M. le président. « Art. 5. - L'article 345-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 345-1. - L'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise :
« 1° Lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint ;
« 2° Lorsque l'autre parent que le conjoint s'est vu retirer totalement l'autorité parentale ;
« 3° Lorsque l'autre parent que le conjoint est prédécédé et n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Par amendement n° 3, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 345-1 du code civil :
« 3° Lorsque l'autre parent que le conjoint est décédé et n'a pas laissé d'ascendants. »
Par amendement n° 32, M. Sérusclat, Mmes Dieulangard et ben Guiga, MM. Dreyfus-Schmidt et Mazars, et les membres du groupe socialiste proposent, dans le dernier alinéa (3°) du texte présenté par l'article 5 pour l'article 345-1 du code civil, de remplacer les mots : « au premier degré ou lorsque ceux-ci » par les mots : « jusqu'au deuxième degré ni de colatéraux, ou lorsque ceux-ci ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Il s'agit de revenir à la position adoptée par le Sénat lors de la première lecture en ce qui concerne l'adoption plénière des enfants du conjoint.
La commission souhaite que l'article 345-1 du code civil la permette lorsque le parent conjoint décédé n'a pas laissé d'ascendant, sans préciser leur nombre ni leur degré. En effet, s'il y a encore un ascendant, il n'est pas souhaitable de couper les liens de l'enfant avec la famille de son parent décédé, qu'il s'agisse d'un grand-parent ou même d'un arrière-grand-parent, ce qui est très possible aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga, pour défendre l'amendement n° 32.
Mme Monique ben Guiga. Nous pensons qu'il faut tenir compte de la présence d'ascendants jusqu'au deuxième degré et de colatéraux. Il est bon de ne pas prononcer une adoption plénière par un conjoint si l'enfant a encore une famille du côté du parent décédé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 32 ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. En effet, tenir compte de la présence de colatéraux, c'est, selon nous, aller beaucoup trop loin, d'autant que rien n'empêche le juge de tenir compte de l'existence de colatéraux qui se manifesteraient, ce qu'ils ont toujours le droit de faire, et d'apprécier s'il est ou non dans l'intérêt de l'enfant d'être adopté plénièrement par le conjoint de son parent survivant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 3 et 32 ? M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. S'agissant de l'amendement n° 3, comme je l'ai indiqué en première lecture, il nous semble opportun d'assouplir les dispositions en vigueur prohibant l'adoption plénière de l'enfant du conjoint et de permettre celle-ci non seulement dans le cas où le premier conjoint du parent qui se remarie est décédé sans ascendant, mais également lorsque le mineur n'a plus aucun lien affectif ni de relation avec la proche famille du prédécédé, c'est-à-dire avec ses grands-parents.
La rédaction proposée par l'Assemblée nationale répond de manière satisfaisante à ces hypothèses et correspond à l'intérêt de l'enfant. En effet, la notion de désintérêt manifeste est déjà connue de notre droit et ne saurait prêter à discussion.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut être favorable à l'amendement n° 3.
En ce qui concerne l'amendement n° 32, sans méconnaître bien évidemment les préoccupations de ses auteurs, le texte proposé par l'Assemblée nationale me paraissait constituer un équilibre satisfaisant en ce qu'il visait la proche famille, parents et grands-parents.
Je pense que les arguments qui militent en faveur de l'assouplissement des dispositions en vigueur prohibant l'adoption plénière doivent primer sur des situations très rares en pratique. Il ne me semble donc pas utile d'aller au-delà du texte voté, alors qu'il appartiendra au juge d'apprécier en fonction de l'intérêt de l'enfant, dans chaque situation qui lui est soumise, l'opportunité de prononcer une adoption simple ou une adoption plénière.
En tout état de cause, les éventuels grands-parents, oncle ou tante de l'enfant pourraient le cas échéant se voir accorder, sur le fondement de l'article 371-4 du code civil, un droit de visite à l'égard de l'enfant adopté plénièrement. Cette discussion reste bien évidemment ouverte et, sur cet amendement-là, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Le désintérêt manifeste des parents, c'est une chose connue du code civil, mais cette notion ne peut pas s'appliquer de la même manière aux grands-parents, surtout dans le cas particulier du décès d'un parent qui, jusque-là, s'occupait normalement de l'enfant. Je ne crois donc pas que l'on puisse faire un amalgame. C'est pourquoi je maintiens cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
Mme Monique ben Guiga. Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 32 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6 bis