PRÉSIDENCE DE
M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de réglementation des télécommunications.
Dans la discussion des articles, le Sénat en est parvenu, au sein de l'article 2, à l'amendement n° 1.
Présenté par M. Gérard Larcher, au nom de la commission, cet amendement a pour objet de rédiger ainsi le 2° du II du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 32-1 du code des postes et télécommunications :
« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de télécommunications ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'inverser certains termes contenus dans l'article 2 pour souligner que la concurrence doit s'exercer d'abord au bénéfice des utilisateurs.
M. le président. Par amendement n° 144, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Pastor, Saunier et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le II du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 32-1 du code des postes et télécommunications par un alinéa ainsi rédigé :
« A l'équilibre des conditions de fourniture des réseaux et services de télécommunications, en promouvant des offres de services de télécommunications non discriminatoires et ouvertes au plus large public. »
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Cet amendement tend à compléter les missions confiées au ministre chargé des télécommunications et à l'autorité de régulation. Ceux-ci devront veiller à ce qu'émergent des offres cohérentes et non discriminatoires en matière de télécommunications, afin d'éviter que des fournisseurs de services ou des opérateurs se placent sur des « niches » du marché pour procéder à un « écrémage » préjudiciable à l'équilibre de l'ensemble.
Avec cet amendement et avec un certain nombre de ceux que nous présenterons tout au long de ce débat, nous pouvons illustrer ce que nous n'avons cessé de dire dans la discussion générale : nous craignons, en effet, que certains opérateurs de service ne cherchent, en fait, qu'à utiliser au mieux les zones les plus rentables, portant ainsi préjudice à l'équilibre de l'ensemble et compromettant ce que nous continuons à appeler le service public.
M. le président. Par amendement n° 145 Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Pastor, Saunier et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le II du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 32-I du code des postes et télécommunications par un alinéa ainsi rédigé :
« A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs dans l'accès aux services et aux équipements. »
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Cet amendement tend également à compléter les missions confiées au ministre chargé des télécommunications et à l'autorité de régulation, en réintroduisant les grands absents que sont les collectivités territoriales.
Les auteurs de ce texte dit de réglementation des télécommunications semblent en effet ignorer le rôle desdites collectivités en la matière et à quel point elles sont trop souvent victimes de procédures un peu anarchiques, qui vont parfois à l'encontre de l'intérêt réel de leurs administrés.
Il nous semble impossible que le Sénat ne profite pas de l'occasion que nous lui offrons pour réaffirmer que, dans le partenariat nécessaire entre les fournisseurs de services et les utilisateurs, les collectivités locales doivent être directement intéressées et leur avis dûment enregistré et, dans la mesure du possible, suivi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 84, 85, 140, 86, 142, 141, 87, 143, 88, 144 et 145 ? M. Gérard Larcher, rapporteur. L'article 2 organise la liberté des activités de télécommunication et leur contrôle.
Nous sommes défavorables à l'amendement n° 84, car il tend à supprimer cet article 2 et il vide le texte d'une partie de son contenu.
Nous sommes aussi défavorables à l'amendement n° 85, car l'exercice des activités de télécommunication y est visé et son adoption viderait également le texte d'une partie de son contenu.
L'amendement n° 140 a attiré l'attention de la commission. Il aurait pour effet, en soumettant les concurrents de l'opérateur historique aux règles imposées à ce dernier - et tout particulièrement au principe d'égalité, - d'ôter tout contenu à la concurrence. L'égalité n'est pas l'égalitarisme ! Cet amendement ayant pour effet d'empêcher l'émergence de nouveaux produits, nous y sommes défavorables.
L'amendement n° 86 vise à supprimer la référence au service universel. A l'évidence nous ne pouvons y être favorables.
Il en va de même de l'amendement n° 142, qui tend lui aussi à la suppression du service universel.
L'amendement n° 141 est en partie satisfait par un amendement que nous examinerons ultérieurement sur le caractère insaisissable, dans un certain nombre de conditions, de la ligne téléphonique, véritable « fil de vie » destiné à recevoir des appels d'urgence et qui constitue un acquis majeur dans le cadre du service public. Cet amendement consacrera l'insaisissabilité d'une telle ligne en cas de difficultés financières ou sociales tout en prévoyant la fourniture à un prix abordable de factures détaillées.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire, un certain nombre d'opérateurs, notamment en Grande-Bretagne, fournissent gratuitement de telles factures. Prévoir un prix, fût-il abordable, pour les factures détaillées, c'est abdiquer face à ce qui pourrait émerger du jeu de la concurrence.
Il en est de même du principe de fourniture à un prix abordable par rapport au pouvoir d'achat des ménages, puisque l'on nous propose une augmentation, alors que nous faisons le pari d'une baisse des tarifs.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement. L'amendement n° 87 vise à supprimer l'autorité de régulation des télécommunications, l'ART. Nous y sommes défavorables.
L'amendement n° 143 ayant également pour objet de faire passer l'ART à la trappe, nous y sommes défavorables.
L'amendement n° 88 vise à supprimer les compétences de l'autorité de régulation s'agissant du contrôle, notamment, des principes fondant le respect des droits de la concurrence. Nous y sommes défavorables.
L'amendement n° 144, présenté à l'instant par M. Delfau, vise à interdire ce que l'on appelle « l'écrémage » auquel se livrent un certain nombre d'opérateurs. En réalité, compte tenu de la manière dont il est rédigé, cette interdiction est édictée dans de telles conditions qu'elle entrave toute concurrence et abolit la diversité.
Dès le départ, nous avons souligné la nécessité d'un texte équilibré entre l'opérateur historique et la concurrence. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
L'amendement n° 145, enfin, précise utilement la portée du texte, notamment les exigences essentielles qu'impose la prise en compte des contraintes d'urbanismes et d'aménagement du territoire. Nous retrouverons d'ailleurs les mêmes principes à l'article 6.
Nous sommes favorables à cet amendement, parce que l'aménagement du territoire est l'une des préoccupations majeures de la commission et que cette préoccupation, je le sais, est largement partagée par le Sénat. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 84, 85, 140, 86, 142, 141, 87, 143, 88, 1, 144 et 145 ?
M. François Fillon, ministre délégué. Les amendements n°s 84 et 85 visent à empêcher l'ouverture à la concurrence, qui est l'objet même du texte qui vous est soumis.
Nous avons déjà répondu aux arguments qui ont été avancés à plusieurs reprises par les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Dans les pays déjà libéralisés, la concurrence a été source de création d'emplois, de baisse des tarifs et d'augmentation du nombre de services.
La description qui nous a été faite de la Grande-Bretagne, où le téléphone serait rare et cher, où les gens les plus modestes ne pourraient pas accéder aux services, est tellement caricaturale que je ne peux pas croire qu'elle corresponde réellement à l'opinion de ceux qui l'ont émise.
M. Guy Fischer. Et qu'en pense M. Borotra ?
M. François Fillon, ministre délégué. Vous avez des références intéressantes ! Moi, j'en ai d'autres, mais nous allons y venir.
L'amendement n° 140 vise lui aussi à soumettre aux obligations de service public l'ensemble des opérateurs, alors que nous avons fait clairement le choix - et je crois que c'est un choix qui va dans le sens de la garantie du service public - de confier ledit service public à France Télécom, et seulement à France Télécom.
Les amendements n°s 86 et 142 visent à supprimer la référence au service universel. Votre référence constante est le rapport de M. Borotra - que vous n'avez d'ailleurs pas tout à fait lu jusqu'au bout, mais j'aurai l'occassion d'y revenir - alors que j'ai, pour ma part, une autre référence, qui est l'introduction pour la première fois par M. Quilès, dans une résolution sur la poste qu'il a fait adopter sous présidence française par le Conseil des ministres européen d'Antibes, en septembre 1989, de la notion de service universel.
Le Gouvernement n'a pas voulu réduire le service public au service universel, puisque le service public, pour lui, c'est le service universel, plus le service obligatoire, plus les missions d'intérêt général.
J'ajoute que nous avons fait figurer la notion de service universel dans ce projet de loi parce qu'il s'agit d'une notion utile dans la mesure où elle constitue, dans ce secteur, un socle commun à l'Europe.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, c'est notamment grâce à l'action des gouvernements français depuis dix ans que le contenu du service universel dans la réglementation européenne ne diffère pas de celui du service public et repose sur les mêmes principes. Il serait dommage de ne pas inscrire dans cette loi ce que signifie, pour nous, le service universel. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Il est également défavorable à l'amendement n° 141, qui vise à énumérer les droits des usagers. En effet, les usagers souhaitent que leurs droits soient garantis et non pas définis d'une manière limitative.
D'ailleurs, la tentative de définition des droits est extrêmement périlleuse, puisque vous oubliez un certain nombre de ces droits, tels le droit de ne pas figurer sur un annuaire, le droit d'être indemnisé en cas d'interruption de service. Vous faites ainsi la démonstration qu'une liste des droits des usagers est un exercice périlleux et restrictif, et qu'il vaut mieux s'en tenir à la définition générale que nous avons introduite.
Le Gouvernement est aussi défavorable aux amendements n°s 87, 143 et 88, qui visent à supprimer l'autorité de régulation des télécommunications. C'est le choix du Gouvernement de rester l'actionnaire majoritaire de France Télécom, ce choix conduit à proposer la création d'une autorité de régulation des télécommunications,
Le groupe communiste a souligné que cette autorité de régulation n'avait pas été nécessaire dans le passé. Et pour cause, nous étions en situation de monopole ! La régulation du marché n'a de sens, dans mon esprit, que lorsqu'il y a concurrence.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1, présenté par M. Larcher, au nom de la commission des affaires économiques. La rédaction proposée fait mieux ressortir que celle du Gouvernement que la concurrence doit bénéficier aux utilisateurs.
Enfin, le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° 145 du groupe socialiste, qui reprend très exactement les termes de l'amendement n° 73 de Mme Bardou.
Je note simplement, monsieur Delfau, que les collectivités locales, loin d'avoir été oubliées dans le projet de loi, vont faire, pour la première fois, l'objet du versement d'une redevance d'utilisation du service public par les opérateurs, ce qui ne figurait ni dans la loi de 1990, ni dans les textes précédents.
Mais il est une limite que nous ne devrions pas franchir. S'agissant de la prise en compte de l'avis des collectivités locales sur la mise en place des réseaux, il ne faudrait pas donner à celles-ci un pouvoir de régulation qui ne permettrait pas l'établissement de réseaux nationaux, auxquels nous sommes attachés. Mais je ne pense pas que ce soit votre intention.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 144.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 84, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 85, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 140, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 86, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 142, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 141.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je voudrais revenir un instant sur cet amendement qui concerne les droits des usagers.
Monsieur le ministre, vous nous dites que toute liste est périlleuse, et je vous l'accorde bien volontiers. Mais l'absence des termes « droits des usagers », l'absence de préoccupation à l'égard des usagers me paraît non seulement périlleuse mais condamnable.
En fait, ce texte axé sur la concurrence - vous ne vous en cachez pas, c'est votre litanie - concerne uniquement l'arrivée ou le développement d'opérateurs privés dans le secteur des télécommunications.
Nous réaffirmons avec force que, pour être équilibré, dans la mesure où nous ne sommes plus en présence d'un opérateur public disposant d'un quasi-monopole, ce texte aurait dû définir un droit des usagers.
Je ferai d'ailleurs observer, et ce sera ma dernière remarque, que je parle d'« usagers », conformément à une tradition républicaine s'agissant du service public, et que vous parlez d'« utilisateurs », ce que je comprends d'ailleurs, puisque vous vous placez dans l'optique de la stricte loi du marché. Mais la nuance est d'importance.
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Je préciserai simplement, à l'adresse de M. Delfau, que le terme d'« utilisateurs » est le terme consacré par la loi de 1990, à laquelle je suis fidèle le plus souvent possible.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ce n'est peut-être pas un terme républicain, mais enfin !...
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 141, repoussé par la commission et le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 87 et 143, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 93:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 89
Contre 225

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Félix Leyzour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Le grand mérite de cet amendement de la commission des affaires économiques et du Plan est, pour le moins, d'être clair.
Par son contenu et du fait que son auteur est M. le rapporteur, cet amendement revêt une grande importance et appelle une explication de vote.
En effet, après la discussion de l'article 1er, M. le rapporteur estime qu'il est indispensable de procéder à une réécriture du paragraphe II, 2°, de l'article L. 32-1 du code des postes et télécommunications qui ne constitue pas qu'un simple apport de portée rédactionnelle au projet de loi.
Or, l'amendement de M. le rapporteur - personne ne s'y sera trompé - est significatif de l'idéologie qui sous-tend une bonne partie de l'opération de déstabilisation du service public des télécommunications.
Il est vrai que le rapporteur du présent projet de loi est également l'auteur du rapport d'information qui a, pour une part essentielle, présidé à la conception du projet de statut de France Télécom.
Les organisations syndicales de France Télécom ne s'y sont d'ailleurs pas trompées en liant, dans le cadre de leur action revendicative, les deux textes précités, dont les objectifs ne sont, dans les faits, guère avouables.
Sous la plume d'un syndicaliste, on trouve d'ailleurs dans le journal d'information du syndidat Sud-PTT - je le signale parce qu'il a été indiqué qu'aucune organisation syndicale ne s'était élevée contre ce projet - un article intitulé : « Les contrevérités du sénateur Larcher » qui fait le florilège des arguments spécifiquement idéologiques accompagnant l'orientation imprimée par les deux projets de loi.
Ces arguments sont classiques : modification des technologies, possibilités nouvelles offertes pour la communication à l'échelle internationale par les nouveaux réseaux à haut débit, nécessité d'alliances stratégiques nécessitant souplesse des structures et abandon de garanties statuaires pour pouvoir se positionner sur les crénaux ouverts.
M. Larcher est devenu, dans cette assemblée, le porte-parole de la majorité de droite en matière de télécommunications. Il a déclaré être opposé aux amendements que mon groupe a déposés. Nous sommes, nous, opposés à l'amendement n° 1 qu'il vient de présenter et c'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen votera contre.
M. Paul Loridant. C'est un scoop ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Monsieur Leyzour, vous avez suivi avec beaucoup d'attention et d'intérêt l'ensemble des travaux que nous conduisons depuis le mois de novembre. Vous avez fait part de vos réflexions et apporté votre contribution au rapport.
M. Félix Leyzour. Tout à fait !
Mme Hélène Luc. M. Leyzour est toujours très assidu !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il est vrai que nous ne sommes pas parvenus sur le sujet aux mêmes conclusions même si, à certains moments, nos préoccupations étaient communes en matière de recherche et de développement d'un opérateur public fort.
En effet, nous, nous croyons que pour arriver à un opérateur public fort devenant l'opérateur historique, il ne faut pas procéder à un repli frileux sur soi-même. Il faut d'autant moins agir ainsi que, du fait des évolutions techniques, les frontières vont disparaître, que nous le souhaitions ou non. Il convient donc de s'adapter à ce monde nouveau et de se mettre en position de conquête.
Je vous remercie de l'hommage indirect que vous avez rendu à l'ensemble de la commission, à sa cohésion derrière son rapporteur. Il est normal, dans un secteur où nous travaillons en réseau, d'être le porte-parole du réseau de la majorité du Sénat, mais c'est pour moi un honneur dont je ne sais pas si je suis encore digne !
Plusieurs sénateurs du RPR. Mais si, mais si ! (Sourires.)
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, vous avez affirmé voilà un instant dans cet hémicycle que vous aviez repris le terme « utilisateurs » figurant dans la loi de 1990, que vous nous citez abondamment. Sans doute l'avez-vous fait à la suite d'une lecture un peu hâtive.
Or, dans le comparatif, je lis à l'alinéa 3 de l'article 2 de la loi de 1990 : « A ce que soit respecté, par l'exploitant public et les fournisseurs de services de télécommunications, le principe d'égalité de traitement des usagers, quel que soit le contenu du message transmis. » Dont acte, monsieur le ministre, il faudra compléter votre information !
Mais ce qui m'importe - j'en profite pour le dire, parce qu'après tout la plume peut hésiter - c'est qu'un alinéa complet précise : « Afin que soit respecté par l'exploitant public le principe d'égalité de traitement des usagers. » Autrement dit, la préoccupation des consommateurs, que l'on appelle ici, selon la tradition républicaine, des « usagers » puisqu'il s'agit d'un service public quasiment en fonction de monopole, est bien au centre ; en tout cas, elle est fort présente.
Vous et vos conseillers pouvez hâtivement compulser le texte que vous nous présentez, les usagers, consommateurs, utilisateurs sont les grands absents.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mais non !
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Je ne consulte pas plus hâtivement que vous, monsieur Delfau, les pages de la loi du 29 décembre 1990, que je tiens à votre disposition et qui, dans son article L. 34-6, par exemple - mais j'ai trouvé quatre références -, prévoit que « les représentants des fournisseurs des services, des utilisateurs des services, ainsi que des personnalités qualifiées nommées par le ministre chargé des télécommunications font partie de la commission,... ».
Cela veut dire que le mot d'utilisateur est cité à plusieurs reprises dans la loi de 1990. S'il est chargé de tout le sens que vous lui donniez tout à l'heure, alors pourquoi se retrouve-t-il dans cette loi de 1990 ?
Mais je conviens que cette querelle est quelque peu dérisoire...
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Gérard Delfau. Le vocabulaire a du sens !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
M. Gérard Delfau. Le groupe socialiste vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 144, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 145, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'ensemble de l'article 2.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. L'article 2, nous l'avons dit, est un article clef de ce texte de déréglementation.
M. le ministre et M. le rapporteur de la commission des affaires économiques ont insisté, au cours de la discussion générale et lors de la présentation des deux premiers articles, sur la nécessité de supprimer le monopole public de France Télécom en raison de la concurrence. Ils ont avancé l'argument selon lequel ce texte s'inscrivait dans une logique visant à promouvoir le service public.
Cette assertion nous paraît tout à fait contraire à la réalité, et les salariés des principaux services publics, qu'ils soient de France Télécom, d'EDF-GDF ou de la SNCF, soutenus par la très grande majorité des Français, ne s'y sont pas trompés.
Je voudrais revenir sur la question des tarifs, argument fort avancé de manière solennelle par M. le ministre et par notre rapporteur.
De ce point de vue, à cette heure un peu avancée de la nuit, je vous invite à consulter un hebdomadaire satyrique célèbre paraissant le mercredi.
M. Jean Delaneau. Francophile ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. Il est écrit dans cet hebdomadaire, sous le titre « La fin du monopole de France Télécom va coûter de 8 à 12 milliards aux usagers » : « Pour préparer dignement la libéralisation du téléphone, prévue au 1er janvier 1998, les usagers risquent de devoir débourser de 8 à 12 milliards à petites doses. »
M. Gérard Braun. Ce n'est pas une certitude, c'est un risque !
M. Gérard Larcher, rapporteur. C'est de l'homéopathie !
Mme Danielle Bidard-Reydet. « Sans attendre, France Télécom vient déjà d'augmenter de 15 p. 100 le prix de ses abonnements, uniquement pour les particuliers, celui des entreprises restant inchangé. Certes, la loi prévoit que France Télécom et ses futurs concurrents devront, comme aujourd'hui, proposer des tarifs sociaux pour les plus démunis, un effort estimé entre 500 millions et 1 milliard de francs, mais qui reste une aumône en comparaison des 8 à 12 milliards de recettes supplémentaires prévus sur les abonnements et les communications locales. »
Cet hebdomadaire étant connu pour le sérieux de ses informations (Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants), je vous renvoie à ses rédacteurs !
Mes chers collègues, ces quelques lignes qui ne proviennent pas de nos travées, vous en conviendrez,...
M. Jean-Patrick Courtois. Vous n'êtes pas assez bons !
Mme Danielle Bidard-Reydet. ... viennent à l'appui des longues démonstrations que nous avons faites au cours du débat et vous comprendrez que, ces éléments confortant notre position, nous voterons résolument contre cet article 2 sur lequel nous demandons un scrutin public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Braun. Scrutin public demandé par le Canard enchaîné. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 94:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 223
Contre 93

Article 3