M. le président. - « Art. 1er. - L'article L. 439-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 439-1. _ I. _ Les dispositions du présent article sont applicables aux entreprises et autres organismes mentionnés à l'article L. 431-1, quel que soit le nombre de salariés qu'ils emploient.
« II. - Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies aux articles 354, 355-1 et au deuxième alinéa de l'article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, dont le siège social est situé sur le territoire français.
« Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d'un comité de groupe, une entreprise qui exerce une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance de l'une et de l'autre à un même ensemble économique.
« L'existence d'une influence dominante est présumée établie, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement :
« - peut nommer plus de la moitié des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ;
« _ ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par une autre entreprise ;
« _ ou détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise.
« Lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l'égard d'une même entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance de l'entreprise dominée est considérée comme l'entreprise dominante, sans préjudice de la preuve qu'une autre entreprise puisse exercer une influence dominante.
« III. - Le comité d'entreprise d'une entreprise contrôlée ou d'une entreprise sur laquelle s'exerce une influence dominante au sens du II ci-dessus peut demander, pour l'application des dispositions du présent chapitre, l'inclusion de l'entreprise dans le groupe ainsi constitué. La demande est transmise par l'intermédiaire du chef de l'entreprise concernée au chef de l'entreprise dominante qui, dans un délai de trois mois, fait droit à cette demande.
« La disparition des relations, telles que définies au II ci-dessus, entre les deux entreprises fait l'objet d'une information préalable et motivée donnée au comité de l'entreprise concernée. Celle-ci cesse d'être prise en compte pour la composition du comité de groupe.
« Lorsque le comité de groupe est déjà constitué, toute entreprise qui vient à établir avec l'entreprise dominante, de façon directe ou indirecte, les relations définies au II du présent article doit être prise en compte pour la constitution du comité de groupe lors du renouvellement de celui-ci.
« IV. - En cas de litige, le comité d'entreprise ou les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise considérée ou d'une entreprise du groupe peuvent porter le litige devant le tribunal de grande instance du siège de l'entreprise dominante.
« V. - Ne sont pas considérées comme entreprises dominantes les entreprises visées aux points a et c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises. »
Par amendement n° 6, Mme Dieulangard, M. Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le deuxième alinéa du paragraphe II du texte présenté par cet article pour l'article L. 439-1 du code du travail, de supprimer les mots : « dont elle détient au moins 10 % du capital ».
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Notre amendement vise à supprimer la référence aux 10 % du capital.
Le comité de groupe a été institué en droit français par la loi du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel.
Le présent projet de loi procède à une réécriture de l'article L. 439-1 du code du travail, qui fixe le périmètre de ce comité de groupe. La raison avancée en est que ce nouveau périmètre doit être en conformité avec les dispositions, que nous nous apprêtons à adopter, de la directive communautaire du 22 septembre 1994 sur les comités d'entreprise européens.
Ce motif est parfaitement compréhensible et nous sommes tout prêts à y souscrire, à la condition que le Gouvernement ne nous donne pas la fâcheuse impression de profiter de cette nécessaire réécriture pour modifier l'article L. 439-1 dans un sens défavorable aux salariés.
Nous relevons en effet deux modifications qui ne sont en rien imposées par la directive du 22 septembre 1994. La première, dont il est question ici, concerne la définition de l'entreprise dominante. Elle n'est sans doute pas la plus gênante des deux, au demeurant. Toutefois, nous ne croyons pas opératoire, dans le contexte de participations croisées, de détention de participations minoritaires par des sociétés holding qui exercent le pouvoir réel sur l'entreprise, de fixer un taux aussi net, et relativement élevé, que 10 %. La complexité dans ce domaine est telle, à présent, qu'une entreprise peut parfaitement être contrôlée par une société qui n'en détient pas formellement 10 %.
Nous préférerions donc que soit transcrite fidèlement dans notre code la
définition de la directive communautaire, qui nous semble beaucoup plus en
rapport avec la réalité de l'économie grâce à son aspect général. L'entreprise
dominante y est en effet celle qui exerce une influence dominante sur une autre
entreprise contrôlée, du fait de la propriété, de la participation financière
sans fixation de seuil ou des règles qui la régissent.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Pour déterminer les
conditions d'application de la loi, il est nécessaire de fixer quelques
critères de référence. Or, la référence à un taux de 10 % n'a pas été choisie
par hasard.
Elle vient du code des sociétés, notamment des articles 354 et suivants de la
loi du 25 juillet 1966 - modifiée notamment en 1985 - qui définissent les
notions de filiale, de participation et de société contrôlée.
Elle est reprise ici dans un but d'harmonisation des définitions et il serait
peu judicieux de s'en écarter. C'est la raison pour laquelle la commission est
défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Le Gouvernement, comme la commission, est
défavorable à cet amendement.
Madame le sénateur, l'objectif est bien d'harmoniser et de simplifier afin que
cette notion de groupe, telle qu'elle existe dans les faits, soit en réalité la
même dans le droit des sociétés et dans le droit du travail. Mais, bien
évidemment, cela n'a aucune répercussion sur les droits des salariés, qui sont
maintenus en tout point.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 7, Mme Dieulangard, M. Mélenchon, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après le premier alinéa du paragraphe III
du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 439-1 du code du travail,
d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Font également partie du groupe, au sens du présent chapitre, celles des
sociétés définies à l'article 355 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966
précitée, dont le comité d'entreprise a demandé et obtenu l'inclusion dans
ledit groupe à l'exclusion de tout autre. La demande est transmise par
l'intermédiaire du chef de l'entreprise concernée au chef de l'entreprise
dominante qui, dans un délai de trois mois, fait connaître sa décision motivée.
Lorsque, du fait, notamment, de l'existence d'administrateurs communs, de
l'établissement de comptes consolidés, du niveau de la participation
financière, de l'existence d'un accord conclu en application de l'article L.
442-6, deuxième alinéa du présent code ou de l'ampleur des échanges économiques
et techniques, les relations entre les deux sociétés présentent un caractère de
permanence et d'importance qui établit l'existence d'un contrôle effectif par
la société dominante de l'autre société et l'appartenance de l'une et de
l'autre à un même ensemble économique, le chef de l'entreprise dominante ne
peut rejeter la demande dont il est saisi. »
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous connaissons trop, dans la mise en oeuvre du droit du travail, les
miracles qui s'opèrent par la multiplication de la sous-traitance et la
possibilité de disperser les responsabilités face aux demandes, aux besoins ou
au simple respect des droits des travailleurs pour ne pas être très sensibles,
en cet instant, à la nécessité de renforcer, si le moindre doute devait
demeurer, la possibilité d'interpeller, lorsqu'il le faut, les sociétés pour
les inclure dans un groupe. C'est le sens de l'amendement que nous
présentons.
Remarquez que l'article L. 439-1 du code du travail comporte actuellement les
dispositions qui font l'objet de notre amendement. Celles-ci permettent au
comité d'entreprise d'une société de demander l'inclusion de cette société dans
un groupe. Lorsque certains critères sont remplis, le chef de l'entreprise
dominante ne peut rejeter la demande dont il est saisi. Il est donc important
que ce principe soit fermement posé.
Je rappelle que ces critères sont clairement définis : « administrateurs
communs, comptes consolidés, niveau de la participation financière, accord de
participation des salariés aux résultats du groupe ou ampleur des échanges
économiques et techniques ». Nous apporterions bien d'autres précisions s'il le
fallait, mais, pour l'instant, nous nous en tenons à ce qui existe.
Dès lors que le contrôle effectif d'une société sur une autre est établi par
l'un ou l'autre de ces moyens, le comité de groupe peut être formé. Il est pour
le moins paradoxal que, dans un texte qui se réclame de l'information, de la
consultation, et même de la négociation collective, cette possibilité d'être à
l'origine d'un comité de groupe soit retirée aux salariés. Faut-il en déduire
que vous souhaitez, madame le ministre, que l'opportunité de créer ou non un
comité de groupe soit réservée aux seuls dirigeants de sociétés ? Si tel est le
cas, pouvez-vous nous dire pourquoi ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement a paru inutile à notre commission, car il est
déjà satisfait par le premier alinéa du paragraphe III qui, bien que rédigé
différemment, reprend le dispositif existant, qui figure au deuxième alinéa de
l'article L. 439-1 du code du travail.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, le projet de loi comportant déjà
des dispositions allant dans le même sens, je ne peux pas accepter cet
amendement.
La demande d'inclusion dans le groupe, par le comité d'entreprise, d'une
entreprise contrôlée est, en effet, déjà prévue au paragraphe III de l'article
L. 439-1 nouveau comme vient de l'indiquer M. le rapporteur.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 31, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, dans
le parapgraphe IV du texte présenté par cet article 1er pour l'article L. 439-1
du code du travail, après les mots : « organisations syndicales représentatives
», les mots « et représentées ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
L'article 1er du projet de loi prévoit une nouvelle rédaction de l'article L.
439-1 du code du travail afin de définir l'entreprise dominante dans la
législation relative au comité de groupe, et ce au moyen des critères retenus
par la directive pour déterminer l'entreprise qui exerce le contrôle.
Cet article détermine notamment le champ du groupe au sein duquel doit être
constitué un comité de groupe, en définissant l'entreprise dominante et les
entreprises qu'elle contrôle.
Il prévoit également des modalités d'inclusion dans le comité de groupe d'une
entreprise, à la demande du comité d'entreprise, sur laquelle s'exerce une
influence dominante.
Si le texte de loi est assez précis sur le champ des entreprises concernées
pour la constitution d'un comité de groupe, on comprend bien, en revanche, que
des litiges puissent apparaître, en particulier lorsque l'employeur et ses
salariés font une analyse divergente sur l'appartenance de telle ou telle
société du groupe.
Le paragraphe IV prévoit, dans ce cas, la compétence du tribunal de grande
instance du siège de l'entreprise dominante. Le texte proposé, qui est la
reprise à l'identique d'une disposition de l'actuel article L. 439-1, précise
que c'est le comité d'entreprise ou les organisations syndicales
représentatives de l'entreprise considérée ou d'une entreprise du groupe qui
peuvent porter le litige devant le tribunal de grande instance.
Pour notre part, cette formulation ne nous convient pas parfaitement. En
effet, à mon sens, on peut estimer que les organisations syndicales dont il est
fait mention dans le texte tel qu'il est rédigé actuellement sont non pas les
organisations nationales représentatives définies par l'article L. 132-2 du
code du travail, mais toutes les organisations ayant une certaine
représentativité dans l'entreprise considérée.
Notre amendement, qui précise que ce sont les organisations syndicales
représentatives et représentées dans l'entreprise qui peuvent porter le litige
devant le tribunal de grande instance, réserve bien ce droit aux seules
organisations représentatives sur le plan national.
Nous pensons en effet que, dans le cas des comités d'entreprise européens, il
serait judicieux de privilégier les syndicats nationaux représentatifs.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'approuver cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Mon cher collègue, je ne sais pas si le Gouvernement a
compris la même chose que moi, mais vous venez de dire exactement le contraire
de ce que vous avez écrit. C'est du moins mon impression.
En effet, vous proposez d'ajouter, après les mots : « organisations syndicales
représentatives » - il s'agit donc bien des cinq organisations représentatives
nationales - les mots « et représentées ». Tel est le texte de votre
amendement.
Je n'ai pas compris que vous vous étiez exprimé dans ce sens-là. C'est
pourquoi la commission a émis ce matin un avis défavorable sur votre
amendement, lequel semble redondant ou ambigu. Il l'est encore plus maintenant
: on ne peut pas, de toute évidence, souhaiter confier ce droit à des syndicats
qui ne sont pas représentatifs.
De plus, l'insertion que vous préconisez pose un problème rédactionnel qui ne
nous paraît pas résolu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué.
J'ai moi-même été un peu prise de court par
l'argumentation que vous avez développée, monsieur Fischer, laquelle semble
quelque peu en contradiction avec l'amendement que vous avez déposé, du moins
par rapport à l'objectif que vous semblez poursuivre.
De toute façon, je demande le rejet de cet amendement, notre souci étant de
reprendre le droit actuel des comités de groupe et de nous en tenir là.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Je ne vais pas reprendre mon argumentation, mais je vous promets d'être encore
bien plus clair dans la suite de l'examen de nos amendements !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2