M. le président. « Art. 4. - Il est inséré dans la même loi un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. - Lorsqu'un élément d'infrastructure des réseaux de télécommunications est nécessaire à la bonne exécution par France Télécom des obligations de son cahier des charges, et notamment à la continuité du service public, l'Etat s'oppose à sa cession ou à son apport ou subordonne leur réalisation à la condition qu'ils ne préjudicient pas à la bonne exécution desdites obligations, compte tenu notamment des droits reconnus à France Télécom dans la convention passée avec le cessionnaire ou le destinataire de l'apport.
« Le cahier des charges de France Télécom fixe les modalités de la procédure d'opposition mentionnée ci-dessus qui est prescrite à peine de nullité de la cession ou de l'apport. »
Sur cet article, j'ai été saisi de seize amendements pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 10, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte et Saunier, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 43, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer les mots : « des obligations de son cahier des charges, et notamment de la continuité du service public » par les mots : « de ses missions de service public ».
Par amendement n° 45, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à l'égalité ».
Par amendement n° 46, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à l'adaptabilité ».
Par amendement n° 47, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à la neutralité ».
Par amendement n° 44, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le mot : « apport » de supprimer la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
Par amendement n° 1 rectifié bis, M. Larcher, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer les mots : « leur réalisation à la condition qu'ils ne préjudicient pas » par les mots : « la réalisation de la cession ou de l'apport à la condition qu'ils ne portent pas préjudice ».
Par amendement n° 48, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« La cession, l'apport en société et la location des cabines téléphoniques de France Télécom situées sur le domaine public sont interdits. »
Par amendement n° 49, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« Est réputé incessible le réseau filaire. »
Par amendement n° 50, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« Le réseau filaire de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société. »
Par amendement n° 51, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« Est réputé incessible le réseau RNIS. »
Par amendement n° 52, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« Le Réseau numérique à intégration de services de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société. »
Par amendement n° 53, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« Est réputé incessible le réseau hertzien de France Télécom. »
Par amendement n° 54, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« Les réseaux hertziens de France Télécom ne peuvent être ni loués, ni concédés, ni apportés en société. »
Par amendement n° 55, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le dernier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée.
Par amendement n° 56, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, dans le dernier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 précitée, après le mot : « fixe » les mots : « en tant que de besoin ».
Quel est l'avis de la commission sur ces seize amendements qui ont tous été présentés hier soir ?
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. L'article 4 vise le droit d'opposition de l'Etat à la cession ou à l'apport d'actifs.
La commission est défavorable à l'amendement n° 10, qui vise à supprimer cet article. Si cet amendement était adopté, l'Etat ne pourrait pas faire valoir son droit d'opposition à la cession ou à l'apport d'éléments d'infrastructure lorsque cette cession est susceptible de mettre en cause la continuité du service public. Compte tenu de l'attachement marqué de nos collègues du groupe socialiste au service public, nous ne comprenons pas bien le sens de cet amendement.
La commission est défavorable à l'amendement n° 43, dont la rédaction nous paraît redondante puisque le cahier des charges de France Télécom contient déjà des dispositions relatives à ses missions de service public. C'est notamment l'article 3, non modifié, de la loi du 2 juillet 1990, qui dispose : « France Télécom a pour objet d'assurer tout service public de télécommunications, d'établir, de développer et d'exploiter les réseaux publics. »
L'amendement n° 45 est le premier d'une série d'amendements tendant à décliner les principes qui s'appliquent au service public.
Je rappelle que « l'égalité » des services publics est garantie par la loi de réglementation des télécommunications. Il s'agit de l'article L. 35 du code des postes et télécommunications, qui dispose : « Le service public des télécommunications est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité. »
Si l'article 4 du présent projet de loi ne reprend que le principe de continuité, c'est pour répondre aux observations émises par le Conseil d'Etat dans son avis du 18 novembre 1993. Nous avons d'ailleurs repris ces exigences dans le tableau comparatif qui figure dans le rapport de la commission. Néanmoins, tous les principes du service public sont applicables aux activités de France Télécom, conformément à l'article L. 35. L'amendement n° 45 nous paraissant donc satisfait, la commission y est défavorable.
Il en est de même pour l'amendement n° 46, qui vise à remplacer le terme de « continuité » par celui d'« adaptabilité », et pour l'amendement n° 47, la « neutralité » étant un principe constitutif de l'égalité - c'est même un sous-principe de la notion constitutionnelle d'égalité.
La commission est défavorable à l'amendement n° 44, qui tend à ne prévoir aucun tempérament à l'interdiction de cession ou d'apport d'éléments d'infrastructures, sujet que nous avons déjà évoqué à l'occasion d'un amendement précédent. Le texte proposé par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction initiale, nous paraît satisfaire pleinement les dispositions requises par le Conseil d'Etat dans son avis du 18 novembre 1993, dispositions propres à garantir que la nature de société anonyme de France Télécom ne pourra avoir pour conséquence qu'il puisse être porté atteinte au principe de continuité.
S'agissant de l'amendement n° 48, je rappelle que l'article L. 35-2 de la loi de réglementation dispose que France Télécom est l'opérateur public chargé du service universel. L'article 3 de la loi du 2 juillet 1990 fixe l'objet de France Télécom et lui impose d'assurer tout service public de télécommunications.
Ces dispositions nous paraissent suffisamment contraignantes pour que la sociétatisation ne remette pas en cause les missions de service public de France Télécom.
Je rappelle que, dans la loi de réglementation, l'établissement des cabines sur la voie publique est soumis à autorisation et que l'ensemble des cabines du domaine public est inclus dans le service universel. C'est un des apports du Sénat au texte. Par conséquent, nous sommes défavorables à l'amendement n° 48.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 49, pour les motivations que nous avons précédemment indiquées, mais aussi parce que, à l'article 35, alinéa 2, de la loi de réglementation, il est précisé que France Télécom est l'opérateur public chargé du service universel. Or le service universel, selon les principes que nous avons retenus, doit couvrir l'ensemble du territoire et comprendre les cabines téléphoniques. France Télécom ne saurait donc céder les infrastructures globalement nécessaires au service universel sans être en opposition avec le texte de réglementation des télécommunications. C'est pourquoi nous sommes également défavorables aux amendements n°s 50, 51 et 52.
A propos de l'amendement n° 53, qui porte sur le réseau hertzien de France Télécom, je rappellerai le principe de la loi Tasca, selon lequel l'agence des fréquences ne cède pas les fréquences. Vous allez m'objecter que les fréquences hertziennes peuvent être concédées ; certes, mais elles ne peuvent être vendues.
Nous sommes défavorables à l'amendement n° 54 pour les mêmes raisons. Je rappelle que l'espace hertzien n'appartient pas à France Télécom mais qu'il fait partie du domaine public de l'Etat, qu'il y a déjà sur le réseau hertzien depuis 1991 un système concurrentiel et que, depuis le 29 mai, un troisième opérateur s'est installé sur le spectre des fréquences radioélectriques.
Par l'amendement n° 55, nos collègues veulent supprimer une garantie essentielle à la continuité du service public : le droit d'opposition de l'Etat à une cession. C'est l'objection que j'ai déjà opposée à nos collègues du groupe socialiste, qui voulaient supprimer l'ensemble de l'article.
L'amendement n° 56 est un amendement de cohérence. Nous ne pouvons donc qu'y être défavorables... par cohérence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces mêmes amendements, ainsi que sur l'amendement n° 1 rectifié bis .
M. François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace. Je rappelle, pour la bonne compréhension des débats, que l'article 4 vise à donner à l'Etat le droit de s'opposer à des cessions d'éléments d'infrastructures du réseau si cette cession risque d'empêcher France Télécom d'exécuter ses missions de service public telles qu'elles sont définies dans son cahier des charges.
S'agissant de l'amendement n° 10, présenté par le groupe socialiste, je rappelle que c'est la loi de 1990 qui a transféré à France Télécom la propriété du réseau. Adopter cet amendement reviendrait à priver l'Etat du moyen de contrôler les cessions d'actifs. J'y suis donc défavorable, comme je le suis à l'amendement n° 43, qui prévoit un dispositif assez proche de celui que propose le Gouvernement mais qui est moins précis.
C'est en effet la continuité du service public qu'il convient de garantir en donnant à l'Etat la possibilité de s'opposer à des cessions d'infrastructures de réseau.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 45. Cet amendement comme les suivants, en déclinant les principes du service public, s'écartent de l'objet qui est visé par le texte. En effet, c'est bien pour garantir la continuité du service public qu'il convient de donner à l'Etat ce droit d'opposition à la cession d'éléments d'infrastructure.
J'émets le même avis défavorable sur les amendements n°s 46 et 47.
L'amendement n° 44 vise à supprimer la possibilité de subordonner un apport ou une cession à certaines garanties.
Je rappellerai à ses auteurs que le droit d'opposition reconnu à l'Etat est très strict. Il ne s'agit pas d'une simple faculté, il s'agit d'une obligation.
Ce résultat peut être obtenu grâce aux conditions auxquelles peuvent être subordonnées de telles opérations. Une cession peut être conditionnelle ou encore effectuée au profit d'une entité entièrement contrôlée par France Télécom. L'amendement n° 44 prive sans nécessité France Télécom d'une marge de négociation et d'une autonomie de gestion. J'y suis donc défavorable.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 1 rectifié bis, qui améliore la rédaction du projet de loi.
Je suis défavorable à l'amendement n° 48, qui vise à isoler les cessions ou les locations de cabines téléphoniques de France Télécom situées sur le domaine public, alors que l'article 4 vise l'ensemble des éléments du réseau.
Je suis défavorable à l'amendement n° 49, qui tend à instaurer pour les biens de la future entreprise nationale un régime plus strict que celui qui résulte aujourd'hui de la domanialité publique.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 50, qui touche à la possibilité de location ou de concession du réseau filaire, car il n'apporte rien au texte dont nous discutons : si cette concession ou cette location fait obstacle à la continuité du service public, alors l'Etat s'y opposera ; mais il n'y a pas de raison de condamner de manière absolue cette possibilité.
Quant à l'amendement n° 51, qui vise à isoler le réseau numérique à intégration de services, le RNIS, du reste du réseau téléphonique, il n'a pas de portée pratique, puisque le RNIS fait appel, pour une très large part, aux infrastructures du réseau filaire qui sont visées par cet article.
Il en va de même pour l'amendement n° 52, qui concerne la location des RNIS.
Pour ce qui est du réseau hertzien, je suis doublement défavorable aux amendements n°s 53 et 54, puisque, comme l'a rappelé à l'instant votre rapporteur, ce sont tous les éléments du réseau qui sont visés par l'article 4 ; par ailleurs, et surtout, le spectre hertzien ne peut pas être vendu, car il reste propriété de l'Etat et demeure au sein du domaine public. Le spectre hertzien n'appartient pas, n'a jamais appartenu et n'appartiendra jamais à France Télécom.
Quant à l'amendement n° 55, il a pour objet de remplacer le décret en Conseil d'Etat qui organise la procédure d'opposition par un simple arrêté. Je n'en vois vraiment pas l'utilité. La procédure d'opposition constitue une forte garantie que l'Etat veillera à la continuité du service public. Elle est prescrite à peine de nullité. Il est donc logique, me semble-t-il, d'en prévoir l'organisation par un décret en Conseil d'Etat. C'est d'ailleurs ce qui se passe aujourd'hui s'agissant des modalités de gestion du domaine de France Télécom.
Enfin, je suis défavorable à l'amendement n° 56, qui tend à donner un caractère facultatif à la procédure d'opposition.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je tiens à intervenir sur cet amendement à la suite des commentaires de M. le rapporteur. Je fais trop confiance à l'intelligence de ce dernier pour penser qu'il n'a pas compris que cet amendement était un amendement de principe. En fait, il correspond au choix que nous avons fait sur l'ensemble du texte, à savoir le statu quo, en l'occurrence, le maintien du statut de 1990. C'est dans cette logique que nous souhaitons supprimer cer article.
Il n'est pas question, pour nous, de donner notre accord à la cession d'infrastructures nécessaires à l'exécution du service public.
M. le président. Je pense, madame, que M. le rapporteur avait parfaitement compris votre intention.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Merci, monsieur le président.
M. Jean Chérioux. C'est de l'acrobatie juridique !
Mme Danièle Pourtaud. Si vous voulez, mon cher collègue, mais c'est pour moi l'occasion de réaffirmer notre position de principe pour la défense du service public.
M. le président. Veuillez poursuivre madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Sur le fond, l'article 4 vise à garantir la continuité du service public en évitant que les éléments d'infrastructures nécessaires à son exécution ne soient aliénés.
Mais il nous semble que la meilleure manière de garantir la continuité du service public, c'est d'abord de ne pas privatiser France Télécom !
Par ailleurs, rien ne nous dit que, malgré les garde-fous ainsi posés, il ne sera pas porté atteinte à l'intégrité du réseau de l'exploitant public et à la continuité du service public, notamment parce que France Télécom a l'obligation de mettre ses infrastructures à la disposition de ses concurrents, au titre de l'interconnexion, quand bien même ces derniers n'ont pas d'obligations de service public.
Comme nous l'avons dit lors de l'examen du projet de loi de réglementation des télécommunications, nous pouvons craindre, dès lors que l'Etat n'est plus maître des infrastructures de service universel, qu'il ne puisse plus s'opposer à une utilisation qui mettrait en cause la bonne marche du service public. M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je viens de comprendre qu'hier soir - mais c'était après une rude journée de travail - M. le rapporteur n'avait pas tout à fait perçu dans quel état d'esprit j'avais défendu cet amendement.
C'est la raison pour laquelle je voudrais rappeler, après ma collègue Mme Danièle Pourtaud, que cet amendement de suppression vise à réaffirmer notre totale hostilité au projet de loi et notre souhait de voir France Télécom poursuivre l'exercice de ses fonctions dans les limites de la loi de 1990.
Notre objectif n'est évidemment pas d'enlever à l'Etat la possibilité de préserver les infrastructures nécessaires à l'exercice du service public.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mon cher collègue, je vous ferai remarquer que c'est à l'instant que je viens de donner l'avis de la commission - mais peut-être n'étiez-vous pas entré dans l'hémicycle ou ne m'écoutiez-vous pas ! - et que, même si j'étais un peu fatigué hier soir, j'ai eu le temps de récupérer depuis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Les règles applicables à tout service public, quelles que soient les particularités de son régime juridique, et à toutes les personnes en relation avec lui sont au nombre de trois : le principe d'évolution, le principe de continuité et le principe d'égalité.
La règle d'évolution exprime le caractère contingent de la notion de service public. L'intérêt général n'étant pas figé, le service public doit pouvoir s'adapter aux transformations et répondre aux besoins nouveaux.
Le Conseil d'Etat a jugé que la nature d'organisme de droit privé de la société anonyme France Télécom pourrait avoir pour conséquence qu'il soit éventuellement porté atteinte au principe de continuité, celui-ci se fondant sur l'idée selon laquelle un besoin public ne peut être satisfait de manière intermittente.
Quant au principe d'égalité, consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la Constitution, il signifie que le service public ne peut donner lieu à un traitement différencié des catégories de personnes en rapport avec lui.
Si le projet de loi, dans son article 4, consacre le principe de continuité en l'insérant formellement dans l'article 23-1 de la loi du 2 juillet 1990, rien ne justifie le fait que les autres principes précédemment cités en soient exclus.
Nous avons eu l'occasion, au cours de la présentation de nos divers amendements, d'expliquer en quoi ces principes sont essentiels et doivent être respectés par la future société anonyme, détenue à 49 p. 100 par des opérateurs privés, dont les préoccupations ne sont pas, par essence, la satisfaction de l'intérêt général.
Nous avons également mis en valeur le fait que, malgré les déclarations émanant du banc du Gouvernement ou de celui de la commission, les principes et les missions de service public ne seront jamais obligatoirement respectés.
Le Gouvernement et la commission ont néanmoins émis un avis défavorable sur l'ensemble de nos amendements, avançant des arguments peu convaincants à nos yeux.
Notre amendement n° 43 peut encore éviter que le service public que vous nous préparez, limité à la seule notion - particulièrement réductrice - de service universel, ne soit un service public au rabais.
Si, comme vous le soutenez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, tel ne peu être le cas, rien ne justifie le rejet de notre amendement, qui tend à intégrer dans le corps de l'article 4 l'ensemble des principes qui gouvernent le service public, et non pas uniquement le principe de continuité.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.
M. Claude Billard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Après des heures de controverse sur les trois premiers articles du projet de loi, après qu'ont été longuement pesés le pour et le contre quant aux conditions de la constitution de l'entreprise nationale France Télécom, après qu'on a commencé d'évoquer les contraintes nouvelles que le statut de société anonyme pouvait finir par imposer à notre opérateur public, nous voici parvenus à l'examen du premier amendement de la commission des affaires économiques.
Le nombre particulièrement réduit - quatre - d'amendements déposés par la commission saisie au fond et l'absence de dépôt de la moindre proposition émanant soit des sénateurs de la majorité parlementaire soit de leurs groupes constitués traduisent-ils un désintérêt pour les sujets abordés ou reflètent-ils un large accord, ne souffrant aucune contestation, aucune inflexion, sur le texte du projet de loi ?
Il est vrai que notre collègue Gérard Larcher, auteur d'un rapport sur le devenir de France Télécom, est un peu le père fondateur du présent projet de loi.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Merci !
M. Claude Billard. Une grande partie des recommandations exprimées dans ce rapport y ont en effet été retenues, dans la lettre et dans l'esprit, au point que l'on peut se demander si le travail de l'ancien député de Vélizy, devenu ministre, qui nous disait jadis qu'il fallait défendre coûte que coûte le service public à la française, n'a pas été occulté par celui du sénateur des Yvelines et maire de Rambouillet, dont le premier cité est, en principe, très proche sur le plan politique.
Cette attitude de la commission est d'ailleurs contradictoire avec l'orientation choisie lors du débat sur la réglementation des télécommunications, au cours duquel de nombreux amendements, traduisant d'ailleurs de légitimes préoccupations quant à la pérennité du service public des télécommunications, ont été déposés, et adoptés.
Par ailleurs, M. le rapporteur nous a expliqué que les conditions de la consultation des organisations syndicales de salariés avaient été remarquables.
Le projet de loi était à peine imprimé et la discussion du projet de loi sur la réglementation n'était même pas engagée que notre rapporteur avait, sans y associer un seul de ses collègues - et sûrement pas ceux des groupes de la minorité sénatoriale -, consulté les organisations syndicales.
Que de hâte à mettre en cause ce que des décennies et des décennies d'intervention publique ont pu construire ! Que de fièvre à livrer ainsi aux appétits gourmands de la Compagnie générale des eaux, de Bouygues et, bientôt, des trusts nord-américains de la téléphonie ce dont la nation a pu se doter en matière d'accomplissement des missions de service public !
C'est tellement évident que ce premier amendement de notre rapporteur porte précisément sur la continuité du service public, laquelle pourrait - même si cette notion est pour le moins imparfaite - être « distendue » par la menée prolongée et régulière d'opérations de cession d'actifs de l'entreprise France Télécom.
En clair, notre rapporteur semble nous recommander de faire en sorte que le solde de tout compte et la rentabilité de France Télécom ne puissent être assurés par d'obscures opérations tendant à dégager des plus-values.
Nous pourrions être tentés de voter un tel amendement, attentifs que nous sommes depuis le début de ce débat au maintien du service public. Mais il demeure un moyen encore plus simple de parer l'éventualité soulignée par cette proposition : maintenir l'intégrité publique de l'exploitant public.
C'est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 48.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vos arguments ne nous ont pas convaincus. Nous persistons à penser qu'il y a une contradiction entre l'affirmation du maintien du service public et le refus de protéger le réseau filaire de France Télécom.
Aujourd'hui, notre pays bénéficie d'un maillage performant et, surtout, respectueux de l'égalité des citoyens. Celle-ci, je le rappelle, est à la base de notre système social et de notre régime constitutionnel.
Notre souci est de voir France Télécom continuer d'assurer l'égalité entre les citoyens.
Que l'on habite Mende ou Paris, c'est une des originalités de la France que de proposer à chaque citoyen un service au même prix.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Il en va de la téléphonie comme du gaz ou de l'électricité. Et c'est cela qui a fondé la réussite de nos services publics.
Or, avec le texte de réglementation des télécommunications et avec le projet de loi que nous discutons aujourd'hui, c'est ce principe d'égalité que l'on tente de mettre à mal.
L'expérience prouve qu'une concession ou, pis, la cession d'une partie des infrastructures mènent à terme à des disparités criantes et à une augmentation des tarifs pour les petits usagers.
Il est tout de même frappant que les entreprises qui briguent les télécommunications, à savoir Bouygues, la Générale des eaux, la Lyonnaise des eaux, soient toutes de grandes sociétés qui ont su faire des profits sur la ressource en eau !
Le maillage du territoire constitué par le réseau filaire de France Télécom doit être protégé. En refusant qu'il puisse être loué, concédé ou apporté en société, nous défendons les petits usagers.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 52.
M. Claude Billard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Lors du débat relatif à la « réglementation des télécommunications », la semaine dernière, les explications que vous nous avez données, monsieur le ministre, concernant le RNIS, le réseau numérique à intégration de services, ne nous ont pas convaincus du bien-fondé de son absence au sein du service universel.
Sans revenir sur les raisons de notre refus de voir découper de manière arbitraire l'ensemble des services publics de télécommunications, je rappelle que, selon nous, il convient, ainsi que le suggérait notre collègue M. Trégouët par un amendement, d'intégrer le RNIS dans le service universel.
Notre pays a pris, en matière de réseaux à haut débit, un retard considérable, qu'il est nécessaire de combler au plus vite.
Le RNIS est une technologie coûteuse, que seule une volonté politique nationale est à même de mettre en place.
France Télécom a déjà très largement investi dans cette technologie, mais pas à la hauteur qu'exigerait l'équipement de notre territoire en la matière.
Peut-on croire que les entreprises privées auxquelles on concédera ce secteur seront à même de parer aux insuffisances et aux retards constatés dans le domaine des réseaux à haut débit ?
Ces nouvelles technologies sont pourtant indispensables à nos universités, à nombre d'établissements publics, ainsi qu'aux entreprises, qui peuvent faire transiter par ces réseaux de multiples informations.
C'est pourquoi nous avons déposé de nouveau cet amendement, qui vise à préciser que le RNIS de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société.
Cet amendement peut contribuer, à n'en pas douter, au maintien et au développement des moyens du service public des télécommunications. C'est pourquoi nous demandons qu'il fasse l'objet d'un scrutin public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste, républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 107:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 315158 |
Pour l'adoption | 93 |
Contre | 222 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5