M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Millaud propose d'ajouter, après l'article unique, un article ainsi rédigé :
« Le 10° de l'article 28 de la loi organique est complété par les dispositions suivantes :
« Le conseil des ministres du territoire autorise, à peine de nullité, les transferts de propriété immobilière lorsque l'acquéreur est une société civile ou commerciale ou, s'il s'agit d'une personne physique, lorsqu'elle n'est pas domiciliée en Polynésie française ou s'il n'a pas la nationalité française.
« Le conseil des ministres du territoire peut, en outre, dans ce cas, exercer un droit de préemption au nom du territoire sur les immeubles en cause à charge de verser aux ayants droit le montant de la valeur desdits immeubles. Cette valeur est alors évaluée comme en matière d'expropriation. Il en est de même en cas de locations de propriétés immobilières d'une durée égale ou supérieure à dix ans. »
Par amendement n° 2, M. Lanier, au nom de la commission, propose d'ajouter, après l'article unique, un article, ainsi rédigé :
« Le 10° de l'article 28 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil des ministres du territoire autorise, à peine de nullité, les transferts de propriété immobilière lorsque l'acquéreur est une société civile ou commerciale ou, s'il s'agit d'une personne physique, lorsqu'elle n'est pas domiciliée en Polynésie française ou si elle n'a pas la nationalité française.
« Le conseil des ministres du territoire peut, en outre, dans ces cas, exercer un droit de préemption au nom du territoire sur les immeubles en cause à charge de verser aux ayants droits le montant de la valeur desdits immeubles. Cette valeur est alors évaluée comme en matière d'expropriation. Il en est de même en cas de locations de propriétés immobilières d'une durée égale ou supérieure à dix ans.
« Les décisions du conseil des ministres relatives aux transferts de propriété immobilière ou à l'exercice du droit de préemption doivent être motivées par la mise en oeuvre d'une politique territoriale de l'habitat, l'organisation du maintien, de l'extension ou de l'accueil des activités économiques, la promotion du développement des loisirs et du tourisme, la réalisation des équipements collectifs, la lutte contre l'insalubrité, la sauvegarde ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti et des espaces naturels. »
La parole est à M. Millaud, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Daniel Millaud. Notre rapporteur, avec le talent qu'on lui connaît,...
M. Emmanuel Hamel. Immense talent !
M. Daniel Millaud. ... vient de faire une double démonstration.
Il a démontré que, malgré leur sagesse et leurs connaissances, les parlementaires pouvaient commettre des erreurs et confondre des dispositions organiques avec des dispositions ordinaires, ce qui a bien sûr provoqué l'annulation par le Conseil constitutionnel de l'article 13 de la loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, annulation qui est à l'origine de la proposition de loi organique dont nous discutons aujourd'hui.
Il a fait, ensuite, référence au Conseil constitutionnel.
J'ai rédigé cet amendement n° 1 en me référant justement à la décision du 9 avril 1996, qui précise que, à l'article 2 de la décision du 30 août 1984, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française. La rédaction de cet amendement est donc constitutionnellement correcte.
Toutefois, l'amendement n° 2 de M. Lanier correspond, davantage, me semble-t-il, aux nouvelles conditions émises par le Conseil constitutionnel. Et comme la démonstration est faite que ce dernier change souvent d'avis dans des décisions portant exactement sur le même objet, je retire l'amendement n° 1, en souhaitant que l'amendement n° 2 soit adopté par le Sénat.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je remercie M. Millaud d'avoir retiré son amendement.
Pourquoi la commission a-t-elle préféré déposer cet amendement n° 2, qu'au départ elle considérait comme un sous-amendement à l'amendement n° 1 de notre excellent collègue M. Daniel Millaud ? Tout simplement parce qu'elle a désiré tenir compte des considérants du Conseil constitutionnel, que je me permets de relire : « Considérant que le 13° de l'article 28 organise un régime discrétionnaire d'autorisation préalable à la réalisation d'opérations de transfert de propriété qui peuvent concerner des catégories de droits multiples, sans préciser les motifs se référant à des fins d'intérêt général sur lesquels le conseil des ministres devrait, sous le contrôle du juge, fonder sa décision ; ».
Dans ces conditions, il était logique de rétablir dans la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française la disposition relative au régime d'autorisation de transfert de propriété immobilière et à l'exercice du droit de préemption en adaptant sa rédaction pour prendre en considération les observations formulées par le Conseil constitutionnel, d'où cette nouvelle rédaction, particulièrement en son dernier paragraphe. Les considérants du Conseil constitutionnel sont ainsi parfaitement respectés.
Certes, monsieur le ministre, une nouvelle navette entre les deux assemblées va être nécessaire, mais cela me paraît tout de même véniel, car les lois doivent être complètes - c'est de notre responsabilité - et une telle navette ne devrait pas susciter de difficultés, même en cette fin de session parlementaire.
J'insiste donc, monsieur le ministre, au nom de la commission des lois, pour que le Gouvernement accepte cet amendement n° 2, qui a une valeur certaine et qui ne peut que parfaire la loi portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement comprend parfaitement le sens et l'objet de cet amendement mais - anticipant sur ma réponse, vous l'avez dit - il souhaite un vote conforme de ce projet de loi organique, qui a pour objet de rectifier une disposition importante pour le fonctionnement des nouvelles institutions de la Polynésie française - vous l'avez également souligné, monsieur le rapporteur. Il y a donc lieu d'aller vite.
Il est vrai que, sur un territoire composé de cent dix-huit îles, la maîtrise des terres émergées est nécessaire pour assurer le développement équilibré des différentes activités qui ont vocation à s'exercer.
En outre, le problème foncier, nous le savons, est très complexe et très sensible en Polynésie française.
Les lois du 6 septembre 1984 et du 12 juillet 1990 ont respectivement instauré et renforcé le régime d'autorisation préalable et de droit de préemption.
Je prends acte de la rédaction de l'amendement, qui prévoit que les décisions d'autorisations ou de refus devront être justifiées par des motifs d'intérêt général : politique territoriale de l'habitat, développement des activités économiques, promotion du développement des loisirs et du tourisme, réalisation d'équipements collectifs, lutte contre l'insalubrité, mise en valeur des espaces du patrimoine. Cette rédaction nous paraît de nature à lever le motif d'inconstitutionnalité qui avait été retenu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril 1996.
Monsieur Millaud, compte tenu de l'urgence qu'il y a à régler le problème, je vous propose - je ne sais pas si la Haute Assemblée sera d'accord - d'élaborer une proposition de loi organique sur ce projet particulier. Je prends l'engagement qu'elle viendra rapidement en discussion et qu'elle aboutira.
En effet, le calendrier étant très serré, il n'est pas évident que nous puissions avoir un retour de la proposition de loi organique que nous examinons aujourd'hui si elle doit passer de nouveau devant l'Assemblée nationale. Une motion de censure a été déposée et de nombreux textes sont en attente, notamment le projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer, sans compter les inscriptions nouvelles que nous demandons à chaque fois. Il risque donc de se poser un problème pour l'entrée en vigueur rapide de ce texte.
Cela dit, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée en lui demandant de prendre en compte les réserves que je viens de faire sur l'aboutissement d'une éventuelle navette.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Daniel Millaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Monsieur le ministre, je suis tout prêt à siéger demain ! A défaut de président, je présiderai la séance s'il le faut.
M. le président. Il y a toujours un président quand il le faut !
M. Daniel Millaud. Je remplacerai le rapporteur et, si c'est nécessaire, je vous remplacerai même au banc du Gouvernement ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Le ministre est irremplaçable !
M. Daniel Millaud. Monsieur le ministre, soyons sérieux ! S'il existe véritablement une impossibilité de faire adopter ce texte, c'est à vous de prendre l'engagement public - il faut savoir si notre commission sera d'accord - de déposer toute de suite un projet de loi organique afin qu'il soit examiné par notre assemblée territoriale immédiatement et par le Parlement dès la première semaine du mois d'octobre.
Monsieur le ministre, le problème foncier dans notre territoire est excessivement complexe, vous le savez. Il peut même en résulter de véritables drames, croyez-moi ! Certains hommes de loi, par exemple, pourraient faire de multiples tractations, ventes, des choses absolument pas normales !
Je n'ai pas l'intention de prendre la responsabilité de déposer une proposition de loi organique ; c'est à vous qu'incombe la responsabilité de nous soumettre un projet de loi organique.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Monsieur le sénateur, j'ai simplement un doute sur l'efficacité de la navette par les temps qui courent.
Pour répondre à votre contre-proposition, je prends l'engagement devant vous de déposer un projet de loi organique immédiatement sur cette disposition, dont je mesure combien elle est sensible et importante.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Monsieur le ministre, je vous remercie de la déclaration que vous venez de faire à l'instant en répondant à M. Millaud et que vous n'aviez pas faite dans un premier temps !
Comme vous le disait M. Millaud, il y a effectivement le risque d'un second considérant du Conseil constitutionnel pour refuser cette disposition, ce qui serait une première dans l'histoire des rapports du Parlement avec le Conseil constitutionnel. Mais le sujet qui est débattu et dont nous avons la responsabilité est important, d'autant que, vous l'avez très bien dit, ces territoires extrêmement dispersés ont justement besoin d'une législation forte.
Après votre première déclaration, j'étais décidé à dire que la commission des lois m'avait mandaté pour maintenir cet amendement.
Dans votre sagesse, vous avez déclaré qu'il y avait effectivement un risque. Etant donné l'urgence de cette disposition, il vaut mieux ne pas courir un tel risque. Aussi, si vous confirmez votre engagement formel de déposer un projet de loi organique, monsieur le ministre, au nom de la commission je retirerai l'amendement n° 2.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je vous confirme que je vais déposer immédiatement un projet de loi organique sur cette disposition. C'est une bonne démarche que j'ai l'intention d'entreprendre tout de suite. D'ailleurs le texte est pratiquement prêt, si toutefois il n'y a pas d'autres dispositions à y inclure.
Dans cette affaire, mon souci est vraiment l'urgence, je veux éviter une navette de cette proposition de loi organique.
Nous avons quand même un léger doute - vous l'avez souligné au début de votre intervention - sur le fait que, même si le fond de la disposition concernée reste le même, l'Assemblée territoriale n'a pas été consultée. Nous ne savons donc pas comment le Conseil constitutionnel pourrait réagir.
S'engager à déposer un projet de loi organique ne suffit pas. On peut en effet très bien s'arrêter là, prenant le prétexte d'un calendrier parlementaire chargé. Je m'engage donc aussi à le faire aboutir très rapidement.
M. Emmanuel Hamel. Donc, un texte sera déposé très rapidement !
M. Lucien Lanier, rapporteur. Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 2.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 112:

Nombre de votants 300
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue des suffrages 112
Pour l'adoption 223

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