M. le président. M. Jacques Machet appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur les conditions d'attribution et le niveau de l'allocation de veuvage.
Les fonds collectés au titre de l'assurance veuvage sont excédentaires, chaque année, de plus d'un milliard de francs depuis dix ans. Or le nombre total de bénéficiaires de cette allocation oscille, sur la même période, autour de quinze mille personnes par an seulement sur environ trois cent cinquante mille veuves de moins de cinquante-cinq ans.
Cela paraît d'autant plus choquant que la précarité des personnes touchées par le veuvage et leurs difficultés pour retrouver un emploi se sont accrues en proportion de la montée du chômage depuis la création de l'assurance veuvage, en 1979.
Il juge donc souhaitable que le plafond de ressources limitant l'octroi de l'allocation de veuvage soit relevé et le montant de cette allocation substantiellement augmenté, afin que les fonds de l'assurance veuvage soient utilisés en faveur des personnes pour lesquelles une cotisation spécifique est prélevée sur les salaires.
Il lui demande donc quelles sont les perspectives d'amélioration de cette situation (n° 418).
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je m'adresse à vous au nom du bureau du groupe d'étude du Sénat sur les problèmes du veuvage, qui rassemble des représentants de tous les groupes politiques de notre assemblée, pour vous faire part de nos interrogations sur le sort de l'assurance veuvage.
Depuis sa création, en 1979, cette mesure, extrêmement nécessaire et utile, a suscité de nombreuses déceptions. La principale raison en est que les critères d'accès à l'allocation de veuvage - critères d'âge et de ressources - sont particulièrement restrictifs.
Ainsi, comme en fait état le dernier rapport de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la principale raison de rejet des demandes d'allocation est le dépassement du plafond de ressources, qui s'élève, en 1996, à 3 796,33 francs par mois.
De la sorte, alors que le nombre de personnes veuves de moins de cinquante-cinq ans qui pourraient prétendre à l'allocation s'élève à environ 355 000, seules 15 000 personnes environ, au total, en bénéficient.
Or les cotisations prélevées sur les salaires - 0,10 p. 100 - des affiliés au régime général alimentent un fonds excédentaire depuis plus de dix ans, les excédents atteignant, en 1994, 1 526 millions de francs.
Sans sous-estimer les difficultés liées à l'équilibre des comptes sociaux, monsieur le secrétaire d'Etat, il paraît regrettable, sur le plan de l'équité, que les excédents de ce fonds soient reversés au régime d'assurance vieillesse au lieu de compenser, par un versement plus généreux de l'allocation, les situations de réelle difficulté que connaissent les personnes veuves.
Bien que l'assurance veuvage soit gérée par le régime de l'assurance vieillesse, les personnes qui peuvent bénéficier de l'allocation de veuvage sont, je le rappelle, celles qui n'ont pas encore atteint l'âge de percevoir une pension de réversion.
Nous voulons donc que le système de l'assurance veuvage soit, enfin, amélioré, surtout au moment psychologique si douloureux que provoque la séparation, que le montant de l'allocation soit substantiellement augmenté et le plafond de ressources relevé.
Pourquoi ne pas proposer que la première année suivant le décès du conjoint une allocation forfaitaire, à déterminer avec vos services et nous-mêmes, puisse être versée ? Le but de l'assurance veuvage est, en effet, de laisser un répit à la veuve avant sa réinsertion dans la vie active, rendue encore plus difficile aujourd'hui qu'au moment de la création de l'allocation, sans oublier les problèmes pratiques auxquels est confrontée la mère de famille restée seule avec ses enfants, en particulier celui des frais de garde.
Monsieur le secrétaire d'Etat, telles sont les considérations que nous souhaiterions voir prises en compte au sein des réflexions et des réformes en cours. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, le risque veuvage - je n'aime pas beaucoup cette expression, mais c'est celle qui est généralement employée et c'est celle que j'utilise pour être le plus clair possible - est couvert, pour l'essentiel, par le versement de pensions de réversion. Celles-ci ne sont pas financées par une cotisation spécifique qui serait proportionnelle au salaire du conjoint décédé, mais sollicitent tous les assurés cotisant à l'assurance vieillesse, y compris les célibataires et les veufs.
Le droit à réversion, qui est un fondement de notre système de protection sociale, est donc l'une des expressions de la solidarité socioprofessionnelle à l'oeuvre dans le régime général d'assurance vieillesse.
L'assurance veuvage s'inscrit dans une autre logique, puisqu'il s'agit de permettre de surmonter, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur Machet, le choc du veuvage.
Son regroupement avec l'assurance vieillesse au sein d'une branche unique, prévu par la loi du 25 juillet 1994, s'inscrit dans cette logique qui veut que le risque de veuvage soit pris en charge à la fois par le fonds national de l'assurance vieillesse et celui de l'assurance veuvage.
Dès lors, il est légitime de procéder à des transferts entre l'assurance veuvage et l'assurance vieillesse dans la mesure où il s'agit d'apporter une réponse globale à un problème global.
Dans l'intérêt de l'ensemble des conjoints survivants, il ne paraît par opportun de modifier les règles actuelles du financement de ce risque et d'isoler les dépenses liées au veuvage.
Au demeurant, celui-ci ouvre droit à une couverture particulière dans d'autres branches telles que l'assurance maladie, avec le maintien gratuit des droits des veuves mères de trois enfants, ou les prestations familiales, telles que l'allocation de parent isolé ou l'allocation de soutien familial.
Pour autant, vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que des problèmes spécifiques se posent à de nombreuses veuves dans notre pays. M. Jacques Barrot et moi-même y étions très sensibles lorsque nous étions l'un et l'autre députés, membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Désormais, dans les fonctions qui sont les nôtres, nous y attachons une très grande importance.
Nous avons bien conscience qu'un certain nombre d'avancées doivent être effectuées. Nous travaillons sur l'ensemble de ces dossiers en étroite liaison avec les associations correspondantes, que nous avons notamment rencontrées à l'occasion du dernier sommet sur la famille, le 6 mai dernier.
Nous espérons bien que, cet automne, notamment dans le cadre de la loi sur l'exclusion, nous pourrons aboutir à une amélioration concrète de la situation des veuves en difficulté.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je tenais à vous dire aujourd'hui. Les propositions que pourrait formuler l'intergroupe parlementaire sur ce sujet seront naturellement les bienvenues.
M. Jacques Machet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je vous remercie de votre réponse monsieur le secrétaire d'Etat.
Certes, le plafond est conservé et il n'évoluera guère dans l'immédiat. Toutefois, nous nous connaissons bien ! Je souhaite de tout coeur que cette avancée que vous venez de me proposer se concrétisera. Nous sommes prêts à discuter avec vous d'une modification du dispositif. Nous l'espérons !
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