M. le président. Par amendement n° 1 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'exception de ceux affectés à un service public, les navires civils sont armés au commerce, à la pêche, ou à la plaisance. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, utile pour la bonne compréhension du projet de loi, compte tenu des différents amendements que la commission a déposés et qui visent à étendre le bénéfice de la mesure à l'ensemble des navires civils.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement ; on ne peut pas définir dans une loi fiscale les catégories d'armement de navires alors même que ces catégories sont déjà prévues dans le droit douanier.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve de l'amendement n° 1 rectifié jusqu'à la fin de l'examen du texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.
Par amendement n° 39, Mme Beaudeau, M. Loridant, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la liste annexée à l'article 2 de la loi n° 93-923 de privatisation du 19 juillet 1993, la huitième ligne : "Compagnie générale maritime" est supprimée. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par cet amendement, nous soulevons un des problèmes fondamentaux posés par la situation nouvelle qui est faite à l'ensemble de la filière maritime.
En effet, le développement éventuel de la filière est aujourd'hui étroitement dépendant de la réalité juridique des entreprises habilitées à intervenir dans le secteur. La Compagnie générale maritime est l'un des derniers outils dont dispose l'Etat en matière de construction et d'exploitation navale ; il est donc, de notre point de vue, indispensable que cet outil soit préservé. Cela passe, en particulier, par la suppression, dans la liste des entreprises placées sous le régime de la loi de privatisation de juillet 1993, de la mention expresse de la Compagnie générale maritime.
Cet amendement vise donc tout simplement à maintenir, au-delà des dispositions relatives au développement de l'investissement privé en matière de filière maritime, un secteur public parfaitement habilité à permettre à nos chantiers navals et à l'emploi dans l'ensemble de la filière maritime de se maintenir et de se développer. Je vous invite à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Cet amendement remet en cause la privatisation de la Compagnie générale maritime. Il est donc parfaitement contraire à la politique que souhaite mener le Gouvernement.
La privatisation prochaine de la CGM pourrait, d'ailleurs, être grandement facilitée par le dispositif d'incitation fiscale que nous examinons en ce moment, qui lui permettra de renouveler à moindre frais sa flotte et donc d'accroître sa rentabilité.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Défavorable, car ce n'est pas l'objet du projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 40, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article 26 de la loi n° 96-151 du 26 février 1996 relative aux transports sont abrogées. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement revient sur l'une des contraintes nouvelles posées par le développement du trafic maritime dans un contexte général de fuite en avant en matière de garanties et d'organisation générale des équipages embarqués.
En effet, le contexte international de développement de l'activité maritime est marqué par la progression constante du nombre des immatriculations de bateaux sous des pavillons dits de complaisance, où les règles en matière de droit du travail ou de fiscalité sont si limitées qu'elles en apparaissent tout à fait symboliques.
Il est en effet connu que les deux principales flottes, en termes de tonnage brut, de la planète sont les flottes battant pavillon panaméen et pavillon libérien, ce dernier pays se présentant comme celui dont la flotte marchande a le tonnage le plus important.
On sait de surcroît que ces deux pays - comme d'ailleurs les Bahamas, qui offrent également ces pavillons de complaisance - ont d'autres soucis que de constater et de vérifier les conditions sociales et l'encaissement des produits fiscaux propres à l'activité de leur flotte marchande.
Ces pays offrant des pavillons de complaisance ont la particularité d'ailleurs, au-delà de ces considérations, de constituer, chacun pour leur compte, une véritable colonie nord-américaine, une part importante de leur politique étrangère étant littéralement satellisée par les Etats-Unis.
Dans les faits, ces pavillons de complaisance offrent aussi l'opportunité pour certaines sociétés américaines - je pense notamment aux trusts pétroliers - de réduire au maximum leurs coûts de transport de matières premières.
D'une certaine façon, la déflation sociale et salariale pratiquée sur ces bateaux, alliée à la quasi-absence d'entretien et parfois de règles de sécurité, conduit naturellement à dégager une marge commerciale plus importante.
Quand la marchandise embarquée devient plus importante que les hommes présents sur un bateau, il y a certainement quelque chose qui ne va pas, vous le reconnaîtrez, mes chers collègues.
Or il s'est trouvé, dans les années 1986-1988, un ministre ou un secrétaire d'Etat pour penser que la constitution d'un pavillon de complaisance propre à la France pouvait constituer une solution admissible au règlement de la crise de la flotte marchande française : c'est le fameux pavillon des terres Australes et Antarctiques françaises - le « pavillon Kerguelen », dans le langage commun - où les seuls contrôleurs de l'inspection du travail et du fisc se trouvent être des pingouins ! L'archipel des Kerguelen, les îles de Saint-Paul et de la Nouvelle-Amsterdam, c'est un peu l'île aux pingouins chère à ce grand écrivain que fut Anatole France !
Un recours pendant devant le Conseil d'Etat quant à la mise en place de ce pavillon de complaisance, dont n'auraient sans doute profité que les armements dévolus au transit du pétrole de la zone du golfe Persique, a motivé, lors de la discussion de la dernière loi relative aux transports, le débat sur un article, devenu l'article 26 de la mouture définitive du texte, validant l'existence de ce pavillon.
Quels sont les effets de ce pavillon ? Celui-ci conduit essentiellement à réduire à sa plus simple expression le nombre des marins embarqués de nationalité française, puisque l'article 26 de la loi relative aux transports n'exige la nationalité française que pour le capitaine du bord et son second.
Pour le reste, la porte est ouverte aux marins comoriens, indiens, malgaches, indonésiens, qui ne protesteront pas auprès de l'inspection du travail des Kerguelen - qui d'ailleurs n'existe pas - pour faire valoir des droits sociaux correspondant à leur présence sur un bateau français.
A un moment où l'on nous parle, à l'occasion de l'examen du projet de loi qui nous est soumis, de créer les conditions de la relance de la filière maritime française, il importe de mettre un terme à cette « exceptionnalité » inacceptable offerte par le pavillon Kerguelen.
Et ne me répondez pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que cet amendement n'a rien à voir avec le projet de loi !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. C'est exactement ce que j'allais vous dire !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur. Cet amendement tend à abroger l'article 26 de la loi du 26 février 1996 relative aux transports, qui a donné une base légale au registre des terres Australes et Antarctiques. Ce registre TAAF a reçu l'aval du Conseil constitutionnel à l'occasion du vote de cette loi.
Ce registre est absolument indispensable à la compétitivité de la flotte de commerce française. Il permet d'abaisser le coût des équipages de 50 p. 100 par rapport au registre métropolitain. Toutefois, le coût de nos équipages reste encore 30 p. 100 plus élevé que celui d'un équipage sous pavillon de convenance.
Dans ces conditions, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et je n'ai rien à ajouter aux arguments développés excellemment par M. le rapporteur.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er