SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Questions orales
(p.
1
).
M. le président.
CONDITIONS D'ATTRIBUTION DES BOURSES D'ÉTUDES
AUX ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE
D'INSTITUT UNIVERSITAIRE PROFESSIONNALISÉ (p.
2
)
Question de Mme Janine Bardou. - M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Mme Janine Bardou.
MOYENS ACCORDÉS AUX ASSOCIATIONS COMPLÉMENTAIRES
DE L'ÉCOLE (FRANCAS) (p.
3
)
Question de M. Alain Richard. - MM. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Alain Richard.
SITUATION DU GROUPE SCOLAIRE MARIE-CURIE
DE NOGENT-SUR-MARNE (p.
4
)
Question de M. René Rouquet. - MM. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; René Rouquet.
APPRENTISSAGE ET FORMATION (p. 5 )
Question de M. René-Pierre Signé. - MM. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; René-Pierre Signé.
AIDE AU RETOUR ET À L'INSTALLATION DE JEUNES ÉTRANGERS
DANS LEUR PAYS D'ORIGINE (p.
6
)
Question de M. Christian Demuynck. - MM. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration ; Christian Demuynck.
FORT 2000 (p. 7 )
Question de M. Christian Demuynck. - MM. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration ; Christian Demuynck.
INSÉCURITÉ DANS LES STADES EN ILE-DE-FRANCE (p. 8 )
Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Guy Drut, ministre délégué à la
jeunesse et aux sports ; Jean-Jacques Robert.
PROROGATION DES RÈGLEMENTS EN MATIÈRE D'ARRACHAGE DANS L'ATTENTE D'UNE RÉPONSE
DE L'ORGANISATION COMMUNE DES MARCHÉS-(OCM) VITIVINICOLE (p.
9
)
Question de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Guy Drut, ministre délégué à la jeunesse
et aux sports ; Jean-Marc Pastor.
CONSÉQUENCES POUR LES CAVES COOPÉRATIVES VITICOLES DU DYSFONCTIONNEMENT DES
PROCÉDURES D'AIDES DE L'ÉTAT ET DU FONDS EUROPÉEN D'ORIENTATION ET DE GARANTIE
AGRICOLE (p.
10
)
Question de M. André Vezinhet. - Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de
la francophonie ; M. André Vezinhet.
EXPORTATIONS FRANÇAISES D'ÉLECTRICITÉ (p. 11 )
Question de M. Philippe Richert. - Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie ; M. Philippe Richert.
RECONVERSION DU SITE DU PLATEAU D'ALBION (p. 12 )
Question de M. Alain Dufaut. - Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la
francophonie ; M. Alain Dufaut.
3.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Malte
(p.
13
).
4.
Questions orales
(p.
14
).
EXCÈS DES TÂCHES NON JURIDICTIONNELLES
INCOMBANT AUX MAGISTRATS
DE L'ORDRE JUDICIAIRE (p.
15
)
Question de M. Jean-Pierre Vial. - Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie ; M. Jean-Pierre Vial.
INADAPTATION DE LA RN 504
À LA CROISSANCE DU TRAFIC ROUTIER
ET NOTAMMENT DE POIDS LOURDS (p.
16
)
Question de M. Jean-Pierre Vial. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Jean-Pierre Vial.
DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES
DU SECOND OEUVRE DU BÂTIMENT
ET PRATIQUES DE PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS (p.
17
)
Question de M. Yann Gaillard. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Yann Gaillard.
TRACÉ DU TGV EST : PRÉSERVATION DU SITE
DE BONNE-FONTAINE SITUÉ DANS LE PARC NATUREL
DES VOSGES DU NORD (p.
18
)
Question de M. Charles Metzinger. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Charles Metzinger.
POLITIQUE DU LOGEMENT
DANS LE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS (p.
19
)
Question de M. Léon Fatous. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Léon Fatous.
MODALITÉS D'APPLICATION DE LA DOTATION GÉNÉRALE
DE DÉCENTRALISATION (p.
20
)
Question de M. René Marquès. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. René Marquès.
CONDITIONS D'OBTENTION
DES CARTES NATIONALES D'IDENTITÉ (p.
21
)
Question de M. Philippe Madrelle. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Philippe Madrelle.
SITUATION DES AGENTS HOSPITALIERS DE L'HÔPITAL
DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE GEORGES-CLEMENCEAU
À CHAMPCUEIL (ESSONNE) (p.
22
)
Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Jean-Jacques Robert.
CONDITIONS D'ATTRIBUTION
ET MONTANT DE L'ALLOCATION DE VEUVAGE (p.
23
)
Question de M. Jacques Machet. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Jacques Machet.
SANCTION DES INCIDENTS SURVENUS
DANS UN CENTRE MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
DE VERSAILLES (p.
24
)
Question de M. Nicolas About. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Nicolas About.
RÉGIME SOCIAL
DES TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS (p.
25
)
Question de M. Philippe Richert. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Philippe Richert.
STATUT DES INFIRMIERS DU SECTEUR PSYCHIATRIQUE (p. 26 )
Question de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la
santé et à la sécurité sociale ; Jean-Marc Pastor.
5.
Saisine du Conseil constitutionnel
(p.
27
).
Suspension et reprise de la séance (p. 28 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
6.
SNCF.
- Débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
29
).
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
MM. Jacques Habert, Hubert Haenel, Jean-Pierre Fourcade, Claude Belot, Félix
Leyzour, Aubert Garcia, Georges Berchet, Paul Masson, Nicolas About, Louis
Minetti, Léon Fatous.
7.
Candidature à une commission
(p.
30
).
8.
SNCF.
- Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
31
).
MM. Bernard Joly, François Gerbaud, Mme Janine Bardou, MM. Roland Courteau,
Auguste Cazalet, Mme Anne Heinis, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Bernard, Alain
Richard.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du
tourisme.
Clôture du débat.
9.
Rappel au règlement
(p.
32
).
MM. Emmanuel Hamel, le président.
10.
Modification de l'ordre du jour
(p.
33
).
11.
Nomination d'un membre d'une commission
(p.
34
).
12.
Transmission d'un projet de loi
(p.
35
).
13.
Dépôt d'une résolution
(p.
36
).
14.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
37
).
15.
Dépôt d'un rapport
(p.
38
).
16.
Ordre du jour
(p.
39
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU,
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
CONDITIONS D'ATTRIBUTION DES BOURSES D'ÉTUDES
AUX ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE
D'INSTITUT UNIVERSITAIRE PROFESSIONNALISÉ
M. le président.
Rappelant que le département de la Lozère accueille un institut universitaire
professionnalisé, IUP, dispensant un enseignement supérieur en « ingénierie du
transport, de l'hôtellerie et du tourisme », Mme Janine Bardou souhaite attirer
l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement
supérieur et de la recherche sur l'attribution des bourses aux étudiants de
première année d'IUP.
En effet, un étudiant titulaire d'un brevet de technicien supérieur qui
s'inscrit en première année d'IUP ne peut bénéficier des bourses d'études
accordées par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires CROUS,
car il est considéré comme redoublant et non comme changeant d'orientation. Or,
il s'agit bien pour lui d'une réorientation, puisqu'il passe d'une formation de
technicien à une formation de cadre.
Il va sans dire que le refus du bénéfice des bourses écarte, ce qui est très
regrettable, certains étudiants - bien évidemment, ceux qui sont issus de
familles les plus modestes - de la possibilité d'accéder à une formation
universitaire. Elle souhaiterait donc qu'il puisse lui indiquer quelle est
l'interprétation du ministère à ce sujet. (N° 408.)
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Le département de la Lozère accueillant un institut universitaire
professionnalisé, un IUP, qui dispense un enseignement supérieur en «
ingénierie du transport, de l'hôtellerie et du tourisme », je souhaiterais
aujourd'hui attirer votre attention, monsieur le ministre, sur l'attribution
des bourses aux étudiants de première année d'IUP.
En effet, un étudiant titulaire d'un brevet de technicien supérieur qui
s'inscrit en première année d'IUP ne peut bénéficier des bourses d'études
accordées par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires, le
CROUS, car il est considéré comme redoublant et non comme changeant
d'orientation. Or il s'agit bien pour lui d'une réorientation puisqu'il passe
d'une formation de technicien à une formation de cadre.
Il va sans dire que le refus du bénéfice des bourses écarte, ce qui est très
regrettable, certains étudiants, et bien évidemment ceux qui sont issus des
familles les plus modestes, de la possibilité d'accéder à une formation
universitaire.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous m'indiquiez quelle est
l'interprétation du ministère à ce sujet.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Madame le sénateur, vous avez raison. Les instituts
universitaires professionnalisés ont été conçus volontairement, dès leur
origine, comme débutant par une « chicane ». Ils accueillent, en effet, soit
les étudiants ayant fait une première année et s'inscrivant en deuxième année,
soit des étudiants de niveau bac plus 2 qui redescendent au niveau bac plus 1
de sorte que, selon les règles générales qui régissent les bourses, ils sont
considérés comme redoublants, ce qui est injuste.
Deux solutions s'offrent à eux. La première est l'obtention de ce que l'on
appelle une AIE, une allocation individuelle exceptionnelle, qui est une sorte
de bourse de redoublement attribuée par le recteur et qui est largement ouverte
aux étudiants des IUP. La seconde est nouvelle, puisque je l'ai proposée à la
Sorbonne mardi dernier aux étudiants, je veux parler du statut social de
l'étudiant, qui permettrait d'éviter ce genre d'errement.
Nous allons nous atteler à la tâche dans les mois qui viennent, mais j'ai
d'ores et déjà signalé aux recteurs que les étudiants d'IUP étaient, par
définition, destinataires des aides individualisées exceptionnelles. En effet,
ce n'est pas leur faute s'ils recommencent leur année de bac plus 2, cela tient
à la conception même du système mis en place sous la responsabilité de M.
Jospin, avant que je sois moi-même ministre.
Mme Janine Bardou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Je remercie M. le ministre de ces éclaircissements. C'est évident, les
étudiants en IUP ne se considèrent pas comme des redoublants et, de surcroît,
les bourses qui pourraient leur être accordées sont d'un montant tout de même
important. Je souhaite donc vivement qu'ils en bénéficient rapidement, comme
les autres étudiants venant de l'université car, pour le moment, ils sont
traités de manière un peu différente.
MOYENS ACCORDÉS AUX ASSOCIATIONS
COMPLÉMENTAIRES DE L'ÉCOLE (FRANCAS)
M. le président.
M. Alain Richard attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la réduction des
moyens accordés par l'Etat aux associations complémentaires de l'école et
notamment aux Francs et Franches Camarades, « Francas ».
Inspirée par le programme du Conseil national de la Résistance, reconnue
d'utilité publique, la fédération des Francas a été créée pour assurer à tous
les enfants, quelle que soit leur condition sociale, l'égalité des chances à
laquelle ils ont droit. Elle regroupe aujourd'hui quelque cinq mille centres
d'accueil sur l'ensemble du territoire français dans lesquels sont accueillis
plus d'un million d'enfants chaque année.
De l'aide aux devoirs à l'organisation de classes de découverte, les Francas
ont développé au cours des années un savoir-faire de première importance, en
servant des objectifs prioritaires de l'éducation nationale : l'aide à la
scolarisation des enfants en difficulté, en particulier dans les banlieues, la
formation des citoyens, l'ouverture des jeunes à leur environnement,
l'intégration des handicapés.
Malgré ces efforts, le Gouvernement semble vouloir se désengager de cette
action éducative. Au mois de février dernier, le ministère de l'éducation
nationale se proposait de réduire de plus de 20 p. 100 pour les années
1996-1997 les moyens affectés aux Francas. Devant le tollé soulevé par cette
initiative, de nouvelles propositions gouvernementales moins radicales ont été
avancées : elles consistent tout de même à diminuer de 1,3 million de francs la
subvention pour 1996 et à supprimer 2,5 postes de mise à disposition. Cette
amputation de leurs moyens aux Francas n'est pas anecdotique, notamment parce
que les mises à disposition sont fondamentales dans une organisation qui repose
largement pour le reste sur le bénévolat.
En conséquence, il lui demande, d'une part, quelles sont les mesures qu'il
compte prendre pour garantir aux Francas leur avenir, d'autre part les raisons
qui justifient un tel désengagement de la part, de l'Etat. (N° 384).
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard.
Je voudrais appeler l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche sur les discussions relatives aux
moyens de fonctionnement attribués par son ministère à l'Association nationale
des Francs et Franches Camarades, que, dans le langage courant, nous appelons
les « Francas ».
Cette organisation assure le fonctionnement d'environ 5 000 centres d'accueil
d'enfants sur l'ensemble du territoire, centres qui accueillent un million
d'enfants chaque année.
Je voudrais souligner, m'appuyant sur l'expérience que j'ai dans le
Val-d'Oise, que les principales actions dont les Francas ont fait des priorités
ces dernières années, qu'il s'agisse de l'accompagnement scolaire avec, en
particulier, la lutte contre l'analphabétisme, relayée par de nombreux
bénévoles, qu'il s'agisse des assises de la citoyenneté, qu'ils développent
dans nombre d'établissements, qu'il s'agisse encore d'un certain apprentissage
critique de l'audiovisuel ou des actions pour combattre la violence scolaire,
toutes ces actions, donc, et ce n'est pas un hasard, recoupent les orientations
qui font consensus parmi les partenaires de l'école publique dans le sens de
l'intérêt public.
Le ministère a envisagé au début de l'année une réduction importante des
moyens affectés à cette organisation nationale. Des discussions se sont
poursuivies, les différents partenaires de l'école publique ne manquant pas
d'exprimer leur mécontentement face à cette réduction. Or, dans l'état actuel
de mon information, il est tout de même prévu de supprimer, à l'échelon
national, deux postes et demi à cette association, qui n'en a déjà pas
beaucoup, et de réduire de plus de 10 p. 100 sa subvention de
fonctionnement.
Je souhaite, d'une part, que M. le ministre nous indique quelles sont les
conclusions officielles qu'il tire de l'évaluation interne réalisée au sein du
ministère, et qui n'a pas été diffusée ; d'autre part, qu'il nous indique s'il
peut manifester l'esprit de partenariat, notamment en termes d'engagement sur
la durée, qui correspondrait au langage tenu au niveau interministériel par le
Gouvernement dans ses rapports avec le mouvement associatif.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur le sénateur, les Francs et Franches Camarades sont la
quatrième association la plus subventionnée par le ministère de l'éducation
nationale. Leur subvention atteint en effet 15 600 000 francs et le nombre de
postes de mis à diposition par le même ministère est de trente-cinq. C'est dire
l'importance de la contribution du ministère au fonctionnement des Francs et
Franches Camarades.
La politique que nous avons arrêtée avec le Gouvernement dans son ensemble à
l'égard des associations est d'abord une politique de soutien. Dans mon esprit,
il s'agit d'un soutien sur plusieurs années, par la mise en place de
conventionnements qui permettront aux associations d'avoir une idée claire de
leur avenir. Comme vous le savez, d'autres associations bénéficient de
subventions encore plus importantes que celle que reçoivent les Francs et
Franches Camarades.
C'est la raison pour laquelle les discussions avec les responsables des Francs
et Franches Camarades sont en voie d'aboutir ou ont déjà abouti, ce point est à
vérifier. En tout état de cause, je souhaite que se mette en place, dans les
semaines à venir, un conventionnement qui permette aux associations, je le
répète, d'avoir une vision claire de leur avenir.
Permettez-moi également de souligner que, dans un climat de difficultés
budgétaires générales, il est naturel que tout le monde participe à l'effort,
mon intention étant seulement de ne pas faire peser sur les associations
davantage de contraintes qu'elles ne doivent en supporter pour prendre leur
juste part à l'effort national. En effet, le ministre de l'éducation nationale
sait bien quelle est l'importance du rôle joué par les associations qui
entourent l'école dans l'éducation des enfants.
M. Alain Richard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des assurances que vous m'avez
données. Faire peser l'effort de régulation et de freinage budgétaires sur les
partenaires associatifs plutôt que sur ses propres services est une tentation
que connaît tout gestionnaire, à tout échelon, d'une collectivité publique.
Cela est vrai aussi en matière de gestion locale, et vous en avez comme moi
l'expérience.
Par conséquent, sauf à remettre en cause des actions en vous fondant sur les
résultats d'une évaluation publique, je souhaiterais que les partenaires
associatifs de l'école soient traités, sur le plan budgétaire, quasiment sur la
même ligne que les services du ministère, puisque, au fond, le public qu'il
s'agit de servir - les enfants - évolue dans les mêmes proportions à l'égard
des uns et des autres.
J'appuie tout à fait votre démarche de conventionnement, monsieur le ministre,
pour que les partenaires aient la vision d'une situation stable pour l'avenir.
Toutefois, je souhaite que l'opération d'évaluation que vous aviez commandée
pour disposer d'une appréciation d'ensemble des résultats et des perspectives
de ces partenaires associatifs - il y en a plusieurs, en effet ! - donne lieu à
un débat public. C'est l'intérêt de tout le monde.
SITUATION DU GROUPE SCOLAIRE MARIE-CURIE
DE NOGENT-SUR-MARNE
M. le président.
M. René Rouquet attire l'attention de M. le Premier ministre sur la situation
hautement préoccupante du groupe scolaire Marie-Curie de Nogent-sur-Marne,
construit sur le site contaminé d'une ancienne usine de radium et dont
l'existence d'un taux anormalement élevé de radioactivité dans le sol,
supérieur aux recommandations européennes, pose un grave problème de santé
publique pour de nombreux riverains et écoliers.
Il lui demande, en conséquence, quelle mesure il compte prendre pour que toute
la lumière soit faite sur cette question et qu'une solution véritablement
satisfaisante puisse enfin répondre aux légitimes inquiétudes de nombreux
concitoyens. (N° 405.)
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet.
A l'heure où l'examen du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle
de l'énergie vient d'éclairer le Parlement sur les conséquences avérées de la
pollution sur la santé publique, je souhaite attirer votre attention, monsieur
le ministre, sur la sitaution hautement préoccupante de l'école Marie-Curie de
Nogent-sur-Marne, érigée en 1969 sur le site d'une ancienne usine d'extraction
de radium.
La construction de ce groupe scolaire s'est faite sans tenir compte des
recommandations du service central de protection contre les rayonnements
ionisants qui avait préconisé, à l'époque, l'enlèvement des déchets radioactifs
et la décontamination en profondeur du terrain.
Or des analyses effectuées dans le sol et dans les locaux de l'école par
l'Institut de protection et de sûreté nucléaire et l'Office de protection
contre les rayonnements ionisants ont révélé l'existence d'un taux anormalement
élevé de radioactivité, due au radon, gaz cancérigène.
Ces études ont provoqué les plus vives inquiétudes de nombreux parents
d'élèves, qui ont obtenu la fermeture immédiate de l'école, durant laquelle la
municipalité a consenti à y effectuer des travaux afin d'abaisser la
radioactivité due au radon.
Mais le radon n'est pas le seul foyer de radioactivité. Des « particules
chaudes », extrêmement actives et dangereuses, subsistent sur le site, comme
l'ont d'ailleurs révélé les prélèvements effectués par la commission de
recherche et d'information indépendante sur la radioactivité et comme l'a
confirmé un rapport de l'Office de protection contre les rayonnements
ionisants, réclamant « une surveillance continue des niveaux de radon dans les
classes ».
Face au
statu quo
observé durant de trop nombreuses années, les parents
d'élèves et leurs organisations représentatives, soutenus par des élus du
conseil municipal de Nogent-sur-Marne, ne cessent d'alerter l'opinion, par voie
de presse, sur les risques qui continuent de peser sur la santé publique,
révélant, par exemple, qu'un enfant ayant suivi un cycle complet en maternelle
et en primaire subirait l'équivalent de cent soixante-dix radios des poumons,
soit une radio toutes les deux semaines et demie !
Alors que cette école, qui n'aurait sans doute jamais dû exister, vient
pourtant de réouvrir en mai dernier, de tels chiffres semblent prouver, quel
que soit le niveau du risque évalué scientifiquement, qu'un danger existe,
marquant désormais de manière inéluctable cet établissement du sceau de la
radioactivité.
Dans ces conditions, il est particulièrement tragique d'obliger un père ou une
mère à maintenir son enfant sur ce site et à vivre en permanence dans le
doute.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que toute la lumière soit faite sur
ce dossier, qui n'a sans doute pas bénéficié, jusqu'à présent, du sérieux et de
la transparence dont il aurait dû faire l'objet, et dont l'ampleur dépasse, à
l'évidence, les seules responsabilités communales.
L'Etat restant le garant de la santé des populations, il me paraît être du
devoir des plus hautes instances nationales de répondre aux légitimes
inquiétudes de la population, dont je me fais aujourd'hui le porte-parole, en
garantissant désormais la santé des enfants et en statuant, sans plus tarder,
sur l'avenir de cet établissement.
En l'occurrence, monsieur le ministre, l'Etat s'honorerait de désaffecter au
plus tôt l'école Marie-Curie de tout usage scolaire ou public, et de dégager
les moyens qui permettent sa reconstruction sur un autre site.
M. le président.
Je demande aux intervenants d'être le plus brefs possible. Vingt-trois
questions sont inscrites à l'ordre du jour et vous avez largement dépassé votre
temps de parole, monsieur Rouquet.
La parole et à M. le ministre.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur le sénateur, comme vous le savez, les écoles primaires
relèvent de la responsabilité des communes et la sécurité de la responsabilité
du préfet. Le sujet que vous évoquez ne relève donc pas de la responsabilité
directe du ministre de l'éducation nationale. Cependant, il est clair que tout
problème de sécurité nécessite une intervention des responsables, quel que soit
leur degré de responsabilité ou leur compétence.
La situation de cette école est connue dans ses grandes lignes. Elle fut
construite sur le site d'une ancienne usine qui traitait de l'uranium pour en
extraire notamment du radium, du polonium et de l'actinium, soit différentes
substances radioactives. A la fin des années quatre-vingt, fut mise en place
une dalle de béton censée empêcher les rayonnements. Puis furent découvertes
des émanations probables de gaz radioactif à cet endroit. Ensuite, selon des
prescriptions de contamination et après consultation des familles, un certain
nombre d'opérations de traitement furent menées durant la fermeture de l'école.
Sa réouverture n'est intervenue qu'après que des mesures eurent démontré que
les rayonnements n'étaient, semble-t-il, plus dangereux : ils étaient
inférieurs de deux fois et demie aux maxima européens, donc très en deçà.
Cela dit, monsieur le sénateur, je suis complètement d'accord avec vous, et
j'ai précisément mis en place l'instrument qui permet de traiter de manière
totalement objective ce genre de problème.
Je suis donc tout à fait favorable à un examen du dossier de l'école
Marie-Curie par l'Observatoire de la sécurité des établissements scolaires,
présidé par M. Schléret, avec le concours de toutes les instances, des acteurs
de l'école et des organisations syndicales, de manière à lever toutes
inquiétudes.
Je suis également favorable à la conduite d'une enquête objective avec les
garanties nécessaires, afin de rassurer les familles ou de prendre toutes les
dispositions utiles.
Par conséquent, c'est très volontiers que je transmettrai ce dossier, pour que
puissent être rassemblés tous les éléments susceptibles de tranquilliser ceux
qui sont scolarisés dans cette école.
M. René Rouquet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais les parents
d'élèves, les enseignants et les gens du quartier attendent une décision de
fermeture dès maintenant. Il n'est pas possible de laisser subsister un climat
de suspicion et d'angoisse chez les enfants, les familles, les riverains du
site !
S'agissant de la protection en matière de radioactivité, la règle d'or
consiste à ne jamais exposer inutilement quiconque à des rayonnements ionisants
susceptibles de conduire à certaines déformations congénitales mais aussi à
l'apparition de cancers de la thyroïde ou de formes de leucémie.
Monsieur le ministre, aujourd'hui, je m'adressais non pas au ministre de
l'éducation nationale mais au représentant du Gouvernement. Ce dernier doit
trouver des solutions, de façon que les parents puissent conduire leurs enfants
à l'école sans éprouver aucun doute quant à la sécurité.
Ce dossier n'a pas fait l'objet de la transparence nécessaire, qui aurait
permis de rassurer les parents. Voilà vingt-sept ans que l'école a été
construite ! Aujourd'hui, il faut prendre une décision ! Hier encore, une
réunion du conseil municipal a eu lieu. Aucune explication n'est donnée aux
parents !
Vous venez de me dire, monsieur le ministre, que vous alliez transmettre ce
dossier.
M. le président.
Je vous demande de conclure, monsieur Rouquet.
M. René Rouquet.
Je conclus, monsieur le président.
Il s'agit d'une information importante. Même le maire de Nogent-sur-Marne
n'est pas au courant ! Le flou qui entoure aujourd'hui ce dossier ne permet pas
de rassurer les parents.
Evidemment, ceux qui en ont les moyens mettront leurs enfants dans des écoles
privées ou essayeront de trouver des solutions dans les villes voisines. Mais
les autres seront obligés de conduire leurs enfants dès l'année prochaine dans
une école qu'ils jugent dangereuse, parce qu'ils n'ont pas les éléments pour
discuter. J'ajoute que la concertation que vous demandez n'a pas eu lieu.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur le sénateur, je ne veux pas être cruel ou polémique
avec vous. Vous venez de dire que la situation que vous dénoncez durait depuis
vingt-sept ans. Que ne vous en êtes-vous inquiété plus tôt ?
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Les écoles primaires relèvent, je le répète, non pas de la
responsabilité du ministère mais de celle des autorités locales.
M. René Rouquet.
M. Nungesser, qui est maire depuis des années, aurait pu s'en inquiéter !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Il me paraît très important d'avoir un regard indépendant, afin
d'éviter toute utilisation polémique d'un côté ou de l'autre, et tout emploi
d'éléments biaisés. Il faut que tout le monde puisse être tranquillisé.
J'imagine que le préfet du département n'aurait pas accepté la réouverture de
l'école s'il n'avait pas été complètement rassuré. Je vous rappelle que l'école
a été fermée pendant plusieurs mois pour travaux.
En tout état de cause, je saisirai l'Observatoire de la sécurité des
établissements scolaires, présidé par M. Schléret, dans les heures à venir,
afin qu'il puisse rassembler tous les éléments objectifs et que les décisions
nécessaires soient prises par les autorités compétentes, c'est-à-dire le maire
ou le préfet, le plus rapidement possible.
APPRENTISSAGE ET FORMATION
M. le président.
M. René-Pierre Signé indique à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche que le désir d'adapter notre
système éducatif à la crise économique pose le problème de l'apprentissage et
de la formation. On a retrouvé, par le biais des centres de formation
d'apprentis, les CFA, la vieille notion d'école du patronat et mis, qu'on le
veuille ou non, dans les régions à faible démographie scolaire, en concurrence
les CFA et les lycées professionnels.
Les CFA sont des établissements privés qui reçoivent des fonds publics, y
compris des taxes d'apprentissage importantes de services de l'Etat, ce qui
pose tout de même une interrogation et entraîne une concurrence malsaine. Le
secteur public est ainsi menacé par la priorité que l'on donne à
l'apprentissage et à l'alternance.
On peut s'inquiéter, dans une société où l'emploi précaire est de règle, où
seuls des emplois éphémères sont créés, de cette formation étroite et
spécifique pour un métier bien déterminé, que dispensent les CFA.
On peut s'interroger sur cet enseignement très orienté, assez éloigné du socle
technique et polyvalent nécessaire pour demain quand l'apprenti devenu ouvrier
sera peut-être confronté à une nouvelle formation pour exercer un autre
métier.
Outre la concurrence exercée, il y a aussi une formation tronquée qui risque
de freiner les chances de reconversion. Le lycée offre d'autres
possibilités.
Il lui demande quelles sont les perspectives de son action dans ce domaine.
(N° 423.)
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
J'avais déjà indiqué à M. Bayrou que je lui poserai une question au sujet des
CFA et des lycées. Ce point avait été évoqué en commission des affaires
culturelles et M. le ministre m'avait dit de lui poser cette question en séance
publique, car la commission n'était pas le lieu de ce débat.
Monsieur le ministre, le désir d'adapter notre système éducatif à la crise
économique pose le problème de l'apprentissage et de la formation. On a
retrouvé, par le biais des CFA, la vieille notion d'école du patronat et mis en
concurrence, qu'on le veuille ou non, dans les régions à faible démographie
scolaire, les CFA et les lycées professionnels.
Les CFA sont des établissements privés qui reçoivent des fonds publics, y
compris des taxes d'apprentissage importantes, de services de l'Etat, ce qui
soulève tout de même une interrogation et entraîne une concurrence malsaine. Le
secteur public est ainsi menacé par la priorité que l'on donne à
l'apprentissage et à l'alternance.
On peut s'inquiéter, dans une société où l'emploi précaire est de règle, où
seuls des emplois éphémères sont créés, de cette formation étroite et
spécifique pour un métier bien déterminé que dispensent les CFA.
On peut s'interroger sur cet enseignement très orienté, assez éloigné du socle
technique et polyvalent, nécessaire pour demain quand l'apprenti devenu ouvrier
sera peut être confronté à une nouvelle formation pour exercer un autre
métier.
Outre la concurrence exercée, il y a aussi une formation tronquée qui, je le
crains, risque de freiner les chances de reconversion. Le lycée offre d'autres
possibilités.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou,
ministe de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur le sénateur, je veux tout d'abord vous dire que je
partage votre volonté de défendre et de promouvoir les lycées d'enseignement
professionnel.
Je crois que vous avez raison de dire que cette voie d'enseignement aboutit à
des résultats exceptionnels et qu'elle offre des formations particulièrement
adaptées aux jeunes qu'elle prend en charge.
Par ailleurs, loin de faire un procès aux CFA, je considère au contraire que
toute notre action doit aller dans le sens de la réconciliation entre
l'éducation nationale et l'apprentissage. A quoi bon persister à avoir deux
systèmes de formation concurrents qui se regardent en chiens de faïence ? Il
convient, me semble-t-il, que les deux systèmes comprennent l'intérêt qu'ils
ont à travailler ensemble, notamment parce que je crois que l'apprentissage
sera une voie de professionnalisation dans le siècle à venir.
Même si, pour l'instant, l'idée n'a pas été généralement reprise, je milite
depuis longtemps pour qu'il soit mis un terme à cette situation de méfiance
réciproque. Je suis persuadé qu'il faut au moins entreprendre une réflexion sur
l'unification des voies d'alternance afin que l'apprentissage et l'alternance
sous statut scolaire ne soient plus deux voies concurrentes l'une de
l'autre.
Pourquoi ne pas imaginer que la période de formation d'un jeune comprenne à la
fois un temps pour l'alternance sous statut scolaire et un temps pour
l'apprentissage, ce dernier étant, comme vous le savez, un contrat de travail
qui permet de très remarquables insertions puisque la grande majorité des
jeunes en apprentissage trouvent un emploi à la sortie de leur formation ?
Je suis persuadé que, si nous allons dans ce sens, nous améliorerons
considérablement l'offre de professionnalisation à l'égard des jeunes, ce qui
est notre but commun.
En conclusion, je considère que vous avez raison de défendre les lycées
professionnels, mais je ne partage pas votre critique de l'apprentisssage.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le ministre, ma critique portait non pas sur les CFA, mais sur leur
concurrence avec les lycées dans les régions à faible densité démographique
scolaire, ce qui est le cas de la Nièvre, même si la situation est sans doute
différente ailleurs.
Le Gouvernement incite les lycées professionnels à créer des CFA à l'intérieur
des établissements. C'est peut-être, en effet, la solution, et cela pourrait
être positif si les mêmes règles de recrutement, de suivi pédagogique et
d'ouverture de sections étaient appliquées, ce qui ne semble pas tout à fait le
cas.
Au-delà des éléments que j'ai rappelés tout à l'heure sur le non-respect des
critères de formation diversifiée pour les jeunes dans les CFA, je suis obligé
de constater que la taxe d'apprentissage versée par les entreprises privées,
les entreprises artisanales et les organismes parapublics tels qu'EDF-GDF ou La
Poste est répartie de façon inégale.
Dans la Nièvre, par exemple, EDF-GDF réserve sa taxe d'apprentissage à
l'enseignement privé, et La Poste ne consacre que 10 p. 100 de la sienne à
l'enseignement public.
Par ailleurs, les CFA sont soumis à des règles différentes, et les lycées
professionnels s'en plaignent.
Au niveau des financements, les dotations aux lycées professionnels sont
affectées à des chapitres budgétaires prédéterminés, dont l'utilisation est
strictement contrôlée par les services rectoraux ; celles des CFA sont
globales, et les chefs d'établissements peuvent consommer les crédits en
fonction de leurs besoins.
Au niveau des personnels, les enseignants des lycées professionnels sont des
professeurs ayant réussi les concours de l'éducation nationale. Les CFA, eux,
peuvent librement recruter, notamment par des contrats à durée déterminée ;
leurs personnels n'ont pas de statut, et cette précarité de l'emploi peut nuire
à la qualité de l'enseignement.
Au niveau des stages, les élèves des lycées effectuant leurs stages en
entreprises au mois de juin, l'ensemble du programme a pu être abordé, alors
que les jeunes scolarisés en CFA les effectuent en mars, sans avoir vu toutes
les questions au programme.
Au niveau des ouvertures de sections...
M. le président.
Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. René-Pierre Signé.
Je conclus, monsieur le président.
Pour qu'un lycée professionnel soit autorisé à ouvrir une section, il lui faut
répondre à trois conditions : l'existence localement de débouchés susceptibles
de favoriser l'insertion, des enseignants compétents, des équipements
adéquats.
En ce qui concerne les centres de formation d'apprentis, une décision
politique du conseil régional suffit pour la création d'une section, qui n'est
pas toujours en cohérence avec les besoins locaux.
Or les lycées professionnels jouent, dans les zones rurales, un rôle pour
freiner l'exode, car vous savez que l'exode rural commence par l'exode
scolaire. Les lycées devraient donc être plus favorisés qu'ils ne le sont, et
en tout cas ne pas être mis en concurrence avec les CFA qui, dans la Nièvre en
tout cas, ont des compétences voisines et sont situés à proximité immédiate des
lycées.
M. le président.
Mes chers collègues, je suis obligé de faire respecter le règlement, d'autant
que les auteurs de question qui dépassent leur temps de parole - et qui,
quelquefois, aussitôt leur question posée, quittent l'hémicycle - portent
préjudice à ceux de leurs collègues qui sont inscrits après eux.
Voilà pourquoi j'entends rester très vigilant sur les temps de parole.
AIDE AU RETOUR ET À L'INSTALLATION
DE JEUNES ÉTRANGERS DANS LEUR PAYS D'ORIGINE
M. le président.
M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville
et à l'intégration concernant un projet d'aide au retour et à l'installation de
jeunes étrangers dans leur pays d'origine. En effet, de nombreux jeunes
étrangers ou Français d'origine étrangère sans emploi ou n'ayant que de petits
boulots rencontrent des difficultés dans nos banlieues et ont souvent le mal du
pays. Certains ont un projet défini pour retourner dans leur patrie, s'y
installer et développer une activité économique. Il ne leur manque souvent
qu'un appoint financier ou une aide logistique pour y parvenir, ce qui serait
possible en leur maintenant, par exemple, le RMI s'ils le touchent, et en
débloquant une aide financière dont le montant serait à définir suivant les
dossiers.
Il lui demande s'il serait possible de monter une opération pilote sur
quelques cas précis de jeunes de Seine-Saint-Denis dont les projets sont bien
avancés, avec un financement du ministère. (N° 409.)
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, ma question concerne une proposition que j'ai déjà eu
l'occasion de développer devant vous dans cet hémicycle, ainsi qu'auprès de
certains de vos collègues. Elle concerne la mise en oeuvre d'une aide au retour
et à l'installation de jeunes étrangers ou de Français d'origine étrangère dans
leur pays.
En effet, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de m'entretenir avec des
jeunes étrangers ou des Français d'origine étrangère qui sont sans emploi, qui
n'ont exercé que des petits boulots, qui rencontrent les pires difficultés et
qui ont parfois aussi le mal de leur pays d'origine. En discutant avec eux,
j'ai compris que certains d'entre eux avaient un projet bien défini pour s'en
sortir : ils voulaient retourner dans leur pays pour s'y installer et pour
développer une activité qui leur permettrait, d'une part, de trouver un emploi
et, d'autre part, de participer ainsi à l'essor économique de leur nation.
Mais il leur manque souvent un appui financier et une aide logistique pour y
parvenir, ce qui serait possible à moindre frais en leur maintenant une
allocation de type RMI durant les premiers mois de leur installation et en
étudiant avec eux la possibilité d'une prime d'installation, dont le montant
serait à définir en fonction des dossiers.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir s'il serait
possible de monter une opération pilote sur quelques cas précis concernant des
jeunes de Seine-Saint-Denis dont nous connaissons les projets déjà bien
avancés, et si votre ministère pourrait participer au financement de ces
expériences.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult,
ministre délégué à la ville et à l'intégration.
Monsieur le sénateur, je
connais votre attachement aux problèmes de la jeunesse et de l'intégration.
La question que vous posez concernant un projet d'aide au retour et à
l'installation de jeunes étrangers ou de jeunes Français d'origine étrangère
dans leur pays d'origine appelle les éléments de réponse suivants.
Ce projet passerelle, qui pourrait être appelé le projet pilote « Demuynck »,
soulève deux difficultés.
Il existe actuellement deux dispositifs d'aide au retour volontaire pour les
étrangers qui veulent se réinstaller dans leur pays. Le premier existe depuis
1984 et s'adresse aux étrangers en situation régulière menacés de licenciement
économique ; le second a été mis en place en 1987 et concerne des chômeurs
indemnisés par le régime des ASSEDIC, privilégiant la réinsertion économique au
moyen d'un projet personnalisé. Il s'agit donc d'un dispositif visant les
travailleurs de tous âges et non pas d'un projet spécifiquement adapté aux
jeunes.
S'agissant des jeunes Français d'origine étrangère dont vous parlez et qui ne
peuvent bénéficier des dispositions réglementaires de 1984 et de 1987, une
expatriation peut être envisagée. En effet, vous le savez, monsieur le
sénateur, il existe à l'étranger des capacités de création d'emplois par le
biais de sociétés françaises et de leurs filiales.
Par ailleurs, l'Office des migrations internationales intervient dans ce
domaine et pourrait donc procéder à l'évaluation des possibilités d'emploi à
l'étranger de cette population, plus particulièrement s'agissant des jeunes.
Les opérations pilotes que vous souhaiteriez monter en direction de jeunes de
Seine-Saint-Denis, département qui vous est cher, pourraient tout à fait être
envisagées en Afrique subsaharienne, d'une part, et au Maghreb, d'autre
part.
Sachez d'ores et déjà que le programme « Développement Migration », lancé et
co-animé par le ministère de la coopération et par le ministère de
l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration en direction du
Mali, de la Mauritanie et du Sénégal, offre un cadre dans lequel votre
proposition pourrait être prise en considération.
En ce qui concerne le Maghreb, les dispositifs pour l'aide aux projets de
développement et de réinsertion mis en place par des associations, en direction
du Maroc principalement - et de la Tunisie depuis peu - pourraient constituer
également un cadre répondant à vos préoccupations.
C'est dire que votre projet peut d'ores et déjà être mis en place de manière
expérimentale dans le cadre des dispositifs existants.
Enfin, votre proposition consistant à conserver le bénéfice du revenu minimum
d'insertion à ceux qui auront choisi de retourner dans leur pays d'origine
implique qu'une des règles de base du RMI soit modifiée. En effet, vous le
savez, monsieur le sénateur, cette prestation ne peut être versée que sur le
territoire français et, actuellement, la condition de territorialité est très
strictement respectée.
Cela étant, monsieur le sénateur, votre question pose plus globalement le
problème de notre politique de développement, que nous cherchons à orienter
vers les pays les plus sensibles en terme d'immigration pour rendre ainsi plus
efficace notre dispositif d'aide au retour.
Quoi qu'il en soit, je considère que vos réflexions sont tout à fait
intéressantes et j'ai donc demandé au président de l'OMI, qui vient d'être
nommé, de vous recevoir prochainement. Je suis tout à fait prêt à créer, sous
votre impulsion, un groupe de travail spécialisé sur cette question. Nous
pourrions y associer le secteur privé, notamment dans le domaine des transports
et du tourisme, pour que la proposition Demuynck d'aide au retour des jeunes
étrangers puisse être concrétisée dans le département de la Seine-Saint-Denis,
mais aussi dans un certain nombre d'autres sites, dans le cadre de la politique
de la ville.
M. Christian Demuynck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et je suis, bien
entendu, tout à fait prêt à participer au groupe de travail que vous souhaitez
mettre en place.
La difficulté que les jeunes rencontrent tient, comme vous l'avez dit, au fait
que les moyens actuellement mis à leur disposition ne concernent que ceux
d'entre eux qui ont déjà un emploi. Or les jeunes qui sortent du système
éducatif sont complètement perdus, et rien ne permet de les aider.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de la proposition que vous m'avez
faite, et je participerai à ce groupe de travail.
FORT 2000
M. le président.
M. Demuynck attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le projet «
Fort 2000 », qui visait à regrouper l'ensemble des services centraux de la
direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE - en particulier ceux du
boulevard Mortier - en un seul site : le fort de Noisy, complexe militaire
situé sur les communes de Noisy-le-Sec et Romainville.
Ce projet remonte à 1992 et avait été confirmé par les gouvernements
successifs depuis cette date. Il avait fait l'objet d'études approfondies par
les services techniques des armées, de réunions de concertation avec les
différents services de l'Etat concernés et avec les collectivités territoriales
: conseil régional, conseil général, communes. Un permis de construire avait
été élaboré.
Stoppé en février-mars 1996 pour des raisons budgétaires, alors qu'il avait
été programmé sur cinq ans - 1996-2001 - et que les premiers crédits étaient
prévus dans la loi de finances de 1996 ainsi que dans la loi de programmation
militaire adoptée en 1994, ce projet prévoyait notamment la construction de
bureaux modernes pour la DGSE à la place des casernes existantes, la
préservation d'un site actuellement classé par arrêté de biotope, et la
réalisation d'une promenade de 3,5 hectares appelée « coulée verte », aménagée
en parcours pédestres.
Les élus de l'opposition municipale de Noisy-le-Sec et l'association « Noisy
pour tous » souhaiteraient par conséquent savoir si l'arrêt de ce projet
préfigure son annulation définitive ou son report, et surtout si les
engagements du ministère de la défense figurant sur les comptes rendus
officiels des réunions multipartites réalisées par la préfecture, et qui
conditionnent l'ouverture de la coulée verte au printemps 1997, sont maintenus.
Il s'agit en effet du financement d'une double rangée de clôtures séparant
cette coulée verte de la zone protégée et des environs du fort, et des travaux
de confortement du terrain. Les habitants de Noisy-le-Sec et Romainville sont
en effet sensibles à l'aménagement de cet espace de détente qui contrasterait
avec la forte urbanisation de la Seine-Saint-Denis (N° 407).
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, je souhaite aborder un sujet sensible, car il concerne
le devenir d'un site classé par arrêté de biotope en Seine-Saint-Denis sur
lequel est prévue la réalisation d'une coulée verte, véritable ballon d'oxygène
dans un département fortement urbanisé.
Il s'agit du complexe militaire situé sur les communes de Noisy-le-Sec et de
Romainville, qui fait l'objet depuis 1992 d'un projet de déménagement de
l'ensemble des services de la DGSE.
En 1993, ce projet a refait surface sur l'initiative de la DGSE, sous
l'appellation de « Fort 2000 » et sous une forme beaucoup plus élaborée qui
résulte d'une négociation entre le ministère de la défense, le ministère de
l'environnement, les collectivités locales et les associations noiséennes « Un
parc à Noisy » et « Les amis naturalistes des coteaux d'Avron ».
Ce projet comporte trois parties.
La partie haute du fort, dotée d'un héliport, est actuellement occupée par la
DGSE et par une caserne de la gendarmerie mobile. Ce bâtiment serait détruit et
remplacé par des bureaux modernes, tandis que l'héliport bénéficierait d'un
agrandissement.
La partie intermédiaire qui est actuellement zone militaire, est classée par
arrêté de biotope et interdite à la circulation. Cet arrêté couvre six
hectares.
La partie basse des Glacis, formée en demi-cercle d'une largeur moyenne de
trois mètres sur trois hectares et demi, doit être aménagée en parcours
pédestre dans le respect de la flore actuelle et sera interdite à tous
véhicules.
Le coût de ce projet est de 2 milliards de francs sur cinq ans, de 1996 à
2001. Les premiers crédits ont été prévus dans la loi de finances de 1996 et
l'opération a été inscrite dans la programmation militaire adoptée en 1994.
Toutefois, en février et mars 1996, le projet a été stoppé, pour des raisons
budgétaires.
Ce projet, bien qu'il n'emporte pas de conséquences directes pour la ville de
Noisy-le-Sec, est suivi avec attention par les élus de l'opposition municipale
et l'association « Noisy pour tous » qui y sont favorables, car il favoriserait
le prolongement de la ligne de métro numéro 11 Châtelet-Mairie des Lilas, avec
l'inscription possible d'une première tranche dans le prochain contrat de
plan.
Pour l'heure, deux questions subsistent : l'annulation de ce projet est-elle
définitive ou s'agit-il d'un report ? Plus important encore, les engagements
annexes mais très précis pris par le ministère de la défense figurant sur les
comptes rendus officiels de réunions multipartites réalisés par la préfecture,
et qui conditionnent l'ouverture de la coulée verte au printemps de 1997,
seront-ils maintenus ?
Il s'agit, en effet, du financement par l'Etat, d'ici à la fin de l'année, de
la double rangée de clôtures séparant cette coulée verte de la zone protégée et
des environs du fort, ainsi que des travaux de confortement du terrain
nécessaires en plusieurs endroits.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult,
ministre délégué à la ville et à l'intégration.
Monsieur Demuynck, je
vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue Charles Millon, qui
présente actuellement aux élus concernés les orientations retenues par le
Gouvernement pour l'avenir de la direction des constructions navales.
Il m'a chargé de vous confirmer que l'opération de transfert du siège central
de la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, vers le Fort de
Noisy ne se fera pas. Les bâtiments projetés ne seront pas construits. Comme
vous le savez, monsieur le sénateur, le ministre de la défense a pris cette
décision pour des raisons budgétaires.
Toutefois, il convient d'indiquer que le ministère de la défense respectera
les prescriptions de l'arrêté préfectoral de protection du biotope, pris par le
préfet de Seine-Saint-Denis le 11 mai 1995. Le ministère de la défense, pour la
part qui lui revient, mettra en place des dispositifs matériels d'interdiction
d'accès à la zone de protection du biotope.
Je ne peux pas vous répondre précisément sur les clôtures, mais vous
conviendrez qu'il ne s'agit peut-être pas d'un sujet à examiner devant la Haute
Assemblée.
Enfin, les perspectives d'ouverture au public de la partie périphérique des
glacis demeurent. Elles sont subordonnées à la mise en place d'une association
appelée à prendre les responsabilités de concessionnaire cocontractant.
Le Gouvernement connaît, monsieur le sénateur, votre intérêt pour les
problèmes d'environnement qui se posent en Seine-Saint-Denis, ainsi que le
foisonnement du secteur associatif à Noisy-le-Sec qu'anime notamment M. Olivier
Deleu, conseiller municipal.
Noisy et son fort sont au coeur des préoccupations vertes du Gouvernement.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement entend répondre aux
soucis écologiques de la population de Noisy-le-Sec.
M. Christian Demuynck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse - l'opposition
municipale en prendra connaissance avec un grand plaisir - et je remercie
également le Gouvernement de mettre en oeuvre ce projet qui avait été élaboré
au cours de réunions multipartites.
M. Eric Raoult,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, je veux ajouter que je veillerai
à ce que les actions de défense du Fort de Noisy et l'arrêté de biotope que
vous avez évoqué aujourd'hui puissent également concerner le bois de Bernouille
sur la commune de Coubron, qui est mon ancienne circonscription, où un problème
similaire se pose. Je suis persuadé que vous pourrez adresser à ma collègue
ministre de l'environnement une question sur ce même sujet !
(Sourires.)
M. Christian Demuynck.
Avec plaisir !
INSÉCURITÉ DANS LES STADES EN ILE-DE-FRANCE
M. le président.
M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre délégué à la
jeunesse et aux sports sur l'insécurité croissante à l'occasion des
compétitions du samedi et du dimanche dans les stades de l'Ile-de-France, et
plus particulièrement de l'Essonne.
Cette insécurité se caractérise au niveau des compétitions amateurs et des
réunions de fin de saison puisque, dans ces championnats et coupes des
classements inférieurs, il n'y a pas souvent d'arbitre officiel.
Il lui demande quelles mesures immédiates il entend prendre pour faire cesser
cette situation dangereuse et nuisible au plaisir de jouer pour ces jeunes
sportifs. (N° 420.)
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le ministre, vous avez en d'autre temps répondu à la violence sur les
stades où évoluent des équipes professionnelles. Aujourd'hui, le président du
club de football que j'étais voilà encore quelques années s'émeut de la
violence qui règne, en particulier en Ile-de-France, sur les stades où
s'affrontent des équipes amateurs de tous âges, qui jouent pour le plaisir.
Tous les dimanches, des coups sont échangés.
Comment résoudre ce problème ?
Les arbitres dits « officiels », quand il y en a, hésitent à sanctionner sur
le champ pour arrêter les bagarres. Quant au comité de district ou à la ligue -
et je sais de quoi je parle pour avoir longtemps siégé à la ligue de Paris -
ils prennent des décisions peu sévères pour éviter de nouveaux conflits
consécutifs aux sanctions prises.
Les dirigeants de formations d'amateurs sont désabusés et on ne trouve plus
d'arbitre volontaire : les matchs, hélas, sont livrés au bon gré de ceux qui
s'expriment par la force. Vous savez tout cela, monsieur le ministre, car vous
connaissez la vie de nos clubs.
Les bénévoles ont besoin que la confiance soit restaurée, et de se sentir
protégés. Or les responsables hésitent à appliquer le règlement.
Les arbitres ont peur de sanctionner les fautes sur le terrain, sans doute par
crainte de représailles, et les joueurs et les dirigeants redoutent les matchs
retour.
Votre rôle, monsieur le ministre, est de restaurer la confiance, de diligenter
les enquêtes nécessaires pour redonner à nos joueurs, dès le plus jeune âge, le
plaisir de pratiquer le football en toute sécurité sur nos stades ce qui, hélas
! n'est plus le cas.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Guy Drut,
ministre délégué à la jeunesse et aux sports.
Monsieur le sénateur,
chacun connaît, apprécie votre compétence, votre action dans le domaine sportif
et vous en remercie.
La violence est un problème préoccupant, qui nécessite toute notre vigilance
où qu'elle s'exerce, dans la vie de tous les jours, autour des lycées ou dans
les enceintes sportives. Je crois que c'est la préoccupation de chacun d'entre
nous.
Il faut souligner l'action des bénévoles, des supporteurs et, à ce titre,
celle de la fédération des associations de supporteurs de football qui
participe activement à l'effort d'éducation que l'Etat appelle de ses voeux.
Mais on ne peut demander aux associations de résoudre à elles seules un
problème qui est aussi policier et pénal.
La loi répond en fait à un triple objectif, vous le savez : tout d'abord,
rehausser le montant des sanctions pénales pour permettre que la procédure de
la comparution immédiate soit mise en oeuvre conformément à l'article 395 du
code de procédure pénale ; ensuite, compléter la panoplie des infractions
pénales d'une série de délits spécifiquement destinés à permettre que la
répression s'exerce avant que les plus gros incidents se soient déroulés ;
enfin, créer une possibilité d'interdiction d'accès au stade à l'endroit des
fauteurs de troubles.
C'est peut-être aujourd'hui le problème de l'application de cet arsenal
législatif qui semble se poser dans certains cas, ainsi qu'un problème
d'information.
Actuellement, et ce depuis la fin de l'année 1995, a été instauré un
observatoire de la violence qui réunit divers ministères et qui permet de
répertorier les violences constatées par les préfets ainsi que les rencontres
qui en ont été le prétexte. Lorsque des circonstances analogues à celles qui
ont entraîné ces phénomènes de violence sont à nouveau réunies, sont organisées
alors des opérations dites « coup de poing » qui font intervenir les
représentants concernés de la justice, de la jeunesse et des sports et de
l'intérieur.
Depuis le début de l'année 1996, de semblables opérations ont été organisées à
Lens, Strasbourg et Montpellier. Elles ont donné lieu à soixante condamnations
après interpellation en flagrant délit et procédure de comparution
immédiate.
J'ajoute que, s'agissant de la violence à l'extérieur du terrain, c'est
certainement aussi à un devoir plus important d'information qu'il faut se plier
parce que trop de clubs de moindre importance ne sont pas en fait au courant de
ce qu'ils peuvent ou doivent faire. En effet, vous savez que ce sont les
organisateurs qui sont responsables du maintien de l'ordre dans l'enceinte
sportive.
Se pose, par ailleurs, le problème de la violence sur le terrain de jeu, sur
pelouse.
Ce domaine précis relève non du législateur, mais plutôt de l'éducateur et de
toutes celles et de tous ceux - Etat, mouvement sportif ou médias - peuvent
exercer une influence sur les esprits et ainsi avoir un rôle à jouer pour
écarter cette menace sur l'éthique du sport.
Les fédérations font le maximum, compte tenu des moyens dont elles disposent,
pour faire respecter ces règles d'éthique qui sont le fondement même de la
pratique sportive. Vous savez bien sûr que le Gouvernement leur apporte tous
les soutiens nécessaires, mais je crois que c'est une prise de conscience
générale qu'il faut avoir à ce sujet, car il faut absolument garder au
phénomène sportif et à ses pratiquants sa valeur d'exemplarité, surtout auprès
des jeunes.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé la règlementation et les actions
conduites en ce domaine. Mais je vise non pas les villes que vous avez citées,
comme Strasbourg et Lens, mais les communes de 2 000, 5 000 ou 10 000 habitants
où les dirigeants, malgré la fédération, la ligue et le district, se trouvent
isolés et souvent abandonnés.
Je pense - tel était l'objet de ma question - que votre ministère doit se
préoccuper de cette situation qui est en train de se développer. Je crains
cependant de n'avoir prêché dans le désert...
Prorogation des règlements en matière d'arrachage dans l'attente d'une réponse
de l'Organisation commune des marchés - OCM-vitivinicole
M. le président.
M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de
la pêche et de l'alimentation sur les conséquences désastreuses
qu'entraînerait, comme il en est question, la prorogation d'un an des
règlements actuels - arrivant normalement à échéance le 31 août 1996 - en
matière d'arrachage, dans l'attente d'une réforme globale de l'OCM
vitivinicole.
Il lui rappelle que ces règlements relatifs à l'arrachage avec abandon
définitif des droits de plantation et l'interdiction de plantations nouvelles
avaient à l'origine vocation à résoudre des problèmes d'ordre structurel. En
effet, il s'agissait de résorber une production de vin excédentaire dans
l'Union européenne. Or, aujourd'hui, cette vocation première semble être
détournée de sa mission ; le système d'arrachage primé avec abandon définitif
des droits tend à s'apparenter à une mesure sociale, la prime devenant un
complément de revenus pour les personnes cessant leur activité. Mais ce qui
paraît plus problématique est que le système ayant parfaitement rempli sa
mission de résorption des excédents, le prolonger représenterait une
catastrophe économique dans la mesure où la production de vin en France
deviendrait déficitaire ; sur le territoire communautaire, quelque 200 000
hectares seraient voués à disparaître.
Il souhaite que, à l'occasion de la réforme de l'OCM et avec l'arrivée à
échéance des règlements précités, de nouvelles mesures en matière de politique
sociostructurelle soient débattues et que soient prises en compte les
propositions d'organismes professionnels, par exemple l'instauration d'une
prime à la « transmission d'activité ».
En conséquence, il lui demande quelle position le Gouvernement entend adopter
concernant la prorogation des règlements, quelles mesures il compte proposer
dans le cadre de la réforme de l'OCM vitivinicole.
Il lui demande de bien vouloir lui donner une réponse. (N° 411.)
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
La prorogation d'un an au-delà du 31 août 1996 - dans l'attente d'une réforme
globale de l'OCM vitivinicole - des règlements actuels en matière d'arrachage
aurait des conséquences désastreuses.
Ces règlements, qui prévoient l'arrachage avec abandon définitif des droits de
plantation et l'interdiction de plantations nouvelles, avaient à l'origine
vocation à résoudre des problèmes structurels et visaient à résorber une
production de vin excédentaire dans l'Union européenne.
Aujourd'hui, cette vocation première semble être dénaturée et l'arrachage
primé avec abandon définitif des droits s'apparente à une mesure sociale, la
prime devenant un complément de revenus pour les personnes cessant leur
activité. Surtout, le système ayant rempli sa mission de résorption des
excédents, le prolonger serait une catastrophe économique : la production de
vin en France deviendrait déficitaire ; sur le territoire communautaire,
quelque 200 000 hectares seraient voués à disparaître.
Ne serait-il pas possible, à l'occasion de la réforme de l'OCM et avec
l'arrivée à échéance des règlements précités, de débattre de nouvelles mesures
sociostructurelles et de prendre en compte les propositions des organismes
professionnels, par exemple la création d'une prime à la « transmission
d'activité ».
Quelle position le Gouvernement entend-il adopter sur la prorogation des
règlements ? Quelles mesures propose-t-il dans le cadre de la réforme de l'OCM
vitivinicole ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Guy Drut,
ministre délégué à la jeunesse et aux sports.
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, retenu
actuellement au Luxembourg pour un important Conseil des ministres de
l'agriculture, m'a demandé de vous fournir la réponse suivante.
Il rejoint tout à fait l'analyse que vous faites de la genèse et des
conséquences des dispositifs structurels dans le secteur de la viticulture.
C'est pourquoi la France ne peut envisager la reconduction en l'état, pour un
an, des dispositions communautaires relatives à l'arrachage et à l'interdiction
de plantations nouvelles. Des plantations nouvelles doivent pouvoir être
autorisées, et le dispositif d'arrachage doit évoluer vers un système plus
raisonné.
S'agissant de la réforme de l'OCM, le déroulement des dernières campagnes
viticoles sur les plans communautaire et national ne diminue en rien la
nécessité de mener à terme une réforme en profondeur de l'actuelle OCM.
La France continuera donc de défendre à Bruxelles une nouvelle OCM du vin, en
rupture avec l'actuelle. Celle-ci sera fondée sur trois principes :
responsabilisation de chacun des pays producteurs à l'égard de leurs excédents,
subsidiarité dans les mécanismes de gestion et adaptation régionale des mesures
structurelles.
Il convient, en effet, dans la future OCM, non seulement de prévoir un
mécanisme dissuasif de distillation des excédents, mais surtout d'offrir à
chaque région viticole, en tenant compte de ses spécificités, les moyens de
s'adapter en quantité et en qualité à la demande, tout en améliorant la
compétitivité des exploitations et des structures de vinification.
M. Jean-Marc Pastor.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Tout d'abord, je salue la capacité d'adaptation de M. le ministre : chargé des
sports, il traite aujourd'hui d'affaires agricoles. Cela méritait d'être
souligné.
Je relève par ailleurs que, au nom de M. Vasseur, il n'a pas parlé des
possibilités, des facilités que souhaiterait obtenir la profession quant à la
transmission d'activité.
Or, la vigne constituant un véritable capital, si l'on ne soutient pas la
transmission de ce patrimoine, à très court terme, nous serons confrontés à de
vrais problèmes dans nos régions viticoles.
Conséquences pour les caves coopératives viticoles du dysfonctionnement des
procédures d'aides de l'Etat et du Fonds européen d'orientation et de garantie
agricole
M. le président.
M. André Vezinhet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la
pêche et de l'alimentation sur le grave dysfonctionnement des procédures
d'aides de l'Etat et du FEOGA et les conséquences pour les investissements
matériels des caves coopératives viticoles et de leurs unions.
Il lui rappelle un problème bien connu de ses services, mais qui devient de
plus en plus insupportable aux coopérateurs vignerons. En effet, depuis deux
ans, le « plan sectoriel » n'est toujours pas approuvé par l'Union européenne
et continue de faire l'objet de discussions parce qu'il contient des critères
d'éligibilité excessivement difficiles à satisfaire, notamment présenter pour
une coopérative plus de 70 p. 100 de vins à appellations d'origine contrôlées
et vins de pays pour pouvoir accéder aux aides du FEOGA. Cette situation
entraîne des répercussions à un double niveau.
Premier niveau : le blocage des dossiers FEOGA 1994 et 1995, qui, bien
qu'approuvés au niveau régional, n'ont pu, faute du plan sectoriel, être
transmis à la Communauté européenne.
Ainsi pour le département de l'Hérault, le bilan est le suivant :
- état des projets 1994 et 1995 bloqués au ministère, en attente du plan
sectoriel : neuf coopératives concernées ; montant hors taxes du concours
sollicité : 3 994 490 francs ;
- état des demandes de paiement FEOGA non traitées par le ministère de
l'agriculture : quatorze coopératives concernées ; montant total de l'aide : 4
024 825 francs.
Deuxième niveau de blocage : pas de programmation régionale des crédits en
1996. La commission de programmation des crédits POA, qui devait se réunir en
1996, n'a pas eu lieu faute de critères d'éligibilité. Plusieurs dizaines de
coopératives sont ainsi privées des aides de l'Etat et du FEOGA :
- état des projets Hérault 1996 non examinés, en attente du plan sectoriel :
vingt-quatre coopératives ou unions concernées pour un montant de travaux de
64,9 millions de francs.
En conséquence, il lui demande comment il compte régler rapidement ce problème
qui se pose, avec en corollaire une autre inquiétude, celle que les dossiers
FEOGA stockés au ministère depuis 1994 ne soient finalement examinés à travers
les nouveaux critères, avec le risque de ne pas satisfaire à ces derniers. Cela
aurait pour conséquence que des entreprises qui s'étaient vu annoncer une aide
de l'Etat et du FEOGA pourraient se voir finalement, après deux années
d'attente, annoncer une suppression de leurs crédits.
Enfin et pour conclure, il lui fait part d'une préoccupation croissante des
professionnels de la viticulture liée au retard de liquidation des paiements
pouvant aller jusqu'à deux ans à partir du dépôt de dossier complet au
ministère de l'agriculture.
Ce ne sont pas les mesures de réduction drastique du nombre des fonctionnaires
annoncées par le Premier ministre, là où il faudrait au contraire une
augmentation des moyens en personnel, qui sont de nature à apaiser le
mécontentement des viticulteurs héraultais. (N° 414.)
La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Ma question s'inscrit parfaitement dans la ligne des propos tenus par mon
collègue M. Pastor, puisqu'elle traite des difficultés structurelles que
rencontre à l'heure actuelle l'agriculture, particulièrement l'agriculture
coopérative.
Je tiens, en effet, à évoquer le grave dysfonctionnement des procédures d'aide
de l'Etat et du FEOGA, avec ses conséquences sur les investissements matériels
des caves coopératives viticoles et de leurs unions.
Je relève un problème bien connu des services du ministère de l'agriculture,
mais qui devient de plus en plus insupportable aux coopérateurs vignerons.
Depuis deux ans, le plan sectoriel « vins et alcools » n'est toujours pas
approuvé par l'Union européenne, et il continue de faire l'objet de discussions
parce qu'il contient des critères d'exclusivité et des critères d'éligibilité
excessivement difficiles à satisfaire. Ainsi une coopérative doit-elle
présenter plus de 70 p. 100 de vins AOC et de vins de pays, ce qui élimine les
vins de table, pour pouvoir accéder aux aides du FEOGA.
Cette situation entraîne des répercussions à un double niveau.
Premier niveau : le blocage des dossiers FEOGA de 1994 et de 1995. Bien
qu'approuvés au niveau régional, ces dossiers n'ont pu, faute de plan
sectoriel, être transmis à la CEE.
Voici le bilan pour le département de l'Hérault.
Etat des projets pour 1994 et 1995 bloqués au ministère en attente du plan
sectoriel : neuf coopératives sont concernées, pour un montant hors taxes de
concours sollicité de 3 994 490 francs.
Etat des demandes de paiement FEOGA non traitées par le ministère de
l'agriculture : quatorze coopératives sont concernées, pour un montant total
d'aide de 4 024 825 francs.
Deuxième niveau de blocage : pas de programmation régionale des crédits en
1996.
La commission de programmation des crédits POA, qui devait se réunir en 1996,
n'a pas eu lieu faute de critères d'éligibilité. Plusieurs dizaines de
coopératives sont ainsi privées des aides de l'Etat et du FEOGA.
Voici l'état des projets pour Hérault en 1996. Projets non examinés en attente
du plan sectoriel : vingt-quatre coopératives ou unions sont concernées, pour
un montant de travaux de 64,9 millions de francs.
En conséquence, je demande à M. le ministre comment il compte régler
rapidement ce problème qui se pose avec, en corollaire, une autre inquiétude,
celle que les dossiers FEOGA stockés au ministère depuis 1994 ne soient
finalement examinés à travers les nouveaux critères, avec le risque de ne pas
satisfaire à ces derniers. Cela aurait pour conséquence que des entreprises qui
s'étaient vu annoncer une aide de l'Etat et du FEOGA et qui avaient fondé leur
stratégie sur l'octroi de cette aide pourraient se voir finalement, après deux
années d'attente, privées de ces crédits.
Enfin, je tiens à faire part de la préoccupation croissante des professionnels
de la viticulture quant au retard de liquidation des paiements. Ces derniers
pouvant aller jusqu'à deux ans à partir du dépôt du dossier complet au
ministère de l'agriculture.
Et les agriculteurs ne trouveront sûrement pas d'apaisement dans la réduction
drastique du nombre des fonctionnaires qui a été annoncée par M. le Premier
ministre. C'est au contraire une augmentation des moyens en personnels qui
serait de nature à apaiser le mécontentement des viticulteurs de l'Hérault et
au-delà, vous l'avez bien compris.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre,
secrétaire d'Etat chargé de la francophonie.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, M. Philippe Vasseur, ministre de
l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, retenu actuellement au
Luxembourg pour les raisons que vous a indiquées M. Guy Drut, m'a demandé de
vous fournir la réponse suivante.
La filière vitivinicole française a accompli, au cours des vingt dernières
années, un effort sans précédent aussi bien au plan qualitatif qu'en termes de
maîtrise de la production. C'est pourquoi M. Philippe Vasseur a fixé comme
priorité la réforme de l'actuelle Organisation commune des marchés pour la
réorienter vers des dispositifs plus structurels et laissant place, quand les
débouchés sont là, à un développement commercial.
S'agissant du plan sectoriel auquel vous faites allusion, monsieur Vezinhet,
il est un des éléments de cette politique. Il faut rappeler qu'il a fait
l'objet de discussions et de négociations au cours des années 1993 et 1994,
période où n'avait pas été perçu l'ensemble de ces mutations.
Deux points empêchent à l'heure actuelle le traitement de bon nombre de
dossiers présentés au FEOGA-orientation.
Le premier concerne l'obligation de réduction de 20 p. 100 des capacités de
traitement des caves en cas de regroupement d'entreprises. Après de nombreuses
discussions, la proposition présentée par la France vient de recueillir un
accord de principe de la part de la commission, ce qui va permettre le
déblocage des dossiers bloqués à ce titre.
Le second point porte sur l'application même des critères de qualité. Se
fondant sur des pratiques antérieures acceptées par la Commission, la France a
proposé de retenir les projets des caves dès l'instant où la part des vins de
qualité serait d'au moins 70 p. 100 ou lorsque leurs parts se seraient accrues
de 20 p. 100 au cours des cinq dernières années.
A ce jour, nous n'avons pas encore obtenu de réponse sur ce volet, et ce
malgré l'intervention d'un parlementaire européen et une réponse de principe
favorable du commissaire européen à l'agriculture.
Quoiqu'il en soit, monsieur le sénateur, soyez assuré que le ministre de
l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation est déterminé à obtenir une
évolution favorable là aussi. En effet, la région Languedoc-Roussillon a divisé
par quatre sa production de vins de table alors même qu'il existe toujours un
marché pour cette catégorie de vin dont la qualité s'est d'ailleurs
sensiblement améliorée.
Si des dossiers sont encore bloqués, notamment ceux de l'Hérault, c'est
précisément sur ce critère. En revanche, le paiement des dossiers FEOGA de la
période antérieure a pu être avancé, puisqu'il ne reste plus que six dossiers,
déposés récemment, en instance, pour un montant de 1 498 000 francs. Les
paiements interviendront donc très rapidement.
M. André Vezinhet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vézinhet.
M. André Vezinhet.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, pour cette réponse faite au nom
de M. le ministre de l'agriculture.
Je me dois cependant de dire que, sur ce sujet, l'accumulation des faits
devient inquiétante. En effet, après l'assujettissement à la contribution de
solidarité des sociétés, votée à l'occasion de la loi de finances, les
coopératives sont maintenant confrontées à une nouvelle difficulté.
Si j'ai bien compris que M. Vasseur a le souci de régler le problème, je n'ai
entendu que de vagues promesses. Or cette opération dure depuis bientôt cinq
ans, et nos coopératives ne peuvent plus supporter ce manque à gagner sur les
investissements, avec les conséquences que cela implique sur l'évolution de
leurs structures de production.
Ce problème est d'une extrême gravité, vous pouvez le comprendre.
Je voudrais quand même rappeler - ce sera une surprise non pas pour vous,
madame le secrétaire d'Etat, mais peut-être pour mes collègues - que 21 000
coopérateurs produisent 77 p. 100 des 6,5 millions d'hectolitres de vin
héraultais et 430 000 hectolitres de vins d'appellation d'origine contrôlée sur
les 650 000 hectolitres qui sont élevés dans le département.
Ils font donc un effort.
Ils emploient 500 salariés et regroupent de jeunes viticulteurs qui ont
l'audace, aujourd'hui, de tenter l'aventure de la création d'entreprise. Mais
les confronter à de telles difficultés en matière d'investissement, c'est déjà
réunir les conditions de l'échec, alors que la volonté humaine existe et que
nous voudrions l'accompagner et l'encourager.
Je vous remercie donc de votre réponse, madame le sécrétaire d'Etat. Mais,
malgré le respect que je vous porte, je suis obligé de dire qu'elle est loin de
m'avoir satisfait.
EXPORTATIONS FRANÇAISES D'ÉLECTRICITÉ
M. le président.
M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'environnement
sur la polémique soulevée par le récent rapport de l'INESTENE - Institut
d'évaluation des stratégies sur l'énergie et l'environnement en Europe - quant
aux exportations françaises d'électricité. Ce rapport émet un doute sérieux sur
l'intérêt financier que pourrait avoir l'Etat à ces exportations. Or la
création de nouveaux sites de production et de nouvelles infrastructures de
transport d'énergie électrique, décidée le plus souvent sans réelle
concertation des parties intéressées, engendre des conséquences sur notre
patrimoine paysager que nous ne pouvons ignorer. Par conséquent, il
souhaiterait savoir si elle envisage d'instituer par un texte de loi
l'obligation d'une concertation large et d'études contradictoires d'opportunité
pour la mise en place de telles infrastructures.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
question aurait pu en fait être adressée aussi à M. le ministre de
l'industrie.
En effet, elle concerne la polémique soulevée par la parution du récent
rapport de l'INESTENE, l'Institut d'évaluation des stratégies sur l'énergie et
l'environnement en Europe, sur les exportations françaises d'électricité.
Ce rapport émet un doute sérieux quant à l'intérêt financier que pourrait
avoir l'Etat à ces exportations. Or la création de nouveaux sites de production
et de nouvelles infrastructures de transport d'énergie électrique, décidée le
plus souvent sans réelle concertation avec les parties intéressées, entraîne
des conséquences pour notre patrimoine paysager que nous ne pouvons ignorer.
Par conséquent, je souhaiterais savoir si Mme le ministre de l'environnement
envisage d'instituer par un texte de loi l'obligation de mener une concertation
large et des études contradictoires d'opportunité avant de décider de la mise
en place de telles infrastructures.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre,
secrétaire d'Etat chargé de la francophonie.
Monsieur Richert, je vous
prie d'excuser l'absence de Mme Corinne Lepage, qui est retenue aujourd'hui à
Luxembourg pour le conseil sur l'environnement et qui m'a demandé de vous faire
part de sa réponse.
Monsieur le sénateur, vous évoquez une étude sur les exportations françaises
d'électricité réalisée récemment par un institut de recherche privé,
l'INESTENE, pour le compte de l'organisation écologiste Greenpeace. Cette
étude, qui met en doute la rentabilité de nos exportations, mérite d'être
sérieusement relativisée.
A titre d'exemple, l'INESTENE souligne qu'à l'étranger EDF vend son
électricité environ 24 centimes du kilowatt-heure, soit nettement en-dessous du
tarif accordé en moyenne aux clients français. Cette comparaison n'est, bien
entendu, pas significative, puisque l'électricité exportée est livrée
directement sur le réseau d'interconnexion à 400 kilovolts, alors que la
fourniture d'électricité à un consommateur final entraîne des coûts de
transport et de distribution qui représentent une bonne moitié du prix de
revient de l'électricité livrée. Autrement dit, on compare ici des prix de
vente « en gros » et des prix de vente « au détail », ce qui n'a aucun sens.
Par ailleurs, l'INESTENE estime le prix de revient de l'électricité exportée à
30 centimes du kilowatt-heure, alors que le coût moyen de production de EDF est
aujourd'hui de 22 centimes du kilowatt-heure, tous moyens de production
confondus, qu'il s'agisse du nucléaire, du thermique classique qu'il ou de
l'hydraulique. Le coût de production correspondant aux exportations
d'électricité est, en fait, inférieur à ce chiffre de 22 centimes du
kilowatt-heure, car le caractère quasi permanent des fournitures à
l'exportation permet une utilisation optimale de l'outil nucléaire.
A cet avantage s'ajoute, dans certains cas, l'existence de clauses
d'interruptibilité en période de pointe, qui permettent au système électrique
français d'économiser des moyens de pointe.
L'interconnexion internationale représente indéniablement un fort inrérêt
économique pour EDF et, par conséquent, pour la collectivité nationale. Elle
constitue également un élément important de sécurité mutuelle des réseaux
éléctriques européens.
En ce qui concerne la construction de lignes de transport d'énergie
électrique, il convient de rappeler que tout projet fait aujourd'hui l'objet
d'une large concertation locale préalablement à la procédure d'instruction, qui
comprend en particulier une enquête publique.
Par ailleurs, des avancées récentes dans les domaines législatif et
réglementaire sont venues compléter ces phases de concertation instaurées par
le protocole relatif aux lignes électriques et signé entre l'Etat et EDF le 25
août 1992.
Il s'agit de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la
protection de l'environnement et du décret du 10 mai 1996 pris en application
de la loi susmentionnée et instaurant la Commission nationale du débat
public.
Cette commission a pour vocation d'intervenir en amont des décisions
déterminantes dans la mise en route des projets et d'organiser un véritable
débat public portant tant sur les objectifs que sur les conséquences au regard
des préoccupations environnementales.
Telles sont, monsieur le sénateur, les dispositions qui semblent répondre
parfaitement aux légitimes préoccupations que vous avez exprimées.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de votre réponse en trois
points, à savoir, d'abord l'étude de l'INESTENE, qui doit être relativisée en
raison du prix de vente à l'étranger, lequel tient compte de l'ensemble des
éléments à intégrer dans le prix de revient, ensuite l'intérêt qu'il y a à
faire des interconnexions internationales permettant d'évacuer les excédents et
les surplus d'électricité, et, enfin, la large concertation qui est déjà
engagée.
Permettez-moi de revenir sur ces trois points.
Sur le premier, je dirai qu'EDF gagne bien de l'argent grâce à ses
exportations. Madame le secrétaire d'Etat, le prix moyen des ventes à
l'étranger d'EDF était, l'an passé, légèrement inférieur à 24 centimes le
kilowatt-heure et il est inférieur au prix de référence pour l'énergie
nucléaire tel qu'il est évalué par le service des ministères, à savoir 24,1
centimes dans le cas le plus bas de la fourchette la plus basse des coûts de
référence de la direction du gaz, de l'électricité et du charbon, direction
générale de l'énergie et des matières premières, la DIGEC/DGEMP du ministère de
l'industrie. Pour les cas réels observés de fonctionnement du parc nucléaire,
ce prix DIGEC passe à 28,5 centimes en 1995. C'est le coût qui avait été retenu
par l'INESTENE. Dans ce cas de figure, on ne peut pas parler de bénéfices réels
réalisés par notre entreprise, qui fabrique et transporte l'énergie
nucléaire.
Le chiffre moyen de l'approvisionnement d'EDF en électricité était déjà, en
1993, de 24,7 centimes par kilowatt-heure. Ce chiffre est très bas, car il
intègre les grands barrages hydrauliques du Rhin et du Rhône, qui fournissent
une rente qu'il n'est pas question de brader à l'exportation.
En effet, nous savons bien qu'aujourd'hui le surplus d'électricité qui est
produit l'est à partir de l'électricité nucléaire. Il ne s'agit donc plus
d'intégrer dans le coût à l'exportation la rente de situation que ces barrages
hydrauliques nous ont permis d'obtenir.
C'est la raison pour laquelle je continue de penser qu'il faut absolument
relativiser les coûts que vous venez d'annoncer. Il serait d'ailleurs utile que
nous puissions avoir accès à toutes les données chiffrées dont vous avez fait
part au Sénat et à toutes celles qu'EDF possède encore.
M. le président.
Monsieur Richert, vous avez très largement dépassé votre temps de parole.
M. Philippe Richert.
J'ai été très court lors de mon intervention initiale, monsieur le président,
reconnaissez-le !
M. le président.
Il n'est pas possible de cumuler, mais je vous laisse cependant poursuivre.
M. Philippe Richert.
Je serai très rapide.
En ce qui concerne l'intérêt des interconnexions, nous sommes en train de
prévoir de nouvelles constructions de centrales nucléaires. Est-il vraiment
nécessaire aujourd'hui, alors que nous faisons des exportations, de continuer à
augmenter notre parc nucléaire ? Dans ce cadre, est-il indispensable de faire
traverser notre paysage par l'ensemble de ces lignes à haute tension qui,
malheureusement, ne sont pas très agréables à la vue ?
RECONVERSION DU SITE DU PLATEAU D'ALBION
M. le président.
M. Alain Dufaut attire l'attention de M. le ministre de la défense sur
l'avenir de la région du plateau de Sault et de la ville d'Apt dans le
Vaucluse, suite à l'annonce officielle du démantèlement des missiles sol-sol du
premier groupement de missiles stratégiques (GMS) installés sur la base
aérienne d'Albion.
La fermeture de ce site de défense nucléaire, qui s'inscrit dans le cadre plus
général de la réforme de notre défense nationale, vaste chantier que le
président de la République a eu le courage de mettre en oeuvre, pose néanmoins
le problème de sa reconversion.
Les études entreprises depuis plusieurs mois, et notamment celle qui a été
commanditée par le Comité de liaison des élus d'Albion, mettent en évidence
l'impact économique et social considérable d'une telle décision.
C'est ainsi que 1 200 emplois directs, environ 3 300 personnes, une
quarantaine de classes et près de 170 entreprises seront touchés. Les
incidences en termes de démographie et de maintien des services publics sont
également très importantes.
L'ampleur des conséquences ainsi cernées permet de confirmer la nécessité de
mettre en oeuvre un projet de développement de longue durée particulièrement
complet, tenant compte des propositions formulées par les acteurs locaux.
Le rapport annexe de présentation du projet de loi relatif à la programmation
militaire pour les années 1997 à 2002, projet dont la discussion aura lieu dans
les jours prochains au sein de la Haute Assemblée, précise justement que l'«
importance des mesures de restructuration militaire et industrielle, et la
durée de la phase de transition d'un modèle d'armée à l'autre nécessitent un
effort d'accompagnement économique et social exceptionnel ».
A cet égard, il sollicite de M. le ministre de la défense une audience des
parlementaires vauclusiens et des élus directement concernés par la fermeture
du site d'Albion, afin de définir une procédure de travail devant déboucher sur
la mise en oeuvre de mesures de reconversion adaptées.
La récente nomination d'un délégué interministériel aux restructurations de
défense, qui s'est engagé à organiser très rapidement une première réunion dans
le Vaucluse, permet d'envisager une réelle concertation sur le terrain, en
liaison avec les autorités administratives concernées et les représentants de
la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur.
Il n'en demeure pas moins vrai que l'efficacité de cette phase dépend en
grande partie des propositions de l'Etat, lesquelles devront absolument
s'appuyer et répondre aux engagements du président de la République, visant à
ce que la « reconversion du site et l'implantation de nouvelles activités
militaires ou civiles soient étudiées, en concertation avec les parlementaires
et élus locaux, avec le souci prioritaire du maintien du niveau d'emploi et des
activités économiques de la région ».
Il lui demande par conséquent de bien vouloir lui préciser ses intentions à ce
sujet. (N° 417.)
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur l'avenir de
la région du plateau de Sault et de la ville d'Apt dans le Vaucluse, suite à
l'annonce officielle du démantèlement des missiles sol-sol du premier
groupement de missiles stratégiques, GMS, installés sur la base aérienne
d'Albion.
La fermeture de ce site de défense nucléaire, qui s'inscrit dans le cadre plus
général de la réforme de notre défense nationale, vaste chantier que le
président de la République a eu le courage de mettre en oeuvre, pose néanmoins
le problème de sa reconversion.
Les études entreprises depuis plusieurs mois, notamment celle qui a été
commanditée par le comité de liaison des élus d'Albion, mettent en évidence
l'impact économique et social considérable d'une telle décision.
C'est ainsi que 1 200 emplois directs, environ 3 300 personnes, une
quarantaine de classes dans les écoles et près de 170 entreprises seront
directement touchés. Les incidences en termes de démographie et de maintien des
services publics sont également très importantes.
Le rapport annexe de présentation du projet de loi relatif à la programmation
militaire pour les années 1997 à 2002, projet qui est actuellement soumis au
Parlement et qui a fait l'objet de discussions au sein de la Haute Assemblée la
semaine dernière en première lecture, précise justement que « l'importance des
mesures de restructurations militaire et industrielle, et la durée de la phase
de transition d'un modèle d'armée à l'autre nécessitent un effort
d'accompagnement économique et social exceptionnel ».
Madame le secrétaire d'Etat, l'attente des élus et des responsables locaux est
à la hauteur de cet effort.
A cet égard, je sollicite du ministre de la défense une audience en présence
de mes collègues les députés Jean-Michel Ferrand et Yves Rousset-Rouard ainsi
que le sénateur Claude Haut, au nom des parlementaires vauclusiens et des élus
directement concernés par la fermeture du site d'Albion, cela afin de définir
une procédure de travail devant déboucher sur la mise en oeuvre de mesures de
reconversion adaptées.
La récente nomination d'un délégué interministériel aux restructurations de
défense, M. Thierry Klinguer, qui a organisé le mardi 11 juin dernier une
première réunion à la préfecture de Vaucluse, permet, il est vrai, d'envisager
une réelle concertation sur le terrain, en liaison avec les autorités
administratives concernées et les représentants de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Il n'en demeure pas moins vrai que l'efficacité de cette phase dépend en
grande partie des propositions de l'Etat, lesquelles devront absolument
répondre et s'appuyer sur les engagements du président de la République visant
à ce que la « reconversion du site et l'implantation de nouvelles activités
militaires ou civiles soient étudiées, en concertation avec les parlementaires
et élus locaux, avec le souci prioritaire du maintien du niveau d'emploi et des
activités économiques de la région. »
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me préciser les
intentions du Gouvernement sur cet important dossier.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre,
secrétaire d'Etat chargée de la francophonie.
Monsieur le sénateur, je
vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Charles Millon, qui présente
actuellement, aux élus concernés, les orientations gouvernementales relatives à
l'avenir de la direction des constructions navales.
Depuis l'annonce publique de la dissolution du premier groupement de missiles
stratégiques, le ministère de la défense examine les possibilités
d'implantations militaires sur le site d'Apt.
Cette démarche répond à une logique d'anticipation, de proximité et de
concertation qui définit l'approche du Gouvernement dans la conduite des
mesures de restructuration.
Anticipation : en effet, si cette décision est connue depuis plusieurs mois,
ses premiers effets économiques n'apparaîtront qu'en 1998.
Proximité : dans ce délai, c'est au plus près des réalités locales que seront
identifiées les mesures d'accompagnement destinées à pallier la disparition du
1er GMS.
Concertation, enfin : depuis plusieurs mois, les rencontres avec les acteurs
locaux les plus concernés par cette opération se sont multipliées, et, tout
récemment encore, lors de la visite sur place du délégué interministériel aux
restructurations de défense.
En tout état de cause, le ministre de la défense tient à souligner
l'efficacité des actions d'accompagnement qui bénéficient au niveau national,
depuis le vote du projet de loi de programmation militaire, d'un volume
significatif de crédits ; près d'un milliard de francs sont en effet affectés
au fonds de restructuration pour la défense et dédiés à l'aide aux
reconversions d'entreprises militaires.
Cette dynamique paraît entièrement partagée par les acteurs locaux, notamment
par l'exécutif de la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, qui conclura, dans
les tout prochains jours, avec l'Etat une convention d'accompagnement des
restructurations de la défense.
Je veux enfin vous assurer que le ministre de la défense veillera à ce que le
site d'Albion fasse, dans cette perspective, l'objet d'une attention toute
particulière, et que je lui transmettrai votre demande de réunion.
M. Alain Dufaut.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Je tiens à remercier Mme le secrétaire d'Etat pour sa réponse. Je souhaite
néanmoins apporter deux petites précisions.
Nous sommes tout à fait conscients de la volonté de l'Etat, qui est, comme
vient de nous l'indiquer Mme le secrétaire d'Etat, à la fois d'anticiper sur
l'événement et d'instaurer une concertation sur le terrain. Mais je tiens à
insister sur la participation prépondérante des parlementaires locaux dans
cette concertation.
En outre, s'agissant de la solution mixte de reconversion vers laquelle nous
nous dirigeons, à savoir l'implantation de nouvelles activités militaires et
civiles, tous les élus locaux sont unanimes pour dire que la composante
militaire doit être importante. Il est évident que sur les sites concernées du
plateau d'Albion et du plateau de Sault, toute autre activité économique est
difficilement envisageable.
3
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE MALTE
M. le président.
J'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une
délégation de la Chambre des représentants de la République de Malte conduite
par son président, M. Lawrence Gonzi.
Au nom de la Haute Assemblée, je lui souhaite la bienvenue et je forme des
voeux pour que son séjour en France contribue à fortifier les liens d'amitié
entre nos deux pays.
Je salue également la présence du président du groupe d'amitié France-Malte.
(Mmes les secrétaires d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et
applaudissent.)
4
QUESTIONS ORALES
M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales sans débat.
EXCÈS DES TA^CHES
NON JURIDICTIONNELLES INCOMBANT
AUX MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE
M. le président.
M. Jean-Pierre Vial attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de
la justice, sur le manque de disponibilité des magistrats de l'ordre judiciaire
en raison des trop nombreuses tâches non juridictionnelles qui leur
incombent.
Il s'interroge notamment sur la nécessité de faire participer des juges de
l'ordre judiciaire à de multiples commissions administratives purement
consultatives, ou même sur la présidence de certaines d'entre elles dans des
matières, certes importantes et intéressantes, mais qui relèveront ensuite du
contentieux du juge administratif.
C'est le cas notamment de la commission donnant avis sur le séjour ou
l'explusion des étrangers, de celle qui statue sur les appels d'aide sociale ou
encore des commissions de discipline des fonctionnaires territoriaux.
A cet égard, il est significatif de noter que la loin° 94-1134 du 27 décembre
1994 modifiant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 a transféré au juge
administratif la charge de la présidence de ces commissions de discipline mais
que, faute de publication d'un décret en Conseil d'Etat en fixant les
modalités, c'est toujours un juge de l'ordre judiciaire qui assure cette
fonction.
Il lui demande de préciser les mesures que son ministère compte prendre pour
décharger les magistrats de l'ordre judiciaire de matières relevant du juge
administratif ou de tâches non juridictionnelles. (N° 412.)
La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Je souhaitais attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la
justice, sur le manque de disponibilité des magistrats de l'ordre judiciaire en
raison des trop nombreuses tâches non juridictionnelles qui leur incombent.
Nous ne pouvons que nous interroger sur la nécessité de faire participer des
juges de l'ordre judiciaire à de multiples commissions administratives purement
consultatives, ou même sur la présidence de certaines d'entre elles dans des
matières, certes importantes, mais qui relèveront ensuite du contentieux du
juge administratif.
C'est le cas notamment de la commission donnant avis sur le séjour ou
l'expulsion des étrangers, de celle qui statue sur les appels d'aide sociale ou
encore des commissions de discipline des fonctionnaires territoriaux.
A cet égard, il est significatif de noter que la loi du 27 décembre 1994
modifiant la loi du 26 janvier 1984 a transféré au juge administratif la charge
de la présidence de ces commissions de discipline mais que, faute de
publication d'un décret en Conseil d'Etat en fixant les modalités, c'est
toujours un juge de l'ordre judiciaire qui doit assurer cette fonction.
Quelles sont donc les mesures que M. le garde des sceaux compte prendre pour
décharger les magistrats de l'ordre judiciaire de matières relevant du juge
administratif ou de tâches non juridictionnelles ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre,
secrétaire d'Etat chargé de la francophonie.
Monsieur le sénateur, je
vous prie d'excuser l'absence de M. Jacques Toubon, qui n'a pu être présent ce
matin. Il a tenu à ce que je porte à votre attention les éléments suivants.
Les orientations figurant dans le rapport annexé à la loi de programme n° 95-9
du 6 janvier 1995 relative à la justice rappellent la nécessité de recentrer
l'activité du juge sur sa mission essentielle qui est de dire le droit et de le
décharger des tâches qui ne lui incombent pas nécessairement.
A cette fin, la Chancellerie veille avec un soin tout particulier à ce que la
participation des magistrats de l'ordre judiciaire à la composition
d'organismes ou de commissions extrajudiciaires soit réservée à des domaines
d'activité correspondant à leur vocation naturelle et propres à prévenir le
développement de certains contentieux.
En effet, si le souhait de voir des magistrats entrer dans la composition de
tels organismes répond au souci, sans doute légitime, de leur conférer une
certaine autorité, il importe toutefois de ne pas multiplier les cas dans
lesquels leur participation serait souhaitée.
C'est notamment à cette fin que l'article 12 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22
septembre 1958, modifiée portant loi organique relative au statut de la
magistrature, a prévu que toute disposition réglementaire nouvelle prescrivant
la participation de magistrats aux travaux d'organismes ou de commissions
extrajudiciaires doit être soumise au contreseing du garde des sceaux.
Cette disposition, qui constitue une formalité substantielle, a ainsi pour
objet de permettre de vérifier, dans chaque cas particulier, que les fonctions
qui seraient conférées à un magistrat ne sont pas de nature à compromettre son
indépendance. Elles permettent aussi d'apprécier la compatibilité de cette
participation éventuelle avec les dispositions d'organisation judiciaire et
d'évaluer ses impacts sur les plans tant de la charge de travail des magistrats
que du fonctionnement des juridictions.
En outre, dans le cadre de la préparation et de la mise en oeuvre du plan de
réforme de l'Etat et des services publics annoncé par le Premier ministre, la
Chancellerie sera amenée à recenser l'ensemble des missions extrajudiciaires
qui incombent aujourd'hui aux magistrats, et pour lesquelles leur participation
pourrait être supprimée dès lors qu'elle ne paraîtrait pas indispensable.
En raison de la multiplicité des textes qui les instituent, il n'est toutefois
pas envisageable de réduire brutalement la participation des magistrats à des
commissions extrajudiciaires. Ce retrait ne pourra être effectué que
progressivement pour ne pas désorganiser les instances qui bénéficiaient de la
participation des magistrats.
En ce qui concerne plus particulièrement les conseils de discipline de la
fonction publique territoriale, je vous dirai que l'attention du ministre de
l'intérieur a été récemment appelée sur la particulière urgence que revêt
l'intervention du décret d'application de la loi n° 94-1134 du 24 décembre
1994, que vous mentionniez tout à l'heure. Il incombe maintenant à ce
département ministériel de l'élaborer, afin de garantir sans délai un
fonctionnement normal de ces instances disciplinaires.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. Jacques Toubon
souhaitait porter à votre connaissance.
M. Jean-Pierre Vial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Je tiens à remercier M. le ministre des informations qu'il nous a données. On
ne peut que se féliciter du fait que M. le garde des sceaux réaffirme les
orientations tendant à soulager les magistrats, qui sont trop peu nombreux et
surchargés de tâches ne relevant pas de la mission judiciaire.
J'ai bien noté la préoccupation de M. le garde des sceaux quant à
l'application de la loi du 24 décembre 1994 et le désir qu'il a de voir prendre
les décrets d'application correspondants par M. le ministre de l'intérieur.
Inadaptation de la RN 504 à la croissance du trafic routier et notamment de
poids lourds
M. le président.
M. Jean-Pierre Vial attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du
logement, des transports et du tourisme sur le problème de la RN 504, et plus
particulièrement sur la croissance très rapide du trafic poids lourds qui
emprunte le tunnel routier de Fréjus et qui, pour sa très grande majorité,
utilise la RN 504, qui est totalement inadaptée. En dix ans, ce type de trafic
a augmenté de plus de 50 p. 100 sur cet itinéraire, entraînant insécurité et
exaspération des populations riveraines, outre le danger particulier que
représente la traversée de certaines communes et la sortie du tunnel du
Chat.
Par ailleurs, le risque d'une pollution accidentelle du lac du Bourget, dans
la mesure où cette route nationale surplombe sur plusieurs kilomètres le
premier lac naturel de France, est très inquiétant.
Une solution à ces problèmes peut être le barreau autoroutier
Ambérieu-Grenoble, à la condition que le choix de son tracé prenne en compte le
délestage de cet itinéraire. Un tel projet pourrait également chercher à mieux
drainer le trafic qui, venant d'Allemagne et de Suisse, traverse nos
départements alpins pour se rendre dans le sud de la France.
Cette question devient d'autant plus préoccupante que le futur tronçon
autoroutier, entre Saint-Julien-en-Genevois et Cruseilles, devrait favoriser
cet axe. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui apporter des
informations et des précisions sur l'avancement de ce dossier qui intéresse non
seulement les Savoyards et les départements voisins mais également la région
Rhône-Alpes. (N° 415.)
La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tenais à
attirer l'attention du ministre de l'équipement sur le problème de la RN 504,
et plus particulièrement sur la croissance très rapide du trafic poids lourds
qui emprunte le tunnel routier du Fréjus et, pour sa très grande majorité,
utilise la route nationale 504, qui est totalement inadaptée.
En dix ans, ce type de trafic a augmenté de plus de 50 p. 100 sur cet
itinéraire, entraînant insécurité et exaspération des populations riveraines,
outre le danger particulier que représente la traversée de certaines communes
et la sortie du tunnel du Chat.
Par ailleurs, le risque d'une pollution accidentelle du lac du Bourget, dans
la mesure où cette route nationale surplombe sur plusieurs kilomètres le
premier lac naturel de France, est très inquiétante.
Je rappelle que cette situation ne devrait que s'aggraver avec la mise en
circulation progressive de l'autoroute de Maurienne.
Or, le barreau autoroutier Ambérieu-Grenoble pourrait constituer une solution
à ce problème, à la condition que son tracé prenne en compte le délestage de
cet itinéraire.
Un tel projet pourrait aussi permettre de mieux drainer le trafic qui, venant
d'Allemagne et de Suisse, traverse nos départements alpins pour continuer vers
le sud de la France. Cette question devient d'autant plus préoccupante que le
futur tronçon autoroutier entre Saint-Julien-en-Genevois et Cruseilles devrait
favoriser cet axe.
Telles sont, madame le secrétaire d'Etat, les raisons pour lesquelles je vous
demande de bien vouloir nous apporter des informations et des précisions sur
l'avancement de ce dossier qui intéresse, non seulement les Savoyards et les
départements voisins, mais aussi la région Rhône-Alpes.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le sénateur, je vous prie de
bien vouloir excuser l'absence de M. Bernard Pons, qui m'a chargée de vous
apporter des éléments de réponse sur un sujet auquel il est, comme moi-même,
extrêmement sensible et que vous avez fort bien exposé.
Le projet de barreau autoroutier A 48, entre les autoroutes A 42 à Ambérieu et
A 43 à Bourgoin-Jallieu, a été inscrit au schéma directeur routier national
approuvé par décret en date du 1er avril 1992.
Cet aménagement a pour objectif prioritaire d'améliorer l'écoulement des
trafics nord-sud tout en délestant les axes routiers empruntant le couloir
Saône-Rhône.
Après concertation avec les différents élus, une décision de principe a été
prise sur la base d'un fuseau Centre.
Toutefois, après cette décision, la poursuite des études a montré que de
grandes difficultés de raccordement de la future liaison à l'A 43 existent dans
le secteur de Bourgoin-Jallieu.
C'est la raison pour laquelle M. Bernard Pons a demandé que des études
complémentaires soient conduites pour éviter notamment que le trafic de transit
nord-sud ne traverse Bourgoin-Jallieu. Des solutions alternatives
présenteraient en outre l'avantage de préserver les zones les plus sensibles au
regard de l'urbanisme et des paysages. Ces études complémentaires, dont
l'objectif est la protection de l'environnement, sont en voie d'achèvement.
Dans ces conditions, nos services vont organiser, dès la première quinzaine de
juillet, une réunion avec tous les ministères concernés, ceux de
l'environnement et de l'agriculture, ainsi qu'avec les préfets.
Bien entendu, le problème central que vous avez évoqué du délestage de la RN
504 sera examiné au cours de cette réunion ; soyez assuré que nos services ont
reçu, et recevront encore davantage après votre intervention, toutes
instructions pour que cette question soit examinée avec la plus grande
attention.
L'objectif est, bien entendu, d'aboutir à une décision sur le fuseau de 1 000
mètres dans les meilleurs délais.
M. Jean-Pierre Vial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie des explications que vous venez
de nous donner. J'ai bien compris que l'examen auquel vous avez fait allusion
concerne la remise en cause éventuelle du fuseau central. Or, la solution à
laquelle je pensais et à laquelle pensent de nombreux élus de Savoie, de l'Ain
et même de Haute-Isère est, bien évidemment, le rattachement à un fuseau situé
plus au sud.
Je me permets d'insister pour attirer de nouveau l'attention de M. le ministre
de l'équipement sur l'augmentation de la circulation sur la RN 504 du fait,
notamment, de la mise en circulation de l'autoroute de Maurienne, comme je l'ai
rappelé, mais surtout - ce qui me paraît plus préoccupant - sur la
quasi-impossibilité d'aménager de façon satisfaisante cet itinéraire et sur le
coût que cela impliquerait.
En revanche, le choix d'un barreau aboutissant sur un fuseau plus au sud
permettrait, sans coût pour l'Etat, puisque la RN 504 ne serait plus à
aménager, d'apporter une solution satisfaisante au niveau non seulement du
trafic mais aussi de la sécurité.
Difficultés des entreprises
du second oeuvre du bâtiment
et pratiques de passation des marchés publics
M. le président.
M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du
logement, des transports et du tourisme sur la situation très difficile dans
laquelle se trouvent les entreprises du BTP à ce jour et tout particulièrement
celles du second oeuvre du bâtiment. Les difficultés de ces dernières se
trouvent amplifiées par les pratiques effectives de passation des marchés de
travaux.
En effet, que le marché soit passé par adjudication ou par appel d'offres, le
recours excessif au marché à entreprise générale fait de la plupart des
entreprises du second oeuvre des sous-traitants à des niveaux de prix et à des
conditions de paiement incompatibles avec leur pérennisation.
Ne serait-il pas souhaitable que soient rappelées aux acheteurs publics les
règles applicables aux choix des candidats, et notamment la règle selon
laquelle les entreprises admises à présenter une offre doivent posséder par
elles-mêmes, et non à travers des sous-traitants éventuels, les garanties
professionnelles et financières demandées par le maître d'ouvrage ?
En conséquence, l'acheteur public ne devrait recourir au marché unique, dit en
entreprise générale, que s'il existe, compte tenu des caractéristiques de
l'ouvrage, un nombre important d'entreprises possédant la capacité technique et
les moyens de réaliser par elles-mêmes l'ensemble de l'ouvrage ; dans tous les
autres cas, il devrait, s'il souhaite avoir un seul interlocuteur pour la
réalisation de l'ouvrage, choisir de recourir à la formule du groupement
conjoint ou en marchés séparés. (N° 413.)
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du logement, des
transports et du tourisme mais, à vrai dire, elle concerne aussi M. le ministre
délégué aux finances et au commerce extérieur, en tant que tuteur du code des
marchés publics. Toutefois je ne doute pas que Mme le secrétaire d'Etat aux
transports est parfaitement à même de faire la synthèse des réponses qu'ils
auraient pu m'apporter.
Ma question porte sur la situation difficile dans laquelle se trouvent à ce
jour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, et tout
particulièrement celles du second oeuvre du bâtiment. Ces difficultés sont,
bien entendu, de nature économique et conjoncturelle, mais elles sont
amplifiées par des ambiguïtés juridiques et par les pratiques effectives de
passation des marchés de travaux.
En effet, quel que soit le mode de passation des marchés, on constate un
recours de plus en plus important à l'entreprise générale. Les entreprises du
second oeuvre se voient ainsi réduites au rôle de sous-traitant, sans lien
juridique avec le maître d'ouvrage, à des niveaux de prix et à des conditions
de paiement qui les menacent quelquefois dans leur survie.
Ne serait-il pas souhaitable que soient rappelées aux acheteurs publics les
règles applicables aux choix des candidats et notamment la règle selon laquelle
les entreprises admises à présenter une offre doivent présenter par
elles-mêmes, et non à travers des sous-traitants éventuels, les garanties
professionnelles et financières demandées par le maître de l'ouvrage ?
En conséquence, l'acheteur public ne devrait recourir au marché unique, dit en
entreprise générale, que pour les marchés comptant un nombre restreint de lots,
pour lesquels il existe des entreprises capables de les réaliser par leurs
propres moyens. Dans les autres cas - comme l'avait déjà prévu la circulaire du
9 mars 1982 - il devrait recourir à la formule des marchés séparés ou, s'il
souhaite avoir un seul interlocuteur, du groupement conjoint.
La réforme en préparation du code des marchés publics sera peut-être
l'occasion de donner de « l'entreprise générale » une définition juridique, qui
manque, semble-t-il, et de préciser les références qui doivent êre prises en
considération, références acquises soit par une exécution directe des travaux,
soit par le recours à la sous-traitance.
Autrement dit, ne jugez-vous pas utile, madame le secrétaire d'Etat, de
clarifier l'ensemble de cette question et de lever les ambiguïtés qui
inquiètent aujourd'hui une bonne partie des industriels du bâtiment et des
travaux publics ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le sénateur, vous demandez à
M. Bernard Pons, ainsi qu'à M. Yves Galland, comment les procédures de
passation des marchés publics de travaux peuvent contribuer à maintenir un
tissu dynamique de petites et moyennes entreprises, facteur important de
qualité et d'innovation, ainsi que de création d'emplois, dans le secteur de la
construction.
M. Pons me charge de vous apporter les éléments d'information suivants.
En l'état actuel du droit, comme vous le savez, tout maître d'ouvrage public
est libre de choisir le mode de dévolution des travaux qu'il estime être le
plus adapté à l'opération qu'il envisage. Il peut ainsi recourir à l'entreprise
générale, à un regroupement d'entreprises ou faire appel à plusieurs
entreprises dans le cadre de marchés séparés.
De même, la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance consacre le droit
des entreprises à sous-traiter leur activité, qu'il s'agisse d'une
sous-traitance de capacité ou de spécialité.
Par ailleurs, la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique,
prévoit que, dans le bâtiment, le maître de l'ouvrage ne peut consulter les
entreprises que lorsqu'il dispose d'études de conception suffisamment poussées
pour lui permettre d'exercer pleinement son choix quant au mode de dévolution
des travaux, et donc pour opter éventuellement pour les marchés séparés.
Nous sommes très attachés au développement d'une concurrence saine et loyale,
et extrêmement sensibles, monsieur Gaillard - je puis vous l'assurer - aux
préoccupations que vous avez évoquées, spécialement dans le contexte économique
actuel.
Nous entendons pour cela veiller à ce que l'attribution des marchés de travaux
le soit aux entreprises « mieux-disantes ». Nos services travaillent ainsi dans
ce sens, en particulier en élaborant un guide à l'attention des maîtres
d'ouvrage publics sur ce sujet.
Nous souhaitons également que, dans le cadre de la réforme du code des marchés
publics, qui sera engagée par le Gouvernement sur la base des conclusions
remises par M. Trassy-Paillogues, un débat soit instauré en particulier sur la
sous-traitance.
Nous sommes convaincus que le titulaire du marché doit exécuter une part
significative du marché qui lui est attribué et qu'il doit en être de même pour
les sous-traitants proposés. Il faut également que le choix au « mieux-disant »
s'applique à l'entreprise sous-traitante. Enfin, il est indispensable
d'instaurer davantage de transparence et de partenariat entre donneurs d'ordre
et sous-traitants dans le cadre de la passation des marchés publics.
Voilà quelques-unes des orientations, lesquelles sont, me semble-t-il,
monsieur Gaillard, tout à fait en conformité avec votre propre préoccupation de
clarification, que nous souhaiterions mettre en oeuvre dans le cadre de la
réforme du code des marchés publics.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse très documentée
que vous avez bien voulu m'adresser. Il est vrai qu'il s'agit d'une question
très délicate.
Alors que le code, dans sa rédaction initiale, contient des dispositions
contraignantes pour les candidats, les obligeant à ne présenter une offre
qu'accompagnée de références et de garanties professionnelles et financières
propres, la pratique de l'entreprise générale s'est développée, ce qui est
inévitable.
Elle présente toutefois l'inconvénient de rompre, en quelque sorte, le lien
entre le maître d'ouvrage et le sous-traitant, puisque ce dernier peut très
bien être exclu, aussi bien au moment de la passation du marché qu'ensuite, et
que le maître d'ouvrage n'a d'autre possibilité que de l'agréer.
Vous avez fait allusion à une étude menée par M. Trassy-Paillogues. Je crois
qu'elle ne répond qu'en partie à la question, ne traitant pas du problème des
deux catégories de références dont vous avez parlé : celles qui sont transmises
directement et celles qui le sont indirectement à travers la sous-traitance.
Tracé du TGV Est : préservation du site
de Bonne-Fontaine situé dans le parc naturel
des Vosges du Nord
M. le président.
M. Charles Metzinger signale à Mme le secrétaire d'Etat aux transports que le
tracé du TGV Est, tel qu'il est envisagé actuellement, ne manquera pas d'avoir
des conséquences économiques et environnementales préjudiciables pour la
commune mosellane de Danne-et-Quatre-Vents, limitrophe du Bas-Rhin, en
particulier pour son annexe, Bonne-Fontaine, enclavée dans le parc naturel des
Vosges du Nord. Celle-ci bénéficie d'un environnement paysager et d'un
patrimoine culturel qui en font un ensemble remarquable composé d'un couvent,
d'un établissement hôtelier et d'une maison forestière.
La combinaison nature-culture-tourisme draine quelque 30 000 visiteurs par an,
ce qui constitue, pour une petite commune de 517 habitants, un intérêt
économique indéniable.
Dans la procédure administrative, la commission d'enquête a émis un avis
favorable à la déclaration d'utilité publique pour la construction d'une ligne
ferroviaire nouvelle sur l'ensemble du tracé. L'aménagement définitif n'est
cependant pas encore arrêté.
Les élus de la commune n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire valoir leurs
arguments et demander une traversée couverte du site de Bonne-Fontaine.
N'est-il pas envisageable de consentir un effort particulier pour la
préservation de ce site ?
Par ailleurs, on entend dire que l'utilisation de l'ancienne ligne pourrait
être envisagée sur quelques dizaines de kilomètres à proximité de
Danne-et-Quatre-Vents. Est-ce vrai, et peut-elle en dire plus sur cet aspect de
la question ? (N° 416.)
La parole est à M. Metzinger.
M. Charles Metzinger.
Ma question concerne le tracé du TGV Est, tel qu'il est envisagé actuellement,
qui ne manquera pas d'avoir des conséquences économiques et environnementales
préjudiciables pour la commune mosellane de Danne-et-Quatre-Vents, limitrophe
du Bas-Rhin, en particulier pour son annexe, Bonne-Fontaine, enclavée dans le
parc naturel des Vosges du Nord.
Celle-ci bénéficie d'un environnement paysager et d'un patrimoine culturel qui
en font un ensemble remarquable. La combinaison nature-culture-tourisme draine
quelque 30 000 visiteurs par an, ce qui constitue, pour une petite commune de
517 habitants, un intérêt économique indéniable.
Dans la procédure administrative, la commission d'enquête a émis un avis
favorable sur la déclaration d'utilité publique pour la construction d'une
ligne ferroviaire nouvelle sur l'ensemble du tracé. L'aménagement définitif
n'est cependant pas encore arrêté.
Les élus de la commune n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire valoir leurs
arguments et demander une traversée couverte du site de Bonne-Fontaine.
N'est-il pas envisageable de consentir un effort particulier pour la
préservation de ce site ?
Par ailleurs, on entend dire que l'utilisation de l'ancienne ligne pourrait
être envisagée sur quelques dizaines de kilomètres à proximité de
Danne-et-Quatre-Vents. Est-ce vrai, madame le secrétaire d'Etat ? Pouvez-vous
nous en dire plus sur cet aspect de la question ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Le projet de TGV Est européen, qui
consiste à réaliser une ligne nouvelle à grande vitesse de 406 kilomètres entre
la région d'Ile-de-France et l'est de la France, vient, après des années
d'études et de travaux préliminaires, d'être déclaré d'utilité publique par un
décret en Conseil d'Etat publié au
Journal officiel
du 15 mai 1996.
Pour la traversée de la commune de Danne-et-Quatre-Vents, le projet prévoit le
jumelage de la ligne nouvelle avec l'autoroute A 4, ce qui permet d'éviter tout
nouvel effet de coupure. Le passage est prévu en déblai, l'altitude de la
plate-forme ferroviaire étant inférieure de huit à treize mètres à celle de
l'autoroute.
La réalisation d'un ouvrage souterrain par le prolongement du tunnel des
Vosges serait, du fait de la présence d'un talweg, d'un coût extrêmement
important. La commission d'enquête, dans son avis rendu à l'issue de l'enquête
publique, a conclu que, dans ce secteur, le prolongement n'était pas
réalisable.
Les dispositions de protection acoustique nécessaires pour limiter la
contribution sonore de la ligne nouvelle au droit des zones habitées à
soixante-deux décibels seront prises en concertation avec les communes
concernées.
La SNCF a réalisé une étude d'aménagement paysager de la traversée du site de
Bonne-Fontaine, auquel, monsieur le sénateur, vous êtes particulièrement
attaché. Cet aménagement permettra non seulement de limiter le niveau de
contribution sonore de l'infrastructure ferroviaire en dessous de la norme
retenue pour le TGV Est européen, mais également d'abaisser le niveau des
nuisances acoustiques actuelles, dues à la présence de l'autoroute A 4.
En tout état de cause, la SNCF est tenue à l'obligation de résultat que j'ai
mentionnée et les mesures nécessaires seront mises en oeuvre afin d'y
parvenir.
Plus généralement, un protocole relatif aux études d'avant-projet détaillé est
en cours de signature entre l'Etat, la SNCF et les collectivités locales. Ces
études permettront, dans le respect des engagements de l'Etat, de procéder aux
ajustements de détail sur l'ensemble du tracé, et ce dans la plus large
concertation avec l'ensemble des parties concernées.
M. Charles Metzinger.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Metzinger.
M. Charles Metzinger.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez
fournies.
La signature d'un protocole devrait apporter des apaisements supplémentaires
aux inquiétudes, somme toute justifiées, des élus locaux des communes
concernées dont je soutiens la démarche.
Si l'autoroute A 4 et le tracé de la ligne nouvelle du TGV Est, que nous
réclamons tous, ne coïncidaient pas, les nuisances seraient plus importantes.
Nous serons donc attentifs au contenu de ce protocole qui devra notamment
définir en détail les opérations à réaliser.
POLITIQUE DU LOGEMENT
DANS LE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS
M. le président.
M. Léon Fatous attire l'attention de M. le ministre délégué au logement sur la
politique du logement dans le département du Pas-de-Calais, en particulier dans
le district urbain d'Arras. Il lui demande de lui préciser le montant des
crédits PLA, prêts locatifs aidés, et PALULOS, prime à l'aménagement des
logements à usage locatif et d'occupation sociale. (N° 422.)
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous.
Le 14 juin dernier, défilaient dans les rues des grandes villes de France les
professionnels du bâtiment, qui manifestaient pour attirer notre attention sur
la situation dramatique que connaît ce secteur d'activités. De nombreuses
entreprises du bâtiment ont fermé leurs portes en 1995, entraînant ainsi la
mise au chômage de 30 000 personnes. Pour la région Nord-Pas-de-Calais, 2 000
emplois ont été perdus en un an. Cette situation est liée en grande partie à la
politique menée en matière de logement.
Au cours d'une réunion dans le cadre des rencontres « construction,
aménagement du territoire » qui a eu lieu à l'Assemblée nationale le 13 juin
dernier, sous la présidence de M. Tiberi, un rapport très pessimiste a été
présenté sur les perspectives du secteur et du financement du logement à
l'horizon de 1997. Un représentant du ministère du logement assistait
d'ailleurs à cette réunion.
Or, on constate que l'une des priorités nationales défendue par M. le
Président de la République lui-même se traduit par une baisse des crédits
affectés à ce domaine d'activités. En effet, pour le département du
Pas-de-Calais, il faut noter, en 1995, une baisse sensible des crédits PLA.
Bien entendu, le nombre de logements produits n'a que faiblement diminué, parce
que les prêts locatifs aidés très sociaux, les PLATS, ont été nombreux,
représentant près de 40 p. 100 de la production totale des logements sociaux
nouveaux.
La baisse sensible des PALULOS a ralenti fortement la réalisation des
opérations liées à la politique de la ville, ce qui a abouti à un doublement
des délais de réalisation.
L'année 1996 marque encore un effondrement des PLA, puisqu'on réalisera, au
maximum, 900 PLA avec les catégories I, dans les arrondissements d'Arras -
Saint-Pol - Saint-Omer.
Je tiens à vous signaler, madame le secrétaire d'Etat, que les PLA de
catégorie III pour le district urbain d'Arras s'effondrent littéralement
puisque, de 116 en 1992, ils sont passés à 26 en 1996. On ne peut que constater
une poursuite de la baisse des PALULOS.
Enfin, je voudrais savoir, madame le secrétaire d'Etat, si votre collègue des
finances a l'intention de geler des crédits ou, pis, d'en annuler, comme en
novembre 1995, car, actuellement, de nombreux dossiers déposés depuis six mois
ne sont toujours pas financés.
Par ailleurs, les délais d'attente augmentent. Au premier trimestre de 1996,
ils se sont accrus de un à deux mois par rapport à 1995. Il est regrettable que
l'une des priorités affichées du Président de la République ne soit pas suivie
des effets escomptés, car cela plonge nos entreprises du bâtiment dans une
situation particulièrement critique et, surtout, cela ne permet pas de répondre
aux attentes de milliers de demandeurs. Ils sont plus de 1 500, rien que dans
le district urbain d'Arras.
Ma question est alors la suivante : face à cet état désastreux, combien de PLA
et de PALULOS avez-vous l'intention de financer dans le Pas-de-Calais, plus
particulièrement dans le district urbain d'Arras ? Les crédits affectés à mon
département seront-ils en adéquation avec les difficultés qui sont plus
importantes chez nous que dans les autres départements ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le sénateur, se trouvant en ce
moment même à l'Assemblée nationale, M. Pierre-André Périssol m'a demandé de
vous apporter des éléments de réponse à votre question concernant le montant
des dotations et des crédits affectés au logement dans le département du
Pas-de-Calais.
Pour 1996, la dotation de prêts locatifs aidés et de primes à l'amélioration
des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PLA-PALULOS, qui est
fongible depuis plusieurs années, vous le savez, s'élève à 222,8 millions de
francs pour la région Nord-Pas-de-Calais.
Ces crédits sont déconcentrés. Il revient au préfet de région de les répartir
entre les départements de sa région en fonction des besoins. Puis, le préfet de
département retient les opérations à financer selon les priorités locales et
selon, notamment, l'avis du comité départemental de l'habitat.
A ce titre, le département du Pas-de-Calais a obtenu cette année une dotation
PLA-PALULOS de 66,43 millions de francs en catégorie III, une réserve de
catégorie II ayant été effectuée à l'échelon régional par le préfet de
région.
Sur ces 66,43 millions de francs de dotation fongible, 44 p. 100, soit 29,23
millions de francs, sont réservés aux opérations PALULOS et 56 p. 100, soit
37,20 millions de francs, aux opérations PLA.
En ce qui concerne plus particulièrement le district d'Arras, il est
difficile, monsieur le sénateur, de donner avec précision le montant des
crédits qui seront affectés en 1996 en PLA et en PALULOS dans ce secteur.
Néanmoins, M. Périssol m'a demandé de vous indiquer que, au stade des projets
recensés dans le cadre de la programmation pour 1996, on peut estimer que 25 p.
100 des crédits réservés à la dotation PALULOS et quelque 10 p. 100 des crédits
réservés au PLA pourraient être affectés au district d'Arras, et ce en fonction
des dossiers. Ces chiffres peuvent varier selon la date de dépôt effectif des
dossiers auprès de la direction départementale de l'équipement du
Pas-de-Calais.
M. Léon Fatous.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous m'avez
apportées. Nous verrons au mois de novembre si les chiffres que vous avez
annoncés ont bien été respectés.
MODALITÉS D'APPLICATION
DE LA DOTATION GÉNÉRALE DE DÉCENTRALISATION
M. le président.
M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les
conséquences des modalités d'application de la dotation générale de
décentralisation.
Il lui rappelle que les départements, pour lesquels le calcul de cette
dotation laisse apparaître un solde négatif, sont soumis à un prélèvement de la
somme correspondante sur le produit de leur taxe différentielle sur les
véhicules à moteur.
Il lui indique, en effet, que le principe de ce prélèvement présente, outre
son esprit contraire aux règles de la comptabilité publique qui interdit toute
contraction entre dépenses et recettes, de nombreux inconvénients : d'une part,
il complique l'élaboration des prévisions budgétaires en faisant peser une
incertitude sur le montant des recettes attendues et, d'autre part, il
introduit une opacité dans la lecture des comptes ainsi que des distorsions
dans les ratios de gestion des collectivités concernées, faussant en
conséquence les comparaisons interdépartementales.
Il lui demande, en conséquence, s'il ne serait pas possible de revoir les
modalités d'application de la DGD en cas de solde négatif, en particulier par
l'inscription d'une ligne budgétaire spécifique. (N° 427.)
La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès.
Je tiens à attirer l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de
la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les conséquences des
modalités d'application de la dotation générale de décentralisation.
Les départements, pour lesquels le calcul de cette dotation laisse apparaître
un solde négatif, sont soumis à un prélèvement de la somme correspondante sur
le produit de leur taxe différentielle sur les véhicules à moteur, c'est-à-dire
la vignette.
Le principe de ce prélèvement présente, outre son esprit contraire aux règles
de la comptabilité publique qui interdit toute contraction entre dépenses et
recettes, de nombreux inconvénients : d'une part, il complique l'élaboration
des prévisions budgétaires en faisant peser une incertitude sur le montant des
recettes attendues et, d'autre part, il introduit une opacité dans la lecture
des comptes ainsi que des distorsions dans les ratios de gestion des
collectivités concernées, faussant en conséquence les comparaisons
interdépartementales.
En conséquence, ne serait-il pas possible de revoir les modalités
d'application de la dotation générale de décentralisation en cas de solde
négatif, en particulier par l'inscription d'une ligne budgétaire spécifique
?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Etant dans l'obligation d'assister à
une réunion importante, M. Perben m'a chargée de vous communiquer les éléments
de réponse les plus complets possible à la question assez complexe que vous lui
avez posée.
Cette question comporte en fait deux aspects. Il s'agit, d'une part, de
l'incertitude que feraient peser sur les budgets locaux les modalités de calcul
de la dotation générale de décentralisation et, d'autre part, de l'inscription
comptable de cette dotation ou du prélèvement fiscal qui en tient lieu.
S'agissant des modalités de calcul, il est utile de rappeler que la dotation
générale de décentralisation n'est pas une dotation comme une autre. Elle a
vocation à assurer une neutralité financière des partages de compétences entre
l'Etat et les collectivités locales.
En effet, le financement des accroissements de charges, ou « droit à
compensation », résultant des transferts de compétences est assuré, pour
partie, par des ressources fiscales transférées aux collectivités et, pour le
solde, par transfert de ressources budgétaires, la dotation générale de
décentralisation.
Si le produit des impôts transférés, apprécié à la date du transfert, est
inférieur au montant du droit à compensation, la dotation générale de
décentralisation couvre la différence. Dans l'hypothèse inverse, il est procédé
à un prélèvement sur le produit de l'impôt transféré, de telle sorte que la
compensation financière n'excède pas les accroissements de charges résultant du
transfert.
Pour la première année de sa mise en oeuvre, la dotation générale de
décentralisation est donc un solde, positif ou négatif, sur lequel viennent
ensuite s'imputer, année après année, soit les nouveaux transferts de fiscalité
ou de compétences, soit les partages financiers des services.
Ce solde est ensuite indexé chaque année sur le taux de croissance de la
dotation globale de fonctionnement.
On ne peut donc pas soutenir que les modalités de calcul de la dotation
générale de décentralisation ou du prélèvement sur le produit de la fiscalité
transférée diminuent la prévisibilité des budgets locaux. Bien au contraire, la
dotation générale de décentralisation, positive ou négative, est la seule
dotation, avec la dotation forfaitaire de la dotation globale de
fonctionnement, qui évolue ainsi de manière automatique sans qu'intervienne un
élément physique ou financier.
Il est vrai que la dotation générale de décentralisation, positive ou
négative, résulte de l'addition de deux éléments. Le premier a pour objet de
compenser les transferts de compétences intervenus depuis le 1er janvier 1984.
Il est stable, ainsi que nous venons de le voir.
Le second élément retrace le solde des mouvements financiers résultant de la
mise en oeuvre du partage des services tel qu'il a été prévu par la loi n°
85-1098 du 11 octobre 1985. Il est généralement évolutif d'une année sur
l'autre en raison des mécanismes de régularisation des mouvements de personnel
et se traduit le plus souvent par un prélèvement sur la dotation générale de
décentralisation.
Il faut toutefois souligner qu'à cet élément de perturbation et de diminution
du niveau de la dotation générale de décentralisation correspond, en fait, une
baisse équivalente des charges transférées puisque les dépenses de personnel
sont alors transférées à l'Etat.
Au total, M. Perben estime qu'il n'existe aucune incertitude, à l'occasion de
l'élaboration du budget, sur l'évolution de la dotation générale de
décentralisation, positive ou négative, nette des mouvements de personnels qui
sont budgétairement neutres pour les départements.
S'agissant du traitement comptable des départements dits « surfiscalisés », je
tiens là aussi à vous apporter des précisions complètes.
Le montant des crédits inscrits sur les lignes budgétaires réservées aux
impôts transférés, notamment les droits de mutation et la taxe sur les
véhicules à moteur, correspond à ceux qui sont effectivement perçus par la
collectivité. Ce procédé ne transgresse en rien le principe de la comptabilité
publique de non-contraction entre les dépenses et les recettes. En effet, le
prélèvement sur la fiscalité, effectué à la source, est non pas une charge
supportée par la collectivité, mais un ajustement permettant de ne fournir à
celle-ci que son juste dû. Inscrire en recette le montant total de la fiscalité
levée sur le territoire de la collectivité et en dépense le montant du
prélèvement opéré reviendrait, en réalité, à majorer fictivement le niveau
général du budget.
Cette dernière méthode aurait des incidences néfastes sur les ratios de
gestion. Elle ne permettrait plus la comparaison entre les départements à
dotation générale de décentralisation négative - les « surfiscalisés » - et
ceux à dotation générale de décentralisation positive. L'inscription du
prélèvement sur une ligne budgétaire, sauf, le cas échéant, pour information,
est donc à proscrire.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que M. Perben souhaitait vous
apporter à titre de clarification.
M. René Marquès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès.
Madame le sécrétaire d'Etat, je vous remercie de ce brillant exposé de
comptabilité publique, mais sachez qu'il ne répond malheureusement pas tout à
fait à la question que j'ai posée. En effet, mon département, beaucoup plus que
d'autres, connaît de sérieuses difficultés au niveau des charges sociales.
D'ailleurs, vous le savez bien pour être déjà venue dans les
Pyrénées-Orientales. Nous comptons donc beaucoup sur le produit de la taxe sur
les véhicules à moteur.
La part de l'Etat dans l'équilibre, que vous avez si bien démontré, de la
dotation générale de décentralisation positive ou négative conduit, dans ce cas
précis, à des soustractions. Nous aurions souhaité que cette imputation soit
opérée à un autre niveau et pas sur le montant relatif du produit de la taxe
sur les véhicules à moteur. Pourquoi ? Parce que nous connaissons un autre
problème, à savoir que la rentabilité, si l'on peut dire, de cette taxe diminue
de plus en plus dans les Pyrénées-Orientales. En effet, nous sommes un
département frontalier et de nombreux automobilistes vont acheter de grosses
cylindrées à moteur Diesel en Espagne. Il est tout de même anormal que des
propriétaires d'engins qui coûtent des centaines de milliers de francs paient
une taxe comparable à celle qu'acquittent les propriétaires de plus petits
véhicules à essence.
C'est la raison pour laquelle nous nous sommes émus de cette situation.
CONDITIONS D'OBTENTION
DES CARTES NATIONALES D'IDENTITÉ
M. le président.
M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur
les conditions d'obtention des cartes nationales d'identité. Dans le
département de la Gironde, depuis novembre 1995, avec la nouvelle gestion des
cartes nationales d'identité sécurisées, les délais d'obtention ne cessent de
s'accroître. Ces délais atteignent sept semaines et, à la veille des examens et
des départs en vacances, on parle dans les services préfectoraux de dix
semaines. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les
mesures qu'il compte prendre afin de remédier à cet état de fait (N° 410.).
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Madame le secrétaire d'Etat, à quelques jours des grands départs en vacances
et en pleine période d'examens, vous me permettrez de vous alerter sur les
délais que l'on impose aux habitants de la Gironde contraints de se faire
établir ou de renouveler une carte nationale d'identité. Je ne sais pas si
cette situation existe dans d'autres départements.
Il se trouve que, depuis la mise en place des nouvelles cartes sécurisées, les
délais d'obtention ne cessent de s'accroître. Ces délais peuvent aller jusqu'à
sept semaines, voire dix semaines !
Aux demandes urgentes consécutives à la perte ou au vol de la carte nationale
d'identité, ou aux contraintes d'un examen ou d'un concours, les services
préfectoraux répondent en dirigeant les usagers vers le service chargé
d'établir les passeports, lui-même encombré à son tour.
Madame le secrétaire d'Etat, vous me permettrez, en outre, de vous rappeler
que le coût d'un passeport est plus élevé que celui d'une carte nationale
d'identité, ce qui est important lorsque l'on est chômeur, étudiant, RMIste,
salarié ou retraité, bref quand on dispose de faibles revenus. La différence
est même très sensible.
Cette pratique, que l'on pourrait qualifier d'arbitraire, voire d'abusive,
mais je n'irai pas jusque-là, est aggravée par le fait que la préfecture de la
Gironde n'assure pas la délivrance d'une carte nationale d'identité provisoire,
comme il est d'usage dans bon nombre de départements.
Ce n'est pas aux usagers de subir les carences de l'organisation d'un service
public, étant précisé que je tiens à dégager la responsabilité des
fonctionnaires et des employés. C'est, en effet, au plus haut niveau de la
hiérarchie que ces problèmes doivent être réglés.
D'après les chiffres du mois d'avril, je crois savoir que deux agents
seulement recevaient une moyenne de trois cents demandes par jour, ce qui
expliquerait la longueur des délais.
Madame le secrétaire d'Etat, connaissant le souci que vous avez du bon
fonctionnement du service public de proximité, je vous serais reconnaissant de
bien vouloir me préciser les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de
remédier à cet état de fait.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le sénateur, nous partageons
tout à fait votre préoccupation relative aux conditions de délivrance de la
carte nationale d'identité, qui est un vrai sujet de vie quotidienne, surtout
en cette période de l'année. Il est clair, ainsi que mes collègues Jean-Louis
Debré et Dominique Perben m'ont chargée de vous le confirmer, que la délivrance
de ce document ne saurait en aucun cas devenir un véritable parcours du
combattant. Entre l'exigence de sécurité et de fiabilité et les tracasseries
inutiles, il y a évidemment un juste milieu à trouver.
Aujourd'hui, il n'est demandé de justifier de la nationalité française que
lors d'une première demande de carte d'identité. Cela n'est pas nécessaire pour
un simple renouvellement.
Cependant, il est vrai que les premières délivrances de cartes d'identité
sécurisées sont assimilées à des premières demandes alors même que le demandeur
est titulaire d'une carte de l'ancien modèle. Il peut en résulter des
difficultés ou des lenteurs du type de celles que vous constatez dans le
département de la Gironde, mais elles vont se résorber progressivement.
Afin de mieux accueillir et servir nos concitoyens, une circulaire
complémentaire a été envoyée voilà déjà deux mois pour que soient allégées au
maximum les formalités nécessaires. Cette circulaire, qui a été adressée aux
préfectures afin de faciliter les démarches des usagers, rappelle, notamment
aux administrations responsables, qu'il ne saurait être question de demander
aux personnes qui se présentent pour obtenir une carte nationale d'identité
plus de pièces justificatives que la réglementation n'en requiert.
M. Philippe Madrelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de ces propos rassurants, mais
vous comprendrez, ainsi que tous mes collègues maires, que nous restions très
vigilants, car nos administrés sont particulièrement scandalisés par la
situation.
SITUATION DES AGENTS HOSPITALIERS
DE L'HÔPITAL DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE
GEORGES-CLEMENCEAU À CHAMPCUEIL (ESSONNE)
M. le président.
M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de l'économie et
des finances sur la situation des personnels hospitaliers en fonction à
l'hôpital Georges-Clemenceau de Champcueil, dans son département.
Des inégalités de traitement, relatives notamment aux indemnités de résidence,
dues à une réglementation archaïque conduisent à des situations difficilement
supportables.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir supprimer ces zones anciennement
appelées zones territoriales d'abattement de salaires pour une plus juste
équité entre les personnels de l'Assistance publique (n° 419).
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis heureux de constater que vous êtes ce
matin chargé de répondre à ma question. En effet, la difficulté du sujet que je
vais traiter, c'est Bercy, et, comme vous étiez auparavant secrétaire d'Etat au
finances, je crois que le climat de notre entretien ne pourra être que positif
!
(Sourires).
On pourrait imaginer que chacun des établissements et des personnels de
l'Assistance publique bénéficie du même statut. Or, ce n'est pas le cas car,
outre les établissements parisiens, il y a les établissements
extra
muros,
en particulier l'hôpital Georges-Clemenceau de Champcueil, dont je
suis depuis des années président de la commission de surveillance, et qui est
spécialisé en gériatrie. Des disparités de rémunérations existent entre les
personnels des deux catégories d'établissement, qui sont dues à une disparité
géographique.
On parle en effet de zones d'abattement de salaires, qui datent de
l'après-guerre, quand on s'est préoccupé des zones où les salaires étaient
moins bas que dans les grands centres.
Les dispositions dudit texte ont été rajeunies en 1985. Et il en était bien
besoin ! Songez que le département de l'Essonne, dans lequel est situé
Champcueil, comptait, en 1965, 350 000 habitants, contre 1 150 000 aujourd'hui.
De même, dans la zone d'habitat située autour de Champcueil, le nombre
d'habitants, au cours de la même période, est passé de 10 000 à 40 000.
Actuellement, il existe trois zones territoriales d'abattement de salaires :
la zone A, la zone B et la zone E et H. L'Assistance publique, car ces textes
s'appliquent à la fonction publique, n'est présente que dans deux zones : la
zone A, qui représente la zone parisienne, et la zone E et H, qui correspond
aux établissements situés en périphérie de Paris et en province.
L'indemnité de résidence qui est allouée correspond, en zone A, à 3 p. 100 du
traitement de base. Nul besoin d'évoquer la zone B, dépourvue d'établissements
concernés. Quant aux personnels de la zone E et H, qui m'intéresse, ils ne
peuvent bénéficier de l'indemnité de résidence qui avait été allouée pour
compenser les difficultés d'habitat dans les grandes villes, appelée «
indemnité d'affectation », qui correspond non pas à 3 p. 100 du traitement de
base, mais seulement à 1 p. 100.
Pour y mettre à jour ce zonage, il faut un recensement, mais ce recensement,
vous le savez bien, est illusoire pour des raisons financières. On parle de
l'an 2000, 2001, 2002, 2003, mais les personnels sont au travail tous les jours
! Il faut donc un reclassement. Ce reclassement nécessaire est, en fait, déjà
intervenu en septembre 1991, à la suite d'une circulaire interministérielle
prise par les ministres chargés du budget et de la fonction publique, le
critère étant l'évolution démographique. Or je ne rappellerai pas ici les
chiffres que je citais à l'instant sur l'évolution démographique de la zone
d'habitat et du département.
La difficulté est de savoir ce que nous voulons faire maintenant. Est-ce que
nous voulons vivre avec notre temps ? Est-ce que nous voulons supprimer les
injustices ? En effet, ce que chacun attend de ces rémunérations, c'est
qu'elles soient calquées sur la réalité économique, et ce au nom de l'égalité
la plus élémentaire. Avec les personnels et avec moi, le voulez-vous aussi,
monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Monsieur le
sénateur, le ministre de l'économie et des finances me charge de vous
communiquer les éléments de réponse qui vont suivre. N'étant plus à Bercy, je
suis très heureux de rendre ce service à Jean Arthuis, qui n'a pas pu être
parmi nous ce matin.
L'article 77 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dispose que sont
applicables de plein droit aux agents hospitaliers les dispositions
législatives et réglementaires prises pour les fonctionnaires de l'Etat,
relatives, notamment, au traitement de base et à l'indemnité de résidence.
Il en résulte que la réglementation applicable en matière d'indemnité de
résidence, identique pour l'ensemble des agents des trois fonctions publiques,
est fixée par l'article 9 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié,
relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat et des
personnels des collectivités territoriales.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, les taux de l'indemnité de
résidence, arrêtés à 3 p. 100, 1 p. 100 et 0 p. 100, sont fixés suivant les
zones territoriales d'abattement des salaires telles qu'elles sont déterminées
par l'article 3 du décret du 30 octobre 1962.
Le classement des communes dans les zones ouvrant droit au versement de
l'indemnité de résidence est mis à jour, pour la France entière, à chaque
recensement de la population.
C'est en application de ces règles que la commune de Champcueil dans
l'Essonne, est restée classée, à l'issue du dernier recensement de la
population de 1990, dans la zone 3, correspondant au taux de 0 p. 100 de
l'indemnité de résidence, ainsi que vous venez de l'exposer.
Ce que m'a chargé de vous dire M. le ministre de l'économie et des finances,
c'est qu'il ne saurait être envisagé, en conséquence, de modifier la
réglementation afférente à l'indemnité de résidence, fondée sur des critères
objectifs et équitables, ni
a fortiori,
compte tenu du principe général
d'égalité de traitement, de faire bénéficier les agents de l'Assistance
publique de Paris d'un régime dérogatoire en la matière.
Toutefois, monsieur le sénateur, j'ai bien pris acte de votre proposition de
reclassement. Je ne manquerai pas d'en saisir M. le ministre de l'économie et
des finances, à la suite de notre échange de ce matin, qui verra en fonction de
quels voies et moyens une avancée pourrait être obtenue en la matière.
Il est vrai, et vous l'avez indiqué vous-même, monsieur le sénateur, qu'
a
priori,
entre deux recensements, il n'y a pas de possibilité de
modification de classement.
Tels sont les éléments d'information que M. le ministre de l'économie et des
finances m'a demandé de vous transmettre.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'Etat. Comme vous
avez, « la double casquette » - la casquette hospitalière et la casquette des
finances - si d'aventure j'avais oublié un cheminement possible, je
souhaiterais vous avoir à mes côtés pour le trouver et le faire aboutir, car
cette injustice est vraiment criante !
(Sourires.).
CONDITIONS D'ATTRIBUTION
ET MONTANT DE L'ALLOCATION DE VEUVAGE
M. le président.
M. Jacques Machet appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et
à la sécurité sociale sur les conditions d'attribution et le niveau de
l'allocation de veuvage.
Les fonds collectés au titre de l'assurance veuvage sont excédentaires, chaque
année, de plus d'un milliard de francs depuis dix ans. Or le nombre total de
bénéficiaires de cette allocation oscille, sur la même période, autour de
quinze mille personnes par an seulement sur environ trois cent cinquante mille
veuves de moins de cinquante-cinq ans.
Cela paraît d'autant plus choquant que la précarité des personnes touchées par
le veuvage et leurs difficultés pour retrouver un emploi se sont accrues en
proportion de la montée du chômage depuis la création de l'assurance veuvage,
en 1979.
Il juge donc souhaitable que le plafond de ressources limitant l'octroi de
l'allocation de veuvage soit relevé et le montant de cette allocation
substantiellement augmenté, afin que les fonds de l'assurance veuvage soient
utilisés en faveur des personnes pour lesquelles une cotisation spécifique est
prélevée sur les salaires.
Il lui demande donc quelles sont les perspectives d'amélioration de cette
situation (n° 418).
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je m'adresse à vous au nom du bureau du groupe
d'étude du Sénat sur les problèmes du veuvage, qui rassemble des représentants
de tous les groupes politiques de notre assemblée, pour vous faire part de nos
interrogations sur le sort de l'assurance veuvage.
Depuis sa création, en 1979, cette mesure, extrêmement nécessaire et utile, a
suscité de nombreuses déceptions. La principale raison en est que les critères
d'accès à l'allocation de veuvage - critères d'âge et de ressources - sont
particulièrement restrictifs.
Ainsi, comme en fait état le dernier rapport de la Caisse nationale
d'assurance vieillesse, la principale raison de rejet des demandes d'allocation
est le dépassement du plafond de ressources, qui s'élève, en 1996, à 3 796,33
francs par mois.
De la sorte, alors que le nombre de personnes veuves de moins de
cinquante-cinq ans qui pourraient prétendre à l'allocation s'élève à environ
355 000, seules 15 000 personnes environ, au total, en bénéficient.
Or les cotisations prélevées sur les salaires - 0,10 p. 100 - des affiliés au
régime général alimentent un fonds excédentaire depuis plus de dix ans, les
excédents atteignant, en 1994, 1 526 millions de francs.
Sans sous-estimer les difficultés liées à l'équilibre des comptes sociaux,
monsieur le secrétaire d'Etat, il paraît regrettable, sur le plan de l'équité,
que les excédents de ce fonds soient reversés au régime d'assurance vieillesse
au lieu de compenser, par un versement plus généreux de l'allocation, les
situations de réelle difficulté que connaissent les personnes veuves.
Bien que l'assurance veuvage soit gérée par le régime de l'assurance
vieillesse, les personnes qui peuvent bénéficier de l'allocation de veuvage
sont, je le rappelle, celles qui n'ont pas encore atteint l'âge de percevoir
une pension de réversion.
Nous voulons donc que le système de l'assurance veuvage soit, enfin, amélioré,
surtout au moment psychologique si douloureux que provoque la séparation, que
le montant de l'allocation soit substantiellement augmenté et le plafond de
ressources relevé.
Pourquoi ne pas proposer que la première année suivant le décès du conjoint
une allocation forfaitaire, à déterminer avec vos services et nous-mêmes,
puisse être versée ? Le but de l'assurance veuvage est, en effet, de laisser un
répit à la veuve avant sa réinsertion dans la vie active, rendue encore plus
difficile aujourd'hui qu'au moment de la création de l'allocation, sans oublier
les problèmes pratiques auxquels est confrontée la mère de famille restée seule
avec ses enfants, en particulier celui des frais de garde.
Monsieur le secrétaire d'Etat, telles sont les considérations que nous
souhaiterions voir prises en compte au sein des réflexions et des réformes en
cours.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Monsieur le
sénateur, le risque veuvage - je n'aime pas beaucoup cette expression, mais
c'est celle qui est généralement employée et c'est celle que j'utilise pour
être le plus clair possible - est couvert, pour l'essentiel, par le versement
de pensions de réversion. Celles-ci ne sont pas financées par une cotisation
spécifique qui serait proportionnelle au salaire du conjoint décédé, mais
sollicitent tous les assurés cotisant à l'assurance vieillesse, y compris les
célibataires et les veufs.
Le droit à réversion, qui est un fondement de notre système de protection
sociale, est donc l'une des expressions de la solidarité socioprofessionnelle à
l'oeuvre dans le régime général d'assurance vieillesse.
L'assurance veuvage s'inscrit dans une autre logique, puisqu'il s'agit de
permettre de surmonter, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur Machet, le
choc du veuvage.
Son regroupement avec l'assurance vieillesse au sein d'une branche unique,
prévu par la loi du 25 juillet 1994, s'inscrit dans cette logique qui veut que
le risque de veuvage soit pris en charge à la fois par le fonds national de
l'assurance vieillesse et celui de l'assurance veuvage.
Dès lors, il est légitime de procéder à des transferts entre l'assurance
veuvage et l'assurance vieillesse dans la mesure où il s'agit d'apporter une
réponse globale à un problème global.
Dans l'intérêt de l'ensemble des conjoints survivants, il ne paraît par
opportun de modifier les règles actuelles du financement de ce risque et
d'isoler les dépenses liées au veuvage.
Au demeurant, celui-ci ouvre droit à une couverture particulière dans d'autres
branches telles que l'assurance maladie, avec le maintien gratuit des droits
des veuves mères de trois enfants, ou les prestations familiales, telles que
l'allocation de parent isolé ou l'allocation de soutien familial.
Pour autant, vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que des
problèmes spécifiques se posent à de nombreuses veuves dans notre pays. M.
Jacques Barrot et moi-même y étions très sensibles lorsque nous étions l'un et
l'autre députés, membres de la commission des finances de l'Assemblée
nationale. Désormais, dans les fonctions qui sont les nôtres, nous y attachons
une très grande importance.
Nous avons bien conscience qu'un certain nombre d'avancées doivent être
effectuées. Nous travaillons sur l'ensemble de ces dossiers en étroite liaison
avec les associations correspondantes, que nous avons notamment rencontrées à
l'occasion du dernier sommet sur la famille, le 6 mai dernier.
Nous espérons bien que, cet automne, notamment dans le cadre de la loi sur
l'exclusion, nous pourrons aboutir à une amélioration concrète de la situation
des veuves en difficulté.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je tenais à vous dire aujourd'hui. Les
propositions que pourrait formuler l'intergroupe parlementaire sur ce sujet
seront naturellement les bienvenues.
M. Jacques Machet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Je vous remercie de votre réponse monsieur le secrétaire d'Etat.
Certes, le plafond est conservé et il n'évoluera guère dans l'immédiat.
Toutefois, nous nous connaissons bien ! Je souhaite de tout coeur que cette
avancée que vous venez de me proposer se concrétisera. Nous sommes prêts à
discuter avec vous d'une modification du dispositif. Nous l'espérons !
Sanction des incidents survenus dans un centre
médico-psychologique de Versailles
M. le président.
M. Nicolas About rappelle à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la
sécurité sociale que, lors de la séance des questions orales du Sénat, le 5
mars dernier, il avait porté à sa connaissance des faits particulièrement
graves, survenus à l'intérieur d'un centre médico-psychologique de Versailles,
dont s'étaient rendus coupables un médecin psychiatre et sa collègue
psychologue. Accusés à tort d'avoir subtilisé 400 francs dans un portefeuille,
trois salariés de ce centre s'étaient vus contraints, sous la menace et la
pression psychologique, de se dévêtir devant ces deux supérieurs hiérarchiques,
afin de prouver qu'ils ne détenaient pas la somme volée.
En réponse à sa question, Mme le ministre délégué pour l'emploi, chargée de le
représenter, avait vivement invité les personnes concernées, victimes
d'agissements aussi intolérables, à porter plainte devant la justice et à
saisir le conseil de l'Ordre des médecins, ce qui a été fait. S'agissant des
sanctions administratives, elle l'avait assuré que l'administration centrale
agirait en conséquence, apportant au personnel toutes les garanties
nécessaires.
Il tient néanmoins à l'informer des faits qui se sont produits depuis lors
dans ce centre et qui indiquent que, loin d'avoir été sanctionnés, les auteurs
de cette faute professionnelle aggravée ont continué d'exercer, en toute
impunité, une pression psychologique telle que les personnes qui avaient porté
plainte ont dû quitter leur poste.
En effet, l'une d'entre elles, convoquée à plusieurs reprises devant ses
supérieurs dont elle a eu à subir les pressions et les menaces à peine voilées,
victime d'agressions journalières, d'invectives, de bousculades et de vexations
professionnelles en tout genre, s'est vu retirer un à un tous ses patients.
Pour échapper à des pressions devenues insupportables, elle a fini par demander
une mutation dans un autre hôpital, ainsi que deux de ses collègues.
Devant des faits aussi accablants, peut-il lui dire quelles mesures urgentes
il compte prendre pour soustraire de cette terrible pression psychologique le
personnel de ce centre qui continue à en être la victime et qui n'ose pas - on
le comprend - porter plainte devant la justice ? Il ne s'agit pas d'éloigner
les victimes de leur service - ce qui serait trop facile - mais bien de
sanctionner les auteurs de ces méfaits et de réintégrer à leur poste ceux qui
n'auraient jamais dû en être écartés. (N° 425.)
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Monsieur le président, mes chers collègues, lors de la séance des questions
orales du Sénat, le 5 mars dernier, j'avais porté à votre connaissance,
monsieur le secrétaire d'Etat, des faits particulièrement graves, survenus à
l'intérieur d'un centre médico-psychologique de Versailles, dont s'étaient
rendus coupables un médecin psychiatre et sa collègue psychologue.
Accusés à tort d'avoir subtilisé 400 francs dans un portefeuille, trois
salariés de ce centre s'étaient vus contraints, après plusieurs heures de
menaces et de pression psychologique, de se dévêtir intégralement devant ces
deux supérieurs hiérarchiques, afin de prouver qu'ils ne détenaient pas la
somme volée. Ce comportement est scandaleux, de la part d'un médecin et d'une
psychologue, sur la personne d'infirmières ou de personnels soignants, et c'est
un médecin qui vous parle !
En réponse à ma question, Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour
l'emploi, chargée de vous représenter, avait vivement invité les personnes
concernées, victimes d'agissements aussi intolérables, à porter plainte devant
la justice et à saisir le conseil de l'Ordre des médecins, ce qui a été
fait.
S'agissant des sanctions administratives, Mme le ministre avait assuré que
l'administration centrale agirait en conséquence, apportant au personnel toutes
les garanties nécessaires.
Je tiens à vous informer des faits qui se sont produits depuis lors dans ce
centre et qui indiquent que, loin d'avoir été sanctionnés, les auteurs de cette
faute professionnelle aggravée ont continué d'exercer, en toute impunité, une
pression psychologique telle que les personnes qui avaient porté plainte ont dû
quitter leur poste.
En effet, l'une d'entre elles, une infirmière - vous répondrez tout à l'heure
à un collègue sur le statut des infirmiers en milieu psychiatrique ; voilà une
occasion rêvée d'en débattre ! - convoquée à plusieurs reprises devant ses
supérieurs dont elle a eu à subir les pressions et les menaces à peine voilées,
victime d'agressions journalières, d'invectives, de bousculades et de vexations
professionnelles en tout genre, s'est vue retirer un à un tous ses patients.
Pour échapper à des pressions devenues insupportables, elle a fini par demander
une mutation dans un autre hôpital, ainsi que deux de ses collègues.
Devant des faits aussi accablants, pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire
d'Etat, quelles mesures urgentes vous allez prendre pour soustraire de cette
terrible pression psychologique le personnel de ce centre qui continue à en
être la victime et qui n'ose pas - on le comprend ! - porter plainte devant la
justice ?
Il s'agit non pas d'éloigner les victimes de leur service - ce serait trop
facile et trop injuste - mais de sanctionner, en les éloignant, les auteurs de
ces méfaits, et de réintégrer à leur poste ceux qui n'auraient jamais dû en
être écartés.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Monsieur le
sénateur, vous attirez mon attention sur des incidents survenus dans un centre
médico-psychologique à Versailles. A la suite d'une suspicion de vol pesant sur
une personne de l'équipe soignante, certains membres de l'équipe ont réclamé
que la personne suspectée soit fouillée par ses supérieurs hiérarchiques.
La personne victime de cette suspicion s'interroge sur les raisons pour
lesquelles le directeur de l'établissement n'a pas sanctionné les auteurs de la
demande de fouille.
Des premiers éléments d'enquête en ma possession, il ressort que la direction
de l'établissement a reçu longuement chacune des personnes concernées, afin de
connaître les événements et le contexte et de rappeler à chacun ses devoirs.
Selon le rapport du directeur, qui m'a été transmis, il ne lui est pas apparu
possible d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre de la personne
ayant demandé la fouille, les responsabilités semblant très partagées.
Cependant, j'ai demandé à la direction départementale des affaires sanitaires
et sociales de procéder à une enquête plus approfondie sur cette affaire,
notamment à la lumière des éléments nouveaux que vous venez d'évoquer. Si des
sanctions doivent être prises, elles le seront au vu du rapport d'enquête qui
me sera transmis.
M. Nicolas About.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Monsieur le secrétaire d'Etat, contrairement à ce qui vous a été indiqué,
c'est non pas une personne, mais tous les membres du service qui ont été
contraints, après des heures de pression, de se dévêtir, ce qui est tout à fait
inadmissible ! Bien sûr, il est classique d'accuser de la rage le chien qu'on
veut noyer !
Aujourd'hui, on vous indique qu'une seule personne est concernée. C'est faux !
Tout le monde est « passé à la casserole », si je puis m'exprimer ainsi.
M. Alain Gournac.
Oh !
M. Nicolas About.
Cela revient à cela, surtout lorsqu'on se trouve entre les mains de supérieurs
hiérarchiques ! C'est inadmissible ! C'est traiter les gens à la légère ! Comme
d'habitude, il suffit d'exercer des pressions. C'est bien connu dans les
entreprises privées, mais je ne savais pas que c'était maintenant le fait des
médecins. Il s'agit d'une faute aggravée, qui devrait entraîner une sanction
sévère. Bien entendu, je reviendrai sur la question d'ici à la rentrée
prochaine.
Régime social
des travailleurs transfrontaliers
M. le président.
M. Philippe Richert constate que l'Alsace, tout comme l'ensemble des régions
transfrontalières, se distingue par les importants flux de personnes résidant
dans un pays et venant travailler de l'autre côté du Rhin. Cette situation, qui
favorise les échanges, se justifie généralement par des raisons d'ordre
économique. Toutefois, certains problèmes subsistent dans la vie quotidienne de
ces ressortissants, qui restent confrontés à bon nombre de difficultés.
Cela est notamment le cas dans le domaine social, qu'il s'agisse, par exemple,
des problèmes liés à l'attribution des allocations familiales ou aux questions
d'invalidité. En effet, il arrive bien souvent que la législation des deux pays
concernés ne soit pas en totale juxtaposition, ce qui peut créer certaines
interférences et avoir des conséquences particulièrement fâcheuses pour les
transfrontaliers.
Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d'envisager la création
d'une commission « sociale », qui statuerait sur tous les problèmes liés à ces
personnes ? En l'occurrence, il pourrait s'agir d'une commission paritaire
franco-allemande, qui aurait un pouvoir décisionnel et qui serait ainsi à même
de régler la plupart des litiges résultant des situations évoquées
précédemment. Cette proposition avait d'ailleurs déjà été évoquée dès 1993 par
l'actuel Président de la République et elle mériterait d'être examinée avec
attention.
Il souhaiterait, en conséquence, connaître la position de M. le ministre du
travail et des affaires sociales sur la question et les suites qu'il entend y
réserver. (N° 424.)
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'Alsace, tout comme l'ensemble des régions
transfrontalières, se distingue par les importants flux de personnes résidant
dans un pays et venant travailler de l'autre côté du Rhin. Cette situation, qui
favorise les échanges, se justifie généralement par des raisons d'ordre
économique. Toutefois, certains problèmes subsistent dans la vie quotidienne de
ces ressortissants, qui restent confrontés à bon nombre de difficultés.
Cela est notamment le cas dans le domaine social, qu'il s'agisse, par exemple,
des problèmes liés à l'attribution des allocations familiales ou des questions
d'invalidité. En effet, il arrive bien souvent que la législation des deux pays
concernés ne soit pas en totale juxtaposition, ce qui peut créer certaines
interférences et avoir des conséquences particulièrement fâcheuses pour les
transfrontaliers.
Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d'envisager la création
d'une commission « sociale », qui statuerait sur tous les problèmes liés à ces
personnes ? En l'occurrence, il pourrait s'agir d'une commission paritaire
franco-allemande, qui aurait un pouvoir décisionnel et qui serait à même de
régler la plupart des litiges résultant des situations évoquées précédemment.
Cette proposition avait d'ailleurs déjà été évoquée dès 1993 par l'actuel
Président de la République, M. Jacques Chirac, et elle mériterait d'être
examinée avec attention.
Je souhaiterais, en conséquence, connaître la position de M. le ministre du
travail et des affaires sociales sur cette question et les suites qu'il entend
y réserver.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Monsieur le
sénateur, les difficultés que peuvent rencontrer au sein de la Communauté
européenne les travailleurs frontaliers du fait de l'application parfois
simultanée de deux législations sociales - celle de leur emploi et celle de
leur lieu de résidence - sont réglées par les textes communautaires qui
assurent la coordination des législations nationales de sécurité sociale.
Pour être plus précis, je vous indique que les règlements déterminent la
législation applicable à titre unique, garantissent l'égalité de traitement
entre les travailleurs assurés sociaux, sans référence à leur nationalité ou à
leur résidence, et coordonnent les conditions d'ouverture des droits et de
service des prestations.
Les litiges particuliers qui peuvent naître relèvent de l'entraide
administrative entre institutions de sécurité sociale de chaque pays et des
organismes de liaisons ont été créés à cet effet. Ce rôle est tenu, en France,
par le centre de sécurité sociale des travailleurs migrants.
Les problèmes généraux d'interprétation des règlements communautaires sont
examinés par une instance communautaire spécifique, la commission
administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, dont l'une
des missions est de concourir à l'amélioration des règlements. Ceux-ci sont
constamment adaptés et élargis, dans le but notamment de faciliter la vie
quotidienne des travailleurs frontaliers.
Aujourd'hui, la mise en place d'une commission paritaire franco-allemande
n'apparaît donc pas nécessaire, soit que le centre des travailleurs migrants
remplisse son rôle, soit que la réponse aux litiges appelle une approche
communautaire et ne puisse être donnée dans un cadre bilatéral.
Toutefois, nous sommes bien conscients, avec M. Jacques Barrot, des
difficultés qui sont posées quotidiennement aux travailleurs migrants et de la
nécessité de leur apporter des réponses concrètes.
M. Balladur, alors Premier ministre, avait confié une mission sur ce sujet à
un parlementaire, M. Jean-Luc Reitzer. Ce dernier nous a remis voilà quelques
mois son rapport, qui comporte de nombreuses propositions non seulement sur le
sujet que vous évoquez, mais sur d'autres, qui concernent également les
travailleurs migrants.
L'ensemble de ces dispositions est actuellement à l'étude et nous ne
manquerons pas, dès que ce travail sera réalisé, d'indiquer quelles sont les
orientations qu'entend retenir le Gouvernement sur ce dossier très important
qui concerne la vie quotidienne de plusieurs centaines de milliers, voire de
millions de Français. J'y suis d'ailleurs moi-même également sensible, étant
originaire d'une province, la Savoie, où les travailleurs sont très nombreux à
migrer vers la Suisse.
Voilà, monsieur le sénateur, quels sont les éléments d'information que je suis
à même de vous donner aujourd'hui sur ce sujet.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
J'avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, que je suis satisfait de la dernière
partie de votre intervention, mais que le début me donnait à penser que,
finalement, tout allait bien et qu'il n'y avait aucune difficulté, l'ensemble
des dispositions que vous avez évoquées devant permettre de résoudre tous les
problèmes. Or, si l'on examine la situation quotidienne de ces personnes qui
travaillent à l'étranger, on s'aperçoit que les problèmes qu'elles rencontrent
sont nombreux et très divers.
Permettez-moi de citer l'exemple d'une réponse qui m'a été adressée par la
direction des services fiscaux de mon département, concernant un formulaire
envoyé par l'administration allemande à des travailleurs frontaliers. Ce
formulaire, rédigé, bien sûr, en allemand, devait être rempli par
l'administration française. Les travailleurs frontaliers concernés se sont
alors adressés aux services fiscaux, mais l'administration française a
considéré qu'elle n'avait pas à répondre à une demande rédigée dans une langue
autre que le français.
Comment voulez-vous que, concrètement, les personnes, dont les problèmes
semblaient
a priori
réglés puissent se débrouiller ? C'est excessivement
difficile, et je pense que, pour des cas de ce genre, la création d'une
commission
ad hoc
pourrait permettre de résoudre de nombreuses
difficultés. Ce serait aussi, peut-être, un moyen de contraindre nos
administrations d'être plus attentives à la situation spécifique des
travailleurs migrants.
M. Jean-Jacques Robert.
Tout à fait !
Statut des infirmiers
du secteur psychiatrique
M. le président.
M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre du travail et des
affaires sociales sur la situation pour le moins paradoxale et problématique
dans laquelle se trouvent les infirmiers du secteur psychiatrique et, en
particulier, sur les difficultés rencontrées quant à la régularisation et
l'obtention, pour certains d'entre eux, de leur diplôme d'Etat d'infirmier.
Il lui rappelle qu'en 1994 le ministre des affaires sociales et de la santé de
l'époque avait jugé que la délivrance de droit de diplômes d'Etat aux
infirmiers du secteur psychiatrique était tout à fait justifiée et avait donc
pris un arrêté dans ce sens le 26 octobre 1994.
Or, le 20 novembre 1995, la direction générale de la santé a informé le
Conseil supérieur des professions médicales de la décision de suspendre la
délivrance des diplômes d'Etat d'infirmiers, sur consigne de la Commission
européenne. De ce fait, on peut aisément comprendre la situation à la fois
délicate et injuste dans laquelle se trouve la profession concernée, certains
infirmiers ayant pu valider leur diplôme d'infirmier psychiatrique et d'autres
pas, mais situation aussi scandaleuse car ce sont leurs compétences
professionnelles et médicales qui sont purement et simplement remises en
cause.
Il souhaite que soit mis un terme à cette situation ambiguë engendrée par une
mesure discriminatoire et injuste.
Il lui demande de bien vouloir lui donner une réponse. (N° 421.)
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
J'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation pour
le moins paradoxale et problématique dans laquelle se trouvent les infirmiers
du secteur psychiatrique et, en particulier, sur les difficultés rencontrées
quant à la régularisation et l'obtention, pour certains d'entre eux, de leur
diplôme d'Etat d'infirmier.
Je vous rappelle qu'en 1994 Mme Simone Veil, alors ministre des affaires
sociales et de la santé, avait jugé que la délivrance de droit de diplômes
d'Etat aux infirmiers du secteur psychiatrique était tout à fait justifiée ;
elle avait donc pris un arrêté dans ce sens le 26 octobre 1994.
Or, le 20 novembre 1995, la direction générale de la santé a informé le
Conseil supérieur des professions médicales de la décision de suspendre la
délivrance des diplômes d'Etat d'infirmiers, sur consigne de la Commission
européenne.
De ce fait, on peut aisément comprendre la situation à la fois délicate et
injuste dans laquelle se trouve la profession concernée, certains infirmiers
ayant pu valider leur diplôme d'infirmier psychiatrique et d'autres pas.
Cette situation est scandaleuse, car ce sont leurs compétences
professionnelles et médicales qui sont purement et simplement remises en cause
alors que ces hommes et femmes assurent quotidiennement des tâches qui, pour
être ingrates, sont toujours nobles, et qu'ils sont le fleuron humanitaire des
pays les plus civilisés, parmi lesquels la France peut s'honorer aujourd'hui
d'être très bien placée.
L'Etat se doit de manifester sa reconnaissance envers ceux qui contribuent
depuis toujours à cette image en acceptant sans ambiguïté le caractère national
de leur diplôme, évitant ainsi la coexistence d'infirmiers à deux niveaux.
Il est urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous mettiez enfin un terme
à cette situation ambiguë engendrée par une mesure discriminatoire et
injuste.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Monsieur le
sénateur, vous appelez mon attention sur l'application de l'arrêté du 26
octobre 1994 relatif à l'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier aux
personnes titulaires du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique.
Je vous précise, à ce sujet, que la Commission de l'Union européenne, saisie
d'un recours contre l'arrêté en cause, a estimé que celui-ci n'était pas
conforme aux directives communautaires relatives à la libre circulation des
infirmiers responsables des soins généraux au sein des Etats membres. Elle a,
en conséquence, demandé au Gouvernement français de suspendre l'attribution du
diplôme d'Etat d'infirmier aux personnes titulaires du diplôme d'infirmier de
secteur psychiatrique, ce qui a été fait le 20 novembre dernier.
Le souci du Gouvernement a alors été de régler, le plus rapidement possible et
dans le plus grand consensus, ce dossier très délicat, qui pose des problèmes
tant chez les infirmiers psychiatriques que chez les infirmiers des autres
secteurs et vis-à-vis de l'Union européenne.
Des négociations sont actuellement en cours avec la Commission européenne afin
de mettre en place un dispositif qui soit à la fois conforme au droit
communautaire, auquel nous ne pouvons nous soustraire, et, dans toute la mesure
du possible, aux intérêts des personnels concernés, auxquels nous sommes très
attachés.
Je puis donc vous dire, monsieur le sénateur, que, sur ces sujets, M. Barrot
et moi-même ainsi que nos collaborateurs ne ménageons ni notre écoute, comme il
est normal, ni notre peine pour arriver à une solution satisfaisante, car nous
avons bien conscience que la situation telle qu'elle résulte de la décision du
20 novembre 1995 n'est pas satisfaisante.
Il faut, par ailleurs, souligner que des mesures ont déjà été prises en faveur
des infirmiers du secteur psychiatrique.
Dès 1992, lors de la mise en place du programme des études conduisant au
diplôme d'Etat infirmier, les intéressés ont bénéficié d'une bonification
d'ancienneté supplémentaire de six mois, ce qui a permis d'aligner leur
situation statutaire sur celle des infirmiers diplômés d'Etat.
Par ailleurs, l'arrêté du 2 mai 1996 a élargi les lieux d'exercice des
infirmiers du secteur psychiatrique. Il a prévu, notamment, que ceux-ci
pourraient désormais exercer dans l'ensemble des services de soins des
établissements publics de santé et des établissements de santé privés
participant au service public hospitalier. Ce dispositif, qui a recueilli
l'avis favorable de la commission des infirmiers du Conseil supérieur des
professions médicales, constitue une nouvelle étape dans la reconnaissance des
infirmiers du secteur psychiatrique, qui, comme vous l'avez souligné vous même,
exercent au quotidien une tâche importante et noble qu'il convient de
reconnaître.
M. Jean-Marc Pastor.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces propos certes
rassurants, mais qui ne permettent pas d'apporter une réponse favorable à une
interrogation qui est réelle.
La coexistence dans un même établissement de personnes qui ont vingt-cinq à
trente ans d'expérience mais qui ne sont pas reconnues par l'Etat et de jeunes
qui ont obtenu, eux, le diplôme d'Etat ne peut plus durer.
Je sais bien que la Commission européenne a bloqué toute avancée dans ce
domaine. Je vous demande cependant une nouvelle fois - et j'évoquerai à nouveau
ce problème d'ici à la fin de l'année, car il est urgent de le régler - de
déployer tous vos efforts de façon à trouver une solution à une interrogation
qui est réelle aujourd'hui dans bon nombre d'établissements psychiatriques,
qu'ils soient privés ou publics. Il faut en effet définitivement mettre fin à
la situation que connaissent des personnes auxquelles on demande beaucoup, qui,
d'une manière générale, font preuve d'une forte moralité, mais qui n'obtiennent
pas aujourd'hui la reconnaissance qu'elles méritent, c'est-à-dire celle de
l'Etat.
M. le président.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales sans débat.
5
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une
lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été
saisi le 24 juin 1996, en application de l'article 61, alinéa 2, de la
Constitution :
- par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la
Constitution de la loi tendant à renforcer la répression du terrorisme et des
atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une
mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police
judiciaire ;
- et par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à
la Constitution de la loi de réglementation des télécommunications.
Le texte de ces deux saisines du Conseil constitutionnel est disponible au
bureau de la distribution.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux
; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures, sous
la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
6
SNCF
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
sur la SNCF.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, nous voici aujourd'hui devant le Sénat, dont l'intérêt
pour les questions de transport est bien connu. J'ai personnellement le
souvenir du débat qui avait été organisé devant votre assemblée à l'automne
1993. C'est donc au Sénat que reviendra le privilège de conclure la grande
réflexion sur le transport ferroviaire que le Gouvernement avait voulue en
préalable à l'élaboration d'une véritable solution de redressement pour la
SNCF.
A vrai dire, c'est en bonne partie le Sénat qui avait depuis plusieurs années,
à l'initiative notamment de MM. Haenel et Belot, engagé ce débat. Quand je dis
« conclure », il s'agit de la conclusion d'une étape essentielle certes, mais
d'une étape seulement, car l'avenir du transport ferroviaire et de la SNCF est
devant elle et devant nous.
Compte tenu de la place éminente du chemin de fer dans la politique des
transports, compte tenu de l'attachement de tous les Français à la SNCF, compte
tenu aussi de l'ampleur des enjeux financiers et budgétaires en cause,
certaines options à prendre revêtent en effet le caractère de véritables choix
de société.
Nous sommes donc, comme nous l'avons été pendant toute la phase de préparation
de la réforme, à l'écoute, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos analyses
et de vos propositions. Il appartiendra à Bernard Pons de vous présenter dans
quelques minutes les grandes lignes de la solution française originale que nous
avons bâtie ensemble pour assurer l'avenir du transport ferroviaire.
Pour ma part, je souhaiterais revenir sur les principales conclusions du débat
qui vient d'avoir lieu et rappeler à cette occasion le principales données du
problème que nous avons à résoudre ensemble.
Je voudrais, en premier lieu, vous remercier, mesdames, messieurs les
sénateurs, d'avoir souligné la nécessité qu'il y avait à ouvrir ce débat. Les
parlementaires qui se sont penchés sur la situation de la SNCF - MM. Haenel et
Belot, plus récemment M. About - avaient en effet souligné l'importance d'une
telle réflexion nationale.
Pendant de trop nombreuses années, les Français et, dans une large mesure, les
cheminots avaient été tenus dans l'ignorance de la réalité des causes et de la
gravité de la situation qui met aujourd'hui, vous le savez bien, nous le savons
tous, la SNCF en grand danger.
Pendant de trop nombreuses années, on avait préféré la fuite en avant dans
l'endettement et les déficits au courage des adaptations nécessaires ; on avait
préféré le non-dit à la lucidité et à la concertation, qui sont l'une et
l'autre absolument indispensables pour mener à bien les réformes. On avait
préféré le risque de l'enlisement à la préparation constructive du XXIe
siècle.
C'est pour rompre avec cette forme d'abandon de la SNCF à elle-même, et des
cheminots à eux-mêmes, alors que cette entreprise appartient à la nation tout
entière, qu'il fallait ouvrir une large confrontation des idées. Il fallait une
prise de conscience collective pour traiter ce problème trop longtemps
différé.
C'est dans cet esprit que nous avons lancé un débat, sans tabou, ni préjugé.
Nous l'avons aussi voulu ouvert à tous et déconcentré sur l'ensemble du
territoire.
Vous avez été informés, mesdames, messieurs les sénateurs, de chacune des
étapes de ce débat initié au début de cette année. Je les rappellerai
brièvement. Nous avons tout d'abord demandé un rapport introductif à un groupe
d'experts présidé par M. Claude Martinand. Puis le débat s'est déroulé au cours
des mois de mars et avril au sein des conseils régionaux - beaucoup d'entre
vous y ont personnellement participé - et des conseils économiques et sociaux
régionaux. Ces contributions ont alimenté les travaux du Conseil économique et
social et du conseil national des transports. Je tiens à saluer la qualité de
l'ensemble de ces réflexions extrêmement ouvertes et constructives.
Il était très important, en effet, que de tels échanges permettent une prise
de conscience collective et une diffusion d'un sujet trop souvent confiné
jusqu'alors aux seuls milieux spécialisés. Il en résulte une maturation des
esprits, de tous les esprits, sans laquelle la solution que nous vous proposons
n'aurait sans doute été ni convenable ni acceptable. Il y a dans cette
démarche, me semble-t-il, une sorte d'exemplarité dont nous pourrions peut-être
nous inspirer pour mener dans d'autres domaines la nécessaire réforme de l'Etat
et du secteur public.
L'ampleur de la crise, dont le traitement a été trop longtemps différé,
apparaît dans les chiffres. Vous les connaissez, je ne rappellerai que les
principaux. Les recettes commerciales de la SNCF de l'exercice 1995 s'élève à
40 milliards de francs, soit moins, malheureusement, que le montant des charges
salariales, ainsi que le rappelle souvent le président M. Loïk Le
Floch-Prigent. Les concours publics ou parapublics sont de l'ordre de 50
milliards de francs, dont 18,5 milliards de francs, il est vrai, au titre des
charges de retraite. Le déficit s'élève à 16,6 milliards de francs tandis que
l'endettement accumulé au 31 décembre 1995 atteint près de 200 milliards de
francs.
Ces enjeux financiers et budgétaires, qui frappent par leur importance - ils
rappellent des ordres de grandeur que l'on connaît dans d'autres domaines - il
convient de les garder à l'esprit. L'ampleur des sommes en jeu appelle, de la
part de tous, un esprit de responsabilité et une grande vigilance. Il
conviendra bien sûr de payer le prix du passé, mais il faudra surtout
s'inscrire dans une perspective d'avenir en veillant à ce que chaque franc
dépensé soit le meilleur investissement de l'argent public dans le transport
ferroviaire. Il faudra, là comme ailleurs, savoir faire des choix responsables.
Ces choix devront être éclairés par des débats préalables, concertés,
expliqués, partagés dans toute la mesure du possible. C'est une exigence
moderne de démocratie et d'efficacité.
Je voudrais souligner que la crise du transport ferroviaire n'est pas propre à
la France. A la vérité, tous les pays européens y sont confrontés. La France
est même, contrairement à certaines idées reçues, le pays d'Europe où le
transport ferroviaire garde encore en pourcentage du trafic la place la plus
importante par rapport aux autres modes. Bien entendu, nous nous en
réjouissons.
Nous convenons tous, je le crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que la
politique des transports doit être résolument conçue dans un cadre intermodal.
C'est bien une approche intermodale, sous l'angle du service rendu aux usagers,
voyageurs ou chargeurs de fret, que nous avons retenue pour l'élaboration des
schémas d'infrastructure de transports prévus par la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire. Ces schémas feront l'objet de
discussions auxquelles vous serez associés.
Les transports sont d'abord au service du développement économique et social.
Ce sont les évolutions des modes de vie et des techniques qui ont bouleversé le
monde des transports, qu'il s'agisse de la généralisation de la voiture
individuelle, des programmes routiers et autoroutiers mis en oeuvre avec
l'appui des élus et des populations pour disposer d'une bonne desserte du
territoire, ou qu'il s'agisse du développement plus récent de l'avion, qui
s'est affirmé comme un mode de transport ordinaire sur des destinations
intérieures.
Face à ces bouleversements, le chemin de fer est trop largement resté en
Europe, et pas seulement chez nous, sur un schéma d'organisation mis en place à
l'époque où il représentait le mode de transport dominant, supposé universel,
exploité trop souvent dans une logique d'offre, c'est-à-dire dans laquelle les
services sont définis davantage sur la base de considérations techniques
unilatérales de la part de l'entreprise qu'en fonction des besoins de la
clientèle.
Certes, le chemin de fer européen, et la SNCF en particulier avec le TGV, a su
s'adapter aux évolutions techniques, mais insuffisamment car il s'est trop
souvent réfugié dans une attitude défensive à l'égard des autres modes de
transport, en particulier à l'égard de la route qui est devenue, il faut bien
le constater, le mode de transport dominant.
Je suis convaincue, pour ma part, qu'il eût mieux valu que le chemin de fer
s'engage dans une coopération avec la route, en jouant de leur complémentarité
et de l'intermodalité.
Certes, on peut considérer avec quelque raison que la structure des coûts des
différents modes de transport ne reflète pas assez les atouts du chemin de fer
en matière d'environnement, je suis tout à fait prête à en convenir, les
discussions européennes les plus récentes - encore celles qui ont été engagées
la semaine dernière - montrant la nécessité d'approfondir les travaux d'experts
sur cette question. Quoi qu'il en soit, cet argument de l'environnement a trop
souvent servi dans le passé d'alibi. Les observateurs les plus objectifs savent
en effet que le facteur déterminant de la concurrence entre les modes de
transport porte au moins autant sur le service rendu que sur le prix. Il faut,
bien sûr, comprendre ici le mot service au sens large : rapidité, ponctualité,
correspondances et confort. C'est tout l'enjeu de la réorientation au service
des clients que le président Le Floch-Prigent a engagée avec les premiers
effets immédiats et concrets qu'il vient très heureusement d'annoncer.
Pour autant, le chemin de fer n'est évidemment pas, s'il sait s'adapter, un
mode de transport dépassé. Il peut être plus que jamais un mode de transport
tout à fait moderne. Le débat national a permis de souligner ses atouts, qui le
rendent capable de satisfaire les besoins des usagers et de ses clients, ce qui
est bien le premier enjeu, tout en apportant des avantages collectifs en
matière d'environnement, de sécurité, de service public et d'aménagement du
territoire.
Le chemin de fer se révèle particulièrement performant sur de nombreux
créneaux, notamment de transport de masse. Tel est le cas des liaisons de
voyageurs sur grandes distances avec les TGV, des déplacements urbains et
périurbains où les usagers attendent, nous le savons bien, énormément du chemin
de fer - c'est l'un des enjeux de la réforme des transports régionaux - ainsi
que du transport de fret sur grande distance, avec notamment le transport
combiné, en particulier dans un pays de transit comme le nôtre.
A cet égard, il est clair que l'ouverture des frontières européennes, comme
l'affirme à juste titre M. About dans son récent rapport, constitue bien une
chance pour le chemin de fer, car elle va lui ouvrir des champs d'expansion
considérables, en particulier pour le fret, en lui permettant d'accéder à des
marchés où ses atouts trouvent bien à s'exprimer. La SNCF rénovée pourra, j'en
suis persuadée, s'y déployer avec les meilleures chances de succès.
Enfin, je souhaiterais évoquer un dernier enjeu, celui de la modernité du
service public, auquel je sais votre assemblée particulièrement attentive. Il
faut bien reconnaître que cette question est souvent à l'origine
d'incompréhensions. Pour ma part, je voudrais être très claire et souligner que
le Gouvernement se réfère au seul principe de l'article 1er de loi
d'orientation sur le transport intérieur, la LOTI : le service public de
transport, c'est « la satisfaction des besoins de l'usager dans les conditions
économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ».
Cette définition atteste bien que le service public c'est d'abord, avant tout
et essentiellement le service du public.
Deux constats découlent des principes posés par la LOTI : le service public
n'est pas lié à un mode de transport ou, si vous préférez, aucun mode de
transport n'est un service public en soi ; par ailleurs, il appartient à des
autorités responsables devant les électeurs et les contribuables de définir les
missions de service public - et non aux opérateurs eux-mêmes - dans le respect,
bien sûr, des principes traditionnels fondateurs du service public tels que les
a rappelés récemment le vice-président du Conseil d'Etat : égalité d'accès et
de traitement des usagers, continuité, adaptabilité.
Le débat national qui s'est engagé sur ces bases a permis de bien faire
ressortir quatre grandes conclusions, qui ont inspiré la solution que M.
Bernard Pons et moi-même avons élaborée.
Première conclusion : il faut clarifier les responsabilités respectives de
l'Etat et de la SNCF, tout particulièrement quant à l'infrastructure.
Deuxième conclusion : un effort financier très important doit être engagé afin
de désendetter la SNCF et de la responsabiliser en créant les conditions d'une
mobilisation effective des cheminots autour d'un objectif, devenu enfin
crédible, de redressement.
Troisième conclusion : si désendetter la SNCF est indispensable, cela ne
suffira pas à résoudre tous les problèmes. En effet, sans changements internes
s'appuyant, d'une part - je l'ai déjà dit - sur une priorité accordée au client
et au service et, d'autre part, sur une véritable maîtrise des coûts, aucun
redressement durable ne sera possible. Des performances nouvelles et mesurables
devront être atteintes : les contribuables et les clients, les usagers, doivent
« en avoir pour leur argent », et la mesure des progrès doit être
transparente.
Quatrième conclusion : il faut franchir une étape nouvelle de la
régionalisation des services régionaux de voyageurs. Il s'agit là d'un facteur
clé de modernisation tant pour la SNCF que pour ses clients et pour le service
public. Je sais à cet égard la part que le Sénat, en particulier M. Haenel et
M. Belot, ont prise dans la maturation de cette réforme, et je veux les
saluer.
Je me réjouis très sincèrement que le long processus que M. Haenel a animé
avec passion et compétence puisse devenir réalité, sur les bases mêmes qu'il
avait proposées et que, s'il veut bien s'en souvenir, nous avions longuement
travaillées ensemble.
Cette nouvelle étape dans un processus de coopération déjà ancien et fructueux
entre la SNCF et les régions est un enjeu tout à fait important de la réforme
que nous vous proposons.
C'est à partir de ces quatre conclusions issues du débat national, dans le
prolongement, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos propres idées que nous
avons, M. Bernard Pons et moi-même, proposé à M. le Premier ministre d'adopter
un projet de solution française originale et novatrice, ambitieuse pour la
SNCF.
Cette réforme repose, vous le savez, sur deux piliers : d'une part, les
infrastructures et, d'autre part, la régionalisation. M. Bernard Pons vous en
parlera mieux que je ne saurais le faire.
Nous savons bien que le redressement de la SNCF sera long et coûteux et que la
rénovation interne est particulièrement indispensable.
Avec l'ensemble du Gouvernement, j'ai tout à fait confiance dans la capacité
des cheminots à redresser la situation.
Bien entendu, rien ne se fera sans eux ou contre eux. Bien au contraire,
puisqu'ils sont les premiers acteurs de ce redressement.
Pour ma part, j'ai totalement confiance dans l'ambition qu'il nous appartient,
tous ensemble, de donner aujourd'hui au transport ferroviaire.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat a marqué,
ces dernières années, un intérêt tout particulier pour les questions
ferroviaires.
Votre assemblée a en effet élaboré et adopté plusieurs rapports importants,
qui ont fortement contribué à mieux faire connaître la réalité de la situation
générale de la SNCF et à éclairer les voies de sa modernisation.
Je pense en particulier au rapport adopté par le Sénat au mois de juin 1993, à
la suite des travaux de la commission d'enquête présidée par M. Haenel et dont
le rapporteur était M. Belot, que votre Haute Assemblée avait « chargé
d'examiner la situation financière de la SNCF, les conditions dans lesquelles
cette société remplit ses missions de service public, les relations qu'elle
entretient avec les collectivités locales et son rôle en matière d'aménagement
du territoire. »
Je pense aussi au rapport, adopté à l'unanimité le 31 mars 1994, à la suite
des travaux d'une commission à nouveau présidée par M. Haenel et intitulé «
Régions-SNCF : vers un renouveau du service public ».
Je pense également au rapport d'information adopté le 24 avril dernier par la
délégation du Sénat à l'Europe, sur l'initiative de M. About, et intitulé : «
L'Europe, une chance pour la SNCF ».
Je pense enfin au rapport élaboré ce mois-ci par le groupe du RPR du Sénat,
intitulé : « La SNCF demain. Des responsabilités partagées, mais assurées pour
sauvegarder et développer le transport ferroviaire français ».
Ainsi, votre assemblée a participé d'ores et déjà très largement au grand
débat national que le Gouvernement avait appelé des ses voeux, à l'issue du
conflit de la fin de l'année dernière.
Elle a même, en quelque sorte, anticipé ce débat par des travaux qui n'ont en
rien perdu leur actualité et qui ont été, pour nous, des éléments de référence
dans l'élaboration des décisions que le Gouvernement vient d'arrêter.
Vous savez, en outre, que l'un des volets essentiels de la réforme de la SNCF
décidée par le Gouvernement concerne - j'y reviendrai tout à l'heure plus
précisément - la régionalisation.
Celle-ci implique un rôle accru pour les collectivités territoriales,
auxquelles le Sénat est, par vocation, traditionnellement très attentif.
Ces deux raisons confèrent, à mes yeux, un très grand intérêt à la discussion
qui s'offre à nous aujourd'hui.
Votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, connaît trop bien la
situation de la SNCF, en raison même des travaux qu'elle a menés et que je
rappelais voilà quelques instants, pour que j'y revienne longuement. Mme Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports, vient d'ailleurs excellemment de rappeler
l'essentiel.
C'est pourquoi, sans plus attendre, je veux vous présenter les décisions que
nous avons arrêtées, sous l'autorité de M. Alain Juppé, Premier ministre, afin
de créer les conditions d'un renouveau du transport ferroviaire dans notre
pays.
La réforme qui a été décidée s'inspire très directement des conclusions que
vient de dégager Mme Idrac du débat national. Mais vous y retrouverez aussi, je
le crois, mesdames, messieurs les sénateurs, un écho très direct des principes
qui ont animé, ces dernières années, vos réflexions en la matière.
Cette réforme est ambitieuse. Elle porte sur deux volets essentiels de
l'ensemble des structures du chemin de fer : premièrement, la clarification des
responsabilités respectives de l'Etat et de la SNCF ; deuxièmement, la
régionalisation.
La conjugaison de ces deux volets permet de dessiner une solution française
originale pour assurer l'avenir du transport ferroviaire.
J'aborderai tout d'abord la clarification des responsabilités.
Le débat national qui s'est développé dans les comités économiques et sociaux
à l'échelon régional, dans les conseils régionaux, puis au Conseil économique
et social et même devant le Parlement, a fait apparaître qu'on avait jusqu'ici
demandé beaucoup trop à la fois à la SNCF.
On lui avait demandé en effet de construire et de financer un réseau de lignes
nouvelles, qui reste, à ce jour, sans véritable équivalent dans aucun pays du
monde, de s'équiper du matériel roulant nécessaire pour exploiter ces lignes
nouvelles dans les conditions optimales, d'assurer l'entretien et la
maintenance du réseau classique et, enfin, d'exécuter des missions de service
public, définies avec plus ou moins de précision par la puissance publique et,
à ce titre, compensées par des concours publics.
C'est pourquoi le Gouvernement a considéré que le moment était venu de
clarifier enfin les responsabilités respectives de la puissance publique et de
la SNCF.
Telle est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, le
Gouvernement a décidé de proposer au Parlement, avant la fin de cette année, la
création par la loi d'un nouvel établissement public qui devra être mis en
place avant le 1er janvier 1997.
Ce nouvel établissement reprendra les 125 milliards de francs de la dette que
la SNCF avait contractée à ce jour pour financer les infrastructures et il
recevra en contrepartie les actifs constituant l'infrastructure ferroviaire.
Ces actifs n'auront pas vocation à être vendus pour rembourser la dette.
M. Roland Courteau.
Ce n'est pas sûr !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Le
nouvel établissement public n'est donc pas une structure de cantonnement de
dette comparable à celle qui a été mise en place ces dernières années dans
d'autres secteurs. Il s'agit au contraire d'une entité destinée à assumer
durablement la responsabilité du réseau ferroviaire, de son évolution et de son
financement.
C'est à cet établissement public en effet qu'il appartiendra désormais de
mobiliser pour l'avenir les financements nécessaires à la construction des
futures lignes.
Seuls les travaux qui vont s'engager pour la rédaction du projet de loi
correspondant permettront de répondre de manière précise à toutes les questions
d'ordre juridique, technique ou financier soulevées par la création de ce
nouvel établissement. Mais, d'ores et déjà, plusieurs points essentiels sont
acquis.
Premièrement, le réseau restera national dans le cadre du nouvel établissement
public. Il appartiendra à l'Etat d'en définir la consistance et les
caractéristiques à travers le schéma du réseau ferroviaire, dont l'élaboration
est prévue, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, par la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Je vous confirme que la préparation de ce schéma s'effectue dans une
perspective intermodale et que, comme j'ai eu l'occasion de le dire ici même à
l'occasion du colloque organisé à l'initiative de M. Jean François-Poncet
relatif à l'application de la loi du 4 février 1995, sa publication
interviendra en 1997.
Deuxièmement, le niveau de rémunération de la SNCF par le nouvel établissement
public pour l'entretien et la maintenance du réseau, et celui, en sens inverse,
des péages d'infrastructure que la SNCF versera à cet établissement pour
l'usage de l'infrastrucutre mise à sa disposition seront déterminés à l'issue
d'un audit du compte d'infrastructure.
Cet audit sera confié, comme cela a été fait pour les services régionaux de
voyageurs, à un consultant indépendant.
En tout état de cause, le niveau de tarification devra tenir compte de la
capacité contributive de la SNCF comme transporteur ferroviaire : il est
évidemment exclu - ce serait d'ailleurs totalement absurde - de reprendre d'une
main à la SNCF sous forme de péage ce qu'on lui donne de l'autre sous forme de
désendettement.
M. Bernard Seillier.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Ça, c'est sûr !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Oui, mais il vaut mieux le dire !
M. Ivan Renar.
Et le faire !
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Troisièmement, comme pour tout organisme de ce type, l'Etat apportera au nouvel
établissement public les concours financiers et les dotations en fonds propres
à un niveau suffisant pour assurer sa viabilité financière.
Quatrièmement, enfin, la loi de démocratisation du secteur public s'appliquera
au nouvel établissement public, dont le conseil d'administration comprendra des
représentants des salariés et des usagers.
Ainsi, sans porter atteinte ni à l'unité de la SNCF, ni à ses missions de
service public, ni, bien sûr, au statut de ses personnels, cette réforme
clarifie - le Sénat l'avait demandé à plusieurs reprises - les responsabilités
respectives de la puissance publique et de la SNCF.
Elle traduit en particulier la volonté de l'Etat de prendre pleinement ses
responsabilités, pour le passé comme pour l'avenir, dans le domaine de
l'infrastructure.
Elle doit permettre également à l'entreprise et aux hommes qui la constituent
de trouver une véritable perspective et un espoir.
Aujourd'hui, en effet, le poids des charges financières était devenu tellement
accablant qu'aucune mesure relevant de la seule gestion interne n'était
susceptible de permettre le retour à l'équilibre et à la viabilité. Bien
entendu, tout le monde le percevait, et le désespoir s'était emparé de toutes
les structures de l'entreprise.
Le second pilier de la réforme que le Gouvernement engage pour la SNCF, c'est
la régionalisaiton des services régionaux de voyageurs.
Depuis une quinzaine d'années, la SNCF et les collectivités régionales ont
pris l'habitude de travailler ensemble.
La quasi-totalité des régions a en effet conclu avec cette entreprise des
conventions concernant la gestion des services régionaux de voyageurs,
c'est-à-dire, pour l'essentiel, les trajets domicile-travail ou
domicile-étude.
De l'avis général, et le Sénat l'avait relevé dans ses travaux, ces
conventions ont amélioré le service et permis la modernisation d'une partie
significative du parc du matériel roulant régional.
Toutefois, des insuffisances sont également apparues dans l'application de
certaines de ces conventions.
En l'absence d'une comptabilité analytique interne à la SNCF suffisamment
complète et suffisamment transparente, les régions ont, dans certains cas, eu
quelques difficultés à établir un lien précis entre l'évolution des services et
les facturations auxquelles elles donnaient lieu.
M. Charles Descours.
Oh oui !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
C'est pourquoi le Gouvernement a fait procéder, avant de lancer une
régionalisation expérimentale plus ambitieuse, dans les conditions prévues à
l'article 67 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire, à un audit indépendant et complet des services
régionaux de voyageurs.
Cet audit, monsieur Descours, a été défini, financé et analysé conjointement
par l'Etat, l'Association des présidents des conseils régionaux et la SNCF.
Ses conclusions, aujourd'hui connues et acceptées de toutes les parties
concernées, nous permettent de décider de franchir, dès le 1er janvier
prochain, une nouvelle étape dans le cadre d'une expérimentation.
L'Etat va en effet transférer aux régions candidates à cette expérimentation
la part des concours financiers qu'il versait jusqu'ici à la SNCF au titre des
services régionaux de voyageurs.
Ces concours seront réactualisés sur la base des conclusions de l'audit auquel
je viens de faire allusion.
Il est donc bien clair, et je sais que le Sénat y tient
particulièrement,...
M. Ivan Renar.
Pas seulement le Sénat !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transport et du tourisme.
...
que ce transfert de compétence se fera sans transfert de charge et donc sans
peser davantage sur la fiscalité régionale.
M. Jean-Pierre Fourcade.
C'est un progrès !
M. Henri de Raincourt.
On avance !
M. Robert Pagès.
On voudrait y croire !
M. Ivan Renar.
Nous frémissons, monsieur le ministre !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Mais j'espère bien !
(Sourires.)
Désormais, ces régions assumeront pleinement la responsabilité de la
définition des services correspondant à ces liaisons. Elles auront la
responsabilité de faire évoluer l'offre en l'ajustant au mieux aux besoins des
populations.
En revanche, je le souligne, le réseau d'infrastructures reste national.
M. Ivan Renar.
C'est important !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Il
n'y a donc, là non plus, ni démembrement ni partition de la SNCF.
Il s'agit bien, en revanche - et c'est l'essentiel - de rapprocher le lieu de
décision de l'utilisateur final.
L'expérience de la décentralisation a en effet montré, depuis plus de quinze
ans, dans d'autres domaines de compétence, que ce type de transfert de
responsabilités s'accompagne d'un meilleur service au meilleur coût.
Cette expérimentation - j'insiste bien sur ce point - se déroulera selon trois
principes : la transparence, la réversibilité, le transfert de compétence sans
transfert de charge.
Mme Hélène Luc.
J'espère que ce ne sera pas comme pour les collèges dans les départements !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
J'ai dit, madame, la transparence et la réversibilité. C'est clair !
M. Jacques Oudin.
Et c'est bien !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
J'ai la conviction que la dynamique qui va ainsi se mettre en place se traduira
effectivement par une amélioration du service rendu et du rapport qualité-prix,
qui est essentiel pour l'usager contribuable.
M. Jacques Oudin.
Tout à fait !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
D'autres régions voudront sans doute à leur tour s'engager dans ce nouveau
système. Certaines sont déjà candidates et nous en avons pris acte.
Bien entendu, les ralations entre la SNCF et les régions non concernées par
l'expérimentation ne seront pas affectées. Elles continueront à se dérouler
dans le cadre actuel.
Je connais, mesdames, messieurs les sénateurs, l'attention scrupuleuse, et
d'ailleurs parfaitement conforme à sa vocation, que porte votre assemblée à
tout ce qui concerne la vie des collectivités territoriales.
C'est pourquoi je voudrais préciser davantage le cadre expérimental tel que
nous l'envisageons, et ce à compter de janvier prochain.
En premier lieu, le principe général est que le rôle et les engagements des
trois partenaires - Etat, régions, SNCF - seront clairement précisés dans deux
conventions distinctes : la première fixera les principes des relations entre
la région et l'Etat ; la seconde liera la région et la SNCF et définira les
services de transport assurés par la SNCF pour le compte de la région autorité
organisatrice.
En deuxième lieu, en termes de calendrier, l'expérimentation débutera le 1er
janvier 1997 et durera au maximum trois ans.
En troisième lieu, la convention entre la région et la SNCF sera fondée sur un
certain nombre de principes.
La région exercera pleinement sa responsabilité d'autorité organisatrice des
transports régionaux. Elle définira les dessertes, la qualité du service et
l'information à l'usager.
Elle pourra mettre en place, avec la SNCF, des tarifs commerciaux spécifiques
sur les liaisons régionales.
En revanche, le système actuel de tarification sociale défini au niveau
national restera inchangé.
M. Philippe François.
Que Dieu vous entende !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
La
SNCF assurera le service défini par la région. Elle décidera des moyens à
mettre en oeuvre pour produire les services demandés par la région de manière
optimale. Elle assistera et conseillera la région dans la définition des
services ferroviaires régionaux.
En quatrième lieu, pendant l'expérimentation, de nouvelles relations de type
contractuel seront testées entre la région et la SNCF.
Le système de conventionnement actuellement en place constituait une première
étape dans les relations région-SNCF, mais il ne permettait pas à la région de
jouer pleinement son rôle, puisque celle-ci n'avait aucune vision d'ensemble
sur les services.
Elle ne prenait à sa charge que les aménagements de service par rapport à un
service de référence qui était figé artificiellement.
Ce système - M. Haenel le sait bien pour l'avoir dénoncé - n'incitait donc en
fait ni la région ni la SNCF à faire évoluer réellement les services offerts
aux voyageurs. Le nouveau cadre que nous allons mettre en place rendra
désormais possible une telle évolution.
En cinquième lieu, enfin, l'objectif est aussi de responsabiliser la SNCF sur
l'ensemble de ses coûts afin qu'elle puisse présenter
a priori
à la
région le prix du service commandé et non plus, comme aujourd'hui, simplement
facturer
a posteriori
les coûts constatés.
Ainsi, la SNCF sera désormais conduite à exercer ses missions dans un cadre
nouveau, permettant d'identifier plus clairement les responsabilités, de sorte
que le contrat de plan, tel qu'il était conçcu jusqu'à présent, n'a plus sa
raison d'être.
Pour autant, comme pour toute entreprise publique, il importe - c'est
fondamental - que la SNCF ait connaissance des priorités essentielles qui lui
sont fixées par l'Etat au nom de la nation.
C'est pourquoi le Gouvernement va confirmer au président de la SNCF, par un
courrier qui lui sera adressé dans les tout prochains jours,...
M. Roland Courteau.
Ce n'est pas suffisant !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
...
les décisions prises en matière d'infrastructure et de désendettement, ainsi
que les conditions de l'expérimentation du transfert aux régions de la
compétence en matière de services régionaux de voyageurs.
Ce courrier précisera également les orientations essentielles qui lui sont
assignées et qu'il lui appartiendra de mettre en oeuvre dans le cadre de son
projet industriel. Ces orientations porteront à la fois sur les activités de la
SNCF en tant que gestionnaire de l'infrastructure et en tant que transporteur
ferroviaire, mais aussi sur le groupe que contrôle la SNCF.
Le Gouvernement a défini en particulier deux priorités fondamentales pour
l'élaboration du projet industriel de la SNCF : d'une part, la reconquête de la
clientèle - voyageurs et fret - d'autre part, le retour à un équilibre durable
de chacune des activités de transport - fret, grandes lignes, SERNAM, services
régionaux de voyageurs.
M. Charles Descours.
Et les filiales !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Nous inviterons le président de la SNCF à porter ce courrier à la connaissance
du conseil d'administration et du comité central d'entreprise afin que les
représentants du personnel soient clairement informés.
C'est sur ces bases que le projet industriel interne sera ensuite élaboré, en
concertation avec les personnels.
Plusieurs questions, qui relèvent de la responsabilité exclusive de
l'entreprise, y trouveront leur réponse, telles que l'établissement des budgets
prévisionnels ou les conditions de gestion de la dette restant à la charge de
la SNCF, dette à laquelle nous estimons qu'elle est désormais en mesure de
faire face.
M. Roland Courteau.
On verra !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
suis, pour ma part, convaincu que cette réforme, qui se situe dans le
prolongement des conclusions du débat national, constitue une solution
française originale, à même d'assurer un véritable renouveau au transport
ferroviaire.
Dans un cadre de responsabilités clarifié, il appartient maintenant à la SNCF,
c'est-à-dire à l'ensemble de ses agents, de se mobiliser pour assurer un
redressement durable de l'entreprise. Cette mobilisation doit s'engager dès à
présent. Je fais à cet égard toute confiance aux cheminots, à leur compétence,
à leur dévouement et à leur sens des responsabilités.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
(M. Jean Delaneau remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
9 minutes.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, les sénateurs des Français de l'étranger, c'est bien connu,
voyagent toujours en avion. Les mauvaises langues disent même que certains
d'entre eux passent la moitié de leur mandat dans les airs, ce qui, certes, est
très exagéré.
(Sourires.)
Il leur arrive cependant de prendre le train, surtout lorsqu'ils se
trouvent en France, où ce moyen de transport garde des faveurs qui n'existent
plus dans la plupart des pays du monde.
Les chemins de fer ont, en effet, disparu dans bien des nations où ils
tenaient jadis une place de premier plan. C'est le cas, par exemple, aux
Etats-Unis et l'on en comprend parfaitement les raisons lorsque l'on constate
que, dans ce vaste pays, les meilleurs trains d'est en ouest mettent cinq jours
pour faire le trajet tandis qu'il suffit de cinq heures pour les voyageurs en
avion. Aussi, les puissantes locomotives du siècle dernier n'existent-elles
plus que dans les musées ferroviaires ou dans les films du Far West.
La situation est bien différente en France et dans une partie de l'Europe, où
l'on croit encore aux chemins de fer. Cela se comprend puisque leur utilité est
considérable, en fonction de la superficie des pays.
Le train en effet convient pour des distances petites ou moyennes, disons
jusqu'à cinq cents ou six cents kilomètres ; au-delà, il ne peut évidemment
rivaliser, pour ce qui est du temps de voyage, avec les transports aériens. Par
ailleurs, le rail doit faire face à la concurrence de la route, et là, il ne se
trouve pas à son avantage, étant donné le grand nombre, la diversité et la
souplesse des transports routiers.
Dans cette situation de concurrence, il y avait des décisions à prendre sur la
politique que l'on suivrait et les choix que l'on ferait, tant pour le matériel
que pour les nouveaux réseaux à mettre en place.
Une phrase de la déclaration du Gouvernement m'a paru très claire à ce sujet :
« Le chemin de fer, tout particulièrement la SNCF, a su s'adapter aux
évolutions technologiques, comme le prouvent notamment les succès nationaux et
internationaux du TGV. Il n'a cependant pas suffisamment pris la mesure des
évolutions nécessaires, s'étant trop souvent réfugié dans une attitude
défensive à l'égard des autres modes de transport.
« Il eût mieux valu, avez-vous ajouté, que le chemin de fer s'engage dans une
coopération avec les autres moyens de transport en jouant de leur
complémentarité et de l'intermodalité. »
Nous sommes tout à fait d'accord avec cette remarque. Plutôt que de « se
défendre » en luttant contre les avions et les routiers, la SNCF aurait eu
avantage à s'entendre et à coordonner son action avec eux.
Parlons donc du TGV. A l'étranger, on a appris à connaître ces initiales. On
sait qu'il s'agit d'une très belle réussite technique de la France. On sait que
ce train rapide détient le record de vitesse sur rail, que lui a disputé, un
instant seulement, le tokkaïdo japonais.
Mais beaucoup d'étrangers se demandent si le TGV n'est pas un luxe inutile, et
surtout s'il est rentable, quand on considère le poids et le prix des
infrastructures spéciales qui lui sont nécessaires. Certains comparent le TGV
au Concorde, devant la réussite technique duquel chacun s'incline, mais dont on
souligne l'échec commercial.
Madame le secrétaire d'Etat, lorsque vous parlez des « succès internationaux »
du TGV, n'êtes-vous pas un peu optimiste ? Malgré quelques espoirs qui avaient
été exprimés en Floride ou au Texas, nous n'avons pas vendu un seul TGV. Si
nous avons fait affaire avec la Corée du Sud pour la ligne allant de Séoul à
Pusan, c'est en cédant à ce pays toute notre technologie et en lui donnant
ainsi la possibilité ultérieure de devenir notre concurrent.
En France, cependant, on peut effectivement parler de « succès national ». Le
TGV est populaire, encore que son système de réservation soit trouvé trop
rigide et que son prix soit jugé excessif. Mais enfin, de grandes villes, comme
Lyon, Lille, Tours, Le Mans se trouvent maintenant à deux heures ou moins de
Paris et, grâce aux correspondances, même pour les trains roulant sur les voies
normales, les délais de desserte se sont considérablement réduits vers le nord,
le sud-est et la Méditerranée, le sud-ouest et l'Atlantique.
Ce succès n'a pas été sans présenter quelques inconvénients. Nos lignes
aériennes intérieures ont beaucoup souffert de cette concurrence, notamment Air
Inter sur Paris-Lyon, qui était l'une des lignes très rentables. Et puis,
toutes les régions rêvent d'avoir leur TGV, les autres trains paraissant
désuets par comparaison, alors que, récemment encore, les rames du Corail
étaient réputées en Bretagne, et que Toulouse se pensait bien desservie par le
très rapide Capitole.
On réclame aussi un TGV Est, de Paris à Strasbourg. Il est peut-être le seul à
devoir, nous semble-t-il, être mis en oeuvre. Tous les gouvernements successifs
en ont soutenu le projet, en dépit de sa rentabilité discutable, en raison de
l'importance symbolique du lien franco-allemand et de la nécessaire ouverture
vers l'Europe.
En revanche, faut-il un TGV Lyon-Turin, ce qui implique le creusement d'un
tunnel fort onéreux et des aménagements de ferroutage également d'un coût très
élevé ? Faut-il un TGV Montpellier-Espagne, ce qui suscite les espoirs de la
généralité de Catalogne mais l'inquiétude des départements du Languedoc, qui
verraient leurs vignobles entamés ? Personnellement, je ne le pense pas. Nous
n'avons pas à construire des TGV pour transporter les touristes le plus
rapidement possible en Italie ou en Espagne, où la vie est moins chère et où
ils se rendent pour leurs vacances, en négligeant la France.
Une remarque analogue peut être faite pour le TGV Marseille-Côte d'Azur.
Faut-il mutiler les merveilleux paysages de Provence pour gagner quinze ou
vingt minutes sur ce parcours alors que les avions vont de Paris à Nice en un
peu plus d'une heure à peine ? Fort heureusement, ce projet est resté dans les
cartons. En revanche, on pourrait davantage utiliser la ligne, très ancienne et
si pittoresque, qui serpente le long de la côte, de Nice à Cannes ou à
Saint-Raphaël, et y prévoir des trains plus nombreux, car ils sont
incomparablement plus rapides, surtout en été, alors que les routes sont
encombrées par les autobus ou les voitures particulières.
C'est là une question dont pourraient se charger les autorités régionales,
notamment celles de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. A cet égard, l'idée
du Gouvernement de confier aux collectivités territoriales certains services
régionaux de voyageurs me paraît excellente. C'est en tout cas une voie à
explorer. Mais, naturellement, se pose immédiatement la question suivante : qui
financerait ? La déclaration que nous avons entendue s'efforce à une
clarification des responsabilités respectives de l'Etat et de l'entreprise
ferroviaire. Nous attendons le projet de loi que vous avez promis de nous
soumettre avant la fin de l'année.
La création d'un établissement public pour les infrastructures est une idée
novatrice. Mais, de toute façon, cet établissement devra être alimenté par des
fonds d'Etat.
Qui d'autre en effet pourrait l'alimenter alors que l'endettement de la SNCF
atteint 208 milliards de francs ? Il faut saluer la proposition du Gouvernement
de prendre à sa charge 125 milliards de francs de dettes mais, par un calcul
simple, on s'aperçoit que 83 milliards de francs, en principe, resteront à la
charge de la SNCF. Comment cet endettement sera-t-il financé ? La charge de la
dette ne risque-t-elle pas de s'alourdir automatiquement, à nouveau, dans
l'avenir ? Autant de questions pour lesquelles nous souhaiterions, monsieur le
ministre, connaître les intentions du Gouvernement.
Enfin, il est un problème qui n'a pas été du tout évoqué dans la déclaration,
mais dont je crois devoir dire un mot rapide.
A l'étranger - puisque je me place toujours de ce point de vue - quand on
parle des chemins de fer français, deux noms viennent immédiatement dans la
conversation : « TGV » - ce qui est positif - mais aussi un autre, très
négatif, celui de « grève ».
(Murmures sur les travées socialistes.)
On prétend qu'il y a beaucoup de
grèves en France, et il est vrai qu'il y en a eu de très spectaculaires, comme
en décembre dernier, ce qui, je dois dire, n'a pas du tout favorisé ni l'image
de nos chemins de fer ni celle de la France.
Voilà deux jours encore, alors que je prenais l'avion pour rentrer après une
rapide mission au Canada et aux Etats-Unis, on m'assurait à l'aéroport du
Newark qu'il y aurait des grèves à Paris en juin, à la veille des vacances. Un
agent de voyage me confiait qu'il avait renoncé à organiser des visites de
groupe, par train, à travers la France...
M. le président.
Je vous demande de conclure, monsieur Habert.
M. Roland Courteau.
Ce serait préférable, en effet !
M. Jacques Habert.
Je vais conclure, monsieur le président, mais je n'ai pas encore atteint la
limite des neuf minutes qui me sont accordées.
Vraiment, comment un grand pays comme le nôtre peut-il, presque sans broncher
et, il faut bien le dire, pour la sauvegarde de quelques intérêts catégoriels,
laisser paralyser sa vie économique pendant des jours, voire des semaines ?
Voilà ce que comprennent mal nos amis de l'étranger. Il faut que nous soyons
conscients des conséquences néfastes que cela peut avoir sur la réputation de
la France dans le monde entier.
M. le président.
Je vous demande de conclure !
M. Jacques Habert.
Vous vous souvenez qu'à cet égard, lors de la discussion de la loi relative
aux transports, en décembre 1995, on avait envisagé la possibilité d'un service
minimum. Il s'agit là d'une idée sur laquelle il faudra revenir, si des menaces
analogues se renouvellent.
Mes chers collègues, je ne voudrais pas que le regard de l'étranger que j'ai
voulu porter à l'occasion de ce débat vous apparaisse comme trop critique.
Comparée à certains de nos homoloques européens, la SNCF n'a pas à rougir de
ses performances.
A bord de l'Eurostar, après avoir emprunté l'Eurotunnel - magnifique
réalisation franco-britannique - pour quiconque est amené à rouler lentement
dans le Kent, entre Douvres et la gare de Waterloo, ou, sur une autre ligne,
après avoir franchi la frontière de la Belgique, se retrouve à aller à petits
pas entre Lille et Bruxelles, une évidence s'impose.
M. Ivan Renar.
Le chemin de fer aux Etats-Unis, ce n'est pas terrible !
M. le président.
Monsieur Habert, je vous demande instamment de conclure, car vous avez dépassé
votre temps de parole.
M. Jacques Habert.
On peut donc conclure, monsieur le président, qu'en Angleterre comme en
Belgique, ni l'hyperlibéralisme britannique ni le fédéralisme belge n'ont su
construire de lignes de chemin de fer aussi bonnes que les nôtres.
(M. le président coupe le micro et la fin de l'intervention de l'orateur est
presque inaudible.)
Monsieur le ministre, je veux vous remercier de la déclaration sur la
SNCF que vous venez de faire au nom du Gouvernement. Il était important que la
représentation nationale puisse vous donner son sentiment sur cette
question.
On nous a dit que la SNCF voulait reconquérir sa clientèle. Le succès de ce
pari suppose la coopération de l'ensemble du personnel de cette entreprise. Il
faut espérer que, cette fois-ci, cette indispensable collaboration pourra se
faire dans le sens de la raison. Il faudra à chacun beaucoup de lucidité, de
détermination et de courage pour y parvenir.
Nous souhaitons, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, que ce pari soit gagné. C'est dans cet espoir que les sénateurs non
inscrits, au nom desquels je m'exprime, approuvent la déclaration du
Gouvernement sur les chemins de fer français.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste. - M. Durand-Chastel applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Madame le secrétaire d'Etat, le 5 décembre 1995, en pleine crise, alors que la
France s'engluait, s'empêtrait dans les grèves, que les Français peinaient,
souffraient sur des routes encombrées, je vous disais : « Pourquoi ne
parlerions-nous pas d'avenir ? »
Et je précisais : « Avenir d'un réseau ferroviaire dont la construction est
liée au développement de la France ; avenir des savoir-faire français dans ce
domaine ; avenir de l'industrie ferroviaire française ; avenir d'une technique
essentiellement au service de l'homme ; avenir d'une entreprise publique ;
avenir des cheminots ; avenir d'un réseau conçu comme un instrument puissant
d'aménagement et de développement du territoire national. »
L'avenir, vous venez de nous le faire entrevoir, monsieur le ministre, madame
le secrétaire d'Etat. L'avenir est maintenant possible.
J'aurais pu, comme d'autres, m'étonner, pester, protester, m'impatienter :
pourquoi, alors que les sirènes retentissaient de partout, que l'ensemble de la
signalisation sociale au sein de l'entreprise et chez de nombreux usagers était
au rouge ou à l'orange, oui pourquoi avoir tant attendu ? Pourquoi en être
arrivé là ?
En effet, ce ne sont pas les constatations et les mises en garde qui
manquaient. Mais à quoi bon se lamenter sur le lait versé ! La France est ainsi
faite qu'il faut passer par ces tensions, ces ruptures, ces révoltes même, pour
prendre conscience des réalités et avancer.
« Le temps détruit ce que l'on fait sans lui », disait Sénèque. Eh bien, il a
fallu ce temps, perdu diront les uns, salutaire estimeront les autres, pour
qu'ait lieu une prise de conscience des enjeux et des défis à relever.
Il a fallu en effet ce temps pour que, au niveau du dispositif d'Etat, et
notamment du trop fameux Quai de Bercy, on admette les réalités, on conçoive
des réformes, on mesure les enjeux, et que peut-être aussi on prenne peur.
Apparemment, c'est fait. Nous ne pouvons que nous en réjouir et vous en
féliciter, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat. Vous avez choisi
la voie tracée par le Président de la République : donner du temps pour
écouter, dialoguer, décider puis expliciter.
M. André Vezinhet.
Donner du temps au temps, c'était le prédécesseur !
M. Hubert Haenel.
Je n'ai pas la réputation d'être un adepte de la langue de bois, quitte - et
c'est un risque que j'assume - à être incompris ou à être considéré comme «
incontrôlable », ainsi que se sont parfois plu à le susurrer certains
fonctionnaires.
Mais, aujourd'hui, vous avez devant vous un parlementaire presque étonné, mais
ô combien agréablement surpris, du contenu et de l'ampleur du dispositif arrêté
en faveur du transport ferroviaire, dispositif que vous venez de préciser,
monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat.
C'est à juste titre que l'hebdomadaire
La Vie du rail
a pu, cette
dernière semaine, titrer ainsi sa page de couverture : « SNCF, le grand
tournant ».
C'est un tournant, en effet, qu'il va falloir « négocier » ensemble, et qu'il
ne va surtout pas falloir « louper ».
La SNCF, c'est-à-dire son président, sa direction générale, ses cadres,
l'ensemble de son personnel, directement ou via les organisations syndicales,
doivent saisir cette chance, cette occasion qui est peut-être la dernière.
La SNCF doit savoir interpréter ce signal fort, porteur de l'avenir qu'elle
réclamait en vain ces dernières années et qui lui est aujourd'hui, enfin,
proposé. Car, aujourd'hui, sans oser toujours le dire, beaucoup de personnes
profondément attachées à l'entreprise ont pris conscience que la SNCF était
mortelle.
M. Charles Descours.
Tout à fait !
M. Hubert Haenel.
Je tiens à souligner que le président Le Floch-Prigent a abordé le problème «
par le bon bout », comme on dit dans les campagnes.
M. François Gerbaud.
C'est vrai !
M. Hubert Haenel.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, les décisions que vous avez
prises, non sans difficulté - nous savons bien quelles réticences il faut
vaincre, quels combats d'arrière-garde il faut affronter avant tout arbitrage -
sont à la mesure des problèmes, que nous ne connaissons que trop bien, et des
enjeux.
Ces enjeux, quels sont-ils ?
Ils relèvent, en premier lieu, de ce que l'on considère comme le service
public : quelles missions de service public, définies par l'Etat et les
conseils régionaux, sont assignées à la SNCF.
Ils sont liés, en second lieu, à l'aménagement du territoire. La SNCF est
certes un instrument d'aménagement du territoire, mais où et jusqu'où ?
Ce sont là des enjeux évidents, mais il en est d'autres d'une nature
différente.
Par exemple, quel est, dans la compétition internationale, et particulièrement
en Europe, l'avenir du système ferroviaire français, considéré à juste titre
pendant longtemps comme bénéficiant de la technique ferroviaire la plus
performante du monde ?
Quel avenir envisage-t-on par ailleurs pour l'industrie ferroviaire française
?
En juin 1993, le rapport de la commission d'enquête sénatoriale, rapport
établi par notre collègue M. Belot, avait mis en exergue trois pistes ou
piliers d'une réforme en profondeur de la SNCF : recadrer l'entreprise en
définissant ce qu'on attend d'elle pour éviter le grand écart ; revoir la
nature et la qualité des relations entre la SNCF et les collectivités locales ;
définir, au sein de la SNCF, un projet industriel d'entreprise en faveur des
usagers.
Dans votre projet, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, nous
retrouvons ces trois piliers.
En engageant, pour la première fois depuis longtemps, une réforme en
profondeur de l'outil ferroviaire national, vous mettez la SNCF en mesure de
s'adapter pour relever un ensemble de défis dont celui, essentiel, fondamental,
qui consiste à considérer, en tous lieux et en toutes circonstances, l'usager,
pour les uns, ou le client, pour les autres, comme la seule raison d'être de
l'entreprise.
Selon un maître mot, qui pourrait être à l'avenir celui de la SNCF, « le
client, notre raison d'être », le client-usager est donc la clef de voûte de
l'ensemble du dispositif, qu'il soit une personne souhaitant se déplacer sur de
courtes, moyennes ou longues distances ou qu'il soit une entreprise désirant
faire circuler les marchandises.
Par la présente réforme, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat,
permettez à la SNCF de « se mettre en posture », pour employer une expression
militaire, afin de faire face aux conséquences des diverses dispositions
prises, ou à prendre, à l'échelon de l'Union européenne, notamment de la
directive 91/440, pour aborder dans les meilleures conditions possibles
l'Europe des transports ferroviaires.
Surtout, n'ayons pas peur de ces rendez-vous européen ; ils sont inévitables,
et je le crois, salutaires.
Vos décisions, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, s'appuient
sur les constatations et propositions du Parlement, du Conseil économique et
social, des conseils économiques et sociaux régionaux, ainsi que sur les
travaux des missions de MM. Martinand et Rouvillois. Nous attendons aussi avec
impatience les résultats des réflexions et évaluations de la mission Brossier
sur le réajustement du taux de rentabilité interne pour le TGV concernant l'est
de la France, et notamment le franchissement du Rhin, le financement de ces
infrastructures nouvelles et le phasage des travaux.
Nous attendons avec une égale impatience les décisions qui doivent intervenir
sur ces dossiers. Nous n'avons aucune raison d'avoir des craintes puisque nous
avons une promesse et un engagement d'Etat. Cependant, chat échaudé craint
l'eau froide !
Nous reviendrons en temps utile sur ces préoccupations, au fil des semaines,
au fur et à mesure que seront dévoilées vos intentions et décisions.
En automne, la discussion budgétaire sera particulièrement propice à un
nouveau débat.
Un autre rendez-vous important - vous venez d'ailleurs de le rappeler,
monsieur le ministre - sera celui des schémas nationaux des transports, définis
en application de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
du territoire.
Nous n'avons donc pas fini de vous accompagner dans la mise en point du
concept de transports publics, dans l'établissement de schémas et de réseaux
ferroviaires et, bien entendu, dans la définition de l'intermodalité.
Enfin, pour celles et ceux qui sous-estiment le travail sérieux du Parlement,
et singulièrement du Sénat, travail qui s'accomplit dans la durée, la
détermination et la sérénité, j'ajouterai que tous, ici, nous pouvons être
légitimement fiers d'avoir contribué, chacun à sa façon, à la réflexion, à la
prise de conscience et aux décisions concernant l'avenir de cette belle et
grande entreprise.
Avant que mes collègues MM. Paul Masson, François Gerbaud, Charles Descours,
Auguste Cazalet et Jean Bernard, qui s'exprimeront après moi au nom du groupe
du RPR, ne traitent successivement, comme nous en sommes convenus, les
différents aspects du dossier ferroviaire, je conclurai en disant que la
régionalisation, qui est issue des travaux du Sénat, a permis de mettre en
pratique une méthode qui pourrait utilement être appliquée dans d'autres
domaines : la méthode de la décentralisation expérimentée et négociée. C'est
sans doute l'une des voies possibles pour réformer notre meccano institutionnel
que constituent les domaines de l'Etat et des collectivités locales.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, comptez sur les compétences
et la détermination de la plupart d'entre nous pour, avec vous, redonner vie au
transport public et le développer.
Nous illustrerons ainsi la définition que le général de Gaulle donnait de la
politique : « Un ensemble de desseins communs, de décisions mûries et de
mesures menées à bon terme. » Il me semble, monsieur le président, mes chers
collègues que, même si un certain nombre de questions se posent encore, nous
prenons bien ce chemin !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes
chers collègues, c'est au nom du groupe des Républicains et Indépendants que je
voudrais présenter quelques observations dans ce débat. Le temps très bref qui
m'est imparti fera sans doute excuser le caractère schématique de mon
propos.
Ces quelques observations, je les tire aussi de la pratique du conseil
d'administration de la SNCF, au sein duquel un de vos prédécesseurs, monsieur
le ministre, a bien voulu me demander de siéger, ce qui m'a conduit à «
cohabiter » avec trois présidents successifs et m'a permis d'apprendre beaucoup
sur cette entreprise.
Le projet auquel vous êtes parvenu et que vous nous avez présenté me paraît
important et positif.
Face aux énormes difficultés d'une entreprise de transport dont les charges
financières augmentent selon une progression géométrique et dont le trafic
diminue de manière régulière, la distinction entre gestion de l'infrastructure
et exploitation des lignes de chemin de fer est une bonne mesure, qui clarifie
les responsabilités, qui correspond à l'esprit de la directive européenne et
qui devrait permettre d'améliorer l'exploitation générale de la SNCF.
Sera-t-elle suffisante ? Permettez-moi de dire que je n'en suis pas certain.
Dans la présentation du budget de 1996 selon les directives européennes, le
compte d'infrastructure fait apparaître un déficit de 10,2 milliards de francs
et le compte du transporteur un déficit de 1,9 milliard de francs. Je ne suis
pas sûr que les deux mesures que vous avez décidées, c'est-à-dire la décharge
d'une grande partie de la dette et l'expérience de régionalisation, seront
suffisantes pour supprimer ces déficits.
Au demeurant, les conditions nécessaires à la pleine efficacité de ce
dispositif ne sont pas encore tout à fait réunies.
Vous nous avez apporté, monsieur le ministre, des informations précises sur le
fonctionnement de l'établissement public chargé de l'infrastructure. Celui-ci
doit disposer de ressources stables mais il faut surtout - et ce point me
paraît encore plus important - que les décisions concernant les investissements
futurs soient bien étudiées et que l'on raisonne plus en termes d'augmentation
du trafic...
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Très bien !
M. Charles Descours.
Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... qu'en termes de gain de temps. Ce point est essentiel pour l'avenir de la
gestion des infrastructures.
M. Paul Masson.
C'est une révolution !
M. Jean-Pierre Fourcade.
S'agissant de la régionalisation, il ne faudrait pas que votre projet
bouleverse les contrats de plan actuellement conclus entre l'Etat et l'ensemble
des régions. Ces contrats de plan s'exécutent tant bien que mal au hasard des
difficultés budgétaires.
Je souhaite que la région d'Ile-de-France puisse rapidement participer à
l'expérimentation...
M. Charles Descours.
Enfin !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... tant la chute du trafic qu'elle connaît est forte et régulière - elle est
de quelque 3 p. 100 par an - quels que soient les effets annexes et tant il est
nécessaire que cette partie de l'exploitation de la SNCF redevienne
équilibrée.
Enfin, le projet industriel que prépare l'entreprise, sous la direction de son
président, que je salue au passage, doit tenir compte de tous les gisements de
productivité qui peuvent exister. Cela signifie qu'elle doit se recentrer sur
les métiers ferroviaires...
M. Charles Descours.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... et donc négocier la cession de ses activités routières, et qu'elle aborde
franchement l'ouverture vers l'Europe et les réseaux des pays voisins.
(M. Descours applaudit.)
Distinguer l'infrastructure de l'exploitation est une chose, assainir le
groupe SNCF qui doit se réorganiser autour de sa mission fondamentale, à savoir
le développement du trafic, chaque fois que le transport de masse est plus
rentable et plus efficace que les autres modes de transport, en est une
autre.
J'en viens, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, aux problèmes
de fond que la modification de la présentation comptable et la régionalisation
ne doivent pas masquer. J'en citerai quatre.
Réduite à l'exploitation du chemin de fer et débarrassée d'un certain nombre
de filiales ou de services inutiles, la SNCF doit d'abord mettre en place, dans
les meilleurs délais, une comptabilité analytique moderne et diversifiée...
M. Charles Descours.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... qui doit permettre de faire apparaître les coûts et les marges dégagés par
chaque activité.
M. Charles Descours.
C'est une révolution !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Jusqu'à présent, la priorité accordée à la technique l'a emporté sur la
recherche de la productivité.
Si l'on veut augmenter le trafic et retrouver la clientèle, tant des
expéditeurs que des voyageurs, il faut connaître avec précision les dépenses et
les recettes de chaque secteur d'activité. Monsieur le ministre, c'est la clef
de vos futures négociations avec les régions. S'il n'y a pas une véritable
comptabilité analytique acceptée par tous, aucune expérience de régionalisation
ne réussira.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
Le deuxième problème, et je sais qu'il est douloureux, tient au
financement du régime de retraite de la SNCF. Le déficit de l'ordre de 18
milliards de francs qu'il enregistre aujourd'hui tient non pas au fait que les
retraités de la SNCF disposent d'avantages exorbitants, mais tout simplement,
hélas ! au fait qu'ils sont plus nombreux que les actifs. Or, dans un système
de répartition dont on nous vante tant les mérites, lorsque les retraités sont
plus nombreux que les actifs, le déficit se creuse obligatoirement.
Ce déficit doit être financé par quelqu'un. Grâce à des artifices comptables
et à des procédures budgétaires confidentielles, l'Etat prend en charge 14
milliards de francs sur les 18 milliards de francs de déficit, le reste étant
renvoyé à la surcompensation des régimes de retraite excédentaires. C'est
ainsi, mes chers collègues, que la caisse nationale de retraites des agents des
collectivités locales, la CNRACL, est ponctionnée chaque année de quatre à cinq
milliards de francs pour financer le déficit des retraites de la SNCF.
Monsieur le ministre, vous qui réclamez la transparence, l'efficacité et la
rigueur, reconnaissez que ce système doit cesser. Le déficit du régime de
retraite de la SNCF doit ête financé par d'autres méthodes que par la
surcompensation qui pèse sur les employés des hôpitaux et des collectivités
territoriales.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants).
J'en viens au troisième problème : pour regagner des clients et pour
équilibrer le compte d'exploitation - le déficit du transporteur, je le
rappelle, est de 1,9 milliard de francs cette année - la SNCF ne pourra pas ne
pas définir avec les organisations syndicales une nouvelle déontologie de la
revendication sociale et des rapports entre les cheminots et les clients du
chemin de fer.
La notion de service public doit être fondée sur deux grands principes : celui
de la péréquation des tarifs dans une optique d'aménagement du territoire et
celui de la continuité du service dans une optique de satisfaction de la
clientèle.
On ne parviendra pas à rééquilibrer le compte d'exploitation si l'on n'arrive
pas à substituer aux modalités actuelles des conflits sociaux une meilleure
approche des rapports sociaux dans l'entreprise laissant les clients à l'écart
des conflits internes.
Il faut envisager un système de médiation obligatoire et généralisé et adopter
les mécanismes de gestion appliqués par tous les pays développés. Nous ne
devons pas essayer de régénérer la SNCF en utilisant des techniques qui étaient
valables en 1930. C'est ainsi qu'il faut envisager la modernisation de cette
entreprise.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
Le dernier problème concerne le mécanisme de la décision en matière
d'investissement. Il s'agit d'un problème fondamental car le poids de la dette
de la SNCF, dénoncé à juste titre par les cheminots, résulte en partie des
décisions d'investissements prises à contretemps des cycles économiques et sans
se préoccuper des demandes réelles de la clientèle. Il est nécessaire
d'envisager de nouveaux mécanismes en matière de décision d'investissement
associant les cofinanceurs et les investisseurs, fondés sur une meilleure étude
des coûts et surtout sur un lien plus étroit entre le coût d'investissement et
l'augmentation prévisible du trafic.
Le lien obligatoire entre les dépenses d'investissements et les perspectives
d'augmentation du trafic est beaucoup plus important que le lien entre les
dépenses d'investissements et la réduction du temps de parcours. C'est cette
culture nouvelle qu'il faut essayer de faire pénétrer dans l'entreprise.
A cet égard, permettez-moi de prendre comme exemple l'Ile-de-France.
Les opérations ferroviaires qui sont engagées sont très importantes. Le coût
d'Eole est extraordinaire et il est d'ailleurs majoré par le lancement
simultané de Météor. Une quinzaine de milliards de francs de travaux vont être
réalisés dans le sous-sol de notre capitale. La RATP et la SNCF vont construire
chacune une magnifique gare souterraine distante, l'une de l'autre, de moins de
500 mètres. Aucune autorité n'a demandé aux deux entreprises de coordonner
leurs opérations, ce qui prouve bien le manque de coordination en ce
domaine.
M. Charles Descours.
Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade.
La plupart des clients de banlieue veulent une extension du réseau, un
meilleur confort, une plus grande sécurité, une régulation améliorée, une bonne
adaptation aux problèmes de la vie quotidienne et une solution à toutes les
difficultés de déplacements.
Mme Hélène Luc.
Ils veulent aussi des tarifs qui n'augmentent pas.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Est-il nécessaire de leur donner de grands tunnels et des gares gigantesques
et peu sûres ?
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, les décisions concernant
l'investissement dans une entreprise de transport aussi endettée et aussi
importante sont au coeur du débat. J'espère que vous allez clarifier cette
question. Mais je n'en vois pas encore les prémices.
C'est pourquoi j'estime, en définitive, que la réforme proposée par le
Gouvernement est susceptible de redonner l'espoir aux cheminots et de faire
évoluer dans le bon sens l'entreprise nationale.
Mais le temps des demi-mesures est passé. Il faut promouvoir une politique
authentiquement plurimodale et déterminer tous azimuts des objectifs de rigueur
et des mesures de qualité de service. La construction européenne qui s'effectue
sous nos yeux risque de rendre inopérantes les mesures de colmatage auxquelles
on se résout depuis un certain nombre d'années. Vous avez essayé de trancher
dans le vif, et nous vous soutenons dans votre action. Il ne servirait à rien
de vouloir retarder des évolutions inéluctables ou de subventionner un
transporteur peu familier de la recherche inlassable de la compétitivité.
C'est parce que je considère qu'un bon fonctionnement de la SNCF peut devenir
un facteur important de l'aménagement du territoire et de la croissance globale
de notre économie que je demande au Gouvernement de dépasser les corporatismes
et les petites économies inutiles...
Mme Hélène Luc.
Qu'est-ce que le corporatisme ?
M. Jean-Pierre Fourcade.
... pour faire de la SNCF une grande entreprise performante, qui fasse la
fierté de ses employés comme de ses clients.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Belot.
M. Claude Belot.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous sommes aujourd'hui à un moment important de l'histoire
des chemins de fer français, et donc de la SNCF. En effet, cette entreprise vit
le drame de la conversion des transports ferroviaires. Ce phénomène est apparu
non seulement en France, mais aussi dans l'ensemble des pays développés. Le
chemin de fer doit pourtant s'adapter à une nouvelle donne. En effet, il doit
cohabiter avec l'avion pour les grandes distances, mais aussi avec l'automobile
et le camion. Voilà la situation !
C'est la raison pour laquelle, conscient de cette difficulté, le Sénat avait
créé, voilà deux ans et demi, une commission d'enquête. Il s'agit d'une
procédure lourde au terme de laquelle l'ensemble des acteurs viennent, sous
serment, témoigner de leurs conditions de travail et de vie et donnent leur
avis.
Mais le président de cette commission, M. Haenel, avait souhaité que nous
allions bien au-delà et que nous rencontrions, si possible sur place, le plus
grand nombre possible de personnes, qu'il s'agisse des clients, des élus
locaux, des directeurs de régions ou, bien sûr, des cheminots. Nous avons ainsi
pu constater la grande dégradation de cette entreprise. Toutefois, même s'il
est de bon ton de la critiquer, celle-ci est et demeure la plus belle
entreprise ferroviaire au monde.
Mme Hélène Luc.
Absolument.
M. Louis Minetti.
Voilà une vérité !
M. Claude Belot.
Nous en sommes tous d'accord.
M. Charles Descours.
Absolument.
M. Claude Belot.
Elle est aussi l'entreprise qui, sur le plan technologique, maîtrise le mieux
la grande vitesse. C'est un fait.
Le créneau qu'elle occupe était, selon la commission d'enquête, un créneau
d'avenir à un moment où nous ne parvenons pas à satisfaire la demande routière
et autoroutière, où, manifestement, les grands axes sont totalement saturés et
où les considérations d'ordre écologique ou énergétique ne sont pas sans
importance.
Le transport ferroviaire nous avait donc paru très pertinent et un moyen de
transport d'avenir, sous réserve que les zones d'ombres - elles existent aussi
- s'estompent. Nous en avons perçu un certain nombre.
Tout d'abord, la SNCF enregistre un déficit commercial. C'est une entreprise
dans laquelle l'histoire pèse très lourd. Pendant longtemps, les chemins de fer
ont été en situation monopolistique et c'est pourquoi on parlait d'usagers.
Puis l'automobile et l'avion se sont développés. Mais on parle toujours
d'usagers.
Mme Hélène Luc.
C'est très bien de parler des usagers pour le service public !
M. Claude Belot.
Un usager, ce n'est pas comme un client. Celui-ci choisit, alors que l'usager,
lui, ne le peut pas. Aujourd'hui, nul n'est obligé de prendre le train. Ce qui
veut dire qu'il faut s'adapter à cette nouvelle donne, dans les têtes et dans
les termes, c'est-à-dire, tout simplement dans la façon dont on parle aux gens.
Il n'est pas plus long de s'adresser aux personnes avec courtoisie en leur
donnant du « chers clients » que de leur intimer des ordres du style : « Les
usagers voudront bien se présenter à telle heure et subir tel régime. » C'est
aussi très important.
M. Nicolas About.
Les clients-citoyens !
Mme Hélène Luc.
Cela change la notion de service public.
M. Claude Belot.
Ne mélangeons pas tout, madame ! Vous n'êtes pas obligée de prendre le train
si vous n'êtes pas bien traitée, et moi non plus ! Les Français sont comme
nous.
Mme Hélène Luc.
Le train, si je le prends, c'est parce qu'il est bien !
M. Claude Belot.
Mais ce n'est pas le seul moyen de transport !
M. Nicolas About.
Le service public implique la continuité !
M. Claude Belot.
Même s'il subsiste toujours une volonté d'attirer le chaland, il y a une autre
ombre : l'absence ou l'insuffisance d'esprit commercial.
Mais il y a aussi des pertes. C'est un fait que la SNCF a perdu des parts de
marché, aussi bien sur le transport des voyageurs que sur le transport du fret.
C'est de notoriété publique.
Il me restait encore à citer, au nombre des ombres dont je parlais, la
dégradation des comptes. Cette dégradation fait qu'aujourd'hui cette entreprise
a environ un peu plus de 100 milliards de francs de dépenses qu'elle ne couvre
qu'à hauteur de 35 p. 100 environ, à charge pour le contribuable d'apporter la
différence.
C'est un fait qu'il n'est pas possible de nier. Or aucune entreprise, comme
l'avait relevé la commission d'enquête, ne peut vivre sur de telles bases ; ce
n'est pas pensable, la nation n'en a pas les moyens.
Cependant, la SNCF n'est pas totalement responsable de cette situation. Si
nous essayons de comprendre les causes de cette situation, il en est une,
majeure, qu'il nous faut dire ici : depuis des années, la France n'a pas eu de
politique vis-à-vis de la SNCF. On ne lui a jamais fixé d'objectif clair. Et
cela ne date pas des dernières années, cela dure depuis bien longtemps.
M. François Blaizot.
Depuis quinze ans !
M. Claude Belot.
Tout à fait au début des contrats de plan, on a dit aux responsables de la
SNCF que les bénéfices du TGV compenseraient les déficits des autres lignes.
C'était une solution de facilité, qui, du reste, n'a pas marché très longtemps.
Lorsque le TGV de Lyon puis les autres sont arrivés, les dirigeants se sont
exténués à assurer l'équilibre de l'entreprise sur ces bases-là.
Donc, la responsabilité de l'Etat est réelle dans cette affaire, car l'Etat
n'a jamais dit clairement, même au moment des contrats de plan, ce qu'il
attendait de l'entreprise, en dehors du maintien du plus grand nombre possible
de lignes, parce que cela évitait la grogne des usagers et des élus
concernés.
L'Etat a donc laissé l'entreprise dans cet état, s'engageant à financer le
complément de retraite, les lignes déficitaires, à hauteur de cinq milliards de
francs, ainsi que le déficit des transports parisiens, soit au total 38
milliards de francs, sans compter le déficit, déjà extrêmement important et qui
n'a cessé de croître. Bref, c'était un contrat intenable.
Si la procédure du contrat de plan consiste à dessiner sur des feuilles de
papier deux colonnes dont l'une seulement sera tenue, je veux parler de la
colonne « dépenses », et l'autre jamais, alors, monsieur le ministre, ce n'est
pas un mauvais choix que vous renonciez à ce type de procédure pour lui
substituer un suivi au plus près. Telle est votre intention, et je crois
qu'elle est bonne.
En parlant d'Etat, et je ne trahis pas ici un secret, puisque le document est
aujourd'hui public, j'ai souvenir - ceux qui siégeaient avec nous au sein de
cette commission d'enquête s'en rappellent sans doute aussi - d'un moment
extraordinaire, quand le directeur du budget de l'époque chargé de contrôler
les comptes de la SNCF...
M. Hubert Haenel.
Ah oui !
M. Claude Belot.
... nous a déclaré sous serment qu'il n'avait pas les moyens de faire ce qu'on
lui demandait et qu'il était dans les usages non pas d'examiner les comptes de
la SNCF, mais de les certifier...
M. Charles Descours.
Incroyable !
M. Claude Belot.
C'est tout de même assez exceptionnel et cela rejoint tout ce que nous avons
observé depuis nombre d'années, les uns et les autres, nous qui suivons les
comptes des entreprises publiques.
Avec M. Arthuis, au temps où il avait des loisirs, M. Philippe Marini et
moi-même avons rédigé un opuscule peu épais sur les ambiguïtés de l'Etat
actionnaire. Partout, nous les avons rencontrées : l'Etat actionnaire,
notamment l'Etat actionnaire de la SNCF, n'a pas été à la hauteur de ce que
l'on attendait de lui ; il s'est contenté de payer, et de payer en général dans
l'urgence parce qu'il n'y avait plus d'autre solution.
Il faut donc en sortir, et traiter les problèmes au fond. C'est, j'en ai le
sentiment, ce que vous êtes en train de faire, monsieur le ministre, madame le
secrétaire d'Etat.
Mme Hélène Luc.
Mais les cheminots, en décembre, avaient trouvé la bonne solution !
M. Charles Descours.
Ah !
M. Claude Belot.
Vient ensuite la responsabilité de l'entreprise.
La SNCF est une entreprise admirable par certains côtés. Cette identité, ce
sentiment d'appartenance à une collectivité particulière qui a donné à notre
pays la « bataille du rail » et d'autres moments forts de son histoire, c'est
une force de l'entreprise.
Beaucoup sont cheminots de père en fils, fils de cheminot, arrière-petits-fils
de cheminot, et depuis le XIIe siècle.
(Sourires.)
C'est une force de
l'entreprise, mais c'est aussi une rigidité tout à fait exceptionnelle.
Mais il y a plus, et je me dois de le signaler. Dans cette entreprise règne,
avant toute chose, avant le pouvoir commercial, avant le pouvoir financier, le
« pouvoir ingénieur ».
Des ingénieurs, il en faut, nous en avons besoin. Mais, à la SNCF, ce sont eux
qui font la loi, ce sont eux qui dirigent la maison, du moins que la
dirigaient.
Et j'ai le souvenir d'une discussion concernant la liaison Paris-Toulouse. Il
fallait un Paris-Toulouse en TGV...
M. François Gerbaud.
C'est ridicule !
M. Claude Belot.
... non pas parce que la liaison présentait un intérêt, non pas parce qu'elle
devait être rentable, mais tout simplement parce que les « copains » de
promotion travaillaient à l'Aérospatiale et que le TGV devait égaler Airbus, et
si possible le dépasser. Autrement dit, on avait perdu toute raison !
M. François Gerbaud.
Vous avez raison !
M. Claude Belot.
Je crois donc qu'il nous faut ramener l'entreprise à une plus juste ambition,
définir clairement ses missions et ne pas lui permettre d'imposer ses choix à
la puissance publique. Et puis, s'agissant des ingénieurs, vous connaissez bien
l'adage, mes chers collègues : si vous voulez vous ruiner agréablement et
sûrement, choisissez les dames ; si vous voulez vous ruiner rapidement, allez
jouer ; si vous voulez vous ruiner sûrement, agréablement et rapidement, allez
voir les ingénieurs, et vous êtes sûrs du résultat !
(Sourires.)
Je crois que cela s'applique particulièrement à la SNCF !
La SNCF, pour moi comme, je crois, pour tous les membres de la commission
d'enquête, c'était une maison admirable par certains côtés, capable de préparer
l'avenir du ferroviaire. Il faut en effet que le ferroviaire ait, dans ce pays,
un avenir clair et défini, il y va de l'intérêt national ; mais il faut aussi
tenir compte des réalités et des exigences budgétaires, tant il est vrai que la
France n'aura pas la possibilité de tenir éternellement un budget qui se
dégrade de cette façon.
Voilà où nous en sommes, monsieur le ministre. Vous nous proposez plusieurs
solutions.
L'une est fondamentale ; il s'agit de la reprise des 125 milliards de francs
de dette correspondant aux infrastructures. Cette affaire pesait, pesait,
pesait sur la SNCF et sur ses comptes, et il n'y avait aucune solution pour que
l'entreprise se redresse. La décision est courageuse, la décision est coûteuse.
Cependant, je souhaiterais que la situation soit très claire : quelle sera la
contrepartie pour la SNCF ? S'il y en a une, elle doit être supportable pour
l'entreprise. Mais qu'on le sache exactement, afin que ne soient pas maintenues
les ambiguïtés de l'Etat-actionnaire qui ont pu être dénoncées par ailleurs.
Vous avez voulu également la reconquête commerciale. Il me semble qu'elle est
en cours, et l'on voit aujourd'hui les personnels de la direction générale
comme le président de la SNCF « mouiller leur chemise ». Tant mieux !
La mobilisation de l'entreprise est également en cours. Sachant que je devais
intervenir aujourd'hui, j'ai souhaité rencontrer le week-end dernier des
cheminots pour connaître leur point de vue. C'est la première fois depuis bien
longtemps que je sens dans la base « cheminote » la foi dans ce que leur
propose le Gouvernement ; c'est la première fois que je vois vraisemblablement
une perspective de réussite. Monsieur le ministre, c'est très important et de
bon augure : vous avez des chances de gagner le pari !
Mme Hélène Luc.
Ils ont gagné aussi leur pari !
M. Claude Belot.
Pour ce qui est de la régionalisation, lors de notre pérégrination, nous
avions été particulièrement frappés de constater à quel point les élus locaux
se méfiaient de la SNCF. C'est qu'il était impossible, jusqu'à ce jour, de
connaître la vérité des comptes de la SNCF. M. Fourcade l'a rappelé tout à
l'heure, l'entreprise ignorait la comptabilité analytique, c'est vrai, comme
elle ignorait la notion de « coût marginal ». Or l'opération ne peut réussir si
la confiance entre les élus locaux et la SNCF n'est pas rétablie sur des bases
loyales et durables. C'est fondamental !
Dans ma région, j'entends les réticences des uns et des autres - « ils ne nous
disent jamais la vérité » - et leur incompréhension devant certaines situations
parfaitement stupides. Pourquoi un bus géré par la SNCF repart-il d'Angoulême à
destination de Jonzac quatre minutes avant l'arrivée du TGV, alors qu'il
pourrait prendre nombre de voyageurs ? A l'heure où je vous parle, aujourd'hui,
comme hier, c'est ce qui se passe, sans que l'on puisse obtenir la moindre
justification. Et cela se traduit par un déficit déclaré. Du reste, comment
pourrait-il en être autrement, puisque l'on fait tout ce qu'il faut pour qu'il
n'y ait pas d'usagers ?
M. Ivan Renar.
Des clients ou des usagers ?
M. Claude Belot.
Ils n'ont pas d'autre solution ; ce ne sont donc même pas des clients !
Mais je prends un autre exemple. Il y a quelques jours à peine, quand nous
avons adopté l'heure d'été, dans une ville connue non seulement pour sa belle
Hélène et pour son beurre, mais aussi pour ses manifestations ferroviaires,
certes assez locales, je veux parler de Surgères, n'a-t-on pas vu les maires et
les élus locaux manifester au côté de membres de la CGT, de cheminots et
d'usagers ? Il avait été en effet décidé que le train desservant l'île
d'Oléron, Rochefort et le sud de la Vendée, soit un bassin de clientèle de 100
000 personnes, ne s'arrêterait plus à Surgères.
Voilà quatre ans, le même phénomène s'était déjà produit. Avec M. François
Blaizot, mon prédécesseur à la tête du conseil général de la Charente-Maritime,
flanqués du député-maire et de tous les élus concernés, pendant quatre mois
nous étions allés arrêter des trains pour qu'enfin les choses changent et qu'un
directeur régional veuille bien se déplacer afin de rencontrer le président du
conseil général.
Les choses changent puisque, maintenant, quatre jours seulement après le
premier arrêt, le député-maire de Surgères était reçu par le président de la
SNCF. Le lundi suivant, le problème était réglé et, ô miracle ! le train est
arrivé à La Rochelle à l'heure qui était prévue !
(Sourires.)
Cela signifie qu'il y a vraiment un travail considérable à faire pour susciter
la confiance. Je m'adresse là à l'autorité de tutelle de la SNCF mais aussi aux
personnes de cette société qui sont présentes ; j'ai d'ailleurs aperçu son
président dans les tribunes du public.
Je suis favorable à la région, sur des bases loyales, à condition que l'on
discute sur une base très claire et dénuée d'ambiguïté pour les élus locaux.
Aujourd'hui, l'Etat verse une compensation de cinq milliards de francs à la
SNCF au titre des déficits des lignes dites de service public. C'est un fait.
Il est prêt à les redistribuer aux régions. Qu'il le fasse selon une règle
fondée sur la loyauté, c'est-à-dire que les régions sachent combien elles
peuvent percevoir, tout simplement au nom du principe selon lequel, en matière
de régionalisation, on n'administre bien que de près. Dès lors, elles
choisiront les lignes qui leur semblent utiles à la population dont elles ont
la responsabilité et décideront de ne pas poursuivre l'exploitation d'autres
lignes ou prévoiront un autre moyen de transport de remplacement, mais si
possible, à coûts constants. Si les régions qui fédéreront les départements
souhaitent mettre un peu plus pour améliorer le transport ferroviaire - je fais
partie de ceux qui s'en réjouiront - elles le feront, mais il leur appartiendra
d'en décider.
Voilà, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'Etat, une adhésion
forte à ce que vous nous proposez aujourd'hui. Il s'agit d'un moment historique
pour la SNCF. Je souhaite que nous le vivions tous comme un acte de foi. Je
souhaite aussi que nous prenions toutes les précautions pour ne pas avoir à
faire dans quelque temps des actes de contrition, ce qui n'est jamais très
réjouissant.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe de l'Union centriste, au nom
duquel je m'exprime, vous apportera son soutien sans faille, car vous faites ce
qu'il faut pour redresser cette entreprise.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui n'était pas dans l'air du temps
voilà un an. Il faut dire, que, à l'époque, le Gouvernement et la direction de
la SNCF avaient concocté, en catimini, un projet de contrat de plan, qui
prévoyait un amoindrissement considérable du réseau avec la suppression de
plusieurs milliers de kilomètres de lignes.
On sait ce qu'il advint de ce projet, qui n'a pas résisté à la volonté des
cheminots et des usagers de défendre un service public de qualité. Ce service
public, comme tous nos grands services publics, subit une offensive sans
précédent du Gouvernement, soucieux de répondre aux injonctions de la
Commission de Bruxelles.
Alors que le TGV, comme élément de modernisation d'un ensemble ferroviaire à
promouvoir, aurait pu être un atout considérable, il faut bien mesurer combien
le choix du « Tout-TGV » a été préjudiciable à la France. Comme le dit M.
Jean-François Troin, dans son livre
Rail et aménagement du territoire,
«
Le TGV n'est pas un instrument d'aménagement du territoire, mais une nouvelle
structure de transport accentuant les polarisations urbaines. »
A cela s'ajoute le choix délibéré de la route sur le rail pour le fret, sous
l'effet de deux actions conjointes, une priorité des pouvoirs publics en faveur
de la route au détriment du rail et la pratique des flux tendus dans la
production qui se traduit par une flexibilisation et une précarisation
accrues.
C'est ce modèle de guerre économique entre les territoires, qui remet en cause
le double principe efficacité-solidarité à la base de la légitimité du secteur
public en France, qui a été mis à mal.
Les propositions du Gouvernement que vous avez présentées le 11 juin dernier à
l'Assemblée nationale et que vous venez de nous présenter portent la marque du
mouvement de novembre-décembre. Cependant, les attaques contre France-Télécom
et EDF-GDF montrent, si besoin en était, que le Gouvernement n'a pas renoncé à
ses projets de déréglementation de l'ensemble du secteur public.
M. Roland Courteau.
C'est exact !
M. Félix Leyzour.
Si sur des questions essentielles vous avez dû tenir compte de la demande
exprimée par le mouvement social et bouger les lignes du projet gouvernemental,
de profonds aspects contradictoires méritent cependant des clarifications et
des garanties. Cela est d'autant plus nécessaire que les interprétations sur la
régionalisation ou sur la séparation de l'infrastructure et de l'exploitation
sont diverses dans votre majorité.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Pas
dans mes propos !
M. Félix Leyzour.
J'ai dit « dans votre majorité », monsieur le ministre. Mais nous verrons,
parce que les propos d'un ministre ne suffisent pas. Celui-ci compte sur une
majorité.
Le débat à l'Assemblée nationale n'aura pas manqué de soulever des
inquiétudes. Le présent débat, qui lui fait suite et qui précède le processus
législatif concernant la création de l'établissement public, donne l'occasion,
avant l'été, de clarifier les données, de préciser les intentions et les
propositions. C'est en tout cas ce que nous en attendons.
Nous avons écouté Mme le secrétaire d'Etat et vous-même, monsieur le ministre.
Bien des questions nécessitent des approfondissements pour que l'on sache en
quels termes votre projet de loi traduira les solutions.
Le premier souci qui nous anime concerne l'unicité de l'entreprise. Monsieur
le ministre, vous avez affirmé que l'unicité n'était nullement remise en cause
par la création d'un établissement public responsable de l'infrastructure, qui,
par là-même, reprendra 125 milliards de francs de dette.
Bien entendu, la responsabilité de l'Etat dans la dette imputable aux
nouvelles infrastructures est ainsi reconnue, mais n'est-ce pas le moyen, pour
le Gouvernement, d'enclencher un processus beaucoup moins avouable ?
L'expérience prouve que la séparation de l'infrastructure et de l'exploitation
a été un levier au service des gouvernements pour la mise en concurrence de
différentes compagnies, voire pour une privatisation. Il suffit d'observer ce
qui s'est passé en Grande-Bretagne et au Japon pour percevoir ce risque !
M. Roland Courteau.
C'est aussi notre position !
M. Félix Leyzour.
En effet, avec un tel schéma, vous répondez totalement aux injonctions de la
Commission de Bruxelles et de la directive 91/440, qui exige cette autonomie
entre le réseau et son exploitation. L'objectif est clair : il s'agit de
permettre l'accès des tiers au réseau, conformément à la sacro-sainte loi de la
concurrence qui est énoncée dans le traité de Rome et confortée par le traité
de Maastricht.
M. Roland Courteau.
Eh oui !
M. Félix Leyzour.
Tant pis si cela provoque des dégâts en termes d'emploi, de sécurité, de
qualité du service public et d'aménagement du territoire.
Cette séparation apparaît donc comme une étape permettant de faire de la SNCF
un simple exploitant commercial parmi d'autres. Comme pour France Télécom ou
EDF - GDF, on ouvrira les réseaux les plus rentables, et la société nationale
devra assurer ce qui est moins rentable, sans pouvoir faire jouer la
péréquation !
M. Roland Courteau.
Exact !
M. Félix Leyzour.
Voilà ce qui risque d'arriver !
Notre crainte est d'autant plus grande que nous relevons, entre autres
exemples, les propos de M. Claude Champaud, conseiller régional de Bretagne,
que je connais très bien et qui est membre de votre majorité, monsieur le
ministre. Le 12 juin dernier, dans un quotidien national, il expliquait le
bienfait de la séparation des infrastructures et de l'exploitation précisant :
« Si nous pouvions mettre en concurrence plusieurs fournisseurs en disant :
nous voulons telle liaison pour tels horaires, la situation serait différente.
»
Vous comprendrez que de tels propos nous inquiètent, comme ils inquiètent les
cheminots et les usagers. La question de l'unicité ne saurait souffrir de
telles ambiguïtés. Aussi, nous souhaiterions que, au nom du Gouvernement, vous
affirmiez clairement que vous êtes opposé à la mise en concurrence d'autres
exploitants avec la SNCF, et que vous confirmiez que l'entreprise nationale est
le seul gestionnaire de l'infrastructure.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Félix Leyzour.
La nouvelle organisation que vous proposez a des conséquences sur les
questions de la dette et du financement des infrastructures. Vous avez annoncé
que l'Etat reprendrait, par l'intermédiaire de l'EPIC, établissement public
industriel et commercial, 125 milliards de francs sur les 208 milliards de
francs qui constituent l'ensemble de la dette.
Vous affirmez que cela correspond au total des investissements commandés par
l'Etat, essentiellement les investissements concernant le TGV. Outre le fait
que des organisations syndicales estiment ce total à 145 milliards de francs,
vous oubliez ce que les usagers, les cheminots et les contribuables ont versé
aux banques, par le biais des intérêts de la dette, et qui s'élève à plus de
100 milliards de francs ! Ce chiffre est trop important pour que l'on puisse
laisser en l'état les relations entre la SNCF et les institutions de crédit.
Ainsi, monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir si, pour ce qui
concerne les 83 milliards de francs de dette restant à la charge de
l'entreprise, vous envisagez une intervention auprès des prêteurs dans le but
d'une renégociation, voire de taux bonifiés. Ce qui est possible pour Euro
Disney devrait pouvoir se faire, au prix de quelques aménagements techniques,
pour une des plus grandes entreprises françaises au service de la nation. La
dette de la SNCF ne doit pas seulement être sortie de la comptabilité de la
SNCF, elle doit aussi être déconnectée des taux des marchés financiers.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Félix Leyzour.
La question des droits de péage, dans ce nouveau cadre, nécessite également
des clarifications. Il ne faudrait pas que l'Etat reprenne d'une main ce qu'il
aurait accordé de l'autre. Vous avez dit que tel ne sera pas le cas, monsieur
le ministre, nous en prenons acte, mais chacun sait, malheureusement, à quoi
conduisent à terme l'alignement sur les directives européennes et l'obsession
d'une concurrence dont la vie de tous les jours nous montre les dégâts.
Et puis, comment ne pas noter la dramatisation qui entoure la dette de la
SNCF, alors qu'on ne parle jamais des 160 milliards de francs transférés de
France Télécom aux caisses de l'Etat ? Soit dit en passant, cela pose la
question de coopérations technologiques, financières et commerciales entre les
entreprises du service public, qui structurent notre économie nationale.
Concernant les investissements, il s'agit de ne pas tricher. La SNCF ne
retrouvera des parts de marché dans les domaines voyageurs et fret qu'en
modernisant son réseau et en faisant jouer pleinement la complémentarité entre
les divers modes de transport.
M. Roland Courteau.
Eh oui !
M. Félix Leyzour.
Cela nécessite un effort considérable. Or, on connaît le discours sur la
réduction des déficits publics. C'est donc bien vers des sources de financement
non encore explorées qu'il faut nous tourner. J'en proposerai cinq.
Les fonds européens doivent être mobilisés de façon plus importante pour
contribuer aux financements des équipements et infrastructures réalisés sur la
demande de la Commission européenne, TGV Nord, TGV Méditerranée, etc.
Autre ressource possible : le label SNCF, qui sert de carte de visite et
d'argument publicitaire à toute l'industrie ferroviaire, sans que l'entreprise
publique n'en tire avantage.
Les plus-values foncières liées aux opérations immobilières autour des gares
et des dessertes de lignes nouvelles TGV devraient être taxées.
Selon les comptes « transport » de la nation, le total des capitaux dégagés en
1994 par les assurances au titre de la couverture du risque transport, tous
sinistres remboursés, a produit un solde positif de 19 milliards de francs. On
pourrait affecter une partie de cette somme à l'amélioration de la sécurité des
transports.
Enfin, le montant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le
budget de 1996 s'élève à 148,5 milliards de francs. Un prélèvement sur cette
taxe pourrait financer les plates-formes multimodales, qui constituent un outil
essentiel pour la reconquête du fret par le réseau ferré.
M. Roland Courteau.
Sur ce point aussi, nous sommes d'accord !
M. Félix Leyzour.
Bien entendu, ces propositions nécessitent un effort particulier de l'Etat
dans l'utilisation de l'argent public et des missions qui seront assignées à la
SNCF. En effet, un aménagement du territoire harmonieux et équilibré, assurant
l'accès de tous les citoyens à un service de qualité, se mesure non pas à la
longueur des phrases que l'on peut tenir à ce sujet, mais bien à l'importance
des crédits que l'on y consacre, et à leur bonne utilisation démocratiquement
contrôlée.
Cela est à l'opposé, monsieur le ministre, des paroles de l'un de vos
conseillers techniques qui, le 12 juin, affirmait dans le journal
Libération
: « La SNCF sait maintenant de quoi elle est responsable. Les
cheminots ne pourront plus dire : c'est la faute de l'Etat. »
Serait-ce à dire, monsieur le ministre, que l'Etat ne serait plus maître
d'oeuvre de la politique des transports ? Vous comprendrez que de telles
phrases ne peuvent que susciter la suspicion envers les intentions réelles du
Gouvernement.
Ces garanties sont d'autant plus nécessaires que, dans le même temps, sont
instituées des expériences de régionalisation dont chacun peut mesurer
l'intérêt et le danger. Mon ami Louis Minetti reviendra plus précisément sur ce
point, mais je voudrais juste réaffirmer notre souci d'une approche régionale
des problèmes, qui va de pair avec notre volonté de garder au réseau sa
cohérence nationale, ce qui est à l'opposé de la vision d'une régionalisation
qui segmenterait le réseau.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Félix Leyzour.
Pour justifier une certaine autonomie et l'ouverture au privé, il est souvent
fait mention des lignes gérées, en Bretagne, par la CFTA, filiale de la
Compagnie générale des eaux. Je souhaiterais évoquer ce sujet pendant quelques
instants.
L'une de ces lignes dont il est question, qui était menacée d'être transférée
sur route voilà quelques années et dont on parle désormais tant parce qu'elle
est gérée par la CFTA, se situe dans mon département : elle relie à la ligne
Paris-Brest un secteur côtier et un secteur de la Bretagne intérieure. Elle
dessert notamment la ville dont je suis maire.
Si cette ligne a pu être maintenue, c'est que nous nous sommes mobilisés pour
la défendre. Comme maire et vice-président du conseil général en charge des
transports, et à une époque conseiller régional, j'ai contribué à y transférer
pour des raisons de sécurité, surtout en hiver, des scolaires se rendant au
lycée, ce qui a apporté à la ligne un ballon d'oxygène du point de vue
financier.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Félix Leyzour.
Il s'agit de la seule voie ferrée restante de l'ancien réseau breton, qui ne
faisait pas partie de la société nationale mais qui lui était lié. Ce que nous
avons réussi à y faire ne plaide pas en faveur du dépeçage du réseau de la
SNCF, mais montre tout l'intérêt du service ferroviaire.
J'ajoute que le matériel roulant n'est pas renouvelé, ce qui pose de plus en
plus un problème et inquiète le personnel. Celui-ci manifeste aussi de
l'intérêt pour une révision de son statut en se référant à celui des
cheminots.
Le dernier point que j'évoquerai nous tient particulièrement à coeur : il
s'agit de la décision de la suppression du contrat de plan Etat-SNCF. Cette
décision ne nous paraît pas judicieuse au moment où l'on parle sans cesse
d'aménagement du territoire, et alors qu'un schéma national des infrastructures
de communication est prévu dans la loi du 4 février 1995.
En effet, les cheminots ont rejeté non pas le principe du contrat de plan,
mais le contenu de ce dernier. D'ailleurs, au cours des premiers mois de
l'année, le groupe de travail dirigé par M. Martinand, les conseils économiques
et sociaux régionaux, les conseils régionaux, les organisations
professionnelles, les groupes parlementaires ont travaillé sur la réécriture
d'un nouveau contrat de plan. Dès lors, l'abandon du contrat de plan ne peut
pas être fortuit. Il traduit, à notre avis, une volonté de dissimulation qui ne
va pas dans le sens du développement du service ferroviaire.
Pour étayer mon propos, je citerai notre collègue M. Haenel qui, dans la
Tribune Desfossés
du 4 mars dernier, exprimait ainsi ses craintes : «
Une remise en cause du contrat de plan qui se traduirait par des engagements de
non-réduction des effectifs, de non-fermeture des lignes déficitaires et/ou de
non-privatisation de filiales est-elle économiquement tenable et politiquement
justifiable ? »
Le refus du Gouvernement d'engager l'Etat sur ce point équivaut à répondre
favorablement à notre collègue.
Evidemment, les résistances sont telles qu'il vaudrait mieux, pour les
partisans de la déréglementation, ne rien écrire !
La SNCF appartient à la nation, et la nation attend de l'Etat que des
orientations soient fixées, après une procédure qu'il convient de démocratiser,
pour associer aux décisions cheminots, élus et populations.
Il s'agirait d'aller bien au-delà des actuelles « consultations pour avis »,
pour parvenir à une réelle efficacité sociale et territoriale. Le service
public n'aurait désormais plus comme unique critère l'équilibre financier, mais
recevrait mission d'entraîner le secteur privé vers des objectifs communs :
insertion dans l'emploi, cadre de vie, citoyenneté active.
Un document contractuel est donc bien nécessaire afin de préciser les missions
de la SNCF tant dans son rôle de gestionnaire de l'infrastructure que
d'exploitant du réseau, en conformité avec les principes du service public pour
les voyageurs, et dans la recherche de synergie entre les différents modes de
transport de marchandises. Qu'en sera-t-il du schéma national des transports
combinés, des expérimentations de nouvelles techniques, telles que le système
Commutor, expérimenté au triage de Trappes ?
Il est un fait qu'il serait incohérent que la SNCF seule décide des objectifs,
des priorités, des missions à remplir, de ce qui serait bon pour la
collectivité.
M. le président.
Monsieur Leyzour, je tiens à vous indiquer qu'il ne reste plus que cinq
minutes de temps de parole pour l'orateur suivant du groupe communiste
républicain et citoyen.
M. Félix Leyzour.
Je vous remercie, monsieur le président, et je termine.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer comment seront établies les
relations contractuelles entre l'Etat et la SNCF et comment vous comptez en
assurer la démocratisation et la transparence ?
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont attentifs au
devenir de la SNCF. A leur avis, il y a là toutes les possibilités de faire
quelque chose de neuf.
Leur choix est clair : ils oeuvrent pour que la SNCF retrouve sa place grâce à
la définition de nouvelles missions de service public et à une «
décentralisation-démocratisation » qui reste à faire.
Les missions et critères qui sont à la base du service public « à la française
» doivent être préservés comme moyens d'un aménagement du territoire équilibré
et de résorption des inégalités sociales et géographiques : unicité des
systèmes tarifaires, péréquations financières entre activités, tant sur le plan
du développement des infrastructures que pour l'utilisation des réseaux.
Les missions de service public ne peuvent en rester là. Il s'agit de prendre
en compte les enjeux nouveaux de notre société rongée par le chômage endémique,
les compétitions entre territoires et entre salariés.
Dans ce sens, les missions du service public doivent être étendues à la
création d'emplois qualifiés et à la formation, à la préservation de
l'environnement et à l'économie des ressources naturelles, à la promotion d'une
coopération internationale qui soit autre chose que la guerre économique sur un
marché libéralisé.
Je terminerai mon intervention en saluant ces femmes et ces hommes qui, par
leur ténacité et grâce au statut qu'ils ont conquis, ont su mener si haut
l'entreprise ferroviaire en France. Je ne crois pas qu'il pourrait y avoir de
meilleure reconnaissance que la garantie du maintien de leur statut, en
annonçant d'abord le gel des 4 500 suppressions d'emploi prévues.
Trop souvent, certains leur tirent leur chapeau pour faire croire qu'ils les
estiment et, en fait, pour mieux s'opposer à leurs justes revendications, qui
vont dans le sens de la défense de l'intérêt public.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation est
important. Nous souhaitons qu'il apporte les précisions attendues sur nos
interrogations concernant la séparation organique entre l'infrastructure et
l'exploitation, le financement des équipements, la régionalisation, les
relations contractuelles Etat-SNCF et le statut des personnels.
Pour l'heure, monsieur le ministre, comme les usagers et les cheminots, nous
restons vigilants quant à vos projets, car nous savons que votre position
actuelle est le résultat d'un rapport de forces dont vous n'êtes pas
satisfait.
Nous exprimons dès aujourd'hui, comme nous le ferons à l'occasion du débat qui
aura lieu avant la fin de l'année dans cette enceinte, notre attachement à la
réussite dans notre pays d'une politique nouvelle des transports dans laquelle
la SNCF doit jouer un rôle important.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Monsieur Leyzour, il ne restera que deux minutes à M. Minetti pour présenter
son intervention. En effet, ce débat, je le rappelle, est organisé, et je
veillerai donc au respect des temps de parole.
La parole est à M. Aubert Garcia.
M. Aubert Garcia.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, en novembre 1996, la présentation par le Gouvernement d'une
refonte du système de retraite des cheminots et d'un projet de contrat de plan
purement financier et productiviste amena les syndicats à un mouvement de grève
très dur, massivement suivi par les cheminots et parfaitement compris par la
population.
Cette exceptionnelle mobilisation amenait en fin d'année le Gouvernement à
retirer l'ensemble de ces projets et à lancer un débat national. Il s'agissait,
certes, d'un débat sur l'avenir du transport ferroviaire, mais, en même temps,
d'un débat sur l'avenir d'une entreprise publique : la société nationale des
chemins de fer français.
Ce débat est aussi l'occasion de mettre en jeu les choix fondamentaux pour le
pays que sont la décentralisation, le service public, la construction
européenne et l'aménagement du territoire. M. Claude Martinant, directeur des
affaires économiques et internationales au ministère des transports, était
chargé de diriger un groupe de travail en vue d'établir un rapport dont
l'objectif était, en partant de la situation actuelle, de lancer le débat dans
les conseils économiques et sociaux régionaux par une série de questions.
Publié le 29 février 1996, ce rapport, s'il posait effectivement des
questions, le faisait de façon particulièrement orientée, et il laissait au
lecteur, par la forme et le fond de ses interrogations, l'impression un peu
pénible qu'il venait de lire la « chronique d'une mort annoncée », tant
paraissaient insolubles les problèmes de l'endettement et irréversible la
prédominance de la route sur le rail, pour le transport tant des voyageurs que,
surtout, du fret. Bien peu de choses sur l'intermodalité, sur l'indispensable
recherche des complémentarités entre le rail, la route et les autres modes de
transport figuraient dans ce rapport.
Rail et route, en tout cas, restaient concurrents, et la route avait
définitivement gagné ! Cela n'est d'ailleurs pas une simple impression de
lecture. En effet, lorsque le groupe des députés et sénateurs socialistes a
rencontré M. Martinant, ce fut pour entendre les conclusions de son rapport et
non pour lui poser éventuellement de nouvelles questions.
M. Roland Courteau.
C'est exact !
M. Aubert Garcia.
Le 11 juin dernier, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous
avez présenté aux députés non pas le résultat de consultations, mais les
décisions que le Gouvernement avait prises pour l'avenir de la SNCF ; vous
venez de renouveler votre prestation devant les sénateurs.
Je ne prétends pas faire ici l'analyse ou la critique de toutes ces décisions,
laissant aux autres intervenants de mon groupe le soin de s'exprimer sur celles
qui les concernent et les mobilisent plus particulièrement.
Classification des responsabilités respectives de l'Etat et de la SNCF et
régionalisation en sont les deux axes principaux.
Deux mesures concernent la clarification des compétences.
Notons tout d'abord qu'un établissement public à caractère industriel et
commercial, un EPIC, responsable de l'infrastructure, sera mis en place au 1er
janvier 1997. Cet organisme aura avant tout à régler le problème de la
dette.
S'élevant actuellement à 208,5 milliards de francs, la dette sera prise en
charge par l'EPIC à hauteur des 125 milliards de francs qui, selon les
estimations, correspondent à l'endettement relatif aux seules infrastructures.
La question reste toutefois posée des 80 milliards de francs restant à la
charge de la SNCF et des moyens prévus pour leur apurement.
Au demeurant, n'est-ce pas, pour l'EPIC lui-même, qui est par ailleurs chargé
pour l'avenir des « investissements nécessaires sur le réseau classique » et
qui devra réunir, sous le contrôle de l'Etat, les fonds nécessaires pour
financer les nouvelles infrastructures, démarrer sous une lourde charge, qui
rendra bien difficiles les investissements indispensables à une politique de
relance capable de renverser la tendance au déclin amorcée depuis 1991, et
peut-être même bien avant, 1991 étant la dernière année pendant laquelle
l'exploitation a été positive ?
M. Roland Courteau.
C'est exact !
M. Aubert Garcia.
L'EPIC recevra un péage de la SNCF pour l'utilisation, celle-ci recevant du
premier, pour l'entretien et l'exploitation du réseau, une rémunération fixée à
l'issue d'un audit du compte d'infrastructure.
Je voudrais être sûr, monsieur le ministre, que cela ne débouchera pas tout
simplement sur la répartition de la dette sur deux établissements publics au
lieu d'un, dans le domaine du transport ferroviaire, et que, les moyens
d'apurement de leur part respective de dette restant du domaine du non-dit,
tout au moins du non-précisé, ils ne soient à l'avenir, malgré leurs
rémunérations ou péages réciproques, deux établissements publics en difficulté
au lieu d'un seul.
M. William Chervy.
Très bonne question !
M. Fernand Tardy.
Ça, c'est certain !
M. Aubert Garcia.
Par ailleurs, quelle garantie pouvons nous avoir pour l'avenir que la SNCF
restera le seul utilisateur du réseau ? S'il n'en allait pas ainsi,
qu'adviendra-t-il alors de l'unicité de l'entreprise publique SNCF ?
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Aubert Garcia.
Le second volet de la clarification des compétences concerne la SNCF
elle-même. Cette dernière se voit confier la responsabilité de la politique
commerciale et de la maîtrise des charges de l'exploitation, comme c'est normal
; c'est en effet sa vocation première.
Mais, sans aucun doute, ledit « projet industriel » verrait plus facilement
s'équilibrer ses comptes, et la dynamique impulsée par la « révolution
culturelle des cheminots » que vous appelez de vos voeux, monsieur le ministre,
serait plus forte et plus enthousiaste s'il n'y avait le boulet des 80
milliards de francs de dette résiduelle que j'évoquais à l'instant, boulet qui
va singulièrement peser sur les comptes et grever les chances de succès.
En fait, à cet instant de mon propos, une phrase de votre intervention devant
l'Assemblée nationale me revient en mémoire. Je la cite, monsieur le ministre,
non pour la dénoncer ou la démentir, car c'est un constat : « Si le chemin de
fer conserve de solides atouts, il a cessé d'être le mode de transport dominant
».
J'ai trouvé, sinon dans les mots eux-mêmes, tout au moins dans l'idée et dans
l'esprit qui sous-tend cette phrase la même tonalité de renoncement que dans
les conclusions du rapport Martinant.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
C'est un procès d'intention !
M. Aubert Garcia.
Une reconquête et une révolution culturelle, monsieur le ministre, ne se font
pas sans la volonté forte et l'enthousiasme de ceux qui doivent les motiver et
les provoquer. Et, pourtant, que d'atouts pour le rail dans le monde où nous
vivons aujourd'hui et compte tenu des points d'interrogation qui pèsent sur
l'avenir de nos enfants !
Parlons de sécurité, pour souligner qu'il y a eu 140 000 tués sur les routes
de France entre 1978 et 1992, contre 158 dans les accidents de trains. Rapporté
au trafic voyageurs/kilomètre, cela représente 90 morts sur la route pour 1
dans le train.
Parlons d'énergie, pour constater qu'avec un litre de pétrole ou son
équivalent une tonne de marchandises parcourt 127 kilomètres par le train
contre 64 seulement par la route.
Parlons d'espace, pour dire qu'il faut 6 hectares par kilomètre de voie
ferroviaire et 10 hectares par kilomètre pour la route.
Parlons, enfin, de pollution, pour constater que 75 p. 100 des émissions de
gaz à effet de serre résultent des transports utilisant l'essence et le gazole.
La contribution globale du transport ferroviaire à ces émissions serait de
l'ordre de 1 p. 100.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Aubert Garcia.
On peut se demander si ces considérants, qui concernent au premier chef la
santé et la vie des hommes de demain, ne méritent pas que les hommes politiques
d'aujourd'hui leur accordent une place plus importante et s'ils ne devraient
pas peser plus lourd sur leurs décisions et leurs choix.
Quant à la SNCF elle-même, elle a vécu une période de « tout technologique »
et de « tout technocratique » extrêmes. Elle a, comme dans beaucoup d'autres
secteurs de notre économie, cru que la mécanisation et l'automatisation à
outrance étaient les clés du progrès et les garants du succès. Dans sa
recherche acharnée d'abord, puis quelque peu désespérée ensuite, du « Graal de
l'équilibre financier », elle a sacrifié et perdu beaucoup de ses hommes : plus
de 100 000 en vingt ans, et elle est aujourd'hui victime de sa
déshumanisation.
Là est la véritable révolution culturelle à faire, car on ne remplace pas
partout et toujours la présence des hommes par des distributeurs automatiques
de tickets, d'ailleurs plus ou moins fiables, nous en avons vécu l'expérience.
Rien n'est moins engageant qu'un hall de gare vide, dans lequel personne ne
peut répondre à la moindre de vos questions.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
C'est bien vrai !
M. Aubert Garcia.
Dans cette démarche, la SNCF a perdu une partie importante de sa clientèle.
Dans le même temps, comme elle s'est davantage préoccupée de la rentabilité que
du service des hommes, elle a même perdu sa vocation de transporteur de
fret.
Devra-t-elle aujourd'hui, pour 12 petits milliards de francs qui ne combleront
rien, brader la totalité de ses filiales au nom de la recherche de rentabilités
nouvelles fondées sur la complémentarité et au nom d'un service public plus
affiné ?
Le deuxième axe du débat est la régionalisation à partir du 1er janvier 1997,
dans le cadre d'une expérimentation de deux ou trois ans dans six régions test,
financée par les concours que verse aujourd'hui l'Etat à la SNCF au titre des
services régionaux réactualisés sur la base d'un audit indépendant.
Nous ne sommes pas hostiles au principe de cette régionalisation, dont le
projet, figurant dans la LOTI, a été repris par l'article 67 de la loi
d'orientation sur le développement et l'aménagement du territoire en 1995.
Si cette démarche n'est pas exempte de bien des aspects positifs, elle n'en
présente pas moins des risques que n'ont pas manqué de souligner les comités
économiques et sociaux régionaux dans leurs réflexions.
Permettez-moi de citer la contribution de celui de la région Midi-Pyrénées,
qu'en ma qualité de sénateur du Gers j'ai, bien sûr, particulièrement étudiée :
« Le conseil économique et social de Midi-Pyrénées souligne en outre qu'en
l'absence de garanties plus précises et compte tenu de l'état d'un legs pour
l'heure inconnu dans le détail mais nécessairement variable d'une région à
l'autre une telle réforme risque, en l'absence de péréquation, de pénaliser
lourdement et à long terme les régions les plus pauvres et les moins bien
équipées, dont Midi-Pyrénées. »
Quelques lignes plus loin, on peut lire : « Le conseil économique et social de
Midi-Pyrénées tient absolument à éviter tout risque de faire endosser à la
région la responsabilité de fermetures de lignes ».
Et j'ajoute, quant à moi : ou de les concéder à des entreprises privées, soit
par volonté, soit par pauvreté, ce qui déboucherait sur un démantèlement.
Quid
alors, à plus ou moins longue échéance, du statut de ces personnels
?
Quid
de l'unification des tarifs ?
Quid
du service public et
des principes de base mêmes de la LOTI ?
M. Fernand Tardy.
Très bien !
M. Aubert Garcia.
Or tous ces problèmes essentiels ne sont ni abordés, pour certains d'entre
eux, ni éclaircis, pour beaucoup d'autres.
Il me surprendrait enfin, monsieur le ministre, que l'abandon pur et simple,
après ses retards et ses reports successifs, du contrat de plan Etat-SNCF soit
une bonne chose. Vous le considérez comme un instrument inadapté et
insuffisant. Mais il était, à ce jour, le seul document capable, fût-ce,
justement, dans une période intermédiaire, de formaliser les engagements
réciproques de l'Etat et de la SNCF.
Son abandon, au moment où l'on prétend redéfinir les missions et les
responsabilités respectives de chacun des partenaires et alors que restent en
suspens tant de questions auxquelles il faudra bien répondre, ne me paraît pas
de nature à nous rassurer. En particulier, où seront définies les missions de
service public de la SNCF et sa politique tarifaire ?
J'évoquais tout à l'heure, en parlant des distributeurs automatiques de
tickets, le nom de Socrate, le maître de l'art du dialogue selon Platon, un art
que la SNCF devra retrouver pleinement avec sa clientèle. Encore faudrait-il
qu'entre-temps elle n'ait pas elle aussi bu la coupe de ciguë !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. William Chervy.
Très bonne conclusion !
M. le président.
La parole est à M. Berchet.
M. Georges Berchet.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes
chers collègues, la SNCF est effectivement l'entreprise nationale la plus
endettée de France - on l'a vu, on l'a démontré, tout a été dit - mais son
désendettement est une nécessité incontournable.
Initialement, vous aviez évoqué, monsieur le ministre, lors de la discussion
du projet de loi de finances pour 1996, un mécanisme exceptionnel d'allégement
de la dette accompagnant les efforts propres de l'entreprise. C'était le «
donnant-donnant » - souvenez-vous - assorti de certaines réalisations de
l'actif immobilier.
Aujourd'hui, la solution retenue par le Gouvernement est intéressante et, à
mes yeux, équitable sur le plan financier.
En transférant à un établissement public les infrastructures contre la prise
en charge de 125 milliards de francs de dettes, l'Etat ne fait finalement que
rembourser, directement ou indirectement, à la SNCF les sommes qu'elle a
avancées à sa place pendant plusieurs années au titre des infrastructures. Mais
l'endettement constaté a atteint 208 milliards de francs. Il restera donc -
certains de mes collègues l'ont souligné - 83 milliards de francs à la charge
de la SNCF. Cela signifie que devront être encore remboursées chaque année des
annuités, capital et intérêts, au titre du passé.
En clair, la purge n'est pas complète et les charges financières ne seront pas
totalement effacées.
Pensez-vous, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, que cette
solution soit économiquement satisfaisante ?
Par ailleurs, à part les infrastructures utilisées, donc transférées, qui
donneront lieu au versement d'une location au nouvel établissement public, que
deviendra l'actif immobilier aujourd'hui non utilisé ou déclassé ?
Qui en sera propriétaire ? Sera-t-il vendu aux collectivités territoriales
intéressées pour un aménagement de zone d'activité ? Dans ce cas, au profit de
qui se fera la vente ? Quel sera le sort réservé aux réseaux de
télécommunications - câbles et fibre optique - qui présentent quelquefois, et
par nature, un caractère immobilier ?
Le récent vote de la loi de réglementation des télécommunications confère à ce
réseau dit « alternatif » par rapport à celui de France Télécom une grande
valeur potentielle.
La vente ou la location des capacités de transport de données permettant de
relier entre eux différents sites industriels se fera-t-elle au profit de
l'établissement public ?
En dépit de quelque 20 milliards de francs d'investissements par an, la SNCF
n'a pratiquement pas gagné de client depuis cinq ans.
La dette partiellement apurée, ne conviendrait-il pas que la SNCF améliore
encore son esprit commercial et recentre son activité ferroviaire, en matière
de fret par exemple ?
J'accueille, pour ma part, avec beaucoup de satisfaction la qualification de «
client » que vient de substituer le président de la SNCF à l'appellation d'«
usager », d'autant qu'en fait c'était un « usager captif ».
Aujourd'hui, chacun sait que le pôle routier de la SNCF développe - et c'est
paradoxal - 20 milliards de francs de chiffre d'affaires, soit le double de
celui du fret SNCF et le quintuple de celui du SERNAM.
Mais, plus généralement, c'est au défi de la productivité qu'est confrontée de
façon éclatante la SNCF, c'est-à-dire à l'amélioration du service des clients
sans alourdissement des frais de gestion.
Au-delà du système de désendettement - opération justifiée - convient-il de
régionaliser sans précaution et dans la précipitation les « transports
régionaux de voyageurs » qui assurent une mission de service public ?
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que l'Etat allait transférer aux
régions la part des concours financiers qu'il versait à la SNCF au titre des
services régionaux de voyageurs.
Actualisé, dites-vous, sur la base d'un coût indépendant - que l'on connaît
d'ailleurs - ce transfert « se fera sans effet sur la fiscalité régionale ».
Mais qu'en sera-t-il dans l'avenir ?
Qui peut aujourd'hui garantir la pérennité de cette dotation de l'Etat et son
actualisation dans le temps ? Chacun a en mémoire le transfert aux départements
d'une partie des routes nationales effectué en 1972 ! La subvention spécifique
annuelle de l'Etat à ce titre a disparu. Elle est aujourd'hui fondue dans la
dotation générale de décentralisation et il est impossible d'en mesurer
l'évolution, voire l'existence.
La régionalisation que vous proposez, monsieur le ministre, tiendra-t-elle
compte d'un aménagement du territoire équilibré alors même que le service
public des transports régionaux de voyageurs sera d'autant plus onéreux ou
déficitaire que la densité démographique et les possibilités financières des
régions à desservir seront faibles ?
Verra-t-on naître des prix de billets SNCF différents d'une région à l'autre,
ou des tarifs spécifiques à chaque région, comme vous l'avez évoqué tout à
l'heure, avec le risque d'une fracture territoriale fort pénalisante ?
Régionaliser les transports de voyageurs est une forme de décentralisation et,
comme toutes les décentralisations connues à ce jour, elle finira, si nous n'y
prenons pas garde, par alourdir les charges des régions.
J'observe d'ailleurs, monsieur le ministre, que les régions volontaires pour
expérimenter le système sont parmi les plus urbanisées, les plus denses en
population, sinon les plus riches, et qu'elles sont déjà pourvues, dans bien
des cas, de moyens de transport interurbains.
Comment oublier, à cet égard, les propos de M. Jean Arthuis, tenus ici même le
22 mai 1996 : « Je ne ferai pas ici le procès de la décentralisation, qui a
sans doute fait peser sur les collectivités des charges qui, corrélativement,
ont allégé ce qu'avait à supporter l'Etat » ?
Expérimenter les dispositions visant la régionalisation prévues à l'article 67
de la loi d'orientation, c'est très bien, monsieur le ministre. Mais pourquoi
ne pas prendre et publier les décrets d'application de cette loi, qui prévoit
également une certaine péréquation financière entre les régions ? Ce serait
plus rassurant pour certains.
La définition des missions de service public est à la charge des autorités
responsables et non des opérateurs, avez-vous dit ! C'est vrai. Mais l'autorité
responsable dans un aménagement du territoire équilibré n'est-elle pas l'Etat,
dans le cadre de la solidarité nationale ?
Enfin, certains cadres supérieurs de la SNCF appréhendent une éventuelle
ouverture à la concurrence de la circulation sur le réseau ferroviaire. Il y a
là un vrai problème, qu'il faudra bien étudier en complétant la LOTI si l'on
veut éviter que ne règne la loi de la jungle sur les lignes ferroviaires entre
la SNCF et des opérateurs concurrents, français ou étrangers.
Peut-être faudrait-il envisager dès à présent de mettre en place - comme cela
a été fait dans d'autres domaines - une autorité de régulation, indépendante et
respectée aussi bien par les cheminots que par les gouvernements.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, toutes les orientations
présentées sont excellentes, et je vous souhaite de les concrétiser rapidement
sur le plan législatif, en espérant que votre projet de loi sera déposé d'abord
devant le Sénat, qui reste un précurseur en matière d'aménagement du
territoire.
En quelques mots, et dans un tout autre domaine, permettez-moi d'attirer une
nouvelle fois votre attention sur la situation particulière de la Champagne
méridionale.
Par nécessité économique et par solidarité territoriale, ne laissez pas
dépérir cette région, dont l'avenir dépend de la ligne
Paris-Troyes-Chaumont-Bâle, axe vital qui mérite l'électrification et son
raccordement au réseau international des TGV à Paris.
Cette liaison conditionne le devenir économique de tout un secteur
géographique, fort de potentialités qui ne demandent qu'à s'épanouir.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, grâce à vous, un tournant
historique est armorcé aujourd'hui avec ce débat. Cette initiative originale
doit réussir, car il n'y a pas d'autre solution rationnelle.
Tout dépendra cependant de la compréhension et de la mobilisation de l'équipe
dirigeante de la SNCF face à ce projet industriel.
Tout dépendra également de la confiance en l'avenir des personnels de la SNCF
qui restent, avant tout, des cheminots de très haute qualité !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, clarification des responsabilités respectives de l'Etat et de
la SNCF dans le respect de l'unité du service public et régionalisation, tels
sont les deux piliers de la nouvelle politique que le Gouvernement vient de
proposer pour résoudre la redoutable crise que connaît cette grande entreprise
nationale.
Nous sommes nombreux, sur ces travées, monsieur le ministre, à saluer le
courage du Gouvernement qui propose, là encore, une véritable rupture avec la
politique traditionnellement pratiquée en la matière.
Voilà donc les régions en charge d'une réforme essentielle. Avant même de
connaître toutes les données de la nouvelle règle du jeu, ces jeunes
collectivités se trouvent lourdement porteuses d'un service public de proximité
jusqu'à présent assuré par une entreprise qui nous paraît, faut-il le dire,
plus inspirée par le culte de la performance et par le principe de la
spécialisation que par les transports de proximité.
Cette nouvelle voie, si j'ose dire, pose bien des problèmes. Je n'en
retiendrai que deux, monsieur le ministre, pour ne pas faire long, le premier
de nature technique, le second de nature politique.
Quelle est la situation actuelle dans les régions concernées ? La plupart des
lignes régionales dont elles auront la charge sont déficitaires, parfois
lourdement. Par ailleurs, les infrastructures et le matériel qui circule sur
les voies sont le plus souvent fatigués. Il est évident que les transferts de
responsabilité ne pourront être réalisés sans qu'un examen d'experts soit
effectué non pas globalement mais ligne par ligne. M. le président de la SNCF
nous assure que cette comptabilité analytique détaillée, actuellement
embryonnaire, pourra être mise en place dans les six mois. Ce sera une
performance. Nous en acceptons l'augure. Il doit être clair cependant que les
régions ne pourront pas avancer dans la négociation sans cet inventaire
détaillé qui nous permettra seul d'engager la responsabilité financière de nos
collectivités.
L'audit auquel vous avez fait allusion tout à l'heure, monsieur le ministre,
est une bonne chose. Il est, en effet, utile, mais il nous paraît insuffisant
pour que les régions s'engagent dans cette expérience avec une connaissance
exacte de ce qui les attend.
La dotation d'Etat transférée - soit 4 milliards de francs plus une rallonge
de 800 millions de francs, que vous nous avez annoncée, monsieur le ministre -
est censée couvrir le déficit d'exploitation actuel de la SNCF sur ses lignes
régionales. Bien évidemment, le partage ne sera pas fait entre les régions sur
le seul critère du kilométrage transféré, mais selon les déficits réels
affectés à chaque ligne, d'où l'intérêt de cette analyse comptable
détaillée.
Mais comment les régions vont-elles réagir devant les investissements
importants nécessaires à la mise à niveau de la plupart de ces lignes ?
Devront-elles engager leurs propres ressources financières pour aller au-delà
de la seule consolidation des déficits actuels ?
Aujourd'hui, certaines régions investissent lourdement sur des axes régionaux.
Je prendrai un exemple que je connais bien : l'inter-Loire, entre Orléans et
Tours, entre Orléans et Nantes, ou encore Vierzon-Bourges, ou Tours-Vierzon.
Mais elles investissent toujours avec la SNCF et souvent avec l'Etat. Dans la
redistribution des cartes que vous nous proposez, monsieur le ministre, à
l'évidence, la SNCF ne sera plus partie prenante puisqu'elle sera simplement
l'opérateur unique chargé de la gestion des lignes. Où sera l'Etat ? Réfugié
derrière l'EPIC, lui-même accaparé par l'apurement de la dette et
essentiellement préoccupé par la couverture de ses déficits de gestion - 10
milliards de francs, dit-on. Il est à craindre que dans la nouvelle
configuration les régions ne se trouvent bien seules.
S'il n'existe aucun dispositif de participation contractuelle de l'EPIC à ces
investissements lourds et spécifiques, les régions n'auront que deux choix
possibles : soit la perpétuation des déficits qui s'accentueront parce que le
client ne trouvera ni confort ni rapidité dans l'utilisation de ces lignes du
fait du vieillissement de la traction et des infrastructures, soit la
fermeture, solution politiquement difficile et peu compatible avec la politique
d'aménagement du territoire à laquelle les régions sont justement attachées et
qui justifie, aujourd'hui, le maintien de l'essentiel du réseau régional.
La solution pourrait être trouvée dans la création d'un fonds d'investissement
affecté aux lignes régionales gérées par l'EPIC et doté des ressources
provenant d'une péréquation pratiquée sur les tarifs grandes lignes, un peu à
l'image de ce qui se pratique aujourd'hui pour les péages autoroutiers. Il y
aurait donc, pour chaque région, une convention-cadre passée avec l'Etat, une
autre convention passée avec la SNCF opérateur unique, et une troisième
convention passée avec l'EPIC investisseur unique. Ce dernier aurait alors des
moyens d'encourager les régions à investir par voie de fonds de concours sur
les lignes qu'elles souhaitent développer et sur le matériel adapté qui
pourrait y circuler. L'absence de participation de l'Etat à des investissements
nouveaux condamnerait, à terme, la tentative de régionalisation, j'en ai la
conviction.
Les six régions candidates, monsieur le ministre, ne s'engageront pas dans
cette affaire sans « biscuit ». Elles l'aborderont sans complexes et sans
arrière-pensées parce qu'elles veulent la maintenance d'un service public
ferroviaire ; elles l'ont prouvé au-delà du discours dans un passé récent.
C'est d'ailleurs pour cela qu'elles sont déjà engagées - et certaines depuis
longtemps - dans cette aventure. Mais l'Etat doit bien se persuader que la
seule notion de transfert de charge, même intégralement compensé, n'est pas
suffisante parce que cette notion est statique. Dans les transports, il faut
non seulement conserver, mais encore améliorer. La loi de ce marché est simple
: qui n'investit pas régresse !
(M. le ministre sourit.)
Aucune région ne suivra l'exemple des six si elles n'ont pas le sentiment
de pouvoir espérer entrer dans une dynamique de l'investissement et si elles
constatent qu'elles n'ont comme perspective que la spirale du déficit croissant
ou la fermeture.
Bien évidemment, les expertises conduiront à des constats très divergents. Les
régions seront mieux armées pour transférer sur route certains trafics, si, par
ailleurs, elles rénovent, modernisent et développent le trafic sur rail, là où
les lignes bénéficiaires conduiront à des retours sur investissements
significatifs. Elles sont mieux placées que l'Etat pour déterminer les enjeux
et conduire les arbitrages. Encore faut-il qu'elles aient un interlocuteur
unique et responsable ; encore faut-il qu'elles n'aillent pas seules dans cette
nouvelle expérience. Elles sauront réussir si l'Etat se comporte en partenaire
solidaire, mais le choix serait aventureux si l'Etat se contentait de compenser
les déficits actuels, en laissant les régions se débrouiller avec la
modernisation de ses réseaux transférés.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
De
là à parler de « biscuit », il y a une marge !
M. Paul Masson.
En d'autres termes, il ne faudrait pas que l'Etat ait des arrière-pensées : «
Passons-leur le mistigri - excusez l'expression - après, on verra bien ce
qu'elles en feront ! »
Sur ce sujet, votre actuel propos, monsieur le ministre, me paraît porteur
d'espoir. Il reste à préciser ce point capital d'un investissement spécifique
partagé sur les lignes régionales. Bien individualisées au sein de l'EPIC,
chargé des infrastructures, je ne doute pas que nous saurons trouver sur ce
terrain un bon accord.
La seconde partie de mon intervention est de nature tout à fait différente, je
dirai hors de votre compétence immédiate, monsieur le ministre.
Les régions vont se trouver en charge d'une partie essentielle de la réforme
du service public de proximité, six régions, dit-on, plus ou moins volontaires
et qui y regarderont néanmoins à deux fois avant de franchir le pas.
L'expérience durera trois ans. Elle aura valeur d'exemple pour d'autres
régions.
Ces collectivités régionales sont toutes jeunes ; elles n'ont pas, comme les
départements ou les communes, la patine de l'expérience. Elles sont parfois
contestées dans leurs attributions.
Le mode de scrutin régional que nous connaissons conduit à un exécutif
fragile. Dans la plupart de ces régions, il n'y a pas de majorité stable. Des
assemblées où l'addition des contraires tient souvent lieu d'opposition
trouveront-elles, en leur sein, la continuité, ou même, tout simplement, le
courage nécessaire pour prendre des responsabilités fortes dans la gestion de
réseaux régionaux, je le répète, pour la plupart déficitaires ? Il est permis
d'en douter.
S'il est décidé, comme on le dit, de ne pas réformer le système électoral
actuellement en vigueur, ne peut-on trouver des procédures qui mettent à l'abri
les exécutifs régionaux de coalitions de rencontre ? Est-il possible de prévoir
que le vote de certaines dispositions essentielles, comme les budgets, bien
sûr, mais aussi la politique des transports, puisse faire l'objet d'un
engagement de responsabilité de la part de la majorité de l'exécutif qui serait
soumis à une procédure qui imposerait aux oppositions conjuguées des
obligations de responsabilité ?
Sans cette mesure, mes chers collègues, à mon sens indispensable, je redoute
que la régionalisation des lignes d'intérêt local trébuche sur une fragilité
institutionnelle des régions. Il me paraît aléatoire de confier à des
collectivités fragiles un rôle majeur dans une réforme dont l'enjeu, pour le
pays, est particulièrement grave, alors que ces collectivités sont pour
beaucoup aujourd'hui instables à l'heure des choix importants.
M. Emmanuel Hamel.
Jugement sévère, mais vrai !
M. Roland Courteau.
Il faut changer le mode de scrutin !
M. Paul Masson.
Beaucoup vivent ces péripéties tous les jours. Sans doute n'êtes-vous pas
comptable de cette réforme-là, monsieur le ministre, vous avez bien assez de la
vôtre, mais la politique gouvernementale forme un tout et je ne doute pas que
vous ayez, sur ce thème, de bons arguments à faire valoir, si vous le
souhaitez, pour avancer dans cette voie.
La réforme dans laquelle le Gouvernement s'engage a le mérite de la clarté. La
SNCF ne pourra plus s'abriter derrière les coûts d'infrastructures pour
justifier son incapacité à redresser ses résultats. Les gouvernements seront
eux-mêmes conduits à des arbitrages, n'en doutons pas, douloureux, entre le
rail et la route.
Le Gouvernement a l'indéniable courage de proposer des solutions en sortant de
la fausse logique des contrats de plan qui n'ont jamais conduit qu'à la
confusion des responsabilités ; l'heure de vérité approchera vite. L'entreprise
saura-t-elle comprendre que l'appel aux fonds publics a des limites et que le
contribuable n'est plus aujourd'hui prêt à accepter de nouveaux prélèvements
obligatoires du style « résorption de la dette SNCF » ?
Les régions auront-elles le courage de faire des choix difficiles et de
dégager les ressources nécessaires pour persévérer dans une politique
d'aménagement du territoire au moment où elles se trouveront seules en face des
déficits ?
L'Etat lui-même saura-t-il imaginer rapidement un mécanisme de désendettement
du nouvel établissement qui va hériter de 125 milliards de francs de dette à
laquelle s'ajoutera un déficit annuel d'exploitation de 10 milliards de francs,
condition préalable à tout programme d'investissement lourd ?
Ces questions ne trouveront de réponse positive que dans le courage
politique.
Cette réforme ouvre de nouvelles voies, les seules en vérité susceptibles de
sauver l'unité du service public tout en lui laissant un avenir. Chacun
comprend bien que le nouveau parcours proposé ne sera pas de tout repos ; la
crise de l'hiver dernier ne pourrait se renouveler sans laisser à l'opinion
publique le sentiment qu'il n'y a, décidément, entre les partenaires sociaux,
aucune voie d'entente possible. Dans ce quitte ou double, qui approche, nous
avons bien compris qu'il ne s'agit plus d'un débat entre spécialistes ; il
s'agit d'un débat politique majeur qui ne peut laisser le pays indifférent.
La SNCF appartient à la nation tout entière. Elle a un grand avenir devant
elle, à l'échelle de l'Europe. Rien ne se fera sans ou contre les cheminots,
mais rien ne se fera non plus sans une vision plus large, globale, de cette
nouvelle ambition nationale du service public.
La SNCF appartient à la nation tout entière, mais la SNCF est mortelle. Les
enjeux actuels sont lourds. Nous sommes à l'heure où tout se noue, le meilleur
comme le pire. Que chacun des partenaires, l'Etat, les partenaires sociaux, les
régions, mesurent bien où nous voulons aller, et où nous en sommes.
Aujourd'hui, il ne nous est plus possible de nous tromper sur nos choix. La
compétition, demain, ce n'est pas le record du monde ; c'est la régularité du
service, le confort, la commodité. C'est une autre SNCF qu'attend la nation.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, nous approuvons les
orientations que vous venez de nous présenter parce qu'elles permettront enfin
de clarifier les relations entre l'Etat et la SNCF.
Il n'est pas admissible que l'entreprise nationale supporte la charge
d'infrastructures dont elle n'avait pas décidé la construction.
La SNCF, comme l'Etat, se sont très bien accommodés de l'opacité qui a prévalu
pendant des décennies. Le résultat n'en est pas moins là : 200 milliards de
francs de dettes. Le plan que vous nous présentez fait prévaloir un principe
qui me paraît très sain : qui décide paye.
Il faut maintenant mettre en oeuvre rapidement cette séparation entre
infrastructures et exploitation en évitant, bien sûr, toute possibilité de
retour aux errements du passé.
La création de l'établissement public et son contenu exact, nous en
reparlerons dans quelques mois. Je crois qu'il serait prématuré d'en débattre
ce soir.
Le désendettement de l'entreprise nationale à hauteur de 125 milliards de
francs constitue un effort sans précédent de la part de l'Etat et permettra
surtout une remotivation de la SNCF et de son personnel. En effet, les gains de
productivité que pouvait jusqu'à présent accomplir l'entreprise constituaient
une goutte d'eau dans la mer au regard de son endettement.
Toutefois, on peut s'interroger sur la part de la dette qui restera à la
charge de la SNCF. Je suis persuadé que, déchargée du poids de
l'infrastructure, celle-ci est capable d'atteindre l'équilibre comptable et,
même, d'être bénéficiaire.
Pour autant, je ne suis pas sûr qu'elle soit en mesure d'envisager un
remboursement de la part de la dette qui lui est laissée. En Allemagne,
lorsqu'a été mise en oeuvre une réforme du transport ferroviaire, l'Etat a
repris la totalité de la dette de la Deutsche Bahn. Il ne faudrait pas que
cette dette résiduelle porte en elle le germe d'une nouvelle dérive de la
situation financière de l'entreprise.
Cela dit, je ne m'associe pas à ceux qui réclament la reprise immédiate de la
totalité de la dette, pas plus que je n'approuve ceux qui contestent la reprise
par l'Etat de 125 milliards de francs en en parlant comme d'un cadeau
injustifié. La proposition de l'Etat est courageuse et novatrice, et constitue
un pas considérable dans le règlement du passif de la SNCF.
La SNCF doit y répondre par la volonté clairement affichée de remettre en
cause son fonctionnement. Nous reparlerons du reste de la dette, je l'espère,
lors d'une nouvelle étape qui, je n'en doute pas, aura lieu d'ici à quelques
années. Concernant la régionalisation, je suis convaincu qu'elle est
indispensable afin de rapprocher les décisions des usagers, à la condition que
les élus soient prêts à faire des choix parfois difficiles.
M. Emmanuel Hamel.
Le sont-ils ?
M. Nicolas About.
Je n'en sais rien, nous le verrons. C'est un risque à prendre.
La méthode que vous avez choisie me paraît excellente, monsieur le ministre,
car certaines expériences douloureuses dans d'autres domaines font craindre à
de nombreux conseils généraux que cette régionalisation ne soit un simple
transfert de charges et que les régions les moins riches soient pénalisées par
rapport aux autres. Ainsi l'expérimentation progressive et réversible me
semble-t-elle être la seule méthode possible.
Je crois donc, monsieur le ministre, que le plan que vous venez de nous
présenter est en mesure de permettre à la SNCF de prendre un nouveau départ. A
la SNCF de saisir sa chance !
J'aimerais maintenant insister sur quelques thèmes qui me paraissent
essentiels pour le développement du transport ferroviaire.
Le premier concerne l'Europe.
Le transport ferroviaire a perdu des parts de marché considérables au cours
des trente dernières années, du fait de la concurrence des autres modes de
transport, notamment de la route. On ne reviendra pas là-dessus, pas même en
internalisant le coûts externes.
En revanche, je suis convaincu que la dimension européenne offre au rail de
nouvelles perspectives. Les marchés sur lesquels le rail conserve une
pertinence incontestable sont, en effet, les distances transeuropéennes pour le
transport à grande vitesse, mais aussi pour le transport de marchandises et
pour les transports régionaux dans les zones à forte densité de population. Il
faut exploiter ces potentialités. Les échanges entre pays de l'Union européenne
se développent, mais de manière encore trop timide.
Il est important que soit mise en oeuvre une politique communautaire des
transports, dynamique. Il est important que les actions d'harmonisation soient
accélérées afin de faciliter la circulation sur le territoire communautaire. Je
crois également que, pour le fret, la dimension communautaire offre de
nouvelles possibilités. C'est sur des distances assez longues que le rail peut
concurrencer le transport routier. Là encore, il est important d'avoir une
politique communautaire dynamique, en particulier dans le domaine du transport
combiné.
Le deuxième thème concerne la concurrence.
Vous le savez, mes chers collègues, la directive communautaire de 1991 a
introduit une dose très limitée de concurrence sur le marché européen. En
pratique, cet aspect de la directive n'est pas appliqué. En France, on serait
d'ailleurs incapable aujourd'hui de la mettre en oeuvre, puisque le péage pour
l'accès à notre réseau n'a pas été défini. La Commission européenne a formulé
une nouvelle proposition de directive dont l'adoption conduirait à ouvrir à la
concurrence l'ensemble du transport de marchandises ainsi que le transport
international de voyageurs.
Soutenu par notre délégation pour l'Union européenne, j'ai déposé une
proposition de résolution demandant que le Gouvernement s'oppose à cette
nouvelle proposition de directive afin que la précédente directive puisse être
pleinement appliquée, qu'on en dresse un bilan et que les conséquences d'un
éventuel élargissement de la concurrence soient évaluées avec précision. Notre
commission des affaires économiques et du Plan a bien voulu adopter cette
résolution il y a peu.
Cependant, je suis convaincu que la SNCF doit utiliser le temps qui lui est
laissé pour se préparer à faire face à une concurrence plus vive. Le secteur du
transport ferroviaire n'est pas celui des télécommunications et le nombre des
opérateurs ne peut pas y être aussi important.
Néanmoins, la SNCF devra très probablement, à l'avenir, faire face à la
concurrence d'autres compagnies. Si l'entreprise y est bien préparée, cela me
paraît être un stimulant utile. Pourquoi faudrait-il présupposer que la SNCF,
quoi qu'il arrive, ne sera pas en mesure de faire face à cette concurrence ?
Ses performances techniques et la valeur de son personnel permettent, au
contraire, de penser qu'elle pourra jouer un rôle majeur sur le continent
européen. Naturellement, elle doit, dès à présent, entreprendre des efforts
importants dans la qualité des services qu'elle rend, dans l'attention qu'elle
porte à ses clients. Les usagers captifs d'hier sont aujourd'hui des clients,
des clients qui ont le choix entre plusieurs modes de transport. La SNCF se
doit de concentrer toute son attention à les satisfaire. C'est là le rôle de
l'entreprise elle-même, et je crois très sain qu'il existe en ce domaine une
autonomie la plus large possible de la SNCF à l'égard de l'Etat.
Dans ces conditions, que devient le service public ? Je n'en sais trop rien.
La première question à se poser est la suivante : la SNCF est-elle toujours
globalement un service public ? La grève de décembre 1995 apporte des éléments
de réponse. Cette grève a démontré que la SNCF n'est plus un service public
global, même si elle a mis au jour l'existence incontestable de certaines
missions de service public.
L'action paralysante de la grève dans les banlieues des grandes
agglomérations, en particulier dans la région parisienne, démontre que la SNCF
y remplit, en dehors des grèves, une mission irrempaçable de service public.
Mais, là encore, les grèves de décembre ont porté un coup très dur à la SNCF et
à ses missions de service public en portant atteinte à une règle sacro-sainte
du service public : la continuité.
Mme Hélène Luc.
Le droit de grève existe-t-il ?
M. Nicolas About.
M. Fiterman a introduit l'obligation de service minimum dans les contrôles
aériens !
Mme Hélène Luc.
Répondez à ma question !
M. Nicolas About.
Pourquoi considérer que la SNCF est un service public inférieur à celui de
l'aviation ? Il y a là mépris de votre part.
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Ce que M. Fiterman a fait pour le contrôle aérien, il faudra le
faire pour la SNCF.
M. Paul Masson.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Il avait le soutien de la population. C'est cela qui vous fait mal !
M. Nicolas About.
L'usager captif est devenu un citoyen écoeuré et déjà, en puissance, un client
exigeant et friand de transports alternatifs.
Attention, il faudra donc, dans l'avenir, instaurer pour toute mission de
service public rendue par le privé ou par le public la règle de la continuité
ou du service minimum. Dans le cas contraire, il appartiendra aux
clients-citoyens de se tourner vers d'autres solutions, et aux pouvoirs publics
de mettre en oeuvre des transports alternatifs adaptés au service public.
Je ne crois absolument pas incompatible pourtant une ouverture maîtrisée à la
concurrence et le maintien de missions de service public conçues de manière
ambitieuse. Il faut simplement prendre conscience du fait que la notion de
service public est évolutive et que ses contours se modifient avec le temps. Je
ne pense pas que le transport ferroviaire soit aujourd'hui un service public
dont l'accès doit être accordé à chacun, quelle que soit sa situation sur le
territoire.
Le service public pertinent, c'est celui du transport collectif de voyageurs,
et ce service-là peut se faire selon des modalités variables. C'est notamment
pour cette raison que la régionalisation est utile. Les conseils régionaux
apprécieront d'une manière probablement plus satisfaisante que l'Etat le
meilleur moyen d'assurer le service public. Ils pourront mettre en oeuvre avec
la SNCF, et en associant les citoyens - je n'ai pas dit les usagers, car
j'espère qu'ils trouveront d'autres citoyens - des expériences de
redynamisation de certaines lignes ; d'autres dessertes pourront être mieux
assurées par car ou par taxi collectif.
Cela ne signifie aucunement la mort du service public ou la mort du rail. Il
faut permettre au transport ferroviaire de se développer là ou il est le plus
pertinent plutôt que de s'acharner à préserver un
statu quo
qui, lui,
conduira très certainement à la disparition du transport ferroviaire. Mais,
attention, que personne ne s'y trompe : la défense du service public, à travers
des concessions de missions de service à la SNCF ou à d'autres, devra, je le
répète, s'accompagner d'une prise de conscience, à savoir qu'elle n'est
compatible qu'avec l'apparition d'une obligation de service minimum.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
crois profondément qu'à l'échelle de l'Europe le transport ferroviaire a un
rôle majeur à jouer. Je crois également qu'une ouverture maîtrisée et contrôlée
à la concurrence n'empêchera aucunement le maintien d'un service public de haut
niveau auquel nous sommes tous attachés. Je crois enfin que les mesures qui
nous sont présentées aujourd'hui constituent une chance pour la SNCF, et qu'il
lui revient maintenant de ne pas la laisser passer.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, compte tenu du temps de
parole qui me reste, je vais directement vous poser les cinq questions qui sont
au coeur de ce que je devais dire.
Premièrement, et je souhaite que vous preniez des engagements tout à l'heure
dans votre réponse, la liberté tarifaire sera-t-elle la règle, au risque de
provoquer des distorsions entre les régions ?
Deuxièmement, les régions pourront-elles négocier avec d'autres exploitants
que la SNCF, ce qui signifierait que la SNCF ne serait plus qu'un prestataire
de services parmi d'autres ?
Troisièmement, l'Etat prendra-t-il en charge tous les coûts induits par cette
politique de régionalisation ?
Quatrièmement, une clarification entre transport régional et ligne d'intérêt
national est-elle prévue, afin que le tronçonnage de certaines lignes, telles
que Nantes-Lyon, ne soit pas le prélude à l'amoindrissement du service rendu
?
Cinquièmement, enfin, quand la France bénéficiera-t-elle d'une politique
globale des transports ?
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Louis Minetti,
Plus les voitures et les camions « s'entassent » sur les routes, plus
augmentent les embouteillages dans notre pays.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Louis Minetti,
Vive la pollution ! Vive le stress ! Vive les accidents de la route ! Vive le
temps perdu ! Vive le coût pharaonique des tranports !
M. Emmanuel Hamel.
Excellent !
M. Louis Minetti.
Monsieur le président, si vous me le permettez, car je crois disposer encore
d'un peu de temps de parole, je ne peux pas, après avoir entendu certains de
mes collègues, laisser insulter les cheminots et mettre en cause le droit de
grève.
(Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi
que sur les travées socialistes.)
Si ce débat est engagé aujourd'hui, si nous enregistrons quelques
avancées positives, c'est parce que les cheminots ont été en grève et qu'ils
ont renouvelé, quelque cinquante ans après, ce que l'on a héroïquement appelé
la « bataille du rail ».
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur des travées socialistes.
- Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Nicolas About.
Personne ne conteste le droit de grève !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Quel mépris des clients !
M. Louis Minetti.
Nous ne serions pas conviés aujourd'hui,...
M. Jean-Pierre Fourcade.
Vous vous moquez du monde, monsieur Minetti !
Mme Hélène Luc.
Vous n'étiez pas si fiers au mois de décembre !
M. le président.
Laissez parler M. Minetti, s'il vous plaît !
M. Louis Minetti.
Nous ne serions pas conviés, disais-je, à discuter, nous serions invités aux
obsèques de la SNCF s'il n'y avait pas eu la grève de novembre et décembre.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Je termine en disant, sans hausser le ton, avec gravité et peine, que mettre
en cause le droit de grève tout en rappelant les années noires que furent les
années trente relève d'une certaine impudence, car cette époque de l'histoire
de France est précisément celle de la répression contre les cheminots et celle
de licenciements massifs à cause d'une grève perdue, dont on n'a rattrapé les
effets qu'après la grande victoire historique de 1936.
M. Ivan Renar.
Très bien !
M. Louis Minetti.
Je ferai donc un voeu pour que la sagesse gagne et le Sénat et le
Gouvernement.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - M.
Emmanuel Hamel applaudit également.)
M. le président.
Comme quoi la concision n'exclut pas la vigueur !
Mme Hélène Luc.
Je voudrais faire remarquer, monsieur le président, qu'en conférence des
présidents j'avais demandé que cinq heures de discussion soient prévus pour ce
débat parce que quatre heures me semblaient insuffisantes.
M. Hubert Haenel.
Ça le méritait madame !
M. le président.
Je suis obligé d'appliquer les décisions de la conférence des présidents,
madame Luc.
Mme Hélène Luc.
Une autre fois, vous me soutiendrez, j'espère !
M. le président.
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, aux mois de novembre et de décembre derniers, à la suite de
l'annonce faite par certains membres du Gouvernement concernant, entre autres
choses, la retraite des cheminots, la France a connu l'un de ses plus
importants conflits sociaux depuis trente ans.
La mobilisation exceptionnelle a conduit votre gouvernement à retirer son
projet et à lancer un débat politique ferroviaire. Mais ce débat n'en a que le
nom.
En effet, avant même que nos collègues de l'Assemblée nationale aient pu faire
part de leur vision d'avenir pour la SNCF, votre projet faisait la une de toute
la presse, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, il en est de même puisque, en plus de vos propositions, le
président de la SNCF a annoncé toute une série de mesures, la semaine
dernière.
Aussi, ai-je vraiment l'impression qu'une fois de plus les parlementaires - et
plus particulièrement les sénateurs - sont négligés.
Je le regrette fortement, car l'avenir de la SNCF nous concerne et, au-delà,
l'avenir du transport ferroviaire et l'aménagement du territoire de notre
pays.
Cependant, je ne m'en étonne guère, puisque l'opinion publique - comme
nous-mêmes - est habituée à cette politique de votre gouvernement qui consiste
à annoncer certaines décisions avant même de les avoir discutées avec les
personnes concernées.
Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, que le groupe socialiste du Sénat
est particulièrement sceptique, et surtout très inquiet non seulement devant
vos propositions, mais aussi face à vos silences.
Vos propositions ne sont certes pas nombreuses, mais elles sont terriblement
menaçantes pour l'avenir de la SNCF et sa mission de service public.
En créant un EPIC, établissement public à caractère industriel ou commercial,
chargé des infrastructures et d'une partie de la dette, vous allez scinder en
deux le service public ferroviaire.
Ce transfert ne sera pas seulement comptable, il sera également organique.
Rien ne garantit alors que la SNCF sera le seul gestionnaire. Elle deviendra
ainsi un exploitant comme un autre, qui devra s'acquitter d'un péage, laissant
la porte ouverte à tout autre.
Ce désendettement est un trompe-l'oeil, car la SNCF accuse toujours 80
milliards de francs de dette.
La SNCF, on le sait, est malade, et ce n'est pas en mettant un terme à son
unicité qu'on la sauvera.
Vous allez confier des pans entiers du réseau aux régions : la mienne, le Nord
- Pas-de-Calais, était favorable à l'expérimentation, car elle avait déjà,
depuis de nombreuses années, une excellente convention en matière de transport
régional avec la SNCF.
Mais, force est de constater que les modalités financières de transfert sont
d'ores et déjà insuffisantes ; cela prouve que l'Etat ne respectera pas sa
parole une fois les contrats passés.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Comment pouvez-vous dire cela !
M. Léon Fatous.
Cette situation ne sera pas tenable pour les régions ; elle les obligera, dans
l'avenir, à fermer les lignes déficitaires. C'est déjà le cas, dans ma région,
pour la ligne Arras-Etaples. Qu'en sera-t-il pour les usagers, en grande
majorité des étudiants, des enfants scolarisés et des travailleurs ?
Par ailleurs, la fermeture de cette ligne n'entraînera-t-elle pas la fin du
trafic du fret ?
Je vous parlais des silences ou plutôt des absences qui en disent long ; je
relèverai notamment l'absence de contrats de plan, à savoir de documents
formalisant les rapports entre les pouvoirs publics et la SNCF, leurs
engagements réciproques.
On peut, à juste titre, se poser les questions suivantes : comment l'Etat s'y
prendra-t-il pour coordonner son action et celle de la SNCF ? Où seront
définis, non seulement les objectifs de la SNCF, mais aussi ses missions de
service public ?
Vos silences masquent aussi l'absence de projets novateurs et sérieux pour
développer le transport de fret.
En tant que ministre des transports, vous savez mieux que quiconque combien la
route est dangereuse, l'accroissement du nombre de poids lourds circulant sur
nos routes étant devenu insupportable.
L'Etat doit donc prendre ses responsabilités en favorisant le transport
ferroviaire. Il faut qu'un schéma national de transport combiné définisse les
infrastructures à réaliser, en planifiant les équipements et les financements.
Cela aurait pu être prévu dans un contrat de plan !
Votre rôle, en tant que ministre des transports, est de rétablir une
coordination intelligente entre la voie ferrée et le transport routier. Les
transporteurs, notamment les petits, connaissent aussi des difficultés ; elles
vous ont d'ailleurs été exposées lors de la clôture du congrès de l'UNOSTRA,
l'Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers
automobiles, auquel vous avez-vous même participé.
Vous devez montrer votre volonté de défendre le service public et
l'aménagement du territoire ; vous devez montrer votre volonté de participer
aux efforts de la Communauté européenne et de votre gouvernement en matière de
protection de l'environnement.
Enfin - et je terminerai sur ce point extrêmement important -
qu'adviendra-t-il des 180 000 cheminots ?
N'est-ce pas le public lui-même, selon l'enquête réalisée par la SNCF, qui
souhaite être mieux accueilli dans les gares, que celles-ci soient plus
agréables et que la sécurité y soit renforcée ?
Or, on constate que les effectifs fondent comme neige au soleil. Les agents
partant à la retraite sont très peu remplacés.
Au cours de votre audition devant la commission des affaires économiques du
Sénat, le 28 novembre 1995, vous avez abordé le problème des filiales de la
SNCF, que vous estimiez trop nombreuses et dont certaines ne vous semblaient
pas en rapport avec les activités premières de cette entreprise. Vous
envisagiez même d'en céder un certain nombre.
Aujourd'hui, vous n'en parlez plus, mais quelle est votre position sachant
pertinemment que la combinaison rail-route doit se poursuivre et même se
développer pour les raisons que j'ai évoquées précédemment ?
Remobiliser les cheminots pour assurer l'avenir de la société, je suis
d'accord ; mais, avec vos mesures, qui ont un avant-goût de démantèlement du
service public et de privatisation, vous risquez de les remobiliser sur un
objectif opposé à celui que vous souhaitez atteindre.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
7
CANDIDATURE À UNE COMMISSION
M. le président.
J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence
le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires
économiques et du Plan à la place laissée vacante depuis le 3 mai 1996.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
8
SNCF
Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la
SNCF.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, avant d'aborder le fond du débat, je souhaite dire ma
satisfaction de l'actuelle politique du Gouvernement qui consiste à consulter
le Parlement sur des sujets qui engagent l'avenir du pays.
Aujourd'hui, nous échangeons nos idées sur la SNCF, hier, nous parlions des
orientations budgétaires, de l'université, du financement de la sécurité
sociale. L'adhésion et le soutien procèdent non pas uniquement d'obligations
remplies mais aussi de comportements d'association décidés.
Par cette démarche courageuse, monsieur le ministre, vous avez su débloquer
une situation radicalisée et rétablir les conditions du dialogue. La réussite
d'une réforme s'ancre dans la reconnaissance qu'en ont les acteurs.
Le débat de cet après-midi prouve, comme les propos des différents
intervenants, l'importance de la SNCF, donc celle des communications, non
seulement dans les limites hexagonales mais aussi dans l'ensemble européen.
Il pose également la nécessité d'une redéfinition du rôle de l'Etat dans
l'organisation du service public en y intégrant les entités locales.
Dans la vaste consultation menée ces derniers mois sur ce thème, le Conseil
national des transports, au sein duquel j'ai l'honneur de représenter le Sénat,
a apporté une contribution qui s'inscrit bien dans l'optique du redressement
proposé.
La construction européenne doit être prise en compte dans l'établissement des
objectifs. Elle joue un rôle important dans la mise en place de transports
adaptés à la croissance des échanges, aux contraintes de la protection de
l'environnement et du cadre de vie ainsi qu'à la saturation routière. A cet
égard, une réflexion mérite d'être menée sur la formule du ferroutage, qui peut
être une solution heureuse et souple. La concurrence rail-route, qui sévit au
sein même de la société nationale, devra être traitée. Les Etats seront amenés
à collaborer davantage pour une meilleure coordination entre les réseaux et la
promotion de la multimodalité.
Permettez, un instant, au rapporteur de la commission des affaires économiques
de la proposition de résolution, présentée par notre collègue M. About, sur le
développement des chemins de fer communautaires de faire une incidente.
L'important et excellent rapport de notre collègue intitulé
l'Europe : une
chance pour la SNCF ?
- je relève que la fin de la phrase est ponctuée d'un
point d'interrogation - ...
M. Emmanuel Hamel.
Il a bien raison !
M. Bernard Joly.
... appelle l'attention de la représentation nationale sur l'enjeu que
constitue la libéralisation du transport ferroviaire. La commission européenne
des transports et du tourisme en examinera, à Bruxelles, les dispositions au
mois de juillet prochain, puis le Parlement s'en saisira vraisemblablement à la
fin de l'été. La proximité des échéances nous impose d'agir d'urgence. Or,
cette modification prochaine aura une incidence fâcheuse sur les chemins de fer
français si l'on n'y prend garde. L'avance de la libéralisation du transport
ferroviaire nous contraint à assainir la situation de la SNCF. La question de
l'endettement de la société nationale doit être réglée avant que l'on procède à
cette étape dont personne n'est en mesure d'évaluer les conséquences de façon
précise.
Pour être reconnue comme une entreprise responsable, capable d'assumer les
exigences financières, économiques et sociales qui sont les siennes, tout en
assurant, dans un cadre contractuel avec l'Etat et les collectivités locales,
une mission de service public, la SNCF exigeait un recentrage de ses tâches.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre, le champ était trop large, les vocations
trop mêlées : la dérive était inévitable.
La clarification des rapports était un préalable au traitement de la situation
financière quand on sait que l'endettement représente près de quatre fois le
chiffre d'affaires de l'entreprise et qu'il pèse de manière durable et aggravé
sur l'équilibre de la gestion. Le mal est autre et ne peut être uniquement
attribué à une conduite des affaires qui aurait pu être meilleure.
A travers l'établissement public dont on nous propose la création, l'Etat
remplit son rôle en assumant la responsabilité de l'infrastructure du réseau
national. Il reprend à son compte les dettes contractées, s'engage à assurer
les investissements futurs et à rémunérer l'entretien et l'exploitation de ce
réseau. Cette formule est préférable, à mon sens, à une structure de
cantonnement pour l'apurement de la dette. Elle relève d'une approche dynamique
s'ouvrant sur l'avenir. La mise à disposition de l'infrastructure, assortie de
redevances de la part du gestionnaire et surtout de l'exploitant, est normale,
si les montants de celles-ci sont en rapport avec la capacité contributive de
ce dernier. L'effort de redressement, puis le retour à l'équilibre des comptes,
ne doivent pas être compromis par des prélèvements qui peuvent être justifiés
par les coûts tout en étant insupportables pour l'assujetti.
J'ai noté que les concours apportés par l'Etat à la SNCF pour des missions de
service public, de tarifs sociaux notamment, ne seront pas supprimés. Tout en
séparant clairement l'exploitation des lignes de la gestion des
infrastructures, il convient de garantir l'unité de l'entreprise et sa vocation
à offrir une égalité d'accès et de traitement des usagers.
Le rôle des chemins de fer dans l'aménagement du territoire est vital. En
matière de lignes secondaires, le bon sens réclame un choix régional. La saisie
des besoins reflète mieux la réalité si elle est de proximité. Une définition
plus fine de la demande conduit à une meilleure réponse en qualité et en coût.
Une question se posait aux responsables régionaux : ce transfert de compétences
ne s'accompagnera-t-il pas d'un transfert de charges ? Vous y avez répondu tout
à l'heure.
Disons qu'il y a une certaine prudence à accepter une responsabilité par
ailleurs souhaitée.
L'audit commandé par l'Etat, la SNCF et l'ANER, association des élus
régionaux, a abouti à la conclusion que la contribution actuelle de 4 milliards
de francs versée par l'Etat pour le transport régional devrait être augmentée
de 1,9 milliard de francs dans le cadre du transfert de compétences.
De plus, il me paraîtrait équitable qu'une péréquation soit opérée en fonction
des capacités financières des régions, de façon à ne pas aboutir à des
déséquilibres qui ne seraient pas tolérables.
Une fois la ventilation des tâches opérée, la SNCF doit s'atteler à la
reconquête du marché, qu'il s'agisse des voyageurs ou du fret. L'attitude de
l'usager est ambiguë à l'égard du transporteur : les critiques sont nombreuses
sur la dégradation du service rendu, mais l'attachement au rail est réel.
Le train reste le mode de transport dominant ; il est indissociable du
fonctionnement du pays et il renvoie au profil-type de personnel qui constitue
une identité d'entreprise.
Reste à rendre le produit attractif et compétitif en développant une stratégie
commerciale offensive. Il ne suffit plus de faire rouler les trains : il faut
offrir un « plus » aux usagers qui n'ont d'autre choix que celui-là. Pourquoi
les gares ne seraient-elles pas des lieux de vie comme le sont les aérogares
?
L'implantation de services annexes complémentaires est fort différente de la
diversification d'activités, qui a tenté la SNCF comme d'autres entreprises. On
en a vu les dangers, et les difficultés qu'ont rencontrées certaines banques,
du fait de ces essaimages, sont présentes à tous les esprits.
Clairification, recentrage, reconquête, adaptabilité et ouverture : s'agissant
de cette capacité d'anticipation de l'évolution, j'évoquerai, pour conclure, le
rapport, rendu public jeudi dernier, du « groupe des sages » pour le transport
ferroviaire, qui avait été chargé par la Commission européenne d'analyser les
perspectives du rail communautaire et de formuler des recommandations visant à
en renforcer la compétitivité. Le message principal du rapport est simple : le
rail devra changer radicalement s'il veut survivre au début du siècle
prochain.
Je suis convaincu que nous travaillons à ce changement. La majorité du groupe
du Rassemblement démocratique et social européen soutiendra donc votre projet,
monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat.
M. le président.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, dans
ce débat que les minutes qui passent rendent de plus en plus confidentiel, je
voudrais vous dire que préparer la SNCF au choc du futur en lui donnant les
chances d'être l'un des grands du transport du XXIe siècle est assurément l'une
des affaires majeures de la nation.
Peu de dossiers ont, en effet, suscité autant de commentaires,
d'interrogations, de constats, de propositions, de questions, de doutes,
d'inquiétudes et d'attentes que cette réforme nécessaire, annoncée depuis
longtemps et, grâce à vous, commencée depuis seulement quelques mois.
Monsieur le ministre, dans le débat qui, à l'Assemblée nationale, a précédé le
nôtre - et ce ne fut pas sans dépit pour le Sénat - vous avez répondu à
l'essentiel de ces attentes souvent crispées et, du même coup, aux commentaires
et questions qui surgissent de notre présent débat.
Vous avez annoncé d'entrée de jeu, et confirmé devant nous aujourd'hui, que
l'Etat reprenait à son compte une partie de la dette d'investissement, qu'il
entendait désormais assumer pleinement sa responsabilité dans le domaine de
l'infrastructure.
Comment ?
En ouvrant largement la porte à une régionalisation accrue, offrant ainsi aux
régions la chance du succès mais aussi le risque, qui n'est pas mince, de
l'échec : il sera plus facile de se retourner contre la région que contre
l'Etat quand les choses n'iront pas bien !
M. Roland Courteau.
Oh oui !
M. François Gerbaud.
En affirmant que la SNCF resterait une entreprise unique, sans changement
statutaire.
En précisant que, au terme de nécessaires clarifications des responsabilités
respectives de l'Etat et de l'entreprise, la SNCF verrait confirmer sa double
mission de transporteur et de gestionnaire de l'infrastructure.
Bref, vous avez clairement répondu à des attentes impatientes. Vous avez
surtout vaincu un doute, celui-là même qui semblait figer dans une incertaine
problématique la réforme trop longtemps attendue du rail français, dans une
Europe ferroviaire déjà rénovée, modernisée, concurrentielle.
Vous avez ainsi également répondu aux attentes et propositions du Sénat. Du
rapport Haenel, hier, au rapport du groupe de travail du RPR, aujourd'hui, le
Sénat s'est beaucoup investi dans une recherche de solutions susceptibles de
mettre la SNCF en phase avec ce que je crois être cette quadruple exigence du
temps : une ambition industrielle ; l'intégration de l'échelle européenne ; les
impératifs de l'aménagement du territoire ; l'incontournable dimension
humaine.
Les hommes, surtout ! Je veux dire les cheminots.
Tout au long de l'histoire du rail français, ils ont, de génération en
génération, fait preuve d'un attachement presque charnel à leur entreprise. Et
je sais beaucoup d'entreprises qui envient la SNCF ! Cet attachement est si
fort et si permanent qu'il donne aux réformes de structure engagées la
dimension d'une véritable révolution culturelle.
Ce sont des hommes qui, dans la tradition du rail, n'ont jamais cessé de
conjuguer leur héroïsme et leur légende. Je suis de ceux qui pensent, et qui le
disent, que la réforme ne peut se faire qu'avec eux et qu'elle ne se fera pas
sans eux.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. François Gerbaud.
Vous l'avez dit « ministériellement ». Je tenais à le redire à ma manière,
romantique peut-être, réaliste sûrement.
Convaincu, monsieur le ministre, qu'en choisissant ce préalable humain et
social qui fait des cheminots les propres acteurs de leur devenir, vous avez
obtenu le feu vert d'un préjugé favorable. Comment ne nous en réjouirions-nous
pas, nous qui le souhaitions tant ?
De nombreuses questions subsistent toutefois.
Structure nouvelle pour les infrastructures à responsabilité d'Etat, c'est
bien ; c'est même très bien puisque c'est la première des clarifications. Mais
quel type de structure ? Quel mode de gestion ? Comment y seront représentés
les élus locaux et les collectivités territoriales ? Quelles infrastructures ?
Qui les définira avant et après le schéma directeur des réseaux ferroviaires
prévu en 2015 ? Qui en établira les priorités ? Quand M. Rouvillois vous
remettra-t-il le rapport sur les TGV que vous lui avez demandé ?
En dehors des grands axes nationaux et européens, quelle sera la place des
infrastructures interrégionales consenties à une active politique d'aménagement
du territoire ? Comment seront-elles financées dans les financements appelés
?
Quelle sera, au-delà des voies nouvelles, la part réservée à la modernisation
des réseaux classiques et aux matériels qui, tel le pendulaire, peuvent être,
en vitesse, fréquence, confort et sécurité, des réponses pragmatiques et
rapides, essentielles conditions d'une reconquête commerciale par une offre
plus séduisante aux voyageurs, le réalisme économique ne permettant pas
l'ambition d'un TGV dont on perçoit bien aujourd'hui les limites ?
Je pense en particulier au TGV Est, qui me fait paraphaser Jacques Brel : «
T'as voulu voir Strasbourg, fallait commencer par voir Florence ! »
Sans tomber dans le particularisme local, je voudrais donner aux propositions
et à l'attente que je viens d'exprimer l'illustration d'un exemple :
l'historique et héroïque ligne Paris-Toulouse, qui dessert le département de
l'Indre, cher à mon coeur, Limoges, Brive, sans oublier, bien entendu, Cahors
et Montauban, et pourquoi pas Souillac ?
Historique, cette ligne, puisqu'elle a été, à partir de la fin du siècle
dernier, un formidable atout d'aménagement du territoire pour des régions qui,
sans elle, se seraient sans aucun doute repliées sur elles-mêmes.
Historique aussi parce que c'est sur ses voies qu'a circulé le premier train à
grande vitesse : le « Capitole ».
Héroïque puisqu'elle a très largement participé à la bataille du rail et à la
libération de la France.
Exemplaire, enfin, parce qu'elle permet d'illustrer l'amélioration de l'offre
ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Brive, ce qui sera à mon sens, et sur
d'autres liaisons du même type, une ardente obligation nationale de la SNCF de
demain, dans le double objectif d'une politique économique et d'aménagement du
territoire.
En plus de la région d'Ile-de-France, où se trouve son terminus parisien,
cette liaison concerne les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées, soit un
vaste territoire rural, de très grandes cités et des millions de gens.
Cette très grande partie du territoire national n'entend pas rester à l'écart
de la modernisation du rail. Le TGV-Limousin n'y fut le rêve que de certains et
d'un instant ; pour un gain de cinquante minutes entre Paris et Limoges, le
système TGV appellerait un investissement de 10 milliards de francs, ce qui
n'est pas réaliste.
Ce qui l'est beaucoup plus, c'est, au terme de longues concertations avec les
acteurs concernés, le choix du matériel pendulaire pour desservir la
liaison.
Cette technique, que la France a quelque peu boudée, a été mise à l'épreuve
des faits chez nombre de nos voisins européens. Elle s'affirme comme pouvant
procurer des gains de temps importants et un meilleur confort quand la voie est
de bonne qualité, ce qui est le cas pour la liaison qui me sert d'exemple.
L'investissement nécessaire afin d'optimiser les performances du nouveau
matériel porte sur des améliorations d'infrastructure : suppression des
passages à niveau ; alimentation électrique et signalisation.
Ces améliorations seront-elles prioritaires dans la gestion des
infrastructures du nouvel établissement public que vous annoncez ?
Pouvez-vous nous confirmer que l'automne pourrait voir la mise en circulation
de ce nouveau matériel, ne fût-ce qu'à titre expérimental ? Quel type de
matériel sera choisi ? Monsieur le ministre, n'est-il pas maintenant possible
et souhaitable d'accompagner le projet de pendulaire que permet l'association
de GEC-Alsthom avec le canadien Bombardier ? Ce serait un « plus » significatif
pour notre industrie ferroviaire.
Quoi qu'il en soit, les riverains de la ligne, et ceux qui en sont plus
éloignés, attendent cette modernisation avec impatience.
Elle répondrait, par un gain de temps de trente minutes entre Paris et
Limoges, à cette politique d'aménagement du territoire qu'il ne faudra jamais
perdre de vue, et cela pour un coût plus de deux fois moins élevé que
l'investissement TGV, la modernisation en question pouvant approximativement
coûter entre 1 milliard et 3 milliards de francs.
L'entreprise doit adopter un nouveau comportement, alliant la culture
technique, dont elle a la maîtrise - depuis qu'au XIXe siècle elle s'était
donné la religion, sous le vocable « d'optimum théorique », d'une lecture de
gravité de la population, ce qui lui permit de créer quelquefois des gares à la
campagne, entre deux villes - à une technique de service qu'il lui faut
maintenant acquérir, ce qu'elle commence à faire.
En effet, pour satisfaire la collectivité nationale, l'organisation doit se
tourner complètement vers le client, qui n'est pas le voyageur-usager.
L'objectif unique doit être la corrélation entre la satisfaction
professionnelle du cheminot et la satisfaction commerciale du client.
D'ailleurs, les syndicats ont déjà intégré cette notion de satisfaction du
client. En effet, lors de leur marche du 6 juin dernier, la mobilisation ne
s'est pas faite au détriment du client. Ce signe, qui est peut-être passé
inaperçu, a prouvé, en tout cas, la capacité de réforme du personnel de
l'entreprise publique.
Les comportements commencent à changer au sein du personnel, qui doit, de
toute façon, prendre rapidement conscience des enjeux économiques et sociaux de
sa responsabilité.
Il est aujourd'hui de fait que, sous l'impulsion et l'autorité de management
de M. Le Floch-Prigent, dont je salue l'efficace présidence et que j'accompagne
de tous mes voeux, le client redevient l'objet de sollicitudes et d'attentions.
Il n'est pas encore le client « roi », mais il est déjà le client « prince » !
C'est sans doute là le premier signe de cette mutation attendue, que vous avez
eu le courage et la détermination d'engager.
Ainsi rénové dans ses structures, ses conceptions et son comportement, le
transport ferroviaire reprend tous ses droits et toute sa puissance dans
l'organisation concurrentielle des transports, à côté de la route, qui atteint
très vite ses limites, de l'avion, qui répond à de nouveaux besoins, et des
canaux.
En quelque sorte, on assiste à une nouvelle naissance de cette impérative
intermodalité, dont, après en avoir été la victime, le rail redevient un atout,
renaissance qui impose du même coup - et c'est, monsieur le ministre, toute
votre responsabilité - la nécessité de mettre en place, sans nier
d'indispensables concurrences, une politique de transport harmonieuse et
cohérente.
Beaucoup de bousculade en perspective ! Mais cela vaut le voyage, pour peu que
nous ne laissions personne sur le quai de la gare, surtout si elle s'appelle «
demain »... Croyez-moi, en l'occurrence je préfère que l'on aille de Waterloo à
Austerlitz !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, vous me pardonnerez de revenir sur l'aménagement du
territoire, mais le transport par voie ferrée en est un élément essentiel.
Lorsque, à l'automne dernier, nous avons lu dans la presse que les 6 000
kilomètres de ligne que la SNCF envisageait de fermer touchaient
particulièrement les zones rurales, nous en avons été consternés.
Certes, l'information, apparemment exagérée, a été démentie. Mais nous avons
alors, une fois de plus, pris conscience de la difficulté qu'il y avait à
mettre en pratique les objectifs de la loi d'orientation sur l'aménagement et
le développement du territoire.
Cette loi prévoit, en effet, qu'en 2015 aucune agglomération, aucun bassin de
vie ne devra se trouver à plus de quarante minutes d'une gare TGV. Nous en
sommes bien loin dans certaines régions.
Dans les zones fragiles, les voies ferrées sont longues et sinueuses, leur
entretien est assuré au minimum, le matériel est souvent obsolète et les gares,
elles-mêmes, sont mal entretenues. Tout cela éloigne les usagers du train.
Combien d'horaires ne sont pas respectés ni coordonnés ? Combien de ruptures
nécessitant un changement découragent les voyageurs ?
Il ne faut donc pas s'étonner que seule une population que nous appelons
captive, à savoir les jeunes et les personnes âgées, prenne le train, alors
qu'il nous faut retrouver des clients pour rendre ces lignes, qualifiées
injustement de secondaires, moins déficitaires.
Aussi, les décisions que vous nous annoncez, monsieur le ministre, vont dans
le bon sens. Je connais votre attachement au service public, mais il faut aussi
qu'à tous les niveaux de décision cette volonté soit relayée. Certes, le
service public a un coût, mais il faut trouver des solutions pour rendre
celui-ci acceptable.
Une approche au plus près des problèmes, dans un esprit pragmatique, est
possible. Permettez-moi à cet égard de citer mon département, la Lozère, dans
lequel nous avons mené plusieurs expériences.
En premier lieu, nous avons convaincu la SNCF de réaliser une enquête
spécifique et approfondie sur le besoin réel de la population en matière de
transport ferroviaire et public.
Cette enquête a débouché sur une refonte complète du service SNCF : de
nouveaux trains ont été mis en service, d'autres ont été remplacés par des cars
et un dispositif de rabattement sur les gares, par taxis, a été mis en
place.
Cet ensemble fonctionne et l'on a pu voir, sur certains trajets, le nombre de
passagers augmenter nettement. Pourtant, seuls les horaires avaient été
modernisés. Qu'en serait-il si le matériel et la rapidité du service l'avaient
été aussi ?
S'agissant de la rapidité du service, nous avons, avec la collaboration de la
région Languedoc-Roussillon, testé un train pendulaire - on en a beaucoup parlé
- qui nous avait été prêté par les chemins de fer allemands.
Cet essai nous a donné satisfaction car il a permis d'augmenter la vitesse du
train et de raccourcir le temps de parcours, ce qui rend le train beaucoup plus
attractif et améliore le confort des voyageurs.
Ces quelques exemples nous montrent que des solutions existent et que, à côté
des TGV, il y a place pour des réseaux régionaux qui, eux, répondent réellement
aux besoins des populations.
Certaines décisions seront sans doute difficiles à prendre et nous en sommes
conscients. Mais le risque de désertification rurale existe bien. Il faudra
donc procéder à des choix cohérents.
Ainsi pourrons-nous assurer les meilleures conditions d'un service public soit
par le chemin de fer, soit par la route lorsque cela est possible. Mais le
transfert par la route a aussi ses limites dans les régions au relief
difficile.
Il ne faut pas oublier non plus, à l'heure où nous parlons et où nous
légiférons pour préserver la qualité de l'air, que le transport combiné
rail-route est une solution. Je rappelle qu'un train de marchandises représente
une cinquantaine de camions.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Janine Bardou.
Pour le transport des passagers, comme pour celui des marchandises, des
solutions en matière d'aménagement du territoire sont donc possibles.
Je comprends qu'une entreprise de transport ferroviaire, comme toute
entreprise saine, doit dégager des marges sur chacune de ses activités. Mais
nous ne pourrons échapper, pour les lignes de service public et d'aménagement
du territoire, à une compensation publique suffisante. Cela me semble
indispensable.
Si j'ai exprimé ainsi les inquiétudes des habitants des zones difficiles, je
n'en oublie pas pour autant, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat,
à quel point, dans ce dossier délicat, votre démarche de restructuration de la
SNCF est ambitieuse, courageuse et innovatrice, et à quel point cette réforme
est indispensable. Permettez-moi de vous en féliciter et de vous en
remercier.
Certes, les Français prennent moins le train, ils le boudent même parfois,
mais ils sont restés très attachés à ce mode de transport.
La SNCF dispose d'atouts, tant d'un point de vue humain que d'un point de vue
technique. En menant une politique globale, elle doit pouvoir assurer la
desserte des zones rurales et fragiles, tout en s'ouvrant sur l'Europe. Cela
n'est pas incompatible.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, sur
la volonté du Gouvernement pour que l'égalité des citoyens passe aussi par
l'égalité des territoires. Nous vous en remercions par avance.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR. - M. Peyrafitte applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, je suis réellement convaincu de l'avenir du rail, compte tenu
de ses formidables atouts. Pourtant, force m'est de constater, comme la plupart
de mes collègues, que la SNCF est aujourd'hui en crise.
La réalité est là : les progrès en matière de productivité se sont
malheureusement traduits par une diminution du nombre d'emplois, de lignes, de
gares, d'arrêts, de points de desserte et, donc, par une baisse des
recettes.
Le transport de fret n'est plus, depuis des années, la priorité de la SNCF.
Elle enregistre ainsi une forte baisse du wagon isolé et une relative
stagnation des trains complets et, même s'il convient de reconnaître la
réussite technique incontestable du TGV, il faut bien avouer que la direction
de la SNCF n'a pas su prendre en compte les évolutions de la demande et
répondre à la nécessité d'améliorer ses services.
La SNCF a souffert, outre d'une direction trop sûre d'elle, d'un manque de
dialogue, des conséquences des investissements massifs en faveur du TGV au
détriment des grandes lignes classiques et du maillage du territoire ainsi que
des conditions de concurrence inégales avec la route.
Dès lors, comment s'étonner des pertes régulières de parts de marché ? Or,
l'intérêt de notre pays commande de redonner un deuxième souffle à la SNCF,
d'autant qu'elle répond à l'intérêt général en même temps qu'à des impératifs
économiques, écologiques et de sécurité.
Je veux réaffirmer dans cette enceinte, comme je l'ai fait devant les
premières assises du rail, qui se sont tenues récemment à Narbonne, toute
l'importance de la péréquation tarifaire, clé de voûte du service public
ferroviaire, mais aussi l'indispensable préservation de l'unicité de la SNCF et
l'attachement des Français à sa mission d'intérêt général en matière
d'aménagement du territoire et de service public. Ces missions doivent faire
l'objet de compensations publiques adéquates.
Mais je veux aussi insister sur l'urgence de la mise en place d'un schéma
intermodal des transports et d'une loi de programmation qui mette en
perspective les objectifs et les moyens financiers, en faisant toute sa place
au rail.
Enfin, je tiens à rappeler l'un des principes généraux de la LOTI, à savoir
une politique multimodale qui s'exerce, « dans le respect des règles de
concurrence et de complémentarité, entre différents modes de transport... ».
J'ai d'ailleurs noté, sur ce point, monsieur le ministre, que vous n'aviez pas
formulé de propositions permettant de parvenir à un réel équilibre des
conditions de concurrence entre le rail et la route.
Cela dit, la reconquête du rail passera d'abord par la résorption totale par
l'Etat de la dette dont il est largement responsable.
Elle passera par un service public de voyageurs et de marchandises, dont la
qualité est indissociable de bonnes conditions sociales pour le personnel, du
maintien du statut et du régime de retraite. Sur ce point, des garanties
écrites doivent être données pour le long terme.
La reconquête passera aussi obligatoirement par une véritable démocratisation
de l'entreprise, impliquant mieux le personnel dans les décisions.
Il faut aussi valoriser les gares, humaniser l'accueil et changer de politique
commerciale. Il convient donc de redynamiser l'offre et de faire les efforts
d'adaptation nécessaires.
Vous avez annoncé un plan, monsieur le ministre, concernant le désendettement,
le traitement de l'infrastructure et la régionalisation. Mais je note tout
d'abord la disparition du contrat de plan qui était pourtant prévu à l'article
24 de la LOTI.
L'Etat renoncera-t-il à ses obligations et banalisera-t-il le transport
ferroviaire ? Laissera-t-on à la seule SNCF le soin de décider de ce qui sera
souhaitable ou non pour la nation ? Où seront définis les objectifs, les
missions de service public ? Cela signifie-t-il qu'il n'y aura plus de
politique d'aménagement du territoire fondée sur les transports et impulsée par
l'Etat ?
Formaliser les rapports Etat-SNCF sur la base d'un simple échange de
courriers, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, ne me paraît pas
satisfaisant. Il faut en revenir au contrat de plan.
S'agissant du désendettement, pour donner un nouveau départ à la SNCF, une
remise à zéro des compteurs est indispensable.
En effet, les 83 milliards de francs de dettes que conservera la SNCF ou les
125 milliards de francs de l'EPIC ne compromettront-ils pas, dès le départ,
l'avenir de ces deux établissements ?
Laisser cette dette à la charge de la SNCF cette entreprise à céder ses
filiales, à engager son démantèlement et à poursuivre sa politique de
dégraissage. C'est ce que certains ici appellent pudiquement « le recentrage de
la SNCF sur ses activités ».
Comment la SNCF va-t-elle accroître son offre, améliorer la qualité, s'engager
vers la nécessaire expansion avec un tel boulet qui générera, chaque année,
entre 6 et 7 milliards de francs de frais financiers, sans compter le poids de
la charge d'un péage aujourd'hui évalué à 7 milliards de francs ? Prenez garde,
monsieur le ministre, à l'évolution de cette redevance.
Comme vous l'avez vous-même dit, l'Etat ne doit pas reprendre d'une main ce
qu'il donne de l'autre s'agissant de la reprise partielle de la dette. Je
crains que cette dette ne serve à maintenir la pression sur les salaires et sur
l'emploi.
A ce propos, je rappelle encore que le budget de 1996 de la SNCF prévoit
toujours 4 500 suppressions d'emplois. Sa révision me paraît donc
nécessaire.
Monsieur le ministre, au moment où la SNCF annonce qu'elle veut mieux servir
sa clientèle, elle supprime des emplois sur Narbonne, par exemple, et dans le
département de l'Aude. Quel double langage surprenant !
Le nouvel établissement responsable de l'infrastructure constitue un autre
motif d'inquiétude. Avec ses 125 milliards de francs de dette, sans compter les
charges de 1996, quel sera le mécanisme de désendettement de cet EPIC et pour
quels montants ? Comment va-t-il équilibrer ses comptes, moderniser le réseau
et, en même temps, investir dans de nouvelles lignes ?
Les cheminots, les usagers et les collectivités locales seront-ils associés à
la gestion de l'EPIC ? Quel sera le statut des personnels ? Ne faut-il pas
redouter que certains ne soient tentés, demain, pour financer cet
établissement, de vendre les actifs ou d'ouvrir l'accès de nos infrastructures
à différents exploitants, privés ou non ?
Il est en effet préoccupant que vous ayez créé un EPIC distinct de la SNCF,
alors qu'il aurait été possible de se contenter d'une séparation comptable, au
sein même de la SNCF, entre les comptes d'exploitation et d'infrastructure.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire part de mes craintes.
Existe-t-il un lien entre la solution retenue par le Gouvernement et le projet
d'extension de la directive européenne, sur lequel travaille la Commission
européenne, qui ouvrirait les droits d'accès à l'infrastructure à des
entreprises concurrentes, pour le cabotage et les transports internationaux de
voyageurs, par exemple ?
Une telle situation serait gravissime. En effet, les lignes rentables seraient
prises d'assaut, alors que seraient marginalisés les autres lignes et donc le
service public. Quant à la guerre des prix qui ne manquerait pas de faire rage,
elle poserait, à terme, des problèmes de sécurité.
Je tiens donc à rappeler que la SNCF doit être le seul opérateur en charge de
l'exploitation. Je souhaite avoir la garantie qu'aucune autorité administrative
ne sera chargée de l'attribution des sillons.
Par ailleurs, monsieur le ministre, votre plan restera sans incidence sur la
nécessaire reconquête, si l'on n'instaure pas, enfin, l'équilibre des
conditions de concurrence entre le rail et la route.
Vous vous devez de proposer au Parlement des dispositions pour établir les
fondements d'une concurrence loyale, bâtis sur la vérité des coûts externes et
sociaux.
Des amendements ont été déposés au Sénat dans le cadre du projet de loi sur
l'air. Ils visent à engager l'Etat « à prendre des mesures de coordination
intermodales pour permettre à la SNCF d'obtenir chaque année sur cinq ans un
gain de 1 p. 100 à 2 p. 100 dans la part qu'elle détient dans le trafic de
transport terrestre des marchandises ». On connaît malheureusement le sort qui
a été réservé.
Selon moi, le transport ferroviaire de marchandises doit relever de la mission
de service public. Je rappelle que le président de la SNCF, que j'ai interrogé
en commission des affaires économiques, s'est dit prêt à accepter une telle
mission.
Monsieur le ministre, le transport combiné, c'est aussi assurément l'avenir.
L'intérêt général commande de s'engager dans cette voie en raison de l'avantage
économique et écologique que la nation en tirerait.
Des incitations s'imposent ainsi que des financements nationaux et européens
pour la réalisation des infrastructures nécessaires.
Il faut établir un schéma national de transport de marchandises pour
l'ensemble des modes qui prendrait en compte le transport combiné, à travers un
schéma national des plates-formes multimodales.
Je précise que nous attendons depuis plusieurs années à Narbonne ce carrefour
de l'Europe du Sud, une plateforme renforçant les échanges rail-route-mer. J'ai
d'ailleurs souhaité relancer une nouvelle fois ce dossier en vous demandant
récemment, monsieur le ministre, de procéder à de nouvelles études. Soyez
assuré de notre vigilance sur cette question.
S'agissant de la régionalisation - et j'en terminerai là - plusieurs
conditions doivent impérativement être réunies.
Il importe d'abord que, dans le cadre général de l'aménagement du territoire,
il n'y ait pas abandon de la responsabilité de l'Etat et de la solidarité
nationale. L'Etat doit maintenir la solidarité de la nation envers les régions
pauvres au travers d'un fonds de péréquation.
En effet, la notion de service public serait mise à mal si les usagers
français venaient à être traités différemment selon la région dans laquelle ils
habitent. Ainsi, une libéralisation de la tarification est impensable, car elle
remettrait en cause le service public, donc le développement solidaire des
territoires.
Une dépéréquation spatiale serait inacceptable, tout comme le fait de confier
l'exploitation des lignes régionales à une entreprise autre que la SNCF.
De même, la reconquête de la clientèle passera par l'indispensable
modernisation des lignes et des infrastructures régionales. Faute de
modernisation ou de remise à niveau, la fréquentation baissera et l'on en
déduira qu'il faut fermer telle ou telle ligne, ce qui entraînera la
disparition du service public lui-même.
Dans ce cas, il ne faudrait pas que la régionalisation finisse par n'avoir
d'autre but que de transférer aux régions l'écrasante responsabilité de la
fermeture des lignes.
Selon un audit, l'actuelle contribution de 4 milliards de francs, versée par
l'Etat pour le transport régional, devrait être augmentée de près de 1,9
milliard de francs dans le cadre de ce transfert de compétences.
En s'orientant vers la régionalisation, l'Etat sera-t-il prêt à envisager tous
les efforts financiers nécessaires ?
Dans le cas contraire, les déséquilibres entre les territoires ne feront que
s'accentuer par l'application d'une régionalisation dogmatique, tandis que le
service public sera marginalisé.
En conclusion, je suis convaincu que le chemin de fer sera le mode de
transport du XXIe siècle, à la condition que nous sachions miser, sans
finasser, sur ce remarquable outil. Le moment est décisif ! En avez-vous la
volonté, monsieur le ministre ?
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, j'ai souhaité intervenir en tant que rapporteur spécial des
crédits des transports terrestres à la commission des finances. Certes, la
dimension financière n'est pas la seule dimension importante de notre débat.
Cependant, ce sont bien les difficultés financières de la SNCF qui mettent en
péril son existence, puisque sa technologie et la compétence de ses hommes sont
parmi les meilleures du monde.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Auguste Cazalet.
Les Français sont attachés à la SNCF.
M. Emmanuel Hamel.
C'est vrai !
M. Auguste Cazalet.
Ils consentent ainsi collectivement à prélever chaque année 50 milliards de
francs sur le fruit de leur travail pour elle. Cette somme comprend le budget
des transports terrestres - 40 milliards de francs - mais aussi les subventions
du ministère de la défense, du syndicat des transports parisiens, des
collectivités locales, et les compensations entre régimes de retraite. Cette
somme est élevée, puisqu'elle excède largement les recettes commerciales du
transport ferroviaire - 40 milliards de francs - et représente les cinq
huitièmes des recettes d'exploitation de la compagnie.
Pourtant, il apparaît que cette somme ne suffit pas.
Se pose d'abord le problème de la dette. Celle-ci, d'un montant de quelque 180
milliards de francs à la fin de 1995, sans compter les 31 milliards de francs
déjà repris en charge par l'Etat, génère des frais financiers de plus de 14,5
milliards de francs et un déficit financier de plus de 11 milliards de francs.
Un cheminot sur quatre travaille aujourd'hui au financement de cette dette.
Cette situation n'était pas tenable, et il était nécessaire que l'Etat prenne à
sa charge une nouvelle fraction. Reprendre la partie de la dette correspondant
à l'infrastructure est une idée logique, puisque celle-ci incombe à l'Etat.
Ainsi, 125 milliards de francs seront repris par l'établissement public qui
sera créé pour porter l'infrastructure. Monsieur le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, je souhaite vous poser sur ce point trois questions.
Au taux d'intérêt moyen de la dette de la SNCF - environ 8 p. 100 - la reprise
de cette dette n'allège les charges de l'entreprise que de 10 milliards de
francs, laissant à sa charge un déficit résiduel de 6,6 milliards de francs si
l'on se réfère aux comptes de 1995. Première question : cet effort sera-t-il
suffisant pour permettre à la SNCF de se redresser ?
Deuxième question : le nouvel établissement public reprendra-t-il la charge de
l'actuel service annexe ?
Enfin, troisième question : comment l'établissement public financera-t-il
cette charge ? Percevra-t-il une subvention de l'Etat et peut-on savoir à
combien celle-ci s'élèvera ? Détiendra-t-il des actifs, autres que les
infrastructures, qu'il pourra céder pour se financer ? Il apparaît en tout cas
que, pour ce qui concerne la SNCF elle-même, une politique de cession des
actifs qui ne constituent pas le coeur de son métier doit être entreprise.
M. Roland Courteau.
Et voilà !
M. Auguste Cazalet.
Quoique membre de la commission des finances et soucieux de l'assainissement
de nos finances publiques vis-à-vis des critères de l'Union monétaire
européenne, je ne m'étendrai pas sur la prise en compte des 125 milliards de
francs repris par l'Etat dans la dette publique au sens de ces critères. Le
problème est, selon moi, secondaire. Pour les agences de notation et les
marchés financiers, la dette de la SNCF est déjà celle de l'Etat, sinon la
signature de la SNCF, entreprise déficitaire et surendettée, ne serait pas
considérée comme l'une des meilleures. C'est tant mieux : cela permet à la SNCF
d'obtenir des taux d'intérêt peu élevés. Ce qui importe, c'est de s'attaquer
avec efficacité à la résorption de cette dette, ce que vous êtes déterminés à
faire, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre.
Se pose ensuite le problème de l'infrastructure. La division des tâches entre
la SNCF, exploitant du réseau de l'Etat, détenteur de ce réseau, va clarifier
les responsabilités, conformément à ce que prévoient les règles européennes.
Cette clarification est aussi conforme à des normes de bonne gestion, qui vous
ont paru évidentes, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre. Compte
tenu de sa situation financière, la SNCF ne peut plus accepter d'investir à
perte. Il devra en être de même pour le nouvel établissement public.
Autrement dit, la séparation des deux tâches n'a de sens que si elle se
traduit, à terme, par le retour à l'équilibre des deux comptes. La gestion des
infrastructures n'a aucune vocation naturelle à être déficitaire, ainsi que le
montre l'expérience des sociétés d'autoroute, qui remboursent leurs
investissements par le péage. Une juste rétribution devra donc être acquittée
par la SNCF à l'établissement public. Mais peut-être que, à l'instar du réseau
routier, il faudra distinguer les infrastructures payantes et rentables des
lignes non rentables et gratuites. C'est un choix qui devra être fait en toute
connaissance de cause par la collectivité nationale, qui contribue aujourd'hui
pour 13 milliards de francs aux charges d'infrastructure.
Peut-être serait-il également plus raisonnable d'attendre que les comptes
actuels du chemin de fer soient en voie de redressement sensible avant
d'entreprendre des chantiers très coûteux et dont la rentabilité est précaire.
Songez-vous, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, à un étalement
des investissements prévus ?
Enfin, le trosième volet de ce nouveau plan de redressement porte sur la
régionalisation. Cet axe, tracé par notre collègue Hubert Haenel, était déjà un
des points forts du projet de contrat de plan. Il n'est, en effet, contesté par
personne.
Sur ce dossier aussi, un accroissement des charges de l'Etat est à prévoir. En
effet, la contribution de l'Etat aux services régionaux de voyageurs est de
quelque 4 milliards de francs, pour des recettes totales de l'ordre de 8
milliards de francs. Or, les charges de ce compte s'élèvent à environ 9
milliards de francs. Si l'Etat ne veut pas transférer de charges nouvelles aux
régions, il devra verser environ 1 milliard de francs supplémentaires, à
commencer par la quote-part des régions volontaires pour expérimenter la
gestion de leurs services de transport. Les régions sont les mieux placées pour
connaître les besoins en matière de dessertes intrarégionales. Cette réforme
doit permettre des choix plus rationnels. Probablement faudra-t-il remettre en
cause certaines liaisons ferroviaires, au profit du transport routier par
autocar. N'oublions pas que les régions, autorités organisatrices de transport,
ne seront pas uniquement responsables du transport par voie ferrée, mais auront
aussi la responsabilité de tous les modes de transport public. Elles auront
donc intérêt à la définition du meilleur service, le moins coûteux pour le
contribuable. Dans certains cas, ce sera le train, dans d'autres, la route.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, je forme des voeux pour la
réussite de ce plan, qui aura vraisemblablement le soutien de la commission des
finances - je le dis bien que je n'aie pas reçu de mandat de sa part.
M. Emmanuel Hamel.
Vous raisonnez toujours très bien !
M. Auguste Cazalet.
Dans le contexte de grandes difficultés budgétaires que connaît notre pays,
cette réussite se mesurera non seulement au retour à l'équilibre de la SNCF,
dont les conditions sont maintenant réunies, mais aussi à notre capacité, à
nous gestionnaires publics, de ne pas laisser dériver les dépenses à la charge
des collectivités publiques, ainsi que nous y conduisent les conclusions du
débat d'orientations budgétaires.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. François Gerbaud.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Heinis, qui dispose de six minutes.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, je m'efforcerai de respecter le temps de parole qui
m'est imparti.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
grève de l'automne 1995, causée par des réactions passionnelles sur l'avenir
des régimes de retraite, a laissé des traces profondes dans l'image commerciale
de la SNCF, provoquant une rupture avec la clientèle, qui s'est sentie prise en
otage. Le trafic s'est détourné et le compte d'exploitation s'en ressent.
Cette situation a en outre laissé des traces dans la vie sociale au sein de
l'entreprise.
A cet égard, la sortie de grève a été tout aussi catastrophique.
M. Félix Leyzour.
Ce n'est pas vrai !
Mme Anne Heinis.
Mais si !
Le président a été congédié. Etait-ce la meilleure façon de défendre
l'autorité du nouveau président et, si j'ose dire, de donner du coeur au ventre
à ceux qui, dans l'entreprise, sur le terrain, s'étaient engagés dans la voie
des réformes ? Je n'en suis pas sûre.
Et pourtant, la commission des affaires économiques avait alerté le ministre
sur ce point dès la fin du mois de juin 1995. Hélas ! le dossier est resté sans
solution.
Je voudrais attirer l'attention sur le fait que les syndicats, comme l'Etat et
certains cadres dirigeants, semblent poursuivre chacun leur rêve : rêve de
sécurité absolue et de privilèges de l'emploi sans contreparties ni évolution ;
rêve d'un service public qui n'aurait ni coût économique, ni contenu défini
entre obligations et partage des charges ; rêve de prestige et de choix
stratégiques faits au détriment d'un service utile à la clientèle.
Pourquoi faut-il tant de soubressauts dramatiques pour revenir à une vision
réaliste et dynamique du transport ferroviaire ? Cela fait-il partie de
l'histoire de France ? On peut se poser la question.
Pourtant, jamais la SNCF n'aura fait l'objet de tant de rapports. Je voudrais
retenir de ces derniers quelques réflexions qui me semblent essentielles,
quelques grands axes. Le premier, ce sont le règlement de la dette, la
responsabilité des infrastructures et la transposition de la directive CEE
91/440. Il s'agit, bien sûr, de la situation financière de l'entreprise.
Le deuxième axe, c'est la concurrence des autres modes de transport, qui pose
de façon absolue le problème de la reconquête commerciale : le service du
client, qu'il soit voyageur ou chargeur ; il faut aller vers le client et ne
pas espérer qu'il viendra vers vous.
Le troisième axe, ce sont les paradoxes de la mission de la SNCF, partagée
entre logique économique et volonté d'aménagement du territoire. Ma collègue
Mme Bardou a développé ce point essentiel.
Le quatrième axe est la définition du contenu de la mission de service public.
A mon sens, elle se concrétise, d'une part, dans la volonté de desservir
l'ensemble du territoire, les charges liées aux contraintes devant être
évaluées et compensées, d'autre part, dans la régularité et la continuité du
service public ; voilà qui nous ramène à la définition du service minimum
qu'avait évoquée notre collègue M. Habert, dans un amendement qu'il faudrait
sans doute reprendre.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous faites des
propositions qui, à mon avis, seront salvatrices.
Au niveau de la dette, l'Etat prendra 125 milliards de francs à sa charge ;
mais il restera 83 milliards de francs de dette à la charge de la SNCF.
Pourra-t-elle assurer cette charge ? Je le souhaite.
La constitution d'un établissement public à caractère industriel et commercial
à compter de 1997 me paraît une idée adaptée à nos engagements européens.
La constitution éventuelle d'une structure de cantonnement est une idée
retenue par la commission des affaires économiques et du Plan. Encore
faudrait-il savoir de quels actifs on parle. Nous avons vu à quels mécomptes
pouvait conduire le soldage des actifs immobiliers militaires en 1988.
J'observerai encore que la séparation de la dépense d'infrastructure et de la
dépense d'activité ferroviaire doit s'accompagner d'un processus clair
d'élaboration des décisions, des contours des compétences et de la
responsabilité de chacun des acteurs ; je partage votre avis à cet égard,
madame le secrétaire d'Etat.
J'ajouterai que, s'il paraît pertinent que les régions deviennent les «
autorités organisatrices » des transports régionaux, encore faut-il qu'elles
obtiennent certaines garanties dans l'accomplissement de cette mission, que les
moyens transférés par l'Etat soient suffisants et pérennes, qu'un mécanisme de
péréquation entre les régions plus ou moins défavorisées soit défini - on en
revient ainsi à l'aménagement du territoire - et qu'elles aient éventuellement
la possibilité de choisir l'exploitant des services régionaux de voyageurs,
surtout pour le cas où la SNCF se retirerait, y compris en faisant appel à des
services privés si nécessaire.
Voilà, très brièvement, ce que je souhaitais rappeler.
Mon propos n'est pas du tout pessimiste : c'est en effet sur la vérité que
l'on peut construire du solide et certainement pas sur la démagogie.
C'est vous dire que j'attends beaucoup, monsieur le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, du courage et de la résolution du présent gouvernement,
ainsi que de la volonté des cheminots de redresser leur entreprise. Elle est
essentielle. Il s'agit, en fait, d'un véritable choix de société qui assure la
pérennité de la SNCF - c'est ce que je souhaite - et le renouveau d'un service
public ferroviaire moderne au bénéfice du pays tout entier.
(
Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, après la remise en cause, quoi qu'on en dise, du service
public des télécommunications, c'est aujourd'hui la SNCF qui voit son rôle
d'opérateur unique de chemins de fer en France mis à mal.
Si l'on veut bien considérer la place du chemin de fer dans la politique
globale des transports, l'attachement des Français à la SNCF, en dépit de
mouvements d'humeur passagers, et l'ampleur des moyens financiers qui sont
concernés, reconnaissons ensemble que nous sommes aujourd'hui devant un choix
de société, ainsi que vient de l'indiquer Mme Heinis.
Nous sommes tous conscients des difficultés que connaît la SNCF : son
endettement, la reconquête commerciale qu'elle doit opérer, la concurrence des
autres modes de transport constituent autant de handicaps qu'elle doit, pour
l'heure, surmonter seule.
En résumé, le transport ferroviaire est en crise.
Cela ne signifie en rien que le chemin de fer constitue un mode de transport
dépassé. Si l'on sait tirer parti de ses atouts, si l'on veut bien s'attacher à
satisfaire les besoins des usagers, actuels ou potentiels, si l'on pense une
autre organisation du chemin de fer - chacun aura compris que je fais référence
aux plates-formes multimodales, qui sont, à mon sens, l'avenir du rail - alors
le chemin de fer pourrait devenir le mode de transport de l'avenir.
Certes, à l'heure actuelle, il n'est plus le mode de transport dominant. Mais
ne cédons pas à la facilité qui consisterait, de ce simple fait, à se détourner
de son avenir. Pourquoi ne pas trouver les moyens nécessaires et les mettre en
oeuvre afin que le rail retrouve sa juste place dans une politique globale et
nationale des transports ?
Permettez-moi d'émettre des doutes quant aux moyens que vous avez choisis pour
atteindre cet objectif, monsieur le ministre.
Vos solutions consistent d'abord à abandonner les contrats de plan auxquels
les cheminots sont pourtant très attachés. Comment comptez-vous donc formaliser
les relations de l'Etat et de la SNCF, en dehors de la simple lettre
d'intention que vous avez évoquée ?
Vous suggérez aussi de démanteler la SNCF en programmant la fin d'une
politique nationale en faveur du chemin de fer, par la suppression de l'unicité
du service.
Que n'a-t-on, dans ce cas, à craindre pour l'aménagement du territoire
national ? Quel sera dans cinq ou dix ans, le déséquilibre auquel devra faire
face notre pays ? Et que ne voit-on déjà les conséquences pour les usagers ?
Selon leur région de résidence, ils seront plus ou moins avantagés !
Vous instaurez une régionalisation qui remet en cause les missions de service
public, sous prétexte que le service public n'est pas lié à un mode de
transport. Vous faites fausse route !
Vous avez proposé un débat sur l'avenir de la SNCF. Mais entendez-vous
seulement nos propositions ? Vous n'avez même pas su tirer les leçons des
mouvements sociaux de la fin de l'année 1995. Pourtant, le message était clair
: un service public ferroviaire modernisé, performant, restructuré, avec des
gares qui soient de véritables lieux de vie, mais pas la suppression du service
public !
Comme pour les télécommunications, c'est un service public minimum que vous
souhaitez instaurez. Les Français n'en veulent pas, monsieur le ministre,
soyez-en assuré ! Ce qu'ils souhaitent, c'est une véritable organisation des
transports en commun sur tout le territoire, ce que la LOTI, la loi
d'orientation sur les transports intérieurs, avait initié.
Il faut clarifier la notion d'aménagement du territoire. Apparemment, nous
n'en avons pas la même conception ! Le rail est un facteur déterminant pour
lutter contre la désertification. Il garantit le service public et, par là
même, le droit au transport pour tous. C'est pourquoi son unicité doit être
garantie impérativement. L'Etat, de son côté, doit lui rendre les moyens
d'agir, et ce par l'absorption de la dette dont il est à l'origine.
La structure que vous proposez ne réglera pas cette question fondamentale
puisqu'elle ne portera les dettes de la SNCF qu'à hauteur de 125 milliards de
francs, laissant ainsi 80 milliards de francs à la charge de la SNCF. Par
ailleurs, la structure aura en charge les infrastructures, et cette charge
financière sera si lourde que, à terme, vous la démantèlerez certainement en la
privatisant. La question de la dette est entière : au lieu d'un seul
établissement endetté, il y en aura deux.
Permettez-nous de douter de la viabilité de l'EPIC que vous voulez créer. La
charge des infrastructures conduira, tôt ou tard, à faire appel à la
concurrence, mettant ainsi en danger le service public.
Monsieur le ministre, vous nous donnez le sentiment que ces cinq mois de
consultation n'ont pratiquement servi à rien
(M. le ministre manifeste son
étonnement.)
Votre solution consiste à transférer vos responsabilités sur
les régions. Ces dernières ne manqueront pas de s'adresser aux conseils
généraux, à moins que vous ne puissiez nous conforter dans l'idée d'une
participation financière suffisante de l'Etat dans le cadre d'un réel
rééquilibrage. Malheureusement, il s'agit purement et simplement d'un
désengagement de l'Etat plus que d'une solution d'avenir sereine.
Il me revient à l'esprit, dans ce contexte, le cas d'une famille tarnaise et
qui vivait alors près de mon domicile, que j'ai connue dans mon enfance. Cette
famille comptait sept enfants, dont le plus jeune avait à l'époque six mois et
l'aîné, neuf ans. Nous étions assez proches et fréquentions la même école.
La famille semblait unie ; mais un jour - on ne peut jamais préjuger de rien -
la mère a quitté le domicile familial ; quelque temps après, l'assistance
publique plaçait les enfants dans des familles différentes. Ce n'est que
vingt-cinq à trente ans plus tard que j'ai retrouvé la trace de mes anciens
petits camarades. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant qu'il n'y avait
plus aucun lien entre eux, les plus jeunes ne connaissant quasiment pas leurs
aînés ; ils ne portaient même plus le même nom.
En évoquant hier les télécommunications et, aujourd'hui, la SNCF, en
constatant à regret le sort que vous réservez à la Corse qui risque, demain, de
ne plus être la France, je déplore cet abandon général de l'Etat, du service
public, et je ne peux m'empêcher de penser à cette mère qui a abandonné ses
enfants et au déchirement engendré par sa faute.
Cette mère patrie qui chérit le principe d'égalité inscrit dans notre
Constitution ne pourra plus, demain, l'assurer dans le domaine des transports.
En effet, seules les régions riches seront en mesure de suivre financièrement
les évolutions technologiques, et les plus pauvres devront se contenter
d'entretenir le minimum.
C'est cela dont nous ne voulons pas !
M. Emmanuel Hamel.
C'est une caricature, vos propos sont excessifs !
M. Jean-Marc Pastor.
Vous choisissez et mettez en oeuvre pour le court terme des solutions d'autant
plus inefficaces qu'elles sont dangereuses. En effet, dans dix ou quinze ans,
les déséquilibres seront tels que l'Etat lui-même en sera affaibli.
Monsieur le ministre, vous confondez, me semble-t-il, désengagement et
décentralisation.
Je lance donc un appel à la sagesse propre à la Haute Assemblée. Puisse-t-il
être le signe d'un arrêt au transfert aux collectivités locales de tout ce qui
ne va plus dans ce pays ! Les collectivités locales sont aujourd'hui les seules
garantes d'un difficile équilibre porteur d'un véritable aménagement du
territoire. Or, avec cette réforme de la SNCF, vous le rendez impossible.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, je voudrais tout d'abord
vous remercier pour la volonté que vous avez manifestée de voir s'instaurer
devant la représentation nationale un débat sur la situation et l'avenir de la
SNCF. Pour ma part, j'y vois plusieurs raisons.
Depuis plusieurs années, en effet, chacun sentait, parfois confusément, que
l'entreprise SNCF, par son évolution interne et par l'évolution de
l'environnement économique, devait entreprendre une réflexion d'ensemble sur
son avenir et sur l'avenir des transports ferroviaires dans notre pays.
Associer à cette réflexion la représentation nationale paraît utile et
essentiel, car - tous les orateurs qui sont intervenus cet après-midi l'ont dit
- nous sommes attachés à cette grande entreprise. Mais nous sommes aussi
attentifs aux conséquences financières pour le budget de l'Etat, ainsi qu'à la
mission de service public et d'aménagement du territoire dont la SNCF est un
acteur principal.
Depuis quelques années, on ne compte plus le nombre de groupes de travail, de
commissions d'enquête parlementaires ou économiques, de chargés de mission qui
se sont intéressés à l'avenir de la SNCF.
Votre mérite, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, est d'avoir
souhaité qu'une synthèse de ces approches diverses soit réalisée et
qu'ensemble, en concertation avec l'entreprise, nous établissions un diagnostic
aussi précis que possible de la situation de la SNCF, pour définir à la fois un
pronostic sur son avenir et les moyens de sa meilleure insertion dans
l'environnement économique et social, en quelque sorte pour préconiser un
traitement permettant d'assurer sa pérennité. Monsieur le ministre, c'est une
démarche de praticien.
La commission d'enquête sénatoriale et le groupe de travail sur la SNCF ont
conduit, sous la responsabilité de M. Haenel, à qui je rends un hommage
particulier, une série de consultations approfondies permettant de définir des
axes de réflexion et - espérons-le - de proposer des solutions concrètes dont
l'urgence n'est plus à démontrer.
Il s'agit, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, de redéfinir les
responsabilités de l'Etat, des régions et de la SNCF.
C'est dans ce cadre parfaitement défini que se situent les interventions
successives dans ce débat : afin d'éviter les redites ou les redondances, les
membres du groupe de travail sur la SNCF se sont réparti les différents thèmes
qui inspireront notre réflexion commune.
Une évolution favorable de l'entreprise repose pour une part sur une
reconquête de la clientèle du chemin de fer, qu'il s'agisse du transport de
passagers ou de marchandises. A ce sujet, on ne peut que saluer l'effort
entrepris dans ce sens depuis quelques mois. Il résulte de la volonté autant de
la direction générale que des exécutants et de la base qui en ont saisi toute
l'importance.
Une des conditions de réussite qui s'ajoute à celles que je viens d'évoquer
passe aussi, à notre avis, par le recentrage de l'activité de l'entreprise sur
ses missions originelles : le transport de voyageurs et de marchandises, dont
la fiabilité apparaît comme une condition essentielle à la reconquête d'un
marché en récession depuis plusieurs années, ce qui, à terme, pourrait
compromettre définitivement la mission de service public et d'aménagement du
territoire de l'entreprise.
Monsieur le ministre, sans doute serait-il opportun de recenser de façon
exhaustive toutes les filiales dans lesquelles la SNCF possède des
participations et, par une approche pragmatique et objective, d'évaluer dans
quelle mesure elles relèvent ou non du service public.
Un certain nombre de ces activités, dont le nombre et la diversité surprennent
parfois, sont complémentaires du transport ferroviaire. Elles doivent être
maintenues - et même développées - alors que d'autres n'ont qu'un lointain
rapport avec la mission essentielle de la SNCF.
Un document réalisé par la SNCF et intitulé
Filiales et participations :
bilan 1995
a servi de base à ma réflexion.
Le nombre de filiales, l'importance des participations constituent une sorte
de « nébuleuse » qui n'a cessé depuis plusieurs années de connaître un
développement dont on saisit très imparfaitement l'évolution et la finalité, ce
qui laisse supposer un manque de réflexion globale conduisant à la définition
stratégique de la politique de la SNCF.
A l'examen de ce document, on constate que la rentabilité de ces filiales ne
cesse de diminuer : 497 millions de franc en 1989, 222 millions de francs en
1995. Il y a là une dérive qui n'est pas sans nous inquiéter.
Comment ne pas s'étonner que certaines de ces filiales concurrencent
directement l'activité de transport de la SNCF et contribuent à diminuer de
façon significative le plan de charge de l'entreprise, dont nous souhaitons
cependant l'évolution positive ?
Comment ne pas s'étonner, à la lecture du document précité, du nombre
important de salariés de la SNCF détachés et apportant leur collaboration à des
filiales n'ayant qu'un rapport lointain avec les missions spécifiques de la
SNCF, quand elles ne sont pas en concurrence avec elle ? On pourrait ainsi
parler du transport de surface transManche ou du tansport routier.
Certes, l'intermodalité, le transport combiné sont à l'ordre du jour et
constituent des éléments essentiels à une activité ferroviaire moderne et
adaptée. Mais il convient d'en fixer les limites et de réfléchir à la recherche
de certains partenariats pour, éventuellement, céder certains actifs, ce qui
permettrait le recentrage de la mission essentielle de la SNCF. Ainsi, cette
grande entreprise répondra à sa vocation de service public et contribuera
puissamment à l'aménagement du territoire.
Cette clarification nous est aujourd'hui imposée par la situation.
Nous sommes conscients de la difficulté de la tâche et de la nécessité de s'y
consacrer ensemble. En concertation avec tous les acteurs concernés, nous vous
aiderons, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, dans le cadre de
nos responsabilités, à mener à bien cette évolution capitale pour la SNCF, gage
de sa pérennité et de son développement.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre,
l'esquisse de projet dont vous nous saisissez aujourd'hui, après le débat qui a
eu lieu à l'Assemblée nationale, porte sur un schéma de réorganisation
d'ensemble dont il faut reconnaître la cohérence et le caractère novateur.
Dans le même temps, puisqu'il s'agit d'un point de départ, on peut redouter
qu'il ne renvoie un certain nombre de problèmes, notamment des problèmes
d'équilibre financier à moyen et long termes, à des échéances encore
incertaines.
Nous allons discuter à l'automne du projet de loi que vous nous avez annoncé
et je souhaite saisir l'opportunité de ce débat d'orientation pour appeler
votre attention sur l'application particulière de ce schéma aux transports
régionaux urbains, particulièrement en Ile-de-France, où ils représentent une
masse d'activités tout à fait significative pour la SNCF et une grande
spécificité dans les missions de l'entreprise.
Si j'essaie de me placer dans le dessein d'ensemble que vous nous avez décrit,
je constate que vont se distinguer une mission de gestion d'installations fixes
qui, là comme ailleurs, relèvera du nouvel établissement public à caractère
industriel et commercial, et une fonction d'exploitant. Or il me semble que,
dans ces deux fonctions, les missions particulières de l'entreprise en
Ile-de-France vont être assez spécifiques. Au demeurant, je crois pouvoir dire
que des raisonnements analogues seraient applicables aux grandes régions
urbaines : je pense notamment à la métropole lilloise ou à l'agglomération
lyonnaise.
Quoi qu'il en soit, les infrastructures ferroviaires en Ile-de-France
appellent des développements, des renforcements, des travaux importants et il
est donc nécessaire, dès l'instant où vous avez fait le choix de principe de ne
pas renouveler le mécanisme des contrats de plan Etat-SNCF, que vous nous
indiquiez quel peut être l'horizon financier, c'est-à-dire le mécanisme de
programmation de ces travaux d'infrastructures, dont certains ont un véritable
caractère de respiration pour le fonctionnement du transport en
Ile-de-France.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous êtes bien informés des
difficultés de fonctionnement quotidiennes que traversent un certain nombre de
liaisons dont la fréquentation est très élevée, et l'éventuel manque de
certitude quant aux dates de réalisation d'un certain nombre d'ouvrages, dont
l'absence provoque aujourd'hui sur le réseau des goulets d'étranglement, serait
véritablement source d'inquiétude.
De même, alors qu'en Ile-de-France les activités ont eu tendance à se déployer
à partir du centre de l'agglomération, la fonction de transport que je
qualifierai, pour schématiser, de Paris-banlieue doit être partiellement
relayée par une fonction de transport banlieue-banlieue, la SNCF ayant annoncé,
jusqu'à présent, l'ambition d'y être présente.
Au moins deux projets de relations transversales, de rocades ferroviaires ont
été mis en oeuvre. Je suis particulièrement familiarisé avec celui qui est
appelé « Trans-Val-d'Oise », et qui relie l'agglomération de Cergy-Pontoise à
la zone d'emplois de Roissy-Villepinte.
Le nouvel établissement public chargé des infrastructures est-il en mesure de
s'engager sur des projets de cette nature et d'en étudier de futurs ?
De même, un de nos problèmes significatifs dans la vie quotidienne du
transport en Ile-de-France est la situation des gares, qui sont très nombreuses
et qui connaissent des niveaux d'utilisation très élevés : les gares où
transitent 10 000 voyageurs sont un élément déterminant, parmi d'autres, dans
la structure de l'Ile-de-France.
Par ailleurs, vous savez que la situation de ces installations en termes de
sécurité est aujourd'hui assez problématique. Nombre d'usagers font état - et
les statistiques de fréquentation le répercutent - d'un sentiment d'insécurité
qui fait obstacle à l'utilisation sans arrière-pensée du transport public.
En ce qui concerne maintenant l'exploitation, il existe un problème de
concurrence entre l'exploitant Ile-de-France et les exploitants grandes lignes,
pour reprendre la terminologie traditionnelle. Il serait important de savoir si
la nouvelle réorganisation ménagera la place des transports régionaux
d'Ile-de-France par rapport aux liaisons rapides Paris-Province. Vous savez en
effet qu'aujourd'hui la régularité et la fiabilité des horaires des transports
en Ile-de-France constituent un défi préoccupant. Ainsi, les différentes
directions régionales produisent, en concertation avec les élus - je veux
souligner qu'elles consentent à cet égard des efforts - des statistiques, des
états des lieux, des tableaux de bord qui indiquent tous que des progrès
importants restent à faire en la matière.
De même, en ce qui concerne la qualité du déplacement quotidien des
Franciliens, se pose la question de la disponibilité des agents dans les rames,
du contact commercial entre les agents de la SNCF et les utilisateurs. Et je
n'oublie pas la question annexe, mais très significative, de la fraude : la
faible proportion de contrôle des titres de transport est aussi un élément au
sujet duquel nous espérons que la réorganisation apportera des réponses
concrètes.
J'ajoute, à partir d'une expérience évidemment très locale mais qui, je crois,
se répercute quotidiennement pour des milliers d'usagers en Ile-de-France, que
la question de l'intermodalité y présente un aspect assez particulier. Mme le
secrétaire d'Etat sait bien, par expérience, que, sur plusieurs grandes lignes
de RER, dont la ligne A en direction de Cergy-Pontoise, il doit être procédé à
un changement de machiniste à un endroit du parcours, parce que la même rame ne
peut pas être conduite par un agent de la SNCF sur le réseau RATP, ni par un
agent de la RATP sur le réseau SNCF. Cela signifie que toute perturbation,
qu'elle soit technique ou sociale, affectant l'une des deux entreprises
publiques entraîne l'indisponibilité totale du service.
En résumé - et pour ne pas dépasser mon temps de parole, que M. le président
surveille avec une attention bienveillante - je souhaite qu'avant le dépôt de
son projet de loi le Gouvernement soit en mesure de faire des propositions
concrètes sur l'application du nouveau schéma au transport ferroviaire des
grandes régions urbaines, car les enjeux s'y posent à la fois en termes de
capacité d'accès à l'emploi des millions d'habitants de ces zones urbaines,
mais aussi en termes d'écologie pratique, puisque tout ce qui sera conservé,
voire élargi au transport ferroviaire, diminuera d'autant la surcharge des
infrastructures routières.
Je souhaite tout particulièrement, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le
ministre, que ce travail préparatoire soit assorti d'une concertation
réellement ouverte avec les élus d'Ile-de-France.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Habert a souligné
à juste titre la notoriété du TGV à l'étranger.
Je ne partage pas du tout votre pessimisme, monsieur le sénateur, quant aux
chances que nous avons d'exporter cette technologie. Eurostar dessert déjà la
Grande-Bretagne et Thalys la Belgique. Des projets sont en cours à Taïwan, au
Canada, et même en Chine. Et je me trouvais récemment au Brésil où, avec les
autorités locales, nous avons évoqué une liaison TGV entre Rio et Sao Paulo.
Notre industrie ferroviaire est la meilleure du monde, et Mme Idrac et
moi-même entendons la soutenir fermement et activement.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
ne partage pas non plus, monsieur Habert, votre vision des projets de TGV
Lyon-Turin ou de TGV franco-espagnol. Ces projets méritent d'être soutenus, et
ils le seront.
La SNCF, désendettée de 125 milliards de francs, a - et aura davantage demain
avec son projet industriel et la mobilisation de ses personnels - les moyens
non seulement de supporter la dette résiduelle, mais encore de la réduire. Nous
verrons comment l'aider dans cette démarche.
Monsieur Haenel, peu de parlementaires connaissent mieux que vous le dossier
de la SNCF. Vous avez à juste titre souligné le grand tournant que constitue
notre réforme.
La SNCF est mortelle, avez-vous dit ; c'est vrai. Mais la réforme que nous
vous proposons lui permet de saisir, comme vous l'avez souligné, les chances
qui lui sont offertes, notamment en Europe. Il ne faut pas craindre l'aventure
européenne. Au contraire, il faut essayer de la saisir.
Je partage avec vous la conviction très profonde que le client est la raison
d'être de la SNCF et le vrai ressort de tout redressement durable.
« Client » ou « usager » ? Il faut éviter de se battre sur les mots, mais ma
conviction est claire : il y a des « usagers » des transports et des « clients
» des entreprises de transport. Ce que demandent aujourd'hui les usagers du
train, c'est bien d'être davantage traités comme des clients. Tel est tout le
sens des réorientations en cours à travers l'opération « De meilleurs services
dès demain ».
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez souligné l'exemplarité de la méthode
expérimentale retenue pour la régionalisation. Je vous rejoins parfaitement.
Nous devons réformer l'Etat et les services publics, mais nous devons le faire
dans la concertation, en testant des solutions dans un cadre expérimental. Les
réformes décrétées à l'échelon central échouent trop souvent. Celle que le
Sénat, vous-même en particulier, avez préconisée est donc bien un exemple à
reprendre.
Monsieur Fourcade, vous connaissez bien la SNCF, grâce, notamment, à votre
présence au sein de son conseil d'administration.
Vous avez raison de dire que le désendettement et la régionalisation ne
suffisent pas à régler tous les problèmes de la SNCF. Je l'ai d'ailleurs
souligné moi-même. Il faut en plus, en premier lieu, que la SNCF se dote, dans
la concertation, d'un projet industriel ambitieux, en particulier sur le plan
commercial et pour la maîtrise des charges.
Il faut, en second lieu, que les investissements à venir soient décidés de
manière sélective, en fonction du trafic attendu et non pas seulement du temps
de parcours, et qu'ils soient financés dans des conditions saines.
J'ai pris note avec intérêt de vos légitimes préoccupations en ce domaine pour
la région parisienne.
Je partage aussi votre souhait de voir l'entreprise se recentrer sur ses
métiers - M. Bernard l'a évoqué et j'y reviendrai tout à l'heure - et se doter,
je l'ai dit, d'une vraie comptabilité analytique pour maîtriser ses coûts, ce
qui suppose d'abord qu'elle les connaisse.
En ce qui concerne les formes d'action collective, je note, et je n'ai pas été
le seul, que la dernière journée d'action, le 6 juin dernier, s'est déroulée
sans interruption du service. Je veux y voir un signe très positif.
Vous avez, monsieur Belot, rappelé avec beaucoup de clairvoyance les carences
passées de l'Etat, qui a livré, d'une certaine manière, la SNCF à elle-même,
sans lui fixer d'objectifs clairs.
On a effectivement trop longtemps préféré la fuite en avant dans l'endettement
et les déficits à la lucidité et au courage des réformes.
Notre réforme ne se contente pas d'apporter un nouveau palliatif financier.
Elle traite, comme vous l'avez souligné, les problèmes de fond et apporte des
réponses structurelles à même d'assurer un redressement durable. Elle crée, en
effet, les conditions d'une mobilisation sur des objectifs crédibles de
redressement dans un cadre de responsabilités clarifiées.
J'appelle avec vous l'ensemble des personnels à se mobiliser afin que la SNCF
redevienne, comme vous l'avez dit, la plus belle entreprise ferroviaire du
monde.
Non, monsieur Leyzour, le Gouvernement n'est pas adepte, quand il s'agit de la
SNCF, du catimini. Le débat sans précédent qu'il vient d'organiser sur ce sujet
en est la preuve.
Oui, monsieur le sénateur, je me réjouis que ce débat, comme celui qui s'est
déroulé à l'Assemblée nationale, nous donne l'occasion de préciser les choses.
Je crois l'avoir fait sur les points essentiels en toute bonne foi, en toute
honnêteté intellectuelle.
Mais, monsieur Leyzour, le débat d'aujourd'hui n'épuise pas le sujet et nous
aurons, cet automne, l'occasion de revenir devant le Parlement, je vous l'ai
indiqué, pour présenter le projet de loi créant l'établissement public.
C'est pour cela que je ne comprends pas très bien un certain nombre de procès
d'intention. Si, véritablement, il y avait une mauvaise intention de ma part,
je n'aurais pas choisi cette procédure puisque, dans le débat général que j'ai
lancé, j'ai voulu, et c'était tout à fait logique et normal, puisque c'est un
débat national, que le Parlement ait le dernier mot. Je ne pouvais pas attendre
plus longtemps pour faire des propositions.
Certains d'entre vous en ont approuvé quelques-unes, d'autres les ont
critiquées. J'analyserai dans le détail toutes les interventions et, je vous
l'ai dit, nous nous retrouverons.
Cette maturation, normale pour un dossier de cette importance, ne suffit pas à
justifier des procès d'intention auxquels nos actes, ceux du Gouvernement et
ceux de la majorité, se chargeront de répondre, j'en suis convaincu.
S'agissant de la gestion de la dette résiduelle de la SNCF, il est vrai qu'un
problème se pose, mais il faut reconnaître l'effort qui est fait par la prise
en charge de la dette liée aux infrastructures ; c'était d'ailleurs une des
revendications des syndicats. Il s'agit là donc d'un pas en avant très
important.
Dans la mesure où le projet industriel générera une dynamique nouvelle, où
l'Etat assurera un suivi de l'opération, je suis tout à fait convaincu que des
progrès peuvent être accomplis en la matière et nous y veillerons.
Je fais toute confiance aux équipes compétentes au sein de cette entreprise
pour également obtenir des banques les meilleures conditions du marché, comme
vous l'avez dit vous-même, monsieur le sénateur, au besoin en renégociant les
encours. C'est là une chose qui peut être envisagée.
Je note enfin que votre volonté de conserver un réseau national rejoint tout à
fait mon propos.
Je n'ai pas, monsieur le sénateur, de religion particulière en matière de
contrat de plan, surtout quand je constate les résultats désastreux auxquels
ont conduit les deux contrats de plan précédents, élaborés d'ailleurs par
d'autres responsables.
Pour moi, monsieur le sénateur, je tiens à vous le dire, le fond compte
beaucoup. La forme également. Médecin de formation, j'ai souvent tendance à
dire que la façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne. Toutefois, lorsque
la maladie est grave, ce qu'on donne constitue vraiment une thérapeutique
majeure. Là, la qualité de la thérapeutique est importante, la manière de
donner joue aussi. Mais la qualité, donc le fond, l'emporte en l'espèce sur la
forme.
Compte tenu de la gravité de la maladie qui affectait la SNCF, je crois que le
fond prévaut. Je constate d'ailleurs que rares sont ceux - y compris les
cheminots - qui se trompent sur ce point du débat.
Monsieur Aubert Garcia, vous avez cru devoir conclure d'un constat que j'ai
été amené à faire, celui que le chemin de fer n'est plus le mode de transport
dominant - c'est une réalité - que j'aurai fait preuve de résignation.
Hélas ! monsieur le sénateur, les faits sont têtus. Il n'est pas dans mes
habitudes de dire d'un chat qu'il est blanc quand il est noir.
Comment peut-on voir de la résignation dans notre projet de réforme ? Je l'ai
dit aux organisations syndicales, je l'ai dit au Conseil économique et social,
je l'ai dit à l'Assemblée nationale, je le redis ici devant le Sénat : loin
d'être inspirée par la résignation, notre réforme est au contraire une solution
ambitieuse pour affronter un problème qui a été malheureusement trop longtemps
différé en dépit de son évidence.
Vous ne m'en voudrez pas de préciser que ce problème aurait dû être traité
plus tôt, voilà plusieurs années. Mais je sais que c'était difficile.
M. Alain Richard.
Il y a trois ans, par exemple !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Oui
!
Aujourd'hui, nous avons eu la volonté de prendre le problème à bras-le-corps.
Je ne veux pas polémiquer sur ce point, parce que c'est trop grave. L'adhésion
de tous les élus nationaux pour sauver la SNCF est indispensable.
Je veux en tout cas, monsieur le sénateur, vous rassurer. Il ne s'agit pas de
répartir une dette et des difficultés financières entre deux établissements
publics. A travers l'EPIC chargé de l'infrastructure, l'Etat assumera bien, et
pleinement, la responsabilité du réseau.
Bien sûr, compte tenu des retards pris à affronter la réalité, il est clair
que le redressement sera long et coûteux et que l'Etat, avant de se lancer dans
la réalisation de nouvelles infrastructures, devra y regarder à deux fois.
Que s'est-il passé au cours de ces dernières années ? Une course en avant où,
sous prétexte de répondre à tel ou tel désir, ou de faire plaisir, peut-être,
on a décidé de réaliser telle et telle infrastructure, et c'était la SNCF qui
en assumait la responsabilité financière. C'était trop facile !
Monsieur Berchet, les actifs non transférés au nouvel établissement public
resteront la propriété de la SNCF : à elle de les valoriser au mieux.
Oui, la SNCF doit faire des efforts pour attirer davantage de clients.
S'agissant des tarifs, j'ai indiqué que les tarifs sociaux seront
maintenus.
J'ai la conviction que la régionalisation sera applicable à toutes les
régions, y compris les régions rurales. Je regrette un peu qu'aucune d'entre
elles ne se soit portée volontaire pour participer à la première vague
d'expérimentation. Mais je suis sûr que d'autres y viendront très vite.
Enfin, sur la ligne Paris-Bâle, j'attends, vous le savez, le rapport
Moissonnier, en principe au mois de juillet. Mais je reste très attentif à
l'avenir de cette ligne.
Monsieur Masson, vous avez centré votre propos sur la régionalisation. Votre
vigilance à préserver les régions d'un éventuel marché de dupes ne m'a pas
étonné. Je sais, en effet, le rôle éminent que vous jouez à titre personnel
dans la politique des transports de la région Centre, qui est l'une des régions
volontaires pour l'expérimentation.
Monsieur le sénateur, nous nous connaissons tous les deux depuis longtemps.
Parlons clair ! Soyez rassuré. Vous m'avez demandé, dans votre intervention,
non seulement du biscuit mais, si je vous ai bien entendu, du biscuit avec
beaucoup de beurre dessus.
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Attention au cholestérol, docteur !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Ne
me demandez pas l'impossible !
Il ne s'agit pas, pour reprendre vos propres termes, de « refiler le mistigri
». Il s'agit bien de mener une réforme favorable au chemin de fer et au service
public en rapprochant la définition des services des besoins des usagers. Les
régions ont fait la preuve dans d'autres domaines de leur capacité à améliorer
la gestion publique au plus près du terrain, là où l'Etat central était trop
lointain.
Nous nous engageons dans l'expérimentation en toute transparence. Nous en
assurerons un suivi régulier, afin de procéder aux adaptations qui apparaîtront
nécessaires à l'usage. Nous savons que nous aurons, avec les régions, des
partenaires constructifs mais vigilants.
Je vous remercie, monsieur About, d'avoir souligné que notre plan permet aussi
- c'est l'un de ses objectifs - de redonner motivation et espoir au
personnel.
Vous avez, d'ailleurs, parfaitement résumé l'esprit de notre projet et son
souci d'équilibre.
Merci également de votre approbation sur la méthode mise en oeuvre pour la
régionalisation. Elle ne dispense pas, vous l'avez dit, les élus de prendre
leurs responsabilités : au contraire, elle leur en donnera les moyens.
Oui, l'Europe est un espace adapté au chemin de fer, notamment pour les
marchandises. Mais seules en profiteront les entreprises redressées et
redynamisées. Seules, elles pourront affronter la concurrence intramodale, que
les textes communautaires déjà en vigueur autorisent, marginalement encore,
mais autorisent.
C'est pourquoi je partage, enfin, votre confiance en la capacité d'une SNCF
rénovée à tirer le meilleur parti de l'espace européen, dans le respect des
principes - de tous les principes - du service public.
Pourquoi être frileux ? Pourquoi être craintif ? Pourquoi craindre que nous ne
soyons pas capables d'affronter la concurrence européenne ?
Monsieur Minetti, vous m'avez interpellé très directement.
Mme Hélène Luc.
Mais oui !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Vous avez eu raison !
M. Ivan Renar.
Ce sont les meilleures interpellations !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
pense que vous aurez trouvé des éléments de réponse dans nos interventions
liminaires, celle de Mme Idrac et la mienne. Mais je souhaite être très
clair.
Je vais l'être en vous rassurant sur le fait qu'il y a d'ores et déjà, fort
heureusement, une politique globale et intermodale des transports. Vous en
aurez une nouvelle preuve bientôt à l'occasion de la présentation des cinq
schémas directeurs d'infrastructure.
Je vais être clair en vous confirmant que les conditions d'exploitation du
réseau ferré, telles qu'elles sont précisées par la LOTI, ne seront pas
modifiées pas notre réforme.
Je vais être clair en vous confirmant que les tarifs sociaux continueront à
s'appliquer dans les régions expérimentales.
Je vais être clair en vous rappelant que le transfert de compétences s'opérera
bien sans transfert de charges.
Je vais être clair en vous rassurant sur le fait que les grandes lignes
nationales ne sont pas menacées et qu'elles doivent, à l'évidence, conforter
les dessertes régionales.
Monsieur Fatous, ce débat, que j'ai personnellement souhaité, montre,
contrairement à ce que vous avez dit, notre souhait d'entendre et d'associer
étroitement le Parlement.
Parlementaire moi-même pendant très longtemps, j'ai été souvent irrité de voir
un certain nombre d'apparentes décisions être rendues publiques avant que l'on
puisse en débattre au fond. Mais je crois, monsieur le sénateur, que le temps
nous était compté, je l'ai dit voilà un instant.
Après avoir longuement participé à ce débat national, il n'aurait pas été
normal, ni bon ni sain, que je vienne avec Mme Idrac devant le Parlement sans
vous préciser quelles étaient les orientations du Gouvernement. Vous auriez eu
le droit de nous dire que nous ne savions pas ce que nous voulions.
Vos inquiétudes, je les comprendrais bien s'il s'agissait d'analyser une
situation actuelle résultant de nos propres choix. Mais nous trouvons une
situation que bien des gouvernements qui nous ont précédés ont trouvée, et
qu'ils ont essayé de résoudre d'une certaine manière. Nous reportant aux débats
qui ont précédé les deux derniers contrats de plan, nous avons bien vu quels
étaient les problèmes qui s'étaient posés, les inquiétudes qu'ils suscitaient
et les moyens qui avaient été présentés pour essayer de les résoudre. Nous
avons vu aussi ce que cela avait donné. Je ne suis pas là pour faire un procès,
mais je dois dire que je suis en présence d'une situation qui s'est
dégradée.
Je veux préciser aussi que, chaque fois, aussi bien en décembre que pendant
cette période, j'ai toujours veillé, à travers les mots que j'utilisais - les
mots ont une importance considérable - à rendre hommage à cette grande
entreprise nationale qu'est la SNCF, à tout ce qu'elle a pu faire dans le passé
et à ce qu'elle fait encore aujourd'hui, qui est tout à fait remarquable dans
un certain nombre de domaines, il faut bien le dire, et c'est une chance pour
la France.
Personnellement, je crois profondément à ce que je dis et je suis persuadé, je
vous l'assure, que l'ambition dont je parle sera porteuse d'un résultat positif
si tout le monde accepte de s'engager sans arrière-pensée.
Monsieur Fatous, à travers les critiques que vous nous avez adressées - c'est
bien normal dans un débat parlementaire - j'aurais aimé entendre - mais je ne
l'ai pas entendu et pourtant je vous ai écouté avec beaucoup d'attention - une
proposition concrète, différente de celle que je suis amené à vous faire. C'est
un débat que nous reprendrons à l'automne, au moment où il s'agira de mettre en
place l'établissement public.
Monsieur Joly, vous avez souligné à juste titre qu'il était nécessaire de
procéder à un assainissement préalable de la SNCF avant de la lancer sur les
rails européens. A cet égard, je veux vous rassurer en vous indiquant - je
tiens à le répéter et un certain nombre de vos collègues m'ont d'ailleurs
approuvé quand je l'ai dit tout à l'heure - que, pour moi, l'Europe est bien
une chance pour la SNCF.
Le point d'interrogation du rapport de M. About me semble pouvoir être levé.
Mais s'il y a une chance, il faudra que tout le monde se mobilise pour la
saisir pleinement, et je crois profondément que notre réforme le permet.
Vous avez, en outre, tenu à souligner la nécessité d'une stratégie commerciale
offensive, en souhaitant que les gares, en particulier, soient plus
accueillantes et transformées en vrai « lieux de vie ». Je veux vous dire
combien je partage votre analyse et votre avis.
Quand je pense à cet atout extraordinaire que sont, pour la SNCF, ces gares au
coeur des villes, ces lieux de fréquentation en plein centre, qui n'ont pas été
utilisés dans une dynamique commerciale, les bras m'en tombent ! Ce gisement
commercial extraordinaire n'a pas été exploité. Tel est réellement mon avis, et
ce depuis bien longtemps. Il s'agira d'un point auquel la SNCF devra
particulièrement s'attacher dans son projet industriel.
Monsieur Gerbaud, oui, les hommes avant tout ! Je partage entièrement votre
souci de saluer les cheminots et de leur renouveler la confiance de la nation
dans leur capacité à relever les défis d'aujourd'hui, comme ils ont su relever
ceux d'hier. La réforme se fera avec les hommes, ni sans eux ni contre eux.
Vous avez posé de nombreuses questions ; toutes sont pertinentes. Vous
comprendrez que je ne puisse, faute de temps, répondre ici à toutes.
Sachez en tout cas, que je pense comme vous : la technique pendulaire devra
être utilisée. J'ai d'ailleurs demandé à notre grande industrie ferroviaire de
bien vouloir prendre ce dossier à bras-le-corps. Elle m'a promis que d'ici à
dix-huit mois nous aurons un prototype que nous pourrons tester grandeur
nature.
Sachez encore que mon attachement à la ligne Paris-Toulouse est aussi fort que
le vôtre. Jeune secrétaire d'Etat à l'agriculture, entre 1969 et 1972, je
prenais très souvent le Capitole. Il m'arrivait même de prendre le train du
soir, à la gare Austerlitz, vers les vingt-trois heures et, dans la petite gare
de Souillac, vers cinq heures du matin, j'étais la plupart du temps le seul
voyageur qui descendait. L'hiver, j'avais un peu l'impression d'être l'homme
qui venait du froid...
Je connais donc cette ligne par coeur ; je l'ai vécue affectivement et
charnellement. C'est donc avec un grand regret que j'assiste à sa dégradation,
qui a été progressive, et qui donne l'impression que tout le monde a baissé les
bras. Je crois pourtant qu'il y a là une clientèle à reconquérir.
M. Hubert Haenel.
Sûrement !
M. Bernard Pons,
ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Je
veillerai, monsieur Gerbaud, à ce que cette ligne, chère à mon coeur autant
qu'au vôtre, ne reste pas à l'écart des projets de modernisation.
Madame Bardou, bien sûr, la Lozère, bien sûr, l'aménagement du territoire !
Nous sommes au coeur du problème, et je comprends que, dans ce département
superbe, mais éloigné des grands centres, enclavé, le souci de l'aménagement du
territoire soit au coeur de vos réflexions. Je sais combien les transports
jouent un rôle essentiel dans l'équilibre du territoire.
Je veux vous rassurer, madame Bardou. Il y a bien évidemment une place pour
des réseaux régionaux, qui doivent se développer en propre, mais aussi en
cohérence avec le réseau des grandes lignes nationales, classiques ou TGV. La
régionalisation doit permettre d'en assurer l'essor dans le souci d'améliorer
toujours et d'abord le service.
Je vous rejoins également dans l'intérêt du transport combiné, qui constitue
un créneau privilégié pour la reconquête du transport de fret. Je constate
d'ailleurs avec satisfaction que c'est aujourd'hui le mode de transport qui se
développe le plus.
Monsieur Courteau, la SNCF a aussi souffert de l'indécision d'un grand nombre
de responsables politiques et de gouvernements, et je dois dire que la
situation actuelle est le résultat de dégradations progressives.
J'ai déjà, à plusieurs reprises, eu l'occasion d'évoquer les schémas
directeurs auxquels je suis, sachez-le bien, aussi attaché que vous.
S'agissant du service public, je vous rappelle que c'est à la collectivité
publique - et à personne d'autre - d'en définir le champ. Notre réforme
d'ailleurs ne le modifie en rien - elle ne l'élargit pas, elle ne le rétrécit
pas non plus - mais elle lui donne de nouvelles chances dans un cadre
rénové.
Monsieur Cazalet, vous nous avez rappelé le coût de la SNCF pour la
collectivité avec lyrisme, mais aussi avec la compétence et la vigilance du
rapporteur du budget des transports terrestres. Vous étiez en effet mieux placé
que quiconque pour souligner l'ampleur des montants, qui sont considérables.
Les conditions financières de la réforme vous intéressent fort logiquement et
vous avez soulevé certaines questions en prévision, sans doute, du prochain
projet de loi de finances.
Soyez rassuré, monsieur le sénateur.
D'une part, l'effort de désendettement est suffisant pour alléger la SNCF de
la part de sa dette à laquelle elle ne pouvait faire face. Mais il faudra
qu'elle se mobilise.
D'autre part, comme pour tout établissement public à caractère industriel et
commercial, il appartiendra à l'Etat de veiller à son équilibre financier.
Aussi l'Etat devra-t-il apporter, sous forme de dotations en capital ou de
subventions, le complément nécessaire aux recettes provenant des péages.
Enfin, vous avez évoqué des cessions d'actifs. Soyons clairs : il ne s'agit
pas de vendre des actifs pour désendetter la SNCF ; nous l'avons déjà dit.
Mais, si des actifs peuvent être valorisés, en cohérence avec la stratégie de
développement arrêtée pour la SNCF, il est bien évident qu'il faut choisir ces
opportunités.
Madame Heinis, vous avez rappelé à juste titre que de nombreuses commissions
se sont penchées ces dernières années au chevet de la SNCF. Le Gouvernement a,
lui, décidé d'agir, non pas pour briser un rêve - je reprends vos paroles -
mais plutôt pour éviter un cauchemar : la SNCF est mortelle, plusieurs de vos
collègues l'ont dit.
Notre ambition - je sais que c'est aussi la vôtre - est non seulement de la
sauver, mais de faire d'elle l'une des premières entreprises ferroviaires
d'Europe.
Monsieur Bernard, vous avez souhaité une clarification : reconquête de la
clientèle, recentrage de l'activité de l'entreprise, recensement des filiales,
afin de voir si elles relèvent du service public ou si elles ne jouent pas un
rôle un peu tordu de concurrence avec la SNCF. Vous avez raison de poser ces
questions : elles doivent alimenter notre réflexion.
Je tiens à vous remercier tout particulièrement, ainsi qu'un grand nombre de
vos collègues, du soutien que vous avez apporté au Gouvernement et de votre
approbation.
Monsieur Richard, parce que vous êtes un élu de cette grande région
d'Ile-de-France et que vos fonctions, dans l'autre assemblée, vous ont amené à
réfléchir à ces sujets, vous avez soulevé des questions très difficiles à
résoudre, très complexes, qui vont nous appeler - je l'ai dit tout à l'heure -
à mener tous ensemble une réflexion. Il s'agit véritablement de problèmes très
importants qui nécessiteront, je le pense, au-delà du débat national que nous
entamons, que nous menions une autre réflexion ensemble, mais également avec
l'entreprise concernée.
D'ores et déjà je peux vous indiquer qu'en ce qui concerne la région
d'Ile-de-France la lutte contre la fraude et contre l'insécurité sera au coeur
de nos préoccupations. Mme Idrac et moi avons eu de nombreuses discussions à ce
sujet avec le président de l'entreprise. C'est une orientation qu'il sera
indispensable de suivre. Elle peut être génératrice d'emplois nouveaux.
Monsieur le sénateur, vous avez reconnu la cohérence du schéma d'ensemble, et
je vous en remercie.
Pour ce qui est de la région d'Ile-de-France, je tiens à vous confirmer que le
cadre institutionnel dans lequel, à l'heure actuelle, est assuré l'ensemble des
services ne sera pas modifié même si l'infrastructure doit être transférée au
nouvel EPIC.
L'amélioration des transports dans cette région, en termes de fiabilité, de
sécurité, de régularité, de propreté, est au coeur de nos réflexions. Nous
allons poursuivre les efforts d'investissements qui ont été engagés.
Nous tirerons de la concertation avec l'ensemble des élus qui connaissent bien
le problème des transports dans la région d'Ile-de-France des enseignements qui
nous permettront d'affronter cette nouvelle étape laquelle sera, je n'ai pas
peur de le dire, complexe et difficile. Mais je suis convaincu que nous
surmonterons les difficultés.
Monsieur Pastor, je vous remercie de votre contribution à ce débat. Vous avez
évoqué un certain nombre de problèmes de fond, en particulier en ce qui
concerne la régionalisation. Vous avez également été quelque peu critique à
l'égard de notre projet. Je pense qu'il s'agit davantage d'un procès
d'intention que d'une critique objective, et je vous donne rendez-vous à
l'auromne pour le débat realtif à la mise en place de l'établissement
public.
Au terme de ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de Mme Idrac
et en mon nom personnel, je tiens à vous remercier du fond du coeur pour votre
participation, pour les réflexions et les analyses que vous avez formulées et
qui vont enrichir notre travail car, comme je l'ai indiqué voilà un instant en
répondant à certains intervenants, nous sommes non pas à la fin mais au début
d'un débat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je constate que le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le
numéro 465 et distribuée.
9
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
L'importance que revêt la SNCF pour la France, pour les cheminots, pour
l'ensemble des Français est si grande que je tiens à exprimer, en tant que
petit fils de cheminot, mon regret de n'avoir pu assister au début de la séance
de cet après-midi, comme mes collègues membres de la commission des finances,
puisque cette dernière était réunie.
Une fois de plus, la concomitance des séances publiques et des réunions de
commission a privé nombre d'entre nous de la possibilité d'être présents dans
l'hémicycle au moment où ils le souhaitaient.
J'exprime ces regrets, mais je suis heureux néanmoins d'avoir entendu non pas
le discours liminaire, mais le discours de réponse de M. le ministre. Je me
réjouis de le voir défendre, avec tant d'ardeur et d'intelligence, l'avenir de
la SNCF et mériter ainsi la confiance des cheminots.
(Applaudissements sur
les travées du RPR.)
10
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le
Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement reporte à
demain mercredi 26 juin à quinze heures la lecture des conclusions de la
commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'encouragement
fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de
commerce qui était inscrite à la fin de l'ordre du jour de la présente
séance.
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour est modifié en conséquence.
11
NOMINATION
D'UN MEMBRE D'UNE COMMISSION
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour
la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame :
M. Claude Haut, membre de la commission des affaires économiques et du Plan à
la place laissée vacante depuis le 3 mai 1996.
12
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion de la République française à la
convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de
l'Atlantique du Nord-Ouest (ensemble trois annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 467, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
13
DÉPÔT D'UNE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu, en application de l'article 73
bis,
alinéa 8, du règlement,
une résolution, adoptée par la commission des finances, du contrôle budgétaire
et des comptes économiques de la nation, sur une recommandation de la
Commission en vue d'une recommandation du Conseil visant à ce que soit mis un
terme à la situation de déficit public excessif en France. Application de
l'article 104 C, paragraphe 7, du traité instituant la Communauté européenne
(n° E-648).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 466 et distribuée.
14
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la
conclusion d'un protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres et la fédération de Russie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-655 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
1997, section III - commission (volume 4).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-656 et
distribuée.
15
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Jacques Oudin, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'encouragement
fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de
commerce.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 464 et distribué.
16
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 26 juin 1996 :
A dix heures :
1. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 277, 1995-1996),
modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'aménagement, la protection et la
mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les
départements d'outre-mer.
Rapport (n° 372, 1995-1996) de M. Jean Huchon, fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan.
A quinze heures :
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 464, 1995-1996) fait au nom de la
commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion du projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en
faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte
paritaire.
3. Discussion de la résolution (n° 441, 1995-1996), adoptée par la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation en
application de l'article 73
bis
, alinéa 8, du règlement, sur la
proposition de révision des perspectives financières présentée par la
Commission au Parlement européen et au Conseil en application des paragraphes
11 et 12 de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline
budgétaire et l'amélioration de la procédure législative (n° E-628).
Rapport (n° 431, 1995-1996) de M. Denis Badré, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
Nation.
4. Discussion de la résolution (n° 466, 1995-1996), adoptée par la commission
de finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en
application de l'article 73
bis,
alinéa 8, du règlement sur une
recommandation de la Commission en vue d'une recommandation du Conseil visant à
ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en France.
Application de l'article 104 C, paragraphe 7, du traité instituant la
Communauté européenne (n° E-648).
Rapport (n° 447, 1995-1996) de M. Alain Lambert, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
En outre, au cours de la séance de l'après-midi, il sera procédé :
- à la nomination des membres de la commission spéciale chargée d'examiner le
projet de loi (n° 461, 1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, après
déclaration d'urgence, relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la
ville ;
- à l'examen d'une demande conjointe des présidents des cinq commissions des
affaires culturelles, des affaires économiques et du Plan, des affaires
sociales, des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation et des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale tendant à obtenir du Sénat
l'autorisation de désigner une mission d'information commune chargée d'étudier
les conditions de la contribution des nouvelles technologies de l'information
au développement économique, social et culturel de la France.
Délai limite général pour le dépôt des amendements
Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les projets de loi et
propositions de loi ou de résolution prévus jusqu'à la fin de la session
ordinaire, à l'exception des textes de commissions mixtes paritaires et de ceux
pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque
cas, à dix-sept heures, la veille du jour où commence la discussion.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES FINANCES
460 (1995-1996) de Mme Hélène Luc, présentée en application de l'article 73 bis, du règlement, sur une recommandation de la commission en vue d'une recommandation du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en France. Application de l'article 104 C, paragraphe 7, du traité instituant la Communauté européenne (n° E 438).
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Claude Haut membre de la commission des affaires économiques et du Plan à la place laissée vacante depuis le 3 mai 1996.
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
le président du Sénat a nommé, en application du décret n° 86-201 du 11 février
1986, pour représenter le Sénat au sein du Conseil national du tourisme
:
MM. Charles Ginésy, Paul Loridant, Claude Belot, Jean Besson, Ambroise Dupont,
en qualité de membres titulaires ;
MM. Bernard Joly, Jacques Chaumont, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Pierre
Hérisson, Mme Lucette Michaux-Chevry, en qualité de membres suppléants.