M. le président. M. Louis Souvet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux transports quant à l'avenir professionnel des élèves pilotes formés à l'Ecole nationale de l'aviation civile, ENAC.
Il précise que les pouvoirs publics doivent être conscients du taux de chômage très élevé au sein de cette élite de l'aéronautique française.
En conséquence, il lui demande si elle envisage d'initier une réflexion quant au reclassement social de ces jeunes, soit dans leur métier initial, soit dans une branche connexe. (N° 402.)
La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, la sélection très sévère qu'ont subie avec succès les élèves pilotes de lignes de l'ENAC a permis à certains éléments d'exercer maintenant des activités très diverses : Dingo dans un parc d'attraction, plâtrier, serveur-maçon ou docker. Tous ces métiers sont fort honorables mais, d'une part, récompensent-ils les efforts accomplis par les élèves durant leur formation et, d'autre part, est-on sûr que les quelque 1,2 million de francs investis par l'Etat, donc par les contribuables, ont été utilisés à bon escient en ces temps de restrictions budgétaires ?
Il n'est pas utile de commenter la qualité des prévisions statistiques. Cette catégorie de jeunes totalise un pourcentage de chômage de 90 p. 100. L'Etat - je ne dis pas vous, monsieur le ministre, mais l'Etat - qui est à l'origine de cette débâcle sociale - et je pèse mes mots - doit remédier à ce pitoyable état de fait.
Monsieur le ministre, que comptez-vous concrètement proposer à ces jeunes pour sortir de l'impasse ? Il convient d'ajouter que certains s'endettent pour compléter une formation, réduite volontairement afin de permettre d'intégrer un plus grand nombre d'élèves. Les plus jeunes d'entre eux ne peuvent même pas prétendre à une quelconque allocation de chômage, faute d'avoir exercé une activité professionnelle.
L'Etat, en partie responsable de ce phénomène, je le répète, monsieur le ministre, doit proposer à ces jeunes des solutions concrètes. Nous ne doutons pas que le Gouvernement saura les trouver.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de le souligner, le chômage des pilotes atteint malheureusement des proportions inquiétantes, avec 1 400 demandeurs d'emploi officiellement recensés, soit un taux de chômage s'élevant à 20 p. 100 de la population employée. Les élèves pilotes de lignes formés pas l'Etat n'échappent pas hélas ! à cet état de fait.
L'origine de cette situation remonte à la fin des années quatre-vingt. Confrontées à une forte expansion du transport aérien, les compagnies aériennes, craignant la pénurie de personnel navigant, mirent en formation des stagiaires ab initio et sollicitèrent de l'Etat l'augmentation des promotions d'élèves pilotes de ligne. C'est ainsi que le nombre d'élèves pilotes de ligne fut porté à 180 par an.
A la suite du retournement de conjoncture intervenu en 1991, la compagnie Air France fut conduite à arrêter les stages de ses propres élèves pilotes de ligne. Depuis cette date, la compagnie, engagée dans un processus de redressement dont la réussite conditionne sa pérennité et le maintien de ses emplois, n'a pas procédé à des embauches de pilotes.
Les conséquences de ces erreurs antérieures sont aggravées par la nature trop rigide et trop spécifique de notre système de formation et de délivrance des licences de pilotes. Le coût très élevé de cette formation est de plus en plus fréquemment mis à la charge des pilotes par des compagnies aériennes à la fois soucieuses de leur compétitivité et se trouvant en position de force par rapport à des demandeurs d'emploi trop nombreux. Une harmonisation des systèmes de formation est prévue en 1998 au niveau européen. Elle aura notamment pour impact de diminuer les coûts de formation. C'est pourquoi nous nous sommes fixé l'objectif d'appliquer les nouvelles normes en France dès 1997.
Pour améliorer la situation actuelle du marché de l'emploi des pilotes, j'ai fait établir un plan d'action qui est en cours de mise en oeuvre.
J'ai tout d'abord tenu à permettre à ces jeunes pilotes de conserver le niveau de compétence leur permettant de trouver un emploi : ils ont donc la possibilité de maintenir leur qualification grâce à un stage annuel organisé par la direction générale de l'aviation civile.
En second lieu, le nombre de places offertes au concours d'élève pilote de ligne a été très fortement réduit, de façon à cesser d'alimenter le marché de l'emploi.
Par ailleurs, dans l'éventualité d'une reprise des embauches à Air France, une liste d'attente a été préparée par la compagnie nationale comprenant, d'une part, ses propres stagiaires et, d'autre part, les élèves pilotes de ligne formés par l'Etat. Je suis personnellement ce dossier auquel j'attache une importance toute particulière, notamment pour déterminer la place qui sera réservée aux élèves pilotes de ligne.
Enfin, une concertation est activement menée avec les services et les organismes compétents dans le domaine de l'emploi pour déboucher sur des mesures d'aide à la formation et de développement du temps partiel ou alterné dans les compagnies aériennes susceptibles de générer des emplois nouveaux. Celles-ci seront annoncées dans les semaines à venir.
Vous pouvez constater, monsieur le sénateur, toute l'attention que M. Pons apporte à ce dossier.
M. Louis Souvet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les précisions que vous venez de nous apporter et j'espère qu'elles se traduiront dans les faits.
Il convient de réfléchir à d'éventuelles solutions pour résorber l'abcès. Il est bien évident que les compagnies de deuxième et de troisième rang ne sont pas à même d'assurer le complément de formations pour différentes raisons économiques et réglementaires.
Dans votre réponse, monsieur le ministre, vous nous avez dit que ces élèves peuvent maintenir leur qualification par un stage annuel. Mais j'imagine que ce stage est assez cher. Il est donc inaccessible à des personnes qui sont au chômage.
Que faut-il donc entreprendre pour que les centaines de millions de francs investis par l'Etat ne le soient pas en pure perte ?
Le plan emploi pour les jeunes pourrait recevoir une application spécifique dans le domaine aéronautique, par exemple par une modification de la limite d'âge étant donné le cycle scolaire très long, par un doublement de la prime d'Etat compte tenu des cotisations sociales bien supérieures à la moyenne, voire l'institution d'un contrat de qualification.
Il serait peut-être aussi souhaitable de rechercher un partenariat pour le financement d'une formation de copilote. S'impliqueraient dans ce partenariat la direction générale de l'aviation civile et le service d'exploitation de la formation aéronautique, le ministère du travail, les régions, les institutions européennes qui allouent des crédits destinés à la formation et à l'emploi, les écoles de formation pratique publiques ou privées.
Enfin, l'emploi de ces jeunes dans des métiers connexes du leur, tels que stewards ou personnels au sol, pourrait leur être profitable. En tant que probables futurs pilotes d'Air France, les élèves feraient preuve d'une grande motivation qui améliorerait leur productivité et leur donnerait une bonne connaissance de ces structures, donc forgerait une culture d'entreprise et une meilleure cohésion sociale au sein de la compagnie.
En un mot et pour conclure, n'interdisons pas aux jeunes pilotes français le marché de l'emploi national et international.
Dans votre réponse, vous avez dit que leur formation était trop spécifique. Mais c'est une formation destinée à des élèves pilotes, adaptée à leur futur métier, et l'on sait combien il implique de responsabilité ! Je ne vois pas comment on pourrait changer le contenu de cette formation.
Conditions de vente de logements HLM
par le groupe Maisons familiales