M. le président. La parole est à Mme Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Les accords de Dayton ont mis fin à la guerre en Bosnie. C'est une réalité, mais la Bosnie est un pays anéanti : la quasi-totalité de son potentiel industriel est détruite et 2 700 000 personnes ont été déplacées.
Cette paix américaine imposée est réelle, mais elle est fragile. Elle se maintient depuis six mois, mais avec en toile de fond des ruines, des voisins peu coopérants, à Zagreb ou à Belgrade, des criminels de guerre qui nous narguent, Karadzic et Mladic pour ne citer qu'eux.
Ma première question, monsieur le ministre, porte sur ces criminels de guerre : doivent-ils être arrêtés et traduits devant le tribunal international tout de suite, c'est-à-dire avant les élections, avant notre départ, ou après ?
Cette paix, enfin, est assurée par les 60 000 hommes de l'IFOR, dont 8 000 Français, parmi lesquels on trouve 40 p. 100 d'appelés volontaires. Or la mission de l'IFOR expire le 20 décembre, dans six mois exactement. Les Américains l'ont décidé, les accords de Dayton le stipulent et Bill Clinton le confirme : ils partiront.
Ce pays ruiné et non reconstruit pourra-t-il se passer de la présence et de la protection des troupes étrangères ? La réponse est non ; la guerre reprendrait immédiatement.
Peut-on alors se contenter de dire, comme vous l'avez fait à Berlin, monsieur le ministre, que la prochaine échéance importante en Bosnie, ce sont les élections en septembre, que l'heure des responsabilités a sonné pour ce pays et que le calendrier est inexorable ?
Difficile d'imaginer pire logique ! Et la responsabilité des puissances européennes, monsieur le ministre ? C'est aussi de la paix dans les Balkans, en Europe, chez nous, qu'il est question.
Les Européens devront donc décider s'ils quittent la Bosnie et l'abandonnent à son sort ou s'ils restent, sans les Américains, pour garantir la paix, leur paix.
La décision n'est pas prise. Quelle est votre position à ce sujet, monsieur le ministre ? C'est ma deuxième question.
Si les puissances européennes décident de rester sans les Américains, serons-nous capables de mener seuls cette opération en termes d'hommes et de matériel ? C'est ma troisième question.
Le pilier européen dans l'OTAN est un projet. Permettez-moi de regretter que la France et l'Europe renoncent à une défense indépendante.
M. le président. C'est la dernière question ?...
Mme Josette Durrieu. La mise en oeuvre des accords de Berlin, avec la constitution de groupes de forces interarmées, prendra du temps. Or le défi est immédiat. Sommes-nous prêts ?
Pour conclure, comme vous m'y invitez, monsieur le président, je dirai que la guerre de Bosnie est une guerre régionale classique, et qu'elle en cache d'autres.
M. le président. Madame, je vous en prie, concluez !
Mme Josette Durrieu. Elle nous replace au coeur du débat sur la programmation militaire, que nous avons eu ce matin. Je suis élue des Hautes-Pyrénées et de Tarbes. On restructure l'armée et l'armement, on licencie dans les arsenaux, on supprime des garnisons, on supprime le service militaire...
M. le président. Ce n'est plus la même question !
Mme Josette Durrieu. ... mais on n'a pas répondu aux questions essentielles.
Bientôt, la Bosnie sera pour nous, pour vous, un moyen de tester toutes les volontés en Europe, mais aussi votre politique. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, je devrais pouvoir disposer de dix minutes puisque Mme Durrieu a posé quatre questions (Sourires.) ...
M. Guy Penne. Nous sommes d'accord !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. ... mais je vais m'efforcer d'être bref tout en apportant les éléments de réponse qui sont en ma possession.
La prochaine échéance vitale pour la Bosnie-Herzévogine est la tenue des élections. La France, avec l'ensemble de la communauté internationale, a exprimé le souhait, lors du sommet de Florence, que ces élections, dont la date sera fixée par le président de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE aient lieu le 14 septembre, c'est-à-dire à la date limite autorisée par les accords de Paris. Je vous rappelle à cet égard, madame Durrieu, que ces accords ont été signés dans notre capitale.
Faut-il arrêter M. Karadzic ? Bien évidemment, et le plus tôt sera le mieux : la place de M. Karadzic est devant le tribunal pénal international. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées socialistes et sur celles du RDSE.)
L'IFOR doit-elle rester après la fin du mandat qui lui a été confié par le Conseil de sécurité ? Au risque de ne pas être de votre avis, madame Durrieu, ce qui me ferait beaucoup de peine, je vous confirme que la position de la France est très claire et qu'elle ne changera pas : nous sommes tous arrivés ensemble, dans le cadre de l'Alliance atlantique, en Bosnie-Herzégovine, et nous repartirons ensemble. Il est hors de question que l'une des nations puisse, de son propre chef, décider que ses troupes partent et que les autres restent.
Quant à ce qui se passera à l'avenir, la question mérite de retenir toute notre attention. La France a proposé d'instituer une période de stabilisation de deux années d'ici à l'été 1998.
Dans ce laps de temps, devra être poursuivie la mise en oeuvre du processus civil de paix, dans lequel il est évident que, jour après jour, les responsables locaux devront prendre une responsabilité croissante.
Il est de notre devoir de dire qu'il faut passer, par étape mais de façon résolue, d'une situation d'assistance de la communauté internationale à une situation de responsabilité de la population et des dirigeants locaux.
Enfin, quant à savoir ce que fera l'IFOR, je crois que le moment n'est pas venu d'aborder cette question. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir à la fin de l'année sur le fondement très précis du principe que je me suis permis de vous rappeler. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
MAINTIEN DE LA PROTECTION SOCIALE
DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER