POLITIQUE GÉNÉRALE
Lecture d'une déclaration
du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle la lecture d'une déclaration de politique générale du
Gouvernement.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux, ministre de la justice.
« Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, au commencement d'une session parlementaire
qui nous mènera jusqu'à l'été 1997, j'ai estimé normal et utile de vous
présenter les grandes orientations de la politique que nous allons conduire
ensemble. Il est, à mes yeux, normal et utile qu'avant d'entrer dans la
discussion des projets et propositions de loi qui figureront à votre ordre du
jour le Gouvernement et sa majorité parlementaire puissent réaffirmer leur
accord sur l'essentiel.
« Les Français le souhaitent.
« Ils le souhaitent d'autant plus que la France traverse une mutation sans
précédent et qu'elle a besoin de repères et de perspectives.
« Nous savons, vous et moi, que nos compatriotes sont inquiets et désorientés.
Et nous le comprenons : le chômage qui continue d'augmenter ; l'Etat ressenti
comme lointain et archaïque ; la mondialisation qui bouleverse toutes nos
habitudes et toutes nos certitudes..., autant de raisons qui expliquent le
malaise de la société française.
« Il nous incombe de montrer que l'avenir peut être meilleur, que les réformes
peuvent triompher de l'immobilisme et du conservatisme, que l'esprit de
conquête peut faire gagner la France.
« Car nous avons d'immenses atouts : la qualité de nos ressources humaines, le
dynamisme de nos entrepreneurs, l'excellence de notre recherche, les
performances de nos technologies de pointe, une position centrale en
Europe...
« Ces atouts sont une force dans un monde marqué par des changements d'une
ampleur inconnue et qui ne cessent de s'accélérer.
« Face à de tels bouleversements, aucune situation n'est jamais acquise. La
France est-elle en position de tirer parti de ses atouts ?
« Nous souffrons encore de handicaps qui constituent autant de freins à la
libération des initiatives, à la reprise de l'activité et donc au retour de la
prospérité qui fera enfin reculer le chômage.
« Ces handicaps, vous les connaissez : la dérive des dépenses publiques au
cours des quinze dernières années, qui se traduit aujourd'hui par un
endettement de 70 000 francs par Français ; une fiscalité qui a pénalisé le
travail et l'initiative en favorisant la rente sans risque ; une incapacité
collective à créer des emplois ailleurs que dans le secteur public.
« Aucun de ces handicaps n'est pourtant insurmontable. La plupart de nos
voisins se sont employés à les réduire, non sans succès. Il n'était que temps
pour nous de nous y atteler aussi.
« Dans l'action qu'il mène depuis près d'un an et demi, le Gouvernement,
soutenu par sa majorité, a voulu engager les réformes qui permettront à la
France de réussir la mutation dont dépendent sa place en Europe et l'avenir de
ses enfants.
« Il faut donc poursuivre avec détermination la politique engagée pour
renverser les tendances du passé et réunir les conditions d'une croissance
durable et créatrice d'emplois.
« Notre premier souci a été de remettre en ordre les finances de l'Etat, qui -
ne l'oublions pas - sont aussi celles des Français.
« La maîtrise des dépenses, c'est la réforme de la sécurité sociale, qui a
d'ores et déjà brisé la tendance à l'accroissement indéfini des dépenses
(Exclamations sur les travées socialistes.) -
la loi de financement de
la sécurité sociale qui vous sera soumise prochainement sera une étape
fondamentale - et c'est aussi le projet de budget pour 1997, véritable budget
de rupture avec des décennies de dérive et qui, pour la première fois, parvient
à contenir les dépenses au même niveau que l'an passé.
« La maîtrise des dépenses publiques, c'est la possibilité d'engager la
réduction des impôts année après année pendant cinq ans sur la base d'un vote
du Parlement, avec le souci d'alléger les prélèvements sur le travail des
salariés et de ceux qui créent de la richesse dans ce pays. Cette réforme est
ambitieuse, elle est durable, elle est juste.
« La maîtrise des dépenses publiques, enfin, c'est la confiance retrouvée, la
stabilité de la monnaie et la baisse des taux d'intérêt qui profite à tous ceux
qui investissent et s'équipent, les ménages comme les entreprises.
« C'est donc un principe tout simple qui inspire cette politique : pas
d'emploi sans croissance, pas de croissance sans de bonnes finances. Il y a
sans doute d'autres politiques, mais alors sur quels principes reposent-elles
pour ne pas aggraver les handicaps que nous subissons ? »
M. Raymond Courrière.
Balladur va vous le dire !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Certes, les derniers chiffres du chômage restent
mauvais. Comme chacun d'entre vous, je les juge inacceptables, et je ne peux me
contenter des statistiques qui montrent qu'en 1995, certes, l'économie
française a recommencé à créer des emplois, mais dans un mouvement qui demeure
insuffisant pour faire reculer le chômage.
« Nous commençons néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, à ressentir
les effets de l'importante réduction des charges sociales sur les bas salaires
engagée en 1993 et que mon Gouvernement a considérablement accentuée. L'effort
de la collectivité en ce domaine représente aujourd'hui plus de 45 milliards de
francs. »
M. Gérard Delfau.
Plus : 70 milliards !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Une nouvelle tranche de ces allégements vient
d'intervenir hier, 1er octobre.
« Mais cette incitation, à elle seule, n'est pas suffisante. Il nous faut une
stratégie déterminée d'encouragement aux petites et moyennes entreprises, qui
sont la principale source de création d'emplois dans notre économie.
« Ces entreprises doivent d'abord pouvoir se financer dans de meilleures
conditions, grâce à des incitations fiscales, au renforcement des fonds propres
et à la mise en place de la Banque de développement des PME, grâce aussi à la
réforme de la concurrence et de l'urbanisme commercial que nous avons effectuée
et qui rééquilibre la relation entre producteurs et distributeurs.
« La simplification des formalités a également commencé pour les PME. Elle
doit se poursuivre par la reconnaissance de nouveaux droits face à
l'administration, la réforme du droit des sociétés et de meilleures conditions
de passation et de paiement des marchés publics.
« Enfin, les PME doivent pouvoir étendre leur activité sur les marchés
internationaux, où se trouve un potentiel de croissance, et donc de création
d'emplois en France, qui est considérable.
« La seconde priorité concerne le développement des emplois de proximité, qui
correspondent à une demande profonde de la société.
« Dans cet esprit, et avec le souci d'apporter une aide aux plus fragiles, la
prestation autonomie verra le jour dès l'année prochaine, conformément au
souhait du Président de la République. »
M. Raymond Courrière.
Aux frais de qui ?
M. Guy Fischer.
A quel prix ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Cette prestation profitera aux personnes âgées
dépendantes de plus de soixante ans résidant à domicile ou en établissement.
Elle conduira à la création de nombreux emplois de service : les
expérimentations déjà conduites ont montré que la prise en charge de quatre
personnes dépendantes créerait un emploi à temps plein.
« Enfin, nous nous apprêtons à transmettre au Conseil économique et social le
projet de loi d'orientation pour le renforcement de la cohésion sociale, qui
aura pour objectif, sur les cinq prochaines années, de mettre en place 300 000
contrats d'initiative locale. »
M. Raymond Courrière.
Aux frais de qui ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Ainsi sera traduite dans la réalité l'idée du
Président de la République selon laquelle il est plus digne de rémunérer une
activité que de verser une assistance sans contrepartie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
« Mais il faut comprendre que la création de nouveaux emplois ne peut
dépendre des seules initiatives de l'Etat.
« C'est la nation tout entière qui doit faire de l'emploi des jeunes une
priorité. Cette priorité passe par la reconnaissance du droit à la formation en
entreprise, qui est une grande ambition. Les chances de trouver un emploi sont
en effet beaucoup plus fortes pour un jeune qui a bénéficié au cours de sa
formation de l'expérience concrète du travail et de la vie en entreprise.
« C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a proposé, dans les
premiers jours de son gouvernement, de mettre en oeuvre un devoir national
d'insertion des jeunes. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de permettre aux
employeurs et aux jeunes de se connaître, sur les lieux du travail et par le
travail. Cette insertion passe par de meilleures relations entre école,
collège, université et entrepreneur. C'est un élément essentiel de la réforme
de l'éducation nationale. Elle passe par la multiplication des stages, le
développement de l'apprentissage, la création de formules d'insertion
innovantes.
« Dans la société d'aujourd'hui, c'est au niveau décentralisé que les chefs
d'entreprise, les représentants de la puissance publique et les responsables de
l'enseignement devront multiplier les expériences. La somme de ces expériences
permettra d'offrir une première chance à tous. »
M. Adrien Gouteyron.
Très bien !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« C'est un devoir moral que Jacques Chirac résumait
dans son discours aux jeunes, à Paris, à la veille de l'élection présidentielle
: Que chaque jeune en France, à la fin de ses études, ait droit à une
formation, un stage, une insertion, un emploi. »
M. Raymond Courrière.
Ils l'ont cru !
M. Gérard Delfau.
Pas tous !
M. Ivan Renar.
Aux actes !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Déjà, avec l'appui des partenaires sociaux, nous
avons étendu l'apprentissage à tous les niveaux de formation et au plus grand
nombre d'activités : aujourd'hui, plus de 400 000 jeunes sont en apprentissage
ou en formation en alternance. L'objectif est de passer rapidement à 500 000.
»
M. Guy Fischer.
Oui, mais cela ne marche pas !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Il est temps aussi que les partenaires sociaux
s'engagent pour que ce droit à la formation en entreprise profite rapidement à
plus de 300 000 jeunes chaque année en plus des formules classiques
d'alternance et d'apprentissage.
« Je n'oublie pas les jeunes en grande difficulté, qui sont en dehors des
filières traditionnelles de formation et d'insertion. Le Gouvernement a mis en
oeuvre des moyens importants qui doivent être relayés par tous. C'est la
responsabilité et l'honneur de la société française de ne pas se résigner à
l'échec de certains de ses enfants.
« Nous avons ainsi étendu aux jeunes sans qualification le bénéfice du contrat
initiative-emploi, tandis que le plan de relance pour la ville vient compléter
cette politique d'insertion dans la vie professionnelle pour les jeunes des
quartiers sensibles. Les emplois de ville constituent une chance nouvelle,
adaptée aux situations et aux demandes de jeunes peu ou pas qualifiés.
« Il reste que trop de jeunes en difficulté retombent dans une spirale d'échec
qui exige, pour être brisée, de la patience, de la ténacité et du dévouement.
Ainsi, la loi d'orientation pour la cohésion sociale, qui vous sera bientôt
soumise, permettra d'assurer de véritables parcours d'insertion pour ces
jeunes. La réforme du service national et l'instauration du volontariat auront
aussi pour but de concourir à cet objectif. M. Xavier Emmanuelli nous fera des
propositions en ce sens.
« Enfin, un nombre croissant de Françaises et de Français aspirent à un
meilleur équilibre de vie et seraient prêts à opter pour des formules de temps
choisi si cela leur était offert ».
Un sénateur socialiste.
Les femmes à la maison !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« C'est un domaine que beaucoup de pays ont su
explorer avant nous avec succès. L'aménagement du temps de travail ainsi conçu
améliore l'efficacité des entreprises, permet un meilleur épanouissement
individuel et concourt à la création de nouveaux emplois. La société a beaucoup
à gagner à cette évolution ; mais, en dépit de nombreuses expériences le plus
souvent réussies, ce mouvement demeure trop limité. Il faut l'étendre.
« Le Parlement et le Gouvernement ont pris leurs responsabilités avec la loi
sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. Cette loi constitue une
voie novatrice ; mais, dans ce domaine, chaque branche, chaque entreprise est
un cas particulier, et c'est pourquoi il faut du sur mesure et non du
prêt-à-porter.
« L'initiative, je le redis, revient donc aux partenaires sociaux, que je
réunirai à nouveau sur cet enjeu au mois de novembre pour examiner le bilan des
négociations en cours dans diverses branches d'activité. C'est l'échange
d'expériences qui convaincra d'aller plus loin. Si de ces échanges apparaît la
nécessité d'un cadre général, il servira plus à consacrer et à susciter les
avancées qu'à les imposer.
« Mesdames, messieurs les sénateurs, ce combat pour l'emploi, la dignité et la
cohésion sociale est inséparable de notre ambition de bâtir une nouvelle
démocratie pour le citoyen de l'an 2000.
« A chaque période de mutation de son histoire, la France a su renouveler le
pacte social sur lequel repose la citoyenneté. Les idéaux republicains
demeurent, mais leur traduction dans la vie quotidienne doit s'adapter aux
évolutions de la société comme aux aspirations des Français.
« La démocratie, ce sont des droits auxquels aspirent les citoyens ; ce sont
aussi des devoirs individuels et collectifs dont nous devons débattre.
« Ces aspirations, quelles sont-elles ?
« La première n'est-elle pas, pour les Français, de participer davantage aux
décisions qui les concernent ?
« J'ai déjà évoqué à plusieurs reprises la nécessité d'une modernisation de la
vie politique. Nous souffrons d'archaïsmes ou de blocages que l'on ne cesse
d'évoquer depuis des années et qui font courir le risque d'une vraie coupure
entre les citoyens et le monde politique.
« Ne sous-estimons pas, en effet, les dangers pour le fonctionnement de nos
institutions et la vie démocratique de notre pays de ce que certains ont appelé
" une République sans citoyens ".
« Les femmes et les jeunes, pour commencer, n'ont pas, dans notre système de
représentation, la place qui doit être la leur. C'est une anomalie qu'une
grande démocratie comme la France ne peut plus admettre.
« J'ai donc décidé de consulter les responsables des formations politiques
représentées à l'Assemblée nationale et au Sénat pour recueillir leurs
propositions en ce domaine. Cette réflexion doit porter également sur le cumul
des fonctions et son corollaire, le statut des élus, les modes de scrutin, le
rôle des fondations politiques.
« Sur ces thèmes de réflexion, je n'ai pas, le Gouvernement n'a pas de projet
tout prêt. Je veux simplement vous écouter et, le moment venu, c'est-à-dire à
la fin de l'année, vous dire s'il existe une possibilité d'accord sur telle ou
telle innovation.
« Le défi lancé aux hommes politiques s'adresse aussi à l'Etat et à ses
administrations.
« L'Etat du xxie siècle devra être un Etat plus proche des citoyens et plus
attentif à leurs aspirations profondes, condition nécessaire pour qu'il soit
respecté et écouté. Les Français veulent être des citoyens, non des administrés
ou des assujettis. C'est un enjeu essentiel dans une démocratie moderne.
« Le Gouvernement vous soumettra, dans les prochaines semaines, un projet de
loi qui vise à transformer les relations entre les citoyens et les
administrations.
« Transparence, simplification et proximité pour un meilleur service des
Français sont les maîtres mots de ce texte, qui constituera une première étape.
Ici encore, l'action du Gouvernement s'inscrit dans la durée. Je demande en
permanence aux ministres de repenser les habitudes et les pratiques de
l'administration, et de proposer de nouvelles simplifications.
« Je ne les détaillerai pas aujourd'hui, mais l'objectif, en progressant dans
la voie de la simplification, est de changer peu à peu le regard que la
puissance publique et la nation portent l'une sur l'autre.
« Dans la vie de tous les jours, cette aspiration s'exprime aussi dans le
choix des grands équipements qui structurent l'espace national.
« Le projet de canal Rhin-Rhône, pour ne citer que cet exemple, a ainsi donné
lieu à un débat public. Votre souhait, je le sais, est que cette procédure soit
généralisée. Elle le sera, et la commission nationale du débat public sera
prochainement installée.
« Ce faisant, l'Etat démontrera sa capacité à répondre aux évolutions de la
société, qui aspire à la reconnaissance de nouveaux droits. Ainsi le droit à un
environnement respectueux de l'homme et de sa santé est-il devenu une exigence
fondamentale de notre société.
« J'en ai tenu compte lorsque j'ai décidé d'interrompre les projets de ligne à
haute tension qui devaient bouleverser une partie préservée des Pyrénées, la
vallée du Louron.
« Il est donc juste que les Françaises et les Français soient systématiquement
consultés avant que soit décidée la création de grands équipements qui
modifient leur environnement. »
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Pour Roissy, c'est un peu tard !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Une démocratie moderne, c'est aussi une nouvelle
relation entre la justice et les citoyens.
« Pour être efficace et respectée, la justice doit être sereine. Dans une
société où la justice est de plus en plus sollicitée, les citoyens aspirent à
la dignité et veulent voir leurs droits reconnus.
« C'est ainsi que vous êtes saisis d'un projet de réforme de la détention
provisoire, ainsi que d'un projet de loi modifiant la procédure de jugement en
matière criminelle.
« Je vous confirme que ces textes seront complétés par une réforme de la
procédure pénale, dont le garde des sceaux proposera l'architecture après avoir
consulté l'ensemble des professions juridiques et des milieux intéressés.
« Le noeud du problème, c'est la présomption d'innocence. C'est une garantie
fondamentale pour tous les Français et leur libertés individuelles. Dans une
société "hypermédiatisée", la présomption d'innocence a besoin d'être
défendue pour que la justice soit rendue en toute sérénité et non pas sur la
place publique. »
M. Gérard Delfau.
Il faudrait que ça change !
M. Jacques Toubon,
garde des secaux.
« La démocratie de l'an 2000, enfin, tout en se
ressourçant à ses traditions républicaines, doit être capable de s'enrichir
d'apports nouveaux, comme notre nation a toujours su le faire.
« Pour certains, la sauvegarde de la nation serait menacée par la construction
européenne. Dissipons ces craintes d'un autre âge. La France, qui a tant
apporté à la civilisation européenne, n'est pas près de se dissoudre dans un
improbable
melting-pot
. »
Mme Michelle Demessine.
«
Melting-pot
» !...
M. Guy Fischer.
Parlez français !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Il n'y aura de France forte que dans une Europe
forte. »
M. Emmanuel Hamel.
Pas celle de Maastricht !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« C'est vrai de notre monnaie, c'est vrai de notre
défense, c'est vrai du droit européen, dans l'élaboration duquel notre
Parlement national doit jouer un rôle accru.
« Pour d'autres, ce serait l'immigration qui constituerait un péril pour la
nation.
« N'est-ce pas oublier que jamais la nation française ne s'est construite sur
une idée ethnique, mais, au contraire, sur la volonté de vivre ensemble, dans
une adhésion à des idéaux communs et le respect des lois. Dans ce contexte, il
y a des valeurs républicaines qui ne doivent pas être bafouées. Le Gouvernement
vous proposera un dispositif législatif qu'il vous appartiendra de discuter.
« La France est une terre d'asile et d'accueil ; elle s'honore de cette
tradition et entend y rester fidèle.
« Cette tradition, pour ne pas être dénaturée, doit toutefois s'exercer dans
le respect des lois. C'est l'intérêt et la dignité de tous que l'immigration
soit maîtrisée.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
Comme
l'a dit le Président de la République, l'immigration clandestine ne doit pas
avoir sa chance en France. »
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes
travées.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il faut voir ce qui vous fait réagir !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Notre responsabilité n'en est que plus grande... »
M. Jean-Luc Mélenchon.
Lamentable !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« ... pour réussir l'intégration de ceux qui sont
légalement installés sur notre territoire. Personne ne peut ignorer l'ampleur
des difficultés à surmonter dans certaines régions où l'immigration a été
massive.
« Par-delà les difficultés, cette présence représente un atout pour notre
pays, comme ce fut le cas dans le passé.
(M. Jean-Luc Mélenchon
applaudit.)
« Notre devoir est aussi de poursuivre une politique de coopération bien
adaptée qui contribuera à fixer dans leur pays d'origine les candidats à
l'immigration que notre pays ne peut prendre en charge.
« Au cours des derniers mois, les insuffisances de notre législation ont été
clairement analysées par plusieurs rapports parlementaires. Elles furent
illustrées par le mouvement des "sans papiers", qui a mis en lumière
certaines lacunes ou incohérences de notre dispositif. »
M. Claude Estier.
Ah bon !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Afin d'y remédier, le Gouvernement présentera deux
projets de loi, l'un pour réprimer le travail clandestin, qui sera défendu par
le ministre du travail et des affaires sociales, l'autre pour modifier
l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour
des étrangers en France, qui sera défendu par le ministre de l'intérieur.
« Ce dispositif, complété par de nombreuses mesures réglementaires pratiques
directement inspirées des rapports parlementaires, formera un ensemble cohérent
où s'équilibreront la nécessaire autorité de l'Etat en matière d'ordre public
et l'indispensable protection des libertés individuelles et de la dignité
humaine.
(M. Philippe de Bourgoing applaudit.)
« Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mobiliser la
nation tout entière pour l'emploi, à commencer par l'emploi des jeunes, et le
faire au plus près du "terrain", commencer à bâtir une nouvelle
démocratie pour le citoyen de l'an 2000, un citoyen plus épanoui dans ses
droits et plus conscient de ses devoirs, telles sont les deux lignes de force
du projet politique que je vous propose de réaliser ensemble. »
Un sénateur socialiste.
C'est une blague !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Pour aller de l'avant, il faut au moins remplir deux
conditions.
« Il faut d'abord... »
M. Alain Richard.
Y croire !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« ... entraîner les Français.
« Il nous disent aujourd'hui leurs attentes, leurs impatiences, leurs
déceptions, leurs mécontentements. Et nous les comprenons.
« Mais ils gardent, comme toujours, de la mesure et du bon sens. Ils n'ont pas
oublié par où notre pays est passé depuis quinze ans.
(Oh non ! sur les
travées du RPR.)
« Ils comprennent que son rétablissement demande des efforts et du temps. Ils
l'acceptent avec réalisme, car ils savent aussi que ni l'archaïsme des uns, ni
l'extrémisme des autres ne fournit d'alternative sérieuse.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
« Ils redoutent parfois les changements et les réformes dont ils voient,
en même temps, la nécessité.
« Les Français sont un peuple attachant et sage... et complexe. »
M. Gérard Delfau.
Bien dit !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Notre responsabilité, notre mission, c'est de leur
montrer le sens de ce que nous les convions à faire, c'est de les convaincre
que les sacrifices demandés vont porter des fruits.
« La tâche est rude aujourd'hui, parce que les résultats ne sont pas encore au
rendez-vous. Faut-il pour autant lâcher prise, au moment où ... nous nous
rapprochons de l'objectif ? Tel est le choix devant lequel se trouve maintenant
placé chacun d'entre nous. Pour ma part, je crois de toutes mes forces que la
persévérance paiera et que 1987 sera une année d'amélioration. »
(Exclamations sur les travées socialistes.)
MM. Gérard Delfau et Jean-Luc Mélenchon.
1987 ! Quel lapsus !
M. Raymond Courrière.
Mauvaise référence !
M. Philippe Mariné.
Vous n'avez jamais commis de lapsus ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Les améliorations que nous avons apportées au cours de
l'année 1987 sont justement le meilleur gage que nous pourrons réaliser les
mêmes en 1997 !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est vous qui avez parlé de quinze ans de désastre !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Les leçons du passé plaident pour le Gouvernement et
sa majorité et non pour l'opposition à laquelle vous appartenez !
(Très bien ! et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Plusieurs sénateurs socialistes.
Ce n'est pas dans le texte !
M. Jean Delaneau.
Ce sera ajouté.
M. Alain Richard.
Vous avez le droit de l'améliorer !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Il faut donner du sens à ce que nous faisons.
M. Claude Estier.
Oh oui !
M. Alain Richard.
Cela reste à faire !
M. Jacques Toubon.
garde des sceaux.
« Donner du sens à ce que nous faisons, c'est aussi
expliquer que le bien-être matériel n'est pas seul en cause, mais qu'il y va
aussi de nos valeurs républicaines. »
Mme Monique ben Guiga.
Surtout dans le VIIe arrondissement !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« La liberté, que menacent à la fois la complexité
d'un monde de plus en plus bureaucratique et technicien et le sectarisme des
extrêmes.
« L'égalité, qui ne doit pas brider l'esprit d'entreprise et l'esprit de
conquête, mais leur permettre de s'épanouir en chacun et chacune de nous avec
des chances égales.
« La fraternité, qui est non pas l'assistance démotivante ... »
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est un discours testament !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux ...
« mais la solidarité entre personnes responsables,
la tolérance, la générosité, l'harmonie de la vie familiale, l'affirmation du
sentiment national dans le respect de toute personne humaine. »
« Nous avons besoin, plus que jamais, dans un monde sans frontières et
apparemment sans règles du jeu, de retrouver les fondements de la morale
républicaine et le sens de quelques grands idéaux, simples mais immortels :
liberté, égalité, fraternité, responsabilité, respect d'autrui, sentiment
familial, amour de la paix, amour de la France ... »
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Un sénateur du RPR.
Très bien !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« De tout cela, nous devons être nous-mêmes convaincus
si nous voulons convaincre les Français. Leur donner confiance, telle est
précisément la deuxième condition de la réussite. »
(M. Philippe Labeyrie imite le bruit d'une sirène d'ambulance.)
M. Raymond Courrière.
Vous en êtes loin !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
« Voila pourquoi je vous ai invités aujourd'hui,
mesdames et messieurs les députés, à faire acte de solidarité et de
confiance.
(M. Philippe Labeyrie continue à scander « pin-pin-pon »).
Confiance dans
la politique que, sous l'impulsion du Président de la République, mène votre
gouvernement. Confiance en vous-mêmes, en nous-mêmes, en notre capacité à
convaincre les Français que nous leur montrons le bon chemin. Confiance surtout
en la France et en son peuple, dans sa lucidité, dans son courage, dans sa
ténacité, dans sa générosité. »
C'est pour que s'exprime clairement cette confiance, mesdames, messieurs les
sénateurs, que M. le Premier ministre viendra, dès la semaine prochaine, devant
vous, et c'est pour cette raison qu'il a l'honneur d'engager aujourd'hui,
devant l'Assemblée nationale, la responsabilité du Gouvernement sur la
déclaration de politique générale que je viens de vous lire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Acte est donné de la déclaration dont il vient d'être donné lecture au
Sénat.
Le texte de cette déclaration est imprimé sous le numéro 9 et distribué.
M. Raymond Courrière.
Vous pouvez le garder !
M. le président.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de notre ordre du jour, nous
allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures,
sous la présidence deM. Jacques Valade.)