M. le président. Par amendement n° 121 rectifié bis, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans la même loi un article 30-1 ainsi rédigé :
« Art. 30-1. - Jusqu'au 31 décembre 2006, les agents fonctionnaires affectés à France Télécom à la date de promulgation de la présente loi et âgés d'au moins 55 ans, à l'exception des agents pouvant prétendre à une pension à jouissance immédiate au titre de l'article L. 24-I-1) et 2) du code des pensions civiles et militaires de retraite, peuvent, sur leur demande et sous réserve de l'intérêt du service, bénéficier d'un congé de fin de carrière, s'ils ont accompli au moins 25 ans de services, à France Télécom ou dans un service relevant de l'administration des postes et télécommunications, pouvant être pris en compte pour la constitution du droit à pension en application de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
« Dans ce cas, les intéressés ne peuvent revenir sur le choix qu'ils ont fait. Ils sont mis à la retraite et radiés des cadres à la fin du mois de leur soixantième anniversaire.
« Au cours de ce congé de fin de carrière, ils perçoivent une rémunération, versée mensuellement par France Télécom, égale à 70 p. 100 de leur rémunération d'activité complète, composée du traitement indiciaire brut et des primes et indemnités correspondantes, au moment de leur entrée en congé de fin de carrière. Cette rémunération est assujettie aux cotisations prévues par les dispositions relatives aux assurances sociales et prestations familiales du code de la sécurité sociale.
« La période de congé de fin de carrière est prise en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension. France Télécom verse à l'Etat, au titre des agents en congé de fin de carrière, une contribution d'un montant égal à celui qui aurait résulté de l'application des dispositions des a) et c) de l'article 30 de la présente loi si ces agents étaient demeurés en activité à temps plein.
« Un décret fixe, le cas échéant, les modalités du présent article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 126, présenté par MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen ; ce sous-amendement vise, dans le texte proposé par l'amendement n° 121 rectifié bis pour l'article 30-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, à insérer, après le deuxième alinéa, un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Tout poste statutaire libéré par un agent bénéficiant des dispositions prévues par cet article est compensé par un nouveau recrutement. »
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 121 rectifié bis.
M. François Fillon, ministre délégué. Comme j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de le dire au Sénat, nous avons négocié cette réforme avec les partenaires sociaux qui l'ont souhaité. Cette négociation qui a été conduite notamment au sein de l'entreprise s'est poursuivie jusqu'à ces derniers jours, et a abouti au dispositif du congé de fin de carrière que cet amendement vise à mettre en place.
Ce dispositif tend à permettre le recrutement de jeunes dans une entreprise qui, M. le rapporteur l'a souligné à l'instant, a vieilli. Ce vieillissement est dû, comme je l'ai indiqué à la fin de la discussion générale, à la réduction très régulière des effectifs depuis 1984 : ceux-ci sont passés de quelque 170 000 agents en 1984 à quelque 150 000 agents aujourd'hui.
Cette diminution des effectifs, rendue nécessaire par les progrès technologiques et par la recherche d'une meilleure productivité, entraîne un rétrécissement de la base de la pyramide des âges du personnel de France Télécom. Afin de lutter contre ce vieillissement, le président de l'entreprise a négocié avec les partenaires sociaux ce dispositif, qui sera applicable pendant une période de dix ans et qui permettra aux fonctionnaires qui le souhaitent, et bien entendu à ceux-là seulement, de bénéficier d'un congé de fin de carrière à partir de cinquante-cinq ans en disposant d'un salaire qui s'élèvera à 70 p. 100 de leur rémunération globale.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour présenter le sous-amendement n° 126.
M. Robert Pagès. L'amendement n° 121 rectifié bis a pour objet de permettre à France Télécom « de développer une gestion dynamique de son personnel à l'heure où la pyramide des âges de l'entreprise affiche un vieillissement marqué et où le besoin de nouvelles compétences, dans de nombreux domaines émergents, se fait ressentir. »
Le Gouvernement a demandé au président de France Télécom de négocier une politique d'incitation au départ volontaire des personnels en fin de carrière, et, en compensation, d'augmenter de façon sensible le rythme des recrutements, en particulier au profit des jeunes.
L'amendement proposé vise à mettre en place ce dispositif. M. le ministre vient de préciser la durée et les conditions dans lesquelles pourrait s'appliquer ce congé de fin de carrière.
Une telle politique paraît effectivement intéressante dès lors que les agents ont tout loisir de refuser ou d'accepter les propositions de la direction de France Télécom.
A ce propos, monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous précisiez si la « rémunération d'activité complète » dont il est question pour calculer la rémunération du congé de fin de carrière comprend ou non les primes. Bien évidemment, nous sommes favorables à la prise en compte de ces dernières.
Si l'amendement présenté par le Gouvernement apparaît comme une avancée, il nous semble toutefois nécessaire de préciser que tout poste statutaire libéré par un agent souhaitant bénéficier d'un congé de fin de carrière est compensé par une embauche.
Dans la mesure où le Gouvernement, comme je l'ai indiqué au début de mon intervention, se dit soucieux de favoriser une politique de recrutement des jeunes, il sera sans doute favorable à ce sous-amendement, et ce d'autant plus que les jeunes sont particulièrement frappés par le chômage et que leur entrée sur le marché du travail se fait de plus en plus tard et dans des conditions de plus en plus précaires tant sur le plan de leur salaire que sur le plan de leur contrat.
Favoriser leur embauche dans une entreprise qui, grâce à son appartenance au secteur public, est à la pointe du secteur des télécommunications ne peut être que positif.
Tels sont les motifs qui nous ont conduits à présenter ce sous-amendement n° 126, qui prévoit que « tout poste statutaire libéré par un agent bénéficiant des dispositions prévues par cet article est compensé par un nouveau recrutement ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 121 rectifié bis et sur le sous-amendement n° 126 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'amendement n° 121 rectifié bis, qui est important, répond très précisément aux préoccupations de la commission et prend en compte les propositions qu'elle avait formulées au mois de mars dernier.
En effet, il faut tenir compte, d'une part, de la pyramide des âges - l'âge moyen à France Télécom est de quarante-trois ans et 62 p. 100 des personnels sont âgés de trente-six à quarante-neuf ans - et, d'autre part, de la nécessité d'embaucher des jeunes pour répondre aux nouveaux besoins de l'entreprise.
Le Gouvernement a répondu à notre préoccupation en proposant de mettre en oeuvre ce dispositif. Néanmoins, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si un départ volontaire en préretraite sera compensé par l'embauche d'un jeune. En effet, ce dispositif doit tendre non pas à ajuster les effectifs mais bien à dynamiser l'entreprise.
Aussi souhaiterais-je entendre la réponse de M. le ministre avant de me prononcer définitivement sur l'amendement n° 121 rectifié bis.
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Si le Sénat adopte l'amendement n° 121 rectifié bis, 25 000 à 30 000 fonctionnaires de France Télécom pourront, s'ils le souhaitent, bénéficier, pendant la période concernée, d'un congé de fin de carrière.
Le président de l'entreprise prend parallèlement l'engagement - et c'est l'un des points qui fera l'objet de la négociation avec les partenaires sociaux - de recruter 3 000 jeunes par an pendant dix ans, soit 30 000 jeunes.
Ma réponse est donc claire : l'objectif est bien de compenser un départ en congé de fin de carrière par l'embauche d'un jeune.
M. Pagès m'a demandé pourquoi ce dispositif ne figurait pas dans la loi. Tout d'abord, personne ne peut affirmer aujourd'hui avec certitude que cette mesure concernera autant de personnes que je l'ai indiqué. Il n'est en effet pas certain que tous les agents de France Télécom concernés par cette mesure souhaitent en bénéficier.
Il est donc nécessaire de laisser un minimum de souplesse pour permettre au président de l'entreprise de recruter, en moyenne, 3 000 jeunes par an, quel que soit, par ailleurs, le rythme des départs en congé de fin de carrière. Ainsi, on peut estimer que 25 000 à 30 000 congés de fin de carrière devraient être compensés par 30 000 embauches.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission sur l'amendement n° 121 rectifié bis ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La réponse de M. le ministre répond aux préoccupations que nous avions exprimées. Nous avons, en outre, noté qu'il sera nécessaire de recruter quelque 3 000 jeunes par an ; on peut envisager, à l'issue d'un certain nombre de consultations, que 25 000 à 30 000 agents de France Télécom demanderont à bénéficier de ce dispositif.
Voilà pourquoi la commission est favorable à l'amendement n° 121 rectifié bis , qui, selon nous, répond à la préoccupation de M. Pagès. Elle est donc défavorable au sous-amendement n° 126, qui est inutile, et demande à M. Pagès de le retirer.
M. le président. Monsieur Pagès, le sous-amendement n° 126 est-il maintenu ?
M. Robert Pagès. Oui, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 126 ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement, est défavorable à ce sous-amendement.
M. Pagès devrait lire dans le détail l'amendement n° 121 rectifié bis , notamment son troisième alinéa, qui dispose : « Au cours de ce congé de fin de carrière, ils perçoivent une rémunération, versée mensuellement par France Télécom, égale à 70 p. 100 de leur rémunération d'activité complète, composée du traitement indiciaire brut et des primes et indemnités correspondantes, au moment de leur entrée en congé de fin de carrière. » Il a donc, sur ce point, pleinement satisfaction.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 126.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec attention, bien sûr, votre réponse et je prends acte d'un certain nombre d'engagements.
Cela étant dit, vous le comprenez, nous aurions préféré, et de loin, inscrire cette disposition dans le projet de loi, même s'il avait été nécessaire de modifier quelque peu les termes de façon à laisser une certaine souplesse en matière de remplacement. Là, trop d'incertitudes demeurent.
Je crois volontiers ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, et je ne vous ferai pas l'offense de mettre en doute votre bonne foi. Cependant, comme nous l'avons précisé tout à l'heure, vous ne serez pas toujours ministre, même si vous souhaitez le rester longtemps, car les gouvernements passent.
L'inscription d'une telle disposition aurait donné beaucoup plus de force au texte. C'est pourquoi nous maintenons notre sous-amendement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai bien entendu M. le ministre et je n'ai pas de raison, moi non plus, de douter de sa bonne foi. Cependant, les relations politiques et l'écriture de la loi ne sont pas faites de relations personnelles. Par conséquent, nous sommes obligés de traiter au fond, et, à cet égard, j'admire la litote de mon collègue communiste,...
M. Robert Pagès. Je vous remercie, mon cher collègue.
M. Jean-Luc Mélenchon. ... selon laquelle nous n'avons pas de certitude. En l'occurrence, nous en avons une, et c'est pourquoi je parlais de litote. En effet, quelles que soient les intentions du ministre aujourd'hui, nous traitons d'une période qui s'étendra sur dix ans. La nature même du nouveau statut de la société nationale fait que sa direction conserve toute latitude d'apprécier ce qu'il y a lieu de faire. Alors, ou bien on l'inscrit dans la loi et on considère que ce système de remplacement de fonctionnaires par d'autres fonctionnaires plus jeunes est un impératif lié à la mutation que va subir la société nationale - on le prend dans le tout et peut-être même comme une garantie que, en définitive, les fonctionnaires demeureraient les plus nombreux dans l'avenir - ou on ne le fait pas, et alors nous connaissons au moins la contradiction qui éclate entre ce que nous dit le ministre - et nous le croyons bien volontiers - et les propos du président actuel de France Télécom, que nous devons également croire, aux termes desquels le recrutement de fonctionnaires n'est pas le sujet car lorsqu'on tourne la page il faut la tourner pour de bon - et on le comprend du point de vue de la logique qui va être dorénavant celle de la nouvelle société France Télécom.
Aussi, deux questions sont soulevées en cet instant et demeureront pendantes nonobstant les garanties qui sont données ce soir et qui, j'en suis sûr, seront répercutées dès demain sur les lieux de travail par les syndicalistes qui suivent de très près notre débat en ces termes : le ministre en charge a pris l'engagement, sur dix ans.
Première question qu'ils auront à se poser : que vaut cet engagement quand le ministre n'est plus le même ? Il arrive d'ailleurs qu'un ministre de bonne foi soit conduit à dire le lendemain, avec une égale bonne foi, le contraire de ce qu'il avait dit la veille, simplement parce que les conditions ont évolué. Sur ce plan, nous sommes aux frontières de l'incertitude.
La seconde question, c'est évidemment celle du comportement de l'entreprise, qui peut parfaitement choisir de prendre appui sur ce dispositif, dont l'amendement n° 121 rectifié bis constitue le coeur, et considérer que l'Etat fait ce qu'il veut. Il donne une possibilité à ses fonctionnaires de s'en aller, soit ; mais si l'entreprise, elle n'a pas envie de fonctionnaires et préfère recruter des travailleurs sous statut privé, notamment parce que c'est plus souple... Je ne ferai pas l'injure à notre assemblée de répéter les arguments qui, de nos jours, plaident d'une manière générale en faveur de la flexibilité.
Voilà pourquoi, tant qu'à faire, je souhaite que le sous-amendement du groupe communiste républicain et citoyen soit adopté. M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Je ne demande pas au Sénat de voter sur la seule foi de mes déclarations. Le texte que nous allons examiner dans quelques instants...
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... est clair !
M. François Fillon, ministre délégué. ... prévoit la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux avant le 31 décembre 1996. Monsieur Mélenchon, je rappelle que le président de France Télécom reste nommé par le Gouvernement et que l'Etat demeure majoritaire dans cette entreprise. Les indications que je viens de donner sont le résultat des négociations qui ont été conduites dans l'entreprise par le président de France Télécom. Elles feront l'objet d'un accord qui permettrra à l'ensemble des partenaires sociaux de se faire entendre et qui aboutira, avant la fin de l'année, je le souhaite, à la signature d'un accord allant dans le sens de ce que je viens d'indiquer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 126, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 121 rectifié bis.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Il est évidemment assez délicat de voter contre l'amendement. Je le ferai cependant, par souci de cohérence avec mon opposition à l'ensemble du texte, tout en reconnaissant que ce n'est pas facile. Nous savons en effet tous très bien que cet amendement résulte d'une négociation dont vous inscrivez le fruit dans la loi.
En France, un régime particulier régit les rapports entre les partis de gauche et les syndicats. Nous sommes une exception européenne et, en particulier, le mouvement socialiste. Dans tous les pays de l'Europe du Nord, soit le parti a créé le syndicat, soit le syndicat a créé le parti, sauf en France. Nous entretenons donc des rapports d'indépendance, d'autant plus nécessaires que, sur des matières aussi importantes que celles-ci, les syndicats en viennent à avoir des appréciations différentes parce que, autre spécificité française, le pluralisme syndical permet chez nous une richesse d'expression qui, parfois, aboutit à un appauvrissement collectif.
Je note, monsieur le ministre, qu'il vous est arrivé la même mésaventure qu'avec un certain communiqué de l'AFP, puisque nous sommes passés de l'amendement n° 121 à l'amendement n° 121 rectifié puis à l'amendement n° 121 rectifié bis. Vous voyez qu'une rédaction peut être modifiée sans que le fond soit changé substantiellement. Voilà ce que j'ai essayé de vous expliquer à propos des communiqués de mon parti à l'AFP.
Cet amendement est le fruit d'un accord, qui ne fait pas l'unanimité. Pour nous, porte-parole de la gauche politique, c'est une situation extrêmement embarrassante car, de facto, une partie du mouvement syndical, en entrant dans cette logique à cet instant, c'est-à-dire au moment où le projet de loi est examiné au Parlement, nous signifie que le combat doit cesser. Et vous êtes en situation de me faire cette objection.
C'est pourquoi je dis qu'il est difficile de ne pas voir que cet amendement contient un certain nombre de dispositions extrêmement favorables pour les travailleurs qui sont actuellement en activité à France Télécom. Il est impossible de le contester.
Mais le fond du problème pour un parlementaire, pour un élu politique, ce n'est pas uniquement l'intérêt catégoriel de cet accord, c'est la logique d'ensemble. Or, je le redis, cet amendement prépare et organise la sortie progressive de nombre des fonctionnaires qui constituent aujourd'hui le corps de France Télécom.
M. le ministre nous a répondu précédemment qu'il n'y avait pas que sa parole qui était engagée, mais que c'était sur cette base - et avec quelle garantie pour vos partenaires syndicaux, monsieur le ministre, personne ne peut le contester, cela figure dans la loi, donc c'est fort ! - que l'on allait négocier la mise en oeuvre de cette disposition. Mais vous savez que cette mise en oeuvre peut donner lieu à toutes sortes d'interprétations. M. Larcher, tant dans son rapport n° 260 que dans son intervention dans la discussion générale, ne précise-t-il pas avec force qu'il ne faudrait pas embaucher d'un seul coup et pour solde de tout compte ? Il imagine que le processus doit s'étaler et, dans cet étalement, on retrouvera les aléas de la conjoncture.
C'est pourquoi l'idée que cette affaire soit scellée par une négociation ne me paraît pas être une garantie suffisante au sens où nous l'entendons nous, en cet instant, qui est le point de vue non pas des syndicalistes, mais des politiques. Pour les syndicalistes, cela peut paraître satisfaisant. Pour nous, qui combattons ce projet de loi, cela ne l'est pas.
Au demeurant, le président de France Télécom demeurera nommé par le Gouvernement, dites-vous. Mais encore faut-il que la convention aboutisse, encore faut-il que des syndicats acceptent de la signer et, si tel est le cas, encore faut-il que ceux-ci soient représentatifs - ils le sont - et que leur position particulière par rapport aux votes des salariés de cette entreprise soit suffisamment significative pour que l'on puisse conclure qu'il s'agit bien d'une majorité des salariés qui, à travers ces syndicats, aura donné son accord à cette convention. Vous le voyez, il y a là un point d'interrogation de plus.
Enfin, monsieur le ministre, je terminerai par une petite pique, qui ne vous est pas destinée.
Puisque vous nous dites que telles sont vos intentions, que telle est votre ferme volonté et que le président de France Télécom est nommé par le Gouvernement et doit le rester, je me permets d'attirer l'attention de notre assemblée sur le fait que, tandis que le ministre prend de courageux engagements en faveur des salariés fonctionnaires de France Télécom, il est tout à fait déplorable que le président nommé par le Gouvernement raconte l'inverse. Il me semble - et peut-être cela participerait-il au climat des garanties à donner - que ce président-là ne devrait pas le rester trop longtemps. (M. le rapporteur sourit.)
En effet, quelle confiance peut-on avoir dans un président qui a l'audace, alors même qu'il est une autorité subordonné, de dire l'inverse de ce que déclare le ministre ? Je pense que ce point mérite réflexion. Quant à nous, nous n'aurions aucun chagrin à ce changement de responsable.
M. le président. Monsieur Mélenchon, veuillez conclure !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'était ma chute. Je reprendrai la parole pour expliquer mon vote.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu me confirmer qu'il s'agissait de l'ensemble des primes et indemnités. Le mot « correspondantes » m'avait quelque peu troublé, mais vous m'avez pleinement rassuré, et je vous en remercie.
Je reprends ce que j'ai dit sur le sous-amendement n° 126. La disposition qui consisterait seulement à permettre le départ à la retraite d'agents selon les conditions que vous avez émises serait certainement une chose correcte et intéressante. Cependant, si ces départs n'étaient pas remplacés nombre pour nombre par de nouveaux agents, nous ne pourrions pas être satisfaits.
Je l'ai dit tout à l'heure, je ne mets pas en doute votre parole ; mais je mets en doute l'évolution, que nous jugeons probable, de la politique de privatisation qui a été commencée avec ce projet de loi.
C'est pourquoi, malgré les avancées de ce texte, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra lors du vote sur l'amendement n° 121 rectifié bis .
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai conclu mon intervention précédente en montrant qu'il existait une contradiction entre les propos du ministre et ceux du président de France Télécom. Il faudra bien que quelqu'un finisse par partir, ou le ministre ou le président. L'histoire tranchera et nous verrons bien.
J'en viens à mon explication de vote.
J'ai évoqué tout à l'heure, mes chers collègues, la difficulté à laquelle, sur ce point, un orateur socialiste se trouve confronté. Il s'agit incontestablement d'un accord conclu avec les syndicats. Cet accord conduit incontestablement les syndicats qui l'ont négocié à regarder d'un oeil peut-être moins défavorable le projet de loi dont nous débattons et, incontestablement aussi - et ce fait est très important à mes yeux - ce document comporte de véritables avancées au bénéfice des fonctionnaires aujourd'hui employés par France Télécom. Personne ne peut le nier, et c'est même un beau cadeau que de leur ouvrir la possibilité de partir après vingt-cinq ans d'activité avec 80 p. 100 de leur salaire. Il s'agit d'une belle opportunité, et l'on peut penser qu'un certain nombre de salariés de l'entreprise la saisiront.
Reste que, comme je l'ai dit tout à l'heure, mon point de vue ne peut pas être celui des syndicalistes. A l'opposé, on n'imagine pas non plus que, engageant l'ensemble de mon groupe et même mes convictions les plus profondes en la matière, je vote contre une disposition qui, au sein d'un processus que je considère globalement comme une déroute - ce jugement concerne non seulement le projet de loi, mais également l'accord - profitera à certains salariés.
C'est la raison pour laquelle, confronté à ce dilemme, je choisis de m'abstenir, laissant la responsabilité de cette situation à ceux qui l'ont créée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 121 rectifié bis, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Article 7