SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Dépôt de rapports en application de lois
(p.
1
).
3.
Placement sous surveillance électronique.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
2
).
Discussion générale : MM. Georges Othily, rapporteur de la commission des lois
; Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice ; Guy Allouche, Guy
Cabanel, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-François Le Grand.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 3 )
Amendement n° 1 du Gouvernement et sous-amendement n° 5 de la commission ;
amendements n°s 2 et 3 du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le
rapporteur, Cabanel. - Adoption du sous-amendement n° 5, de l'amendement n° 1
modifié, et des amendements n°s 2 et 3.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 2 (p. 4 )
Amendement n° 4 du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le rapporteur, Cabanel. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 2. - Adoption (p.
5
)
Intitulé. - Adoption (p.
6
)
Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4.
Eloge funèbre de Gérard Gaud, sénateur de la Drôme
(p.
8
).
MM. le président, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance (p. 9 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
5.
Conférence des présidents
(p.
10
).
6.
Politique étrangère de l'Union européenne. -
Discussion d'une question orale avec débat portant sur un sujet européen (p.
11
).
MM. Xavier de Villepin, auteur de la question ; Jacques Genton, président de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne ; Nicolas About, Claude Estier,
Christian de La Malène, Jean-Luc Bécart, Robert-Paul Vigouroux.
M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes.
Clôture du débat.
7.
Protection des acquéreurs de lots de copropriété. -
Adoption d'une proposition de loi (p.
12
).
Discussion générale : MM. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement ;
François Blaizot, rapporteur de la commission des lois ; Guy Allouche.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 13 )
Amendements n°s 1, 2 de la commission, 13 et 14 du Gouvernement. - MM. le
rapporteur, le ministre délégué, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des quatre
amendements.
Amendement n° 3 de la commission, sous-amendements n°s 15 du Gouvernement et 18
de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, le ministre délégué, Michel
Dreyfus-Schmidt. - Rejet du sous-amendement n° 18 ; adoption du sous-amendement
n° 15 et de l'amendement n° 3 modifié.
Amendements n°s 16 du Gouvernement et 4 à 8 de la commission. - MM. le ministre
délégué, le rapporteur. - Adoption des six amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 1er (p. 14 )
Amendement n° 11 de M. Allouche. - MM. Guy Allouche, le rapporteur, le ministre
délégué, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Amendement n° 12 de M. Allouche. - MM. Guy Allouche, le rapporteur, le ministre
délégué, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Article additionnel avant l'article 2 (p. 15 )
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 2 (p. 16 )
Amendement n° 10 de la commission et sous-amendement n° 17 rectifié du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 17 )
M. Michel Doublet.
Adoption de la proposition de loi.
8.
Retrait d'une question orale sans débat
(p.
18
).
9.
Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire
(p.
19
).
10.
Dépôt d'une proposition de loi organique
(p.
20
).
11.
Dépôt de propositions de loi
(p.
21
).
12.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
DÉPÔT DE RAPPORTS
EN APPLICATION DE LOIS
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu :
- de M. le Premier ministre les rapports du Haut comité de la santé publique
et de la Conférence nationale de santé établis en application de l'article 1er
de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée
des dépenses de soins,
- et de M. le président de la Commission supérieure du service public des
postes et télécommunications le rapport d'activité de cette commission pour la
période 1995-1996, établi en application de l'article 35 de la loi n° 90-568 du
2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des
télécommunications.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
3
PLACEMENT
SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 3,
1996-1997) de M. Georges Othily, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 400, 1995-1996) de M.
Guy Cabanel relative au placement sous surveillance électronique pour
l'exécution de certaines peines.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce n'est pas la
première fois que nous débattons du placement sous surveillance électronique au
sein de notre assemblée.
Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises en commission des lois,
notamment à l'occasion de communications de notre collègue M. Guy Cabanel, qui
nous a fait part des enseignements concluants tirés des expériences
étrangères.
Nous en avons parlé également en séance publique lors de la dernière
discussion budgétaire, mais aussi - vous vous en souvenez certainement - à
l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la détention provisoire.
Les modalités techniques du placement sous surveillance électronique avaient
alors été largement décrites et je ne crois pas utile d'y revenir dans le
détail.
Je rappelle simplement qu'il s'agit d'éviter l'incarcération d'une personne ou
de permettre sa libération en posant un bracelet électronique à son poignet ou
à sa cheville. Lorsque la personne s'éloigne de plus d'une certaine distance -
une quarantaine de mètres - de son lieu d'assignation, sa ligne téléphonique
émet un signal pour avertir la personne chargée de la surveillance.
Au mois de mai dernier, le Sénat avait, à une très large majorité, estimé que
ce dispositif pouvait être utilement appliqué à des prévenus faisant l'objet
d'un mandat de dépôt, c'est-à-dire placés ou sur le point d'être placés en
détention provisoire.
L'Assemblée nationale, tout en approuvant le principe du placement sous
surveillance électronique comme substitut à l'incarcération, a jugé quelque peu
prématuré, vous le savez, de l'appliquer à des prévenus.
En revanche, plusieurs députés ont appelé de leurs voeux l'application du
placement sous surveillance électronique aux personnes condamnées à de courtes
peines d'emprisonnement ou en fin d'exécution de peines.
Lors de la discussion du projet de loi relatif à la détention provisoire,
plusieurs d'entre nous avaient, ici même, considéré que la surveillance
électronique offrirait le plus d'utilité par son application à des personnes
condamnées.
Tel fut notamment le cas de notre collègue M. Cabanel, qui avait alors annoncé
son intention de déposer au plus tôt une proposition de loi prévoyant le
placement sous surveillance électronique pour l'exécution de certaines peines.
La commission des lois a réservé le meilleur accueil à ce texte.
Sur le plan des principes, le placement sous surveillance électronique
présente, en effet, trois avantages essentiels.
Le premier avantage, et sans doute le principal, est qu'il constitue un
instrument efficace de réinsertion. Il permet aux petits délinquants d'éviter,
pour une courte peine, le contact avec le milieu carcéral, avec toutes les
conséquences qui en résultent : traumatisme de l'incarcération, rupture des
liens familiaux, perte d'un emploi. Pour les délinquants en fin de peine, le
placement sous surveillance électronique assure une préparation progressive à
la libération définitive.
Le deuxième avantage du placement sous surveillance électronique, quoique
difficilement mesurable, concerne la diminution de la surpopulation carcérale.
Je vous rappelle que, malgré les grâces collectives intervenues chaque 14
juillet et les lois d'amnistie votées après chaque élection présidentielle, la
population carcérale ne cesse de croître : elle atteint 52 658 personnes en
métropole au 1er juillet dernier pour 47 365 places, soit un taux d'occupation
de 111 p. 100.
Mon rapport écrit comporte un tableau qui permet d'évaluer à 17 600 le nombre
de bénéficiaires - bien entendu potentiels - du placement sous surveillance
électronique si, comme vous le propose la commission, cette mesure concernait
les personnes condamnées à un an d'emprisonnement au plus ou ayant un reliquat
de peine à accomplir inférieur à une année.
Le troisième avantage attendu du placement sous surveillance électronique a
trait au coût de prise en charge nettement inférieur à celui d'une place de
prison.
Certains objecteront que, quels que soient ses avantages potentiels, la
surveillance électronique constitue une atteinte à la dignité humaine, la
négation de la vie privée, bref, un procédé d'Etat totalitaire à la George
Orwell.
Il serait aisé de leur répondre que la dignité humaine et le respect de la vie
privée, auxquels nous sommes, bien entendu, viscéralement attachés, loin de
condamner le placement sous surveillance électronique, doivent au contraire
nous conduire à tout faire pour éviter l'incarcération.
Mais je souhaiterais aller au-delà de cette affirmation de principe et décrire
rapidement le dispositif que vous propose la commission des lois et qui me
paraît de nature à répondre aux éventuelles inquiétudes.
En premier lieu, le placement sous surveillance électronique supposerait le
consentement du condamné et ce consentement devrait être donné en présence d'un
avocat, que celui-ci soit choisi par l'intéressé ou désigné par le
bâtonnier.
La commission est profondément attachée à cette présence obligatoire d'un
avocat. En effet, elle a pleinement conscience qu'une personne incarcérée est
prête à tout accepter pour sortir de prison, sans en mesurer forcément toutes
les conséquences. Il est donc à ses yeux essentiel qu'un avocat lui dise à quoi
elle s'engage en acceptant le placement sous surveillance électronique.
En deuxième lieu, le placement sous surveillance électronique est limité dans
le temps et dans l'espace.
Comme je l'ai déjà dit lors du débat sur la détention provisoire, le placement
sous surveillance électronique n'est pas une version moderne de la lettre
écarlate marquant de manière permanente son porteur du sceau de l'infâmie.
C'est un dispositif discret et qui ne s'applique qu'à certaines périodes. Ces
périodes seront fixées par le juge de l'application des peines en fonction des
nécessités liées à la vie familiale du condamné, à son activité professionnelle
ou au suivi d'un traitement médical, d'une formation ou d'un enseignement.
Par ailleurs, comme c'est précisé dans le texte de la commission des lois, le
placement sous surveillance électronique ne doit pas permettre de suivre à la
trace le condamné. J'insiste sur ce point, car certaines personnes que j'ai
auditionnées croyaient que le bracelet électronique était une balise Argos
permettant de savoir à tout instant où se trouve la personne. C'est une erreur
: il permet seulement de savoir si la personne est bien sur son lieu
d'assignation et aucunement de savoir en quel autre lieu elle peut être si elle
ne respecte pas ses obligations.
En troisième lieu, le condamné devrait consentir aux modifications des
conditions d'exécution du placement sous surveillance électronique et pourrait
à tout moment demander la révocation de cette mesure. Certes, la révocation
devrait entraîner le retour en prison de l'intéressé, mais le temps passé sous
surveillance électronique serait décompté de la peine restant à accomplir.
J'ajoute que le condamné ne sera pas dépourvu face à une décision de
révocation. Cette décision ne pourra être prise que si le condamné se soustrait
à ses obligations, s'il la demande ou s'il refuse une modification nécessaire
des conditions d'exécution. Mais, surtout - il s'agit d'une innovation en
matière d'exécution des peines - le condamné pourra, tout comme le procureur de
la République, déférer une décision de révocation au tribunal correctionnel. Ce
recours du condamné ne sera cependant pas suspensif car, s'il y a révocation,
c'est que le juge de l'application des peines estime qu'il y a eu
méconnaissance par le condamné d'une règle du jeu essentielle.
Enfin, le dispositif proposé par la commission prévoit un accompagnement
socio-éducatif du condamné qui prendra la forme de mesures d'aide et de
contrôle décidées par le juge de l'application des peines.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues,
j'espère avoir démontré que, par ces modalités, le placement sous surveillance
électronique, loin d'offrir une nouvelle forme de l'oeil de
Big Brother
,
représentera l'application à des fins humaines d'un procédé moderne. J'espère
également que vous réserverez le meilleur accueil aux conclusions de la
commission des lois.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, avec l'examen de la proposition de loi de M.
Cabanel, que vient de présenter d'une manière excellente et claire M. Othily,
rapporteur, nous abordons une question d'une importance tout à fait
exceptionnelle pour le droit pénal. En effet, il s'agit non pas, comme le
législateur le fait fréquemment dans notre pays depuis une trentaine d'années,
d'instituer une nouvelle mesure alternative à la peine privative de liberté,
mais bien de créer une nouvelle modalité d'exécution de cette peine que nous
avons, jusqu'à aujourd'hui, toujours assimilée, en droit comme en pratique, à
l'emprisonnement.
Cette situation remonte, bien entendu, aux grands principes de la Révolution
française, qui a consacré la liberté comme principe fondateur de notre
organisation sociale et politique et qui a donné à la privation de liberté une
place centrale dans l'échelle des sanctions pénales.
Depuis deux siècles, l'emprisonnement constitue la pierre angulaire de notre
système répressif.
Mais la société a, dans le même temps, pris conscience des imperfections qui
résultent de cette sanction, notamment de ses effets toujours désocialisants et
parfois corrupteurs.
Aussi plusieurs réformes sont-elles intervenues pour porter remède à cette
situation, depuis l'institution du sursis avec mise à l'épreuve jusqu'à la
multiplication des peines alternatives à la détention.
Il n'en demeure pas moins que la prison reste dans les esprits, sinon dans la
loi, la peine de référence.
Cette situation, à l'aube du troisième millénaire, ne me paraît plus
acceptable. Il faut, en cette matière, comme en d'autres, faire preuve
d'imagination et d'audace.
Toutefois, le droit pénal, parce qu'il touche aux libertés fondamentales de la
personne, ne peut être infléchi aussi fortement sans une réflexion préalable ;
en cette matière plus qu'en toute autre, il ne faut modifier les lois qu'avec
circonspection.
Or, précisément, la présente proposition de loi répond totalement à ces deux
exigences : tout en apportant un véritable bouleversement dans notre système
répressif - on peut, je crois, parler de « révolution » - elle trouve ses
racines dans une réflexion ancienne et approfondie.
Le placement sous surveillance électronique est, en effet, préconisé depuis de
longues années. Il ne s'agit pas d'une idée improvisée.
Ce procédé est utilisé ou expérimenté, parfois depuis près de vingt ans, par
beaucoup d'autres Etats. Il a été évoqué par de nombreuses personnalités, comme
M. Gilbert Bonnemaison dans un rapport de 1989 sur la modernisation du service
public pénitentiaire. Il a fait l'objet, comme l'a rappelé le rapporteur M.
Othily, d'une appréciation positive dans un rapport de la commission des lois
du Sénat, conduite par son président M. Jacques Larché, lors d'une mission qui
eut lieu en 1994 au Canada. Enfin - et c'est l'origine des réflexions qui ont
conduit à la présente proposition de loi - il a été préconisé par le rapport
intitulé :
Pour une meilleure prévention de la récidive,
qui avait été
commandé par M. Balladur à M. Cabanel et que celui-ci a remis à M. Juppé en
juin dernier. Depuis, j'ai longuement parlé de ce rapport avec M. Cabanel.
A la suite de ce rapport, qui suggérait le recours au placement sous
surveillance électronique en lieu et place de l'incarcération, M. Cabanel a
déposé la présente proposition de loi, qui prévoit un dispositif juridique,
complet et détaillé, permettant la mise en oeuvre de cette nouvelle mesure.
Nous avons d'ailleurs ici même débattu de l'application du placement sous
surveillance électronique à la détention provisoire.
Comme l'a rappelé M. Othily, une position de principe a également été prise
sur ce point voilà quinze jours à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du
projet de loi relatif à la détention provisoire.
Je suis personnellement très attaché à l'institution du placement sous
surveillance électronique, comme j'ai eu l'occasion de le préciser dans cette
enceinte en mai dernier lorsque le Sénat a examiné ce texte.
Je ne révélerai pas un secret en disant que, à ma demande et depuis le dépôt
du rapport de M. Cabanel, la Chancellerie travaillait de son côté,
parallèlement à votre commission, sur des dispositions visant à instituer cette
nouvelle mesure. Je suis donc bien évidemment extrêmement favorable à la
présente proposition de loi, qui rejoint très exactement les préoccupations qui
sont les miennes depuis longtemps.
Je voudrais donc vous faire connaître la position du Gouvernement sur la
présente proposition de loi en examinant successivement le principe de la
mesure, son champ d'application et ses modalités de mise en oeuvre.
Dans son principe, le placement sous surveillance électronique, non comme
alternative à l'emprisonnement mais comme nouvelle modalité de celui-ci, me
paraît une excellente solution pour trois raisons.
D'abord, pour le condamné lui-même, il constitue un évident progrès, puisque,
au lieu d'être enfermé entre les quatre murs d'une prison, celui-ci se verra
privé de sa liberté à son domicile ou dans tout lieu désigné par le juge de
l'application des peines.
Ainsi se trouveront considérablement réduits les effets désocialisants de
l'emprisonnement, tels que la rupture des liens familiaux ou professionnels ;
de même seront écartés les inconvénients, humainement si pénibles, de la
promiscuité que l'encombrement des établissements pénitentiaires engendre
inévitablement.
Ces simples considérations montrent, si besoin en est, que cette mesure n'est
pas, comme certains le prétendent, attentatoire à la dignité de la personne ;
et elle l'est d'autant moins que le recours à ce dispositif sera soumis à
l'accord de l'intéressé.
Cette exigence de consentement - M. Othily a justement insisté sur ce point -
a d'ailleurs été renforcée par les dispositions adoptées par la commission des
lois du Sénat sur l'initiative de son rapporteur, en prévoyant notamment la
présence obligatoire d'un avocat, choisi ou désigné. C'est selon moi,
indiscutablement, un des points majeurs de la discussion d'aujourd'hui, un
point sur lequel il convient de mettre la lumière. Il s'agit, en effet, d'une
disposition excellente et indispensable.
Le placement sous surveillance électronique est également satisfaisant pour la
collectivité, car il assure le contrôle effectif et véritable de la personne
concernée. A ce titre, il se différencie très nettement des mesures
alternatives à la détention en offrant une véritable crédibilité du point de
vue de la sécurité et de la répression.
Enfin, il offre un intérêt dans la gestion du parc pénitentiaire, au regard du
douloureux problème de la surpopulation carcérale.
De ce point de vue, en effet, le placement sous surveillance électronique peut
également apporter une réponse satisfaisante. Il est de nature à diminuer le
nombre d'entrants en prison, qui est d'environ 80 000 par an. Il est aussi de
nature à permettre une libération plus rapide des personnes qui ont été
incarcérées, puisque, ainsi que nous le verrons, le placement sous surveillance
électronique permettrait en fin de peine de libérer un certain nombre de
personnes qui, autrement, devraient demeurer en prison.
J'en viens maintenant au champ d'application du placement sous surveillance
électronique, en particulier à l'application de cette mesure soit en fin de
peine, soit comme alternative à l'emprisonnement.
Le domaine d'application du placement sous surveillance électronique, dont je
viens de démontrer les trois avantages, a, vous le savez, déjà fait l'objet
d'un débat devant le Parlement, lorsque nous avons examiné, au mois de juin
dernier, le projet de loi relatif à la détention provisoire.
Une première question était en effet de savoir si cette mesure devait être
réservée aux seuls condamnés, ou si elle pouvait également s'appliquer aux
personnes mises en examen et susceptibles d'être placées en détention
provisoire.
Lors de l'examen du projet de loi relatif à la détention provisoire, le Sénat
avait complété le texte du Gouvernement par des dispositions prévoyant le
placement sous surveillance électronique comme substitut à la détention
provisoire, et, vous vous en souvenez, j'avais à l'époque donné mon accord à
cette proposition.
Voilà quinze jours, l'Assemblée nationale a supprimé ces dispositions en
estimant que, dans un premier temps, il était préférable de ne prévoir cette
mesure que dans le cadre de l'exécution des peines prononcées.
A la réflexion, je crois effectivement que, dans un premier temps, cette
solution est la plus sage, surtout s'il est envisagé, comme le fait la
proposition de loi de M. Cabanel, de limiter cette mesure aux peines
d'emprisonnement ferme déjà prononcées.
Je tiens à dire à quel point cette condition me paraît essentielle, car c'est
elle qui permet d'inscrire la mesure dans ce que je considère être son principe
même, à savoir une modalité d'exécution de la peine d'emprisonnement, et non
une alternative à la détention.
En effet, dans une telle hypothèse, il n'est pas possible de craindre - si
cette crainte est légitime - que le placement sous surveillance électronique ne
soit prononcé contre des personnes qui, si une telle mesure n'avait pas existé,
seraient restées libres.
Il ne faut pas, pour reprendre une expression employée à propos du contrôle
judiciaire, que le placement sous surveillance électronique « morde sur la
liberté », alors qu'il est conçu pour « mordre sur la détention » en se
substituant à l'emprisonnement.
Demeure alors, s'agissant du champ d'application, une seconde question :
quelles peines d'emprisonnement ?
Le texte adopté par la commission des lois du Sénat diffère sensiblement de
celui de la proposition de loi initiale, car il prévoit que le placement sous
surveillance électronique peut être ordonné pour les peines dont la durée
n'excède pas un an, ou lorsqu'il reste au condamné moins d'un an de privation
de liberté à accomplir. La proposition de loi de M. Cabanel prévoyait un seuil
de trois mois.
Je pense que ce seuil était effectivement trop bas. Peut-on maintenant
considérer que celui d'un an est trop élevé ? Je ne le pense pas, car, dans sa
philosophie, le placement sous surveillance électronique s'apparente en partie
à la semi-liberté, qui est dans un certain nombre de cas conditionnée par ce
même seuil ; on peut donc par analogie retenir ce seuil.
C'est du reste la raison pour laquelle je crois que le placement sous
surveillance électronique doit également pouvoir être prononcé à titre
probatoire de la libération conditionnelle.
En effet, dans l'hypothèse où il serait envisagé de faire bénéficier une
personne condamnée à cinq ans d'emprisonnement d'une libération conditionnelle
après trois ans de détention, le placement sous surveillance électronique ne
pourrait être ordonné en application des dispositions adoptées par la
commission des lois du Sénat, puisqu'il resterait alors au condamné deux ans -
c'est-à-dire, plus d'un an - à subir. Une telle impossibilité me semble
regrettable.
Il est donc nécessaire de prévoir expressément, comme le fait l'article 723-1
du code de procédure pénale pour la semi-liberté, que le placement sous
surveillance électronique peut être ordonné, à titre probatoire, un an avant
une libération conditionnelle.
Ainsi, dans l'exemple des cinq ans, que je viens d'évoquer, après au moins
deux ans de détention - par exemple après deux ans et demi - la personne
pourrait être placée pendant six mois sous surveillance électronique, et faire,
à l'issue, l'objet d'une libération conditionnelle, si elle a respecté les
obligations du placement sous surveillance électronique.
J'ai donc déposé un amendement en ce sens, et je demanderai au Sénat de le
retenir.
J'en viens, enfin, à la question des modalités d'application de la mesure.
Je ne décrirai pas dans le détail le procédé de surveillance, car cela a déjà
été fait, de façon claire et exhaustive, par M. le rapporteur, notamment dans
son rapport écrit, ainsi que par M. Cabanel en commission des lois.
Je souhaite simplement dire que je suis pleinement d'accord avec le mécanisme
mis en place par la commission, mécanisme qui donne un rôle central au juge de
l'application des peines, puisque c'est ce dernier qui, seul, ordonne le
placement sous surveillance électronique et qui peut également le révoquer.
Ce choix est en parfaite conformité avec la volonté de faire du placement sous
surveillance électronique une modalité de l'exécution de la peine
d'emprisonnement, et non une peine alternative à ce même emprisonnement.
J'ai toutefois déposé plusieurs amendements pour améliorer la cohérence et
l'efficacité du dispositif.
Un premier amendement prévoit que la mesure de placement sous surveillance
électronique doit, comme la mesure d'emprisonnement, pouvoir être suspendue ou
fractionnée pour des motifs d'ordre médical, familial, professionnel ou social,
conformément aux dispositions de l'article 720-1 du code de procédure
pénale.
Un deuxième amendement prévoit que le placement sous surveillance électronique
doit être soumis aux conditions de l'article 722, qui exige une expertise
psychiatrique préalable des criminels et délinquants sexuels, avant qu'ils ne
fassent l'objet d'une mesure d'aménagement de leur peine entraînant leur mise
en liberté.
Un troisième amendement, enfin, prévoit que le décret d'application des
nouveaux textes - car il est évident que ces dispositions devront faire l'objet
d'un décret d'application avant de pouvoir être mises en oeuvre - devra fixer
les conditions d'agrément des personnes morales de droit privé qui pourront
être habilitées à procéder à l'exploitation et à la maintenance du dispositif
technique permettant le contrôle à distance.
En effet, si les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire doivent être
chargés du contrôle à distance du condamné, comme le prévoit la proposition de
loi, il est nécessaire que l'exploitation et la maintenance du dispositif
technique de contrôle puissent être confiées à des sociétés privées habilitées,
dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat.
Je terminerai mes observations sur les modalités pratiques de mise en oeuvre
du placement sous surveillance électronique par une dernière précision, qui me
paraît importante : le texte proposé par la commission des lois du Sénat ne
limite en rien le choix du Gouvernement quant à la nature du dispositif
technique de surveillance. S'il pourra s'agir d'un bracelet électronique, comme
cela se pratique dans la plupart des pays étrangers, rien n'interdira de
réfléchir à d'autres systèmes, tel celui de la reconnaissance vocale, par
exemple.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de suivre
l'avis de la commission, en adoptant la proposition de loi présentée par M.
Cabanel et complétée par les amendements du Gouvernement dont je viens de vous
faire part rapidement.
La mise en place de cette nouvelle modalité d'exécution de la peine privative
de liberté demandera, à coup sûr, une sorte de changement des mentalités. Elle
porte cependant en germe les modifications futures, qui permettront - j'en suis
persuadé - d'améliorer notre système répressif, en offrant à l'institution
judiciaire des réponses plus justes et plus efficaces à la délinquance.
L'un des chapitres de l'ouvrage que j'ai publié en 1984 - voilà donc
maintenant douze ans - portait le titre suivant : « Il n'y a pas que la prison
». Je reste cohérent avec moi-même, et je crois qu'il s'agit de plus en plus
d'une idée force de notre droit pénal et de notre procédure pénale. Il faut peu
à peu faire entrer dans le droit et dans les faits cette vérité : il n'y a pas
que la prison pour punir.
En mettant fin à l'équation « privation de liberté égale prison », le
placement sous surveillance électronique, constitue une peine pour l'an 2000.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de
l'inscrire dès aujourd'hui dans notre loi. Vous ferez considérablement avancer
dans notre pays la justice et les droits de l'homme.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en
1995, notre collègue Guy Cabanel, parlementaire en mission auprès du garde des
sceaux, avait remis au Premier ministre de l'époque, M. Edouard Balladur, un
rapport intitulé :
Pour une meilleure prévention de la récidive
.
En effet, depuis le milieu des années soixante-dix, les gouvernement
successifs, le Parlement et l'autorité juridiciaire se sont efforcés d'assurer
une prise en charge de la population pénale de nature à limiter le risque de
récidive.
Partant du postulat que le placement en détention provisoire pouvait avoir,
surtout sur les petits délinquants, des conséquences criminogènes, une
politique d'alternative à l'incarcération s'est développée afin d'éviter les
risques de désociabilisation liés à la perte d'un emploi ou à la rupture des
liens familiaux.
Le rapport de notre collègue Guy Cabanel présentait une nouvelle réflexion sur
ce sujet, assortie d'un certain nombre de propositions. L'une des vingt
propositions contenues dans ce document constituait une véritable innovation :
il était en effet suggéré l'application du placement sous surveillance
électronique en lieu et place de l'incarcération, notamment pour les courtes
peines et les fins de peine.
Faisant suite à ce rapport, notre collègue Guy Cabanel a déposé la proposition
de loi que nous examinons aujourd'hui.
Le placement sous surveillance électronique, progressivement consacré depuis
une vingtaine d'années dans de nombreux pays comme les Etats-Unis, la Suède, le
Canada, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, avait déjà été évoqué par Gilbert
Bonnemaison, en 1989, dans un rapport sur la modernisation du service public de
la justice. Notre assemblée l'a, par ailleurs, consacré lors de l'examen du
projet de loi relatif à la détention provisoire pour des personnes ayant fait
l'objet d'un mandat de dépôt.
L'Assemblée nationale n'a pas souhaité reprendre à son compte cette
disposition, sans toutefois en faire une opposition de principe. Elle a, en
effet, adopté un amendement modifiant le rapport annexé à la loi de programme
du 6 janvier 1996 relative à la justice, afin d'y faire mention du placement
sous surveillance électronique de sorte que le Gouvernement entame une
réflexion sur ce sujet.
Si la surveillance électronique comme alternative à la détention provisoire
présente un certain nombre d'inconvénients que notre collègue Guy Cabanel avait
d'ailleurs soulignés dans son rapport, c'est appliquée aux courtes peines et
aux fins de peines qu'elle sera incontestablement le plus efficace.
En effet, pour les courtes peines, le placement sous surveillance électronique
évitera de couper le condamné de sa famille et de son environnement social ; il
lui permettra de poursuivre son activité professionnelle ou de recevoir un
traitement médical.
S'agissant des fins de peine, le placement sous surveillance électronique
offrira au condamné la possibilité de revenir moins brutalement à une vie
sociale, familiale et professionnelle, ce qui aura pour conséquence certaine de
favoriser sa réinsertion.
Dans les deux cas, ce système présentera des avantages financiers
substantiels, le coût du bracelet, du récepteur et de la maintenance étant très
inférieur au prix de journée dans un établissement pénitentiaire.
Ce système constituera par ailleurs un instrument de lutte efficace contre la
surpopulation carcérale ; alors qu'au 1er janvier 1996 52 658 personnes étaient
incarcérées en métropole pour 47 365 places, l'application de la surveillance
électronique aux seuls condamnés ayant trois mois au plus de peine à accomplir
aurait pu concerner potentiellement 7 800 personnes.
Le placement sous surveillance électronique nécessite un encadrement très
strict auquel répond la proposition de loi amendée par la commission des
lois.
Cette mesure s'adresse à toute personne condamnée à une peine inférieure ou
égale à un an de prison.
La décision de mise sous surveillance électronique est confiée au juge de
l'application des peines à la demande du condamné ou du procureur de la
République. Elle suppose le consentement du condamné, qui sera donné en
présence de son avocat ou d'un avocat désigné par le bâtonnier.
Les périodes et les lieux d'assignation seront fixés par le juge de
l'application des peines en tenant compte des nécessités liées à la vie
familiale du condamné, à son activité professionnelle ou au suivi d'un
traitement médical, d'une formation ou d'un enseignement.
Le contrôle sera assuré au moyen d'un procédé permettant de détecter à
distance l'absence ou la présence du condamné dans le lieu désigné par le juge
de l'application des peines, procédé dont les conditions d'homologation seront
définies par décret en Conseil d'Etat.
La mise en oeuvre de ce dispositif doit garantir « le respect de la dignité,
de l'intégrité et de la vie privée du condamné ». A cela, la commission des
lois a ajouté une garantie supplémentaire : la présence du condamné à son
domicile ne pourra donner lieu à un contrôle sur place qu'entre six heures et
vingt et une heures, et uniquement lorsque le contrôle à distance laisse
présumer que le condamné se soustrait aux obligations résultant du placement
sous surveillance électronique.
Le texte initial de la proposition de loi prévoyait que le contrôle à distance
pourrait être assuré « par le service d'un organisme de droit public désigné
par décret ou par une personne habilitée à cet effet dans des conditions
prévues par décret ». La possibilité de voir confier cette mission à une
personne physique ou morale de droit privé ou à un établissement public local
ne nous satisfaisait pas. En effet, il est tout à fait essentiel que la
surveillance d'une personne considérée comme incarcérée incombe à l'Etat et
donc relève de la compétence exclusive de l'administration pénitentiaire. C'est
la solution qui a été retenue par la commission des lois, et nous nous en
félicitons.
La proposition de loi dispose que la modification ou la révocation du
placement sous surveillance électronique pourront être décidées par le juge de
l'application des peines, après avis du procureur de la République, avec le
consentement du condamné ou à sa demande.
La commission des lois a prévu que la décision de révocation puisse faire
l'objet d'un recours par le condamné devant le tribunal de grande instance,
dans les conditions prévues à l'article 733-1 du code de procédure pénale, sans
toutefois avoir un caractère suspensif.
On peut s'interroger sur l'opportunité d'un tel recours qui, certes, constitue
une protection supplémentaire pour le condamné, mais fait exception au
dispositif relatif aux recours contre les décisions du juge de l'application
des peines.
La proposition de loi précise utilement, par ailleurs, que le temps pendant
lequel le condamné a été placé sous surveillance électronique compte pour
l'exécution de la peine.
Les réserves que nous avions développées, tant lors de la discussion du projet
de loi relatif à la détention provisoire, s'agissant du placement sous
surveillance électronique, qu'en commission des lois, à l'occasion de l'examen
de cette proposition de loi, ayant été levées, nous ne pouvons que nous
associer à la mise en place d'un tel système, qui constitue un progrès par
rapport à la semi-liberté et est éminemment préférable à la détention dans un
établissement pénitentiaire.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le garde des sceaux,permettez-moi tout d'abord de vous remercier
d'avoir accompagné mes efforts pendant ma mission parlementaire, laquelle s'est
déroulée sous deux gouvernements : en effet, j'ai remis un rapport d'étape à M.
Balladur peu avant qu'il quitte Matignon, et j'ai poursuivi ma mission sous
l'autorité de M. Alain Juppé et sous la vôtre.
Je tiens aussi à remercier tous vos collaborateurs de la Chancellerie pour
leur assistance efficace.
J'associerai également à ces remerciements mes collègues de la commission des
lois et l'administration de cette dernière, qui m'ont apporté leur soutien.
Nous voici donc arrivés au moment où prend forme, après deux ans d'efforts,
une proposition, qui n'était en réalité qu'une parmi vingt propositions visant
à lutter contre la récidive et à améliorer le système carcéral français.
Je dois d'ailleurs dire au passage, monsieur le garde des sceaux, que la
dernière inflexion que vous avez donnée dans ce domaine, en plus des apports de
la commission des lois du Sénat, me satisfait pleinement. En effet, c'est en en
faisant une modalité d'exécution d'une peine que le placement sous surveillance
électronique trouvera définitivement sa place dans l'arsenal juridique
français.
A l'heure où la justice et la sécurité sont au coeur des préoccupations de nos
concitoyens, le traitement de la délinquance et la prévention de la récidive
doivent constituer des objectifs prioritaires pour les pouvoirs publics.
C'est à la société qu'il appartient de répondre aux manquements à la loi
pénale. Elle peut les pardonner, mais elle doit aussi savoir les
sanctionner.
Cependant, la sanction n'est pas forcément la prison. « Quand les hommes
sortent de prison, neuf fois sur dix leur regard ne se pose plus. Ils ne
regardent plus comme des hommes. », écrivait André Malraux, dont on va bientôt
célébrer le vingtième anniversaire de la mort.
En gardant à l'esprit un jugement aussi sévère, qui montre à quel point la
prison présente des risques pour la personne humaine et brise souvent l'homme,
il nous faut veiller à ce qu'elle ne le fasse pas inutilement ou
injustement.
Voilà d'ailleurs longtemps que notre assemblée en a pris conscience, elle qui
fut à l'origine, avec René Bérenger, de la loi du 14 août 1885 sur la
libération conditionnelle et de la loi du 26 mars 1891 sur le sursis simple.
Notre collègue M. Robert Badinter a d'ailleurs particulièrement souligné dans
son livre
La Prison républicaine
l'importance de cet apport du Sénat de
la IIIe République.
Ce souci du Sénat d'éviter le « tout-carcéral » est pouvons-nous dire, une
constante historique. Il n'est pas inutile de rappeler les efforts que notre
assemblée a entrepris ces dernières années, particulièrement grâce aux
initiatives du président de la commission des lois, M. Jacques Larché, pour
limiter le recours à la détention provisoire.
Aujourd'hui, le progrès technique nous offre une nouvelle forme de réponse
humaine pour traiter la délinquance aussi efficacement que possible et pour
prévenir la récidive.
Je dis bien une « réponse humaine », car le placement sous surveillance
électronique constitue avant tout une possibilité d'éviter des incarcérations
ou de permettre des sorties de prison anticipées, dans le respect de la dignité
de l'individu.
A ce sujet, il faut tout de même mettre en garde l'opinion contre les
informations erronées, les craintes exagérées, voire les images fausses,
apparues ici ou là au sujet du placement sous surveillance électronique.
Par deux fois, j'ai vu dans la presse quotidienne, en particulier dans un
grand quotidien de ma région, une photo où, derrière des barreaux, un homme et
une femme avaient de véritables bâtons de dynamite attachés aux deux
avant-bras. Cette photo illustrait un article sur la proposition de loi dont
nous débattons. C'est là, manifestement, de la désinformation.
Notre rapporteur, que je remercie pour la part qu'il a prise à l'approbation
de cette proposition par la commission des lois et à sa discussion en séance
publique aujourd'hui, a insisté sur la discrétion du bracelet électronique,
discrétion assurée par sa taille, qui peut encore être réduite avec les progrès
de la miniaturisation.
Avec l'autorisation de M. le président, je vais vous présenter, mes chers
collègues, les deux modèles de bracelets électroniques les plus courants à
travers le monde
(M. Guy Cabanel montre les deux bracelets.)
. Le modèle
américain ou canadien se met à la cheville et est donc caché sous le pantalon.
Cela oblige seulement les femmes qui ont un bracelet à porter un pantalon. Le
modèle européen, tel qu'il se dessine, se fait notamment sous la forme d'un
bracelet-montre en Grande-Bretagne ; en France, ce modèle est également
fabriqué pour certaines applications de contrôle d'enceintes industrielles.
Ce sont là deux modèles d'une simplicité extrême. Le modèle européen présente
l'avantage de pouvoir être encore amélioré, paraît-il. Nous le verrons,
d'ailleurs, puisqu'il y a quelques hypothèses de travail.
En effet, le progrès poursuit sa marche. Aux Etats-Unis, on envisage même de
remplacer le bracelet - vous l'avez dit, monsieur le garde des sceaux - par un
appareil numérisé de correspondance électronique permettant l'identification à
la fois de l'individu par son empreinte vocale et du lieu de son assignation
par la ligne téléphonique.
C'est dire que, à l'adoption du placement sous surveillance électronique, le
ministère de la justice pourra, par appel d'offres, trouver en France les
fabricants d'un appareillage électronique discret, efficace et permettant, de
plus, une surveillance informatisée facile, le plus vraisemblablement par
l'administration pénitentiaire.
J'ajoute - notre commission l'a parfaitement compris en décidant de le
préciser expressément dans ses conclusions - que le placement sous surveillance
électronique ne saurait permettre de suivre le condamné en tout lieu, selon une
idée qui est une espèce de serpent de mer du syndrome du
Big Brother
.
Comme l'a très bien dit notre rapporteur, le bracelet électronique n'est pas
une balise Argos miniaturisée. Il permet de savoir si le porteur est ou n'est
pas en son lieu d'assignation, mais nullement de le suivre à la trace. Cela n'a
rigoureusement rien à voir avec l'expérience actuellement menée sur l'oursonne
slovène lâchée dans les Pyrénées.
Ces quelques réflexions, parmi beaucoup d'autres, me conduisent à considérer
le placement sous surveillance électronique, tout particulièrement dans les
modalités que propose la commission, comme une réponse humaine à la
délinquance.
Mais c'est aussi, je l'ai dit, une réponse efficace à la prise en charge de
certains délinquants, qu'ils aient été condamnés à une courte ou à une longue
peine.
Je ne reviens pas sur ce qui a été excellemment dit par le rapporteur : le
placement sous surveillance électronique évite aux petits délinquants
l'incarcération, la désocialisation, la perte d'activité, la perte d'une vie
familiale.
Pour les délinquants condamnés à une longue peine - un effort devait être fait
en ce domaine - le placement sous surveillance électronique sera une chance
supplémentaire de réinsertion. Il faut savoir en effet que, compte tenu de
l'état de la société française aujourd'hui, au bout de quelques années de
prison des femmes et des hommes se trouvent complètement abandonnés par leur
famille. Leur sortie va donc poser un énorme problème de réinsertion. Le
placement sous surveillance électronique facilite cette réinsertion, on l'a
dit, et je m'en réjouis.
Le placement sous surveillance électronique offrira aussi une chance de
réinsertion au délinquant par les mesures d'accompagnement que sa mise en place
générera, dans le respect des objectifs fixés par la loi du 22 juin 1987 au
service public pénitentiaire, qui est responsable à la fois de l'exécution des
sentences pénales et de la réinsertion.
Cette mission de réinsertion est certainement la mission la plus noble de
l'administration pénitentiaire ; je dirai même que c'est l'avenir de
l'administration pénitentiaire.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Absolument !
M. Guy Cabanel.
Le placement sous surveillance électronique devrait lui donner une expansion
toute particulière.
En effet, il ne s'agit pas seulement d'éviter l'incarcération ou de permettre
une sortie de prison moins tardive. Il s'agit aussi, et même surtout,
d'assurer, comme dans d'autres pays, un suivi socio-éducatif du condamné.
C'est ce qu'a parfaitement compris la commission des lois, qui a expressément
permis au juge de l'application des peines d'accompagner le placement sous
surveillance électronique de mesures de contrôle mais aussi de mesures
d'assistance. La personne placée sous surveillance électronique ne sera pas
livrée à elle-même. Elle pourra toujours bénéficier de visites de l'agent de
probation. Elle pourra, comme c'est déjà le cas en Suède, être tenue d'exercer
une activité professionnelle ou de suivre une formation, ou être encouragée à
le faire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne perdons pas de vue le fait que,
pour une prévention efficace de la récidive, la prison n'est pas toujours la
meilleure solution, même si elle doit demeurer l'ultime recours pour faire
respecter la loi.
Pour certains délinquants - primo-délinquants, petits délinquants - elle se
révèle être un mal pas forcément nécessaire.
Aujourd'hui, nous n'avons pas à l'esprit l'action plus ou moins bénéfique du
placement sous surveillance électronique pour lutter contre la surpopulation
carcérale ou pour limiter la charge financière de la construction de nouvelles
prisons. Loin de nous cette pensée mercantile !
Nous pensons aujourd'hui au Sénat de la IIIe République qui, par les lois de
1885 et 1891 sur la libération conditionnelle et le sursis, a fait reculer la
récidive et soulagé le système carcéral français au début du XXe siècle. Ce fut
l'embellie des années 1900-1910.
A nous tous, aujourd'hui, de tenter de suivre cette voie humaniste en votant
les dispositions raisonnables de mise en oeuvre du placement sous surveillance
électronique qui ont été adoptées par la commission des lois et acceptées par
M. le garde des sceaux.
Mes chers collègues, ces deux bracelets d'une grande simplicité -
naturellement, on choisira plutôt le modèle européen ! - seront portés par des
personnes qui devront tout simplement se trouver à moins de quarante-cinq
mètres de ce petit récepteur, qui n'enregistre rien, et que j'ai placé sur mon
pupitre.
Tel est l'essentiel du dispositif aujourd'hui. Il n'y a rien là de monstrueux.
C'est un progrès technique au service de la liberté, au service de la justice.
Nous nous devons, aujourd'hui, de l'adopter. Notre assemblée le fera, je
l'espère, à l'unanimité. Ce sera le fruit de deux années d'efforts.
Grâce aux encouragements du Gouvernement, grâce à l'aide puissante de la
commission des lois, de son président, de son rapporteur, nous aurons ainsi
fait franchir une étape nouvelle au système judiciaire français, voire au
système carcéral français.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur Cabanel, les jolis petits bracelets que vous nous avez montrés
semblent plus adaptés aux hommes qu'aux femmes !
(Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
avons eu l'occasion d'évoquer la question du placement sous surveillance
électronique lors de la discussion du projet de loi relatif à la détention
provisoire. A cette occasion, un amendement avait été adopté par le Sénat
offrant la possibilité de substituer à la détention provisoire le bracelet
électronique.
L'Assemblée nationale a finalement repoussé cette disposition sur laquelle
nous avions émis de sérieux doutes en raison, d'une part, des atteintes aux
libertés tant publiques qu'individuelles qu'elle risquait d'entraîner et,
d'autre part, de l'efficacité de son utilisation pour éviter l'incarcération,
cette utilisation risquant de se substituer davantage au contrôle judiciaire
qu'à la prison.
Aujourd'hui, il est donc question de revenir à la proposition de loi initiale
de notre collègue M. Guy Cabanel visant à appliquer le contrôle sous
surveillance électronique à des personnes condamnées et non plus à des
prévenus.
Comme cela a été dit, le placement sous surveillance électronique pourrait
ainsi concerner toute personne condamnée à moins d'un an de prison ou n'ayant
plus qu'un an au maximum à accomplir.
Le recours à ce procédé est envisagé comme une modalité d'exécution d'une
peine privative de liberté et non comme une peine prononcée par la juridiction
de jugement. Il suppose, de plus, le consentement de l'intéressé donné en
présence d'un avocat. Nous avons pris note de ces garanties.
Cependant, les réserves que nous avions émises précédemment restent, hélas !
toujours aussi pertinentes, et je ne partage donc pas l'enthousiasme
général.
Le bracelet électronique nous est présenté comme un instrument efficace de
réinsertion puisqu'il permettrait, pour les petits délinquants, d'éviter pour
une courte peine de prison le contact avec le milieu pénitentiaire et la
désocialisation liée notamment à la rupture des liens familiaux ou à la perte
d'un emploi, et, pour les délinquants en fin de peine, de se préparer
progressivement à leur libération définitive.
Or, contrairement à ce que vous pensez, monsieur le garde des sceaux, nous
avons toutes les raisons de croire que, dans la pratique, ce nouveau procédé ne
viendra aucunement remplacer l'incarcération ; il sera plutôt utilisé soit
comme substitution non pas à la prison elle-même mais aux peines
d'emprisonnement avec sursis, soit comme un palliatif à la libération
conditionnelle pour les fins de longue peine.
Vous me répondrez, monsieur le garde des sceaux, que la décision de placement
sous surveillance électronique n'intervient qu'une fois la peine prononcée,
puisqu'elle n'est qu'une modalité d'exécution de la peine. Nous vous avons
entendu. Mais vous savez aussi, monsieur le garde des sceaux, que sa seule
existence risque de favoriser le prononcé, par la juridiction de jugement, de
peines d'emprisonnement fermes.
Telle est d'ailleurs l'opinion du Syndicat de la magistrature, qui estime que
cette nouvelle possibilité offerte au juge de l'application des peines risque
d'avoir les mêmes effets que la mise en place, au début des années
soixante-dix, du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve. Il en
va de même du travail d'intérêt général, qui est venu se substituer non à la
prison mais aux peines d'emprisonnement avec sursis simple ou mise à
l'épreuve.
En outre - c'est là un point essentiel - il existe déjà des mesures
alternatives à l'incarcération - je pense notamment à la semi-liberté - qui
permettent, elles aussi, un contrôle sans pour autant présenter les risques du
placement sous surveillance électronique.
L'Union syndicale de la magistrature en convient d'ailleurs, lorsqu'elle
indique, à propos de cette proposition de loi, que le système de placement sous
surveillance électronique n'était pas indispensable étant donné les mesures
existantes.
Sans énumérer toutes les modalités d'exécution des peines mises à la
disposition du juge de l'application des peines, je me permets de rappeler que,
pour des peines inférieures à six mois, il peut notamment demander au tribunal
de grande instance de transformer la peine en travail d'intérêt général.
C'est là une mesure particulièrement intéressante qui, tout en évitant
l'incarcération, garantit un certain suivi du délinquant et permet une
véritable réinsertion de ce dernier.
Pourquoi, dès lors, ne pas recourir plus amplement à ces modalités offertes au
juge d'application des peines qui ont fait leur preuve et qui fonctionnent de
manière satisfaisante mais insuffisante faute de moyens financiers et humains
?
De plus, aucune mesure concrète d'accompagnement social du condamné n'est
envisagée dans cette proposition de loi. M. le rapporteur reconnaît pourtant
qu'il y aurait un certain paradoxe à adopter une telle mesure sans favoriser le
suivi de la personne ainsi assujettie au placement sous surveillance
électronique.
Qu'en est-il réellement, monsieur le garde des sceaux ? Songez-vous à ouvrir
des crédits pour mettre en place ce nouveau dispositif ? Etant donné le budget
de la justice que votre gouvernement propose au Parlement, j'avoue être très
sceptique quant aux moyens qui seront débloqués.
Plus généralement, le Gouvernement, ou sa majorité en l'occurrence, a beau jeu
de se faire le chantre de la réinsertion, alors même que le budget de la
justice voit chaque année son volet prévention et réinsertion amputé.
Dans le même ordre d'idée, rappelons que le chapitre relatif aux alternatives
à l'incarcération dans le programme pluriannuel pour la justice, présent dans
le texte initial du Gouvernement en 1994, avait finalement été abrogé à
l'Assemblée nationale, le ministre de l'époque s'en étant remis à la sagesse de
l'Assemblée.
Le rapport présenté par M. Othily en commission des lois insiste sur le fait
que ce dispositif existe dans quelques pays sous une forme consacrée, comme aux
Etats-Unis, ou sous une forme expérimentale dans d'autres, comme la Suède, le
Royaume-Uni ou le Canada.
A ce sujet, je m'étonne qu'une telle proposition soit soumise au Parlement
sans que soit envisagée une expérimentation préalable, et ce d'autant plus que
M. le garde des sceaux, lors du débat sur la détention provisoire, avait jugé
souhaitable une telle expérimentation. En outre, l'un de vos éminents collègues
à l'Assemblée nationale, M. Philippe Houillon, ne précisait-il pas au cours du
même débat : « La mise en place d'un tel système suppose une réflexion et des
études techniques non encore réalisées pour l'instant et représenterait un coût
important ?»
Quoi qu'il en soit, les expériences des pays étrangers n'incitent pas à croire
en l'efficacité du placement sous surveillance électronique dans la lutte
contre l'incarcération puisque, aux Etats-Unis, le nombre de détenus par
habitant est de sept à huit fois supérieur à celui de la France. De même, au
Canada, le taux d'incarcération est de 129,6 détenus pour 100 000 habitants,
contre 89,6 en France.
Remarquons par ailleurs que seules trois provinces du Canada ont adopté ce
dispositif. On peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles celui-ci n'a
pas été étendu.
Le recours au bracelet électronique nous est par ailleurs présenté comme un
instrument de lutte contre la surpopulation carcérale. Selon le rapport de M.
Othily, l'application de la surveillance électronique aux seuls condamnés ayant
douze mois au plus à accomplir aurait pu potentiellement bénéficier à 17 600
personnes à la date du 1er janvier 1996.
Cet argument n'est pourtant guère convaincant.
Comme nous l'avons déjà dit, en effet, il est à craindre que le placement sous
surveillance électronique ne vienne se substituer non pas à des peines de
prison ferme, mais à des peines d'emprisonnement - dans les faits, j'entends -
avec sursis simple ou mise à l'épreuve.
En outre, le désengorgement envisagé apparaît nettement surévalué, car seule
une population particulière pourrait se voir appliquer le placement sous
surveillance électronique. Celui-ci n'est, en effet, envisageable que si le
condamné remplit certaines conditions ; il faut notamment qu'il ait un domicile
fixe, une stabilité de vie. Certains délits et, de fait, certains délinquants,
en particulier les délinquants en cols blancs - si vous me permettez
l'expression - pourraient donc bénéficier d'une telle mesure. Pour les autres,
les difficultés demeurent.
Enfin - c'est le dernier argument avancé -, ce nouveau dispositif serait un
facteur d'économies puisque ce mode de prise en charge apparaît être quatre à
cinq fois moins onéreux que l'incarcération.
Cet argument serait-il aussi juste si la comparaison était faite avec le coût
que le développement des mesures de semi-liberté existantes engendrerait ? Nous
en doutons !
Peut-on légitimement adhérer à une logique qui consiste à définir les besoins
en fonction des moyens et des « impératifs économiques » imposés par la
réduction des dépenses publiques ? Ne doit-on pas, au contraire, prendre les
questions dans l'autre sens, et définir ce que doit être la justice dont notre
société a besoin, en la considérant comme une priorité sociale, pour ajuster
ensuite les crédits à ces choix nécessaires ?
Non seulement les avantages attendus de ce dispositif ont peu de chance de se
concrétiser, mais encore et surtout les risques d'un tel procédé sont bien
réels.
L'assignation sous contrôle électronique pourrait s'avérer être un système de
contrôle social particulièrement efficace, mais dont l'évolution est des plus
imprévisibles.
Cette possible utilisation du bracelet électronique à des fins de surveillance
et de fichage apparaît donc, quoi que vous en disiez, pour le moins
problématique.
En conclusion, je souhaite rappeler que le groupe communiste républicain et
citoyen a toujours défendu l'idée que, pour certaines infractions, la prison
n'avait pas lieu d'être, même s'il ne saurait être question de laxisme. Des
peines alternatives à l'incarcération existent, comme le faisait remarquer M.
Guy Cabanel lui-même dans son rapport intitulé :
Pour une meilleure
prévention de la récidive,
et il conviendrait de les développer.
Si les volets de la répression et de la prévention dans une politique de lutte
contre la délinquance sont indispensables, celui de la réinsertion l'est tout
autant et ne saurait se résumer à la mise en place d'« un fil à la patte » ou
d'« un boulet au poignet », si joli soit-il.
Nous ne pouvons donc que nous opposer à cette nouvelle mesure qui non
seulement ne favorisera en rien la réinsertion des délinquants, mais permettra
une mainmise totale sur la vie de l'individu.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe communiste républicain et
citoyen votera contre cette proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues,
après l'excellent rapport de M. Othily et le plaidoyer de M. Cabanel, nous
devrions tous être convaincus de l'intérêt de cette mesure ; or tous les
membres de la Haute Assemblée ne le sont apparemment pas.
Nous avions déjà débattu de ce sujet lorsque nous avions évoqué les problèmes
de la détention provisoire. En effet, c'était l'occasion de faire figurer dans
la loi, pour la première fois, cette modalité d'exécution de la peine, je dis
bien « modalité d'exécution de la peine » et non « substitut à la peine » ; je
crois qu'il faut le préciser. Nous avions essayé de trouver des alternatives à
la prison, mais là il s'agit d'une modalité d'exécution d'une peine.
Mes chers collègues, nous déplorons que trop de personnes soient incarcérées ;
mais l'opinion publique bien souvent réclame l'incarcération. Quand un
délinquant qui a été amené devant le procureur de la République rentre très
vite chez lui, nos concitoyens s'étonnent qu'on ne mette pas plus en prison !
L'état de notre société doit donc nous inciter à bien exposer les motifs pour
lesquels nous prenons telle ou telle décision, ce qui ne veut pas dire qu'il ne
faut pas continuer, comme l'a toujours fait le Sénat, vous l'avez rappelé, à
faire en sorte que l'emprisonnement soit le moins fréquent possible. Il faut
aussi, de toute façon, que la peine rééduque et permette la resocialisation.
Tel a toujours été l'objectif du législateur.
Je me souviens d'ailleurs, monsieur le garde des sceaux, que, lorsque vous
étiez parlementaire, vous insistiez toujours sur cet aspect des choses. Vous
vous êtes d'autant plus battu pour limiter l'incarcération que la prison, nous
le savons bien, notamment les courtes peines, génère la récidive plus qu'elle
n'éduque et ne resocialise. Donc, tout ce qui peut être fait pour éviter
l'incarcération doit l'être.
Un autre débat renaît, sur lequel nous reviendrons, je veux parler de la
détention provisoire. Les chiffres cités de temps en temps sont quelque peu
inexacts. Bien entendu, la détention provisoire doit être l'exception. Le texte
qui est en cours de discussion devrait permettre de mieux préciser, à
l'intention des juges, les conditions de la détention provisoire.
Il n'en demeure pas moins qu'il ne faut pas non plus exagérer les chiffres. Je
le rappelle, un certain nombre de détentions provisoires représentent
simplement des condamnations non encore définitives. Il faut donc les extraire
des statistiques sur la détention provisoire, si l'on veut être parfaitement
honnête.
Je crois que les propositions de la commission des lois comme celles de M.
Cabanel évitent toutes les critiques qui peuvent être faites sur la
surveillance électronique. Il faut en effet l'accord du condamné. Il ne s'agit
pas du tout, comme certains le disent encore, de surveiller en permanence les
personnes comme cela se fait pour les animaux sauvages et pour la protection
des espèces en voie de disparition. On a parlé des ours, c'est vrai, mais il y
a aussi les cachalots et d'autres espèces encore. Il ne s'agit pas du tout de
cela.
Si l'on voulait faire une comparaison, en fait, la surveillance électronique
s'apparenterait plutôt aux arrêts de rigueur que connaît l'armée : un officier
est mis aux arrêts de rigueur. Dans le cas présent, ce sont des arrêts de
rigueur avec un contrôle. C'est donc une forme d'exécution de la peine.
Si l'on considère bien la procédure et les conditions d'utilisation de cette
surveillance électronique, il s'agit en fait d'une prison à domicile, sur le
lieu de travail, mais en même temps d'une modalité d'exécution de la peine. Si
nous ne considérions pas la mise sous surveillance électronique sous cet angle,
notamment pour les courtes peines, elle risquerait de ne pas être comprise par
l'opinion publique, qui la considérerait comme une peine beaucoup trop légère
par rapport à d'autres.
Il faut d'ailleurs rappeler qu'il existe dans notre droit des alternatives à
l'incarcération. Le garde des sceaux et les services du ministère de la justice
souhaitent un développement de ces mesures pour les courtes peines ; je pense
notamment au travail d'intérêt général. Nous en connaissons à la fois l'intérêt
et les limites ainsi que les moyens qui sont nécessaires pour les mettre en
oeuvre.
Ce dispositif s'intègre dans une politique de la justice au sein de laquelle
les sanctions doivent être comprises par l'opinion publique, et la prison, qui
n'est jamais l'idéal, ne doit pas être la seule solution face à la délinquance.
Bien entendu, ces mesures devront permettre d'éviter la récidive et favoriser,
notamment pour les petits délinquants - je pense en particulier aux jeunes - un
retour le plus rapide possible dans l'ordre social, dans la société.
C'est pourquoi le groupe auquel j'appartiens est favorable à ce dispositif tel
qu'il sera amendé et qui présente à notre sens tous les avantages et toutes les
garanties pour être mis en oeuvre. Bien entendu, il restera ensuite au juge de
l'application des peines de prendre en compte cette nouvelle possibilité. Mais,
pour en avoir parlé avec un certain nombre de magistrats, il s'agit là, j'en
suis convaincu, d'une mesure qu'ils sont prêts à appliquer car elle leur paraît
tout à fait intéressante.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues,
l'évolution prévisible de la délinquance demeure aujourd'hui l'une des
préoccupations majeures de notre société. Dans ce contexte, la proposition de
loi présentée par notre collègue M. Guy Cabanel paraît extrêmement innovante et
opportune pour notre droit pénal. Qu'il soit ici remercié de cette initiative
et félicité pour la densité de la réflexion à laquelle il a procédé.
Par ce texte, l'occasion nous est offerte d'insérer dans notre législation un
dispositif ingénieux, respectueux des droits de l'homme, facilitant la
réinsertion du délinquant et limitant la récidive, dispositif qui est - notre
collègue Jean-Jacques Hyest l'a rappelé - une modalité d'exécution des peines
privatives de liberté.
Le nombre de détenus en France ne cesse en effet de s'accroître et cela met en
évidence les limites des mesures dites « alternatives à l'incarcération »,
engagées depuis 1970 par les gouvernements qui se sont succédé, toutes
sensibilités politiques confondues.
A l'heure où une meilleure prévention de la récidive doit constituer un
objectif prioritaire pour les pouvoirs publics de façon à garantir à chacun de
nos concitoyens le respect de sa liberté et sa sécurité, la politique pénale se
devait d'être renforcée par de nouvelles améliorations.
Partant du constat récemment institué par la loi de programme du 6 janvier
1995, selon laquelle « pour prévenir la récidive, la politique pénale ne peut
être uniquement fondée sur la détention », la proposition de loi qui est
soumise à notre examen aujourd'hui tend à mettre le progrès technique au
service de la politique de réinsertion en permettant le placement sous
surveillance électronique pour l'exécution de certaines peines.
Déjà présenté en mai dernier par notre collègue Georges Othily lors de
l'examen sur le projet de loi relatif à la détention provisoire, ce dispositif
avait été adopté par notre commission des lois. Les débats en séance publique
ont d'ailleurs confirmé l'adhésion de notre assemblée, qui avait adopté un
article additionnel inséré dans le projet de loi précité.
Cette proposition n'a donc rien d'inattendu pour nous ; son seul objet est de
préciser scrupuleusement les modalités techniques et juridiques de la mise en
oeuvre du placement sous surveillance électronique ainsi que l'étendue exacte
de son champ d'application. Elle répond ainsi directement aux interrogations de
certains d'entre nous, ainsi qu'à la réserve manifestée, voire au scepticisme
affiché par certains vis-à-vis d'une innovation qu'ils jugent, certes opportune
dans son principe, mais insuffisamment mûrie pour recevoir une traduction
législative.
Cette proposition de loi devrait les rassurer. Le dispositif excellemment
présenté par notre rapporteur contribue à nous assurer de sa crédibilité,
laquelle est notamment renforcée grâce aux apports de la commission des
lois.
Le placement sous surveillance électronique pourrait ainsi s'appliquer à toute
personne condamnée à moins d'un an de prison ou n'ayant plus qu'un an au
maximum à accomplir.
La décision de recourir au placement sous surveillance électronique, confiée
au juge de l'application des peines, supposerait toujours le consentement du
condamné donné en présence d'un avocat choisi par lui-même ou désigné par le
bâtonnier.
Les périodes et les lieux d'assignation seraient fixés par le juge de
l'application des peines en tenant compte des nécessités liées à la vie
familiale du condamné, à son activité professionnelle ou au suivi d'un
traitement médical, d'une formation ou d'un enseignement.
En sus de ces garanties, le procédé présente trois avantages essentiels,
parfaitement décrits dans l'excellent rapport de notre collègue M. Cabanel
chargé d'une mission auprès du garde des sceaux de l'époque par M. Edouard
Balladur, alors Premier ministre.
Cela étant, il ne serait pas inintéressant de procéder, sur l'initiative de M.
le garde des sceaux, sans que cela soit inscrit dans la loi, à un inventaire
périodique des technologies pouvant être utilisées.
Ainsi, aux Etats-Unis, notamment dans l'Etat du Texas, il est recouru, avec
succès, à une autre technologie, en partie d'origine française, fondée sur la
reconnaissance vocale.
Monsieur le garde des sceaux, dans votre propos liminaire, vous avez déjà
répondu par anticipation à mon souhait.
Le placement sous surveillance électronique est un instrument qui justifie
pleinement la réflexion de Michelet selon laquelle « la liberté, pour qui
connaît les vices cachés de l'esclave, c'est la vertu possible ».
Il permet, en réduisant les barrières physiques derrière lesquelles l'homme
était prisonnier, de le rendre au monde, à la famille et à la réalité sociale
dont il était coupé. Le recours au bracelet, ou à tout autre système
électronique, offrira une chance de plus d'éviter l'incarcération avec le
risque de désinsertion sociale qu'elle fait courir.
Enfin, c'est également un instrument efficace de lutte contre la surpopulation
carcérale : à l'heure où le taux d'occupation des prisons dépasse 110 %, pour
ce motif, un tel dispositif, même si cela ne constitue pas sa finalité majeure,
ne peut être accueilli que favorablement.
Pour toutes ces raisons et pour toutes celles qui ont été exposées par les
orateurs précédents, le groupe du RPR votera cette proposition de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est inséré, après l'article 723-1 du code de procédure
pénale, un article 723-1-1 ainsi rédigé :
«
Art. 723-1-1
. _ En cas de condamnation à une ou plusieurs peines
privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas un an ou lorsqu'il
reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté
dont la durée totale n'excède pas un an, le juge de l'application des peines
peut décider, sur son initiative ou à la demande du procureur de la République
ou du condamné, que la peine s'exécutera sous le régime du placement sous
surveillance électronique. La décision de recourir au placement sous
surveillance électronique ne peut être prise qu'après avoir recueilli le
consentement du condamné, donné en présence de son avocat. A défaut de choix
par le condamné, un avocat est désigné d'office par le bâtonnier.
« Le placement sous surveillance électronique emporte, pour le condamné,
interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le
juge de l'application des peines en dehors des périodes fixées par celui-ci.
Les périodes et les lieux sont fixés en tenant compte des nécessités liées à la
vie familiale du condamné, à son activité professionnelle ou au suivi d'un
traitement médical, d'une formation ou d'un enseignement.
« Le contrôle de l'exécution de la mesure est assuré au moyen d'un procédé
permettant de détecter à distance l'absence ou la présence du condamné dans le
seul lieu désigné par le juge de l'application des peines pour chaque période
fixée. La mise en oeuvre de ce procédé peut conduire à imposer à la personne
assignée le port, pendant toute la durée du placement sous surveillance
électronique, d'un dispositif intégrant un émetteur.
« Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre de la justice.
La mise en oeuvre doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de
la vie privée de la personne.
« Le contrôle à distance du placement sous surveillance électronique est
assuré par des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire qui sont
autorisés, pour l'exécution de cette mission, à mettre en oeuvre un traitement
automatisé de données nominatives dans le respect des dispositions législatives
applicables en cette matière.
« Lorsqu'il décide de recourir au placement sous surveillance électronique, le
juge de l'application des peines désigne la personne ou le service chargé de
contrôler la présence du condamné au lieu de l'assignation. Lorsque la personne
ou l'agent du service désigné constatent l'absence irrégulière de l'intéressé,
le cas échéant après s'être rendus sur place, ils en font aussitôt rapport au
juge de l'application des peines.
« Les services de police ou de gendarmerie peuvent toujours constater
l'absence irrégulière du condamné et en faire rapport au juge de l'application
des peines.
« La présence du condamné à son domicile ne peut donner lieu à un contrôle sur
place avant six heures et après vingt et une heures, sauf si le contrôle à
distance laisse présumer que le condamné se soustrait aux obligations résultant
du placement sous surveillance électronique.
« Le juge de l'application des peines peut également soumettre la personne
placée sous surveillance électronique aux mesures prévues par les articles
132-43 à 132-46 du code pénal.
« Les conditions d'exécution du placement sous surveillance électronique
prévues au deuxième alinéa ainsi que les mesures prévues à l'alinéa qui précède
peuvent à tout moment être modifiées par le juge de l'application des peines,
après avis du procureur de la République, avec le consentement ou à la demande
du condamné.
« Le juge de l'application des peines peut à tout moment désigner un médecin
afin que celui-ci vérifie que la mise en oeuvre du procédé mentionné au sixième
alinéa ne présente pas d'inconvénient pour la santé du condamné. Cette
désignation est de droit à la demande du condamné. Le certificat médical est
versé au dossier.
« Le juge de l'application des peines peut, après avis du procureur de la
République et après avoir entendu le condamné, révoquer la décision de
placement sous surveillance électronique en cas d'inobservation des conditions
d'exécution, à la demande du condamné ou en cas de refus par celui-ci d'une
modification nécessaire des conditions d'exécution. Le condamné doit alors
subir, selon les dispositions de la décision de révocation, tout ou partie de
la durée de la peine qui lui restait à accomplir au moment de son placement
sous surveillance électronique ; le temps pendant lequel il a été placé sous
surveillance électronique compte toutefois pour l'exécution de sa peine. La
décision de révocation peut être déférée au tribunal correctionnel par le
condamné dans les vingt-quatre heures ; le tribunal correctionnel statue dans
les conditions prévues au 1° de l'article 733-1 ; toutefois, le recours du
condamné ne suspend pas l'exécution de la décision.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par un
décret en Conseil d'Etat qui précise :
« _ les conditions d'homologation du procédé mentionné au quatrième alinéa
;
« _ les personnes ou services pouvant être chargés par le juge de
l'application des peines de procéder, sous le contrôle d'un fonctionnaire de
l'administration pénitentiaire, à l'installation du dispositif technique
permettant le contrôle à distance. »
Par amendement n° 1, le Gouvernement propose :
I. - Après le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article
723-1-1 du code de procédure pénale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le placement sous surveillance électronique peut également être décidé,
selon les modalités prévues à l'alinéa précédent, lorsque le condamné a été
admis au bénéfice de la libération conditionnelle sous la condition d'avoir été
soumis préalablement à ce placement, à titre probatoire, pendant une durée ne
pouvant excéder un an. »
II. - En conséquence, dans le texte présenté par cet article pour l'article
723-1-1 du code de procédure pénale, de remplacer :
A. - Au 10e alinéa, les mots : « deuxième alinéa » par les mots : « troisième
alinéa ».
B. - Dans la première phrase du onzième alinéa, les mots : « sixième alinéa »
par les mots : « septième alinéa ».
C. - A la fin du quatorzième alinéa, les mots : « quatrième alinéa » par les
mots : « cinquième alinéa ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 5, présenté par M. Othily,
au nom de la commission, et tendant, après les mots : « alinéa précédent », à
rédiger comme suit la fin du texte proposé par le paragraphe I de l'amendement
n° 1 pour le deuxième alinéa de l'article 723-1-1 du code de procédure pénale :
« à titre probatoire de la libératoin conditionnelle, pour une durée n'excédant
pas un an ».
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Dans mon intervention liminaire, j'ai déjà expliqué
pourquoi il me paraissait indispensable que le placement sous surveillance
électronique soit également possible, comme la semi-liberté, à titre probatoire
de la libération conditionnelle ; à l'appui de mon propos, j'ai pris un exemple
montrant ce que cela signifie en pratique.
Je suis d'ailleurs dans la ligne de pensée de M. Othily, qui, dans son
rapport, précise que « la réadaptation progressive du condamné à la liberté
pourrait s'effectuer en trois temps : placement sous surveillance électronique,
libération conditionnelle et libération définitive ».
L'amendement n° 1 rend possible justement cette libération en trois temps.
La rédaction du Gouvernement est directement inspirée de celle de l'article
723-1 du code de procédure pénale, qui porte sur la semi-liberté. Mais
j'indique tout de suite que je suis favorable au sous-amendement n° 5, présenté
par la commission, qui améliore la simple transposition à laquelle nous avions
procédé.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur
l'amendement n° 1 et présenter le sous-amendement n° 5.
M. Georges Othily,
rapporteur.
La commission est d'accord sur l'objectif visé par le
Gouvernement dans son amendement n° 1. Toutefois, elle ne voudrait pas que le
placement sous surveillance électronique puisse se superposer à la libération
conditionnelle. Si tel était le cas, il y aurait un renforcement du contrôle
sur le condamné alors que l'objectif de la proposition de loi est précisément
d'alléger ce contrôle.
C'est donc pour éviter toute ambiguïté que la commission vous propose le
sous-amendement n° 5.
Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, elle demande au Sénat de
bien vouloir adopter l'amendement n° 1.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
Mme Nicole Borvo.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 1, accepté par la
commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2, le Gouvernement propose d'insérer, après le douzième
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 723-1-1 du code de
procédure pénale, un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article 720-1 sont applicables au condamné placé sous
surveillance électronique, sauf dans le cas prévu par le deuxième alinéa. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Cet amendement vise à prévoir que le placement sous
surveillance électronique peut être suspendu ou fractionné, comme toutes les
autres formes d'exécution, pour des motifs d'ordre médical, familial,
professionnel ou social, conformément aux dispositions de l'article 720-1 du
code de procédure pénale.
Nous souhaitons cependant que cette possibilité de suspension ne s'applique
pas, car elle serait inopportune, dans le cas où le placement sous surveillance
électronique est décidé à titre probatoire pour une libération conditionnelle.
En effet, dans une telle hypothèse, le placement sous surveillance électronique
constitue une forme d'épreuve qui doit être en toute hypothèse respectée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement.
Toutefois, monsieur le garde des sceaux, nous souhaiterions être biens sûrs du
sens qui est donné au mot « suspension ». Il doit signifier le retrait du
bracelet, le maintien en liberté et non le retour en prison.
Sous réserve de cette interprétation, je demande au Sénat d'adopter cet
amendement.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Il est clair que la suspension ou le fractionnement
entraîne la liberté totale du condamné pendant la période concernée.
Je rappelle à ce propos que l'article 720-1 du code de procédure pénale
dispose que, pour les interruptions de peine supérieures à trois mois, la
décision doit être prise, non pas par le juge de l'application des peines, mais
par le tribunal correctionnel.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, le Gouvernement propose, après le dernier alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 723-1-1 du code de procédure pénale,
d'ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« - les conditions d'agrément des personnes morales de droit privé, désignées
à l'issue d'un appel d'offres, qui peuvent être habilitées à procéder à
l'exploitation et à la maintenance de l'ensemble du dispositif technique
permettant le contrôle à distance. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Cet amendement a pour objet de prévoir que les
conditions d'agrément des personnes ou services qui seront chargés de
l'exploitation et de la maintenance du dispositif technique de contrôle à
distance devront être déterminées par décret en Conseil d'Etat.
En effet, si le contrôle à distance, c'est-à-dire la surveillance du condamné,
doit être géré par des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire - il
s'agit, en effet, d'une prérogative de puissance publique que seuls des agents
publics peuvent exercer - en revanche, l'exploitation du dispositif technique
de contrôle peut être concédée à des sociétés privées, spécialement habilitées
pour cela.
Il serait beaucoup trop lourd et beaucoup trop coûteux pour l'Etat d'acheter
et de gérer lui-même de tels dispositifs. Par ailleurs - je réponds par là à M.
Le Grand - il nous faudra nécessairement suivre les évolutions techniques qui,
à mon avis, seront extrêmement rapides en la matière. Il faudra pouvoir
remplacer les dispositifs obsolètes par des dispositifs nouveaux sans que cela
impose au budget de l'Etat de nouveaux investissements.
Il est donc opportun, dans l'intérêt général, de pouvoir investir des sociétés
privées de la charge du dispositif de contrôle.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Pour compléter ce qu'a dit M. le garde des sceaux, j'ajouterai qu'il n'est pas
question de dessaisir l'administration pénitentiaire de sa mission de service
public qui découle notamment de la loi de 1987.
Cet amendement laisse la porte ouverte à toute solution. On entre dans un
système nouveau auquel il faut pouvoir s'adapter.
Il existe en effet deux solutions : ou bien l'administration pénitentiaire
assure la surveillance des personnes, ainsi que la réalisation et la
maintenance du programme de surveillance ou bien elle assure l'un et donne
l'autre en concession. C'est cette deuxième solution que permet l'amendement n°
3.
J'y suis très favorable car elle respecte la mission de l'administration
pénitentiaire, ce qui est très important, tout en laissant la porte ouverte à
des adaptations intermédiaires qui ne sont pas faciles à imaginer
aujourd'hui.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par la commission.
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne dmande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel avant l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 4, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 722 du code de
procédure pénale, sont ajoutés, après les mots : "la libération
conditionnelle", les mots : ", le placement sous surveillance
électronique". »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Cet amendement, qui me paraît relever du bon sens, a
pour objet d'étendre au placement sous surveillance électronique l'expertise
psychiatrique préalable instituée à l'article 722 du code de procédure pénale
par la loi du 1er février 1994.
Ce texte, qui avait été soumis au Parlement par M. Méhaignerie, comprenait un
certain nombre de dispositions nouvelles concernant les délinquants et les
criminels sexuels, notamment l'institution d'une peine incompressible pour ces
derniers et la mise en place d'un ensemble de systèmes de contrôle des soins,
en particulier par le biais de services médicopsychologiques régionaux.
Le suivi médical de ces délinquants et criminels sexuels est précisément
destiné à éviter la récidive. Il s'agit de les soumettre obligatoirement à une
expertise psychiatrique avant toute mesure d'aménagement de peine ou de
sortie.
Il est donc tout à fait logique que cette obligation d'expertise psychiatrique
s'applique avant que ne soit prise une décision de placement sous surveillance
électronique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement, qui présente
une double utilité : d'une part, il rappelle expressément que l'octroi du
placement sous surveillance électronique relève de la compétence du juge de
l'application des peines ; d'autre part, il prévoit de soumettre le délinquant
sexuel à une expertise psychiatrique avant tout aménagement de sa peine.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Pour que l'information du Sénat soit complète, je tiens
à confirmer ici que le Gouvernement prépare, sur ce sujet douloureux et
difficile, un texte qui prévoira notamment un suivi médico-social obligatoire
des criminels sexuels à l'issue de leur détention.
La mesure que je demande aujourd'hui au Sénat d'adopter est un élément de ce
dispositif plus ample, qui sera soumis au Parlement dans quelques semaines.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Il ne faudrait pas que cette disposition, que j'approuve au demeurant, donne
lieu à une interprétation en quelque sorte abusive de la part des médias, qui
pourraient être tentés de présenter le placement sous surveillance électronique
comme « la » solution à l'égard des délinquants sexuels.
Ainsi que M. le garde des sceaux l'a expliqué, la surveillance électronique
sera simplement un élément du suivi médico-social de ces personnes après
qu'elles auront payé leur dette à la société. Veillons donc à ce que, sur ce
point, on ne fasse pas de rapprochements abusifs.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Vous avez raison !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, avant l'article 2.
Article 2
M. le président.
- « Art. 2. - Au deuxième alinéa (1°) de l'article 733-1 du code de procédure
pénale, après la référence : "723", il est inséré la référence :
"723-1-1". » -
(Adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président.
La commission des lois propose de rédiger comme suit l'intitulé de la
proposition de loi : « Proposition de loi consacrant le placement sous
surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de
liberté ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est donc ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à seize heures
cinq, sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
ÉLOGE FUNÈBRE DE GÉRARD GAUD,
SÉNATEUR DE LA DRÔME
M. le président.
Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Gérard Gaud.
(M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue Gérard Gaud, sénateur de la Drôme, n'est plus. Emporté par
une soudaine maladie, il nous a quittés le 3 septembre. Nous ne verrons plus la
haute silhouette de cet homme cordial, dont chacun connaissait l'affabilité.
Gérard Gaud est né en 1925 à Juliénas, dans une modeste famille du Beaujolais.
Orphelin à onze ans, il fait très jeune le dur apprentissage de la vie
professionnelle. Il entre à quinze ans en qualité d'aide-dessinateur à la
Compagnie nationale du Rhône. Il y fera toute sa carrière. A force de
détermination et de travail, il s'élèvera au rang d'ingénieur. Il était fier de
cette réussite, qu'il ne devait qu'à lui seul.
Pendant la guerre, le jeune homme a participé à la Résistance. Cette
expérience a renforcé le sens de la solidarité qu'il développera dans l'action
politique et l'action syndicale.
A la Libération, Gérard Gaud adhère à la SFIO. Il deviendra secrétaire-adjoint
de la fédération de la Drôme. Dans cette vieille terre socialiste, les joutes
politiques sont toujours empreintes de bonne humeur et de convivialité. Pourvu
de l'une et de l'autre, Gérard Gaud y excelle. Il prendra une part active à
l'oeuvre de rénovation de son mouvement et sera membre de la commission
exécutive du parti socialiste à la suite du Congrès d'Epinay.
Militant syndical de longue date dans son entreprise, Gérard Gaud sera promu
secrétaire général du syndicat Force ouvrière des ingénieurs et cadres. Cet
engagement le conduira à la présidence de l'URSSAF et de l'ASSEDIC de son
département.
En 1959, Gérard Gaud est entré au conseil municipal de Montélimar. Mais c'est
à Bourg-lès-Valence qu'il déploie ses talents d'édile, à la tête de la mairie,
qu'il conquiert en 1965, et qu'il abandonne volontairement en 1981, à la suite
de son élection au Sénat ; il continuera toutefois de siéger au conseil
municipal.
Proche de ses concitoyens, soucieux d'ouverture, le nouveau maire crée, dès
1965, des commissions extramunicipales, afin de faire participer le plus grand
nombre à la décision.
Attaché au particularisme de sa ville, plus populaire et ouvrière que la
proche Valence, il marque durablement la physionomie de Bourg-lès-Valence par
ses réalisations urbaines. La ville connaît une croissance démographique
spectaculaire. La municipalité s'emploie à favoriser les activités économiques,
par la création de zones artisanales et industrielles où s'implantent de
grandes entreprises.
Le maire de Bourg-lès-Valence est élu en 1973 au conseil général de la Drôme,
dont il sera vice-président pendant dix ans. Il siège aussi au conseil de la
région Rhône-Alpes de 1974 à 1981.
La force de cet enracinement ne pouvait que porter Gérard Gaud jusqu'à notre
assemblée. Son élection au Sénat, le 28 septembre 1980, consacre la popularité
d'un homme de contact et de terrain.
Il rejoint la commission des affaires étrangères, alors que son parcours
professionnel et politique ne semblait pas, au départ, le prédisposer à l'étude
des questions internationales.
Rapporteur pour avis du budget de la coopération, il souligne, à l'occasion du
vote de la loi de finances ou des débats de politique étrangère, l'importance
du soutien aux pays en voie de développement, de la coopération technique et
des échanges culturels.
La commission le charge de présenter au vote du Sénat divers projets de loi
portant ratification d'accords bilatéraux ou de conventions internationales.
Son intérêt se porte tout particulièrement sur les questions d'ordre juridique,
telles que l'accès international à la justice, la lutte contre les
discriminations à l'égard des femmes ou la sauvegarde des droits de l'homme.
Au-delà de sa participation aux travaux de la commission des affaires
étrangères, Gérard Gaud met son énergie au service des assemblées
internationales dans lesquelles le Sénat est représenté. Particulièrement actif
à l'Assemblée de l'Atlantique Nord, il fait partie de la commission permanente
et préside la sous-commission des rapports économiques transatlantiques. Son
goût de la négociation et son humour font de lui un excellent animateur de
débats, apprécié de ses collègues français et étrangers.
Il faut souligner, enfin, avec quel enthousiasme Gérard Gaud préside le groupe
sénatorial France-République tchèque. Très attaché à ce pays et à son peuple,
il tisse des liens d'amitié fidèles grâce aux rencontres et aux manifestations
culturelles dont il prend régulièrement l'initiative.
Au service du Sénat et du rayonnement extérieur de la France, Gérard Gaud sera
un voyageur inlassable.
Homme de conviction et de dialogue, c'est sans esprit de doctrine qu'il défend
les idées auxquelles il croit.
Chacun garde en mémoire la joie de vivre de cet humaniste, son égalité
d'humeur, sa cordialité à l'égard de tous ses interlocuteurs, sans distinction.
Chacun se souvient de son sens du partage et de l'amitié. Mais il savait aussi
observer la nature et la beauté des choses. Loin du bruit et des foules, il se
plaisait à peindre, avec talent.
Gérard Gaud rayonnait de la chaleur des gens du Sud, qu'il aimait tant et
représentait si bien.
En ce dernier hommage rendu au nom de la Haute Assemblée, j'assure de notre
profonde sympathie ses amis du groupe socialiste et ses collègues de la
commission des affaires étrangères. A son épouse et à sa famille, j'exprime le
témoignage de notre grande tristesse. Qu'elles soient assurées que nous
garderons le souvenir de cet homme bon et généreux, de cet excellent
collègue.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, le
Gouvernement s'associe à l'hommage que vous venez de rendre, au nom de la Haute
Assemblée, à Gérard Gaud, qui nous a quittés le 3 septembre dernier. Il était
l'exemple de ces réussites dues au seul mérite que la République se doit
d'honorer.
Gérard Gaud était en effet issu d'un milieu modeste. Il n'a que onze ans
lorsque meurt son père et qu'il devient pupille de la nation. Il doit
travailler dès l'âge de quinze ans et entre à la Compagnie nationale du
Rhône.
Travailleur acharné, animé d'un grand désir d'apprendre, il suit assidûment
les cours du soir, mais ses efforts sont interrompus par la guerre.
Gérard Gaud est un patriote : il n'hésite pas à risquer sa vie pour notre
pays. Il rend de grands services à la Résistance à partir de 1943 et devance
l'appel sous les drapeaux le 20 août 1944.
Démobilisé en décembre 1945, il reprend son travail à la Compagnie nationale
du Rhône. Ses qualités humaines, ses compétences techniques et sa force de
travail lui assurent des promotions régulières et rapides. Il terminera ainsi
sa carrière comme ingénieur des travaux publics.
Homme de contact, toujours soucieux du sort des autres, Gérard Gaud ne tarde
pas à entrer en politique. Ses convictions le conduisent à militer à la
SFIO.
Conseiller municipal à Montélimar en 1959, il est élu maire de
Bourg-lès-Valence en 1965, puis conseiller général en 1973 et devient premier
vice-président du conseil général.
Son humanisme et son ouverture d'esprit l'éloignent de tout sectarisme et font
de lui un élu apprécié bien au-delà des clivages politiques.
Ses grandes qualités et son action à la tête de sa commune et au conseil
général lui attirent l'estime de ses collègues élus locaux. C'est ainsi qu'il
est élu sénateur en 1980 et réélu en 1989.
Membre de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, il participe aux activités d'institutions internationales, comme
l'assemblée de l'Atlantique Nord ou l'association interparlementaire de langue
française.
Partisan d'un rapprochement avec les anciens pays de l'Est, il devient
président de votre groupe d'amitié France - République tchèque.
Il enrichit ainsi son expérience, déjà grande, et acquiert par ses nombreux
voyages à l'étranger une large vision des problèmes de notre temps.
Homme de coeur et homme d'action, Gérard Gaud a beaucoup travaillé pour notre
pays. Il manquera à la Haute Assemblée.
Au nom du Gouvernement, j'adresse à sa famille, à ses collègues du groupe
socialiste et à tous ceux qui l'ont aimé et apprécié mes sincères
condoléances.
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants en
signe de deuil.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures
vingt-cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
A. -
Mercredi 23 octobre 1996 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant
l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Corée (n° 425, 1995-1996) ;
2° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord du 18 mars 1993
modifiant l'accord du 3 août 1959, modifié par les accords du 21 octobre 1971
et du 18 mai 1981, complétant la convention entre les Etats parties au traité
de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, en ce qui concerne les
forces stationnées en République fédérale d'Allemagne (n° 452, 1995-1996) ;
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative
au service militaire des doubles nationaux (ensemble une annexe) (n° 453,
1995-1996) ;
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de
lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République argentine relatif à l'emploi des personnes à charge des membres
des missions officielles d'un Etat dans l'autre (n° 480, 1995-1996) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud
sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble
un protocole) (n° 481, 1995-1996) ;
6° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'admission temporaire (ensemble cinq annexes) (n° 487, 1995-1996) ;
7° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 495,
1995-1996) ;
8° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de Hong-Kong sur l'encouragement et
la protection réciproques des investissements (n° 496, 1995-1996) ;
9° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne,
le Gouvernement du grand-duché de Luxembourg et le Conseil fédéral suisse
agissant au nom des cantons de Soleure, de Bâle-ville, de Bâle-campagne,
d'Argovie et du Jura, sur la coopération transfrontalière entre les
collectivités territoriales et organismes publics locaux (ensemble une
déclaration) (n° 503, 1995-1996) ;
10° Projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à l'accord
portant création de la commission des thons de l'océan Indien (ensemble deux
annexes) (n° 10, 1996-1997) ;
A seize heures :
11° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la défense ;
La conférence des présidents a fixé :
- à quinze minutes le temps réservé au président de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 22
octobre.
B. -
Jeudi 24 octobre 1996 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur
l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie (n° 435, 1995-1996) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 22 octobre 1996, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures ;
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
C. -
Mardi 29 octobre 1996 :
A neuf heures trente :
1° Dix-sept questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des question sera fixé ultérieurement.
N° 450 de M. Ivan Renar à M. le ministre de la culture (suppression de
l'abattement pour frais professionnels dont bénéficient les journalistes) ;
N° 451 de M. Ivan Renar à M. le ministre de la culture (versement de la
subvention de l'Etat aux quotidiens à faibles ressources publicitaires) ;
N° 452 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre du travail et des
affaires sociales (avenir de l'hôpital d'Avicenne (Seine-Saint-Denis) ;
N° 453 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (situation scolaire
du département de la Seine-Saint-Denis) ;
N° 454 de M. Charles Descours à M. le ministre du travail et des affaires
sociales (régime d'assurance maladie des personnes veuves ou divorcées) ;
N° 456 de M. Ivan Renar à M. le ministre de la culture (conséquences pour les
musiciens de la suppression de déductions fiscales supplémentaires pour frais
professionnels) ;
N° 458 de M. Jean-Jacques Robert à M. le ministre du travail et des affaires
sociales (financement des contrats de qualification) ;
N° 459 de M. Jean-Jacques Robert à M. le ministre de la défense (avenir du
centre de recherches du Bouchet (Essonne) ;
N° 460 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'équipement, du logement, des
transports et du tourisme (délocalisation des services centraux de la SNCF)
;
N° 461 de M. André Vezinhet à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche (situation des candidats admis sur
les listes complémentaires aux concours d'enseignement du second degré) ;
N° 462 de M. André Vezinhet à M. le ministre de l'économie et des finances
(avenir du Crédit foncier) ;
N° 463 de M. Yves Guéna à M. le ministre délégué au logement (plafonds de
ressources pour l'attribution de logements HLM) ;
N° 464 de M. René Rouquet à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche (manque de place dans les écoles
maternelles du Val-de-Marne) ;
N° 465 de M. Lucien Lanier à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche (bonification indiciaire accordée à
certains chefs d'établissements de l'éducation nationale) ;
N° 466 de M. Louis Minetti à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et
de l'alimentation (difficultés des producteurs de fruits et légumes) ;
N° 467 de M. Hubert Durand-Chastel à Mme le ministre délégué pour l'emploi
(développement de l'emploi français à l'étranger) ;
N° 468 de M. Jacques Machet à M. le ministre de l'économie et des finances
(politique de relance de l'immobilier) ;
A seize heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diverses
mesures d'ordre statutaire (n° 512, 1995-1996).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 28 octobre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 28
octobre.
D. -
Mercredi 30 octobre 1996
, à quinze heures, et, éventuellement, le
soir :
1° Examen d'une demande conjointe présentée par les présidents des commissions
permanentes tendant à autoriser la désignation d'une mission d'information
commune chargée d'étudier la place et le rôle des femmes dans la vie
publique.
Les candidatures devront être remises au secrétariat du service des
commissions au plus tard le mardi 29 octobre, à dix-sept heures.
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique et à
diverses mesures d'ordre statutaire.
E. -
Jeudi 31 octobre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les affaires
étrangères.
La conférence des présidents a fixé :
- à quinze minutes le temps réservé au président de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 30
octobre.
A quinze heures :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à
la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville (n° 37, 1996-1997).
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
F. -
Mardi 5 novembre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente et à seize heures :
- projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines
(n° 511, 1995-1996).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 4 novembre, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 4
novembre.
G. -
Mercredi 6 novembre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'agriculture ;
La conférence des présidents a fixé à quatre heures la durée globale du temps
dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant
sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 5 novembre
;
A quinze heures :
2° Eloge funèbre de M. Charles Metzinger ;
3° Suite de l'ordre du jour du matin ;
4° Suite du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures
marines.
H. -
Jeudi 7 novembre 1996
, à quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
L'ordre du jour de cette séance, fixé par le Sénat en application de l'article
48, alinéa 3, de la Constitution, sera complété la semaine prochaine.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
6
POLITIQUE ÉTRANGÈRE
DE L'UNION EUROPÉENNE
Discussion d'une question orale avec débat
portant sur un sujet européen
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat portant
sur un sujet européen n° QE-7 de M. Xavier de Villepin à M. le ministre des
affaires étrangères sur la politique étrangère de l'Union européenne.
A la suite du rapport d'information consacré à la politique étrangère de
l'Union européenne établi par la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées en avril dernier, M. Xavier de Villepin
souhaiterait que M. le ministre des affaires étrangères puisse faire part au
Sénat des positions du Gouvernement français sur cette question, et tenir
informée la Haute Assemblée des évolutions intervenues, le cas échéant, dans ce
domaine, dans le cadre des négociations de la Conférence intergouvernementale
réunie à Turin.
Je rappelle au Sénat que, dans un tel débat, ont droit à la parole, outre
l'auteur de la question et le Gouvernement, un représentant de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne, un représentant de la commission permanente
compétente et un représentant de chaque groupe et, sous réserve de l'accord de
la conférence des présidents, un représentant de la commission des affaires
étrangères.
Chaque orateur dispose d'un temps de parole de dix minutes et il n'y a pas de
droit de réponse au Gouvernement.
La parole est accordée au Gouvernement quand il la demande, sans limitation de
durée.
La parole est à M. de Villepin, auteur de la question.
M. Xavier de Villepin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Etats
membres de l'Union européenne sont-ils en mesure de conduire une politique
étrangère commune ? Tout dépend, sans doute, de l'ambition que l'on assigne à
une action diplomatique. S'agit-il de s'accorder sur des prises de position ou
des communiqués de presse ? Alors, il faut le reconnaître, les Quinze
n'encourent guère de reproches puisque le nombre de déclarations communes
dépasse le chiffre de quatre-vingt-dix pour la seule année 1995. Mais la
politique étrangère doit-elle se limiter à des incantations ? Personne ne le
croit dans cette assemblée.
La capacité d'initiative, le choix de grandes orientations, la discipline et
la méthode qu'appelle leur mise en oeuvre, tout cela fait encore défaut à
l'Europe.
Faut-il d'ailleurs chercher à conduire une politique étrangère commune ?
N'est-ce pas là un domaine qui touche directement à la souveraineté nationale ?
Mais tel est précisément l'enjeu : ce sont notre souveraineté, la défense de
nos intérêts et de notre sécurité que nous compromettons en nous obstinant,
dans certaines circonstances, à agir seuls ou en ordre dispersé. Le monde a
changé et les pays européens doivent désormais joindre leurs voix pour se faire
entendre.
D'ailleurs, la question n'est plus vraiment de savoir si les Quinze doivent
intervenir ensemble hors des frontières de l'Union. La pratique communautaire a
déjà tranché et plusieurs milliards d'écus sont chaque année consacrés à
l'action extérieure. La question est aujourd'hui de savoir si l'Union est
capable d'utiliser ces moyens financiers comme un levier pour exercer une
réelle influence politique. L'Europe doit-elle se résigner dans l'ancienne
Yougoslavie, au Proche-Orient au rôle d'éternel bailleur de fonds ? Je ne le
crois pas.
L'enjeu est essentiel. Il y va de la place de l'Europe sur la scène
internationale, mais aussi du rôle et de l'influence de la France. Or, la
Conférence intergouvernementale ouverte en mars dernier à Turin constitue une
occasion décisive de réformer la politique étrangère commune dans le sens d'une
plus grande efficacité. Le Parlement ne pouvait rester à l'écart d'un débat
aussi fondamental pour l'avenir de l'Europe. C'est pourquoi j'ai présenté, au
nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées du Sénat, un rapport consacré à cette question, et j'ai souhaité que le
sujet puisse faire aujourd'hui, en votre présence, monsieur le ministre,
l'objet d'une discussion plus large.
Il me paraît aujourd'hui indispensable d'avancer des propositions concrètes, à
même de donner à la politique étrangère commune l'élan nécessaire. Dans cette
perspective, il convient de tirer les leçcons des insuffisances dont les Quinze
ont témoigné dans ce domaine.
Malgré des mérites incontestables, la concertation n'a pu éviter une dérive
incantatoire et déclaratoire à la mesure de l'impuissance des Quinze à agir
efficacement sur le terrain. Pourquoi ces échecs ?
Je crois qu'il faut ici distinguer les raisons qui relèvent de l'inadéquation
du dispositif juridique institutionnel de celles qui relèvent de facteurs plus
politiques.
Le dispositif institutionnel présente, selon moi, trois handicaps majeurs.
La première source de faiblesse est liée à la multiplicité des intervenants.
Dans le domaine extérieur, les Etats membres, la troïka, la Commission - et en
son sein quatre commissaires - jouent chacun leur partie, et les discordances
ne sont pas rares. De cette multiplicité, résultent deux conséquences fâcheuses
: d'une part, la lenteur des procédures de décision ; d'autre part, le manque
de « visibilité » dont souffre l'Union européenne sur la scène
internationale.
La deuxième source de faiblesse pour la politique étrangère commune est
l'inadéquation du mode de décision. La pratique du consensus s'est substituée à
la procédure du vote pour l'adoption de la quasi-totalité des décisions. Dès
lors, les Etats s'épargnent la responsabilité de reconnaître clairement leur
position par un vote, et l'engagement de la responsabilité des Quinze, dans
leur ensemble, s'en trouve amoindri.
La troisième source de faiblesse réside dans l'inadaptation des procédures de
mise en oeuvre des décisions. Le Conseil des ministres ne dispose pas, en
effet, de moyens juridiques pour obtenir de la Commission qu'elle mobilise les
moyens financiers nécessaires à l'application d'une décision prise au titre de
la politique étrangère commune. Sans doute un accord finit-il toujours par
s'imposer, mais c'est trop souvent au détriment de la rapidité d'action.
Les insuffisances de la politique étrangère commune ne peuvent être
entièrement imputées au dispositif institutionnel. Elles trouvent également
leur origine dans l'absence d'une réelle volonté politique.
Les ambitions des différents Etats dans le domaine de la politique étrangère
sont trop hétérogènes. Les diplomaties restent commandées par des traditions
nationales et - comment se le dissimuler ? - tous nos voisins n'ont pas, comme
la France, la volonté d'une réelle présence sur la scène internationale.
Faut-il pour autant s'en tenir à ce seul constat ? Il conduirait à privilégier,
comme c'est du reste largement le cas aujourd'hui, une coopération purement
pragmatique entre des pays partageant, à un moment donné, des préoccupations
convergentes. Le groupe de contact mis en place dans le cadre des tentatives de
règlement de la crise yougoslave s'inscrit tout à fait dans cette perspective.
Mais cette formule ne permet de faire prévaloir ni une diplomatie d'initiative
et de prévention, ni une vision européenne commune des intérêts à défendre.
C'est pourquoi la politique étrangère commune ne pourra trouver son efficacité
sans un socle institutionnel solide et rénové.
Quatre orientations principales me paraissent devoir être prises. Certaines
d'entre elles font, je le sais, l'objet de débats au sein de la Conférence
intergouvernementale et vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, nous
apporter, à leur sujet, quelques précisions.
La première orientation vise à conférer à la politique extérieure de l'Union
une meilleure visibilité. J'adhère, pour ma part, entièrement à l'idée
française d'un haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité
commune. Ce poste doit revenir à une personnalité dotée d'une réelle stature
politique, condition indispensable pour lui conférer l'autorité nécessaire. On
ne peut en tout cas, selon moi, se satisfaire d'un compromis aux termes duquel
le haut représentant, ramené à un profil plus modeste et purement
administratif, n'ajouterait qu'une structure de plus à une organisation déjà
trop complexe. Dans cette hypothèse, il vaudrait mieux privilégier la fonction
existante du secrétaire général du Conseil.
La deuxième orientation consiste en la mise en place d'une instance de
concertation et d'initiative permanente entre les Quinze. Il importe en effet
de favoriser un accord en amont du processus décisionnel, et non trop tard,
comme aujourd'hui, quand les positions nationales - élaborées elles-mêmes
souvent au terme de patients arbitrages - ne peuvent plus s'accorder que sur le
plus petit dénominateur commun.
Je me réjouis que la création d'une cellule de prévention et d'analyse
recueille aujourd'hui dans le cadre de la Conférence intergouvernementale
l'assentiment des Quinze, mais je crains que sa vocation ne soit encore trop
restrictive. En effet, cette nouvelle instance doit réellement irriguer
l'ensemble du processus de décision en proposant des actions communes.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre sentiment sur ce point
?
La troisième orientation tient à la nécessité de borner le champ de la
politique étrangère commune à des zones géographiques précises. Les Quinze se
sont en effet jusqu'à présent trop dispersés et le nombre de leurs centres
d'intérêt était parfois inversement proportionnel à l'efficacité de leur
action. Du reste, l'objectif visé est non pas de conduire une même et seule
politique étrangère, mais de mettre en oeuvre une politique étrangère commune
sur des sujets qui intéressent les Quinze dans leur ensemble. Vous avez, devant
notre commission, monsieur le ministre, précisé quelques priorités : les
relations entre l'Union européenne et la Russie, ou encore la politique
communautaire dans les Balkans. Sans doute faudrait-il ajouter le partenariat
euro-méditerranéen et, notamment, la situation au Moyen-Orient, comme M. le
président de la République vient encore de le rappeler, avec clarté et courage,
à l'occasion de son voyage dans la région. L'accord sur les objectifs de
l'Union ainsi acquis, le recours au vote à la majorité qualifiée se trouverait
incontestablement facilité.
La quatrième et dernière orientation tient à la mise en oeuvre de coopérations
renforcées dans le domaine de la politique étrangère commune. Une initiative
commune franco-allemande ne permettrait-elle pas d'ouvrir la voie et de montrer
qu'il n'y a pas de fatalité à l'inertie et à l'impuissance de l'Europe ?
L'urgence et les intérêts de l'Europe en Méditerranée ne désignent-ils pas le
Proche-Orient comme un terrain prioritaire pour une pareille initiative ?
La Conférence intergouvernementale offre l'occasion, qui ne se retrouvera plus
avant longtemps, de renforcer l'Union européenne. Il nous faut saisir cette
chance d'imprimer un nouvel élan à la politique étrangère commune. Si les
débats peuvent paraître techniques, les enjeux sont décisifs pour notre avenir.
La capacité pour l'Union d'affermir son rôle sur la scène internationale
contribuera, je le crois profondément, à redonner une confiance aujourd'hui
ébranlée dans la construction européenne.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Jacques Genton,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque des Etats
s'associent pour former une fédération ou une confédération, ils ont
généralement pour objectif de s'affirmer ensemble vis-à-vis de l'extérieur et
d'assurer en commun leur sécurité.
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. Jacques Genton,
président de la délégation.
Malgré les intentions profondes de ses
initiateurs, la Communauté européenne devenue l'Union européenne n'a pas suivi
ce schéma. L'intégration économique des Etats membres n'a cessé, comme prévu,
de s'approfondir. L'intégration politique est restée beaucoup plus limitée ; ce
n'est pas faute d'avoir essayé. Parmi les occasions manquées, mes souvenirs et
mon expérience me rappellent la Communauté européenne de défense en 1954, le
plan Fouchet d'Europe politique en 1962 dont le refus ne doit pas être reproché
à la France seule, d'aucuns dans l'Union ne devraient pas l'oublier.
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Jacques Genton,
président de la délégation.
La tentative plus modeste d'une coopération
politique à partir de 1969 n'a guère permis à l'Europe d'exister comme telle
sur la scène internationale. Le traité de Maastricht a relancé l'ambition d'une
politique étrangère et de sécurité commune en prévoyant la mise en place de
nouveaux instruments, mais le résultat, reconnaissons-le, est encore
décevant.
On a en effet pu constater que, dans deux zones situées à ses portes - les
Balkans et le Proche-Orient - l'Union européenne n'a pas été capable d'exercer
l'influence qui aurait dû être la sienne ; mais je ne développerai pas
davantage ce point.
Devant une telle carence, on entend parfois proclamer qu'il n'existe pas
sincèrement une volonté politique commune aux Etats membres pour donner sa
portée véritable à la politique étrangère et de sécurité commune.
Si c'est exact, mes chers collègues, alors pourquoi poursuivons-nous
l'édification d'une Union européenne ? Si nous n'avons pas la volonté de nous
manifester ensemble à l'égard de l'extérieur, à quoi cela nous sert-il
d'approfondir l'intégration européenne et d'élargir cette Union ? Une zone de
libre-échange, tant désirée par certains de nos associés, ferait parfaitement
l'affaire ! Pour ma part, après plus de quarante ans d'efforts et d'espérance,
je ne pourrais que le déplorer.
Je remercie M. le président de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées de notre assemblée de nous permettre, par cette
question orale avec débat, de poser en public les questions que cet important
sujet suscite.
La détermination préalable, élément essentiel, ne suffit pas. Encore faut-il
que soit mis en place un cadre adéquat pour que cette volonté se traduise dans
une action politique ; c'est la mission des négociateurs, au sein de la
Conférence intergouvernementale, que de prévoir les moyens nécessaires pour
atteindre l'objectif fixé.
Je saisis cette occasion, monsieur le ministre, pour vous remercier de votre
attention et de la régularité avec laquelle vous tenez notre délégation et,
indirectement, le Sénat informés des travaux de cette conférence.
Faut-il s'étonner qu'à ce point de l'entreprise s'affrontent des oppositions
et des rivalités ? Peut-on s'en tenir aux conceptions institutionnelles qui ont
présidé à la naissance des Communautés européennes, avec six pays poursuivant
une finalité précise et clairement exprimée, aussi bien en 1951 qu'en 1956 ? En
d'autres termes, le président de la Commission d'une Union européenne à quinze,
à dix-huit ou plus peut-il être l'animateur de la politique étrangère et de
sécurité commune sous le contrôle peu coordonné du Parlement européen et du
Conseil ? Peut-on retenir sans risque d'échec les méthodes de décision qui ont
fait leurs preuves dans ce qu'on appelle aujourd'hui le « premier pilier » ?
L'intention est excellente et révèle la fidélité aux convictions originelles,
mais elle feint d'ignorer que le deuxième pilier concerne des sujets
directement liés aux souverainetés nationales, encore vivaces, et des questions
de sécurité, voire de défense, pour lesquelles seul le Conseil européen, créé à
cet effet, a la légitimité requise pour donner des impulsions politiques, ainsi
que l'a rappelé M. le président de la commission.
L'objection vient des Etats désignés par habitude « petits Etats »,
traditionnellement réservés à l'égard du Conseil européen, au sein duquel,
selon leur appréciation, le poids spécifique des autres Etats dits « grands
Etats » se ferait plus sentir qu'ailleurs.
En matière de politique étrangère et de défense, une approche qui ne tiendrait
pas compte de ce poids spécifique serait-elle réaliste ? Et pourrait-elle être
efficace ? Ce sont nécessairement les choix arrêtés par le Conseil européen qui
doivent orienter fondamentalement la politique étrangère commune. Le conseil
des ministres « affaires générales » doit les mettre en oeuvre selon un
processus organisé de manière à en assurer efficacement la préparation et
l'exécution.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer qu'un accord se dessine
autour du projet d'une « structure de planification et d'alerte précoce »
placée près du Conseil, structure qui associerait des représentants des Etats
membres et de la Commission ?
Pour ce qui est de l'exécution des décisions, le débat est plus ouvert. Des
questions redoutables se posent. J'énumérerai les principales.
Comment faire en sorte que des Etats puissent rester en dehors d'une action
commune, dès lors qu'ils ne souhaitent pas y participer, sans pour autant que
la capacité de l'Union soit entravée ?
Quels rôles doivent jouer la Commission et le Parlement européen, sans
négliger le fait que des décisions intéressant le deuxième pilier peuvent avoir
des incidences sur le premier ?
Quel doit être le statut des dépenses de la politique étrangère et de sécurité
commune ? Enfin, et peut-être surtout, comment l'Union européenne doit-elle «
s'incarner » vis-à-vis de l'extérieur, comment donner une « visibilité » à son
action, pour utiliser le langage contemporain ?
Je soulignerai deux points particuliers.
Tout d'abord, l'idée de flexibilité doit être au coeur de la réflexion.
L'expérience prouve qu'il est très difficile, à quinze, de dépasser le stade de
la « diplomatie déclaratoire », pour reprendre une expression de M. de
Villepin. Qu'en sera-t-il lorsque l'Union européenne comptera vingt ou
vingt-cinq membres ?
Si l'on ne veut pas que l'Union européenne soit réduite à l'impuissance dans
le domaine de la politique étrangère, il faut admettre que la volonté politique
d'agir puisse venir de la décision d'une partie des Etats membres, avec le
consentement - je suis tenté de dire « le consentement passif » - des autres
Etats membres. J'ai cru comprendre que la France et l'Allemagne se rejoignaient
pour faire valoir cette conception.
Si la politique étrangère et de sécurité commune peut avoir une réalité, elle
devra se manifester par l'action d'un certain nombre d'Etats, au cas par cas,
au nom de l'Union européenne. Même si cette évolution ne paraissait pas
souhaitable, elle serait inévitable. Si l'on admet que la flexibilité est
inéluctable, il faut en tirer les conséquences sur la manière dont on conçoit
que la politique étrangère et de sécurité commune doit s'incarner. L'idée
avancée par la France d'un « haut représentant pour cette politique » trouve
ici sa justification.
En effet, la formule de la troïka, qui reste, pour l'instant, le moyen utilisé
par l'Union européenne pour assurer sa représentation, n'a pas beaucoup servi
l'autorité et le prestige extérieurs de l'Europe.
Si personne ne s'est moqué des déplacements de la troïka, c'est surtout parce
que les diplomates sont, par nature, courtois.
La proposition d'élargir la troïka pour y faire siéger le commissaire européen
plus particulièrement chargé de la politique étrangère et de sécurité commune,
malgré son intérêt, n'est manifestement pas, je le crains, à la hauteur du
déficit de crédibilité dont souffre l'Union.
Or, dans l'optique de la nécessaire flexibilité, le problème va s'aggraver
encore. En effet, si l'Union européenne continue à être principalement
représentée, selon la rotation semestrielle, par deux ou trois Etats membres,
rien ne s'opposera à ce que l'une de ses actions soit conduite par deux ou
trois Etats qui auront eux-mêmes décidé de ne pas y participer. Peut-on prendre
le risque d'une telle gageure ?
Par ailleurs, une action commune de l'Union européenne peut se développer
pendant une année ou même plus longtemps. Peut-on raisonnablement admettre que
le porte-parole de l'Union européenne, qui s'entremettra en son nom, puisse
être différent chaque semestre et que l'Europe n'ait pas une voix unique et
constante tout au long de la résolution d'un problème international ?
La proposition du « haut représentant de l'Union » présentée par la France
donne une solution à ce problème. Nommé par le Conseil européen et responsable
devant lui, il assurera de manière permanente la « visibilité » de l'Union
européenne sur les actions communes décidées quel que soit le nombre des Etats
participant effectivement à ces actions communes. Porte-parole crédible,
indispensable à l'Union européenne, lien permanent entre les Etats membres
participant à l'action commune, il maintiendra également une relation entre ces
Etats et ceux qui s'abstiendront de participer à cette action.
Que ce « M. PESC » ou « Mme PESC », voire « Mlle PESC », comme on s'en amuse
parfois, soit un « haut représentant » ou un secrétaire général du Conseil doté
de nouvelles compétences - M. le président de la commission y a fait allusion
voilà un instant - l'important est que la fonction éminente soit assumée par
une personnalité bénéficiant de la pleine confiance du Conseil européen et
agissant en son nom.
En conclusion, j'invite le Gouvernement à persévérer dans sa volonté de doter
la politique étrangère et de sécurité commune des règles de fonctionnement et
de l'instrument qui lui manquent pour assurer de manière cohérente et continue
sa représentation vis-à-vis de l'extérieur, sous l'autorité du Conseil européen
sur qui, dans ce domaine, tout repose en définitive.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Monsieur le ministre, j'aimerais d'abord saluer votre action européenne et
votre méthode de défense des positions françaises. Votre pugnacité ne se dément
pas sur le plan national, tant vous avez à coeur de réhabiliter le débat
européen avec le souci évident d'y associer les citoyens. Le dialogue national
sur l'Europe que vous venez de lancer et qui doit traverser toutes les régions
françaises d'ici au printemps prochain vient à point nommé : union monétaire,
union politique, élargissement à l'Est, défense européenne, voilà autant de
défis pour notre pays qui ne peuvent être relevés que par l'adhésion de tous
les Français.
Dans ce débat sur l'avenir de la politique étrangère et de sécurité commune
que le président de la commission des affaires étrangères, M. de Villepin, a
judicieusement provoqué, il est utile de rappeler aux détracteurs de la
politique étrangère et de sécurité commune que l'Europe est composée de nations
dont l'histoire diplomatique et militaire rend l'établissement d'une politique
étrangère commune extrêmement difficile. Les habitudes en ce domaine sont
marquées par un héritage national qu'il est parfois impossible de transcender.
La disparition de la menace soviétique sur l'Europe a également entraîné une «
renationalisation » des politiques de défense en Europe, ce qui ne facilite
guère la mise au point d'une défense commune.
Ne jetons donc pas la pierre à un instrument communautaire qui ne peut être
perfectible qu'avec le temps. Depuis 1992, l'Union européenne a su d'ailleurs
s'en servir avec succès. Je ne citerai que les plus importants actes de la
diplomatie européenne : l'exception culturelle dans les accords du GATT, le
pacte de stabilité en Europe centrale, la politique de sécurité nucléaire en
Ukraine, le partenariat euro-méditerranéen et le forum Europe-Asie.
Ces premiers éléments, en permettant de dégager les domaines et les sphères
géographiques dans lesquels une action commune est envisageable, forment les
fondements de la politique étrangère et de sécurité commune. C'est en effet la
volonté politique des Européens, plus encore qu'une réforme institutionnelle
portant sur la représentation des Etats au sein du Conseil et sur les modes de
décision, qui sera la clef de la réussite de la politique étrangère et de
sécurité commune.
Ces modifications restent toutefois un préalable indispensable à
l'élargissement à l'Est, car elles sont à même de favoriser l'expression de
cette solidarité politique au sein de l'Union qui fait actuellement tant
défaut. La Conférence intergouvernementale doit donc déboucher sur une
meilleure lisibilité de cette politique étrangère et de sécurité commune, sur
une plus grande flexibilité dans son processus décisionnel et sur une plus
grande solidarité entre les membres. Cette solidarité doit être autant
politique que financière puisque les Etats participant à des opérations
extérieures doivent bénéficier du soutien collectif par le biais du budget
communautaire.
S'agissant de l'avenir de la politique étrangère et de sécurité commune, je
m'en tiendrai à une analyse du volet sécurité du deuxième pilier, en soulignant
les enjeux de la défense européenne et les ambiguïtés de la réforme de
l'OTAN.
La Conférence intergouvernementale qui s'est ouverte en mars dernier à Turin
devrait donc accroître l'efficacité et la visibilité de la politique étrangère
et de sécurité commune, permettant
a priori
à l'Union européenne
d'acquérir le statut de puissance politique.
L'accord de Berlin, qui offre aux Européens la possibilité d'utiliser les
capacités opérationnelles de l'OTAN par le biais de l'Union de l'Europe
occidentale, est considéré comme une victoire des Européens, puisque les
Américains ont enfin reconnu l'identité européenne de défense et de sécurité au
sein de l'Alliance atlantique.
Ces deux événements ont ouvert la voie de la réforme des deux organisations
régionales amenées à jouer un rôle central dans le domaine de la sécurité
européenne au siècle prochain. Mais la reconnaissance par les Américains de
cette identité européenne n'est pas exempte d'ambiguïtés. L'accord de Berlin
pourrait également signifier, si l'on n'y prend garde, la mise sous tutelle
américaine de la défense européenne, avec le risque de voir l'union politique
issue de la Conférence intergouvernementale vidée de sa substance.
Les négociations en cours à l'OTAN ne prennent donc tout leur sens qu'au
regard des débats parallèles à la Conférence intergouvernementale sur
l'approfondissement de l'Union européenne et le développement de l'Union de
l'Europe occidentale. Il est intéressant à cet égard de constater le décalage
frappant existant entre, d'une part, le consensus euro-américain sur l'avenir
de l'OTAN et ses rapports avec l'Union de l'Europe occidentale et, d'autre
part, les divisions européennes sur la politique étrangère et de sécurité
commune, qui sont étalées au grand jour. La Grande-Bretagne refuse en effet de
voir le Conseil européen devenir l'instance de légitimation des interventions
militaires européennes, comme le proposent l'Allemagne et la France. Il s'agit
pourtant de propositions cohérentes avec l'accord de Berlin, puisque l'Union de
l'Europe occidentale devrait recevoir ses ordres du Conseil européen.
Si la Conférence intergouvernementale devait aboutir à une impasse sur la
politique étrangère et de sécurité commune, le succès des Européens à l'OTAN ne
serait d'aucune utilité, le fameux pilier européen de la défense reconnu au
sein de l'OTAN ne pouvant être utilisé par l'Union européenne.
Le risque existe donc que cette réforme de l'OTAN ne modifie la nature de la
construction européenne : à terme, l'Union européenne deviendrait un
sous-traitant politique des Etats-Unis par le biais de l'OTAN. C'est donc le
système du concert des nations qui prévaudrait en Europe, enterrant ainsi les
projets d'intégration politique prévus par les pères fondateurs de l'Europe.
Cette vision correspond à celle des Britanniques, et l'on comprend mieux
pourquoi ces derniers se réjouissent de l'européanisation de l'OTAN. L'Union
européenne serait ainsi condamnée à devenir et à rester un « supermarché » - je
reprends ainsi votre expression, monsieur le ministre - et ne pourrait s'élever
au rang de la « puissance politique » que vous avez si souvent appelée de vos
voeux.
Il importe donc de réussir le défi de la CIG dans le domaine de la politique
étrangère et de sécurité commune. En effet, l'identité européenne dans le cadre
de l'OTAN ne couvre pas toute la gamme des actions européennes possibles.
Cette identité européenne au sein de l'OTAN a pour postulat de base
l'existence d'une convergence stratégique euro-américaine. Il faut envisager le
cas inverse : si une divergence de vues l'emporterait entre Européens et
Américains, l'identité européenne de défense serait alors bloquée par le veto
américain.
Les exemples de divergences d'analyse euro-américaines sur des situations
internationales ne manquent pas dans l'histoire des relations internationales
de ces cinq dernières années : la Bosnie - combien de morts européens avant
l'arrivée des GI's ? - mais aussi la gestion de l'après-guerre du Golfe et
l'attitude vis-à-vis de l'Irak, ou encore les relations avec l'Iran et Cuba et
la loi Helms-Burton à l'encontre des sociétés occidentales qui investissent
dans ces pays. On pourrait également citer les divergences dans le cadre des
négociations du GATT et, maintenant, de l'OMC, pour ne pas s'appesantir sur
l'approche unilatérale, voire insultante, du processus de paix au
Proche-Orient.
L'Europe n'a pas toujours la même analyse, la même vision, et elle a rarement
les mêmes intérêts que les Etats-Unis, c'est une évidence ! Les Européens
doivent ouvrir les yeux sur la nature des relations transatlantiques et en
finir avec la naïveté gratuite de la période de la guerre froide. Ces deux
ensembles régionaux sont désormais des géants économiques. Ils partageaient les
mêmes intérêts stratégiques lorsque la menace soviétique existait, mais, depuis
la disparition de « l'Empire du mal », comme l'appelait M. Reagan, la solidité
du lien transatlantique s'effiloche sous les effets de la mondialisation, qui
est ainsi à l'origine des tensions euro-américaines.
L'intérêt militaire commun est moins évident et la divergence des intérêts
économiques plus importante. On peut d'ailleurs raisonnablement penser que ces
deux caractéristiques des relations entre l'Europe et les Etats-Unis
s'accentueront au siècle prochain.
Certes, les Etats-Unis restent notre fidèle et notre plus solide allié
militaire dans le camp occidental. Mais qui peut affirmer, aujourd'hui, que
notre sécurité est directement menacée par un Etat, en l'occurrence la Russie ?
La seule finalité de l'extension de l'OTAN à l'Est semble être l'extension de
la dépendance politique et militaire, donc industrielle, du continent européen
à l'égard des Américains.
Accroître l'efficacité et la visibilité extérieure de la PESC, c'est, mes
chers collègues, maintenir ouverte, simultanément au processus
d'européanisation de l'OTAN, l'option d'une coopération militaire européenne
autonome. Je dis bien « autonome », car cette autonomie est vitale pour pallier
l'hypothèse évoquée précédemment et garantir ainsi à l'Union la possibilité
d'agir séparément des Américains.
L'autonomie politique est vitale également pour le maintien d'une base
industrielle d'armement européenne et indépendante, sans laquelle la défense
européenne ne peut être viable et crédible. A-t-on déjà vu une puissance
politique exister sans défense et sans industrie d'armement ?
La constitution d'un marché européen de l'armement et la préservation des
industries européennes face à leurs concurrents américains supposent donc une
intégration européenne extérieure à l'OTAN.
Je reprendrai les propositions du groupe de réflexion Westendorp sur la
coopération européenne en matière d'armement : création d'une agence européenne
d'armement, révision, voire suppression de l'article 223 du traité de Rome et
nécessité d'une politique commune en matière d'exportations d'armements.
Comment, en effet, concevoir une PESC qui puisse s'inscrire dans la durée et
rester crédible sur la scène internationale si, à terme, l'Union ne garantit
pas son indépendance industrielle et technologique en matière d'armement ?
Les Etats-Unis ont compris depuis longtemps les enjeux de cette bataille
commerciale et technologique : la restructuration de leurs industries de
défense est pratiquement achevée au moment où celle des Européens est
balbutiante. La diplomatie du négoce, qui associe fortement la CIA, permet aux
Etats-Unis de prendre plus de la moitié des marchés d'armement à l'étranger.
Quant aux échanges avec l'Europe, le déséquilibre doit avoisiner les 1 .
La PESC, ce n'est donc pas seulement un enjeu franco-français, le moyen, comme
certains le prétendent, pour la France de poursuivre son antiaméricanisme
primaire, c'est avant tout un formidable outil mis au service des nations
européennes menacées de disparaître sur la scène internationale en tant que
puissance politique.
Pourtant, l'Europe offre souvent une autre vision des règlements des conflits
ou des tensions qui éclatent à l'étranger, une alternative à une diplomatie
marquée par un hégémonisme froid et un égoïsme économique sans limite. Cette
alternative représente un espoir et une attente de la part de nos partenaires
arabes, asiatiques et africains. Face à ces appels, l'Europe a le devoir de se
doter des moyens lui permettant d'assumer ses responsabilités
internationales.
Cette PESC n'est pas tournée contre les Etats-Unis, elle garantit simplement à
l'Europe la possibilité de faire entendre sa voix et d'écarter ainsi le risque
d'uniformisation culturelle et technologique du monde.
Le choc des cultures, réveillé par la disparition des idéologies totalitaires
du xxe siècle, ne pourra être pacifique que si l'Europe y imprime sa marque.
Au-delà des indispensables modifications institutionnelles que la CIG doit
apporter, il faudra surtout susciter une volonté commune au sein de l'Union :
au couple franco-allemand de montrer l'exemple et d'entraîner les autres pays
dans ce mouvement ! Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que les
Européens ne ratent pas ce rendez-vous. Un échec pourrait signifier la mort de
l'Europe politique, de la défense européenne et aussi, à terme, de l'union
monétaire.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes
Européens de citoyenneté. Nous sommes Européens de conviction. Nous savons que
notre avenir dépend principalement de la puissance que l'Europe saura ou ne
saura pas se donner et construire.
Le traité de Maastricht - qui a, par ailleurs, bien des défauts - a le mérite
d'avoir, pour la première fois dans l'histoire de la Communauté européenne,
posé le principe d'une politique étrangère et de sécurité commune. Celle-ci
s'impose. Elle est un élément clé de l'union politique et le complément
nécessaire de l'union économique et monétaire.
Certes, on peut croire aujourd'hui que l'étape majeure de la construction
européenne est le difficile mais nécessaire passage à la monnaie unique. Ce
n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui, mais je dirai simplement que
l'adoption d'une nouvelle monnaie ne prend son sens que comme fondement d'une
capacité à gérer ensemble nos destins dans l'avenir, et pas seulement dans le
domaine monétaire.
C'est de l'union politique qu'il s'agit là, et la composante essentielle de
cette union politique européenne, c'est sa future politique étrangère et de
sécurité commune, la PESC.
Notre capacité à mettre en oeuvre une politique étrangère commune aurait une
valeur considérable, de nature à consolider à la fois l'identité de l'Union et
le sens de l'aventure politique qui nous conduit à souhaiter l'adoption d'une
monnaie unique.
A ce sujet, il est utile de rappeler que le dernier sondage réalisé pour la
Commission européenne au sujet de la réforme institutionnelle en cours souligne
que les Européens souhaitent dans leur ensemble que l'objectif de la
construction européenne reste le même que celui de ses débuts, c'est-à-dire la
consolidation du caractère définitif de la paix en Europe.
Avant même que le traité de Maastricht ne soit conclu, les Douze ont tenté,
sur l'ex-Yougoslavie, de mettre en place une politique commune. La tragédie
yougoslave a provoqué de fortes tensions entre les Etats membres. Ceux-ci ont
retrouvé, vis-à-vis des Balkans, d'anciens réflexes liés à leur histoire
nationale et ils ont eu beaucoup de mal à définir une position commune, et même
quelquefois à respecter les décisions prises ensemble.
C'est dans un climat de résurgence des pulsions nationales, y compris au sein
des Etats membres de l'Union européenne, que la conférence intergouvernementale
sur l'union politique, dont la création avait été décidée en juin 1995, a
élaboré difficilement un traité portant sur une politique étrangère et de
sécurité commune.
Ce travail commun, aussi imparfait soit-il, a eu le premier mérite d'éviter
qu'entre les Douze les tensions ne dégénèrent en conflit ouvert. Il a aussi été
une première réponse à la nouvelle donne sur le continent. Une réponse
imparfaite et lacunaire, sans doute. Comment aurait-il pu, d'ailleurs, en être
autrement ? Bâtir une politique étrangère est une immense ambition qui ne peut
se réaliser seulement par des dispositions juridiques et qui exige qu'émerge la
conscience des intérêts communs et la volonté de les préserver.
Comment aider, dans un domaine qui touche au coeur des souverainetés
nationales, à l'émergence d'une volonté politique commune ? Comment se dégager
des lourdes pesanteurs historiques ? Ces pesanteurs ne s'allégeront pas en un
jour ! Bâtir une politique étrangère et une défense européennes prendra du
temps. Il faut avoir présent à l'esprit que l'on aura mis trente-cinq ans à
réaliser le marché unique et que les premières initiatives sur la monnaie
unique ont déjà vingt ans.
Il faudra accepter plusieurs étapes et, à chacune de celles-ci, combiner
actions concrètes et amélioration du traité. Il faudra surtout commencer par le
commencement, c'est-à-dire élaborer une évaluation commune des risques qui
menacent la sécurité de l'Europe : l'instabilité à l'Est, dans les Balkans,
peut-être à l'intérieur de la Russie même, mais aussi l'islamisme intégriste au
sud de la Méditerranée, qui prolifère sur la misère sociale et le mépris de la
démocratie et des droits de l'homme.
Un premier objectif est donc bien de mettre en place une cellule d'analyse
commune au Conseil et à la Commission. Au début de la tragédie yougoslave,
c'est une évaluation commune qui a le plus manqué à l'Union européenne. L'Union
se doit donc de créer sa propre unité centrale d'analyse et de planification
dans le cadre de la PESC, de manière à pouvoir formuler des approches communes.
Sa mission première consisterait à identifier et à évaluer les crises et les
situations conflictuelles internationales pour formuler ensuite des
propositions fondées sur une analyse permanente des intérêts communs.
Si nous ne pouvons ni ne voulons remettre en cause les règles qui régissent
aujourd'hui la sécurité de chacun de nos pays, nous considérons cependant qu'il
convient de décider dès maintenant que l'Union européenne se donnera les moyens
d'analyser les événements et les évolutions qui peuvent affecter ou modifier
ces références de sécurité, ainsi que la capacité de formuler les propositions
et les orientations rendues nécessaires par ces changements.
En effet, la condition déterminante - et préalable à toute autre - de la
définition d'une politique étrangère et de sécurité commune réside dans le fait
de la penser et de la définir ensemble. Aucune politique étrangère vraiment
commune ne pourra jamais résulter de la seule confrontation de nos diplomaties
nationales. Or non seulement une Union européenne préparée et dotée de projets
et d'actions cohérents et coordonnés sera capable de représenter les intérêts
de ses Etats membres de manière plus opportune, mais encore elle répondra
davantage aux nombreuses attentes qui s'expriment dans les pays tiers : sa
puissance économique sera telle que l'Union européenne pourra endosser des
responsabilités politiques plus étendues. Ce pourrait être par exemple le cas
aujourd'hui - nous sommes en pleine actualité ! - pour conforter le processus
de paix au Proche-Orient, qui est sérieusement menacé.
Il faudra aussi modifier la procédure de décision sur les actions communes
pour tenter de surmonter l'inertie actuelle et mettre davantage l'accent sur
les positions communes et les actions conjointes, ce qui suppose un
renforcement de l'instrument politique par un recours plus systématique aux
dispositions du traité sur l'Union européenne concernant le vote à la
majorité.
L'Union européenne devrait commencer par établir une hiérarchie des processus
décisionnels en opérant un distinguo entre, d'une part, les actions
humanitaires, l'envoi d'observateurs ou les décisions politiques prises au
titre de la PESC et, d'autre part, les initiatives militaires, pour lesquelles
les gouvernements nationaux auraient la faculté de s'« abstenir positivement »
selon l'expression consacrée.
Dans le domaine de la défense, le traité de Maastricht engage les Etats
membres à définir « une politique de défense commune qui pourrait conduire, le
moment venu, à une défense commune ».
Le président François Mitterrand avait toujours, en complicité, dirais-je,
avec le chancelier Kohl, compris qu'il fallait à tout prix maintenir cette idée
d'une identité européenne de défense. Le traité de Maastricht était venu, en
quelque sorte, et malgré ses imperfections et ses carences, consacrer cette
politique.
La PESC a acquis avec ce traité ses premières lettres de noblesse. Tous les
pays signataires étaient alors d'accord pour que l'UEO devienne le pilier
européen de l'Alliance atlantique. Il s'agissait de renforcer son rôle
opérationnel. La politique actuelle du Gouvernement, je vous le dis, monsieur
le ministre, tourne le dos à ces engagements, enterre l'UEO et montre à nos
partenaires non pas la volonté de construire ce « pilier européen », mais une
incitation à rester dans le giron atlantique.
Il faut, au contraire, examiner la question de l'édification d'un système
européen de défense qui pourrait contribuer aux actions de l'OTAN ou agir seul.
Il s'agit donc d'envisager le développement d'une capacité de défense et de
sécurité propre à l'Union européenne, incarnée et coordonnée par l'UEO et
préfigurée par des forces telles que l'Eurocorps, pouvant agir sous l'autorité
du Conseil européen hors du cadre de l'OTAN.
A l'inverse, on court aujourd'hui le risque d'avoir une Europe incapable de
faire autre chose que de s'en remettre à l'OTAN pour les questions de sécurité
et de défense. « L'OTAN serait ainsi le cadre politique réel pour les questions
de sécurité européenne », avec, dans le meilleur des cas, une sorte de
directoire sous l'égide des Etats-Unis. J'ai cru comprendre à l'instant que
c'était aussi ce que craignait M. About.
Mon ami Bertrand Delanoë reviendra sur ces questions, demain, dans le débat
sur la défense. J'ajouterai seulement que, sans son autonomie stratégique, sans
la spécificité française, notre pays perd de sa crédibilité.
En nous alignant sur les positions américaines, nous ne rendons pas service à
la PESC. Cette reculade - parce que c'est ainsi que les commentateurs étrangers
analysent la politique française actuelle - ce retour vers l'atlantisme nuisent
à la France en Europe mais aussi dans le monde.
Avant de conclure, j'évoquerai rapidement deux points.
Je ne suis pas revenu sur la création tant annoncée, et évoquée par M. de
Villepin, d'un « M. PESC » ou d'une « Mme PESC ». Comme vous l'avez reconnu,
monsieur le ministre, devant la délégation du Sénat, au début du mois
d'octobre, il n'existe pour l'instant d'accord ni sur le statut d'un « M. PESC
» ou d'une « Mme PESC » ni sur l'idée de placer cette personnalité sous le
contrôle européen.
Autant dire que cette proposition du Gouvernement français semble ne
recueillir qu'un très faible soutien. Comme le reconnaissait récemment, avec ce
sens de la litote qui les caractérise, un de nos diplomates bruxellois : «
C'est une position très respectable, mais assez seule. On cherche plutôt une
nouvelle formule ». Nous verrons bien. Là n'est pas l'essentiel, à nos yeux.
Par ailleurs, je n'ai pas le temps de revenir sur la nécessaire harmonisation
des politiques d'armement des principaux pays européens concernés. Pourtant, au
moment où le Gouvernement semble renoncer à l'idée d'une stratégie européenne
dans ce domaine clef, on constate que les Etats-Unis ne s'embarrassent pas de
précautions pour restructurer un secteur majeur de leur économie.
Depuis la fin de la guerre du Golfe, ils se sont engagés - on l'a rappelé à
l'instant - dans une politique de fusion des entreprises, dans le domaine de
l'informatique et des missiles notamment, qui leur permet de peser sur les
marchés mondiaux et d'imposer à leurs partenaires commerciaux leurs choix
stratégiques.
Les pays européens n'auraient donc plus qu'une alternative : produire européen
ou acheter américain. Il devient impératif, dès lors, de pousser à la
constitution de grands groupes capables de rivaliser avec leurs concurrents
d'outre-Atlantique. Il n'y aura pas de défense européenne sans industrie
européenne de l'armement.
Pour conclure, je confirme, monsieur le ministre, mon inquiétude quant à la
façon dont se déroule la Conférence intergouvernementale depuis maintenant
plusieurs mois.
Le pire serait, comme cela a été dit, qu'elle n'aboutisse qu'à un aménagement
très limité mais présenté comme suffisant pour permettre l'élargissement. En
effet, monsieur le ministre - je vous donne d'ailleurs acte du fait que vous
venez régulièrement informer la délégation du Sénat ou la commission des
affaires étrangères - vous l'avez dit devant nous : « Un élargissement
s'effectuant dans le cadre des institutions actuelles serait un marché de dupes
! »
Il importe donc maintenant - pour l'instant, nous sommes loin du compte - de
s'en tenir au calendrier prévu et de tirer les conséquences du lien
indissociable qui existe entre élargissement et réforme institutionnelle, entre
approfondissement de l'union politique et introduction de la monnaie unique,
entre nouvelles perspectives financières et futur élargissement de l'Union.
Sur tous ces aspects, nous serons extrêmemnt vigilants, en conservant jusqu'au
bout notre liberté d'appréciation.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du
RDSE. - M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne
applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène.
Monsieur le ministre, vous répétez souvent que l'Europe doit être bien autre
chose qu'un simple grand marché et que la Conférence intergouvernementale doit
être l'occasion d'accomplir un pas significatif vers l'Europe « puissance
politique ».
Cette conception fut de tout temps la nôtre, convaincus que nous étions, et
que nous sommes, que les problèmes d'indépendance, de sécurité, de maintien de
la paix l'emportent, et de très loin, sur les autres, convaincus que nous
sommes aussi que, dans ces domaines, il est imprudent et déraisonnable, et donc
impossible, de s'en remettre à d'autres ou de s'en remettre à je ne sais quelle
neutralité plus ou moins aveugle ou plus au moins égoïste.
Les auteurs du traité de Maastricht ont ressenti cette nécessité, et cela nous
a donné le « deuxième pilier ». Mais le bilan est maigre, peut-être même
négatif.
La crise des Balkans appelait à l'évidence aux yeux de tous une politique
européenne ; la situation était et reste la même au Moyen-Orient. Mais, au lieu
de la politique commune promise, nos concitoyens ont vu celle-ci se réduire
in fine
à faire de l'Europe en quelque sorte le payeur de la politique
américaine dans ces deux régions.
MM. Charles Pasqua et René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Christian de La Malène.
Aussi, comme l'a souhaité M. le Président de la République, c'est à très juste
raison que vous entendez que ce sujet soit à l'ordre du jour, et peut-être au
centre, de la Conférence intergouvernementale pour mettre nos partenaires en
face de leurs responsabilités. Cette nécessité est plus urgente que jamais, et
peut-être une telle occasion de le faire ne se représentera-t-elle pas de
sitôt.
L'Europe va en effet devoir rapidement, presque concurremment, faire face à
des échéances de grandes conséquences : réussir la Conférence
intergouvernementale, mettre en place la monnaie unique et l'indispensable
système monétaire européen protecteur, réussir toute une série
d'élargissements, résoudre ses problèmes financiers et agricoles.
Nul doute que ces échéances seront honorées ; mais la question est de savoir
si elles le seront bien et si elles le seront durablement. La question est de
savoir si en l'an 2000, ou en l'an 2005 au plus tard, l'Europe, ayant retrouvé
ses dimensions historiques, sera devenue une puissance politique, maîtresse de
sa monnaie, maîtresse de son destin, jouant dans le monde un rôle à la hauteur
de sa dimension et de sa force, ou si, devenue, certes, une très grande
puissance économique, elle sera restée un nain politique plus ou moins à la
remorque des Etats-Unis.
A cela, il faut ajouter que, faute de ce pouvoir politique, la pérennité de sa
réussite économique serait elle-même menacée. Elle le serait de l'extérieur,
l'Europe n'ayant pas su se donner les moyens de se faire entendre et d'être
respectée dans la compétition économique impitoyable dont le monde est
aujourd'hui le théâtre. Mais elle le serait aussi de l'intérieur, car le succès
de la seule Europe économique et monétaire réduira progressivement les moyens
d'action des pouvoirs politiques et affaiblira la légitimité démocratique de
l'ensemble.
Les règles de l'économie seule, isolées, sont des règles technocratiques. Et
plus le pouvoir économique progresse, plus ce caractère s'affirme. Chacun sait,
par exemple, que la monnaie unique, pour réussir et perdurer, nécessite la mise
en place, au-delà d'elle, d'une politique économique toujours plus intégrée,
toujours plus unifiée. Cela ira bien au-delà des contraintes des critères de
Maastricht et cela privera dangereusement les gouvernements de moyens d'agir
face aux aléas et aux impératifs de la politique et de la conjoncture.
Ainsi, en l'absence d'un pouvoir politique démocratique, la fragilité de
l'entreprise risque de s'accroître en fonction même de son succès. On ne peut
impunément faire évoluer de façon divergente le pouvoir économique et le
pouvoir tout court, la technocratie d'un côté et la démocratie de l'autre.
M. Paul Masson.
Très bien !
M. Christian de La Malène.
Ce que nous connaissons et ce que vous nous avez appris des travaux de la
Conférence intergouvernementale nous apporte-t-il quelque espoir et quelque
apaisement ? J'aimerais en être convaincu.
Je me suis donné la peine de lire le long rapport du groupe de réflexion qui a
travaillé préalablement à la conférence elle-même. De la part de nos
partenaires, je n'y ai trouvé que peu, très peu trace d'une volonté ferme de
progresser dans la voie du pouvoir politique.
Certes, la France, elle, a fait des propositions.
Vous souhaitez renforcer le Conseil en améliorant la pondération, renforcer la
Commission en réduisant le nombre des commissaires. Toutefois, les réactions
des pays les moins importants, mais qui sont les plus nombreux, nous semblent,
hélas ! bien négatives.
Vous souhaitez donner une image et une voix à la politique étrangère commune ;
mais, même réduites au départ à de modestes actions communes, cette image et
cette voix semblent provoquer beaucoup de craintes, et l'on s'efforce déjà d'en
réduire au minimum l'ampleur.
Vous souhaitez que des coopérations renforcées soient possibles. C'est là une
voie qui pourrait être pleine de promesses, et j'aimerais que vous nous disiez
si elle vous paraît devoir rencontrer, elle, un écho favorable.
Mais au-delà de nos propositions, les quatorze autres ont-ils manifesté la
volonté d'aller de l'avant, vers la politique étrangère, vers la défense, vers
le pouvoir politique ? Ont-ils déposé des
memorandums
sur ces points ?
Ont-ils fait des propositions alternatives ? Cette volonté claire de la France
de situer le débat à ce niveau a-t-il rencontré un écho ?
Nous craignons bien davantage que les discussions n'aient porté et ne portent
que sur des problèmes de majorité, sur des problèmes de rôle du Parlement
européen, sur les procédures législatives, sur la communautarisation de tel ou
tel point du troisième pilier, sujets intéressants sans doute, mais sans
commune mesure avec les questions posées par la France.
Monsieur le ministre, je terminerai cette brève intervention par une remarque
en forme d'avertissement et par une question.
La remarque s'adresse à ceux de nos partenaires qui, pour des raisons
diverses, refusent tout pas important vers l'Europe politique, diplomatique et
de la défense.
Peut-être leur refus n'empêchera-t-il pas la Conférence intergouvernementale
d'aboutir à une conclusion et, ensuite, les élargissements de se produire. Mais
il faut savoir, et l'Europe doit savoir, d'abord, que cet immense ensemble
économique, dépourvu de pouvoir politique moteur, risque de périr d'étouffement
- certains diront d'obésité - ensuite, et surtout, que cette politique
étrangère et que cette défense dont ils n'auront pas voulu, il faudra bien
qu'elles voient le jour. Elles le verront parce qu'elles sont nécessaires et
irremplaçables. Mais alors, elles verront le jour sans eux, en dehors d'eux et
hors de leur cadre européen familier et traditionnel.
Après l'avertissement, la question, monsieur le ministre, à laquelle vous ne
pourrez ou ne voudrez peut-être pas y répondre.
Vous dites souvent : « Il n'y aura d'accord sur rien s'il n'y a pas d'accord
sur tout. » Devons-nous comprendre que dans « tout » il faut inclure un progrès
significatif dans les domaines fondamentaux que je viens de rappeler très
cursivement ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « se figurer
qu'on peut bâtir quelque chose qui soit efficace pour l'action et qui soit
approuvé par les peuples en dehors et au-dessus des Etats, c'est une chimère...
Il est tout naturel que les Etats de l'Europe aient à leur disposition des
organismes spécialisés pour des problèmes qui leur sont communs, pour préparer
et, au besoin, pour suivre leurs décisions, mais ces décisions leur
appartiennent. Elles ne peuvent appartenir qu'à eux et ils ne peuvent les
prendre que par coopération ».
Ces propos fondamentaux ont été tenus voilà vingt-six ans par le général de
Gaulle et sont toujours aussi actuels, nous semble-t-il, dans le domaine dont
nous débattons aujourd'hui.
Il est intéressant de rapprocher ce point de vue de celui qu'a exprimé tout
récemment, dans les colonnes du journal
Le Monde,
M. Karl Lamers,
porte-parole pour les affaires étrangères du groupe parlementaire
chrétien-démocrate allemand.
« La politique doit être orientée par rapport à la réalité supranationale. Les
attentes des marchés financiers internationaux en sont une expression. Tout
cela porte atteinte en profondeur à la façon dont l'Etat-nation, voire la
civilisation française, se perçoit...
« En outre, les règles de l'union monétaire européenne, telles qu'elles ont
été formulées dans le traité de Maastricht sont inspirées du modèle allemand et
apparaissent ainsi à de nombreux Français comme l'expression d'un diktat
allemand. Mais il ne s'agit pas de cela. C'est le diktat de la réalité
supranationale, celle de la concurrence globale. »
Doit-on, peut-on accepter un tel diktat, dont on connaît les conséquences en
matière économique, à savoir l'accroissement des inégalités, du chômage et de
l'exclusion ? Doit-on accepter ce diktat qui contribue à la mobilisation des
peuples européens contre l'Europe de Maastricht et la marche forcée vers la
monnaie unique ?
Doit-on se résigner à voir les fonctions traditionnelles de l'Etat-nation
échapper peu à peu aux Etats membres ?
Sur le plan des relations internationales, quels intérêts aurions-nous à
accepter d'amputer davantage encore notre souveraineté ? Cela irait-il dans le
sens d'une coopération renforcée entre les peuples européens ?
A notre avis, respecter les souverainetés nationales n'est-ce pas la condition
préalable pour permettre à l'Europe de jouer le rôle qui lui revient sur la
scène internationale ?
C'est cet état d'esprit qui devrait guider toute réflexion quant à la
politique extérieure de l'Union, en particulier, et à la construction
européenne, en général. Car l'Europe communautaire n'est pas une nation qui
bénéficierait de l'adhésion et du soutien des citoyens qui la composent.
Les citoyens européens sentent d'abord qu'ils appartiennent à une communauté
nationale, représentée par un gouvernement que légitime cette adhésion.
Ce n'est absolument pas le cas des institutions communautaires, qui paraissent
désincarnées et distantes des citoyens, qui ont le sentiment que l'Europe se
construit sans eux, dans le secret des institutions bruxelloises.
Pourquoi, dès lors, vouloir poursuivre dans la voie de l'abandon de
souveraineté au profit d'une Europe composée - disons-le sans détour - de pays
qui ne défendent pas les mêmes points de vue sur la scène internationale et
dont les intérêts vitaux sont encore loin de coïncider avec les nôtres ?
Pourquoi ne pas permettre à la France de faire entendre sa voix tout en
favorisant des actions communes ou des positions communes au niveau européen
?
A lire le rapport de M. de Villepin, intitulé :
Une politique étrangère
commune pour l'Union européenne,
on constate que cette solution qualifiée
d'« approche pragmatique », constitue, en fin de compte, la seule voie de la
sagesse et de l'efficacité, d'autant plus qu'il n'y a pas de réelle volonté
politique commune pour que l'Europe s'exprime par une seule voix et une seule
autorité sur la scène internationale.
L'exemple de l'ex-Yougoslavie, présenté avec justesse dans le rapport précité,
a été fort significatif à cet égard. Dès l'origine du conflit, en effet, «
l'Union européenne s'est trouvée paralysée par les divergences en son sein.
Faut-il les rappeler ? Celles-ci manifestent la pérennité de traditions
diplomatiques ou d'alliances héritées de l'histoire ou de la géographie, la
position pro-serbe défendue par la Grèce, ainsi que l'appui donné aux Croates
par les Allemands en sont des exemples. La reconnaissance unilatérale de la
Croatie et de la Slovénie par l'Allemagne au mois de décembre 1991 augurait mal
des capacités de l'Union à s'accorder sur un conflit qui réveillait les
brasiers mal éteints des passions dont l'Europe avait déjà été la victime. »
Le conflit israélo-palestinien est également riche d'enseignements. Ainsi, en
dépit du vif souhait de Yasser Arafat, les Quinze ne furent pas représentés à
la table des discussions lors des négociations israélo-palestiniennes.
L'Union européenne a beau fournir l'essentiel du soutien financier au
processus de paix, elle a dû se contenter d'une présence symbolique, celle du
ministre irlandais des affaires étrangères. Est-il nécessaire de rappeler que
les Etats membres les plus liés aux Etats-Unis - la Grande-Bretagne et
l'Allemagne - étaient des plus réservés sur l'utilité d'une telle démarche ?
On comprend mal, au vu de ces éléments, que certains de nos collègues, dont M.
de Villepin, s'attachent à promouvoir une politique étrangère commune fondée
non sur la coopération mais sur l'intégration.
Quelles seraient les marges de manoeuvre de la France si cette politique
étrangère supranationale existait ? Le Président de la République aurait-il eu
toute latitude pour exprimer avec pertinence la voix de la France au
Moyen-Orient ? Certainement pas !
La réponse aux difficultés résultant de la mise en place d'une politique
extérieure commune ne saurait conduire à nier purement et simplement les
divergences par une réforme institutionnelle, par la constitution d'un noyau
dur autour de quatre ou cinq grands pays ou par le rapprochement de la France
avec l'Allemagne.
De même, le recours plus systématique au vote à la majorité conduira
inévitablement à dessaisir la France d'un des éléments de sa souveraineté.
Je m'étonne d'autant plus de lire de telles propositions qu'il est affirmé
dans le même rapport de M. de Villepin : « Si efficaces que soient les
dispositions institutionnelles, leur portée serait illusoire si la volonté
politique indispensable à une réelle coopération dans le domaine de la
politique étrangère continuait à manquer. Car cette volonté des Etats membres
paraît être, en dernier ressort, la vraie condition d'une politique étrangère
commune plus efficace. » J'ajouterai, pour ma part, la « seule » condition.
Ce n'est malheureusement pas la voie suivie par le Gouvernement français à
Turin.
La France propose en effet qu'une personnalité politique désignée par le
Conseil européen soit chargée de mener et de suivre des actions communes
décidées par consensus. Elle est favorable à l'extension des cas de vote à la
majorité qualifiée et à une certaine « communautarisation » des deuxième et
troisième piliers du traité, tout en insistant sur la nécessaire reconnaissance
du rôle des parlements nationaux.
On pourra dire et écrire ce que l'on voudra sur le sujet. A notre avis, il y
aura convergence des politiques étrangères des pays de l'Union européenne et,
peut-être, un jour lointain, mise en place d'une politique étrangère commune
quand s'exprimera suffisamment de volonté politique pour aller dans ce sens.
Pardonnez-moi d'être quelque peu catégorique en ajoutant que, selon moi, tous
les projets visant à mettre en place des « cadenas » supranationaux non
seulement sont voués à l'échec mais aussi retardent l'avènement de cette
convergence politique.
Par ailleurs, la France dit inscrire ses projets dans la construction d'une
défense européenne, mais, dans le même temps, elle réintègre l'essentiel des
commandements militaires intégrés de l'OTAN qui - on le sait bien - est tout
sauf un système de défense indépendant des Américains.
Nous estimons, pour notre part, que, quelle soit la forme de coopération
adoptée en matière de politique étrangère ou de défense, la France doit
préserver l'essentiel de sa souveraineté.
Un éminent membre de notre assemblée, M. Maurice Schumann, alors secrétaire
d'Etat dans le gouvernement de Robert Schuman, avait écrit à l'époque : «
L'union politique... ne peut que procéder de la concertation et de l'entente
des Etats qui la composent : personne n'imagine qu'un pays puisse entreprendre
une action qui risque de l'entraîner dans un conflit parce que sept voix contre
deux et trois abstentions la lui auront prescrite. En refusant d'admettre cette
évidence sans pouvoir la contester, on retarde en fait l'avènement d'une Europe
du possible qui est celle des réalités concrètes. »
En effet, mes chers collègues, ne vaut-il pas mieux construire une Europe avec
des pays et des peuples conscients qu'il y va de leur intérêt de s'associer et
prêts, de ce fait, à faire des concessions, plutôt que de leur imposer des
décisions tendant à créer une solidarité fictive et obligatoire ?
Coopérations plus larges, oui ! Intégration supranationale, non !
Le problème ne revient donc pas à choisir, comme le laisse supposer
l'orientation que vous voulez donner au débat, entre plus de Communauté et
moins d'Etat, mais à rechercher comment cette structure qu'est l'Union
européenne peut, en tenant compte de ses composantes et en respectant leur
souveraineté, favoriser une coopération rendue nécessaire - comme l'a rappelé
justement M. de Villepin - par les bouleversements économiques, politiques et
sociaux de cette fin de siècle.
C'est à notre sens de cette façon que devrait se poursuivre la réflexion
concernant la réforme institutionnelle engagée à Turin, tant dans le domaine de
la PESC que dans l'ensemble de domaines intéressant les peuples européens.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie
M. Xavier de Villepin d'avoir offert au Sénat la possibilité d'exprimer ses
points de vue et ses attentes en matière de politique étrangère de l'Union
européenne, à la veille de la Conférence intergouvernementale sur la
modification des traités, et d'avoir rédigé un rapport prospectif si documenté
sur ce sujet.
A titre de propos liminaire, je précise que les sénateurs du Rassemblement
démocratique social et européen, au-delà de leur pluralité politique, se sont
réunis autour de la priorité qu'ils accordent à la construction européenne.
Nous sommes conscients des difficultés que comportent l'élaboration et la mise
en oeuvre de politiques communes, en particulier dans le domaine des affaires
étrangères. Mais nous ne sommes en aucune façon résignés à accepter la
politique étrangère européenne telle qu'elle est actuellement élaborée. Elle se
caractérise en effet par son absence dans la réalité des décisions
internationales majeures et des arbitrages primordiaux.
Dès lors, pouvons-nous nous étonner de n'être ni sollicités, ni écoutés ?
Point n'est besoin d'en citer des exemples. L'Union européenne ne dispose pas
de la structure adéquate susceptible de s'exprimer en son nom devant la
communauté internationale. Il s'agit d'un constat, dont il faut tirer les
conséquences.
Une deuxième observation concerne le rapprochement de la politique étrangère
et de la politique de défense dans le titre V du traité sur l'Union. La mise en
oeuvre d'une défense commune, qui ne fait pas l'objet de notre débat de ce
jour, nous apparaît certes indispensable, mais n'est qu'un moyen, et non un
but. Elle implique en outre des organisations extra-européennes, et la
confusion des genres contribue à celle des esprits. La politique étrangère se
situe en amont et son champ d'action, qu'il s'agisse bien sûr de la diplomatie,
mais aussi de l'humanitaire, de l'aide à la formation et du rayonnement
scientifique et culturel, est beaucoup plus étendu.
Un troisième point a trait au danger que recèle tout amalgame. Nous savons
tous combien a été mise en avant et controversée, provoquant des clivages au
sein de bien des partis, la politique monétaire de l'Europe, qui prend ainsi
l'apparence d'un objectif privilégié, au détriment des autres. Comment
s'étonner alors des réactions d'euroscepticisme d'une population qui ne perçoit
que les contraintes, et aucun des aspects positifs de la construction
européenne ? On observe qu'imputer à l'Europe les difficultés économiques et
sociales de ses membres fait naître un ressentiment. Une ouverture qui ne se «
positive » pas en temps voulu déclenche des réactions de fermeture, qui sont
sciemment utilisées dans un regain d'ultranationalisme, avec ses conséquences «
divisionnistes », qui font renaître les démons du passé.
Enfin, si tous se félicitent de la disparition de la guerre froide,
devons-nous pour cela admettre la prédominance d'un seul Etat, qui s'institue
et s'accentue ? A la néfaste notion de blocs fermés et opposés, il faut
substituer celle des pôles de développement non seulement économiques, mais
aussi sociaux. Isolées, les nations européennes, même si elles additionnent des
centaines de millions d'habitants, ne joueront qu'un rôle d'arrière-plan.
Monsieur le ministre, avec des arrêts, sinon des reculs, l'Europe avance à
bien petits pas, et les générations passent. Nous ne doutons ni de votre
engagement ni de votre volonté. Dans le domaine aujourd'hui abordé de la
politique étrangère européenne, nous savons qu'il ne s'agit pas seulement de
renforcer le deuxième pilier ; il s'agit en réalité de le construire. Nous ne
nous faisons pas d'illusions : la politique étrangère européenne actuelle reste
illusoire dans le concret. Nous savons les réticences probables que vous
rencontrerez au sein des nations de l'Union, le poids de l'histoire et des
pages à tourner, la crainte d'une coexistence au-delà d'une simple coopération,
même si l'on regrette la quasi-non-existence d'une politique étrangère
européenne lors des grands problèmes internationaux.
Nous savons la complexité des instances européennes, l'absence de structures
permettant de prendre des décisions au-delà des déclarations de principes,
décisions que d'ailleurs il serait impossible d'appliquer si elles étaient
prises.
Nous savons les changements à faire admettre et la diversité relative des
solutions envisageables si l'on désire éviter le danger d'une organisation
supplémentaire qui se juxtaposerait encore aux autres, sans rien résoudre, bien
au contraire !
Notre rôle n'est pas de donner ici un modèle qui risquerait d'altérer la
nécessaire souplesse exigée par de telles négociations. Nous privilégions
seulement l'efficacité en approuvant les propositions françaises relatives à la
création d'une cellule de prospective et d'urgence, et à la nomination d'un
haut représentant de l'Union aux affaires étrangères. Nous ne pouvons pas nous
passer d'un porte-parole européen, qui pourrait être placé sous l'autorité des
ministres des affaires étrangères de l'Union et du conseil des chefs d'Etat et
de gouvernement.
Mais certaines suggestions peuvent apporter une aide dans ces délicates
étapes, car elles peuvent servir de ciment.
D'abord, nous devons mieux faire connaître à la population l'intérêt et la
nécessité d'une politique étrangère européenne, seule façon pour nous d'être
réellement présents dans l'évolution politique, maintenant et plus encore dans
le futur, sans se réfugier dans la fierté du passé, ni dans un individualisme
qui nous exclut, sans politiser le débat, mais, au contraire, en sachant
rassembler et partager des responsabilités, ce qui facilite toujours un
consensus. Nous devons, en ce domaine, éviter les divergences relatives au
système monétaire en espérant qu'il en sera de même dans les autres pays, en
respectant les objectifs de l'article J 1 du titre V, mais en les
matérialisant.
De la même façon, il nous faut utiliser aussi le phénomène d'entraînement en
nous intégrant dans le petit groupe vraisemblable des Etats « locomotives »,
sans toujours vouloir attendre ceux qui préfèrent se réfugier sur des voies de
garage et demandent ensuite à se raccrocher au train si la dynamique des autres
les y incite. On peut accueillir les retardataires en ne se laissant pas
dominer par les « retardateurs » !
M. Jacques Genton,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Très bien
!
M. Robert-Paul Vigouroux.
Par ailleurs, nous devons, bien sûr, poursuivre notre politique humanitaire,
comme notre défense des droits de l'homme, dans la continuité de notre rôle de
pourvoyeurs de fonds, mais en devenant nos propres donneurs d'ordres.
L'Europe apporte 50 % de l'aide financière aux pays les moins développés
contre 23 % d'origine japonaise et 17 % - je le souligne - de la part des
Etats-Unis. L'Union européenne finance 30 % de l'aide totale au Moyen-Orient,
les Etats-Unis 15 % ! L'Europe apporte 60 % de l'aide à la Russie et aux Etats
de l'ex-URSS et 40 % à la reconstruction de la Bosnie.
Au vu de ces chiffres, nous sommes en droit de nous demander pourquoi
l'influence européenne est aussi faible, eu égard au volume des aides qu'elle
octroie !
Disons encore que la science et la culture demeurent d'inlassables défricheurs
de présence, de coopération et d'entente. Or les Etats européens ont intérêt,
devant les difficultés financières qu'ils rencontrent, à regrouper leurs
efforts, dans des représentations consulaires, certes, mais aussi dans des
centres culturels, des écoles, des lycées, des universités, des lieux de
recherche et de formation, en respectant la particularité de leurs racines, la
pluralité de leurs langues.
Point n'est besoin que tous y participent. Des partenariats à deux, voire à
plusieurs, peuvent se développer. Je pense, en particulier, à l'action sur
l'ensemble du bassin méditerranéen, à laquelle, vous le savez, monsieur le
ministre, je suis personnellement attaché, tout comme, je le sais, les
collègues de mon groupe. Une telle offensive pacifique peut, demain, devenir
pacifiste. Elle ne peut qu'avoir des retombées positives.
On nous rétorque parfois que « Rome ne s'est pas faite en un jour ». Mais le
traité de Rome remonte à 1957, le premier traité ayant été signé à Bruxelles en
1948, et la conférence de La Haye qui relançait la coopération politique date
de 1969. Notons que onze ans seulement se sont écoulés entre la proclamation de
l'indépendance des Etats-Unis en 1776 et la Fédération de 1787. C'était une
autre époque !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, placés face
à l'alternative de vouloir l'Europe ou de faire en sorte de la refuser, notre
réponse sera positive. Les millions d'habitants ne comptent sur l'échiquier
qu'en tant qu'Européens, avec leurs différences, mais surtout avec des
politiques communes indispensables à l'affirmation de leur place sur la scène
internationale. Nous n'hésitons pas, au groupe du Rassemblement démocratique et
social européen, à être les acteurs de notre destin.
(Applaudissements sur
les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier,
ministre délégué aux affaires européennes.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, c'est une question bien opportune, quant au
sujet et quant au moment où elle est posée, que la Haute Assemblée a formulée
par la voix de M. de Villepin, ce dont je n'ai pas été surpris. En effet, la
réforme de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, constitue
l'un des défis majeurs, l'une des priorités de la Conférence
intergouvernementale que vous avez évoquée les uns et les autres et sur
laquelle je reviendrai.
Cette conférence, qui a débuté voilà quelques mois et qui durera encore neuf
mois, a pour objet de réformer nos institutions préalablement à l'élargissement
de l'Union européenne, et de donner à cette dernière - j'en reparlerai
également - les outils et les moyens d'être enfin une puissance politique.
Cette conférence devra s'achever - les chefs d'Etat et de gouvernement l'ont
rappelé il y a quelques jours à Dublin - en juin 1997 au plus tard.
Le Président de la République, quant à lui, a rappelé l'importance qu'il
attache au développement d'une PESC digne de ce nom, capable de donner à
l'Europe, sur des sujets d'intérêt commun entre les Quinze, l'influence
mondiale qui devrait être la sienne.
Je remercie beaucoup la Haute Assemblée de me donner la possibilité de faire
le point sur l'action, sur l'engagement du Gouvernement en faveur d'un tel
objectif.
Je voudrais tout d'abord, après les avoir entendues et écoutées avec beaucoup
d'attention, souligner la très grande qualité des contributions parlementaires
de chacun des groupes de votre assemblée au cours de cet après-midi.
L'intérêt du Sénat pour tout ce qui touche à la PESC ne s'est jamais démenti ;
l'excellent rapport du président de la commission des affaires étrangères, M.
de Villepin, en est l'une des plus récentes et des plus claires
illustrations.
Je veux souligner, à mon tour, le très grand intérêt qu'a porté le
Gouvernement à ce rapport ainsi que la pertinence des idées, des avertissements
et des suggestions qu'il contient.
J'ai toujours été, je vous le dis comme je le pense, très impressionné par la
qualité et par la franchise des débats que nous avons régulièrement sur ce
sujet comme sur d'autres questions européennes avec vous, mesdames, messieurs
les sénateurs, en général, et avec la délégation du Sénat pour l'Union
européenne en particulier.
Je voudrais, en cet instant, remercier son président, M. Genton, qui ne manque
pas, lui aussi, d'apporter au Gouvernement non seulement ses encouragements,
comme il l'a fait tout à l'heure, mais aussi un certain nombre de remarques
pertinentes et utiles.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur la
politique étrangère et de sécurité commune est maintenant bien engagé dans le
cadre de la Conférence intergouvernementale entre tous les partenaires de
l'Union.
Depuis le lancement de cette conférence à Turin, des progrès ont été
enregistrés. Des idées ont fait leur chemin, au premier rang desquelles figure
cette idée française d'un haut représentant, une idée pour l'Europe et non pas
pour la France.
Pour répondre à vos questions et à vos observations, ainsi qu'aux
interpellations de M. de Villepin et de M. Genton, je rappellerai d'abord les
raisons qui ont conduit la France à faire de la PESC un objectif prioritaire de
la Conférence intergouvernementale. Je reviendrai ensuite sur les solutions
institutionnelles que nous avons proposées pour atteindre un tel objectif.
Pourquoi la PESC est-elle un objectif prioritaire de la conférence ? M. de La
Malène l'a dit tout à l'heure avec d'autres, c'est parce qu'il est temps d'en
revenir à la première raison de la construction européenne, de refaire la
preuve que nous pouvons construire entre nous, les Quinze, mais bientôt les
Vingt ou Vingt-cinq, un espace, un territoire non seulement humain et
économique, mais également politique, où la paix, la préservation des droits de
l'homme, et donc la démocratie soient définitivement garantis. Car tel était
bien, d'après ce que j'ai pu lire, la première finalité de la construction
européenne, en 1951.
M. Jacques Genton,
président de la délégation.
Très bien !
M. Michel Barnier,
ministre délégué.
Je le dis à M. de La Malène, parce que nous sommes
d'accord sur ce point comme sur beaucoup d'autres, à nos yeux, l'Union
européenne ne se résume pas seulement au marché commun et à la monnaie unique.
Il faut maintenant, à la veille de ce grand élargissement, qui serait un marché
de dupes pour eux et pour nous si nous le faisions pas, donner à cette Union
européenne, au-delà du marché unique et bientôt de la monnaie unique, une
dimension politique.
M. de Villepin a fort bien posé la question de fond. L'Union européenne, qui
accorde chaque année plus de 5 milliards d'écus à son action extérieure, n'a
pourtant pas de politique extérieure définie.
L'Union européenne est le premier bailleur de fonds pour la reconstruction de
l'ex-Yougoslavie - vous l'avez dit également, monsieur de La Malène - pour le
développement de l'Europe orientale, pour la Méditerranée, à travers le
programme MEDA, pour l'aide aux territoires palestiniens. M. Jacques Chirac est
en ce moment-même à Gaza pour en témoigner.
Elle est également le premier bailleur de fonds dans le monde pour l'aide aux
réfugiés - et on sait qu'ils sont toujours plus nombreux ! - mais,
politiquement, l'Europe n'existe pas ou pas souvent.
Cette situation que vous avez constatée, les uns et les autres, est non
seulement inadmissible pour les contribuables européens, mais elle est aussi
dangereuse pour la paix et la stabilité dans le monde, parce que le monde a
besoin de l'Europe.
Monsieur Vigouroux, je vous ai entendu dire à l'instant que vous n'approuviez
pas l'actuelle organisation de la politique étrangère commune. Vous auriez pu
dire que vous n'approuviez pas l'actuelle inorganisation de la politique
étrangère commune. C'est cette situation qu'il faut changer.
C'est une des priorités du Président de la République qui se traduit,
mesdames, messieurs les sénateurs, dans les positions que je défends, semaine
après semaine à Bruxelles, aux côtés du ministre des affaires étrangères, au
sein de la Conférence intergouvernementale. Cette priorité se traduit aussi à
l'OTAN et, plus quotidiennement, dans notre politique étrangère.
Il est facile de comprendre que cette Conférence intergouvernementale, qui
concerne la mécanique institutionnelle, ne peut à elle seule faire naître une
politique étrangère et de sécurité commune. Je le répète, ne demandons pas à
cette conférence plus qu'elle ne peut et qu'elle ne doit donner. Au moins
peut-elle favoriser l'émergence de la PESC en mettant en place des conditions
institutionnelles favorables, les outils de cette politique. Après - j'allais
presque dire avant - il faudra la volonté politique des chefs d'Etat et de
gouvernement pour que ce potentiel devienne réalité et que la voix de l'Europe
se fasse entendre dans le monde.
Pour ma part, travaillant aux côtés du chef de l'Etat et le voyant dans les
négociations internationales, en particulier dans le dialogue franco-allemand,
je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous ne devez pas
douter de sa volonté politique.
Vous ne devez pas plus douter de la volonté politique du chancelier Kohl ni de
celle des autres chefs d'Etat et de gouvernement.
Puisque cette volonté existe aujourd'hui, il nous faut pouvoir lui donner les
outils qui lui manquent.
C'est dans cet esprit que la France a fait des propositions pour une PESC
rénovée, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale.
La dernière discussion du groupe des représentants sur ce sujet a eu lieu le 8
octobre dernier. Les ministres des affaires étrangères en débattront le 28
octobre prochain.
Le 8 octobre, j'ai introduit les débats en groupe de négociation par un
certain nombre de remarques dont je vais vous faire part.
Première observation : la PESC a une très grande importance pour la visibilité
de la Conférence intergouvernementale dans nos pays. La paix, l'influence de
l'Europe dans le monde sont des sujets qui ont une vraie signification
populaire.
Je vous invite à prendre du temps, mesdames, messieurs les sénateurs, pour
dialoguer avec nos concitoyens. M. About évoquait tout à l'heure le grand
dialogue national pour l'Europe que nous lançons et auquel vous êtes invités à
participer ici et dans vos régions. Moi-même, depuis quelques mois, j'ai voulu
aller à la rencontre des citoyens dans les régions, notamment des jeunes. C'est
avec une grande satisfaction, le considérant comme un véritable encouragement,
que j'ai constaté l'intérêt des jeunes pour leur avenir, bien entendu, pour les
problèmes de chômage, de sécurité, de formation, mais aussi, et beaucoup plus
qu'on ne peut l'imaginer quelquefois, pour ces grandes questions fondamentales,
que sont la paix et la stabilité sur notre continent, l'influence de
l'Europe.
Deuxième observation : si nous échouons dans notre entreprise de rénovation de
la PESC, l'Union risque de rester durablement un grand ensemble sans direction
politique, une sorte de grand ensemble « mou » en voie de neutralisation. Le
vide de pouvoir en Europe qui en résulterait serait un risque pour nous,
certes, mais, bien au-delà de nous, pour le monde entier, y compris pour nos
alliés américains.
Troisième observation : de même qu'il a fallu du temps pour parvenir à la
monnaie unique - certains d'entre vous ont rappelé tout à l'heure que le long
processus d'élaboration du système monétaire européen a duré une bonne
quinzaine d'années - il faudra du temps, vous l'avez dit, MM. de Villepin et
Estier, pour parvenir à une PESC digne de ce nom. Il faudra, avec réalisme,
commencer par trois ou quatre actions communes pour lesquelles les Etats
membres partagent un intérêt commun évident : les relations avec notre
voisinage immédiat, surtout dans la perspective de l'élargissement, les
relations avec la Russie, avec les Balkans et, comme vous l'avez souhaité, MM.
de Villepin et Vigouroux, avec la Méditerranée.
Je rejoins donc tout à fait l'opinion que vous avez exprimée les uns et les
autres selon laquelle ces actions communes devraient être concentrées, au moins
au début du processus, sur quelques zones géographiques bien déterminées.
Monsieur Bécart, vous avez tort de confondre la politique étrangère commune,
qui, par définition, ne concernera que ces actions communes sur lesquelles le
Conseil européen se sera préalablement décidé, avec une politique étrangère
unique, que vous redoutez - et vous ne seriez pas le seul dans ce cas - et qui,
par exemple, rendrait impossibles les initiatives françaises au Proche-Orient.
Nous ne souhaitons pas une politique étrangère unique, et personne ne la
souhaite.
Nos propositions institutionnelles partent donc de cette triple constatation
que je viens de faire devant vous : importance de ce sujet pour l'Europe et
pour ses citoyens ; nécessité pour l'Europe de trouver enfin son rang dans le
monde ; obligation de procéder par étapes car la PESC sera une oeuvre de longue
haleine. Ces propositions sont en outre, me semble-t-il, en accord total avec
les idées exprimées par MM. de Villepin et Genton. Elles peuvent être résumées
en six points.
La première proposition part de l'aspect fondamental du rôle d'orientation et
d'impulsion dévolu au Conseil européen. C'est le lieu d'impulsion politique.
C'est en lui que réside la première légitimité de l'Union européenne puisque
c'est en son sein que se trouvent réunis les chefs d'Etat et de
Gouvernement.
Le rôle du Conseil européen doit être explicitement réaffirmé, y compris dans
le domaine de la sécurité et de la défense. A notre sens, le Conseil européen
est appelé à se concentrer sur les grands projets et objectifs de l'Union en
matière de politique étrangère, notamment en décidant des actions communes
d'envergure qui traduisent la politique étrangère de l'Union.
En effet, seul le Conseil européen a la légitimité pour lancer de telles
actions communes pour lesquelles le Conseil, la Commission et les Etats membres
mettront ensuite en commun leurs moyens.
C'est sur ce point que les réticences de nos partenaires sont les plus fortes.
Nous employons toute notre énergie à les convaincre car l'histoire de l'Union
prouve que, si le Conseil européen n'est pas directement impliqué dans la PESC,
celle-ci n'ira pas très loin. Notre insistance sur le rôle du Conseil européen
n'est donc pas dogmatique ; elle est simplement réaliste.
Notre deuxième proposition concerne l'évolution des règles de vote. Le recours
au consensus doit être la règle au Conseil européen, mais des éléments de
souplesse peuvent et doivent être introduits au Conseil : consensus avec
abstention ou expression de réserves ; abstention constructive ; majorité
qualifiée au stade de la mise en oeuvre, à l'exception naturellement des
décisions qui impliqueraient l'engagement de moyens militaires.
Naturellement, pour ce sujet comme pour d'autres, notre position sur la
majorité qualifiée est liée à la repondération des voix.
Comme l'ont dit MM. de Villepin et Genton, nous sommes favorables à
l'utilisation de coopérations renforcées dans le domaine de la PESC. Vous le
savez, un document franco-allemand vient d'être présenté - je vous l'ai
d'ailleurs adressé à l'un et à l'autre aujourd'hui, à l'intention des membres
de la délégation et de la commission - sur l'initiative de M. de Charette et de
M. Klaus Kinkel, sur ce sujet qui est réellement prioritaire aux yeux du
Président de la République et du Chancelier Kohl.
Comme vous l'avez dit, monsieur Vigouroux, nous ne pouvons pas accepter, dans
une Europe à quinze aujourd'hui, à vingt ou vingt-cinq bientôt, que l'Union
européenne tout entière avance au pas du pays le moins pressé.
M. François Giacobbi.
Très bien !
M. Michel Barnier,
ministre délégué.
J'ajouterai, à propos des coopérations renforcées que
j'ai évoquées à nouveau ce matin avec mon homologue et ami Werner Hoyer à
Bruxelles, qu'elles existent déjà aujourd'hui.
Elles existent dans l'Union. Ainsi, l'Union économique et monétaire constitue
une coopération renforcée au sens où nous l'entendons. Les Quinze se sont
réunis autour de la table pour en décider. Tous n'en feront pas partie au
début, mais tous ont vocation à la rejoindre, et je pense que cela se fera plus
rapidement qu'on ne le croit.
Des coopérations renforcées existent aussi à côté du traité. Ainsi, le
protocole social qui a été approuvé, et que nous souhaiterions inscrire dans le
texte du traité lui-même à l'occasion de la CIG, constitue une coopération
renforcée à quatorze.
Enfin, il existe des coopérations renforcées en dehors du traité : il en est
ainsi de la convention de Schengen.
La véritable question n'est pas de se demander s'il faut ou non des
coopérations renforcées ; nous sommes nombreux à penser que, dans l'Union telle
qu'elle est, avec bientôt vingt-cinq ou vingt-sept pays membres, il y aura de
plus en plus de coopérations renforcées. La seule question qui se pose est de
savoir si l'on veut que les coopérations renforcées aient lieu dans l'Union ou
si l'on prend le risque qu'elles aient lieu en dehors de l'Union. Voulons-nous
être autour de la table pour en discuter ? Sans être directement engagé, chacun
pourra exprimer des réserves. Même s'il s'agit d'une opération de maintien de
la paix, tous seront solidaires, sans que tous soient physiquement et
matériellement engagés.
Le Président de la République ayant une certaine idée de l'avenir et de la
force de l'Union européenne, nous proposons, en liaison avec l'Allemagne, une
méthode pour que les coopérations renforcées trouvent désormais leur place,
avec toute la souplesse nécessaire, au sein de l'Union européenne, et non pas
en dehors de celle-ci.
Troisième point, c'est principalement afin de renforcer encore la cohérence et
la visibilité de l'action extérieure de l'Union européenne que la France a
avancé l'idée de la nomination d'un haut représentant pour la politique
étrangère et de sécurité commune. En se fondant sur les mandats que lui
confieraient le Conseil européen et le Conseil des ministres, cette
personnalité accomplirait plusieurs missions.
La première consisterait à assurer avec la présidence - j'insiste sur ce point
- la représentation extérieure de l'Union européenne en matière de PESC
lorsqu'il en aura reçu mandat. Dois-je rappeler, mesdames, messieurs les
sénateurs, à quel point cette représentation de l'Union européenne à
l'extérieur est actuellement floue et peu efficace compte tenu des fonctions
mal définies de la présidence, qui change tous les six mois, de la « troïka »
et des envoyés spéciaux, qui sont parfois concurrents ?
Je suis allé, voilà quelques semaines, à Chypre pour rencontrer les autorités
de la communauté grecque. Je me suis également rendu dans la partie nord de
l'île - c'était la première fois qu'un ministre français le faisait - afin de
rendre visite à M. Rauf Denktash.
Vous ne mesurez pas, ni moi non plus d'ailleurs avant cette visite, à quel
point l'Union européenne manque de crédibilité, en raison de la dispersion de
son action et du nombre des représentants de plusieurs pays qu'elle envoie tour
à tour, tous les six mois, quand ce n'est pas en même temps. Il faut rompre
avec cette dilution et ce manque de crédibilité. Voilà qui justifie, pour
certaines actions précises, la création, sous l'autorité du Conseil européen
ainsi que du Conseil des ministres, de ce haut représentant.
La seconde mission de cette personnalité consistera à veiller en liaison avec
le Conseil et la Commission, à l'unité et à la cohérence de l'action de
l'Union.
A cette fin, il devra effectuer, toujours en liaison avec le Conseil et la
Commission, la coordination et le suivi de la mise en oeuvre des actions
communes, en particulier lorsque seront utilisés des moyens qui relèveront des
premier et deuxième piliers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien comprendre que le recours à un
haut représentant ne constitue nullement une solution miracle permettant à coup
sûr à l'Union européenne de faire entendre sa voix dans le monde.
Il ne pourra être utile, comme l'ont si bien souligné MM. Genton et de
Villepin, que si, préalablement, le Conseil européen s'est accordé sur quelques
actions communes majeures impliquant à la fois les Etats membres, le Conseil et
la Commission. Mais, si tel est bien le cas, alors le rôle de représentation et
de coordination de ce haut représentant devient absolument nécessaire pour
éviter que les rapports complexes entre les institutions de l'Union et les
Etats membres n'aboutissent à la paralysie et ne transforment ces actions
communes en quelques voeux pieux.
Ainsi, ce n'est pas un hasard si la plus grave crise européenne de
l'après-guerre froide, celle de l'ex-Yougoslavie, a très vite conduit les
Européens à nommer, pour cette action et pour cette zone du continent européen,
un haut représentant en la personne de M. Carl Bildt. Plusieurs acteurs majeurs
de cette crise m'ont ensuite confié à quel point l'existence de ce «
médiateur-coordinateur » leur paraissait indispensable pour gérer ensemble une
grave question de politique étrangère. Ils ont également insisté sur
l'importance, à l'avenir, d'anticiper de telles crises ...
M. François Giacobbi.
Eh oui !
M. Michel Barnier,
ministre délégué...
par une analyse commune et de clarifier à l'avance le
rôle de ce « médiateur-coordinateur ». Tel est le sens dans lequel vont nos
propositions.
A ce propos, je dois dire - M. Estier a fait preuve sur ce point, comme sur
d'autres, de pessimisme, mais peut-être est-ce normal de la part d'un membre de
l'opposition ? - que l'idée même d'un « M. Pesc » a notablement progressé dans
la négociation depuis deux ou trois mois.
Rejetée par presque tous au début, l'idée ne donne maintenant plus matière à
des débats. Le principe d'une représentation extérieure personnalisée est ainsi
accepté, me semble-t-il, par les Quinze.
La seule question qui se pose encore, pour être tout à fait franc, est celle
du statut de cette personnalité. Sa nomination par le Conseil européen, que
nous souhaitons et qui constitue, pour nous, un point essentiel, continue, il
est vrai, à poser problème à certains de nos partenaires.
Quatrième point, la mise en place d'une cellule de planification et d'analyse
composée d'experts issus des Etats membres, ainsi que du secrétariat du
Conseil, de la Commission et de l'UEO, et placée auprès du haut représentant,
celui-ci étant en quelque sorte chargé de l'animer, offrira à ce dernier les
moyens d'analyse, d'information et de prévention nécessaires à l'efficacité de
sa tâche.
Cette cellule devrait faciliter une analyse commune sur les principales
questions d'intérêt commun en obligeant en quelque sorte, dans un même lieu et
au même moment, les diplomates à travailler ensemble, et ce pas seulement dans
l'urgence ou en cas de crise, lorsqu'il est quelquefois trop tard, mais
quotidiennement.
Voilà pourquoi, monsieur de Villepin - et vous vous êtes, sur ce point,
exprimé avec le plus de véhémence - il faudra du temps, peut-être une quinzaine
d'années pour aboutir à des positions communes sur le Moyen-Orient, qui est un
dossier très délicat.
Il faudra, je le répète, commencer par instituer un lieu où nos diplomates
analyseront ensemble les problèmes, afin de parvenir à des positions communes.
Il ne s'agit donc pas, contrairement aux craintes qui ont été exprimées par
certains, de gommer ou d'ignorer les traditions nationales ou les compétences
de chaque pays ; il faudrait les additionner pour quelques actions communes,
j'insiste sur ce point, en réunissant les diplomates dans un même lieu pour
leur permettre d'imaginer une politique commune.
Les Français et les Allemands s'y efforcent, comme en témoigne la réunion très
réussie voilà quelques jours à Berlin, en présence de MM. Klaus Kinkel et Hervé
de Charette, des ambassadeurs de nos deux pays en Europe centrale et
orientale.
Mon collègue allemand Werner Hoyer et moi-même avons aussi effectué une visite
commune officielle - c'était la première fois depuis quarante ans - en
Slovaquie. Nous avons eu les mêmes contacts - nous avons reçu ensemble à
Bratislava les communautés française et allemande - et les mêmes dossiers. Ce
fut très intéressant de demander au Quai d'Orsay et au ministère allemand des
affaires étrangères d'élaborer ensemble un dossier incluant des éléments de
langage communs.
Cette petite expérience a bien mis en évidence le profit que pourraient tirer
nos administrations d'un travail en commun quotidien si elles en avaient
l'habitude, voire l'obligation.
Cette cellule de planification et d'analyse, nous en sommes persuadés, sera
donc utile. Elle devrait concentrer son travail, pour être plus efficace, sur
les domaines couverts par les actions communes. Ce point fait l'objet d'un
quasi-consensus au sein de la Conférence intergouvernementale.
Nous sommes, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, très
attachés au renforcement de la cohérence de l'action extérieure de l'Union qui
suppose que l'ensemble des moyens, tant nationaux que communautaires, dont
dispose celle-ci puissent être sollicités pour soutenir des actions communes
décidées par le Conseil européen. A cet égard, il importe que la Commission
soit engagée par les actions communes décidées et qu'elle soit tenue, par
conséquent, de présenter des propositions au Conseil.
L'importance de cette question de la cohérence n'est niée par aucun de nos
partenaires. Il ne peut y avoir de politique étrangère de l'Union si, sur les
sujet majeurs reconnus comme présentant un intérêt commun réel, le Conseil, la
Commission et les Etats membres mènent des politiques parallèles, voire
concurrentes. Or, c'est bien ce qui se produit actuellement, et c'est le drame,
qui frôle parfois le ridicule, de l'action extérieure de l'Union. Tant que
cette situation durera, la PESC n'aura de politique commune que le nom. C'est
pourquoi il est nécessaire d'identifier les quelques sujets majeurs pour
lesquels une action cohérente de l'Union et des Etats membres doit être menée.
Telles seront les actions communes de l'avenir.
La cohérence de l'action extérieure de l'Union européenne est ainsi l'argument
principal de nos propositions sur le rôle du Conseil européen - je rappelle que
les Etats membres y sont représentés au plus haut niveau et que le président de
la Commission en est membre - ainsi que sur le haut représentant.
Dans le domaine de la sécurité et de la défense, enfin, il revient aux
Européens d'affirmer, au sein de l'Union européenne, une volonté commune. Il
importe donc de s'engager dans la voie de la définition d'une politique
européenne de défense commune. Le renforcement de l'UEO en tant qu'instrument
militaire de l'Union et pilier européen de l'Alliance, ainsi que le
resserrement des liens institutionnels avec l'Union et des liens opérationnels
avec l'OTAN, constituent nos priorités.
Je ne peux pas, monsieur Estier- et je m'adresse à vous avec beaucoup de
respect - vous laisser dire qu'il s'agirait là d'une « reculade » de la part de
la France. Au contraire, tous ceux qui observent objectivement l'action et
l'engagement du chef de l'Etat reconnaissent la vision d'avenir qui l'anime et
le courage de ses positions. Il n'y a dans notre attitude - et il devrait en
être de même pour vous - ni incantation ni repli frileux.
Comment, mesdames, messieurs les sénateurs, peut-on construire une identité
européenne de défense sans les autres Européens ? Nous ne pouvons le faire seul
! Il en va de l'identité européenne de défense que nous voulons construire -
tel était l'engagement de la France lors de la réunion de Berlin qui a été un
succès - comme de tous les autres sujets que je viens d'évoquer trop
rapidement.
Nous ne pourrons pas contraindre, monsieur Estier. Nous devons convaincre et
entraîner.
Par ailleurs - et je vous le dis avec le même respect et la même estime - le
parti socialiste ne doit pas être à ce point conservateur...
M. Guy Allouche.
Ce serait étonnant !
M. Michel Barnier,
ministre délégué.
... en s'opposant au volontarisme, à l'esprit de
réforme qui anime le Président de la République.
Le chef de l'Etat a raison : ouvrez les yeux et vous verrez à quel point la
société et le monde changent en ce moment.
J'ai entendu, voilà quelques jours, un philosophe évoquer les progrès de la
démocratie dans le monde depuis la chute du Mur de Berlin et le démantèlement
du Rideau de fer.
Voyez le nombre de pays de l'Est qui se sont libérés du joug soviétique et qui
sont revenus, après une trop longue parenthèse, à la démocratie. Mais le même
mouvement s'est aussi produit en Amérique du Sud. Ces pays qui vivaient, voilà
quelques années, sous la dictature et qui étaient en butte aux guérillas sont
quasiment tous revenus durablement, semble-t-il, sur la voie de la
démocratie.
En réalité, le monde, la société évoluent vite. Nous conserverons notre
influence en gardant notre capacité d'initiative et en restant fidèle à nos
convictions anciennes.
C'est donc dans cet esprit que nous travaillons au sein de l'OTAN pour faire
émerger cette identité européenne de défense.
Dans cet esprit, la réunion ministérielle de Berlin en juin dernier a permis
de réaliser des progrès importants en définissant les principes qui devraient
permettre - j'emploie le conditionnel - de faire une juste place à l'identité
européenne au sein des structures rénovées de l'OTAN, même s'il est bien clair
que cette identité européenne de défense ne se résume pas à cette
institution.
Certes, des points importants restent à régler, mais les négociations sur ce
sujet se poursuivent de manière constructive et la France entend bien continuer
d'y participer pleinement. Les décisions de Berlin doivent ainsi permettre,
notamment à l'UEO, de disposer de moyens opérationnels importants. Mais, dans
le même temps, l'UEO doit être dotée de moyens opérationnels propres en matière
d'aide à la décision et de conduite politico-militaire d'une opération.
A cet égard, je vous remercie, monsieur About, d'avoir rappelé le caractère
stratégique de l'Agence européenne d'armement que nous bâtissons. Sur ce point
comme sur de nombreux autres, la coopération franco-allemande fonctionne et je
peux témoigner qu'elle a un effet d'entraînement très utile.
Il faut aussi que l'Union européenne et, en particulier, le Conseil européen
soient plus à même de jouer leur rôle de direction politique pour la défense
européenne. Pour cela, il convient de procéder au rapprochement institutionnel
progressif de l'Union européenne et de l'UEO. L'intégration dans le traité des
objectifs de Petersberg - opérations humanitaires, maintien et rétablissement
de la paix, évacuation des ressortissants - constituerait également un pas dans
la bonne direction.
Sur cette question de l'intégration des objectifs de Petersberg, comme sur
quelques autres, les Quinze se rapprochent, me semble-t-il, d'un accord.
Enfin, il faut renforcer explicitement dans le traité le rôle d'orientation du
Conseil européen en matière de défense et, bien sûr, ne plus considérer la
politique de défense commune comme un objectif à atteindre seulement « à terme
» : c'est ce qui est écrit dans le traité et qui ne nous convient plus.
Sur toutes ces questions de sécurité et de défense, nous sommes loin du
consensus, même si nous avons fait des progrès. Les réticences de certains de
nos partenaires sont fortes à l'égard de tout progrès dans le cadre de l'Union
européenne. Des signes encourageants existent néanmoins, en particulier parce
que les pays dits neutres, ou plutôt, comme ils disent eux-mêmes, les pays qui
ne se reconnaissent pas comme associés à une alliance militaire - ces pays sont
au nombre de quatre dans l'Union européenne - ne cachent pas leur intérêt
croissant pour cette question, et parce que Allemands et Français ne veulent
pas que ce sujet essentiel pour l'Europe soit un élément mineur de la CIG.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse du Gouvernement,
aujourd'hui, à la question posée par la Haute Assemblée. La France a, dès le
début, considéré la politique étrangère et de sécurité commune comme un élément
essentiel de la réforme des institutions de l'Union européenne. Tout n'est pas
gagné, loin de là. Mais nous avons la satisfaction de voir que cette question
est désormais au centre de la CIG et que beaucoup de nos partenaires en
comprennent maintenant l'importance pour l'Europe du XXIe siècle.
Si l'Europe devait continuer son évolution vers une sorte de « grand ensemble
froid et mou », en voie de neutralisation, c'est aussi la France et son
influence dans le monde qui en souffriraient. Il n'est donc pas étonnant de
voir la France à la tête du combat pour une politique étrangère et de sécurité
commune digne de ce nom et il est encourageant de constater que nos idées
progressent.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué, et c'était bien légitime, ce qui allait
arriver au terme de cet exercice de négociations qu'est la Conférence
intergouvernementale. Je conclurai mon propos sur cette question, en disant
peut-être quelques mots plus personnels.
Bien sûr, nous avons besoin de votre vigilance, de vos idées, de votre
compréhension et je sais que nous n'en manquerons jamais au Sénat, quelle que
soit la diversité des opinions qui s'expriment sur ces travées. Mais n'oubliez
jamais, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il s'agit d'une négociation que
nous devrons conclure à quinze, c'est-à-dire à l'unanimité.
Il importe donc d'accepter la règle du jeu selon laquelle chacun disposera
d'un droit de veto, s'estimera en droit d'apporter sa contribution et, par
conséquent, se sentira en communion avec le résultat final. Nous ne pouvons
procéder ni en humiliant, ni en imposant, ni en ignorant les autres pays.
C'est parce que nous sommes convaincus de la justesse et de la force de nos
idées que nous voulons non pas contraindre, mais convaincre, avec de
l'enthousiasme, de l'énergie, certains diront peut-être avec un peu d'utopie.
Peu importe ! Il en a souvent fallu de l'utopie aux bâtisseurs de l'Union
européenne ! C'est, en effet, une construction qui se réalise pas à pas.
L'essentiel est que la négociation progresse et que l'Europe avance.
Monsieur de La Malène, vous me demandez de confirmer ce que j'ai dit l'autre
jour devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées : nous nous attacherons, en effet, à obtenir satisfaction sur les points
politiques essentiels. La France ne donnera pas son accord à un résultat
médiocre, qui représenterait une sorte de plus petit dénominateur commun ou de
filet d'eau tiède.
Dans l'intérêt à la fois de notre pays, de l'Union européenne et des pays qui
vont nous rejoindre, nous voulons obtenir des résultats substantiels sur les
grands sujets politiques, dont la PESC constitue l'un des points majeurs.
Ce succès, nous le préparons, car il ne tombera pas du ciel. Ce ne sont pas
les autres qui nous l'apporteront sur un plateau. Il faut nous battre pour
convaincre.
Je n'ai pas évoqué tous les sujets de cette négociation. Sur certains d'entre
eux, nous avons besoin du Parlement plus que vous ne le pensez. Je pense
notamment à l'association des parlements nationaux dans la réforme des
institutions européennes. Là aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous
pouvez et vous devez nous aider à convaincre les autres pays.
Je sais bien qu'interviendront d'autres adaptations institutionnelles de
l'Union européenne au xxie siècle. Nous avons déjà assisté à de nombreuses
modifications. Il y en aura encore beaucoup d'autres. Jamais plus - je pèse mes
mots - une telle opportunité ne se présentera pour réaliser une réforme en
profondeur. En effet, jamais plus nous ne serons confrontés à la chance et à
l'exigence que représente le grand élargissement : douze pays ont été reconnus
dans leur vocation à adhérer à l'Union européenne.
Par conséquent, la France a décidé de bien mesurer cette exigence et de ne pas
laisser passer cette chance.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Le débat est clos.
7
PROTECTION DES ACQUÉREURS
DE LOTS DE COPROPRIÉTÉ
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 320,
1995-1996), adoptée par l'Assemblée nationale, améliorant la protection des
acquéreurs de lots de copropriété.
Rapport n° 473 (1995-1996)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué au logement.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, faciliter l'accession à la
propriété, que ce soit dans le neuf ou dans l'ancien, est l'une des lignes de
force de la politique du logement que nous menons depuis dix-huit mois. Elle
répond à des besoins économiques et sociaux évidents, et surtout aux
aspirations de nombre de nos compatriotes.
Acquérir son logement est le plus souvent le principal achat de la vie d'une
famille, qui l'engage pour des années. C'est un acte important et complexe.
Tous les éléments de doute, doute justifié ou doute supposé, constituent des
freins à l'accession à la propriété. C'est pourquoi tout ce qui concourt à
donner de la sécurité aide le bon fonctionnement du marché.
La proposition de loi de M. le député Carrez s'inscrit dans ce cadre, car elle
apporte de la transparence et de la sécurité dans les transactions de logements
anciens et, en général, de lots de copropriété.
Tout le monde devrait y gagner : l'acquéreur qui va être rassuré ; la famille
qui vend son logement pour en acheter un autre et qui se trouve à la fois
vendeur et acquéreur ; le vendeur professionnel pour qui transparence et clarté
constituent des arguments de vente.
C'est pourquoi le Gouvernement est favorable au principe de cette proposition
de loi.
Je tiens à saluer la qualité du travail effectué par la commission des lois,
notamment par son rapporteur, M. Blaizot.
En particulier, la commission a apporté une solution élégante au problème posé
par la proposition de loi. En effet, ce texte fait de la mention de la surface
une condition de la vente, dont le non-respect est sanctionné par la
nullité.
L'annulation d'une vente présente des conséquences graves, pour le vendeur
évidemment, mais aussi pour l'acquéreur qui, installé dans les lieux et ayant
bénéficié d'un crédit, hésitera peut-être à demander cette annulation.
Aussi la commission des lois a-t-elle prévu une possibilité de régularisation
des actes précédant l'acte authentique lorsque ce dernier acte comporte
effectivement la mention de superficie.
Ce faisant, la commission des lois a réussi à concilier deux objectifs : le
non-respect de la loi sera sanctionné efficacement, mais la possibilité de
régularisation limite le contentieux, favorise la stabilité des ventes
constatées par acte authentique et atténue ainsi considérablement les
inconvénients de la nullité.
C'est pourquoi le Gouvernement est favorable au dispositif tel qu'il ressort
des travaux de la commission des lois. Il vous proposera de l'adopter sous
réserve de quelques amendements de précision.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors d'une vente, le
code civil reconnaît à l'accord des parties un poids déterminant, au point que
l'article 1583 dispose que la vente est parfaite entre les parties et la
propriété acquise de droit à l'acheteur, à l'égard du vendeur, dès qu'on est
convenu de la chose et du prix.
C'est dans ce cadre que nous devions nous situer pour proposer une solution,
que M. le ministre a bien voulu apprécier comme « élégante » au problème
posé.
L'article 1619 du même code introduit cependant, en matière de ventes
d'immeubles, une garantie au cas où l'on constate entre la contenance réelle du
bien et celle qui est exprimée au contrat une différence excessive.
En effet, le dernier alinéa de cet article est ainsi rédigé : « L'expression
de cette mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix, en faveur du vendeur,
pour l'excédent de mesure, ni en faveur de l'acquéreur, à aucune diminution de
prix pour moindre mesure, qu'autant que la différence de la mesure réelle à
celle exprimée au contrat est d'un vingtième en plus ou en moins... »
Toutefois, le même article 1619 apporte une certaine modération à cette
rigueur en ajoutant : « s'il n'y a stipulation contraire ».
L'expérience a montré que, dans un grand nombre de ventes immobilières, les
parties n'attachent pas à la superficie du bien vendu une importance
déterminante. Le plus souvent, en effet, le vendeur comme l'acheteur
connaissent parfaitement la consistance de ce bien à tous égards ; ils sont
convenus du prix par accord mutuel en fonction de cette connaissance et ne
s'estiment pas lésés par le fait qu'après la transaction le métrage exact, s'il
y est procédé, vienne à révéler une différence avec la mesure supposée, même si
cette différence est supérieure à un vingtième.
Aussi les parties et les notaires font-ils très généralement usage de la
possibilité ouverte
in fine
par l'article 1619, qui autorise
l'introduction dans le contrat d'une stipulation écartant l'application de cet
article.
Si une telle stipulation offre l'avantage d'éviter - vous l'avez signalé
vous-même, monsieur le ministre - un grand nombre de situations contentieuses
et ne paraît guère avoir entraîné d'inconvénients sérieux, elle se révèle
aujourd'hui difficilement admissible lorsque le bien immobilier vendu est un
lot ou une partie de lot de copropriété. En effet, la complexité des rapports
entre copropriétaires, la nécessité de répartir entre eux les charges
d'entretien, d'exploitation et de réparation, l'existence de parties communes,
rend indispensable la connaissance précise des droits de propriété de chacun
d'eux et ne permet donc pas que, dans les contrats de vente, la consistance et
l'étendue de ces droits soient omises ou mentionnées de façon imprécise.
Ce problème, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, avait été soulevé par
M. Gilles Carrez, député, lors de la discussion de la loi du 21 juillet 1994
relative à l'habitat et celui-ci avait proposé, pour apporter un remède
définitif aux difficultés provoquées par l'application de l'article 1619,
notamment en matière de ventes de lots de copropriété, de modifier la rédaction
de cet article afin de lui donner valeur d'ordre public de sorte que les
stipulations dérogatoires, si souvent pratiquées, soient contraintes de
disparaître.
La proposition de M. Gilles Carrez aurait en effet mis fin aux difficultés
rencontrées en matière de ventes de lots de copropriété, mais elle aurait fait
naître un grand nombre de cas de contentieux, auquel il a été fait allusion
voilà un instant, dans les ventes courantes où l'expérience a montré que
l'application stricte de l'article 1619 apporterait plus d'inconvénients
qu'elle ne comporterait d'avantages.
La modification de la rédaction actuelle de l'article 1619 avait donc été
repoussée en commission mixte paritaire lors de la discussion de la loi du 21
juillet 1994 relative à l'habitat et il avait été décidé de rechercher, pour
régler les problèmes de copropriété, un dispositif juridique plus approprié.
La proposition de loi due à M. Gilles Carrez et dont nous délibérons
aujourd'hui donne suite à cette décision de recherche d'une autre solution.
Elle résout le problème posé puisqu'elle se limite à compléter la loi du 10
juillet 1965 fixant le statut de la copropriété sans apporter de modification
au régime général des ventes fixé par le code civil. Par conséquent, elle
concerne uniquement le statut de la copropriété.
Cette proposition de loi de M. Carrez a été votée à l'unanimité par
l'Assemblée nationale, le 18 avril 1996.
Le texte adopté par les députés comprend donc un article 46 qui impose que
soit mentionnée, dans toute promesse ou tout acte de vente d'un lot ou d'une
fraction de lot de copropriété, la surperficie du bien.
La sanction de cette obligation est la nullité de la promesse ou de l'acte en
cas d'absence de la mention. L'acquéreur disposerait d'un délai de trois mois à
compter de l'acte authentique afin de poursuivre cette nullité.
Les modalités de mesure de la superficie seront fixées par décret complétant,
en tant que de besoin, le décret du 17 mars 1967.
Dans le cas où la superficie indiquée dans l'acte se révélerait supérieure de
plus d'un vingtième à la surface effective, l'acquéreur pourrait bénéficier
d'une diminution de prix proportionnelle à cette insuffisance.
Dans le cas où l'on constaterait un excédent de surface, le vendeur ne
pourrait prétendre à aucun supplément de prix. Cette différence par rapport à
l'article 1619 se justifie par le fait que cette proposition de loi vise à
protéger, comme son intitulé l'indique, l'acheteur, et non le vendeur.
Prononcer la nullité de l'acte lorsque la mention de la superficie du bien a
été omise a pu paraître sévère. Cela ne devrait cependant pas engendrer de
difficulté, au moins lorsqu'il a été passé un acte authentique, car les
notaires veilleront à la conformité de l'acte avec la nouvelle loi. Pour éviter
des contestations trop longues, la commission proposera un amendement tendant à
réduire à un mois, au lieu de trois, le délai ouvert afin de poursuivre la
nullité. Ce changement est d'autant plus souhaitable que l'on risquerait sinon
de voir une anomalie se produire à l'égard de la déclaration de l'acte au
registre des hypothèques.
L'approximation admise dans l'évaluation de la superficie du bien restera de
un vingtième par analogie avec les prescriptions du code civil, car il n'y a
aucune raison de modifier les habitudes de travail sur ce point. Seul
l'acquéreur pourra prétendre à modification du prix si la superficie du bien
diffère de plus de un vingtième par rapport à celle qui est inscrite à l'acte.
Il disposera d'un délai d'un an pour intenter l'action en diminution de
prix.
Pour éviter d'ouvrir trop largement le champ des contestations, la commission
proposera d'exclure les locaux annexes, qualifiés de « dépendances », de
l'obligation de métrage. Le Gouvernement a lui-même déposé un amendement allant
dans ce sens mais plus précis sur ce qu'il faut entendre par le mot «
dépendances ». Nous en délibérerons au moment de l'examen des articles.
Enfin, il convient, pour assurer la stabilité des situations juridiques, de
ménager un délai entre la date de promulgation de la loi et celle de son entrée
en vigueur de telle sorte que les ventes en cours puissent aller normalement à
leur terme ; le délai proposé est de six mois. Il convient aussi de soustraire
à l'application de la loi les actes qui auraient fait, avant son entrée en
vigueur, l'objet d'une promesse de vente ou d'achat. Il s'agit là de
dispositions tout à fait transitoires. Sur proposition du Gouvernement, seront
également soustraites à l'application de la loi les décisions judiciaires
constatant une vente réalisée antérieurement à son entrée en vigueur.
Tel est, mes chers collègues, brièvement résumé l'essentiel des propositions
qui vous sont faites. Elles sont importantes car les transactions immobilières
en matière de copropriété sont de plus en plus nombreuses dans les grandes
villes. En effet, un très grand nombre de transactions portent sur des biens
qui sont en copropriété. Par conséquent, il était indispensable de trouver des
solutions efficaces, et si possible élégantes, monsieur le ministre, pour venir
à bout de ces difficultés.
Je crois que nous y sommes parvenus, en respectant la volonté que le Sénat
avait exprimée en 1994, à savoir ne pas toucher au code civil. Nous avions
alors considéré que le code civil avait son ancienneté, qu'il avait fait ses
preuves, qu'il était dangereux de lui apporter des modifications, et qu'il
serait donc plus approprié de rechercher des dispositions législatives qui
soient concentrées sur les lots de copropriété. C'est ce qui est, je crois,
convenablement obtenu par les dispositions que je viens de résumer. Par
conséquent, la commission vous propose, mes chers collègues, de bien vouloir
les approuver.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
mini-révolution en perspective dans le monde de l'immobilier avec cette
proposition de loi qui, définitivement adoptée, sera accueillie favorablement
par ceux à qui elle est destinée. Une lacune devait être comblée. Les
professionnels de l'immobilier ont déjà exprimé leur satisfaction. S'agissant
des futurs acquéreurs de lots de copropriété, le dispositif prévu assurera la
protection de leur transaction immobilière.
Créant un nouvel état d'esprit, cette proposition de loi s'inscrit dans le
cadre de la protection du consommateur et complète les réglementations déjà en
vigueur.
A ce titre, il est significatif de rappeler les propos que M. Jean-Luc
Warsmann, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur ce
texte, tenait le 18 avril dernier : « Aujourd'hui, le consommateur est informé
et protégé dans de multiples situations de la vie quotidienne. Il sait quelle
est la composition du tissu du vêtement qu'il achète. Il connaît la contenance
de la bouteille de vin qu'il achète. Mais il ne peut pas être assuré de la
surface du bien immobilier qu'il convoite. »
Cette proposition de loi correspond donc au désir de beaucoup de Français
d'accéder à la propriété. Notons que, en 1992, la part des ménages
propriétaires de leur résidence principale atteignait 54 %.
Psychologiquement, devenir propriétaire de son habitation principale est
souvent synonyme de promotion sociale, surtout pour des ménages disposant de
revenus moyens. Sur ce plan, être propriétaire rassure et sécurise, surtout
pour le long terme.
Il n'est pas inutile de rappeler que le marché immobilier est orienté vers
l'ancien.
« En 1995, 31,8 % des accédants à la propriété ont réalisé une opération dans
le neuf et 62,2 % dans l'ancien. Au début des années quatre-vingt, la
répartition entre les deux marchés était encore égale, alors que au milieu des
années soixante les ménages accédaient deux fois plus souvent dans le neuf que
dans l'ancien. » Il s'agit là des propos de M. Michel Mouillart dans un article
intitulé « L'accession à la propriété depuis 1945 » et paru dans la revue
Regards sur l'actualité
.
Cette évolution est également le reflet de la conjoncture maussade qui affecte
le marché immobilier : la baisse des prix favorise les transactions dans
l'ancien. Une note d'information diffusée le 1er février 1996 par la Chambre
des notaires de Paris, sur la conjoncture immobilière à Paris et dans sa
région, conclut : « 1995 aura donc constitué une année noire pour l'immobilier,
effaçant totalement le sursaut de 1994 et s'inscrivant comme un nouveau creux
historique en termes de volumes de transaction. »
On sait que les difficultés de métrage des surfaces se rencontrent plus dans
l'ancien que dans le neuf. Il suffit de se reporter aux annonces qui,
lorsqu'elles précisent la superficie d'un bien à vendre, désignent souvent
celle-ci de façon approximative.
Autre souci, celui qui concerne la nécessaire transparence en matière de
transaction immobilière. Il est normal de fournir à un futur acquéreur un plan
et une superficie réels. Les professionnels de l'immobilier le souhaitent, et
nombre d'entre eux remesurent les appartements et établissent des plans non
contractuels.
Cette proposition de loi vise la protection des seuls acquéreurs de lots de
copropriété. Cela concerne 20 % du parc immobilier, soit environ 5 millions
d'appartements.
Quel est l'aspect juridique de cette proposition de loi ? En l'état actuel du
droit, les problèmes liés à la conformité quant à la contenance de la chose
vendue sont réglés par les articles 1614 à 1623 du code civil.
Les articles 1617 et 1618 du code civil règlent le cas des ventes « à tant la
mesure » portant sur un immeuble déterminé, dont la contenance et un prix total
sont précisés au contrat. Dans ce type de vente, le vendeur est obligé de
délivrer à l'acquéreur les quantités indiquées au contrat.
Les articles 1619 et 1620 du code civil visent les ventes portant sur un
immeuble déterminé avec indication de la contenance moyennant un prix total
fixé par le contrat, mais non « à tant la mesure ».
L'article 1621 du code civil prévoit qu'en cas de désistement le vendeur
restitue à l'acquéreur le prix de la vente et les frais y afférents.
L'article 1622 du code civil organise pour le vendeur l'action en supplément
du prix et pour l'acquéreur l'action en diminution du prix ou en résiliation de
la vente. Ces actions doivent être intentées dans l'année, à compter du jour de
la constatation de la vente.
L'agencement des articles dans le code civil correspond à une logique
déterminée. Dans une vente « à tant la mesure », la contenance est un élément
principal du contrat. Il est donc normal que le vendeur soit contraint de
délivrer à l'acquéreur la contenance indiquée dans le contrat.
En revanche, dans le cas des articles 1619 et 1620, la contenance est un
élément secondaire. La mesure n'est pas donnée comme un élément de
détermination du prix ; elle permet juste de le vérifier.
C'est la raison pour laquelle une tolérance minime de 5 % est envisagée. Cette
tolérance est acceptable car elle porte une atteinte marginale aux intérêts des
parties.
C'est également la raison pour laquelle une clause de non-garantie est
autorisée au-delà d'une différence de un vingtième. De plus, une telle clause
vise à prévenir les contentieux sur la vente.
Aujourd'hui, particulièrement dans les grandes agglomérations, le nombre de
mètres carrés conditionne le prix de vente d'un bien immobilier. A Paris, par
exemple, il est courant de lire des cartes de la capitale découpée par
arrondissements auxquels est affecté un prix moyen au mètre carré ;
professionnels et particuliers s'y réfèrent pour affiner leurs estimations.
Or il est systématiquement fait recours à la clause de non-garantie de
contenance au profit du vendeur. Ce dernier considère que l'acquéreur, par ses
visites préalables, est suffisamment informé sur le bien qu'il acquiert et qui
forme, à ses yeux, « un corps certain et limité », comme le stipule l'article
1619 du code civil.
Dans ces conditions, il paraît légitime que de nombreux usagers souhaitent
connaître avec précision la superficie du bien vendu et réclament, sur ce
point, une garantie certaine.
Tel est l'objectif recherché par la proposition de loi de M. Carrez.
Il est significatif que la commission des clauses abusives se soit intéressée
à la question de l'indication et de la garantie de la contenance dans les
ventes immobilières. Le 21 mars 1986, elle adoptait, sur ce sujet, une
recommandation qui n'a toujours pas fait l'objet d'une publication. De l'aveu
des professionnels auditionnés, elle souhaitait voir disparaître cette clause
d'exonération de garantie.
En réponse au souhait de la commission des clauses abusives, les
professionnels directement intéressés - notaires et géomètres-experts - ont
élaboré une note conjointe le 28 juin 1989 afin de délimiter les effets pervers
susceptibles de survenir à l'occasion de la stipulation de cette clause.
Les critiques négatives que suscite la faculté de recourir à cette clause ont
motivé le groupe socialiste à déposer un amendement tendant à s'attaquer
directement à la clause de non-garantie de la contenance. Pour y parvenir, nous
proposons la suppression des mots : « s'il n'y a de stipulation contraire »
figurant
in fine
à l'article 1619 du code civil.
Ainsi, le problème que souhaite résoudre M. Carrez n'est pas nouveau puisqu'il
a été soulevé voilà une dizaine d'années. Il demeure d'une ardente actualité
pour ceux qui s'intéressent à cette question : les futurs acquéreurs, les
vendeurs, les notaires, les géomètres-experts et les agents immobiliers.
Quelle est la portée de la proposition de loi ?
J'aborderai tout d'abord la question de l'existence de dérogations aux règles
du code civil.
Des interrogations subsistent quant au champ d'application des nouvelles
règles.
Tout d'abord, il existe déjà des dérogations en la matière.
A propos de la vente d'immeubles à construire, des dispositions impératives
ont été instituées pour protéger et pour informer les futurs acquéreurs. Il
s'agit des articles L. 261-11 et R. 261-13 du code de la construction et de
l'habitation, qui prévoient que le contrat doit comporter des indications sur
la consistance devant résulter notamment des plans cotés et de l'indication des
surfaces de chacune des pièces et des dégagements.
Pour les ventes de cette nature, les plans et les indications de surface sont
donc fournis.
La protection des usagers, objectif assigné, entre autres, à cette proposition
de loi, impose de diffuser des informations précises et claires pour tout ce
qui concerne les conditions de la vente. Un amendement déposé par le groupe
socialiste reflète cette préoccupation puisqu'il vise à complèter l'article
1619 du code civil par les termes suivants : « Dans les autres cas et sans
préjudice de ceux où une loi particulière en dispose autrement ».
L'existence de cette dérogation fournit d'ailleurs un argument supplémentaire
à l'auteur de la proposition de loi. Etendre l'obligation de mentionner la
superficie aux lots de copropriété présente l'avantage d'harmoniser les
situations. Une différence de traitement en la matière est difficilement
justifiable.
J'en viens au second point : faut-il réviser le code civil ou compléter la loi
du 10 juillet 1965 ?
Au regard des objectifs que vise la proposition de loi, on ne comprend pas
pourquoi le législateur souhaite limiter sa portée aux seuls lots de
copropriété en insérant son dispositif dans la loi du 10 juillet 1965 fixant le
statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Le premier élan de M. Carrez, lorsqu'il a déposé son amendement à l'occasion
de l'examen du projet de loi relatif à l'habitat, le 27 juin 1994, consistait à
viser tout local à usage d'habitation en complétant l'article 1619 du code
civil.
M. Warsmann, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur
ce texte, s'est exprimé en ces termes : « On peut aisément faire valoir que la
protection de l'acquéreur poursuivie par la proposition de loi n'a qu'un
rapport lointain avec la copropriété et son administration... Il serait dans
ces conditions plus judicieux d'intégrer ces nouvelles règles dans le code
civil. Si la logique milite en faveur de ce rattachement audit code,
l'imbrication de ces dispositions doit cependant tenir compte des contraintes
posées par ses articles 1617 à 1623 ».
Le 29 juin 1994, lors de l'examen en commission mixte paritaire des
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'habitat, M.
Jacques Larché, président de la commission des lois « s'est notamment interrogé
sur l'opportunité de prévoir au sein du code civil des propositions spécifiques
aux immeubles gérés en copropriété ».
Dans quel texte convient-il d'insérer la proposition de loi : dans l'article
1619 du code civil ou dans la loi du 10 juillet 1965 ? La question est
posée.
S'il paraît légitime de protéger l'acquéreur d'un logement, un commerçant ou
celui qui s'installe pour exercer une profession libérale, pourquoi en écarter
d'office les acquéreurs de maison individuelle et de biens fonciers non bâtis
?
L'argumentation développée pour ne viser que les lots de copropriété est
facilement réversible.
Enfin, on a du mal à percevoir le risque de déstabilisation sur les plans
juridique et pratique qu'une telle révision d'un article du code civil peut
engendrer.
En réalité, il semble que la réponse déterminant le champ d'application de ces
nouvelles obligations relève d'une simple question d'opportunité.
Déjà, à l'Assemblée nationale, le rapporteur, M. Warsmann, exprimait un doute
sur l'option choisie : « Peut-être conviendra-t-il de se reposer la question
dans quelques années, au regard de l'application du texte que nous allons voter
», affirmait-il le 18 avril 1996.
La question de l'introduction ou non de ces dispositions dans le code civil
est donc bien posée aujourd'hui.
L'approbation de cette proposition de loi ne nous dispensera pas de formuler
quelques remarques et réserves.
Tout d'abord, les rapports locatifs n'entrent pas dans le champ d'application
de cette proposition de loi. Or, nous savons tous que le prix d'une location
est aussi fonction de la superficie annoncée par le propriétaire.
En outre, comment établir la compensation financière en cas d'erreur ?
De surcroît, un prix donné au mètre carré ne semble pas souhaitable. Plusieurs
éléments entrent dans le calcul du prix : l'emplacement, la vue, l'état
d'entretien de l'immeuble et de l'appartement, l'étage, l'ensoleillement,
l'environnement. Le prix n'est pas standard pour un même quartier, ni pour une
même rue, ni dans un même immeuble.
A vouloir employer des correctifs pour tenir compte de toutes ces données, on
risque de retomber dans les méandres des surfaces corrigées instituées par la
loi de 1948.
Il est nécessaire d'établir des plans et de les donner aux clients. Il ne faut
néanmoins pas pour autant que, en cas d'erreur, les compensations financières
aboutissent à un prix standard au mètre carré.
En dépit de ces remarques et réserves, le groupe socialiste votera cette
proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ I. _ L'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant
le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi rétabli :
«
Art. 46
. _ Toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout
contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot ou d'une fraction de lot doit
mentionner, à peine de nullité, la surface de la partie privative de ce lot ou
de cette fraction de lot.
« Cette surface est définie par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article
47.
« Le bénéficiaire en cas de promesse de vente, le promettant en cas de
promesse d'achat ou l'acquéreur, peut invoquer cette nullité, au plus tard à
l'expiration d'un délai de trois mois à compter de l'acte authentique définitif
de vente.
« Si la surface réelle est supérieure à celle exprimée dans l'acte, l'excédent
de mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix.
« Si la surface réelle est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée
dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution
du prix proportionnelle à la moindre mesure.
« L'action en diminution du prix doit être intentée, à peine de déchéance par
l'acquéreur, au plus tard à l'expiration d'un délai d'un an à compter de l'acte
authentique définitif de vente. »
« II. _ Dans le premier alinéa de l'article 43 de la loi n° 65-557 du 10
juillet 1965 précitée, les mots : "et 42" sont remplacés par les mots
: ", 42 et 46". » Par amendement n° 1, M. Blaizot, au nom de la
commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le paragraphe
I de cet article pour l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, de
remplacer les mots : « doit mentionner » par le mot : « mentionne ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Cet amendement est rédactionnel : il vise à employer
l'indicatif présent, comme il est d'usage dans les textes juridiques pour
exprimer une obligation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, le Gouvernement propose, au premier alinéa du texte
présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour l'article 46 de la loi n°
65-557 du 10 juillet 1965, de supprimer les mots : « , à peine de nullité,
».
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Cet amendement vise à éviter que la nullité ne frappe
un acte comportant une superficie inexacte, situation sanctionnée, selon le
cas, par une diminution du prix ou par l'absence de supplément de prix.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François Blaizot,
rapporteur.
L'adoption de cet amendement permettra d'éviter des erreurs
d'interprétation, que la rédaction initiale pouvait laisser craindre.
La commission émet donc un avis favorable sur ce texte.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet amendement me donne l'occasion de rappeler combien la navette est
nécessaire et à quel point l'urgence, lorsqu'elle est déclarée, est dangereuse.
En effet, les mots « , à peine de nullité, », que tend à supprimer l'amendement
n° 13 du Gouvernement - soit dit en passant, cet amendement, à ma connaissance,
ne nous a été communiqué que ce matin - figuraient dans la proposition de loi
initiale. Or le Gouvernement, lors de la première lecture à l'Assemblée
nationale, ne les avait pas du tout critiqués !
M. le président.
Mon cher collègue, cet amendement a été déposé le 18 octobre !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Blaizot, au nom de la commission, propose, dans les
premier et deuxième alinéas du texte présenté par le paragraphe I de l'article
1er pour l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, de remplacer le
mot : « surface » par le mot : « superficie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Cet amendement répond à un souci de vocabulaire : le terme «
superficie » étant employé dans la loi du 10 juillet 1965 pour désigner la
surface, il paraît cohérent d'utiliser le même mot dans l'article 1er de la
proposition de loi, qui vise à rétablir l'article 46 de cette loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Je rends hommage à la précision et à la maîtrise de la
langue française de M. le rapporteur et du Sénat. Le Gouvernement émet un avis
favorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 14, le Gouvernement propose de compléter le premier alinéa
du texte présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour l'article 46 de la
loi n° 65-557 du 10 juillet 1995 par la phrase suivante :
« La nullité de l'acte peut être invoquée sur le fondement de l'absence de
toute mention de superficie. »
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Cet amendement vise à préciser que la nullité
sanctionne l'absence de mention de la superficie, alors que l'inexactitude de
la superficie indiquée dans l'acte est sanctionnée selon le cas par une
diminution du prix ou par l'absence de supplément de prix.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François Blaizot,
rapporteur.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui
est, au fond, un texte de coordination avec l'amendement n° 13 du Gouvernement,
que le Sénat a adopté voilà un instant.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Blaizot, au nom de la commission, propose d'insérer,
après le deuxième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 1er
pour l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, un alinéa ainsi
rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa ci-dessus ne sont pas applicables aux
dépendances. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 15, présenté par le
Gouvernement et tendant, à la fin du texte présenté par l'amendement n° 3, pour
être inséré après le deuxième alinéa de l'article 46 de la loi du 10 juillet
1965, à remplacer les mots : « aux dépendances », par les mots : « aux caves,
garages, emplacements de stationnement ni aux lots ou fractions de lots d'une
superficie inférieure à un seuil fixé par le décret en Conseil d'Etat prévu à
l'article 47. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. François Blaizot,
rapporteur.
L'amendement n° 3 tend à exclure de l'obligation de mention
de la superficie l'ensemble des dépendances attachées au local principal,
telles que les caves, les garages, les emplacements de stationnement et les
placards à skis, et ce afin d'alléger les opérations de métrage.
Il a en effet été jugé préférable de ne pas rendre obligatoire la mesure de
pièces ou éléments annexes tels que ceux que je viens d'énoncer.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur
l'amendement n° 3 et pour défendre le sous-amendement n° 15.
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Si le Gouvernement est favorable à l'idée que
l'obligation de mentionner la superficie ne s'applique pas à certains lots, il
souhaite cependant que la liste de ces derniers soit fixée, et ce de manière à
éviter toute difficulté d'interprétation ultérieure.
Il a donc déposé un sous-amendement visant à préciser la notion de dépendances
pour faciliter la mise en oeuvre de la loi. Il propose de considérer que les
dépendances sont les caves, les garages, les emplacements de stationnement,
ainsi que les « petits » lots d'une superficie inférieure à un seuil qui sera
fixé par décret. Entreront dans la catégorie des « petits » lots les lots
particuliers, tels les casiers à skis et les lots de faible valeur.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 3,
sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 15.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 15 ?
M. François Blaizot,
rapporteur.
La commission accepte ce sous-amendement, estimant qu'il
améliore son propre texte.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 15.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A la vérité, monsieur le président, je souhaite présenter un autre
sous-amendement.
D'abord, je m'étonne que la commission accepte la proposition du Gouvernement
puisqu'elle avait commencé par estimer que les dispositions en cause ne
devaient pas s'appliquer aux dépendances. On pourrait en discuter, car, à
Paris, voire ailleurs, une cave, du fait de sa dimension, notamment, peut être
quelque chose de très important ! Mais admettons.
Vouloir en même temps qu'il y ait une mensuration de la superficie et que
celle-ci soit facile, qu'elle ne nécessite pas le recours à un homme de l'art,
me paraît quelque peu contradictoire. Il faut savoir ce que l'on veut. Si l'on
veut qu'il y ait une mensuration exacte, le mieux, alors, est de faire appel à
un homme de l'art, d'autant que certaines pièces ayant une forme biscornue
peuvent être difficiles à mesurer de manière exacte et, après tout, pourquoi ne
pas la demander pour tout ?
La commission exclut les dépendances sans autres précisions. Quant au
Gouvernement, il souhaite préciser ce que l'on entend par ce « dépendances ».
Mais alors, pourquoi ne pas ajouter à la liste qu'il propose les greniers ? On
me dira que les greniers peuvent être transformés en pièces d'habitation.
Certes, mais les caves aussi. Par conséquent, l'argument ne vaut pas.
Voilà pourquoi je dépose un sous-amendement tendant à remplacer le mot «
dépendances » par les mots : « caves, greniers, garages, emplacements de
stationnement... » le reste sans changement par rapport au sous-amendement n°
15.
M. le président.
Je suis donc saisi, par M. Dreyfus-Schmidt, d'un sous-amendement n° 18, qui
tend, à la fin du texte proposé par l'amendement n° 3 pour être inséré après le
deuxième alinéa de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, à remplacer les
mots : « aux dépendances » par les mots : « aux caves, greniers, garages,
emplacements de stationnement ni aux lots ou fractions de lots d'une superficie
inférieure à un seuil fixé par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 47
».
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Le Gouvernement maintient sa position.
A priori
une cave reste une cave, alors qu'un grenier peut être aménagé et voir sa
valeur évoluer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela dépend de la cave, cela dépend du grenier !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 15, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 3, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 16, le Gouvernement propose, dans le troisième alinéa du
texte présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour l'article 46 de la loi
n° 65-557 du 10 juillet 1965, de remplacer les mots : « invoquer cette nullité
» par les mots : « intenter l'action en nullité ».
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François Blaizot,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Blaizot, au nom de la commission, propose, dans le
troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour
l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, de remplacer les mots : «
trois mois » par les mots : « un mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Dans ce genre de problème, il n'y a pas lieu de laisser
perdurer le délai de contestation puisqu'il s'agit simplement de vérifier qu'il
y a bien eu la mention de la superficie dans l'acte. A cet égard, le délai d'un
mois paraît tout à fait suffisant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Bien que le délai retenu lui paraisse un peu court, le
Gouvernement accepte l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Blaizot, au nom de la commission, propose à la fin du
troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour
l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, de remplacer les mots : «
l'acte authentique définitif de vente » par les mots : « l'acte authentique
constatant la réalisation de la vente ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
C'est un simple amendement de clarification rédactionnelle.
L'expression « acte authentique définitif de vente », assez inhabituelle,
paraît mal adaptée. Parler d'« acte authentique constatant la réalisation de la
vente » est certainement préférable sur le plus juridique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendment n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Blaizot, au nom de la commission, propose, après le
troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour
l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« La signature de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente
mentionnant la superficie de la partie privative du lot ou de la fraction de
lot entraîne la déchéance du droit à engager ou à poursuivre une action en
nullité de la promesse ou du contrat qui l'a précédé, fondée sur l'absence de
mention de cette superficie. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Nous abordons là un point relativement important, sur lequel
M. le ministre a d'ailleurs insisté.
Le principe est que l'acte authentique annule toutes les erreurs qui auraient
pu être commises antérieurement. Autrement dit, si l'acte authentique mentionne
la surface du bien, le fait qu'une convention sous seing privé passée
antérieurement ne porte pas cette mention n'ouvre pas droit à engager ou à
poursuivre une action en nullité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
J'ai dit combien cet amendement était important et
combien je rendais hommage à l'habileté du rapporteur et de la commission.
Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Blaizot, au nom de la commission, propose, dans les
quatrième et cinquième alinéas du texte présenté par le paragraphe I de
l'article 1er pour l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, de
remplacer les mots : « surface réelle » par le mot : «superficie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Il s'agit de supprimer une précision inutile, qui peut prêter
à confusion.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Blaizot, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le dernier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article
1er pour l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :
« L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur, dans un
délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la
vente, à peine de déchéance. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
C'est un amendement purement rédactionnel, qui améliore la
compréhension du texte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 11, MM. Allouche et Dreyfus-Schmidt, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 1619 du code civil est ainsi rédigé :
« Dans les autres cas et sans préjudice de ceux où une loi particulière en
dispose autrement ; »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Cet amendement a pour objet de faire référence, au sein de l'article 1619 du
code civil, aux dispositions de la présente proposition de loi qui y dérogent,
comme le font déjà les articles L. 261-11 et R. 261-13 du code de la
construction et de l'habitation.
L'article 1619 du code civil envisage des cas où la contenance n'est pas
indiquée dans les actes de vente. Or, pour la vente d'immeubles à construire,
la mention de la superficie est obligatoire et, grâce à cette proposition de
loi, tel sera aussi le cas pour les lots de copropriété. Il est donc
souhaitable de procéder à cette information dans le code civil.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François Blaizot,
rapporteur.
L'avis de la commission est défavorable. L'ajout proposé au
premier alinéa de l'article 1619 paraît tout à fait inutile. Comme chacun le
sait, la loi particulière l'emporte sur la loi générale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la
commission.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Regardant tout à l'heure la statue de Portalis, je craignais qu'elle ne tombe
sur la tête de ceux qui s'exprimaient.
M. le président.
Elle tomberait d'abord sur la mienne !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bref, j'invoque les mânes de Portalis, car, quand on nous dit qu'on ne touche
pas au code civil, ce qui sous-entend que celui-ci a un caractère sacré, tel
n'est pas mon avis.
Mais au moins, au nom des praticiens, je demande que, lorsqu'on modifie le
code civil par une loi particulière, on le dise dans le code civil, qui prétend
régler tous les cas.
Le code civil était d'une logique absolue. En matière de contrats, on le sait
bien, il respectait la liberté des parties, les conventions légalement faites
tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En la matière, c'est-à-dire en matière de vente, il prévoyait - cela a été
excellemment rappelé par Guy Allouche - dans les articles 1617, 1618 et 1619,
les cas où la contenance est indiquée et les cas où elle ne l'est pas.
Autrement dit, en tout état de cause, les parties avaient le droit d'indiquer
la contenance. Elles s'exposaient alors à une action si la contenance indiquée
était inexacte de plus d'un vingtième, alors qu'il y avait nullité et rescision
à partir des sept douzièmes. Tout le monde savait cela ; le système était
parfaitement logique.
Puis il y avait l'autre cas, celui où la contenance n'était pas indiquée. Et
voilà que l'on porte atteinte à ce système avec cette loi particulière pour les
lots en copropriété. Pourquoi ? Personnellement, je dois dire que je n'étais
pas du tout convaincu ; en effet, on peut très bien mesurer un appartement
avant de l'acheter pour se faire une idée si l'on veut vraiment connaître le
nombre de mètres carrés, encore que, comme l'a dit aussi excellemment Guy
Allouche, il n'y ait pas que cela qui compte.
Mais admettons que l'on porte atteinte de cette manière à la règle générale du
code civil ! Pourquoi, dès lors, ne pas le dire dans le code civil, de manière
que celui qui s'y réfère ait son attention attirée sur le fait qu'il y a
dorénavant des exceptions ?
Il y en avait d'ailleurs déjà une, comme l'a souligné l'auteur même de la
proposition de loi en rappelant que la mention de la surface habitable dans les
actes de vente est aujourd'hui obligatoire pour la vente d'un immeuble à
construire. En l'espèce, cela paraît normal, car on ne sait pas ce que sera
l'immeuble à construire ; il faut de l'imagination ; que l'on prenne des
précautions est donc bien compréhensible.
Je rappelle que le début de l'article 1617 du code civil se lit comme suit : «
Si la vente d'un immeuble a été faite avec indication de la contenance... ».
Quant au début de l'article 1618, il est ainsi conçu : « Si, au contraire,
dans le cas de l'article précédent, il se trouve une contenance plus grande que
celle exprimée au contrat,... ». Même hypothèse : la contenance est
indiquée.
Enfin, l'article 1619 commence par ces mots : « Dans tous les autres cas,...
». On ne peut donc pas se rendre compte, à sa lecture, qu'il existe des lois
particulières puisque le code civil prétend régler « tous les cas ».
Telle est la raison d'être de notre amendement.
Je rappelle que, dans l'article 1304 du code civil, qui traite du délai de
l'action en nullité, fixé à cinq ans, il a été précisé, en 1968, par la loi n°
68-5 : « Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une
convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette
action dure cinq ans ».
Ainsi, celui qui cherche la règle générale dans le code civil la trouve, avec
cette indication qu'il y a des lois particulières qui dérogent au grand
principe posé par ce même code. Nous ne demandons rien d'autre, en l'espèce.
Si ceux qui nous disent qu'il ne faut pas toucher au code civil veulent
vraiment qu'il en soit ainsi, qu'ils s'abstiennent de voter le texte qui nous
est proposé, car, lui précisément, touche profondément au code civil.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 12, MM. Allouche et Dreyfus-Schmidt, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un article
additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du dernier alinéa de l'article 1619 du code civil, les mots
"s'il n'y a stipulation contraire" sont supprimés. »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Le code civil précise actuellement qu'il n'y a lieu à diminution ou
augmentation de prix pour le vendeur ou pour l'acquéreur pour moindre mesure,
qu'autant que la différence de la mesure réelle à celle qui est exprimée au
contrat est d'un vingtième en plus ou moins, eu égard à la valeur de la
totalité des objets vendus, sauf stipulation contraire.
L'objet de notre amendement est de supprimer la possibilité d'une stipulation
contraire.
Cela permettra, pour l'ensemble des ventes d'immeubles, d'exercer un recours
devant les tribunaux sans avoir le moyen de s'exonérer de sa responsabilité par
une clause contraire.
Il s'agit d'une solution intermédiaire entre celle qui est retenue par la
proposition de loi et l'extension à tous les locaux constituant des dépendances
de l'obligation de mentionner la superficie exacte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François Blaizot,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable pour plusieurs
raisons.
Ce n'est pas que nous ayons, comme le craignait M. Dreyfus-Schmidt, « un
respect religieux absolu du code civil » !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Au contraire !
M. François Blaizot,
rapporteur.
Mais nous pensons que seule une raison profonde justifie de
modifier le code civil. Je suis persuadé que Portalis aurait partagé cet avis
!
En l'occurrence, il n'y a aucune raison importante de modifier le code puisque
cette proposition de loi prend en compte toutes les circonstances et permet de
régler parfaitement les problèmes qui peuvent se poser.
Il serait très lourd d'apporter à l'article 1619 du code civil la modification
que proposent les auteurs de l'amendement n° 12. Celle-ci introduirait dans la
pratique notariale une situation nouvelle et révolutionnaire qui ne se justifie
pas.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ces mots, « s'il n'y a stipulation contraire », figurant à la fin de l'article
1619 du code civil, ont amené la pratique notariale - et Portalis s'en serait
certainement scandalisé - à inscrire dans tous les actes que, même si une
erreur dépassant le vingtième est commise, aucun recours n'est possible.
Cette petite clause, le malheureux acheteur ne la lit que lorsqu'il s'est
rendu compte que la contenance est bien moindre que celle qui est indiquée dans
le contrat. C'est particulièrement vrai en matière de terrain non bâti car il
est souvent beaucoup plus difficile que pour un logement d'en vérifier la
superficie.
Mes chers collègues, profitons de l'occasion qui nous est offerte par la
discussion d'un texte visant à protéger les acquéreurs pour empêcher une
pratique d'une telle mauvaise foi. Avec une telle mention, souvent il n'existe
plus aucune sanction possible, même lorsque la contenance indiquée est
profondément erronée, et ce en vertu du code civil !
Je ne vois pas très bien pourquoi la commission s'oppose à cette modification,
et je me permets d'insister auprès de vous, pour que, fidèles à l'esprit même
de la proposition de loi, vous supprimiez ces quelques mots à la fin de
l'article 1619 du code civil.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Je vais donner quelques explications complémentaires à M.
Dreyfus-Schmidt.
Tout d'abord, le Parlement s'est déjà prononcé sur ce point lors de la
discussion de la loi relative à l'habitat. A cette occasion, cette demande de
modification de l'article 1619 du code civil avait été repoussée, aussi bien
par l'Assemblée nationale que par le Sénat.
Il existe donc un précédent, sur lequel il n'y aurait de raison de revenir que
s'il y avait un élément nouveau, ce qui n'est pas le cas.
Ensuite la clause qui termine l'article 1619 du code civil n'est pas aussi
draconienne que M. Dreyfus-Schmidt a bien voulu le dire. Certes, le majorité
des notaires introduisent dans les actes qu'ils rédigent une mention excluant
l'application de l'article 1619 du code civil, mais personne n'est obligé de
l'accepter.
Les parties signent l'acte ou ne le signent pas. Si elles ne veulent pas de
cette dérogation, elle ne leur sera imposée par personne.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Blaizot, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et à
Mayotte. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Il s'agit d'une indication nécessaire, qui ne figurait pas
dans le texte initial, à savoir l'extension de l'application de cette
proposition de loi aux territoires d'outre-mer et à Mayotte.
Certains pourraient se demander si les procédures de consultations locales ont
été opérées. Mais, s'agissant d'une loi de cette nature, ces procédures ne sont
pas obligatoires.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, avant l'article 2.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. _ Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur au 1er
janvier 1997. Elles ne sont pas applicables aux actes authentiques constatant
dans les six mois après cette date une vente réalisée antérieurement à cette
entrée en vigueur. »
Par amendement n° 10, M. Blaizot, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« La présente loi entre en vigueur au terme d'un délai de six mois à compter
de sa promulgation.
« Elle n'est pas applicable aux actes authentiques constatant dans les six
mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi une vente
réalisée antérieurement à cette entrée en vigueur. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 17 rectifié, présenté par
le Gouvernement, et tendant à compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 10
par les mots suivants : « ou intervenant à la suite d'une promesse unilatérale
de vente ou d'achat dont la date est antérieure à cette entrée en vigueur, ni
aux décisions judiciaires constatant une vente réalisée antérieurement à cette
entrée en vigueur. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 10.
M. François Blaizot,
rapporteur.
Il s'agit de préciser les dispositions transitoires qui
permettront de faire entrer la nouvelle loi dans le domaine législatif sans
provoquer de difficultés du fait de transactions en cours ou d'accords
préexistants. Les modalités d'entrée en vigueur de la loi seront ainsi
parfaitement précisées.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur
l'amendement n° 10 et présenter le sous-amendement n° 17 rectifié.
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué.
Le Gouvernement considère que l'amendement n° 10 fixe
effectivement les conditions d'entrée en vigueur de la loi et améliore la
rédaction de l'article 2.
Mais il souhaite compléter cet article pour l'étendre aux promesses
unilatérales de vente et aux ventes constatées par décision judiciaire
antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.
Au total, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 10, sous réserve de
l'adoption du sous-amendement n° 17 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 17 rectifié ?
M. François Blaizot,
rapporteur.
La commission est tout à fait favorable à ce
sous-amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 17 rectifié, accepté par la
commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 10, ainsi modifié, accepté
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Doublet pour explication de vote.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons
d'achever l'examen d'une proposition de loi importante dont l'objectif est de
rétablir la transparence et la sécurité dans les transactions portant sur les
lots de copropriété, ce qui contribuera au bon fonctionnement du marché.
Au mois d'avril dernier, l'Assemblée nationale et le Gouvernement se sont
ralliés au principe de cette proposition considérant que « tout le monde
devrait y gagner : l'acquéreur, qui sera rassuré, la famille, qui vend son
logement pour en acheter un autre et qui se trouve ainsi à la fois vendeur et
acquéreur, le vendeur professionnel, enfin, pour qui transparence et clarté
constituent des arguments de vente. »
Cette proposition de loi permettra de lever certaines incertitudes freinant
l'accession à la propriété, notamment en édictant le principe de l'obligation
de mention de la surface et en prévoyant au profit de l'acquéreur une action en
nullité pour sanctionner l'omission de cette indication et une action en
réduction du prix en cas de surévaluation de la surface.
Les améliorations que nous venons d'adopter répondent parfaitement aux
exigences de clarté et de transparence. C'est pourquoi le groupe du
Rassemblement pour la République votera cette proposition de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
8
RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
SANS DÉBAT
M. le président. J'informe le Sénat que la question n° 454 de M. Charles Descours, qui était inscrite à l'ordre du jour de la séance du mardi 29 octobre 1996, est retirée à la demande de son auteur.
9
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 22 octobre 1996, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E 413 - « proposition de directive du
Conseil relative à l'accès au marché de l'assistance en escale dans les
aéroports de la communauté » a été adoptée définitivement par les instances
communautaires par décision du Conseil du 15 octobre 1996.
- et la proposition d'acte communautaire E 712 - « lettre rectificative n° 1 à
l'avant-projet de budget pour 1997, section III - Commission » a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 15
octobre 1996.
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de MM. Joseph Ostermann, Louis Althapé, Jean Bernard, Roger Besse,
Jean Bizet, Paul Blanc, Jacques Braconnier, Robert Calmejane, Gérard César,
Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Charles Descours, Daniel Eckenspieller,
Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Daniel Goulet, Alain Gournac,
Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Yves Guéna, Hubert Haenel, Bernard Hugo,
Roger Husson, André Jourdain, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Philippe
Marini, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Alain Pluchet, Michel Rufin, Maurice
Schumann, Jean-Pierre Schosteck, Louis Souvet, Martial Tougourdeau et Alain
Vasselle, une proposition de loi organique relative à l'actualisation de
certaines dispositions de l'article L.O. 133 du code électoral.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 42, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
11
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Jean-Jacques Hyest, François Lesein et Jean-Patrick Courtois
une proposition de loi relative au contrat de concession du stade de France à
Saint-Denis.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 38, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Nicolas About, Jean Bernard, Marcel-Pierre Cleach,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, Henri de Raincourt, Louis-Ferdinand de Rocca
Serra, Jean-Paul Emin, Philippe François, Roger Husson, Edouard Le Jeune,
Kléber Malécot, Serge Mathieu, Georges Mouly, Jean Pourchet, Maurice Schumann
et François Trucy une proposition de loi relative au statut des villes
nouvelles.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 39, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de l'égislation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Franck Sérusclat, Jean-Pierre Masseret, Mme Monique ben
Guiga, M. Gilbert Chabroux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Georges
Mazars une proposition de loi modifiant le plafond institué à l'article 754-A
du code général des impôts et relative à l'acquisition des biens en clause de
tontine.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 40, distribuée et renvoyée
à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Serge Mathieu une proposition de loi relative au délai de
rétention administrative.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 41, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de l'égislation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Michel Moreigne, William Chervy, Germain Authié, Marcel Bony,
Jean Besson, Roland Courteau, Gérard Delfau, Jean-Pierre Demerliat, Mme Josette
Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Aubert Garcia, Claude Haut, Roland Huguet,
Jean-Pierre Masseret, Gérard Miquel, Jean-Marc Pastor, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Paul Raoult, René Régnault, Gérard Roujas, André Rouvière, Fernand
Tardy, Marcel Vidal et les membres du groupe socialiste et apparentés une
proposition de loi visant à étendre aux centres de santé gérés par la Mutualité
sociale agricole la subvention prévue à l'article L. 162-32 du code de la
sécurité sociale.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 43, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 23 octobre 1996 :
A neuf heures trente :
1. iscussion du projet de loi (n° 425, 1995-1996), adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en
matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République de Corée.
Rapport (n° 4, 1996-1997) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la
commission des affaires étrangères , de la défense et des forces armées.
2. Discussion du projet de loi (n° 452, 1995-1996) autorisant la ratification
de l'accord du 18 mars 1993 modifiant l'accord du 3 août 1959 modifié par les
accords du 21 octobre 1971 et du 18 mai 1981 complétant la convention entre les
Etats parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, en
ce qui concerne les forces stationnées en République fédérale d'Allemagne.
Rapport (n° 5, 1996-1997) de M. Serge Vinçon, fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3. Discussion du projet de loi (n° 453, 1995-1996) autorisant l'approbation de
la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil
fédéral suisse relative au service militaire des double-nationaux (ensemble une
annexe).
Rapport (n° 6, 1996-1997) de M. Guy Penne, fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
4. Discussion du projet de loi (n° 480, 1995-1996) autorisant l'approbation de
l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République argentine relatif à l'emploi des
personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans
l'autre.
Rapport (n° 7, 1996-1997) de M. André Boyer, fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
5. Discussion du projet de loi (n° 481, 1995-1996) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République d'Afrique du Sud sur l'encouragement et la protection
réciproques des investissements (ensemble un protocole).
Rapport (n° 8, 1996-1997) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
6. Discussion du projet de loi (n° 487, 1995-1996) autorisant la ratification
de la convention relative à l'admission temporaire (ensemble cinq annexes).
Rapport (n° 17, 1996-1997) de M. André Boyer, fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
7. Discussion du projet de loi (n° 495, 1995-1996) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République d'Arménie sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
Rapport (n° 18, 1996-1997) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
8. Discussion du projet de loi (n° 496, 1995-1996) autorisant l'approbation
d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de Hong-Kong sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
Rapport (n° 19, 1996-1997) de M. Jacques Habert, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
9. Discussion du projet de loi (n° 503, 1995-1996) autorisant l'approbation de
l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de
la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement du Grand-Duché de
Luxembourg et le Conseil fédéral suisse agissant au nom des cantons de Soleure,
de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d'Argovie et du Jura, sur la coopération
transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics
locaux (ensemble une déclaration).
Rapport (n° 20, 1996-1997) de M. Michel Alloncle, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
10. Discussion du projet de loi (n° 10, 1996-1997) autorisant l'adhésion de la
République française à l'accord portant création de la commission des thons de
l'océan Indien (ensemble deux annexes).
Rapport (n° 21, 1996-1997) de Mme Danielle Bidard-Reydet, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
A seize heures :
11. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la défense.
Aucune inscription de parole dans ce débat n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
1° Projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diverses
mesures d'ordre statutaire (n° 512, 1995-1996) :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 28 octobre 1996, à dix-sept heures ;
- délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 28 octobre 1996, à
dix-sept heures.
2° Déclaration du Gouvernement sur les affaires étrangères :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 30
octobre 1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 22 octobre 1996
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Ordre du jour prioritaire
A
neuf heures trente :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République de Corée (n°
425, 1995-1996) ;
2° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord du 18 mars 1993
modifiant l'accord du 3 août 1959, modifié par les accords du 21 octobre 1971
et du 18 mai 1981 complétant la convention entre les Etats parties au traité de
l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, en ce qui concerne les forces
stationnées en République fédérale d'Allemagne (n° 452, 1995-1996) ;
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative
au service militaire des double-nationaux (ensemble une annexe) (n° 453,
1995-1996) ;
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de
lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République argentine relatif à l'emploi des personnes à charge des membres
des missions officielles d'un Etat dans l'autre (n° 480, 1995-1996) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud
sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble
un protocole) (n° 481, 1995-1996) ;
6° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'admission temporaire (ensemble cinq annexes) (n° 487, 1995-1996) ;
7° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 495,
1995-1996) ;
8° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de Hong-kong sur l'encouragement et
la protection réciproques des investissements (n° 496, 1995-1996) ;
9° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne,
le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Conseil fédéral suisse,
agissant au nom des cantons de Soleure, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne,
d'Argovie et du Jura, sur la coopération transfrontalière entre les
collectivités territoriales et organismes publics locaux (ensemble une
déclaration) (n° 503, 1995-1996) ;
10° Projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à l'accord
portant création de la commission des thons de l'océan Indien (ensemble deux
annexes) (n° 10, 1996-1997) ;
A
seize heures :
11° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la défense.
(La conférence des présidents a fixé :
- à quinze minutes les temps réservés au président de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session.)
Jeudi 24 octobre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
(Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.)
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.)
Ordre du jour prioritaire
Mardi 29 octobre 1996 :
- n° 450 de M. Ivan Renar à M. le ministre de la culture (Suppression de
l'abattement pour frais professionnels dont bénéficient les journalistes)
;
- n° 451 de M. Ivan Renar à M. le ministre de la culture (Versement de la
subvention de l'Etat aux quotidiens à faibles ressources publicitaires)
;
- n° 452 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre du travail et des
affaires sociales (Avenir de l'hôpital d'Avicenne [Seine-Saint-Denis]) ;
- n° 453 de Mme Danielle Bidard-Reydet à M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Situation scolaire
du département de la Seine-Saint-Denis) ;
- n° 454 de M. Charles Descours à M. le ministre du travail et des affaires
sociales (Régime d'assurance maladie des personnes veuves ou divorcées)
;
- n° 456 de M. Ivan Renar à M. le ministre de la culture (Conséquences pour
les musiciens de la suppression de déductions fiscales supplémentaires pour
frais professionnels) ;
- n° 458 de M. Jean-Jacques Robert à M. le ministre du travail et des affaires
sociales (Financement des contrats de qualification) ;
- n° 459 de M. Jean-Jacques Robert à M. le ministre de la défense (Avenir du
centre de recherches du Bouchet [Essonne]) ;
- n° 460 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'équipement, du logement,
des transports et du tourisme (Délocalisation des services centraux de la SNCF)
;
- n° 461 de M. André Vezinhet à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche (Situation des candidats admis sur
les listes complémentaires aux concours d'enseignement du second degré)
;
- n° 462 de M. André Vezinhet à M. le ministre de l'économie et des finances
(Avenir du Crédit foncier) ;
- n° 463 de M. Yves Guéna à M. le ministre délégué au logement (Plafonds de
ressources pour l'attribution de logements HLM) ;
- n° 464 de M. René Rouquet à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche (Manque de place dans les écoles
maternelles du Val-de-Marne) ;
- n° 465 de M. Lucien Lanier à M. le ministre de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche (Bonification indiciaire accordée à
certains chefs d'établissement de l'éducation nationale) ;
- n° 466 de M. Louis Minetti à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et
de l'alimentation (Difficultés des producteurs de fruits et légumes) ;
- n° 467 de M. Hubert Durand-Chastel à Mme le ministre délégué pour l'emploi
(Développement de l'emploi français à l'étranger) ;
- n° 468 de M. Jacques Machet à M. le ministre de l'économie et des finances
(Politique de relance de l'immobilier) ;
A
seize heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 28 octobre 1996, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 28 octobre
1996.)
Mercredi 30 octobre 1996 :
A
quinze heures
et, éventuellement, le soir :
1° Examen d'une demande conjointe présentée par les présidents des commissions
permanentes tendant à autoriser la désignation d'une mission d'information
commune chargée d'étudier la place et le rôle des femmes dans la vie
publique.
(Les candidatures devront être remises au secrétariat du service des
commissions au plus tard le mardi 29 octobre 1996, à dix-sept heures.)
Ordre du jour prioritaire
Jeudi 31 octobre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A
neuf heures trente :
(La conférence des présidents a fixé :
- à quinze minutes le temps réservé au président de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 30
octobre 1996.)
A
quinze heures :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à
la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville (n° 37, 1996-1997).
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 5 novembre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A
neuf heures trente
et à
seize heures :
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 4 novembre 1996, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 4 novembre
1996.)
Ordre du jour prioritaire
A
neuf heures trente :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'agriculture.
(La conférence des présidents a fixé à quatre heures la durée globale du
temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne
figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 5 novembre
1996.)
A
quinze heures :
2° Eloge funèbre de Charles Metzinger.
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
4° Suite du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures
marines.
A
quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant onze heures.)
L'ordre du jour de cette séance, fixé par le Sénat en application de l'article
48, alinéa 3, de la Constitution, sera complété la semaine prochaine.
A N N E X E
Questions orales sans débat
inscrites à l'ordre du jour du mardi 29 octobre 1996
le ministre de la culture sur les conséquences de la suppression de
l'abattement de 30 % pour frais professionnels dont bénéficient les
journalistes. Cet abattement a été instauré en 1934 et fait partie intégrante
du statut de journaliste. Il faut aussi le considérer comme une aide à la
presse, dans une profession où la moyenne des salaires est de 12 000 francs
brut. Sa suppression entraînerait une perte de pouvoir d'achat équivalant à un
mois de salaire. Au-delà, elle s'apparente à une remise en cause du statut du
journaliste. En conséquence il lui demande quelles mesures il entend prendre
pour garantir le maintien de cet abattement.
N° 451. - M. Ivan Renar attire l'attention de M. le ministre de la culture sur
le non-versement de l'intégralité de la subvention d'Etat aux quotidiens à
faibles ressources publicitaires. En effet, cette subvention a été instituée il
y a plus de quinze ans pour compenser partiellement les difficultés spécifiques
des quotidiens ne bénéficiant que de faibles ressources publicitaires. Lors de
l'examen de la loi de finances pour 1996, une hausse de 50 % de cette aide a
été votée par le Parlement. Or il s'avère que seule une partie de cette
enveloppe a été versée, le manque- à-gagner pour les quotidiens concernés
s'élevant à 3,6 millions de francs. Derrière ces chiffres, c'est le respect du
pluralisme des titres et la survie de certains journaux qui sont menacés. En
conséquence, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour que soit
versée l'intégralité du fonds d'aide.
N° 452. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre du
travail et des affaires sociales sur l'avenir de l'hôpital Avicenne, en
Seine-Saint-Denis. Celui-ci a une double vocation : d'une part, répondre aux
besoins de santé d'une population de 1,5 million d'habitants, d'autre part,
jouer son rôle de centre hospitalier universitaire en liaison avec l'unité de
formation et de recherche (UFR) en médecine de Bobigny, composante de
l'université Paris-Nord - Villetaneuse. Cet hôpital est localisé dans le
Nord-Est parisien, nettement sous-équipé en établissements hospitaliers par
rapport au reste de la région parisienne. Ancien hôpital franco-musulman, il
n'a jamais bénéficié d'une modernisation et d'une remise à niveau à la hauteur
des exigences voulues par l'assistance publique pour ses hôpitaux parisiens.
Lié à l'UFR de médecine à Bobigny, l'hôpital Avicenne participe au
développement de l'enseignement supérieur et de la recherche en
Seine-Saint-Denis. Ces filières universitaires du domaine scientifique,
sanitaire et social permettent la formation de près de 4 000 étudiants,
principalement originaires du département. Mais il n'a jamais bénéficié de la
création d'unité de recherche de l'Institut national de la santé et de la
recherche médicale (INSERM) ou du Centre national de la recherche scientifique
(CNRS). La création il y a neuf ans de l'Institut oncologique cellulaire
moléculaire humaine (IOCMH), malgré les limites de sa forme associative, a
permis de pallier cette absence. Malgré les garanties antérieures et
l'engagement financier du conseil général de Seine-Saint-Denis, les récentes
décisions de diminution importante de crédits auraient de très lourdes
conséquences. Elles remettent tout d'abord en cause le projet de création d'un
centre de cancérologie. Pourtant le cancer est la première cause de mortalité
en Seine-Saint-Denis et près d'un patient sur deux, pris en charge à Avicenne,
relève d'une pathologie tumorale. Ensuite elles accroîtraient le déséquilibre
du secteur public par rapport au secteur privé. Enfin, en fragilisant la
structure hospitalière, elles affaiblissent les conditions d'enseignement et de
recherche de l'UFR, d'autant plus que l'IOCMH, financé par le seul secteur
associatif, voit ses crédits diminuer et est lui-même menacé. Cette situation
entraîne un grand mécontentement de la part des personnels, des élus et de la
population de Seine-Saint-Denis, qui souhaitent un véritable centre hospitalier
universitaire de qualité. D'où la nécessaire création d'un véritable centre de
cancérologie tel qu'il était programmé dans le plan quinquennal 1996-2000,
regroupant les activités déjà existantes, complétées par un centre de
radiothérapie. Afin de permettre à la Seine-Saint-Denis de bénéficier d'un CHU
de haute qualité scientifique et médicale, elle lui demande d'intervenir afin
que des crédits d'investissement soient débloqués et que l'autorisation
d'implantation de radiothérapie soit accordée.
N° 453. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la
situation scolaire de son département, où plus de 1 000 élèves étaient sans
affectation à la rentrée. A ce jour, seulement 500 jeunes ont obtenu une
affectation, sans que le respect de leur choix d'orientation ait
obligatoirement été respecté. Dans un tel contexte, le chiffre de 1 200 maîtres
auxiliaires au chômage pour l'académie, ce qui, compte tenu du fait que la
Seine-Saint-Denis représente environ 40 % des effectifs scolarisés,
correspondrait à environ 500 maîtres auxiliaires au chômage pour le
département, ajoutés aux 150 instituteurs sans affectation dans la
Seine-Saint-Denis, suscite une vive émotion parmi la communauté enseignante et
les parents d'élèves. Cette émotion est d'autant plus forte que l'annonce de la
suppression de 2 900 postes d'enseignant dans le premier degré et de 1 893
postes dans le second degré, programmée dans le projet de loi de finances 1997,
qui vient d'être faite ne sera pas sans conséquence sur le département, bien
qu'aucune précision par académie n'ait été donnée. Elle souhaite qu'il lui
expose les moyens qu'il compte mettre en oeuvre, notamment par l'ouverture de
filières, afin de trouver une affectation à tous les jeunes de la
Seine-Saint-Denis pour cette rentrée.
N° 454. - M. Charles Descours attire l'attention de M. le ministre du travail
et des affaires sociales sur le problème suivant : avant 1988, la personne
veuve ou divorcée et les membres de sa famille demeurant à sa charge avaient
des droits ouverts au titre du régime obligatoire pendant un an, ou d'office
jusqu'à ce que le dernier enfant ait atteint l'âge de 3 ans. La loi n° 88-16 du
5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale a modifié cette loi et a permis à
ces personnes, si elles étaient âgées de plus de 45 ans et avaient élevé trois
enfants, de bénéficier de droits ouverts sans limitation de durée. Elles
étaient alors affiliées à la Caisse d'allocations familiales. Depuis, la loi n°
93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social a supprimé la
limitation d'âge et maintenu l'ouverture de droit, illimitée. Actuellement se
pose le problème des personnes dont le divorce ou le décès du conjoint a eu
lieu antérieurement aux lois de 1988 et 1993 et qui se trouvent sans couverture
sociale. Les caisses de sécurité sociale refusent de les affilier au régime
103, prétextant la non-rétroactivité de la loi et exigeant que le décès du
conjoint ou le divorce soit intervenu postérieurement au 27 janvier 1993. Si
l'affiliation par l'assurance personnelle ne peut effectivement être
rétroactive, l'exigence du décès ou divorce postérieurement à la loi, semble
alors non fondée. Il souhaiterait connaître sa position sur le
sujet.
N° 456. - Le Gouvernement a annoncé un certain nombre de projets fiscaux
visant à supprimer les déductions supplémentaires pour frais professionnels
accordées à certaines professions, dont les musiciens. Les conséquences d'une
telle mesure, si elle était appliquée, sont multiples. Pour les musiciens
eux-mêmes, dont le pouvoir d'achat régresse alors que les frais professionnels
augmentent. Pour les orchestres enfin, dont les cotisations salariales des
musiciens sont calculées sur le salaire brut minoré de l'abattement fiscal
actuellement remis en cause. En conséquence M. Ivan Renar demande à M. le
ministre de la culture quelles mesures il compte prendre afin de favoriser le
retrait de ce projet.
N° 458. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre du
travail et des affaires sociales sur la situation de la formation en alternance
ainsi que sur le projet de fusion des collectes des taxes de l'alternance et de
l'apprentissage. Il constate que les organismes paritaires collecteurs agréés
(OPCA), à qui seraient confiés les fonds collectés, tardent cette année encore
à reverser aux entreprises et aux centres de formation les taxes de
l'alternance. Il semble que 2,5 milliards de francs soient également bloqués à
l'Association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL), alors
que 20 000 contrats de qualification n'ont pas trouvé de financement. C'est
pourquoi il lui demande quelles mesures il compte mettre en oeuvre pour
remédier à cette situation particulièrement préoccupante.
N° 459. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de la
défense sur l'inquiétude des 330 salariés du centre de recherches du Bouchet,
établissement dépendant de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE)
située à Vert-le-Petit (Essonne). En effet, le renouvellement des contrats
annuels d'études, prévu normalement début septembre, n'a pas été notifié au
centre, ce qui place le personnel en chômage technique. De plus, le montant
prévisionnel de cette notification par la direction générale de l'armement
serait réduit d'environ 40 millions de francs pour 1997. Le volume des contrats
à venir laisserait même présager l'abandon du centre de recherches. C'est
pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend poursuivre ses
engagements contractuels avec la SNPE et lui préciser quels sont ses projets
concernant l'avenir de cet établissement et de ses 200 chercheurs de haut
niveau.
N° 460. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur les conséquences
dramatiques qu'aurait la délocalisation des services centraux de la SNCF
envisagée par la direction pour Paris mais aussi pour l'ensemble de
l'entreprise. Cette délocalisation irait contre les intérêts des usagers et des
cheminots, qui ont montré leur attachement à ce grand service public. Elle
irait également à l'encontre des intérêts de Paris, qui verrait une fois de
plus un service d'intérêt national et des milliers d'emplois quitter la ville.
Alors que le Gouvernement s'était engagé à geler toutes les opérations
projetées par la SNCF pendant la réécriture du plan, cette décision est
inacceptable. Pourtant les salariés et leurs organisations syndicales sont
porteurs d'autres choix. Il faut les écouter. Par ailleurs, le conseil de
Paris, sur proposition des élus communistes, a voté à l'unanimité le voeu que
les activités parisiennes de la SNCF soient maintenues à Paris. Pour toutes ces
raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour s'opposer à cette
délocalisation et garantir l'emploi et le développement du service public à
Paris.
N° 461. - M. André Vezinhet souhaite obtenir de M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche des explications et
des engagements précis concernant l'éviction des candidats admis sur les listes
complémentaires aux concours d'enseignement du second degré. Ces listes
rassemblent des candidats qui ont été jugés aptes à enseigner ou à éduquer par
des jurys de concours et il est d'usage chaque année que le ministère ait
recours à elles pour pallier les désistements survenus sur les listes
principales. Il rappelle au ministre que cette année, comme les précédentes,
des désistements massifs ont bien eu lieu mais que courant août il a été
décidé, fait sans précédent, et sans aucune justification, de ne pas « puiser »
dans ces effectifs, laissant les reçus-collés dans le plus grand désarroi et
sans aucune perspective. Se heurtant à une absence totale d'information, ces
derniers se sont organisés en collectifs régionaux puis en collectif national
et se sont adressés par lettre à leur ministre de tutelle, au Premier ministre
et au Président de la République. Devant l'absence de réponse des responsables
politiques, ils ont réussi à obtenir une audience auprès de la direction du
ministère le 30 septembre dernier, sans résultat concret ni satisfaisant. A ce
jour, en effet, seulement 183 personnes admises sur listes complémentaires ont
été recrutées pour enseigner alors que plus de 500 désistements ont été
enregistrés. Il lui demande s'il est en mesure de lui annoncer, plus d'un mois
après la rentrée scolaire, le déblocage de toutes les listes complémentaires à
hauteur des désistements ou s'il entend sacrifier sur l'autel de la rigueur
budgétaire ces jeunes enseignants lauréats d'un concours national, motivés par
la mission d'enseigner, les reléguant ainsi dans une situation matérielle
aléatoire et extrêmement précaire et moralement inacceptable.
N° 462. - M. André Vezinhet appelle l'attention de M. le ministre de
l'économie et des finances sur les derniers résultats économiques et financiers
publiés par le conseil d'administration du Crédit foncier, le 29 août 1996,
pour le premier semestre 1996, lequel affiche un bénéfice net de 402 millions
de francs. A la lecture de ces chiffres, il apparaît que la situation de cet
établissement est aujourd'hui fort éloignée des difficultés avancées par le
Gouvernement et qui avaient conduit ce dernier à présenter un plan d'ensemble
le 26 juillet 1996. Ce projet, qui programme le démantèlement d'un
établissement reconnu par tous pour ses compétences dans le financement du
logement social ne nous paraissait pas une réponse adaptée ; à ce jour, il est
totalement inacceptable. Il interroge le ministre sur ses intentions.
Compte-t-il persister dans la direction qu'il s'était fixée il y a quelques
mois ou bien compte-t-il profiter du débat parlementaire annoncé pour
rechercher des solutions autres, qui sont souhaitables et possibles et qui
ouvriraient de meilleures perspectives pour les 3 300 salariés du Crédit
foncier ? Il lui indique enfin que si la première hypothèse devait être
privilégiée, son groupe politique combattrait avec force et détermination un
ensemble de mesures qui d'un trait de plume gommerait l'existence et le
savoir-faire d'une institution fondée il y a 150 ans.
N° 463. - M. Yves Guéna demande à M. le ministre délégué au logement si une
limitation trop restrictive des plafonds de ressources pour l'attribution de
logements HLM ne risque pas d'avoir des conséquences dommageables pour la
gestion des offices HLM. En effet, d'une part, ces restrictions risquent de
laisser vides un certain nombre de logements ; d'autre part, la situation
précaire de nombre de locataires entraînera des difficultés pour le
recouvrement des loyers. Face à une telle situation, les offices rencontreront
des problèmes de financement à court terme et devront ralentir le rythme des
constructions.
N° 464. - M. René Rouquet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le manque de
places dans les écoles maternelles du Val-de-Marne. En effet, un nombre
croissant d'enfants, parvenus à la limite d'âge en crèche, ne peut être admis
en école maternelle, le nombre de postes d'enseignant se révélant insuffisant.
Les enfants nés le premier trimestre 1994 et âgés de 3 ans au cours du premier
trimestre 1997 sont plus particulièrement concernés par cette situation.
L'inspection académique ne comptabilise pas ces enfants pour la rentrée 1996 et
n'accepte pas leur entrée à l'école maternelle en cours d'année scolaire dès
leurs 3 ans (janvier à juin 1997). Cette situation s'amplifie désormais chaque
année, privant les enfants du bénéfice d'un enseignement de qualité et jetant
leurs parents dans le désarroi par manque de solution de garde. La seule
solution véritablement adaptée aux besoins de l'enfant ne pouvant venir que de
l'Etat, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte
prendre pour permettre l'admission à l'école maternelle de tous les enfants
dans l'année de leurs 3 ans.
N° 465. - M. Lucien Lanier appelle l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur
l'attribution aux chefs d'établissement de 3e et 4e catégories, ainsi qu'à ceux
de la 4e catégorie majorée, d'une nouvelle bonification indiciaire. Cette
mesure figure, entre autres, au relevé des décisions ministérielles en date du
28 janvier 1995, sous la rubrique III, 7, pour prendre effet au 1er janvier
1996. Elle est d'ailleurs inscrite et prévue au budget 1996. Il semblerait
cependant que le texte d'application de cette mesure soit actuellement bloqué.
Il demande quelles sont les raisons de cette anomalie, et s'il peut y être
remédié le plus rapidement possible.
N° 466. - M. Louis Minetti attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur la nouvelle année
dramatique pour les fruits et légumes qui vient de se dérouler. Pour quelles
raisons le Gouvernement n'a-t-il pas pris les mesures nécessaires suivantes, à
savoir : 1° Mettre en place un meilleur contrôle de l'application des accords
préférentiels ; 2° Travailler pour la complémentarité des importations et des
productions communautaires ; 3° Combattre le dumping social en instituant des
dispositifs fiscaux qui égalisent les conditions de concurrence ; 4°
Responsabiliser fortement la grande distribution qui par sa puissance
financière écrase sans vergogne les producteurs ; 5° Interdire la
commercialisation des produits d'importation au moment de la montée en
production des pays européens, détruire sans compensation financière tous les
fruits et légumes importés se trouvant encore sur le territoire des Etats de
l'Union européenne ? Ces notions devraient être incluses dans les certificats
d'importation. Quelles mesures concrètes et vraies M. le ministre compte-t-il
prendre pour aller dans ce sens ?
N° 467. - M. Hubert Durand-Chastel attire l'attention de Mme le ministre
délégué pour l'emploi sur le fait que la création d'emplois en France dépend
beaucoup de nos exportations et des parts de marché à l'extérieur. La
mondialisation de l'économie nécessite d'accentuer la présence française à
l'étranger ; il existe, en effet, une corrélation entre les flux de notre
commerce extérieur dans une zone donnée et le nombre de ressortissants français
installés dans cette zone. Or le nombre de Français résidant à l'étranger reste
très insuffisant, en particulier dans les pays émergents. Un des obstacles au
développement de l'expatriation tient au fait que le nombre des offres d'emploi
à l'international est très inférieur au nombre de candidats au départ.
Conscient de cette difficulté, le président Jacques Chirac, en déclarant le 29
août aux ambassadeurs de France : « Vous êtes aussi les ambassadeurs de
l'économie française, et c'est sur ce terrain que votre action sera jugée », a
porté la préoccupation de l'emploi au niveau de l'action diplomatique. Déjà un
regoupement des organismes de soutien au commerce extérieur au sein d'un
groupement d'intérêt public a été réalisé, pour mieux coordonner et redéployer
les actions visant à l'internationalisation des entreprises. S'agissant de
l'emploi à l'étranger, deux grandes structures en France gèrent les offres et
les demandes : l'Office des migrations internationales (OMI) et l'ANPE
International ; ce dernier organisme a, au cours du premier semestre 1996,
traité 2 601 offres d'emploi ; mais la faiblesse de son effectif, 19 employés
au total, limite son activité. Ne conviendrait-il pas de le renforcer
sensiblement avec des membres du nombreux personnel de l'ANPE, qui compte plus
de 15 000 personnes ? Ne serait-il pas également souhaitable de coordonner les
actions et les moyens de ces services, et de rechercher une synergie avec les
comités consulaires pour l'emploi et la formation et les autres acteurs qui
sont situés à l'étranger ? Ces mesures, prenant en compte la mondialisation du
travail faciliteraient l'expatriation des Français, avec l'accroissement de nos
exportations et un meilleur emploi en France.
N° 468. - M. Jacques Machet interroge M. le ministre de l'économie et des
finances sur le projet de loi de finances pour 1997. Plusieurs mesures prises
par le Gouvernement concernant l'immobilier inquiètent les acteurs de ce
secteur de notre économie. Tout d'abord, la décision de ne pas reconduire pour
1997 la baisse de 30 % des droits de mutation à titre onéreux, ainsi que
l'allégement des droits de succession ou de donation pour les logements
locatifs anciens tandis que l'obligation pour les investisseurs de pratiquer
des loyers intermédiaires est maintenue. Ensuite, la loi de finances pour 1997
ne prévoit pas la reconduction de la possibilité d'obtenir un prêt à taux zéro
dans l'ancien avec peu de travaux et supprime la déductibilité des intérêts
d'emprunt pour l'achat de la résidence principale. Le marché de l'immobilier ne
cesse de régresser malgré plusieurs annonces d'une reprise qui,
malheureusement, se fait toujours attendre. Certaines mesures pourtant
pourraient relancer ce secteur d'activité, dont celles-ci : un dispositif
d'aide simple, correspondant à une déduction d'impôt de 10 % du prix du
logement ancien acquis ; la déduction forfaitaire des charges portée à 15 % ;
l'alignement du plafond d'imputation des déficits fonciers sur le revenu global
du logement ancien et du logement neuf, soit 100 000 francs au lieu de 70 000
francs ; que la mesure visant à une déductibilité de 20 % des travaux engagés
avec un plafond de 40 000 francs puisse être faite plus d'une fois tous les
cinq ans et que la définition des travaux soit élargie. Ces mesures
permettraient de relancer le bâtiment et l'immobilier et de mettre un terme à
la progression constante des suppressions d'emplois constatée ces dernières
années.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Régime social des travailleurs transfrontaliers
476.
- 18 octobre 1996. -
M. Philippe Richert
appelle l'attention de
M. le ministre du travail et des affaires sociales
sur les problèmes transfrontaliers pouvant apparaître dans le domaine sanitaire
et social. Les législations et modalités en matière de reconnaissance sont en
effet encore très différentes d'un pays à l'autre. Cela n'est pas sans poser
certaines difficultés aux travailleurs frontaliers qui dépendent de deux
systèmes de couverture sociale, celui du pays dans lequel ils exercent une
activité professionnelle et celui du pays dans lequel ils résident de manière
permanente. Ces disparités concernent de nombreux domaines, qu'il s'agisse de
l'incapacité de travail, du handicap, de l'assurancedépendance, du
remboursement des prestations ou encore de l'achat de médicaments. Il
souhaiterait connaître la position de M. le ministre face aux difficultés
pouvant résulter d'une telle situation, et les suites qu'il entend y
réserver.
Avenir du TGV dit « Rhin-Rhône »
477.
- 18 octobre 1996. -
M. Henri Revol
constate que le rapport sur les perspectives en matière de création de
nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse vient d'apporter un éclairage
nouveau en matière de projets de lignes à grande vitesse. Il demande à
M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme
si les conclusions du rapport modifient les prévisions de programmation du TGV
dit « Rhin-Rhône » 1re phase Mulhouse-Genlis (proximité de Dijon). Ces études
en cours vont-elles se poursuivre selon le calendrier établi. L'interconnexion
dijonnaise d'une future branche nord, correspondant à une éventuelle phase
ultérieure raccordant Genlis à la ligne Lyon-Paris au nord de la Côte-d'Or pour
des liaisons directes Mulhouse-Dijon, fait actuellement partie de
l'avant-projet sommaire de la 1re phase Dijon-Genlis, afin de déboucher sur un
PIG (programme d'intérêt général) conduisant à la réservation du passage de la
future ligne dans les plans d'occupation des sols concernés. Cette phase
ultérieure dont la SNCF indiquait jusqu'à présent qu'elle pourrait se réaliser
dans un horizon de quinze à vingt ans, est-elle toujours crédible au regard des
conclusions du rapport Rouvillois. L'emprunt des lignes existantes, sur les
quatre-vingts kilomètres de lignes à grande vitesse manquants, par un train
pendulaire peut sans doute remettre en cause le projet. Est-il utile, dans ces
conditions, d'engager des frais d'études et de soulever l'émoi dans toutes les
communes du nord-est dijonnais pour un projet très hypothétique.
Non-respect par une société d'HLM de la réglementation élaborée
par le Comité national des bâtisseurs sociaux
478.
- 21 octobre 1996. -
M. Guy Allouche
souhaite obtenir de la part de
M. le ministre délégué au logement
une réponse à la question écrite qu'il lui a posée, le 27 juin 1996, relative
au non-respect par la SA HLM Carpi filiale du groupe Maisons familiales de la
réglementation issue du concours du Comité national des bâtisseurs sociaux
(CNBS) élaborée en 1975 et dérogatoire à la réglementation HLM en matière de
logements acquis en accession à la propriété. Compte tenu du caractère
extrêmement délicat de ce dossier, il s'étonne qu'aucune réponse ne lui ait été
fournie depuis lors. La réponse qui a été apportée, lors de la séance, à
l'Assemblée, des questions orales sans débat du 8 octobre dernier, à l'un de
ses collègues député, sur le même sujet ne répond pas aux problèmes posés. En
effet, aucune explication n'a été apportée sur le fait de savoir pourquoi
l'administration affirme aux accédants qu'elle ne possède pas les fiches
d'agrément indiquant les caractéristiques techniques et le prix de leurs
logements. Cette absence de ces documents est grave, car les acquéreurs ne
peuvent constater par eux-mêmes la réalité des affirmations du ministère du
logement quant au respect du concours CNBS par la SA HLM Carpi. Il s'étonne que
l'administration puisse affirmer que tous les éléments démontrent le respect
par la SA HLM Carpi de la réduction de prix imposée par ce concours, alors
qu'elle déclare dans le même temps aux accédants ne pas être en possession des
fiches d'agrément de leurs logements. Dès lors qu'il est établi que ces
documents ont été adressés par les ministères du logement et de l'environnement
aux directions départementales de l'équipement concernées pour procéder au
contrôle effectif de l'application du concours CNBS par la société Carpi et que
ces pièces semblent désormais introuvables, il revient à M. le ministre délégué
au logement de justifier précisément des documents lui permettant d'attester de
la pertinence des contrôles effectués. Il lui demande donc de lui assurer que
sera mise à sa disposition, dans les délais les plus brefs, la circulaire n°
77-162 du 8 novembre 1997 dont il ne dispose pas, celle-ci n'ayant pas été
publiée au
Journal officiel ;
de lui assurer que ses services remettront
immédiatement, et sans condition, aux accédants qui en feront la demande dans
les prochaines semaines, les fiches d'agrément de leurs logements « Alezan », «
Futaie » et « Notos » afin qu'ils puissent vérifier par eux-mêmes la violation
ou le respect par la SA HLM Carpi du concours CNBS ; dans le cas où ces
documents ne seraient plus en possession de l'administration, de lui expliquer
les raisons de la disparition de ces pièces et de justifier alors précisément
de la nature des documents lui permettant d'affirmer que la SA HLM Carpi a
effectivement respecté la réglementation dérogatoire du concours CNBS.
Financement du Fonds national de développement
des adductions d'eau
479.
- 21 octobre 1996. -
M. Germain Authié
attire l'attention de
M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation
sur la tutelle financière des agences de l'eau sur les conseils généraux. Afin
de réaliser des économies sur le budget du Fonds national de développement des
adductions d'eau (FNDAE), le Gouvernement envisagerait, dans le cadre de la loi
de finances pour 1997, de retirer le financement provenant actuellement du PMU,
ce qui aurait pour conséquence de priver le FNDAE d'un peu plus de la moitié de
ses ressources. Il serait par ailleurs prévu, à titre de compensation, que
chaque agence de l'eau augmente la part de financement qu'elle attribue au
monde rural. Même si on peut comprendre que la principale priorité actuelle du
Gouvernement soit de réduire le train de vie de l'Etat, les mesures concernant
le financement de la distribution de l'eau potable et de l'assainissement dans
des communes rurales sont surprenantes à plusieurs égards.
Situation des maîtres-auxiliaires
480.
- 22 octobre 1996. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche
sur la situation des maîtres-auxiliaires. Alors que les classes sont
surchargées, que l'enseignement va en se détériorant, on oblige les titulaires
à faire des heures supplémentaires et on licencie sans préavis, avec toutes les
conséquences économiques et humaines que l'on peut imaginer, des non-titulaires
exploités pendant plusieurs années comme bouche-trous. Pour toutes ces raisons,
elle lui demande ce qu'il compte faire pour transformer un tiers des 800 000
heures supplémentaires en emplois stables et qualifiés, garantissant ainsi le
réemploi immédiat des maîtres-auxiliaires et à terme leur titularisation, ainsi
qu'une création de postes en nombre suffisant pour pourvoir aux besoins
croissants de l'éducation nationale.
Gestion des équipements sportifs appartenant aux communes
481. - 22 octobre 1996. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le statut des équipements sportifs à usage des publics scolaires - collèges ou lycées - et notamment sur la prise en charge financière des équipements sportifs appartenant aux communes. L'éducation physique et sportive est une discipline d'enseignement à part entière, nécessitant à ce titre des installations adaptées, mais la prise en charge, la gestion et le financement de ces équipements reste très inégalitaire. En effet, quand cet enseignement est dispensé par des collèges ou des lycées - relevant des régions ou des départements - sur des installations communales, le coût de l'entretien, des réparations et des aménagements des équipements sportifs est aujourd'hui entièrement supporté par les communes, alors que leur utilisation est partagée. Cependant, en dépit de la circulaire de mars 1992 qui invite au conventionnellement entre les collectivités territoriales, et en dépit d'un arrêt du Conseil d'Etat du 10 janvier 1994 qui précise que départements et régions doivent participer au fonctionnement des équipements sportifs, beaeucoup de communes, largement dépendantes des subventions des régions et départements, hésitent à réclamer cette participation. Une intervention du législateur serait sans doute de nature à apporter une salutaire clarification quant à la gestion des équipements sportifs, notamment pour les communes qui en ont la charge, ainsi que pour les institutions qui participent à leur financement. Il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre afin de préciser les devoirs de chacune des collectivités concernées par l'utilisation des équipements sportifs appartenant aux communes.