies et des moyens de
communication de demain.
La commission vous suggérera, par ailleurs un dispositif propre à accélérer la
couverture par la radiotéléphonie numérique des zones faiblement peuplées du
territoire, pour lesquelles le téléphone mobile représente un outil majeur de
désenclavement et de redynamisation.
Je crois, à titre personnel, que les technologies hertziennes numériques,
terrestres ou satellitaires, constituent l'une des clés de l'avenir de l'espace
rural français. Il sera nécessaire que cette ressource rare soit préservée
prioritairement pour l'espace rural.
Au cours des débats, nous devrions avoir l'occasion de revenir sur cette
priorité essentielle qu'est l'aménagement du territoire.
Le troisième axe majeur de réflexion de la commission concerne les droits du
consommateur.
L'utilisateur, qu'il soit particulier ou entreprise, est l'horizon et la
justification de la mutation qui nous est aujourd'hui proposée. Le projet de
loi précise déjà que les baisses des tarifs à venir devront bénéficier à
l'ensemble des utilisateurs. Les utilisateurs profiteront également de
l'accroissement de la diversité des offres qui seront proposées en univers
concurrentiel, sans parler des possibilités nouvelles comme la portabilité des
numéros de téléphone.
La commission a souhaité approfondir certains droits des utilisateurs. Il
s'agit, dans le domaine social, de l'insaisissabilité de la ligne téléphonique,
que j'ai déjà évoquée, mais aussi, sur des points touchant à la vie
quotidienne, de la garantie d'un accès simple au service téléphonique ou de la
possibilité de ne pas faire figurer dans l'annuaire son adresse complète.
En définitive, au vu de l'oeuvre - on peut employer ce terme - accomplie sur
cette question complexe de la nouvelle réglementation des télécommunications
par le Gouvernement et par nos collègues de l'Assemblée nationale, et compte
tenu des amendements que nous avons prévu de vous soumettre, nous formulerons
ce soir, non pas un seul regret, mais un seul souhait : nous désirons aboutir,
au cours du débat, à la mise au point d'un dispositif faisant l'objet d'un
accord complet sur deux points qui nous semblent importants.
Le premier point a trait à la délimitation du champ de la responsabilité des
prestataires d'accès à des réseaux informatiques ou télématiques. En effet, ces
prestataires se trouvent parfois, en l'état actuel du droit, sanctionnés - on
l'a vu il y a bientôt trois semaines pour les prestataires reliés à Internet -
en raison du comportement de l'utilisateur de ces réseaux, alors même qu'ils
n'ont aucune influence sur lesdits utilisateurs.
Si cette situation gênante n'est pas dissipée, on risque d'aboutir à une
entrave du développement des nouveaux moyens de communication que nous offrent
les progrès techniques. Il me paraît important de relever cette préoccupation
de modernité exprimée constamment par notre Haute Assemblée, donc de résoudre
ce problème.
Le second point sur lequel nous souhaitons apporter une réponse avant la fin
de ce débat est lié au précédent : il s'agit de l'absence d'un organisme
compétent pour contrôler le contenu des services proposés sur les réseaux
précités et pour recommander aux autorités de régulation la prise de sanctions
adaptées si lesdits services portent atteinte à la dignité de la personne
humaine.
La commission supérieure de la télématique, actuellement instituée par décret
et qui tend à jouer ce rôle, a en effet désormais un champ trop restreint au
regard de la multiplication des réseaux et des services qui résulteront de
l'application de la loi. C'est pourquoi l'instauration d'une nouvelle instance
ayant vocation à couvrir tout le champ des réseaux et des services et pouvant,
éventuellement, être placée sous l'autorité du Conseil supérieur de
l'audiovisuel m'apparaît indispensable.
Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez ces deux soucis. Vous l'avez
dit en fin d'après-midi à la tribune, comme vous l'aviez indiqué à la
commission des affaires économiques lorsqu'elle vous a interrogé à ce propos au
cours de votre audition sur le projet de loi.
Je sais également que vous avez engagé votre réflexion sur ces questions
depuis longtemps.
Je vous exprime donc très sincèrement mon espoir que, dans les deux jours à
venir, nous puissions, ensemble, avec nos collègues qui sont intéressés par ces
sujets, aboutir à un texte qui réponde à la fois aux ambitions du Gouvernement
et à l'attente du Sénat.
Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce
que je souhaitais vous dire ce soir sur le projet de loi de réglementation des
télécommunications.
Comme vous ne l'ignorez pas, mes chers collègues, la commission des affaires
économiques avait déjà eu l'occasion, dans le rapport d'information qu'elle a
publié, d'appeler de ses voeux une loi de « démonopolisation » qui soit
également une loi de consolidation du service public.
Le texte qui nous est proposé répond aux grands enjeux du monde contemporain
tout en respectant les priorités essentielles qui sont les nôtres.
Ne pas l'adopter serait faire courir à notre système de télécommunications le
risque d'un repli frileux sur des acquis brillants, certes, mais qui, face aux
possibilités de contournement qu'offre désormais la technologie, serait bientôt
synonyme d'obsolescence et de décadence.
En outre, ce serait ne pas tenir parole à l'égard de nos engagements
européens. Ce serait nous mettre à l'écart. Voulons-nous être la Grèce,
l'Irlande ou le Portugal en demandant des délais ?
L'heure est au risque, sans doute, mais au risque calculé. Le Sénat va, dans
les jours à venir, contribuer à une autre grande réforme de la législation
française sur les télécommunications. Nous devons en avoir bien conscience : ce
sont des décisions fondamentales, et pas seulement des décisions à caractère
technique, que nous aurons à prendre dans les prochains jours.
Sur tous les continents - en Europe, bien sûr, mais aussi en Amérique, en
Asie, dans des pays comme le Japon, l'Inde, l'Australie, la Nouvelle-Zélande -
on assiste à un vaste mouvement de décloisonnement des marchés des
télécommunications. Notre pays dispose de nombreux atouts, avec France Télécom,
quatrième opérateur mondial, pour tirer un large profit de cette ouverture.
Il importe aujourd'hui de n'être ni apeuré ni naïf. La concurrence sera rude,
mais, je le répète, nous avons des atouts, et le plus beau d'entre eux est
indéniablement France Télécom. En effet, comme beaucoup d'entre vous, j'ai
confiance en France Télécom, en ses capacités, en sa compétence, en son sens de
l'avenir.
L'application du projet de loi d'équilibre qui est soumis à notre examen sera,
je vous le dis comme je le pense, un instrument essentiel de confortation de
ces atouts et de succès pour les entreprises de notre pays.
Aujourd'hui, nous examinons un projet de loi de réglementation des
télécommunications ; demain, nous discuterons d'un texte portant sur
l'évolution du statut de l'opérateur public France Télécom, qui doit devenir
société nationale. Au cours de ces journées où nous débattrons des
télécommunications, les enjeux concerneront non pas des problèmes techniques,
mais la préparation de notre pays aux défis de l'avenir : les
télécommunications joueront demain, dans la dimension sociale, dans la
dimension du développement économique et de l'emploi, un rôle essentiel.
Ces deux réformes figurent, me semble-t-il, parmi les réformes majeures
conduites depuis maintenant plus d'un an. Elles méritent que notre Haute
Assemblée, qui a apporté sa contribution, et qui l'enrichira au cours du débat,
ressente bien qu'il s'agit d'un choix primordial pour notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Fillon,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je tiens à rendre hommage à la qualité du travail effectué par votre
rapporteur, M. Gérard Larcher, qui a fait preuve à la fois d'une très grande
sagesse, du sens du service public que nous lui connaissions déjà, d'une forte
capacité d'écoute des différents acteurs de ce monde des télécommunications et
d'une vive imagination.
Que ce soit dans son rapport sur le projet de loi de réglementation des
télécommunications ou dans son rapport d'information sur l'avenir de France
Télécom, il a contribué à éclairer le débat. Le Gouvernement s'est d'ailleurs
très largement inspiré des solutions qu'il a préconisées dans son second
rapport, après avoir notamment entendu l'ensemble des intervenants, qu'il
s'agisse des représentants des organisations syndicales, des dirigeants de
l'entreprise ou des autres acteurs de ce monde des télécommunications.
M. Gérard Larcher a évoqué, à la fin de son intervention, une question
d'actualité très importante : le cadre juridique qui régit l'activité des
sociétés qui offrent des accès au réseau Internet.
Nous savons tous que, ces dernières semaines, plusieurs affaires ont défrayé
la chronique. Certaines des entreprises qui offrent ces accès ont ainsi fait
l'objet de poursuites judiciaires. J'ai eu l'occasion de dire que ces
poursuites me paraissaient résulter d'une sorte de contresens sur le rôle des
entreprises concernées.
En réponse à la question que vient de poser M. Gérard Larcher, je peux
indiquer au Sénat que le Gouvernement, s'inspirant pour une part des
propositions votre rapporteur et des réflexions que je mène sur ce sujet,
déposera un amendement qui permettra d'adapter la législation française à ces
nouvelles technologies, à ces nouveaux services que sont les services en
ligne.
Loin de vouloir censurer un réseau de nature internationale, par cet
amendement, le Gouvernement proposera, d'abord, des outils permettant à la
responsabilité individuelle de chacun de s'exercer : les parents notamment
pourront décider des accès qui peuvent être laissés ouverts aux mineurs.
Ensuite, il suggérera d'instituer auprès du CSA un Conseil supérieur de la
télématique. Ce dernier pourra faire des recommandations dans le domaine de la
déontologie et pourra aussi, saisi par les usagers, donner un avis sur le
contenu d'un certain nombre de serveurs qui pourraient être en contradiction
avec les principes fondamentaux de la législation française ; je pense, en
particulier, à ces serveurs qui mettent en cause l'intégrité de la personne
humaine ou à ceux qui constituent des incitations à la haine raciale ou encore
qui font oeuvre de révisionnisme.
Enfin, il proposera que les pourvoyeurs d'accès, ceux qui, techniquement,
offrent des accès sur le réseau Internet, soient exonérés de responsabilité
pénale sous deux conditions : d'une part, ils devront respecter les règles que
je viens d'évoquer, c'est-à-dire la mise à disposition d'outils de
responsabilité individuelle, de logiciels permettant le filtrage des accès ;
d'autre part, ils devront fermer les accès aux serveurs que le Conseil
supérieur de la télématique, placé au sein du CSA, aura désignés comme
contrevenant à la législation française.
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Très bien !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 71 minutes ;
Groupe socialiste, 61 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 52 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 44 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 28 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Trucy.
M. François Trucy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a
excellemment dit M. le rapporteur, les télécommunications joueront dans
l'avenir pour l'aménagement du territoire un rôle aussi important que les
infrastructures de transport. Elles sont en effet devenues le système nerveux
d'un pays ; sa sécurité et son économie en dépendent.
Je rappellerai quelques faits.
Premièrement, si depuis plus de dix ans, près de quarante accords de prises de
participations et d'alliances sont intervenus entre les grands opérateurs de
télécommunications mondiaux, France Télécom n'a été présent que dans deux
d'entre eux : la privatisation du réseau mexicain et celle des
télécommunications d'Argentine.
Deuxièmement, à partir du 1er janvier 1998, il ne devra plus y avoir de
monopoles sur les services de télécommunications européens.
Troisièmement enfin, et cela sera souvent dit dans les prochains jours, la
mondialisation des marchés fait exploser tous les cadres de l'activité.
Partout, les monopoles et les situations acquises sont battus en brèche, et la
concurrence s'annonce totale. Pour nous Français, entrer dans la concurrence -
M. le ministre l'a clairement énoncé - c'est accepter la loi du marché, tout en
restant attachés à une tradition qui impose l'accès de tous aux communications
et sur tout le territoire. La réforme du statut de France Télécom est dès lors
inévitable. L'enjeu est de taille : permettre à l'opérateur national de jouer
gagnant sur un marché en pleine expansion.
Dans la suite de mon propos, je m'attacherai à développer les termes de
l'équilibre entre l'ouverture à la concurrence et le maintien des obligations
de service public, tandis que mes collègues du groupe des Républicains et
Indépendants aborderont sans doute davantage de leur côté le contexte
international qui rend cette réforme impérative.
Il convient de souligner que l'objet de ce projet de loi est de garantir un
service public du téléphone de qualité tout en permettant la construction
progressive et équilibrée du marché français des télécommunications dans le
marché européen.
Notons au passage, monsieur le ministre, que vous avez déjà réussi à
convaincre Bruxelles de respecter les exigences de l'offre d'un service
universel et de services obligatoires de télécommunications. C'est sans doute
une contribution française qui n'est pas négligeable.
Notons aussi que de bons travaux préparatoires à l'élaboration du projet de
loi ont été conduits.
Je citerai le rapport d'étape du groupe d'expertise présidé par M.
l'inspecteur général Champsaur, qui a montré l'importance de l'interconnexion
des opérateurs privés au réseau de France Télécom. Celle-ci devra être soumise
à une régulation forte, précise le rapport, et selon des modalités révisables
périodiquement. En contrepartie, une plus grande liberté tarifaire devra être
laissée à France Télécom dans le cadre de contrats de plans successifs.
Ainsi, les conditions techniques et financières de l'inteconnexion évolueront
vers le droit commun de la concurrence. Cette démarche refuse donc une
régulation asymétrique et émet des réserves sur les possibilités de
compensation tarifaire du déficit d'accès résiduel après le 1er janvier
1998.
De même, l'étude d'impact accompagnant ce projet de loi a présenté un certain
intérêt. On peut toutefois regretter qu'elle soit empreinte à nos yeux d'un
trop bel optimisme. Elle ne laisse que peu de place aux interrogations que l'on
peut se poser dans le domaine des emplois industriels, ou du développement réel
du trafic en Europe. Toutes les mesures proposées dans le texte y sont
justifiées sans réserve aucune.
Aussi, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser la valeur juridique
réelle de ce document ? Doit-il être considéré comme formant un tout avec
l'exposé des motifs ?
En effet, ce dernier est d'autant plus important que le projet de loi modifie
une partie essentielle du code des télécommunications, sans rappeler les
articles laissés en l'état. Une fois n'est pas coutume, il est complet et
précis ; il exprime la volonté du Gouvernement de mettre en place des règles
équitables tant pour France Télécom que pour ses concurrents, qui déboucheront
sur un traitement symétrique des différents acteurs du marché. Dans ces
conditions, la simplification et l'allégement des différentes procédures
d'autorisations permettant aux nouveaux entrepreneurs d'entrer sur le marché ne
peut être que bénéfique.
Venons-en maintenant, monsieur le ministre, à votre projet de loi.
Je ne peux qu'approuver la démarche du Gouvernement visant à introduire dans
la loi une définition claire et lisible du service public selon la conception
française. Cette définition recouvre ainsi le service universel destiné à
l'ensemble des usagers, l'offre de services obligatoires pour les entreprises
et des missions d'intérêt général.
Ce texte a le grand mérite de garantir l'offre du service universel et des
services obligatoires, de désigner l'opérateur public, France Télécom, pour la
fourniture de services qu'il rend actuellement, tout en ouvrant la possibilité
à d'autres acteurs de se porter candidats.
Toutefois - c'est une marque de regret - les dispositions visant le partage
des prestations autres que le service universel du téléphone, par découpage
géographique ou par catégories de prestations proposées, conduiront, à coup
sûr, à des difficultés d'interprétation et à de nombreux conflits.
Il faudra donc laisser ouvert le débat parlementaire sur cette question :
quelle sera l'avenir de ces dispositions ? Ne vont-elles pas affaiblir
l'opérateur du service universel ? La loi ne devrait-elle pas préciser plus
clairement, sans renvoi aux décrets d'application, les méthodes qui seront
retenues ?
En effet, l'intérêt premier doit être celui de l'usager, mais n'oublions pas
que seul l'équilibre économique global du service universel permettra d'en
pérenniser l'offre sur l'ensemble du territoire.
Il est affirmé dans le projet de loi que ce service public sera de qualité.
Bien ! Cependant, il faudra veiller à ce que toutes les dispositions soient
prises dans le cahier des charges des opérateurs pour la mesurer selon des
critères précis et indiscutables.
Face aux exigences de cohésion sociale et d'aménagement du territoire, qui,
tout spécialement ici, au Sénat, préoccupent les élus que nous sommes, le
projet de loi garantit l'offre d'un service universel du téléphone partout à un
prix abordable.
L'Etat s'engage donc à définir clairement et à imposer, après consultation de
la commission supérieure du service public des postes et télécommunications,
deux types de prix : un prix plafond, qui assurera dans les meilleurs délais
l'équilibre économique du service universel du téléphone, et des tarifs
spécifiques destinés à des catégories sociales dites défavorisées, dont la
liste sera précisée par décret.
Aussi permettez-nous, monsieur le ministre, de nous interroger sur les
critères de définition de ces catégories et sur ceux d'attribution de ces
tarifs spécifiques.
Par ailleurs, l'Etat se doit de garantir l'offre sur tout le territoire des
services obligatoires plus particulièrement destinés aux entreprises. Pour ce
faire, il faudra, à mon sens, veiller tout particulièrement à ce que le contrat
de plan ne comporte pas de dispositions créant une dissymétrie entre
l'opérateur public et les opérateurs privés.
Le texte dispose que l'Etat est responsable des missions d'intérêt général et
qu'il les prend à sa charge. Concernant la défense et la sécurité, les
dispositions déjà contenues dans la loi de 1990 sont étendues à tous les
opérateurs autorisés. Sur ce point, il semble donc qu'il y ait bien symétrie
complète entre les opérateurs.
La recherche publique est également expressément mentionnée. Puisqu'elle est
publique, elle est à la charge de l'Etat. C'est pourquoi, monsieur le ministre,
nous vous demandons, à l'occasion de ce débat parlementaire, de continuer à
rassurer les personnels du Centre national d'étude des télécommunications, le
CNET, et de leur confirmer encore que le CNET reste le laboratoire de
l'entreprise France Télécom.
De même, pour l'enseignement supérieur, pouvez-vous monsieur le ministre,
indiquer au Parlement quelles sont les mesures prises pour permettre, en 1997
et au-delà, le maintien et le développement d'un enseignement de très haute
qualité ? Vous savez l'importance des garanties que vous apportez.
Le projet de loi prévoit également des mesures propres à assurer la pérennité
d'un service de qualité.
Nous le savons bien, ce service universel se doit d'être viable dans le cadre
d'un marché concurrentiel. Il en va donc de l'intérêt public de préparer
l'économie française aux conditions nouvelles du marché.
Un des éléments majeurs de ce rééquilibrage sera l'évolution de la
tarification du service téléphonique. Or, s'il s'avère que l'équilibre
économique du service universel ne pourra être atteint au 1er janvier 1998,
tout le monde le sait, il fallait trouver un terme raisonnable à la
participation des opérateurs dans le rééquilibrage des tarifs de France
Télécom. La date du 31 décembre 2000, qui figure dans le projet de loi, nous
paraît raisonnable.
La pérennité de la qualité du service exige un contrôle de sa mise en oeuvre.
La loi de 1990 avait confié cette tâche à la commission supérieure du service
public des postes et télécommunications, à laquelle, monsieur le ministre, vous
rendez souvent hommage. Sa mission est maintenue dans un marché ouvert ; le
service universel, partie du service public, entre donc dans la compétence de
cette commission. Il est vrai qu'elle est un lieu de dialogue entre les acteurs
du secteur et des parlementaires de sensibilités politiques différentes ; son
rôle d'observateur et de « conscience du service public » s'exprime par des
avis et des rapports rendus au Gouvernement. Envisagez-vous, monsieur le
ministre, d'ouvrir, au vu des travaux de la commission et chaque fois qu'il
sera nécessaire, un débat public au Parlement ?
Si l'on peut se réjouir de la volonté que traduit le projet de loi d'instaurer
un droit commun applicable à l'ensemble des opérateurs de télécommuncations
dans des domaines ou France Télécom disposait jusqu'alors de droits réservés ou
exclusifs, qu'en est-il de son application indifférenciée aux réseaux câblés
?
Sur ce point, une disposition législative pourrait-elle réserver les droits
spécifiques des opérateurs sur les réseaux dont ils sont propriétaires mais qui
sont exploités par d'autres opérateurs ?
Sensible au principe de transparence des futures règles du jeu, le groupe des
Républicains et Indépendants soutient les principes du texte en matière de
tarification.
Le principe d'autorisation accordant des droits équivalents pour des
obligations équivalentes devra être clairement réaffirmé. Il est donc
souhaitable que les positions du conseil de la concurrence soient étendues au
secteur des télécommuncations et qu'elles servent de référence permanente tant
à l'autorité de régulation des télécommunications qu'à vous-même, monsieur le
ministre.
Concernant la réglementation de l'interconnexion, qui sera l'élément clé de la
rentabilité pour la plupart des nouveaux opérateurs, l'obligation faite à
France Télécom d'ouvrir son réseau, suivant les conditions de la loi, est
logique.
Je me félicite que le projet de loi prévoie pour la tarification
d'interconnexion une distinction entre les exploitants de réseaux et les
fournisseurs de services.
Nous le savons, la recherche d'un nouvel équilibre des pouvoirs sera
certainement difficile. La création de l'autorité de régulation des
télécommunications fera respecter cette répartition conforme à l'esprit du
droit français entre le pouvoir réglementaire réservé au Gouvernement et le
pouvoir de régulation attribué à une instance indépendante. Elle n'aura
cependant de réalité que s'il existe une indépendance effective. Dans cet
esprit, le mode de désignation qui prévoit la nomination de deux membres par
les assemblées parlementaires nous semble de nature à renforcer l'indépendance
de cette autorité.
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants vous
apportera son soutien car ce projet de loi traduit également la volonté du
Gouvernement de faciliter l'activité de l'ensemble des acteurs du secteur en
matière de numérotation, de gestion des fréquences et d'adaptation des
réglementations des droits de passage et du cryptage.
Toutefois, de nombreuses dispositions feront l'objet de décrets. Ne
conduiront-elles pas, monsieur le ministre, à soustraire au contrôle du
Parlement certaines évolutions importantes du droit français ?
Vous connaissez les réticences habituelles du Sénat dans ce domaine.
Monsieur le ministre, vous avez le courage politique de procéder à une grande
réforme ; vous ne trompez personne. L'examen de ce projet de loi vous conduira
sans doute vers deux autres chantiers, l'un concernant la réécriture complète
du code des télécommunications, l'autre la formulation des règles relatives aux
nouveaux services ouverts au public sous une forme multimédia comme les réseaux
de type Internet.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que notre groupe soutiendra votre action
politique, considérant que l'essentiel des règles du jeu proposées est propre à
garantir un service public du téléphone de qualité et permet la construction
progressive et équilibrée du marché français des télécommunications, dans le
cadre du marché européen.
Relever aussi le défi de la réforme de France Télécom dans le projet de loi
que nous examinerons la semaine prochaine, c'est donner à cette société, au
moment où il le faut et comme il faut, les moyens de figurer parmi les grands
dans la compétition mondiale d'aujourd'hui et donc de pouvoir, demain, créer de
nouveaux emplois.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le ministre, notre groupe approuve les orientations du projet de loi
que vous avez défendues avec conviction, et que notre excellent collègue, M.
Gérard Larcher, a présenté avec talent en laissant d'ailleurs prévoir au cours
du débat des avancées nouvelles que nous approuvons également.
Les Etats membres de l'Union européenne ont décidé à l'unanimité l'ouverture à
la concurrence de l'ensemble du secteur des télécommunications.
C'est le résultat d'un long processus lié à l'évolution rapide des
technologies, et non le fruit d'une idéologie. Ce processus est mondial : le
Japon, les Etats-Unis viennent de déréglementer. En tout état de cause,
l'Europe ne pouvait échapper à cette évolution.
M. Michel Pelchat.
Tout à fait !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Acceptation non pas résignée mais résolue de la concurrence et recherche de
coopération avec des partenaires sont dès lors indispensables pour s'imposer.
C'est dans ce contexte qu'il convient de placer l'alliance entre France Télécom
et Deutsche Telekom, qui est un exemple concret de ce que doit être la
coopération franco-allemande.
Pour élargir l'assise territoriale de leur alliance, les deux sociétés ont
d'ailleurs signé un accord avec le troisième opérateur américain afin de
constituer ensemble une filiale présente sur tous les continents.
En effet, dans un contexte de globalisation des échanges, où il s'agit de
répondre au mieux aux besoins des clients ayant des activités dans plusieurs
pays et à la restructuration internationale du secteur, on reconnaît
l'importance stratégique d'alliances avec de grands opérateurs étrangers afin
de couvrir l'ensemble de la planète.
Ce processus est donc mondial. Rien ne sert de s'opposer à ce mouvement
général de libéralisation. En l'acceptant, nous devons rendre hommage à
l'effort de modernisation exceptionnel que les télécommunications françaises
ont réalisé au cours des vingt dernières années et exprimer nos sentiments de
reconnaissance à celui et à ceux qui en ont été les chevilles ouvrières et qui
ont été parfois des visionnaires. J'en ai été le témoin à l'automne 1980. Il
faut aujourd'hui faire en sorte que cette libéralisation s'opère dans le sens
de l'intérêt général et produise des avantages pour tous, y compris pour les
usagers et les personnels oeuvrant dans ce secteur.
Le projet de loi qui nous est présenté répond à cet objectif en s'efforçant de
concilier trois exigences : d'abord, l'affirmation des principes du service
public et du service universel ; ensuite, l'organisation d'une concurrence
réelle et efficace ; enfin, l'utilisation des télécommunications comme une
opportunité dans l'aménagement du territoire. Monsieur le rapporteur, il y a
quelques années, nous avons eu l'occasion d'en débattre âprement.
La première exigence est l'affirmation des principes du service public à la
française et du service universel.
Quel est le contenu du service public ?
Il s'agit de défendre une spécificité française, sans pour autant mal
interpréter ce vocable qui peut se révéler ambigu et susciter des illusions.
Fondé sur le respect des trois principes fondamentaux du service public -
égalité, continuité et adaptabilité - le projet de loi fixe le contenu du
service public des télécommunications. Il s'agit, tout d'abord, du service
universel du téléphone, c'est-à-dire du service public du téléphone tel qu'il
est fourni aujourd'hui en France, ensuite, des services obligatoires de
télécommunications, qui doivent être fournis sur tout le territoire et dont les
tarifs sont libres, et, enfin, des missions d'intérêt général dans le domaine
des télécommunications assurées par ou pour le compte de l'Etat et prises en
charge par l'Etat, à savoir la défense et la sécurité, la recherche publique et
l'enseignement supérieur, dont le Sénat a largement débattu cet après-midi.
Le projet de loi garantit qu'il y aura bien, au 1er janvier 1998, un opérateur
en charge du service universel - France Télécom - seul capable de l'assurer
dans sa totalité. Son rôle d'opérateur de service public national est ainsi
confirmé.
France Télécom assurera la fourniture sur l'ensemble du territoire des
services obligatoires.
L'Etat, lui, aura des missions propres d'intérêt général dans le secteur des
télécommunications qu'il assurera ou confiera à des opérateurs qu'il
rémunérera.
Quant au financement de ce service, vous l'avez rappelé, le projet prévoit
deux modalités : une redevance versée à l'occasion de l'interconnexion et une
contribution au fonds de service universel.
Il apparaît nécessaire d'affirmer clairement la notion de service universel,
notion qui n'est pas inconnue du droit communautaire, où l'on parle de service
public universel. A titre d'exemple, les rapports Théry et Bangemann prévoient
un service universel dans le domaine des autoroutes de l'information visant à
raccorder la majeure partie de la population, sans aucune discrimination
géographique.
Nous devons être heureux que les quinze membres de l'Union européenne aient
pris une résolution affirmant - et je vous remercie, monsieur le ministre, de
l'influence que vous avez exercée dans ce sens - le maintien du développement
d'un service universel.
Le corollaire du service public est l'organisation d'une concurrence effective
et efficace.
Il n'y a pas incompatibilité, quoi qu'on dise, entre les deux notions. Le
projet de loi vise à instaurer une concurrence loyale, effective, favorable aux
utilisateurs, et s'exerçant selon des règles de jeu claires et prévisibles, ce
qui est fondamental.
La concurrence ne peut, ne doit pas être une simple façade pour satisfaire à
une décision politique ou à un engagement international. Elle ne peut pas non
plus pénaliser France Télécom.
La libéralisation ne doit pas conduire à l'abandon de tout contrôle collectif
sur le fonctionnement du marché des télécommunications. L'irruption de la
concurrence dans un secteur antérieurement sous monopole ne signifie en aucune
façon l'avènement de la « loi de la jungle ». Bien au contraire, puisque ce
secteur a une forte résonance sociale et fait l'objet de l'organisation d'un
service public. Tel est le cas pour la réglementation des
télécommunications.
Il appartient au cadre législatif de concilier le maintien du service public
avec le développement de la concurrence et de servir de référence visible à
tous les acteurs. Il se doit d'établir les fondations d'une compétition loyale
et contrôlée. D'où aussi l'importance de l'autorité de régulation des
télécommunications.
Cette concurrence doit être réelle et soigneusement organisée.
Elle doit éliminer les barrières qui pourraient s'opposer aux nouveaux
entrants. Elle doit également être maîtrisée, et le texte de loi prévoit les
conditions d'interconnexion, c'est-à-dire de liaison des réseaux de
télécommunications des différents opérateurs.
La réalité de la concurrence passe également par une vraie « portabilité » des
numéros. Comment voyez-vous, monsieur le ministre - vous y avez fait une
allusion dans votre présentation tout à l'heure - la mise en oeuvre de cette
mesure encore mal définie bien que déterminante pour réunir les conditions
d'une véritable concurrence ?
Cette concurrence, j'en suis persuadé, ne peut être que favorable à
l'utilisateur, que ce soit l'individu ou l'entreprise. Elle sera en effet
profitable à l'éclosion de nouveaux services de meilleure qualité à des tarifs
plus intéressants. Elle provoquera une demande accrue et une multiplication des
services, je pense notamment à Internet.
Cette concurrence ne peut être que favorable à l'économie. Elle va en effet
provoquer d'importants investissements, tant chez les prestataires de services
que chez les équipementiers et leurs sous-traitants.
Ce marché en fort développement, qui exigera d'importants investissements,
devrait donc être - je crois qu'il faut souligner ce fait - favorable au
développement de l'emploi. En effet, l'apparition de nouveaux services, le
développement des infrastructures susciteront de nouvelles activités et
amèneront la création d'emplois.
Enfin, les télécommunications sont aussi un outil puissant en matière
d'aménagement du territoire.
Le rapporteur du projet de loi, notre collègue M. Gérard Larcher, insiste à
juste titre - et cela ne date pas d'aujourd'hui - sur cet aspect. Il faut
rendre hommage au Sénat d'avoir su, très tôt, mettre l'accent sur le rôle
fondamental qui incombe aux télécommunications dans la mise en oeuvre d'une
politique volontariste d'aménagement du territoire.
Le rapport de la mission d'information présidée par M. Jean François-Poncet
affirmait déjà très clairement, voilà quelques années, que les
télécommunications joueront dans l'avenir, pour l'aménagement du territoire, un
rôle aussi important que les infrastructures de transport.
La suite logique de ce constat a été, sur l'initiative du Sénat - et vous y
avez pris une large part, monsieur le rapporteur - l'établissement du schéma
des télécommunications prévu par l'article 20 de la loi du 4 février 1995.
Celui-ci fixe l'objectif suivant : à l'horizon 2015, les réseaux de
télécommunications, notamment les réseaux interactifs à haut débit couvrant la
totalité du territoire, devront être accessibles à l'ensemble de la population,
des entreprises et des collectivités territoriales et offrir des services
équitablement répartis sur l'ensemble du territoire et disponible dans les
zones rurales notamment.
Plus que jamais, l'exigence d'aménagement du territoire doit rester une
priorité dans notre pays. Les télécommunications en sont un vecteur essentiel.
Le projet qui nous est soumis peut et doit en être un facteur de
concrétisation. L'égalité territoriale par la péréquation géographique, la
baisse des communications à longue distance, la prise en compte de
l'aménagement du territoire par les opérateurs de réseaux et les fournisseurs
de services, les redevances d'occupation du domaine public pour les
collectivités locales sont autant d'avancées positives qu'avec M. le rapporteur
nous devons saluer.
En conclusion, le groupe de l'Union centriste approuve le projet de loi qui
nous est soumis. Il nous est présenté à un moment où l'évolution européenne et
mondiale le rend inéluctable. Il s'agit, en l'occurrence, non pas de se
conformer à une quelconque mode doctrinale, mais de tenir compte des réalités
auxquelles nous sommes confrontés et auxquelles la France ne peut échapper.
Dans ce contexte, il s'agit donc de veiller à ce que le service public des
télécommunications s'adapte dans les meilleures conditions possible au contexte
concurrentiel qui s'impose à lui. Il s'agit d'organiser une concurrence qui
soit à la fois utile et efficace. Il s'agit de faire des télécommunications un
vecteur concret d'une politique d'aménagement du territoire qui doit
représenter une chance pour chacun de nos territoires.
La réforme qui nous est proposée entraîne des transformations profondes, qui
sont inévitables lorsque l'on passe d'un monopole à la concurrence. Elle
suppose des adaptations à la fois des structures et des mentalités. Aucune
réforme d'ailleurs ne peut réussir si structures et mentalités n'évoluent pas
parallèlement.
La réforme des télécommunications doit non pas générer l'inquiétude, source de
paralysie, mais constituer un nouveau départ, une nouvelle chance. Les
télécommunications françaises ont été, au cours des dernières décennies, un des
facteurs de la modernisation de notre pays. Elles l'ont été grâce à la capacité
d'innovation, à la compétence, au sens de l'intérêt général, des personnels
qui, du sommet à la base, en ont fait un instrument efficace au service d'une
France tournée vers l'avenir. Je suis certain que ces mêmes qualités
permettront à France Télécom et à ses personnels ainsi qu'à toutes les
entreprises qui oeuvrent dans ce secteur de s'engager avec confiance et
résolution vers l'avenir.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi de réglementation des télécommunications vise à ouvrir les réseaux et les
services de télécommunication de cet important secteur d'activité à la
concurrence et organise la suppression du monopole de France Télécom sur
l'établissement des infrastructures filaires publiques et la fourniture au
public du service de téléphone fixe.
Ce texte prétend apporter la réponse adaptée à l'évolution extrêmement rapide
des technologies. Je voudrais d'emblée affirmer que cet argument est un
fallacieux prétexte. A son origine, il y a tout simplement une décision du
Conseil des ministres européens de déréglementer pour organiser la
concurrence.
Monsieur le ministre, il est abusif de justifier la déréglementation et la
concurrence par les évolutions technologiques et le besoin d'interconnexion des
réseaux. Le service public et l'entreprise publique sous monopole ont pourtant
largement montré leur capacité et leur efficacité à coopérer au niveau
international. On doit même noter leur supériorité en ce qui concerne les
compatibilités techniques - et donc les réseaux - la recherche et les
programmes de développement communs qui font progresser les technologies et
l'industrie.
Dans les pays développés, les réseaux sont maîtrisés par des entreprises
publiques qui, comme France Télécom, marchent fort bien. Pourquoi changer ? En
réalité, la technologie et ses évolutions ont bon dos.
Non, le vrai motif qui explique la déréglementation à laquelle vous voulez
vous livrer, monsieur le ministre, est ailleurs : c'est l'entrée des
télécommunications dans le marché mondial et le souhait pour un certain nombre
de grandes entreprises de pénétrer sur ce marché. Ce sont les multinationales
privées qui frappent à la porte d'un marché d'équipements et de services en
pleine expansion, qui progresse de 4 p. 100 en moyenne chaque année.
Dans notre pays, ce sont notamment la Générale des eaux et Bouygues qui sont
sur les rangs et piaffent d'impatience et qui, je le note au passage, seraient
déjà, avec les autres opérateurs privés, favorisés puisqu'ils ont obtenu une
réduction de leur participation au financement de ce qu'il est convenu
d'appeler le « service universel ».
Dans ce secteur, les services publics sont les empêcheurs de tourner en rond,
car les critères sociaux et d'intérêt national sur lesquels ils se fondent
doivent, coûte que coûte, être destructurés au profit de la rentabilité
financière.
Les besoins d'emplois qualifiés, l'accès pour tous aux multimédias,
l'aménagement équilibré du territoire, les coopérations entre entreprises
publiques et privées pour économiser les financements publics et lutter contre
les gâchis financiers représentent des enjeux décisifs que ne satisferont
jamais quelques multinationales privées se livrant une guerre destructrice.
Au prix d'alliances internationales, de rachats, de regroupements au détriment
de l'emploi - comme, par exemple, la récente fusion des deux plus grandes
compagnies régionales américaines de téléphone, qui se traduira par la
suppression de quelque 3 000 emplois - on assiste à la concentration rapide
autour de quelques mastodontes ; les experts prévoient que cinq grands groupes
seront ainsi en concurrence au plan mondial.
Faire à terme place nette à ces groupes, voilà beaucoup plus prosaïquement la
raison fondamentale de la déréglementation de ce secteur. Elle permettrait à
quelques sociétés multinationales privées d'accaparer le fruit de quelque
vingt-cinq ans d'investissements publics pour réaliser de gigantesques profits
au détriment des usagers du téléphone et des services qui lui sont attachés, au
détriment du développement économique et social et d'un aménagement équilibré
du territoire.
Loin d'être une conséquence fatale de la mondialisation et de l'évolution des
technologies, la libéralisation et la déréglementation des services de
télécommunications répondent donc, avant tout, aux seules exigences de groupes
industriels et financiers qui cherchent à s'approprier les parts les plus
rentables de ces services et à s'assurer la domination des marchés.
Avec votre projet de loi, il est évident que le service public perdra en
importance et en qualité sur l'ensemble du territoire, que les usagers
domestiques seront mis à contribution, pour le plus grand profit des
entreprises et des marchés financiers, et que les agents subiront des pressions
renforcées sur leurs emplois, leurs rémunérations, leurs conditions de travail
et leurs garanties statutaires.
Je voudrais d'ailleurs relever que ce sont ces craintes, ces inquiétudes, mais
aussi le refus de cette évolution néfaste qu'ont exprimés ce matin les
personnels de France Télécom dans l'unité de leurs syndicats. Ils ont bien
perçu tous les dangers que recèlent vos projets, et le groupe communiste
républicain et citoyen, qui était présent à leurs côtés ce matin, salue leur
lutte et les soutient pleinement.
La déréglementation et l'ouverture à la concurrence que vous voulez introduire
seraient particulièrement lourdes de conséquences négatives dans deux domaines
: les tarifs et l'emploi.
A vous en croire, monsieur le ministre, les ménages français ne pourraient
être que les heureux bénéficiaires de la mise en concurrence acharnée du marché
des télécommunications puisque leur facture devrait baisser. Vous avez assuré
que la hausse de l'abonnement serait accompagnée d'une baisse des
communications locales.
L'expérience dans les pays où la déréglementation est déjà mise en oeuvre
démontre en fait tout le contraire.
M. François Fillon,
ministre délégué.
C'est faux !
M. Claude Billard.
En Belgique, le tarif des appels internationaux a certes baissé de 15 p. 100
mais celui des abonnements a été relevé du même taux. Le Canada, pays le moins
cher pour ses appels urbains et internationaux, est, en revanche, en tête du
hit-parade pour le coût de l'abonnement. La restructuration tarifaire en
vigueur rendrait payants les appels urbains actuellement gratuits. En
Allemagne, la baisse est de 30 p. 100 à l'international, mais l'augmentation
est de 5 p. 100 sur les appels interurbains. Que ce soit en Italie ou bien
encore aux Pays-Bas, la tendance est la même puisque si, dans ce dernier pays,
les appels interurbains ont baissé de 10 p. 100, ils sont en tête du classement
mondial pour le prix des appels urbains à la suite d'une hausse de près de 90
p. 100.
En France, les tarifs des communications ont baissé pour les communications
internationales et les longues distances nationales. Il n'en est pas de même
pour la taxe de raccordement, l'abonnement et les communications locales, qui
ont augmenté, après avoir déjà connu une hausse en 1994. L'ouverture à la
concurrence implique obligatoirement le rééquilibrage des tarifs, par une
augmentation importante de l'abonnement et des liaisons locales afin de
rapprocher ceux-ci des coûts réels.
M. François Fillon,
ministre délégué.
C'est faux !
M. Claude Billard.
La première conséquence de l'ouverture à la concurrence sera donc,
inéluctablement, l'augmentation de la facture téléphonique de la plus grande
partie des usagers.
M. François Fillon,
ministre délégué.
C'est faux !
M. Claude Billard.
Il faudra bien que quelqu'un paie le « dumping » qui va s'opérer entre les
grands groupes sur les liaisons longues distances ; ce n'est pas à l'usager de
base d'en supporter le coût.
En entérinant la fin du monopole de France Télécom, vous remettez en fait en
cause les notions fondamentales et républicaines de péréquation sociale et
géographique. Reprenant le vocabulaire bruxellois...
M. Michel Pelchat.
C'est le nouveau vocabulaire !
M. Claude Billard.
... votre loi parle d'un « prix abordable » ; c'est une notion pour le moins
floue. En fait, par le biais de la hausse des abonnements, vous allez accélérer
le transfert de la charge financière des entreprises vers les particuliers, au
détriment des usagers les plus modestes.
Votre projet de loi reste aussi volontairement très vague sur la notion de
péréquation géographique, importante non seulement pour les particuliers, mais
aussi pour l'aménagement du territoire. Les entreprises par exemple, à coup
sûr, ne voudront plus s'installer dans les zones où le prix des communications
sera plus élevé qu'ailleurs.
M. Gérard Delfau.
C'est évident !
M. Claude Billard.
Ce processus est inévitable dans une situation de concurrence.
Ce que vous nommez « le déséquilibre tarifaire historique de la tarification
française » constitue en fait ce que vous voulez remettre en cause avec
l'égalité tarifaire assurée par le service public entre tous les usagers,
quelle que soit leur position géographique ou économique. Les appels longues
distances permettaient de compenser le coût des communications locales et des
missions de service public, les gros consommateurs payaient pour les petits. La
perte du monopole ne permettra donc plus d'assurer une réelle péréquation
tarifaire.
M. François Fillon,
ministre délégué.
C'est faux !
M. Claude Billard.
C'est bien l'inverse que vous voulez programmer avec la destruction du mode de
financement du service public.
La logique veut donc que, sur un marché ouvert à la concurrence, France
Télécom, avec ses obligations de service universel, véritable RMI du service
public, reste seul à garantir un droit minimum à toutes les catégories de la
population en tout lieu du territoire, aussi longtemps que cela ne sera pas
jugé suffisamment rentable par ses concurrents.
Mais, placé en compétition avec le secteur privé sur les services à haute
valeur ajoutée destinés essentiellement aux entreprises et aux professionnels,
l'opérateur public sera inéluctablement contraint de trouver ses équilibres
financiers dans la hausse des facturations aux usagers domestiques. C'est cette
évolution qui est engagée avec le rééquilibrage entre l'urbain, l'interurbain
et l'international, rendue possible par la hausse de l'abonnement, qui a été
décidée.
C'est une logique imparable, qui avait d'ailleurs été dénoncée en 1995, dans
un rapport bien connu de notre assemblée, et je ne résiste pas au plaisir d'en
citer un passage : « Il ne sert à rien de garantir une desserte universelle
s'il y a éviction des usagers par les prix. Or la Commission européenne entend
manifestement remettre rapidement et totalement en cause la péréquation
implicite entre les tarifs locaux et les tarifs longues distances.
« En d'autres termes, la Commission souhaite notamment une augmentation rapide
et très forte du coût des communications locales afin d'accroître la
concurrence au détriment notamment des consommateurs de base, qui ne passent
pas majoritairement des appels internationaux. La totale égalité entre la
tarification et les coûts serait socialement encore plus douloureuse puisque
environ 60 p. 100 des ménages font perdre de l'argent à France Télécom... ».
Ces propos sont tirés du rapport sur les services publics et l'Europe de M. le
ministre Franck Borotra.
Autre grave conséquence de la mise en concurrence de l'opérateur public avec
des groupes privés : les suppressions d'emplois. La concurrence entre les
opérateurs amènera les entreprises à privilégier dans leurs critères de gestion
la rentabilité financière maximale et, à court terme, la recherche d'une
productivité accrue par la pression sur la masse salariale et l'emploi. Cela
sera également valable pour France Télécom soumis aux mêmes règles et qui
n'aura plus les moyens d'équilibrer les coûts engendrés par ses obligations de
service universel. Vous avez beau prétendre, monsieur le ministre, comme vous
l'avez fait sur une station de radio périphérique, que 70 000 emplois
pourraient être créés en cinq ans, là encore, les expériences étrangères
démentent vos prévisions optimistes.
M. François Fillon,
ministre délégué.
C'est faux !
M. Claude Billard.
En Grande-Bretagne, la déréglementation et l'éclatement de British Telecom ont
conduit à la suppression de 100 000 emplois. Le seul concurrent notable,
Mercury, a lui aussi licencié.
Deutsche Telekom envisage, pour sa part, plusieurs dizaines de suppressions
d'emplois. Aux Etats-Unis, American Telecom en prévoit 40 000.
M. François Fillon,
ministre délégué.
Puis-je vous interrompre, monsieur le sénateur ?
M. Claude Billard.
Certainement, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. François Fillon,
ministre délégué.
Je voudrais simplement demander à M. Billard combien
d'emplois ont été créés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne chez les nouveaux
opérateurs. Quand il connaîtra ces chiffres, il constatera que le solde est
positif.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Billard.
M. Claude Billard.
Le solde n'est pas positif et ne le sera pas compte tenu des suppressions
d'emplois qui sont déjà programmées.
M. François Fillon,
ministre délégué.
Mais si, il est positif !
M. Claude Billard.
Non, je ne partage pas votre point de vue. Les mêmes causes auront les mêmes
effets, et on voit mal comment notre pays échapperait à cette logique. Vous
avez vous-même avancé, devant le secrétaire général de Force ouvrière, le
chiffre de 30 000 postes excédentaires.
Un autre aspect du caractère nocif de votre projet de loi est d'imposer des
obligations à France Télécom qui désavantageraient l'opérateur public par
rapport à ses futurs concurrents, eux-mêmes nettement favorisés dans la
compétition acharnée qui s'instaure.
Je ne prendrais que quelques exemples.
Ainsi, en ce qui concerne la possibilité de proposer sur le câble des services
de télécommunications, France Télécom serait très désavantagé puisqu'il a
réalisé 25 milliards de francs pour l'établissement du réseau câblé et qu'elle
ne recevrait que 350 millions de francs des câblo-opérateurs pour la location
des réseaux câblés à des fins audiovisuelles. Voilà un bel exemple
d'investissements très lourds supportés par une entreprise publique et qui
bénéficieraient à peu de frais à des intérêts privés.
L'ouverture desdits réseaux aux services téléphoniques risque d'entraîner une
véritable captation des investissements réalisés par l'Etat au profit d'un
écrémage par d'autres opérateurs du marché des abonnés au câble.
Autre exemple : à l'Assemblée nationale, vous avez accepté un amendement qui,
en substituant à la notion de domaine public celle de voie publique, conduit à
exclure les publiphones les plus rentables, comme ceux des gares et des
aéroports, du champ du service public. C'est encore là une façon d'avantager
des intérêts privés en leur réservant des créneaux rentables.
Il en va de même pour cet autre amendement qui exonère les opérateurs de
radiocommunication mobile - il s'agit notamment de la SFR et du groupe Bouygues
- d'une partie du financement du service universel et de la contribution
additionnelle liée à la résorption du déséquilibre tarifaire. Comme vous
l'aviez crûment déclaré dans une interview à un grand quotidien économique, il
s'agissait, selon votre propre expression de « donner un coup de pouce
supplémentaire » à ces groupes privés.
En ce qui concerne l'autorité de régulation, qui aura pouvoir sur les tarifs
d'interconnexion et en matière d'arbitrage, on peut penser que, là aussi, le
projet de loi met en place un dispositif de nature à rassurer les nombreux
opérateurs privés.
L'instauration de cette autorité, en apparence indépendante, s'inspire des
modèles anglo-saxons ultralibéraux et s'appuie, en France, sur un courant de
pensée selon lequel l'Etat doit abandonner certains de ses pouvoirs de
préservation de l'intérêt général.
Ainsi, la compétence de fixer les tarifs d'interconnexion, qui ont une
importance stratégique, serait confiée à une autorité qui serait en fait jugée
sur sa capacité à établir la concurrence et dont la vocation serait, au bout du
compte, de faire baisser les parts de marché de France Télécom.
J'ajoute que le fait de voir des personnalités inamovibles et n'ayant de
comptes à rendre à personne réglementer et contrôler le secteur des
télécommunications est profondément antidémocratique.
Au demeurant en créant cette autorité qui fixerait les règles du jeu tout en
étant arbitre, votre texte va encore plus loin que ne l'exigent les directives
européennes en matière de compétences des autorités de régulation.
Cela est révélateur de votre démarche générale : dans ce domaine, vous avez
choisi non seulement de ne pas résister mais encore de surenchérir sur les
exigences de la Commission européenne.
Invoquer les engagements européens de la France pour justifier que nous soyons
contraints de déréglementer le secteur des télécommunications n'est donc pas un
argument recevable.
En effet, les traités fondant l'Union européenne n'impliquent pas
obligatoirement la libéralisation du marché des télécommunications. Même si le
traité de Rome, confirmé en la matière par celui de Maastricht, ne reprend
qu'incidemment, en son article 77, le terme de « service public », il faut se
rappeler que l'article 90 du traité de Rome utilise notamment la notion de «
service économique d'intérêt général » qui en recouvre pratiquement le contenu.
Il existe donc dans les textes européens des moyens juridiques de lutter contre
la mise en cause de nos services publics par la concurrence.
Je relève que le Gouvernement a, sur ce sujet, capitulé en rase campagne, car,
contrairement à l'engagement pris au mois de décembre par le Premier ministre,
il a renoncé à inscrire dans la Constitution la notion de service public qui
les protégerait et n'a entrepris aucune démarche, dans le cadre de la
conférence intergouvernementale, pour faire inscrire dans les traités une
définition des services publics conforme à l'acceptation française de cette
notion.
L'obligation d'ouvrir à la concurrence l'ensemble des activités économiques de
la Communauté n'est fondée que sur la volonté politique de la Commission et des
gouvernements, qui interprètent de manière très restrictive l'article 90,
voulant sacrifier à tout prix les monopoles publics sur l'autel de l'argent-roi
et des intérêts privés.
Non, les enjeux contemporains du développement des télécommunications ne
nécessitent aucunement le démantèlement du service public. Ces enjeux ne sont
pas qualitativement différents de ceux qui avaient conduit à confier ce secteur
à une entité de service public bénéficiant d'un monopole.
Il s'agit aujourd'hui, après que le téléphone a été developpé, avec la qualité
que l'on sait, à l'échelle du pays, d'aménager le territoire en réseaux donnant
accès aux nouveaux services de transmission des données, d'images et de
sons.
Il est impératif, étant donné l'importance économique et sociale de ce
secteur, de le faire suivant les principes mêmes de défense de l'intérêt
général dont est porteur le service public : en assurant, en particulier, une
égalité d'accès aux services en tout lieu du territoire, pour toutes les
catégories d'usagers, ce qui constitue un facteur de lutte contre les
inégalités de toutes sortes, qu'elles soient sociales, économiques ou encore
régionales.
C'est dans cette optique que se situe le groupe communiste républicain et
citoyen. C'est cette conception de l'activité des télécommunications au service
du développement de la société et des hommes qui fonde notre conviction selon
laquelle il faut aujourd'hui préserver l'existence d'un monopole public sur les
infrastructures et équipements de réseaux.
Cette conviction ne nous amène nullement à nier la nécessité d'établir de
nouveaux rapports entre le pôle organisateur que doit être l'opérateur public
et ceux qui fournissent les services et informations circulant sur les
réseaux.
Nous ne sommes pas pour le
statu quo.
Au contraire, nous sommes pour un
service public sachant se rénover et évoluer à la fois vers la décentralisation
et la démocratisation pour répondre au mieux aux besoins des populations, un
service public également capable de véritables coopérations à l'échelle de
l'Europe.
Ce sont là les réponses qu'il est nécessaire et possible d'apporter aux défis
auxquels est confronté aujourd'hui le secteur des télécommunications. Elles
sont incompatibles avec votre projet de loi, monsieur le ministre, et c'est la
raison pour laquelle le groupe communiste républicain et citoyen votera contre
ce texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'histoire
de l'humanité nous enseigne que le développement de la civilisation et le
progrès économique ont toujours été étroitement liés au développement des
moyens de communication.
Ce n'est pas être grand prophète que d'affirmer que la prochaine décennie et,
sans doute, tout le début du XXIe siècle seront marqués par l'explosion des
télécommunications.
La progression prévisible pourrait être symbolisée par celle qu'évoquait
récemment M. John Patrick, vice-président d'IBM, concernant le nombre
d'utilisateurs d'Internet qui, de 30 millions aujourd'hui, pourrait, dans les
cinq ans à venir, atteindre 500 millions. Le secteur des télécommunications
représentera, selon certaines estimations, 10 p. 100 du PIB mondial en l'an 2
000.
M. Michel Pelchat.
C'est faux !
Mme Danièle Pourtaud.
La France a su, grâce à la forte implication de l'Etat et en s'appuyant sur la
doctrine des services publics, développer de puissants réseaux
d'infrastructures. Qu'il s'agisse des routes et des autoroutes, des chemins de
fer, de l'énergie ou du téléphone, ces réseaux d'infrastructures ont
puissamment contribué au développement économique de notre pays en y associant
l'ensemble du territoire et l'ensemble des citoyens.
Depuis 1993, j'insiste sur cette date, les gouvernements de droite ont
entrepris de casser, secteur après secteur, ce modèle, que je qualifierai, en
paraphrasant le Président de la République, de « modèle social français ». Vous
avez entrepris de le casser au nom, il faut le dire, de l'idéologie libérale et
de son credo unique : la libre concurrence, censée satisfaire les besoins de
tous, mais qui, les Français le savent bien, ne profite qu'à quelques grands
groupes.
En fait, vous nous proposez un véritable changement de société pour faire
entrer la France dans un monde fondé sur la libre concurrence et des services
publics réduits au minimum ; certains ont parlé de « voiture-balai ». L'Europe
n'est utilisée ici que comme prétexte.
Sinon, pourquoi tant de précipitation, alors que, parallèlement, vous
prétendez négocier dans le cadre de la conférence intergouvernementale la
reconnaissance des services publics au niveau européen ?
J'ajoute que le rapport de M. Renaud Denoix de Saint-Marc sur le service
public, qui a visiblement fortement inspiré votre projet de loi, prévoit « la
nécessité d'inscrire » les fondements du service public dans le traité d'Union
européenne. Il deviendrait ainsi plus clair que la construction européenne se
fonde sur les deux piliers du « marché et de la cohésion ».
Si, comme vous le prétendez, votre objectif est de préserver le service
public, pourquoi ne pas faire porter tous les efforts du Gouvernement sur cette
négociation européenne et vous en prévaloir pour garder en France nos services
publics structurants et garants à la fois du progrès économique et de la
cohésion sociale ?
Face aux enjeux économiques mais aussi sociaux de la civilisation de
l'information, vous l'aurez compris, monsieur le ministre, votre texte ne nous
paraît pas accepttable.
Ce projet de loi ne nous semble pas, en effet, garantir la pérennité du
service public : il amorce le désengagement de l'Etat, dont vous nous
proposerez l'étape suivante dès la semaine prochaine, avec le projet de loi sur
le changement de statut de France Télécom, et il porte en germe le risque de
voir casser l'opérateur France Télécom, qui se situe aujourd'hui au quatrième
rang mondial.
Il s'agit donc d'un texte qui non seulement ne garantit pas la pérennité du
service public mais risque en outre d'instaurer le « téléphone à deux vitesses
».
Il est proclamé, à l'article 2, que « les activités de télécommunications
s'exercent librement ». Le secteur sera donc, au 1er janvier 1998, ouvert
totalement à la concurrence, et vous nous avez dit, monsieur le ministre, que
votre texte visait à protéger le service public au sein de ce secteur dérégulé.
Malheureusement, cette pétition de principe ne résiste guère à l'examen.
Il n'est pas inutile de rappeler, d'abord, que 90 p. 100 des Français sont
aujourd'hui contents du téléphone.
Le service public, est caractérisé en France par quelques grands principes :
j'en citerai quatre.
Premier principe : l'égalité d'accès pour tous, c'est-à-dire la péréquation
sociale et la péréquation géographique, autrement dit le droit d'être raccordé
au téléphone au même prix, que l'on habite au centre de Paris ou à...
Sablé-sur-Sarthe.
(Sourires.)
M. Michel Pelchat.
Au hasard !
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Ou à Rambouillet !
Mme Danièle Pourtaud.
Deuxième principe : un prix abordable.
Troisième principe : l'adaptabilité, ce qui signifie la constante
modernisation, non pas au service de quelques-uns mais au service de tous.
Quatrième principe : la prise en compte de l'intérêt général.
Or votre texte, en saucissonnant la notion de service public entre service
universel, services obligatoires et missions d'intérêt général, la dénature
totalement pour cacher la réalité : un service public réduit à sa portion
congrue, le service universel, qu'en d'autres temps, pas si éloignés, comme
cela vient d'être rappelé, votre collègue M. Borotra qualifiait lui-même de
conception « misérabiliste » du service public.
On peut légitimement craindre l'instauration à terme d'un téléphone à deux
vitesses, le service public n'étant, en réalité, plus constitué que par le
téléphone de base entre points fixes.
En effet, seuls les prix du service universel devront rester abordables et
seront surveillés par l'Etat. Les services obligatoires seront certes fournis
sur l'ensemble du territoire mais leurs prix seront libres.
Ainsi, qu'il s'agisse de téléphone mobile ou de l'accès aux réseaux à forte
capacité qui donneront accès aux autoroutes de la communication ou, plus
généralement, à la société de l'information, il n'est plus question d'en rendre
l'accès possible à tous les citoyens.
Pis, on peut craindre que, contrairement à ce qu'annonce le Gouvernement, la
grande majorité des petits consommateurs ne voient leur facture augmenter,
tandis que les gros utilisateurs, c'est-à-dire principalement les entreprises,
bénéficieront de la concurrence.
En effet, afin de permettre l'entrée de nouveaux opérateurs, le projet de loi
prévoit l'augmentation des tarifs de l'abonnement pour résorber ce que l'on
nomme pudiquement les « déséquilibres de la structure tarifaire ». Je vous
rappelle qu'aujourd'hui encore la France a l'abonnement le moins cher de toute
l'Europe.
Le mouvement est d'ailleurs déjà entamé puisqu'on est passé de 35 francs hors
taxes par mois en 1994 à 53 francs et qu'il est prévu de passer à 70 francs,
voire à 90 francs hors taxes, c'est-à-dire à 110 francs toutes taxes comprises,
avant l'an 2000, selon le souhait des députés. Ce mouvement a été en outre
accompagné du raccourcissement de la durée de la communication de base.
Le Gouvernement parle de baisse du coût du panier moyen des communications et
focalise l'attention des consommateurs sur la baisse des communications
internationales. Mais, là encore, qui en bénéficie ? Avant tout, les
entreprises.
La hausse sera en revanche importante pour les 10 millions d'abonnés faibles
consommateurs, dont on sait qu'il s'agit de personnes âgées ou à ressources
modestes, pour lesquelles l'abonnement représente aujourd'hui au moins 50 p.
100 de la facture.
C'en est donc fini de l'égalité d'accès, de la péréquation géographique et de
l'adaptabilité.
Enfin, la pérennité du service universel n'est pas assurée. On peut en effet
craindre que l'affaiblissement de l'opérateur France Télécom qui doit résulter
de ce texteou sa soumission aux règles du marché financier après sa
privatisation partielle ne l'obligent à renoncer à fournir ledit service
universel.
Enfin, on peut légitimement éprouver quelques inquiétudes quant au devenir de
ce que le projet de loi appelle « les missions d'intérêt général », en
particulier l'enseignement supérieur et la recherche, à la lumière du
désengagement actuel de l'Etat du secteur de la recherche.
Par ailleurs, ce projet de loi marque, avec la création de l'ART, la première
étape du désengagement de l'Etat, qui se poursuivra par la privatisation
partielle de France Télécom.
Votre philosophie politique amène votre majorité à rechercher systématiquement
l'amoindrissement du rôle de l'Etat, que ce soit par la réduction des moyens
budgétaires d'intervention ou par le dessaisissement de ses missions. La
création de l'ART en est une illustration.
Vous nous proposez la création d'une nouvelle autorité, dotée du pouvoir de
sanction, indépendante de l'Etat puisque ses membres sont inamovibles, nommés
pour six ans et non renouvelables.
Cette autorité est surprenante et contestable, tant dans son principe que dans
sa composition et ses missions.
Les seuls exemples en droit français d'autorités de régulation sont, me
semble-t-il, la Commission des opérations de bourse, la COB, et le Conseil
supérieur de l'audiovisuel, le CSA. L'ART semble plus s'inspirer du CSA, mais
on peut se demander pourquoi.
Créer une autorité pour affirmer l'indépendance des médias audiovisuels par
rapport à l'Etat et couper le fameux cordon ombilical avait avant tout une
valeur symbolique. Je dirai que, avant d'être le gendarme du secteur, le CSA a
eu pour principale fonction, aux yeux de l'opinion, de nommer le président de
France Télévision.
Plus fondamentalement, les trois attributs les plus usuels de ce genre
d'autorité sont : l'attribution des licences, la régulation du marché entre
secteur public et secteur privé, la surveillance du respect de leur cahier des
charges par les opérateurs publics et privés, avec le pouvoir de sanctionner
les manquements.
En revanche, il ne semble pas légitime de transférer sur une autorité
indépendante une partie du pouvoir réglementaire, l'Etat étant, en particulier,
le garant de l'intérêt général à travers le principe d'égalité et le principe
de neutralité, qui sont des principes fondamentaux du service public et du
pacte républicain.
Or cette nouvelle autorité de régulation n'attribue pas les licences. En
revanche, elle est investie d'une partie du pouvoir réglementaire ; en
particulier associée à la définition du service public, elle propose les
modalités de son financement, que le Gouvernement ne fait que constater.
Montesquieu, avec sa théorie de la séparation des pouvoirs, y perdrait son
latin !
Par ailleurs, sa composition - cinq membres, dont trois nommés par décret par
le Gouvernement - rend le dessaisissement de l'Etat encore moins justifié. Elle
ne garantit pas la prise en compte de l'intérêt général, notamment celui des
consommateurs. On peut aussi s'étonner que, pourvue d'un pouvoir de sanction,
elle ne comprenne aucun magistrat. Nous y reviendrons lors de l'examen de nos
amendements.
Le désengagement de l'Etat aboutira inéluctablement à la prédominance des
intérêts privés sur l'intérêt général dans le secteur des
télécommunications.
Or la France est le seul pays à avoir pu mettre gratuitement à la disposition
de la population le minitel, ancêtre d'Internet. Croyez-vous que cela aurait pu
être possible avec une entreprise dont 49 p. 100 du capita aurait été détenu
par le privé ?
Nos concitoyens savent bien que nos intérêts privés ne s'investissent pas au
nom de l'intérêt général. Ils savent aussi que, derrière l'ouverture des
télécommunications à la concurrence, se cache la guerre de grands groupes
privés dont ils seront eux-mêmes les victimes.
Et que dire de l'emploi, qui, selon le Gouvernement, est une « priorité » ? On
connaît les effets bénéfiques qu'ont eus les situations de concurrence pour les
salariés dans la plupart des pays. British Telecom a supprimé 100 000 emplois
en dix ans, Deutsche Telekom va an supprimer 60 000 en cinq ans, et ne parlons
pas des Etats-Unis, où les suppressions d'emplois se comptait par centaines de
milliers. France Télécom prévoyait depuis quelque temps 2 000 à 3 000
suppressions de postes d'ici à l'an 2000, mais, le 29 mai, monsieur le
ministre, vous avez annoncé 20 000 départs anticipés sur dix ans en plus des
quelque 35 000 agents qui prendront normalement leur retraite.
Ces emplois seront effectivement supprimés si vous menez à bien votre projet
de privatisation de France Télécom. En revanche, les 70 000 emplois dont vous
prévoyez la création dans le secteur privé ne sont même pas des promesses
puisqu'ils ne dépendent pas de vous, mais sont simplement des supputations.
Par ailleurs, de l'avis même du Conseil de la concurrence, les frontières de
compétences mal définies entre ce conseil et l'autorité de régulation des
télécommunications, l'ART, risquent de provoquer une insécurité juridique pour
les opérateurs.
Laissez-moi enfin vous exprimer une dernière inquiétude concernant les
pouvoirs de l'autorité de régulation.
Elle sera aussi associée aux négociations internationales. Là encore, on peut
s'étonner, tant il est vrai que c'est à l'Etat de défendre les intérêts de la
France dans les négociations internationales, je pense en particulier aux
difficiles négociations engagées dans le cadre de l'Organisation mondiale du
commerce, qui devraient aboutir à une dérégulation mondiale des
télécommunications.
Enfin, et ce sera mon troisième et dernier point, au nom de la concurrence à
tout prix, le projet de loi prend le risque d'affaiblir ou de casser le plus
grand opérateur français : France Télécom.
Permettez-moi, là encore, monsieur le ministre, de citer Renaud Denoix de
Saint-Marc : « La concurrence est un moyen et non une fin. L'exemple
britannique souvent cité ne saurait tenir lieu de référence car il repose sur
l'idée que la concurrence doit être introduite dans la plus grande mesure
possible. »
A la lecture du projet de loi, et en écoutant la présentation que vous en avez
faite tout à l'heure, on a malheureusement l'impression que vous n'avez pas
suivi ce conseil et que vous avez effectivement cherché à suivre l'exemple
britannique et à introduire la concurrence « dans la plus grande mesure
possible », sans que rien ne l'impose.
Nous avons, avec France Télécom, opérateur public, une société que tout le
monde nous envie. France Télécom est aujourd'hui le quatrième opérateur mondial
; sa technologie, son efficacité ne sont plus à prouver. L'absence de liens
capitalistiques n'a pas empêché la conclusion d'accords internationaux avec
Deutsche Telekom et Sprint.
Depuis la réforme de 1990, France Télécom a accru son chiffre d'affaires de
1,5 million de francs par an en moyenne. Globalement, le désendettement a été
massif, de 25 milliards de francs. France Télécom a connu une baisse de ses
tarifs de 3 p. 100 par an en francs constants, cela en accroissant sa
productivité. Tout en maintenant l'ensemble de son personnel, France Télécom
dispose d'une productivité supérieure à celle de British Telecom, qui annonce
encore la suppression de 50 000 emplois. Cette situation a permis à l'opérateur
public de réaliser les investissements nécessaires à son développement, qui
s'élèvent à 30 milliards de francs par an.
Par ailleurs, la possibilité d'effectuer des investissements à long terme a
permis à France Télécom de se doter d'un pôle de recherche extrêmement
important, le Centre national d'études, le CNET. Aujourd'hui, la France dispose
ainsi du plus grand réseau numérique du monde et d'une position mondiale au
travers des différentes coopérations nationales.
Or, dans le projet de loi, loin de chercher à renforcer cette réussite, vous
semblez considérer que France Télécom est en « abus de situation dominante » et
que l'urgent, et l'essentiel, est de l'affaiblir.
Nous sommes, vous l'avez dit, monsieur le ministre, dans une bataille mondiale
de parts de marché. Jugez-en plutôt. Il y a quinze jours, lors de la conférence
de Midrand, en Afrique du Sud, sur la société de l'information, le
vice-président américain, Al Gore, a annoncé que les Etats-Unis allaient
consacré 15 millions de dollars au développement de l'accès à Internet dans une
vingtaine de pays africains, de manière à « accélérer la participation de
l'Afrique à la société de l'information globale ». Comme on ne peut guère
soupçonner M. Al Gore d'être uniquement animé par la philantropie, il semble
évident qu'il s'agit là d'investissements destinés à réserver des parts de
marchés.
Les télécommunications sont certainement le secteur économique amené à
connaître le plus gros développement dans les années à venir. Pourtant, les
risques d'affaiblissement de France Télécom, sous-jacents dans le texte que
vous nous proposez, sont importants sans que, malgré tous vos efforts, l'on
soit certain de voir apparaître d'autres opérateurs français de taille
mondiale. Je citerai quelques exemples.
Tout d'abord, en laissant les segments du marché les plus porteurs à la
concurrence, vous allez affaiblir France Télécom et l'inciter à procéder à des
restructurations qui réduiront, à terme, sa capacité d'innovation et
d'investissement.
Par ailleur, le projet de loi, dans le calcul des charges d'interconnexion, ne
prévoit pas explicitement la prise en compte de l'amortissement des
investissements réalisés par France Télécom dans les réseaux. C'est un
appauvrissement considérable pour France Télécom et cela risque fort de
décourager, également à terme, ses investissements dans la modernisation du
réseau.
M. Roland du Luart.
Il y en a qui ont la mémoire courte !
Mme Danièle Pourtaud.
Autre exemple, des charges particulières sont imposées à France Télécom, en
particulier la publication de ses offres tarifaires et techniques
d'interconnexion.
En fait, en étudiant toutes les dispositions contenues dans le projet de loi
pour lutter contre la position dominante de France Télécom et permettre une
entrée plus facile sur le marché à ses concurrents, j'ai irrésistiblement pensé
à ce qui s'est passé il y a quelques années dans le secteur de l'audiovisuel et
qui a abouti à la faillite de la société française de production, la SFP.
En effet, afin de faire émerger un secteur de production indépendant, on a
contraint les chaînes de télévision à acheter au moins 10 p. 100 de leur
programmation à la production indépendante pour lutter contre la position
dominante de la SFP. Or, quelques années plus tard, la SFP n'avait même plus 10
p. 100 des commandes des chaînes, et l'on connaît le résultat. Je trouve
dommage que l'on prenne, toutes proportions gardées bien entendu, le même
risque pour France Télécom.
La France doit donc se préparer, nous en sommes d'accord, monsieur le
ministre, à prendre sa place dans le développement international des
télécommunications. Mais là s'arrête notre accord : sur les moyens, nous ne
pouvons en aucun cas vous suivre.
En effet, face aux défis que je viens d'évoquer, votre projet de loi nous
propose comme une baguette magique qui tout à la fois permettra, selon vous, à
la France de se renforcer dans la compétition internationale et d'accroître la
satisfaction des usagers, j'ai nommé la libre concurrence, qui jouera au
détriment du service public, réduit au service universel.
Nous pensons exactement l'inverse. Nous pensons que c'est le service public
qui, parce qu'il est un facteur de cohésion économique et sociale, parce qu'il
est un puissant moteur d'aménagement du territoire, permet le progrès
économique et la compétitivité de l'ensemble de l'économie nationale.
Par ailleurs, nous estimons qu'avec ce texte votre gouvernement prend le
risque - à moins que ce ne soit un souhait - de casser la plus grande
entreprise française dans le secteur, au profit d'autres groupes désireux
d'entrer sur le marché et, éventuellement, de sociétés étrangères, alors que la
conférence intergouvernementale n'a pas encore abouti à l'inscription des «
fondements du service public » dans le traité sur l'Union européenne, ce que
bien entendu nous souhaitons.
Notre crainte, si ce garde-fou n'est pas établi, c'est qu'effectivement la
concurrence se développe au détriment de la satisfaction des missions de
service public, et pas seulement au détriment de l'opérateur, et que le
tristement célèbre « 22 à Asnières » de Fernand Reynaud ne redevienne une
réalité, certes pas à Asnières, mais à... Sablé, par exemple.
(M. le ministre fait un signe de dénégation.)
M. Roland du Luart.
Ne vous inquiétez pas pour Sablé !
Mme Danièle Pourtaud.
Dans ces conditions, vous le comprendrez, monsieur le ministre, le groupe
socialiste votera contre ce projet de loi. Nous vous proposerons néanmoins des
amendements tendant à modifier l'esprit de ce texte en renforçant le service
public. Parmi ces amendements, je tiens à le préciser, certains ont déjà été
défendus à l'Assemblée nationale par le groupe socialiste mais aussi par
certains membres de la majorité.
Avec Jaurès, nous pensons que « les sociétés humaines doivent trouver leur
équilibre par le haut », ce qui n'est malheureusement pas le sens de votre
projet de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Monsieur le ministre, il me semble que vous êtes maintenant dans l'obligation
d'inviter Mme Pourtaud à Sablé, car ce n'est que sur place qu'elle pourra
constater les efforts qui auront été faits !
(Sourires.)
M. Roland du Luart.
M. le ministre l'invitera certainement !
M. Michel Pelchat.
Avec Jaurès !
M. le président.
La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la voie est
étroite. D'une part, nous voulons préserver la prééminence de notre opérateur
public sur notre marché national, ce qui est non seulement naturel mais aussi
primordial pour la place de notre pays dans l'Europe du xxie siècle. D'autre
part, les règles du marché s'imposant de plus en plus rapidement et avec de
plus en plus de force, il nous faut définir une réglementation qui, à la fois,
permette à France Télécom, comme ce fut le cas avec d'autres opérateurs
nationaux d'Europe, de conserver sa première place dans son pays d'origine, et
respecte les règles d'une saine concurrence afin que notre droit, au travers de
recours contentieux, ne nous soit pas dicté peu à peu par la Cour européenne de
justice ou par la Commission de Bruxelles.
La voie à suivre est d'autant plus mal aisée à tracer que les balises qui
devraient la border changent continuellement de place. En effet, les
technologies qui entourent non seulement les télécommunications mais aussi
l'informatique et l'image, étroitement imbriquées dans les changements qui
feront notre monde de demain, évoluent si rapidement, les capitaux mis en jeu
sont d'une telle importance - une importance sans précédent dans une économie
moderne en temps de paix - et les stratégies planétaires sont encore si mal
définies que nous nous trouvons dans l'impossibilité de dessiner avec précision
ce que sera le paysage des télécommunications d'ici seulement quatre ans, quand
nous entrerons dans le xxie siècle.
Pour ce qui est de la concurence mondiale, nous sommes un peu dans la
situation du pilote d'un avion long-courrier qui, en décollant, ne saurait pas
sur quel aéroport il devra se poser au bout de son voyage, et pire encore, ne
saurait même pas si cet aéroport est déjà construit et si les installations
d'approche seront compatibles avec ses appareils de bord afin de lui permettre
une approche par tout temps. Car, de toute façon, il ne sait qu'une seule chose
: un vrai temps de chien l'attend à destination !
(Sourires.)
Par ce projet de loi sur la réglementation des télécommunications, nous
allons essayer de définir le cap que vont devoir suivre les pilotes de ce
secteur stratégique des télécommunications. Nous allons aussi essayer d'allumer
le plus grand nombre de balises ; mais, il faut avoir l'humilité de le
reconnaître, nous n'avons pas encore pu définir les protocoles mondiaux qui
permettraient à l'ensemble du secteur des télécommunications de se poser sans
dommage à la fin du long et périlleux voyage qu'il entreprend aujourd'hui.
En effet, la montée en puissance des réseaux Internet et Intranet à l'échelle
mondiale, la capacité que pourrait acquérir l'informatique à capter les trafics
vocaux dans ces prochaines années, le développement ou non des
network
computers
, qui décideront de l'endroit où se placera l'intelligence demain,
soit dans les terminaux, soit dans les réseaux, mais aussi le lancement de très
nombreux satellites de communication sont autant de paramètres, parmi beaucoup
d'autres, qui auront une influence considérable sur l'avenir de l'ensemble du
secteur des télécommunications, selon les options qui auront été finalement
retenues.
Il faut comprendre la crainte de ceux qui sont dans l'obligation aujourd'hui
de s'embarquer pour un tel voyage. Depuis de nombreuses décennies, respectant
des règles internes très précises, nous connaissions toutes les conditions du
vol avant même notre départ et, ainsi, il n'y avait pour ainsi dire aucune
place à l'incertitude. A tous ceux qui s'embarquent aujourd'hui pour ce voyage,
il nous faut dire avec force que, tous ensemble, nous allons nous mobiliser
jour après jour, pendant toutes ces prochaines années, pour que ce voyage, qui
les fera entrer dans un monde nouveau, se déroule sans heurts et qu'ils
puissent arriver à bon port, c'est-à-dire entrer dans le troisième millénaire
dans les meilleures conditions.
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. René Trégouët.
Dans ce débat sur la réglementation des télécommunications, j'interviendrai
successivement sur quatre points. En premier lieu, je traiterai de la
définition du service universel et, en deuxième lieu, du nécessaire défi qui
doit être lancé pour accélérer l'implantation du téléphone mobile sur
l'ensemble de notre pays, afin que nous réussissions l'aménagement du
territoire du xxie siècle.
En troisième lieu, je vous ferai part de quelques réflexions sur la
responsabilité concernant les contenus portés par les réseaux de
télécommunication.
Enfin, en quatrième lieu, je conclurai sur la manière dont il faut préparer
les Français à exercer les métiers de demain par l'acquisition de savoirs
nouveaux grâce aux outils modernes de télécommunication.
Parlons tout d'abord du service universel. Le texte qui nous est soumis limite
le service universel à la fourniture d'un service téléphonique de base, d'un
annuaire et de cabines téléphoniques publiques. Il en exclut clairement
Numeris, puisqu'il place l'accès au réseau numérique à intégration de services,
le RNIS, dans les services obligatoires.
Bien que je comprenne la position des autres pays européens qui, ne disposant
pas encore de cette technologie, ne peuvent l'intégrer dans leur propre
définition du service universel, je pense qu'il est dommageable, pour la
réussite de l'aménagement du territoire de notre pays et pour l'avenir de
France Télécom, que nous n'ayons pas la volonté d'intégrer dès maintenant le
RNIS dans le service universel.
M. Gérard Delfau.
Evidemment !
M. René Trégouët.
Pourquoi est-ce dommageable pour l'aménagement du territoire ? Pour des
raisons évidentes d'équité.
M. Gérard Delfau.
Bien sûr !
M. René Trégouët.
Les entreprises doivent pouvoir accéder, à même coût - ce qui ne sera pas le
cas dans le service obligatoire - à des lignes numériques, quel que soit leur
lieu d'implantation. Ces lignes RNIS sont devenues ou vont devenir très
prochainement le service de base de très nombreuses entreprises, même parmi les
plus petites. Comment expliquerons-nous qu'une entreprise installée à Aurillac
ou à Barcelonnette doive payer beaucoup plus cher qu'une entreprise de Paris ou
de Lyon pour disposer d'une ligne Numéris,...
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
M. René Trégouët.
... alors que très bientôt ces lignes leur seront aussi indispensables que
l'est l'électricité aujourd'hui ?
Par ailleurs, il est grand temps pour France Télécom d'amortir très rapidement
le RNIS, qui a été inventé il y a quinze ans déjà et pour lequel notre
opérateur public a réalisé d'importants investissements au cours des dernières
années.
Si nous attendons le rendez-vous dans trois ou quatre ans pour placer le RNIS
dans le service universel, il est alors à craindre que ce ne soit trop tard. En
effet, en intégrant Numéris immédiatement dans le service universel, nous
aiderions France Télécom à amortir beaucoup plus rapidement tous les
investissements déjà réalisés dans cette technologie, et nous l'inciterions à
entrer dès maintenant sur le champ où se déroulera la véritable bataille de
demain : celui des larges débits. En effet, l'explosion d'Intranet, qui est
maintenant une certitude, la montée en puissance prévisible de l'approche «
Network computer » et l'exigence de plus en plus forte des usagers de pouvoir
télécharger des images animées de haute définition sans temps d'attente vont
faire que les débits de 155 mégabits - il faut rappeler que le débit de Numéris
n'est que de 64 K - vont très vite devenir des débits standards.
En intégrant Numéris dans le service universel, nous enverrions un message
très fort à l'ensemble des équipes de France Télécom, non seulement en leur
permettant de garder la première place en France en nombre d'abonnés, mais
aussi en les incitant à rester au niveau technologique l'un des meilleurs
spécialistes mondiaux, ce qui sera très précieux demain pour France Télécom
afin de conquérir de nombreuses parts de marché au niveau international.
Abordons maintenant le second point : pourquoi est-il nécessaire d'accélérer
l'implantation du téléphone mobile sur l'ensemble de notre territoire ?
Au cours des dernières semaines, en ma qualité de rapporteur spécial des
budgets des télécommunications, de l'espace mais aussi de la recherche, j'ai
rencontré plusieurs grands acteurs qui préparent le futur paysage des
télécommunications non seulement au niveau national, mais aussi au niveau
mondial.
Ainsi, malgré l'échec aujourd'hui du lancement de notre première fusée Ariane
5, échec qui sera vite effacé, j'en suis convaincu, tant les hommes qui animent
ce programme sont compétents et passionnés, oui, malgré cet échec, de très
nombreux satellites de télécommunications seront lancés, soit en orbite
géostationnaire, soit en orbite basse, dans les prochaines années. Un très
grand nombre d'entre eux seront des satellites de télécommunications directes,
ce qui veut dire qu'avec un portable et à des coûts qui baisseront très
rapidement chacun d'entre nous, quel que soit l'endroit où il se trouvera,
pourra communiquer avec le reste du monde.
Aussi, en raison de l'urgence, il est important que nous prenions conscience
qu'il n'est plus possible de conserver le même rythme, donc les mêmes règles,
pour finir la converture de l'ensemble de notre territoire national par un
réseau de téléphonie mobile numérique.
Il faut que, au nom du Gouvernement, monsieur le ministre, vous lanciez un
défi pour que, avant l'an 2001, l'ensemble de notre territoire soit couvert par
un réseau de téléphonie mobile numérique. Si nous ne lançons pas ce défi, nous
laisserons alors largement ouverte la porte à la concurrence venant sinon des
cieux, du moins des satellites.
En effet, les réseaux satellitaires permettront des échanges internationaux
sans passer par les réseaux filaires terrestres : c'est une part non
négligeable des trafics à longue distance qui pourrait ainsi échapper aux
opérateurs couvrant le territoire français.
Je sais qu'il nous est encore difficile d'intégrer dans nos réflexions ce
réseau planétaire qui, dans quelques années, couvrira l'ensemble de la surface
de notre globe. Il nous faut pourtant bien comprendre en ce jour, alors que
nous définissons les règles qui dessineront le paysage national de nos
télécommunications, que l'avenir de nos réseaux nationaux filaires et celui de
nos réseaux téléphoniques portables sont intimement liés et totalement
complémentaires en vue de résister à l'assaut qui viendra très bientôt des
satellites.
Si la couverture de notre territoire national en ce qui concerne les appareils
portables est mitée, cela voudra dire, dans le raisonnement planétaire de
demain, qu'il sera plus facile de téléphoner à un Touareg dans le Sahara qu'à
un Basque dans les Pyrénées avec nos réseaux filaire et portable nationaux. Si
notre téléphone portable terrestre nous permet d'appeler demain à la fois le
Touareg et le Basque, alors, nous aurons gagné. Mais si, demain, seul le
portable satellitaire nous donne cette possibilité, alors oui, c'est le
téléphone satellitaire qui l'emportera.
Oui, il y a là un véritable défi, et c'est pourquoi je vous demande de
prévoir, pour le 1er octobre 1997, un grand rendez-vous, dont vous auriez la
responsabilité, monsieur le ministre, et qui permettrait à la France d'arrêter
solennellement un programme en vue de rattraper, avant le 1er janvier 2001, le
retard qu'elle a pris par rapport à la plupart de ses concurrents anglo-saxons
dans le domaine de la téléphonie mobile.
Ce défi pourrait être relevé en changeant les règles qui ont prévalu jusqu'à
ce jour. Pour couvrir les régions les moins peuplées, les opérateurs nationaux
de téléphonie portable pourraient être incités à unir leurs efforts pour
investir dans un seul réseau numérique, et non dans trois comme actuellement.
En contrepartie, les zones couvertes par ce réseau numérique unique seraient
ouvertes à l'itinérance, c'est-à-dire que, quel que soit l'opérateur choisi par
l'abonné, celui-ci pourrait accéder au réseau du téléphone mobile. Bien
entendu, pour ne pas fausser, au niveau national, les règles de concurrence,
cette itinérance ne serait possible que dans ces régions peu peuplées où les
opérateurs auraient cofinancé le réseau numérique unique.
Pour inciter les opérateurs nationaux de téléphonie mobile à couvrir
l'ensemble du territoire avant le 1er janvier 2001, les décisions prises lors
de ce grand rendez-vous d'octobre 1997 pourraient permettre à ces compagnies
d'être exonérées de certaines charges prévues par le texte dont nous commençons
l'examen aujourd'hui au sein de notre assemblée.
Je vous demande instamment, monsieur le ministre, d'accepter ce rendez-vous
d'octobre 1997 sur l'avenir du radiotéléphone mobile dans notre pays.
Ce rendez-vous aura l'avantage de ne rien coûter aux finances publiques et il
montrera au monde que la France a la volonté, sans tarder, de relever les défis
essentiels qui lui permettront d'entrer la tête haute dans le XXIe siècle.
Vous pourriez me répondre que nous pourrions attendre le rendez-vous déjà
prévu dans le texte, c'est-à-dire 1999 ou l'an 2000, pour analyser cette
situation. Je le dis avec toute ma détermination, monsieur le ministre : cette
réponse ne serait pas acceptable. En effet, il serait alors trop tard pour
définir une stratégie face aux satellites qui, en l'an 2000, seront déjà
nombreux à faire concurrence à nos opérateurs nationaux.
Nous aurions alors manqué un rendez-vous, ce qui pourrait durablement
pénaliser l'avenir de la France. Connaissant votre volonté, monsieur le
ministre, de relever les défis pour que notre pays connaisse un meilleur
avenir, je suis convaincu que vous comprendrez la volonté qui m'anime.
Pour les deux derniers que j'aborderai, je serai beaucoup plus concis.
D'abord, qui est responsable des contenus portés par les réseaux de
télécommunications ? M. le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, en
avez parlé voilà quelques instants, mais je voudrais ajouter quelques
réflexions complémentaires.
Quand nous savons qu'avec les moteurs de recherche de plus en plus rapides il
est possible à tout abonné à Internet d'accéder chaque jour à des millions
d'informations, nous avons bien conscience que notre droit actuel ne répond
plus à la problématique posée par le transport automatique au niveau mondial
d'un nombre sans fin de messages.
Notre réaction ne doit certainement pas être du type « dissuasion nucléaire »,
comme a essayé de le faire le président Clinton il y a quelques mois. En effet,
de nouvelles passerelles ont été immédiatement créées, qui permettent avec
autant de facilité de diffuser des messages incitant à la violence, au racisme,
à la drogue, à la pédophilie et à bien d'autres barbaries encore. Seul le pays
de résidence du serveur a changé, mais les « Cybernautes » mondiaux ont
toujours les mêmes facilités d'accès.
Par ailleurs, des logiciels ont été créés pour interdire, par exemple, toute
diffusion de messages pornographiques. Mais nous arrivons alors à l'excès
inverse dont les seuls juges sont les ordinateurs : les congrès de médecins ne
peuvent plus parler de cancer du sein sur le réseau mondial car, bêtement -
oui, il faut bien le savoir, les ordinateurs sont des machines bêtes - car
bêtement, disais-je, l'ordinateur classe ce congrès comme étant une démarche
pornographique. La réponse ne peut être que de bon sens.
Il faut profiter de la prochaine réunion du G 7, qui doit avoir lieu à Lyon
dans quelques jours, pour que les chefs d'Etat décident la mise en place d'une
autorité morale planétaire qui, dans ce domaine des réseaux, pourrait interdire
telle ou telle source d'information.
Je pense que c'est à ce niveau qu'il faut placer la réflexion. Il faudrait
qu'une synergie se place entre le niveau mondial et le niveau national, comme
vous l'avez proposé tout à l'heure. Je pense qu'il faut établir des synergies
entre ces deux niveaux parce que c'est important pour l'avenir.
Enfin, dernier point : comment préparer les Français à exercer les métiers de
demain par l'acquisition de savoirs nouveaux grâce aux outils modernes de
télécommunication ?
J'ai déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de définir de façon générique
ce que seront les métiers de demain : le métier de demain sera d'ajouter du
savoir à un signal.
Depuis le début de ce débat nous parlons de signal de qualité auquel devrait
avoir accès tout Français quel que soit son lieu de résidence.
Mais, pour exercer ce métier de demain, il faudra aussi détenir les savoirs
qui permettront d'enrichir ce signal qui parcourra le monde à la vitesse de la
lumière.
Or la plus grande des injustices de demain serait de ne pas permettre un accès
au savoir de même qualité quel que soit le lieu de résidence de nos enfants sur
le territoire national. A ce jour, un enfant du monde rural profond a, selon
des études sérieuses, cent fois moins de chance qu'un élève résidant à moins de
500 mètres d'une classe de taupe célèbre de devenir un jour ingénieur ou
docteur - je ne parle pas d'énarque.
La matière première de demain, certains disent le pétrole de demain, sera le
savoir. Aussi, il est nécessaire que les moyens d'accès au savoir grâce aux
nouvelles technologies de télécommunications soient diffusés sur l'ensemble de
notre territoire.
C'est pourquoi je soutiens totalement l'initiative prise par la commission des
affaires économiques et son excellent rapporteur M. Gérard Larcher, et tendant
à favoriser la connection des écoles, des collèges, des régions rurales et
urbaines les plus défavorisées aux réseaux modernes de télécommunications. La
semaine prochaine, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'évolution du
statut de France Télécom, je ferai une proposition en ce sens. En effet, je
pense que France Télécom peut devenir un acteur privilégié pour mettre en
oeuvre sur le plan technologique cette priorité d'accès au savoir à l'échelon
national.
Avant de conclure, je voudrais me tourner vers deux hommes qui sont présents
dans cet hémicycle et qui ont joué un rôle tout à fait singulier dans la
compréhension et la conduite du texte que nous examinons aujourd'hui et du
projet de loi que nous étudierons la semaine prochaine.
Je voudrais tout d'abord m'adresser à vous, monsieur Gérard Larcher, vous qui
êtes aujourd'hui le rapporteur du présent projet de loi. Le rapport que vous
avez publié en mars dernier fait honneur à notre assemblée. Il dresse un
constat pertinent de la situation des télécommunications dans le monde et
propose une démarche cohérente et pragmatique pour mieux préparer l'avenir de
notre opérateur national.
Enfin, pour conclure, permettez-moi de m'adresser à vous, monsieur le
ministre. Voilà quelques mois seulement, nombreux étaient ceux qui
considéraient que la France ne trouverait pas la voie pour être prête en temps
utile pour affronter, le 1er janvier 1998, la libéralisation des
télécommunications.
Sous l'autorité du Premier ministre, vous avez su, dans la transparence, mais
aussi avec détermination, éclairer le chemin qui doit mener jusqu'au nouveau
statut de France Télécom. Vous avez agi avec un grand savoir-faire. Vous avez
défini une méthode et, sans jamais faillir, vous avez suivi le cap que vous
vous étiez fixé. Cette démarche vous fait honneur et je suis convaincu que tous
- même si, aujourd'hui, certains disent encore le contraire - vous sont
reconnaissants d'avoir tenu à définir les règles du jeu, ce que nous allons
faire avec ce texte avant que notre grande équipe nationale entre sur un
terrain où, malheureusement, trop souvent, tous les coups sont permis.
C'est à l'honneur du Gouvernement. Aussi, au nom du groupe du Rassemblement
pour la République, je suis heureux de vous dire que nous vous apporterons
notre total soutien.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous
le savez, d'ici au 1er janvier 1998, tous les Etats membres de l'Union
européenne devront ouvrir à la concurrence le secteur des télécommunications.
La France doit respecter ses engagements européens pris par les gouvernements
successifs, quelle que soit leur sensibilité. Je pense en particulier à la loi
de 1990. Cependant, justifier ce projet de loi uniquement par cette nécessité
juridique est réducteur de l'enjeu réel. En effet, cette libéralisation des
télécommunications est le résultat d'un long processus lié à l'évolution des
technologies, processus qui est d'ailleurs non seulement européen mais
mondial.
Dans le passé, l'exploitation des télécommunications était soit un monopole
d'Etat, soit, comme aux Etats-Unis, un monopole d'industrie. Plusieurs causes
expliquaient leur existence. Entre autres éléments, figuraient l'importance des
transmissions militaires et l'investissement très lourd des infrastructures.
Depuis, l'évolution des techniques et la mondialisation de l'économie ont
engendré une situation d'abondance de services et une demande croissante,
notamment de la part des entreprises. Désormais, le marché des
télécommunications est porteur. Il repose sur des investissements importants.
Les entreprises privées ont la volonté de financer le développement de ce
secteur d'avenir. Encore faut-il que le cadre réglementaire s'y prête.
C'est ainsi que, depuis les années quatre-vingt, les monopoles sont bousculés
par la déréglementation. Cette dernière expression désigne non pas la
suppression de toute réglementation, comme certains tentent de le faire croire,
mais la mise en place de nouvelles règles.
C'est dans ce contexte international et européen que s'inscrit ce projet de
loi qui met fin au monopole de France Télécom, propulsant ainsi au premier plan
le problème de l'équilibre à trouver entre le secteur public et le secteur
privé.
Ce monopole, conforme à l'environnement international de l'époque, a permis à
France Télécom de se développer et de devenir le quatrième opérateur de
téléphonie du monde. La mise en concurrence ne sanctionne donc nullement un
échec.
Le projet de loi n'a pas pour objectif de faire régresser France Télécom. Au
contraire, la préservation de son futur nécessite de l'adapter à un
environnement qui a changé. Les nouvelles technologies, comme les satellites,
se jouent désormais des frontières et des monopoles nationaux. Les nouvelles
techniques permettent aux opérateurs étrangers de concurrencer France Télécom
sur les communications internationales. Les tarifs qu'ils proposent sont
d'autant plus avantageux que le coût de la transmission satellitaire dépend peu
de la distance.
En conséquence, la vérité des prix affecte France Télécom, qui devra baisser
ses tarifs internationaux. Or, le fondement même de sa rentabilité financière
repose sur des tarifs internationaux anormalement élevés actuellement pour
compenser des prix d'abonnement historiquement bas.
Cette réalité incontournable des nouvelles technologies s'impose à France
Télécom, et ce quel que soit le gouvernement au pouvoir.
M. Michel Pelchat.
Très bien !
M. Roland du Luart.
Quelle position adopter face à cette réalité ? Certains proposent le
statu
quo.
Outre le fait que ce serait contraire à notre engagement européen,
nous n'aurions rien à gagner au fait que notre cadre réglementaire empêche
l'implantation de nouveaux opérateurs sur notre territoire : ces derniers
n'investiraient pas chez nous et concurrenceraient France Télécom de
l'extérieur, ce qui serait sans doute encore plus redoutable.
Nous devons accepter la réalité de cette concurrence et faire en sorte qu'elle
s'opère dans le sens de l'intérêt général. Le projet de loi qui nous est
présenté aujourd'hui répond à cet objectif.
La nouvelle réglementation anticipe sur le problème du déséquilibre des tarifs
de France Télécom. Le milieu concurrentiel lui impose une adaptation. Afin de
rendre acceptables les hausses du prix de l'abonnement à nos concitoyens, le
projet de loi prévoit un rééquilibrage progressif qui sera cofinancé par les
concurrents de France Télécom.
Il était nécessaire, comme l'ont fait les députés, de déterminer la date à
laquelle cette contribution additionnelle cessera, car les règles qui
s'imposeront aux nouveaux entrants doivent être précises.
Cette loyauté vis-à-vis des nouveaux opérateurs nécessite aussi de leur donner
des garanties pour que le monopole de droit ne soit pas remplacé par un
monopole de fait leur interdisant l'accès aux réseaux par des barrières
techniques ou tarifaires. Une directive européenne exige que le système de
régulation soit indépendant vis-à-vis des opérateurs.
Le Gouvernement a fait le choix politique que l'Etat demeure l'actionnaire
majoritaire de France Télécom. Par conséquent, l'Etat ne pourrait pas être le
régulateur sans faire courir un risque certain de suspicion, et ce d'autant que
France Télécom sera en position dominante.
Nous soutenons donc la création de l'autorité de régulation des
télécommunications, qui pourra de façon indépendante régler les litiges d'accès
aux réseaux.
La volonté de promouvoir la concurrence a pourtant une limite : celle de
maintenir notre tradition du service public.
Si le projet de loi tient compte de la réalité internationale, l'aménagement
de notre territoire n'est pas pour autant oublié.
Le Gouvernement a pris la précaution nécessaire d'inscrire dans le texte la
définition du service public et son financement, préservant ainsi les acquis
d'aujourd'hui.
Le service universel du téléphone n'est pas un service minimum. Il correspond
au monopole actuel de France Télécom, ni plus ni moins. Demain comme
aujourd'hui, c'est l'Etat qui fixera les tarifs et France Télécom qui assurera
le service. L'originalité est de demander une contribution financière à tous
les opérateurs pour couvrir les coûts de ce service universel.
Peut-être aurait-on pu être plus ambitieux encore, en ajoutant dès à présent
des applications comme la télé-éducation ou la télé-santé.
L'essentiel est que le contenu du service universel n'est pas figé dans le
temps : sa révision est prévue tous les cinq ans, ce qui permettra de procéder
aux ajouts nécessaires pour tenir compte des changements technologiques et des
besoins. Vu la rapidité de ces évolutions, il me semble plus judicieux de
retenir une durée de révision plus courte, comme le suggère le rapporteur de la
commission des affaires économiques, notre ami M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, vous avez trouvé, dans ce projet de loi, un bon
équilibre entre la concurrence internationale qui s'impose et la volonté de
maintenir notre service public.
Je me réjouis par ailleurs de l'examen par le Sénat, la semaine prochaine, du
projet de loi relatif au statut de France Télécom. Nous ne pouvons plus
retarder davantage cette réforme sans lui porter préjudice face à ses
concurrents internationaux.
Le groupe des Républicains et Indépendants votera ces textes qui nous
paraissent, dans les circonstances actuelles, indispensables pour la nation.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mettre fin
au monopole public sur la téléphonie entre points fixes et mettre en place une
régulation indépendante du Gouvernement constituent les deux axes de ce projet
de loi. Ce texte va donc dans le bon sens pour renforcer l'économie de
l'audiovisuel.
L'autorisation donnée au service des télécommunications d'emprunter les
réseaux câblés permettra d'éviter un gaspillage des ressources d'investissement
dont disposent les acteurs économiques. La rémunération versée par le
fournisseur de service aux câblo-opérateurs devra couvrir les prestations
fournies autres qu'audiovisuelles. Il s'agit là d'une excellente formule de
notre rapporteur M. Gérard Larcher, dont il faut souligner la qualité et la
minutie du travail dans un domaine qu'il connaît parfaitement bien.
L'agence nationale des fréquences radio-électriques pourra percevoir des
redevances d'usage définies par les lois de finances successives. En décembre
1995, je m'étais prononcé en faveur d'une telle mesure, qui va constituer une
véritable révolution dans le domaine audiovisuel. Elle était, hélas ! monsieur
le ministre - et vous le savez mieux que quiconque - passée pratiquement
inaperçue. Cette mesure devra cependant respecter l'égalité entre opérateurs
publics et opérateurs privés.
La libéralisation du secteur des télécommunications s'inscrit - nous le savons
les uns et les autres, et certains, ce soir, l'ont regretté - dans un mouvement
international de déréglementation qui favorise la dérégulation. Si ce concept,
d'origine anglo-saxonne, a bénéficié d'un terreau juridique favorable en
Grande-Bretagne, il a aussi touché la France avec, dans les années 1985-1986,
le passage du monopole d'Etat à l'économie de marché dans le secteur de la
radio-télévision.
L'une des principales différences entre la régulation nord-américaine et la
régulation européenne tient à la séparation organique et fonctionnelle qui
existe en Europe entre la régulation du secteur des télécommunications et celle
de l'audivisuel.
La tentation pourrait être grande de créer chez nous une instance de
régulation unique ; d'ailleurs, pour tout vous avouer, monsieur le ministre,
mes chers collègues, j'ai été un peu tenté par cette formule. Mais il est trop
tard pour mettre en place dans notre pays une autorité comparable à l'autorité
américaine. Notre histoire juridique du droit des télécommunications et de
l'audiovisuel s'y oppose.
Par conséquent, l'examen de ce projet de loi doit être l'occasion - tous les
orateurs, me semble-t-il, se sont heureusement livrés à cet exercice - de mieux
préciser la frontière entre audiovisuel et télécommunications et, partant,
entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et les nouvelles instances de
régulation qui vont être créées.
Je voudrais essayer de mieux préciser la frontière existant entre audiovisuel
et télécommunications.
Services et supports de communication audiovisuelle, d'une part, et de
télécommunications, d'autre part, sont aujourd'hui soumis à deux régimes
juridiques fondamentalement différents, sous l'égide d'une instance
indépendante, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'un côté, et d'un service
ministériel, la direction générale des postes et télécommunications de l'autre.
Cet après-midi, monsieur le ministre, dans votre excellent propos, vous avez
d'ailleurs énoncé toutes les autorités indépendantes qui ont été créées depuis
un certain nombre d'années.
Le fondement de l'action du Conseil supérieur de l'audiovisuel réside dans la
mise en oeuvre et la sauvegarde de tels principes. Certains - sachons-le bien,
mes chers collègues - sont de valeur constitutionnelle, tel le pluralisme des
courants d'expression socio-culturels ou politiques. Le Conseil supérieur de
l'audiovisuel est indépendant du pouvoir politique, alors que le juge
administratif le contrôle. Cette logique s'oppose à celle de la direction
générale des postes et télécommunications, c'est-à-dire à un mode de
fonctionnement lié au Gouvernement.
Mais la déréglementation des supports de télécommunications, postérieure à
celle des supports de communication audiovisuelle, se caractérise par sa très
grande rapidité autant que par son ampleur.
La différence est tout aussi remarquable pour les services. En effet, les
services de communication audiovisuelle restent fortement réglementés,
cependant que les services de télécommunications ne sont soumis à aucune règle
de contenu, ainsi que notre ami M. Trégouët y faisait allusion à l'instant
même.
Dès lors, on comprend qu'il est primordial de définir avec précision les
critères permettant de rattacher un service donné soit à la communication
audiovisuelle, soit aux télécommunications.
A cet égard, les réglementations relatives à la communication audiovisuelle et
aux télécommunications reposent traditionnellement, d'une part, sur le
caractère de la correspondance privée ou non, et, d'autre part, sur la
communication vers le public de l'émission.
Au surplus, en droit français, le support de diffusion utilisé ne présuppose
pas le régime applicable au service diffusé. En revanche, la nature
audiovisuelle du service entraîne l'application de la loi du 30 septembre 1986.
Celle-ci légitime l'intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel, alors
que le caractère de correspondance privée du service le soumet à la compétence
de la direction générale des postes et télécommunications.
Partout dans le monde, cette frontière s'estompe sous l'effet conjugué d'une
double évolution : l'apparition de services d'une nature nouvelle et
l'utilisation indifférenciée de l'ensemble des supports de communication
existants.
Ces nouveaux services - tout le monde en parle et ils ont longuement été
évoqués cet après-midi et ce soir - sont le paiement à la séance, la vidéo à la
demande, les services interactifs sur sites ou sur réseaux.
Ils entrent difficilement dans seulement l'un ou l'autre de ces deux régimes.
En bref, ils jouissent d'une double nature : ils ont un aspect de
correspondance privée indéniable en ce qui concerne l'échange de données
personnalisées, tel que l'acte d'achat ; en revanche, dans la plupart des cas,
la présentation des produits est bien destinée à un large public, ce qui les
fait ainsi relever de la communication audiovisuelle.
En matière de support, la compression numérique fait progressivement
disparaître la logique législative, qui nous est chère et sur laquelle nous
avons fondé toute notre action pendant des décennies, de gestion de la rareté
des ressources sur tous les supports. Or l'architecture de la loi du 30
septembre 1986 est fondée sur le triptyque « un programme - une fréquence - un
service ». Elle devra donc être révisée aussitôt que possible, afin de mettre
en place un régime où la régulation des services primera sur la gestion des
supports. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un point essentiel de notre débat.
On doit également s'attendre, sous l'effet de la compression numérique, à une
utilisation de plus en plus indifférenciée des supports de diffusion.
Si, depuis longtemps, les satellites de télécommunications sont utilisés à des
fins de communication audiovisuelle, on va bientôt assister à une montée en
puissance des services de télécommunications sur les réseaux câblés autorisés
par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Il en sera ainsi de la téléphonie vocale entre points fixes qui pourra être
offerte par les câblo-opérateurs en Europe après 1998. Il en sera de même de
l'utilisation des réseaux de télécommunications par des services de
communication audiovisuelle, comme la vidéo à la demande, et, cette fois-ci,
sur les réseaux autorisés par la Direction générale des postes et
télécommunications.
Ce rapprochement indéniable des services et des supports, prévisibles à court
terme, plaide incontestablement en faveur d'une actualisation des pouvoirs du
CSA ; il s'agira du deuxième point de mon intervention.
A moyen terme, certaines des compétences actuelles du CSA vont se trouver
atténuées par l'évolution de la technologie.
Premièrement, les quotas de diffusion et obligations de production semblent
menacés, en particulier dans leur application aux nouveaux services.
Deuxièmement, le régime d'autorisation devra prendre en compte la
multiplication des capacités de diffusion.
Nous en avons eu l'exemple ces temps-ci, mes chers collègues, avec le premier
bouquet numérique de Canalsatellite, qui sera suivi dans quelques mois par le
deuxième bouquet de France-Télévision et de TF 1, puis peut-être par un
troisième bouquet d'ici à la fin de l'année, celui d'AB Productions.
Enfin, plus généralement, la logique de la loi, pour l'action même du CSA,
fondée sur la gestion de la rareté des ressources de diffusion s'en trouvera
nécessairement modifiée.
Une classification opératoire entre services de communication audiovisuelle et
services de télécommunications doit donc être affirmée.
Pourtant, aucune classification opératoire n'a été à ce jour définie et cette
question semble abordée sans cohérence apparente à l'échelon international. Je
pense, non pas à vous, monsieur le ministre, mais à l'ensemble des services de
notre pays. C'est la raison pour laquelle la réflexion ne me paraît pas
suffisamment approfondie.
Pour ne prendre qu'un exemple, le téléachat est soumis aux dispositions de la
directive « télécommunications » du 28 juin 1990. Or la législation française,
comme les autres législations européennes, régit l'activité du téléachat comme
dépendant de la communication audiovisuelle, tout en y appliquant des règles
particulières relatives à la protection du consommateur.
Quelle approche alors envisager ?
Tout d'abord, il faut savoir que certains de ces « nouveaux services »
nécessiteront un micro-ordinateur, tels les services accessibles sur Internet,
d'autres un simple téléviseur, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre,
notamment cet après-midi dans votre exposé.
La nature du terminal de réception n'influe donc pas sur la nature du service
véhiculé ou sur la nature du contrôle auquel le service est soumis, autre idée
sur laquelle il me semble nécessaire d'insister. Ainsi, le programme de TF 1
devenant accessible sur micro-ordinateur demeure un programme de communication
audiovisuelle et, à ce titre, continue à relever de la compétence du CSA.
Deux critères primordiaux pourraient être retenus pour définir clairement la
frontière entre les services qui devront relever du régime de la communication
audiovisuelle et ceux qui ne seront soumis qu'aux règles relatives aux
télécommunications : d'une part, le caractère de destination du message au
public en général ou à une catégorie de public ; d'autre part, le contenu des
messages transmis, qui ne doit pas revêtir le caractère de correspondance
privée.
Une approche à partir du seul contenu du programme ne peut donc être retenue
dans la mesure où elle permet toutes les interprétations possibles.
Cette approche semble être la seule opératoire, les critères objectifs ainsi
posés permettant de couvrir l'ensemble des cas de figure.
Les compétences du CSA ne doivent pas seulement être actualisées, monsieur le
ministre, elles doivent avant tout être préservées.
J'en arrive au dernier point de mon intervention : préserver les compétences
du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
L'autorité du CSA pourrait se voir affaiblie par les deux instances que le
projet de loi se propose de créer. Pour éviter toute tutelle technique,
l'agence nationale des fréquences devra donc respecter les attributions du
CSA.
Quant aux compétences de l'autorité de régulation des télécommunications,
l'ART, elles ne devront pas chevaucher celles du CSA.
C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, je me réjouis de l'amendement tendant
à supprimer l'article 11
bis
introduit par l'Assemblée nationale et qui
entendait confier à l'ART l'attribution de certaines fréquences de transmission
actuellement gérées par le CSA.
Je sais, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'un problème important, et, sur
ce point précis, nous devrions aboutir à un bon accord entre le Gouvernement et
les deux assemblées pour que les choses soient parfaitement claires et
qu'aucune obscurité ne subsiste dans ce domaine.
Mais, au-delà, en raison des évolutions que j'évoquais à l'instant, ne
risque-t-on pas de s'orienter vers une cohabitation difficile entre les deux
instances - l'une pour la régulation
a posteriori
des contenus, le
Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'autre pour la réglementation des
infrastructures, cette fameuse autorité de régulation des télécommunications -
ce qui serait en contradiction avec l'esprit de la loi de 1986 ?
Ce problème risque de se poser même si l'on tient compte - et l'on doit en
tenir compte - de l'évolution technologique, caractérisée par un mouvement de
convergence des télécommunications et de la communication audiovisuelle !
Or la philosophie de ces deux instances est fort différente.
L'autorité de régulation des télécommunications serait principalement chargée
de déréglementer ce secteur, en application des directives communautaires qui
prévoient une libre concurrence à compter du 1er janvier 1998.
Mais le CSA, lui, a pour fonction de réguler le contenu des services
audiovisuels. On peut donc naturellement imaginer que, grâce aux progrès de la
technologie numérique, le rôle du CSA se concentrera sur la seule régulation du
contenu et la sauvegarde indispensable du pluralisme.
La réglementation audiovisuelle devrait donc conserver un caractère universel
pour être appliquée à l'ensemble des services de communication audiovisuelle,
quel que soit le support concerné.
De toute façon, monsieur le ministre, mes chers collègues, les lacunes et les
imperfections, bien normales dix ans après la loi de 1986, doivent, à très
court terme - j'insiste sur l'échéance - conduire le législateur à procéder à
d'indispensables retouches dans le sens de l'actualisation.
En conclusion, sachez, monsieur le ministre, que, compte tenu du contexte de
crise de l'audiovisuel public que nous vivons depuis quelques semaines et des
nécessaires réformes, tant pour son organisation que pour son financement, le
Sénat souhaite de telles modifications.
En définitive, c'est à une réflexion d'ensemble et à des décisions cohérentes
que ce texte nous appelle les uns et les autres. Le Sénat et le Gouvernement
sauront répondre à cet appel.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
débattons au Parlement du devenir de France Télécom, mais, dans le pays,
l'heure est aussi à la réflexion et à l'action pour la défense de cet opérateur
public : des dizaines de milliers de salariés sont mobilisés pour la défense de
leur entreprise et pour la sauvegarde et le développement du service public des
télécommunications et nous voulons, ce soir, saluer leur lutte.
Ouviers, employés, cadres, techniciens, chercheurs en télécommunication, c'est
à eux, à leur intelligence, à leur travail, que nous devons les performances
techniques remarquables qui ont permis de faire fructifier les investissements
publics et de doter notre pays de l'un des meilleurs réseaux de
télécommunications au monde.
Ils ont construit la réussite économique et financière de l'opérateur public.
Il s'agit d'une corporation de haute conscience professionnelle au service
d'une grande technicité.
Ce sont eux les modernes et c'est en comptant sur eux, sur leurs compétences
et sur leur dévouement au service du public que l'on peut imaginer et bâtir les
réseaux de télécommunications du futur.
Nous serons plus sévères pour les serviteurs de la haute finance
internationale qui cherchent à s'accaparer les créneaux les plus rentables du
secteur des télécommunications.
Monsieur le ministre, vous prétendez que la remise en cause du service public
serait techniquement et politiquement inéluctable. Vous prétendez également
qu'elle aurait fait l'objet d'une vaste concertation.
En réalité, nous savons bien, et avec nous tous les agents de France Télécom,
qu'il n'en est rien.
Vous me permettrez de vous rappeler, monsieur le ministre, que l'expression «
se concerter » a un sens très précis : elle signifie s'entendre pour agir de
concert.
Vous noterez, mes chers collègues, que les grèves et manifestations qui se
sont déroulées aujourd'hui dans tout le pays ne résultent pas d'une quelconque
entente pour agir de concert avec les salariés.
Vous vous êtes refusé, monsieur le ministre, à retenir les points de vue
exprimés par la CGT, SUD-PTT, FO ou la CFDT, ainsi que celui de la CFTC,
organisations qui représentent la quasi-totalité des agents de l'entreprise
publique et qui appelaient aujourd'hui à l'action contre vos deux projets de
loi.
Le seul point de vue retenu est celui du CNPF qui, soit dit en passant, joue
ainsi un bien mauvais tour aux entreprises, notamment aux PME, qui ne sont pas
actuellement situées à proximité immédiate des grands réseaux de
télécommunications.
La concertation avec les parlementaires que nous sommes a, elle aussi, été
réduite au minimum puisque la commission des finances, dont je suis membre, ne
s'est même pas saisie de votre projet de loi.
Avec ses 150 000 agents et le monopole qui est le sien, France Télécom
rapporte annuellement un bénéfice de près de 10 milliards de francs et assure
35,8 milliards de francs d'investissements.
Le devenir d'un tel secteur financier ne valait-il pas un débat et un avis de
la commission des finances ?
Monsieur le ministre, vos deux textes préparent et organisent la privatisation
des principales activités et de la moitié du capital de l'opérateur public. Ils
ne répondent en fait - vous le savez bien - qu'à des considérations purement
idéologiques qui vous conduisent à livrer l'activité des télécommunications aux
intérêts privés et de le faire au plus vite pour tenter d'éviter les
difficultés que le marché boursier a connu pour absorber les précédentes
privatisations.
On dirait que vous craignez de voir cette privatisation rendue impossible du
fait de l'occupation du marché boursier par Deutsche Telekom, qui sera
privatisée à l'automne. Ne voulez-vous pas ainsi profiter des vacances
estivales pour démanteler le service public des télécommunications et en
privatiser les activités les plus rentables ?
Il semble déjà bien loin le temps où M. Juppé affirmait son intention de faire
inscrire une définition d'un service public dans la Constitution, voire au
frontispice du traité de Maastricht à l'occasion de la conférence
intergouvernementale qui, je le rappelle, se tient actuellement.
Qu'il semble loin le temps où M. le député Borotra prétendait vouloir défendre
le service public et nous gratifiait d'un rapport parlementaire dans lequel il
parlait « des méfaits du credo libre-échangiste de la Commission » et où il
affirmait que « les propositions de la Commission européenne en matière de
télécommunications menaçaient l'accès de tous au téléphone », ajoutant que ce «
projet fondé sur l'article 90-3 du traité était inacceptable tant pour des
raisons de principe, de base juridique, que pour des raisons de fond ».
M. le député Borotra s'exprimait ainsi le 6 octobre 1995, à peine quelques
semaines avant qu'il ne devienne M. le ministre Borotra. Aujourd'hui, on
comprend ses réticences à venir s'expliquer. Les conclusions que tirait alors
M. le député ne seraient-elles plus valables aujourd'hui ?
Certes, les traités européens successifs privilégient les notions de marché et
de liberté de la concurrence et n'accordent qu'un statut d'exception aux
services publics ; c'est même l'un de leur principal défaut. Il convient
cependant de considérer que la notion de service économique d'intérêt général,
qui recouvre l'essentiel de la conception française des services publics,
figure à l'article 90 du traité de Rome toujours en vigueur.
Je vous ferai également observer que la notion de service public apparaît
textuellement à l'article 77 du traité précité qui dispose que « les aides
correspondant au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion
de service public sont compatibles avec le traité ».
Même modifiés par celui de Maastricht, les articles 2 et 3 de ce traité
indiquent que la construction européenne doit se faire notamment par un progrès
économique et social équilibré, durable, et par l'approfondissement de la
cohésion économique et sociale, de la citoyenneté européenne, de la solidarité,
de la réalisation de réseaux transeuropéens, de la protection des
consommateurs.
C'est en tenant compte de cela, et aussi sur la base de l'article 90-2, que la
Cour européenne de justice a reconnu en 1992 et 1993 dans ses arrêts Corbeau,
concernant l'acheminement du courrier, et commune d'Almelot, concernant la
distribution d'énergie électrique, que des entreprises chargées de missions
particulières de type service public pouvaient déroger aux règles de la
concurrence : cela implique que le maintien des monopoles publics n'est pas
contradictoire avec les traités européens en vigueur.
Nous affirmons que la Commission, avec des directives outrancières, outrepasse
ses droits. La référence à l'article 85 et aux suivants est abusive en la
matière et ne peut pas s'appliquer systématiquement.
J'ajouterai même que la Commission le fait, hélas, d'autant plus facilement
que le conseil des ministres européen n'a cessé de l'encourager dans cette voie
qui creuse jour après jour le fossé qui existe entre la construction européenne
et les Européens eux-mêmes.
Les gouvernements français qui se sont succédé depuis dix ans aux affaires
portent assurément la lourde responsabilité d'avoir laissé passer ou impulser
les situations pour parvenir à la plus insupportable qui aboutit aujourd'hui à
la remise en cause des entreprises publiques et des conditions de réalisation
du service public et à sacrifier l'emploi et le développement économique aux
appétits de quelques grands groupes économiques et financiers
internationaux.
Nous considérons, pour notre part, que les activités qui concourent à
l'intérêt général et qui, par conséquent, sont décisives pour le développement
économique et social, doivent être prioritairement exercées par des entreprises
dont la recherche du profit ne doit pas être le moteur.
Nous ne pouvons en aucune manière accepter l'évolution dangereuse que nous
propose le Gouvernement en matière de télécommunications et nous nous
opposerons donc résolument à ce texte.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur le stravées
socialistes.)
M. le président.
La suite de la discussion du projet de loi de réglementation des
télécommunications est renvoyée à la prochaine séance.
13
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DEFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, une communication,
en date du 31 mai 1996, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E-588 « proposition de directive du
Conseil modifiant la directive 94/80/CE du Conseil fixant les modalités de
l'exercice de droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les
citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la
nationalité » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par
décision du Conseil du 14 mai 1996 ;
- la proposition d'acte communautaire E-614 « proposition de décision du
Conseil concernant la conclusion des résultats des consultations avec la
Thaïlande dans le cadre de l'article XXIII du GATT » a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 14
mai 1996 ;
- et que la proposition d'acte communautaire E-460 « communication de la
Commission concernant un programme communautaire pluriannuel visant à stimuler
le développement d'une industrie européenne de contenu multimédia et à
encourager l'utilisation de ce contenu multimédia dans la nouvelle société de
l'information (Info 2000). Proposition de décision du Conseil adoptant un
programme communautaire pluriannuel visant à stimuler le développement d'une
industrie européenne de contenu multimédia et à encourager l'utilisation de ce
contenu multimédia dans la nouvelle société de l'information (Info 2000) » a
été adoptée difinitivement par les instances communautaires par décision du
Conseil du 20 mai 1996.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 3 juin 1996, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E-584 « propositions de décision du
conseil relatives à la conclusion du protocole à l'accord sous forme d'échange
de lettre entre la CEE et la principauté d'Andorre - protocole à l'accord de
coopération entre la CEE et la République algérienne démocratique et populaire
- protocole à l'accord de coopération entre la CEE et le royaume hachémite de
Jordanie - protocole à l'accord de coopération entre la CEE et la République
libanaise - protocole à l'accord de coopération entre la CEE et la République
arabe syrienne - protocole à l'accord de coopération entre la CEE et la
République arabe d'Egypte, à la suite de l'adhésion de la République
d'Autriche, de la République de Finlande et du royaume de Suède à l'Union
européenne. Projets de protocole à l'accord entre les Etats membres de la CECA
et la République algérienne démocratique et populaire - protocole à l'accord
entre les Etats membres de la CECA et la République algérienne démocratique et
populaire - protocole à l'accord entre les Etats membres de la CECA et le
royaume hachémite de Jordanie - protocole à l'accord entre les Etats membres de
la CECA et la République libanaise - protocole à l'accord entre les Etats
membres de la CECA et la République arabe syrienne, - protocole à l'accord
entre les Etats membres de la CECA et la République arabe d'Egypte, à la suite
de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du
royaume de Suède à l'Union européenne », a été adoptée définitivement par les
instances communautaires par décision du Conseil du 14 mai 1996 ;
- et que la proposition d'acte communautaire E-574 « proposition de règlement
CE du Conseil modifiant le règlement CE n° 2178/95 portant ouverture et mode de
gestion de contingents et de plafonds tarifaires communautaires pour certains
produits industriels et de la pêche originaires d'Estonie, de Lettonie et de
Lituanie, ainsi que les modalités d'adaptation desdits contingents et plafonds
et le règlement n° 1798/94 portant ouverture et mode de gestion de contingents
tarifaires communautaires pour certains produits agricoles originaires de
Bulgarie, de Hongrie, de Pologne, de Roumanie, de Slovaquie et de la République
tchèque ainsi que les modalités d'adaptation desdits contingents (1994-1997) »,
a été adoptée définitivement par les instances communautaires, par décision du
Conseil du 14 mai 1996.
14
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de Mme Monique ben Guiga, MM. Guy Penne et Pierre Biarnès une
proposition de loi organique tendant à modifier la loi organique n° 76-97 du 31
janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du
Président de la République.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le numéro 397, distribuée
et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mme Monique ben Guiga, MM. Guy Penne et Pierre Biarnès une
proposition de loi organique tendant à compléter la loi organique n° 76-97 du
31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection
du Président de la République.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le numéro 398, distribuée
et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
15
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Guy Cabanel une proposition de loi relative au placement sous
surveillance électronique pour l'exécution de certaines peines.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 400, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
16
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
relative à l'adoption.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 396, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale.
17
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Denis Badré une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de
révision des perspectives financières présentée par la commission au Parlement
européen et au Conseil en application des paragraphes 11 et 12 de l'accord
interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire et
l'amélioration de la procédure budgétaire (n° E-628).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 395, distribuée et
renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétairre et des comptes
économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une
commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
18
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution : proposition de décision du Conseil relatif à la
conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté
européenne et la République arabe d'Egypte sur l'adaptation du régime
d'importation dans la Communauté européenne d'oranges originaires et importées
d'Egypte.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-637 et
distribuée.
19
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Marie Girault, un rapport fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale, sur le projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, portant
dispositions diverses relatives à l'outre-mer (n° 333, 1995-1996).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 401 et distribué.
J'ai reçu de M. Paul Masson, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à renforcer la
répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de
l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant
des dispositions relatives à la police judiciaire.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 402 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Rufin, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi portant modification de
l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 403 et distribué.
20
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui mercredi 5 juin 1996 :
A neuf heures quarante-cinq :
1. - Discussion du projet de loi (n° 225, 1995-1996), adopté par l'Assemblée
nationale autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République islamique du Pakistan
en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude
fiscales en matière d'impôts sur le revenu (ensemble un protocole).
Rapport (n° 386, 1995-1996) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
2. - Discussion du projet de loi (n° 224, 1995-1996), adopté par l'Assemblée
nationale autorisant l'approbation de l'avenant (ensemble un échange de
lettres) à l'accord du 25 juillet 1977 entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Malte tendant à éviter les
doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le
revenu.
Rapport (n° 385, 1995-1996) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
3. - Discussion du projet de loi (n° 289, 1995-1996), adopté par l'Assemblée
nationale autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de l'Etat d'Israël en vue d'éviter les
doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière
d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Rapport (n° 388, 1995-1996) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
4. - Discussion du projet de loi (n° 223, 1995-1996), adopté par l'Assemblée
nationale autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République bolivienne en vue
d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la
fortune (ensemble un protocole).
Rapport (n° 384, 1995-1996) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
5. - Discussion du projet de loi (n° 286, 1995-1996), adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19 décembre
1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du
Royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir
l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative
réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un
protocole et un protocole additionnel), modifiée par l'avenant du 14 novembre
1984.
Rapport (n° 387, 1995-1996) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
6. - Discussion du projet de loi (n° 160, 1995-1996) autorisant l'approbation
de l'accord fiscal sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République du Panama.
Rapport (n° 383, 1995-1996) de M. Jacques Chaumont, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
A quinze heures et le soir.
7. - Désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
8. - Suite de la discussion du projet de loi (n° 357, 1995-1996), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de réglementation des
télécommunications.
Rapport (n° 389, 1995-1996) de M. Gérard Larcher fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Délai limite général pour le dépôt des amendements
Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les projets de loi et
propositions de loi ou de résolution prévus jusqu'à la fin de la session
ordinaire, à l'exception des textes de commissions mixtes paritaires et de ceux
pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque
cas, à dix-sept heures, la veille du jour où commence la discussion.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
1. - Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la situation en
Corse :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans ce débat : mercredi 5 juin
1996, à dix-sept heures.
2. - Projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom (n° 391,
1995-1996) :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 10 juin 1996, à douze heures.
- délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 10 juin 1996, à douze
heures.
3. - Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer (n°
333, 1995-1996) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 juin 1996, à
dix-sept heures.
4. - Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale,
complétant la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut
d'autonomie de la Polynésie française (n° 376, 1995-1996) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 juin 1996, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 5 juin 1996, à zéro heure trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 22 mai 1996
DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
Dans l'intervention de M. Michel Charasse :
1. Page 2756, deuxième colonne, 6e alinéa, 8e ligne :
Au lieu de
: « ..., vous avouez une dérive spontanée des dépenses de
60 milliards de francs plus 46 milliards, cela fait 106 milliards ! »
Lire
: « ..., vous avouez une dérive spontanée des dépenses de 60
milliards de francs. Soixante milliards plus 46 milliards, cela fait 106
milliards ! »
2. Page 2756, deuxième colonne, 10e alinéa, 3e ligne :
Au lieu de
: « ..., je ne manque moi aussi de quelques idées. »
Lire
: « ..., je ne manque pas moi aussi de quelques idées. »
3. page 2757, deuxième colonne, 3e alinéa, 3e ligne :
Au lieu de
: « M. Cluzal »,
Lire
: « M. Cluzel ».
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 4 juin 1996
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de la convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République islamique du Pakistan en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts
sur le revenu (ensemble un protocole) (n° 225, 1995-1996) ;
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de l'avenant (ensemble un échange de lettres) à l'accord du 25 juillet 1977
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir
l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu (n° 224, 1995-1996)
;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de la convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de l'Etat d'Israël en vue d'éviter les doubles impositions et de
prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et
sur la fortune (n° 289, 1995-1996) ;
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de la convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République bolivienne en vue d'éviter les doubles
impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un
protocole) (n° 223, 1995-1996) ;
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter
les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles
d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur
la fortune (ensemble un protocole et un protocole additionnel), modifiée par
l'avenant du 14 novembre 1984 (n° 286, 1995-1996) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord fiscal sous forme
d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République du Panama (n° 160, 1995-1996) ;
A
quinze heures
et le soir :
7° Désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Ordre du jour prioritaire
Jeudi 6 juin 1996 :
A
neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures
et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance, avant onze heures.)
Ordre du jour prioritaire
(La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des lois
;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 5 juin
1996.)
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 10 juin 1996 :
A
quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 10 juin, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant douze heures, le lundi 10 juin
1996.)
Mardi 11 juin 1996 :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera
fixé ultérieurement) :
- n° 371 de M. Nicolas About à M. le ministre de l'intérieur (Politique
gouvernementale à l'égard des gens dits « du voyage ») ;
- n° 382 de M. Michel Mercier à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (Situation des enseignants des
écoles municipales de musique) ;
- n° 383 de M. Michel Mercier à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (Situation des agents publics
travaillant à mi-temps) ;
- n° 390 de M. François Gerbaud à M. le ministre de la fonction publique, de
la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Conditions de délivrance de la
dotation globale d'équipement) ;
- n° 391 de M. Dominique Leclerc à M. le secrétaire d'Etat à la recherche
(Restrictions budgétaires appliquées au Centre national de la recherche
scientifique) ;
- n° 392 de M. Georges Mouly à M. le ministre du travail et des affaires
sociales (Situation de l'institut médico-éducatif de Sainte-Fortunade (Corrèze)
;
- n° 393 de Mme Danielle Bidard-Reydet transmise à Mme le ministre délégué
pour l'emploi (Conséquences du départ de Schweppes de Pantin) ;
- n° 394 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Rentrée scolaire en
Seine-Saint-Denis) ;
- n° 395 de M. Charles Metzinger à M. le ministre de l'intérieur (Application
des circulaires relatives aux autorisations collectives de sortie du territoire
des élèves mineurs) ;
- n° 396 de M. René Rouquet à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche (Carte scolaire 1996-1997 pour le
Val-de-Marne) ;
- n° 397 de M. Alain Richard à M. le ministre de l'équipement, du logement,
des transports et du tourisme (Conditions de vente de logements H.L.M. par le
groupe Maisons familiales) ;
- n° 398 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de l'équipement, du logement,
des transports et du tourisme (Dégradation de la situation des professions du
bâtiment et des travaux publics) ;
- n° 399 de M. Nicolas About à M. le ministre de l'intérieur (Pouvoirs de
police des maires pour la mise en fourrière des véhicules en stationnement
gênant) ;
- n° 400 de M. François Lesein à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (Conditions de rémunération des
agents territoriaux chargés de mission) ;
- n° 401 de M. Louis Souvet à Mme le secrétaire d'Etat aux transports (Coût
financier du canal Rhin-Rhône) ;
- n° 402 de M. Louis Souvet à Mme le secrétaire d'Etat aux transports (Avenir
professionnel des élèves pilotes de l'E.N.A.C.) ;
- n° 403 de M. Louis Souvet à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (Avancement de grade de certains
fonctionnaires territoriaux) ;
- n° 404 de M. Henri Weber à M. le ministre de l'équipement, du logement, des
transports et du tourisme (Elargissement de la route nationale 27).
A
seize heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Mercredi 12 juin 1996 :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription
de parts de copropriété de navires de commerce (n° 348, 1995-1996).
A quinze heures
et le soir :
2° Suite du projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom.
Jeudi 13 juin 1996 :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
A neuf heures trente :
1° Propositions de loi organique de M. Charles de Cuttoli et plusieurs de ses
collègues :
- tendant à compléter la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote
des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la
République (n° 270, 1994-1995) ;
- tendant à modifier et à compléter la loi organique n° 76-97 du 31 janvier
1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du
Président de la République (n° 271, 1994-1995) ;
(La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion
générale commune de ces deux propositions de loi organique.)
2° Proposition de loi de M. Serge Vinçon et plusieurs de ses collègues tendant
à autoriser les élus des communes comptant 3 500 habitants au plus à conclure
avec leur collectivité des baux ruraux (n° 239, rapport n° 314, 1995-1996) ;
A
quinze heures :
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n°
75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et
tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme (n° 249, 1995-1996)
;
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses mesures en faveur
des associations (n° 340, 1995-1996).
Vendredi 14 juin 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Eventuellement, suite du projet de loi relatif à l'entreprise nationale
France Télécom ;
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant dispositions diverses
relatives à l'outre-mer (n° 333, 1995-1996) ;
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 juin 1996, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de
loi.)
3° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, complétant
la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la
Polynésie française (n° 376, 1995-1996) ;
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 juin 1996, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi organique.)
A
quinze heures :
4° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;
5° Deuxième lecture du projet de loi. adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, sur la loyauté et l'équilibre des
relations commerciales (n° 392, 1995-1996).
Lundi 17 juin 1996 :
A
quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 17 juin 1996, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant douze heures, le lundi 17 juin
1996.)
Mardi 18 juin 1996 :
Ordre du jour prioritaire
1. Suite du projet de loi relatif au développement et à la promotion du
commerce et de l'artisanat.
A seize heures :
2. Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi de modernisation des activités financières.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Mercredi 19 juin 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures :
2. Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la programmation
militaire pour les années 1997 à 2002 (urgence déclarée) (A.N., n° 2766).
(La conférence des présidents a fixé à six heures la durée globale du temps
dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes
ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 18 juin
1996.)
Jeudi 20 juin 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance, avant onze heures.)
Ordre du jour prioritaire
4° Eventuellement, deuxième lecture du projet de loi organique relatif aux
lois de financement de la sécurité sociale.
Vendredi 21 juin 1996 :
Ordre du jour prioritaire
2455).
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.
(La conférence des présidents a fixé un délai limite général pour le
dépôt des amendements expirant, dans chaque cas, la veille du jour où commence
la discussion, à dix-sept heures, pour tous les projets de loi et propositions
de loi ou de résolution inscrits à l'ordre du jour, à l'exception des textes de
commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai
limite spécifique.)
A N N E X E
Questions orales sans débat
inscrites à l'ordre du jour du mardi 4 juin 1996
le ministre de l'intérieur sur la législation relative aux gens dits « du
voyage » (non pas sur les textes en vigueur - dont les maires connaissent hélas
trop bien les insuffisances qui les placent dans des situations intenables -,
mais sur ce que le Gouvernement envisage de faire pour que les questions qui se
posent trouvent enfin une réponse). Quand un Gouvernement aura-t-il le courage
de s'attaquer véritablement au problème, en considérant que les gens dits « du
voyage » doivent être soumis à la rigueur de la loi comme toute personne vivant
dans notre pays ? Nous savons qu'un groupe de travail de la commission des lois
du Sénat se penche sur le sujet. Nous savons, pour y participer, que le groupe
des sénateurs-maires y travaille également. Mais rien n'avancera concrètement
sans une volonté forte du Gouvernement. Peut-on espérer une loi réaliste et
l'abrogation des dispositions prévues dans la loi Besson (n° 91-662 du 13
juillet 1991 d'orientation pour la ville) ? Cette dernière, en effet, pénalise
les communes sans aucune contrepartie ou garantie. La presse est pleine
d'articles rapportant les agressions d'élus, les dégradations de biens publics
et privés, le squat des parkings d'entreprises et des zones commerciales vouées
à la faillite par la fuite des clients. Le sujet est complexe, certes, mais
cela fait des années que l'ensemble des questions qui se posent sont
répertoriées. Le diagnostic est connu. Il faut maintenant agir. Il lui demande
donc s'il est prêt à proposer une loi donnant aux autorités et à la justice de
véritables moyens d'intervention, en requalifiant la faute lorsqu'il y a
violation de la propriété publique ou privée. Il faut pouvoir qualifier ces
actes de délits, ce qui permettrait la mise en oeuvre de procédures de flagrant
délit. Il lui demande également s'il est prêt à revenir, sur la loi Besson, qui
ne prévoit que des contraintes pour les élus locaux sans leur accorder aucune
garantie.
N° 382. - M. Michel Mercier appelle l'attention de M. le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la
situation des écoles municipales de musique au regard de leurs enseignants. La
grande majorité de ces enseignants sont soit des contractuels, soit des
vacataires, ce qui est justifié par le fait que ces écoles doivent assurer le
maximum d'enseignements spécialisés, notamment en instrument, en faisant appel
à des spécialistes mais pour peu d'heures d'enseignement. Actuellement, les
administrations de tutelle s'opposent au renouvellement des contrats au motif
qu'il existe une filière de la fonction publique territoriale relative aux
enseignants de musique. Malheureusement, cette filière est tout à fait
inadaptée, notamment pour les écoles à effectif faible ou moyen réparti en un
grand nombre de disciplines : il est impossible d'offrir des postes à temps
plein ou au moins 31 h 30 dans l'ensemble des disciplines. Si le ministère ne
permet pas de continuer à recourir à des contractuels, ces écoles municipales
de musique, dont le rôle est très important, devront disparaître. Il souhaite
donc que les communes ou groupements de communes qui ont des écoles municipales
de musique et qui assurent des enseignements de solfège et d'un assez grand
nombre de disciplines instrumentales soient autorisées à recourir à des
contractuels pour assurer ces enseignements lorsque le temps d'enseignement ne
correspond pas à un temps plein de fonctionnaire.
N° 383. - M. Michel Mercier attire l'attention de M. le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la
situation des fonctionnaires publics territoriaux désirant travailler à
mi-temps. Il y a un triple intérêt à développer le travail à temps partiel dans
la fonction publique territoriale : pour le service public qui peut s'adapter
aux besoins réels du service, des usagers et du territoire ; pour le
fonctionnaire qui le désire et qui peut ainsi avoir la maîtrise de son temps
consacré à la vie professionnelle et de son temps consacré à la vie familiale ;
pour l'emploi en général. Or, face à cet intérêt, il y a des freins du
développement du travail à temps partiel, et notamment du travail à mi-temps.
L'un des freins essentiels est la non-application à la Caisse nationale de
retraite des agents des collectivités locales (C.N.R.A.C.L.) pour les agents
effectuant moins de 31 heures 30 par semaine. Il souhaite que le Gouvernement
lève cette barrière au développement du travail à mi-temps pour les
fonctionnaires territoriaux car il est bien évident que l'application à la
C.N.R.A.C.L. constitue un élément du statut du fonctionnaire local. Cet agent
local n'acquerrait des droits à retraite qu'en fonction de la cotisation et de
son temps de travail comme cela est fait pour les fonctionnaires de
l'Etat.
N° 390. - M. François Gerbaud attire l'attention de M. le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les
difficultés que rencontrent les communes en raison du retard pris pour la
publication du décret relatif à la commission départementale des élus, chargée
de se prononcer sur les catégories d'investissements éligibles à la dotation
globale d'équipement (D.G.E.), les taux d'intervention ainsi que, nouveauté
résultant de la réforme de la D.G.E. prévue par la loi de finances initiale
pour 1996, sur la répartition de l'enveloppe départementale entre les communes
et groupements de 2 000 habitants au plus et ceux compris entre 2 000 et 20 000
habitants. En l'absence de ce décret qui modifie le nombre et la composition
des collèges d'élus, la commission n'a pu se réunir, ni celle qui est chargée
d'examiner les subventions de dotation de développement rural (D.D.R.). Dans
les départements, comme l'Indre, où plusieurs associations d'élus existent, le
retard sera aggravé par la nécessité de procéder à des élections. Les communes
ne peuvent en conséquence commercer des travaux bien souvent urgents puisque
l'arrêté de subvention de D.G.E. doit être préalable, en application de
l'article 10 du décret du 10 mars 1972, relatif au régime des subventions de
l'Etat. Le retard est non seulement préjudiciable aux budgets communaux mais
également aux entreprises locales, qui réalisent la très grande majorité de ces
travaux. Ainsi, pour l'Indre, on peut estimer à 130 MF le montant des travaux
D.G.E. et D.D.R. qui sont ainsi bloqués dans l'attente des arrêtés que le
préfet ne peut légalement prendre. Cette situation se complique puisque, au 15
mai, le préfet n'a toujours pas reçu l'autorisation de programme de D.G.E. et
ne pourrait pas prendre les arrêtés de subvention quand bien même la commission
d'élus se serait réunie. Aussi, il lui propose dans le cadre des réflexions
relatives à la réforme de l'Etat, la possibilité de donner aux préfets le droit
d'autoriser le commencement des travaux avant l'arrêté de subvention, droit qui
actuellement appartient au ministre de l'économie et des finances, sauf cas
particulier d'urgence prévu à l'article 11 du même décret (sinistre,
catastrophe naturelle...). D'une façon plus générale, et pour adapter le vieux
décret du 10 mars 1972 relatif au régime des subventions de l'Etat qui ne
pouvait prévoir la décentralisation et la globalisation des subventions,
l'autorisation de commencer les travaux avant l'arrêté de subvention pourrait
être attribuée aux préfets de département pour ce qui concerne les financements
de catégorie III et aux préfets de la région en ce qui concerne les
financements de catégorie II. Qui mieux que l'ordonnateur est à même de juger
de l'intérêt d'autoriser ou non le commencement des travaux ?
N° 391. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le
secrétaire d'Etat à la recherche sur les inquiétudes des chercheurs français à
l'égard des mesures qui ont été récemment prises afin d'assainir la situation
du Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.). Ces derniers
craignent effectivement que ces restrictions budgétaires ne viennent
compromettre la réussite de certains programmes européens en cours dont des
laboratoires français sont les coordonnateurs et ne découragent les jeunes qui
se sont orientés vers la recherche. C'est pourquoi il lui serait reconnaissant
de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'il envisage de prendre afin
d'assurer une certaine stabilité à la politique de recherche
française.
N° 392. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre du travail et
des affaires sociales sur la situation difficile que connaît l'Institut
médico-éducatif de Sainte-Fortunade en Corrèze. Des efforts importants ont été
consentis par le personnel (redéploiement) et l'association gestionnaire
(abandon d'un projet de centre de préorientation professionnelle). Malgré des
demandes réitérées depuis plus de trois ans, le financement des indispensables
travaux de conformité et de sécurité fait toujours défaut. Il lui demande donc
si l'État entend assurer ce financement, faute de quoi les arrêtés du 26 mai
1993 en application du décret du 27 octobre 1989 vont hypothéquer sérieusement
le bon fonctionnement de l'établissement.
N° 393. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre
délégué à la ville et à l'intégration sur les conséquences du départ de la
société Schweppes de la ville de Pantin (93500). Cette entreprise emploie
actuellement 95 personnes. Alors que la raison invoquée est le manque de place
pour se développer, un examen attentif des comptes de Schweppes-France indique
une stratégie axée sur la recherche de la rentabilité financière au détriment
de l'emploi. Ainsi de 1991 à 1994 les bénéfices de l'entreprise se sont accrus
de 404 p. 100. Dans le même temps les frais de personnel ont baissé de 20 p.
100 passant de 233 millions de francs à 186 million de francs. Schweppes-France
s'apprête vraisemblablement à demander l'aide publique dans trois domaines : le
financement pour le départ de Pantin et la suppression d'emplois, le
financement pour la création d'une nouvelle implantation et enfin le
financement au titre de l'aide à l'embauche. Alors que le Gouvernement affirme
publiquement sa volonté de maintenir et même d'implanter des entreprises dans
les villes de banlieues, acceptera-t-il de favoriser le départ de Schweppes de
Pantin en lui attribuant des financements publics ?
(Question
transmise à Mme le ministre délégué pour l'emploi).
N° 394. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les
conditions de la rentrée scolaire dans le département de la Seine-Saint-Denis.
La réalité économique et sociale de ce département rend les conditions
d'enseignement particulièrement difficiles. Dans ce contexte, l'échec scolaire
est important et les résultats départementaux aux examens sont inférieurs à
ceux de la région parisienne et à ceux de notre pays. Cette situation appelle
donc un effort exceptionnel de rattrapage. Elle souhaite qu'il lui expose ses
propositions pour la rentrée prochaine afin de permettre la réduction de
l'échec scolaire et la promotion de la réussite scolaire en
Seine-Saint-Denis.
N° 395. - M. Charles Metzinger appelle l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur la circulaire n° 81-46 et n° 81-252 du 9 juillet 1981 relative
aux modalités d'établissement des autorisations collectives de sortie du
territoire pour des élèves mineurs. Dans les régions frontalières, et c'est le
cas en Moselle, l'enseignement précoce d'une langue étrangère à l'école
primaire, en l'occurrence l'allemand, est devenue une pratique courante et les
enseignants y associent souvent des projets d'échanges et de rencontres avec
des écoles allemandes qui ont élaboré des programmes similaires. L'obligation
faite par cette circulaire au chef d'établissement ou au directeur d'école de
s'assurer de la nationalité française de l'élève en demandant communication de
sa carte nationale d'identité ou de son passeport périmé depuis moins de cinq
ans revêt souvent un caractère dissuasif pour l'élève de participer à ces
projets pédagogiques. Depuis 1981, des traités admettent la libre circulation
des personnes à l'intérieur de la Communauté européenne. Afin que tous les
élèves puissent sans difficulté participer à ces échanges transfrontaliers, il
lui demande de bien vouloir reconsidérer cette circulaire pour en assouplir les
modalités.
N° 396. - M. René Rouquet appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les mesures de
carte scolaire présentées pour le Val-de-Marne au conseil départemental de
l'éducation nationale. Ces mesures laissent présager pour la rentrée 1996-1997
une détérioration des conditions d'enseignement marquées par le recul des
structures d'encadrement par rapport à la situation actuelle et un traitement
inégalitaire des écoles qui soulève de nombreuses interrogations relatives aux
critères d'évaluation des établissements scolaires. Alors que le Val-de-Marne
ne peut être considéré comme un département facile et que les effets du nouveau
contrat pour l'école devraient être ressentis dans le premier degré, il est
prévu une diminution du taux d'encadrement générée par une augmentation des
moyennes d'élèves par classe et la non-prise en compte de l'ensemble des
établissements situés en zone sensible, ceci alors que le Gouvernement
manifeste son intention de s'attaquer aux problèmes des quartiers difficiles.
Il lui demande donc de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur cette
situation et de lui indiquer s'il envisage de prendre des mesures relatives aux
différents points évoqués.
N° 397. - M. Alain Richard attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur le non-respect par
la société anonyme H.L.M. Carpi, filiale du groupe Maisons familiales, de la
réglementation en matière de logements construits en accession à la propriété
et acquis au moyen de prêts aidés. L'étude de cette affaire démontre que les
logements construits par le groupe Maisons familiales et vendus par sa filiale
la S.A. H.L.M. Carpi, ont fait l'objet de deux agréments ministériels rendus
successivement en 1976 et 1979 sur le fondement d'un concours d'Etat, le
concours C.N.B.S. créé par le Comité national des bâtisseurs sociaux et ayant
pour objectif de permettre aux particuliers disposant de revenus les plus
modestes, de devenir propriétaires grâce à une réduction obligatoire du prix
des logements agréés. Des documents publicitaires diffusés par le groupe
Maisons familiales insistaient d'ailleurs sur l'opportunité d'acquérir de tels
logements à des prix inférieurs de 10, voire le même de 20 p. 100, aux prix
plafonds H.L.M. Or, il s'est révélé que la société H.L.M. Carpi n'a pas
répercuté cette réduction de prix sur les logements vendus et a pratiqué des
prix de vente correspondant au barème ordinaire des prix H.L.M. accession. Il
lui demande donc : pourquoi aucune des directions départementales de
l'équipement n'a procédé à un contrôle des prix de référence des logements
construits par la S.A. H.L.M. Carpi en application des règles spéciales issues
du concours C.N.B.S., alors que les fiches d'opération déposées auprès d'elles
par la société pour obtenir le versement de prêts aidés faisaient expressément
référence audit concours C.N.B.S. ; pourquoi le rapport de contrôle de 1989 de
l'inspection générale de l'équipement établi à l'encontre de la société Carpi à
la demande du ministère de la construction ne fait aucune allusion au concours
C.N.B.S. et se fonde exlusivement sur les barèmes réglementaires des prix
plafonds H.L.M. accession.
N° 398. - M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la très forte
dégradation de la situation des professions du bâtiment et des travaux publics
: atonie du marché des particuliers, désengagement budgétaire de l'Etat,
fiscalité excessive, désintérêt des banques, travail au noir, etc. Il lui
demande quelles mesures il compte prendre pour apaiser les inquiétudes et
relancer le marché.
N° 399. - M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur les pouvoirs de police des maires en matière de mise en fourrière de
véhicules automobiles en stationnement gênant. Il rappelle tout d'abord qu'en
vertu des articles L. 2211, L. 2212 et L. 2213 du code général des
collectivités locales, les maires, en tant qu'officiers de police judiciaire,
sont censés disposer des pouvoirs de police liés à l'exercice de leurs missions
de sécurité publique. Le maire peut ainsi, en matière de sécurité routière,
prendre des arrêtés de circulation afin de réglementer le stationnement des
véhicules sur sa commune. Il dispose par ailleurs d'une police municipale,
chargée spécifiquement d'assurer la sécurité et d'appliquer ses arrêtés. Or, il
semble que, en l'état actuel des choses, seul un agent de la police nationale
puisse signer le procès-verbal de mise en fourrière lorsqu'un véhicule en
stationnement n'a pas respecté le code de la route. Tel est le cas lorsqu'un
véhicule stationne sur des passages pompiers, sur des passages piétons, sur des
emplacements réservés aux personnes handicapées ou sur tout autre lieu
d'interdiction : le maire ne peut pas procéder à l'enlèvement du véhicule en
infraction et doit nécessairement faire appel à la police nationale. De cette
procédure administrative lourde découlent des difficultés concrètes sur le
terrain pour obtenir les enlèvements souhaités. Pourquoi attendre la venue des
agents de police nationale alors que la police municipale se trouve déjà sur
les lieux de l'infraction ? Pourquoi la police municipale est-elle qualifiée
pour sanctionner ces infractions et non pour y mettre un terme ? La sécurité
routière de nos concitoyens passe pourtant par des interventions rapides et
efficaces. Il lui demande quelles mesures il entend prendre pour remédier à
cette situation aberrante et permettre enfin aux maires d'exercer pleinement
les pouvoirs de police qui sont les leurs, afin qu'ils puissent autoriser
eux-mêmes les enlèvements de véhicules susceptibles de mettre en danger la
sécurité de leurs administrés ?
N° 400. - M. François Lesein expose à M. le ministre de la fonction publique,
de la réforme de l'Etat et de la décentralisation que la loi n° 1134 du 27
décembre 1994, modifiant certaines dispositions relatives à la fonction
publique territoriale, ainsi que la circulaire du 13 février 1995 laissent
encore sans réponse un certain nombre de questions concernant la situation et
la gestion des cadres A territoriaux, momentanément privés d'emploi. Il lui
demande s'il envisage de publier prochainement des décrets d'application,
notamment sur l'article 97 de la loi du 27 décembre afin de préciser
l'organisation et les conditions de rémunération des missions pouvant être
confiées à cette catégorie de fonctionnaires.
N° 401. - M. Louis Souvet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux
transports sur les différentes estimations financières concernant le coût
global du canal à grand gabarit Rhin-Rhône. Il rappelle que des divergences
importantes apparaissent quant aux paramètres financiers selon les sources
fournissant les évaluations. En conséquence, il lui demande, d'une part, de lui
préciser si tous les aménagements techniques de ce projet particulièrement
complexe ont été pris en compte et, d'autre part, de lui donner des
informations quant à la rentabilité future d'une telle liaison.
N° 402. - M. Louis Souvet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux
transports quant à l'avenir professionnel des élèves pilotes formés à l'Ecole
nationale de l'aviation civile (E.N.A.C.). Il précise que les pouvoirs publics
doivent être conscients du taux de chômage très élevé au sein de cette élite de
l'aéronautique française. En conséquence, il lui demande si elle envisage
d'initier une réflexion quant au reclassement social de ces jeunes, soit dans
leur métier initial, soit dans une branche connexe.
N° 403. - M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur l'avancement de
grade destiné à promouvoir le titulaire d'un emploi fonctionnel et les
contraintes des seuils démographiques. Il lui précise que le décret n° 96-101
du 6 février 1996 ne règle que partiellement les difficultés administratives
rencontrées par les élus locaux. Il estime regrettable que le fonctionnement
harmonieux des collectivités locales soit remis en cause par un certain nombre
de contraintes liées au recrutement des emplois de direction. En conséquence,
il lui demande s'il n'estime pas opportun de compléter le critère démographique
par un ratio en matière d'équipement brut.
N° 404. - M. Henri Weber interroge M. le ministre de l'équipement, du
logement, des transports et du tourisme sur l'arrêt des travaux de mise à deux
fois deux voies de la R.N. 27 entre Rouen et Dieppe. Décidée en 1993 pour
désenclaver le littoral haut-normand, la mise à deux fois deux voies de la
route nationale 27 devait être inaugurée au printemps 1996, « quels que soient
les aléas ». Or, les travaux viennent d'être suspendus pour deux ans, au titre
des économies budgétaires décidées par le Gouvernement, alors que les ouvrages
d'art ont déjà été édifiés et qu'il ne reste plus qu'à poser le revêtement
définitif et à procéder à quelques travaux de finition, ce qui pourrait être
fait en quelques semaines. Il lui demande quelles initiatives il compte prendre
pour lever cette décision scandaleuse qui porte un préjudice considérable à une
région déjà très éprouvée par le chômage et le marasme économique.
NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
391 (1995-1996) relatif à l'entreprise nationale France Télécom.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Tracé du TGV Est : préservation du site de Bonne-Fontaine
situé dans le parc naturel des Vosges du Nord
416.
- 31 mai 1996. -
M. Charles Metzinger
signale à
Mme le secrétaire d'Etat aux transports
que le tracé du TGV Est, tel qu'il est envisagé actuellement, ne manquera pas
d'avoir des conséquences économiques et environnementales préjudiciables pour
la commune mosellane de Danne et Quatre-Vents, limitrophe du Bas-Rhin, en
particulier pour son annexe, Bonne-Fontaine, enclavée dans le parc naturel des
Vosges du Nord. Celle-ci bénéficie d'un environnement paysager et d'un
patrimoine culturel qui en font un ensemble remarquable composé d'un couvent,
d'un établissement hôtelier et d'une maison forestière. La
combinaison-nature-culture tourisme draine quelque 30 000 visiteurs par an, ce
qui constitue, pour une petite commune de 517 habitants, un intérêt économique
indéniable. Dans la procédure administrative, la commission d'enquête a émis un
avis favorable à la déclaration d'utilité publique pour la construction d'une
ligne ferroviaire nouvelle sur l'ensemble du tracé. L'aménagement définitif
n'est cependant pas encore arrêté. Les élus de la commune n'ont pas ménagé
leurs efforts pour faire valoir leurs arguments et demander une traversée
couverte du site de Bonne-Fontaine. N'est-il pas envisageable de consentir un
effort particulier pour la préservation de ce site ? Par ailleurs, on entend
dire que l'utilisation de l'ancienne ligne pourrait être envisagée sur quelques
dizaines de kilomètres à proximité de Danne et Quatre-Vents. Est-ce vrai, et
peut-elle en dire plus sur cet aspect de la question ?
Reconversion du site du plateau d'Albion
417.
- 31 mai 1996. -
M. Alain Dufaut
attire l'attention de
M. le ministre de la défense
sur l'avenir de la région du plateau de Sault et de la ville d'Apt en Vaucluse,
suite à l'annonce officielle du démantèlement des missiles sol-sol du premier
groupement de missiles stratégiques (GMS) installés sur la base aérienne
d'Albion. La fermeture de ce site de défense nucléaire, qui s'inscrit dans le
cadre plus général de la réforme de notre défense nationale, vaste chantier que
le Président de la République a eu le courage de mettre en oeuvre, pose
néanmoins le problème de sa reconversion. Les études entreprises depuis
plusieurs mois, et notamment celle commanditée par le comité de liaison des
élus d'Albion, mettent en évidence l'impact économique et social considérable
d'une telle décision. C'est ainsi que 1 200 emplois directs, environ 3 300
personnes, une quarantaine de classes et près de 170 entreprises seront
touchés. Les incidences en termes de démographie et de maintien des services
publics sont également très importants. L'ampleur des conséquences ainsi
cernées permet de confirmer la nécessité de mettre en oeuvre un projet de
développement de longue durée particulièrement complet, tenant compte des
propositions formulées par les acteurs locaux. Le rapport annexe de
présentation du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les
années 1997 à 2002, projet dont la discussion aura lieu dans les jours
prochains au sein de la Haute Assemblée, précise justement que « l'importance
des mesures de restructuration militaire et industrielle et la durée de la
phase de transition d'un modèle d'armée à l'autre nécessitent un effort
d'accompagnement économique et social exceptionnel ». A cet égard, il sollicite
de M. le ministre de la défense une audience des parlementaires vauclusiens et
des élus directement concernés par la fermeture du site d'Albion, afin de
définir une procédure de travail devant déboucher sur la mise en oeuvre de
mesures de reconversion adaptées. La récente nomination d'un délégué
interministériel aux restructurations de défense, qui s'est engagé à organiser
très rapidement une première réunion dans le Vaucluse, permet d'envisager une
réelle concertation sur le terrain, en liaison avec les autorités
administratives concernées et les représentants de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il n'en demeure pas moins vrai que l'efficacité de
cette phase dépend en grande partie des propositions de l'Etat, lesquelles
devront absolument s'appuyer et répondre aux engagements du Président de la
République, visant à ce que la « reconversion du site et l'implantation de
nouvelles activités militaires ou civiles soient étudiées, en concertation avec
les parlementaires et élus locaux, avec le souci prioritaire du maintien du
niveau d'emploi et des activités économiques de la région ». Il lui demande par
conséquent de bien vouloir lui préciser ses intentions à ce sujet.
Conditions d'attribution et montant
de l'allocation de veuvage
418.
- 31 mai 1996. -
M. Jacques Machet
appelle l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale
sur les conditions d'attribution et le niveau de l'allocation de veuvage. Les
fonds collectés au titre de l'assurance veuvage sont excédentaires, chaque
année, de plus d'un milliard de francs depuis dix ans. Or le nombre total de
bénéficiaires de cette allocation oscille, sur la même période, autour de 15
000 personnes par an seulement, sur environ 350 000 veuves de moins de
cinquante-cinq ans. Ceci paraît d'autant choquant que la précarité des
personnes touchées par le veuvage et leurs difficultés pour retrouver un emploi
se sont accrues en proportion de la montée du chômage, depuis la création de
l'assurance veuvage, en 1979. Il juge donc souhaitable que le plafond de
ressources limitant l'octroi de l'allocation de veuvage soit relevé, et le
montant de cette allocation substantiellement augmenté, afin que les fonds de
l'assurance veuvage soient utilisés en faveur des personnes pour lesquelles une
cotisation spécifique est prélevée sur les salaires. Il lui demande donc
quelles sont les perspectives d'amélioration de cette situation.
Situation des agents hospitaliers de l'hôpital
de l'assistance publique Georges-Clemenceau à Champcueil (Essonne)
419.
- 1er juin 1996. -
M. Jean-Jacques Robert
attire l'attention du
M. le ministre de l'économie et des finances
sur la situation des personnels hospitaliers en fonction à l'hôpital
Georges-Clemenceau de Champcueil dans son département. Des inégalités de
traitement (relatives notamment aux indemnités de résidence) dues à une
réglementation archaïque conduisent à des situations difficilement
supportables. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir supprimer ces zones
anciennement appelées zones territoriales d'abattement de salaires pour une
plus juste équité entre les personnels de l'Assistance publique.
Insécurité dans les stades en Ile-de-France
420. - 3 juin 1996. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre délégué à la jeunesse et aux sports sur l'insécurité croissante à l'occasion des compétitions du samedi et du dimanche dans les stades d'Ile-de-France, et plus particulièrement de l'Essonne. Cette insécurité se caractérise au niveau des compétitions amateurs et des réunions de fin de saison, puisque dans ces championnats et coupes des classements inférieurs, il n'y a pas souvent d'arbitre officiel. Il lui demande quelles mesures immédiates il entend prendre pour faire cesser cette situation dangereuse et nuisible au plaisir de jouer pour ces jeunes sportifs.