PROTECTION DES ACQUÉREURS
DE LOTS DE COPROPRIÉTÉ
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 320,
1995-1996), adoptée par l'Assemblée nationale, améliorant la protection des
acquéreurs de lots de copropriété.
Rapport n° 473 (1995-1996)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol,
ministre délégué au logement.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, faciliter l'accession à la
propriété, que ce soit dans le neuf ou dans l'ancien, est l'une des lignes de
force de la politique du logement que nous menons depuis dix-huit mois. Elle
répond à des besoins économiques et sociaux évidents, et surtout aux
aspirations de nombre de nos compatriotes.
Acquérir son logement est le plus souvent le principal achat de la vie d'une
famille, qui l'engage pour des années. C'est un acte important et complexe.
Tous les éléments de doute, doute justifié ou doute supposé, constituent des
freins à l'accession à la propriété. C'est pourquoi tout ce qui concourt à
donner de la sécurité aide le bon fonctionnement du marché.
La proposition de loi de M. le député Carrez s'inscrit dans ce cadre, car elle
apporte de la transparence et de la sécurité dans les transactions de logements
anciens et, en général, de lots de copropriété.
Tout le monde devrait y gagner : l'acquéreur qui va être rassuré ; la famille
qui vend son logement pour en acheter un autre et qui se trouve à la fois
vendeur et acquéreur ; le vendeur professionnel pour qui transparence et clarté
constituent des arguments de vente.
C'est pourquoi le Gouvernement est favorable au principe de cette proposition
de loi.
Je tiens à saluer la qualité du travail effectué par la commission des lois,
notamment par son rapporteur, M. Blaizot.
En particulier, la commission a apporté une solution élégante au problème posé
par la proposition de loi. En effet, ce texte fait de la mention de la surface
une condition de la vente, dont le non-respect est sanctionné par la
nullité.
L'annulation d'une vente présente des conséquences graves, pour le vendeur
évidemment, mais aussi pour l'acquéreur qui, installé dans les lieux et ayant
bénéficié d'un crédit, hésitera peut-être à demander cette annulation.
Aussi la commission des lois a-t-elle prévu une possibilité de régularisation
des actes précédant l'acte authentique lorsque ce dernier acte comporte
effectivement la mention de superficie.
Ce faisant, la commission des lois a réussi à concilier deux objectifs : le
non-respect de la loi sera sanctionné efficacement, mais la possibilité de
régularisation limite le contentieux, favorise la stabilité des ventes
constatées par acte authentique et atténue ainsi considérablement les
inconvénients de la nullité.
C'est pourquoi le Gouvernement est favorable au dispositif tel qu'il ressort
des travaux de la commission des lois. Il vous proposera de l'adopter sous
réserve de quelques amendements de précision.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors d'une vente, le
code civil reconnaît à l'accord des parties un poids déterminant, au point que
l'article 1583 dispose que la vente est parfaite entre les parties et la
propriété acquise de droit à l'acheteur, à l'égard du vendeur, dès qu'on est
convenu de la chose et du prix.
C'est dans ce cadre que nous devions nous situer pour proposer une solution,
que M. le ministre a bien voulu apprécier comme « élégante » au problème
posé.
L'article 1619 du même code introduit cependant, en matière de ventes
d'immeubles, une garantie au cas où l'on constate entre la contenance réelle du
bien et celle qui est exprimée au contrat une différence excessive.
En effet, le dernier alinéa de cet article est ainsi rédigé : « L'expression
de cette mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix, en faveur du vendeur,
pour l'excédent de mesure, ni en faveur de l'acquéreur, à aucune diminution de
prix pour moindre mesure, qu'autant que la différence de la mesure réelle à
celle exprimée au contrat est d'un vingtième en plus ou en moins... »
Toutefois, le même article 1619 apporte une certaine modération à cette
rigueur en ajoutant : « s'il n'y a stipulation contraire ».
L'expérience a montré que, dans un grand nombre de ventes immobilières, les
parties n'attachent pas à la superficie du bien vendu une importance
déterminante. Le plus souvent, en effet, le vendeur comme l'acheteur
connaissent parfaitement la consistance de ce bien à tous égards ; ils sont
convenus du prix par accord mutuel en fonction de cette connaissance et ne
s'estiment pas lésés par le fait qu'après la transaction le métrage exact, s'il
y est procédé, vienne à révéler une différence avec la mesure supposée, même si
cette différence est supérieure à un vingtième.
Aussi les parties et les notaires font-ils très généralement usage de la
possibilité ouverte
in fine
par l'article 1619, qui autorise
l'introduction dans le contrat d'une stipulation écartant l'application de cet
article.
Si une telle stipulation offre l'avantage d'éviter - vous l'avez signalé
vous-même, monsieur le ministre - un grand nombre de situations contentieuses
et ne paraît guère avoir entraîné d'inconvénients sérieux, elle se révèle
aujourd'hui difficilement admissible lorsque le bien immobilier vendu est un
lot ou une partie de lot de copropriété. En effet, la complexité des rapports
entre copropriétaires, la nécessité de répartir entre eux les charges
d'entretien, d'exploitation et de réparation, l'existence de parties communes,
rend indispensable la connaissance précise des droits de propriété de chacun
d'eux et ne permet donc pas que, dans les contrats de vente, la consistance et
l'étendue de ces droits soient omises ou mentionnées de façon imprécise.
Ce problème, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, avait été soulevé par
M. Gilles Carrez, député, lors de la discussion de la loi du 21 juillet 1994
relative à l'habitat et celui-ci avait proposé, pour apporter un remède
définitif aux difficultés provoquées par l'application de l'article 1619,
notamment en matière de ventes de lots de copropriété, de modifier la rédaction
de cet article afin de lui donner valeur d'ordre public de sorte que les
stipulations dérogatoires, si souvent pratiquées, soient contraintes de
disparaître.
La proposition de M. Gilles Carrez aurait en effet mis fin aux difficultés
rencontrées en matière de ventes de lots de copropriété, mais elle aurait fait
naître un grand nombre de cas de contentieux, auquel il a été fait allusion
voilà un instant, dans les ventes courantes où l'expérience a montré que
l'application stricte de l'article 1619 apporterait plus d'inconvénients
qu'elle ne comporterait d'avantages.
La modification de la rédaction actuelle de l'article 1619 avait donc été
repoussée en commission mixte paritaire lors de la discussion de la loi du 21
juillet 1994 relative à l'habitat et il avait été décidé de rechercher, pour
régler les problèmes de copropriété, un dispositif juridique plus approprié.
La proposition de loi due à M. Gilles Carrez et dont nous délibérons
aujourd'hui donne suite à cette décision de recherche d'une autre solution.
Elle résout le problème posé puisqu'elle se limite à compléter la loi du 10
juillet 1965 fixant le statut de la copropriété sans apporter de modification
au régime général des ventes fixé par le code civil. Par conséquent, elle
concerne uniquement le statut de la copropriété.
Cette proposition de loi de M. Carrez a été votée à l'unanimité par
l'Assemblée nationale, le 18 avril 1996.
Le texte adopté par les députés comprend donc un article 46 qui impose que
soit mentionnée, dans toute promesse ou tout acte de vente d'un lot ou d'une
fraction de lot de copropriété, la surperficie du bien.
La sanction de cette obligation est la nullité de la promesse ou de l'acte en
cas d'absence de la mention. L'acquéreur disposerait d'un délai de trois mois à
compter de l'acte authentique afin de poursuivre cette nullité.
Les modalités de mesure de la superficie seront fixées par décret complétant,
en tant que de besoin, le décret du 17 mars 1967.
Dans le cas où la superficie indiquée dans l'acte se révélerait supérieure de
plus d'un vingtième à la surface effective, l'acquéreur pourrait bénéficier
d'une diminution de prix proportionnelle à cette insuffisance.
Dans le cas où l'on constaterait un excédent de surface, le vendeur ne
pourrait prétendre à aucun supplément de prix. Cette différence par rapport à
l'article 1619 se justifie par le fait que cette proposition de loi vise à
protéger, comme son intitulé l'indique, l'acheteur, et non le vendeur.
Prononcer la nullité de l'acte lorsque la mention de la superficie du bien a
été omise a pu paraître sévère. Cela ne devrait cependant pas engendrer de
difficulté, au moins lorsqu'il a été passé un acte authentique, car les
notaires veilleront à la conformité de l'acte avec la nouvelle loi. Pour éviter
des contestations trop longues, la commission proposera un amendement tendant à
réduire à un mois, au lieu de trois, le délai ouvert afin de poursuivre la
nullité. Ce changement est d'autant plus souhaitable que l'on risquerait sinon
de voir une anomalie se produire à l'égard de la déclaration de l'acte au
registre des hypothèques.
L'approximation admise dans l'évaluation de la superficie du bien restera de
un vingtième par analogie avec les prescriptions du code civil, car il n'y a
aucune raison de modifier les habitudes de travail sur ce point. Seul
l'acquéreur pourra prétendre à modification du prix si la superficie du bien
diffère de plus de un vingtième par rapport à celle qui est inscrite à l'acte.
Il disposera d'un délai d'un an pour intenter l'action en diminution de
prix.
Pour éviter d'ouvrir trop largement le champ des contestations, la commission
proposera d'exclure les locaux annexes, qualifiés de « dépendances », de
l'obligation de métrage. Le Gouvernement a lui-même déposé un amendement allant
dans ce sens mais plus précis sur ce qu'il faut entendre par le mot «
dépendances ». Nous en délibérerons au moment de l'examen des articles.
Enfin, il convient, pour assurer la stabilité des situations juridiques, de
ménager un délai entre la date de promulgation de la loi et celle de son entrée
en vigueur de telle sorte que les ventes en cours puissent aller normalement à
leur terme ; le délai proposé est de six mois. Il convient aussi de soustraire
à l'application de la loi les actes qui auraient fait, avant son entrée en
vigueur, l'objet d'une promesse de vente ou d'achat. Il s'agit là de
dispositions tout à fait transitoires. Sur proposition du Gouvernement, seront
également soustraites à l'application de la loi les décisions judiciaires
constatant une vente réalisée antérieurement à son entrée en vigueur.
Tel est, mes chers collègues, brièvement résumé l'essentiel des propositions
qui vous sont faites. Elles sont importantes car les transactions immobilières
en matière de copropriété sont de plus en plus nombreuses dans les grandes
villes. En effet, un très grand nombre de transactions portent sur des biens
qui sont en copropriété. Par conséquent, il était indispensable de trouver des
solutions efficaces, et si possible élégantes, monsieur le ministre, pour venir
à bout de ces difficultés.
Je crois que nous y sommes parvenus, en respectant la volonté que le Sénat
avait exprimée en 1994, à savoir ne pas toucher au code civil. Nous avions
alors considéré que le code civil avait son ancienneté, qu'il avait fait ses
preuves, qu'il était dangereux de lui apporter des modifications, et qu'il
serait donc plus approprié de rechercher des dispositions législatives qui
soient concentrées sur les lots de copropriété. C'est ce qui est, je crois,
convenablement obtenu par les dispositions que je viens de résumer. Par
conséquent, la commission vous propose, mes chers collègues, de bien vouloir
les approuver.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
mini-révolution en perspective dans le monde de l'immobilier avec cette
proposition de loi qui, définitivement adoptée, sera accueillie favorablement
par ceux à qui elle est destinée. Une lacune devait être comblée. Les
professionnels de l'immobilier ont déjà exprimé leur satisfaction. S'agissant
des futurs acquéreurs de lots de copropriété, le dispositif prévu assurera la
protection de leur transaction immobilière.
Créant un nouvel état d'esprit, cette proposition de loi s'inscrit dans le
cadre de la protection du consommateur et complète les réglementations déjà en
vigueur.
A ce titre, il est significatif de rappeler les propos que M. Jean-Luc
Warsmann, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur ce
texte, tenait le 18 avril dernier : « Aujourd'hui, le consommateur est informé
et protégé dans de multiples situations de la vie quotidienne. Il sait quelle
est la composition du tissu du vêtement qu'il achète. Il connaît la contenance
de la bouteille de vin qu'il achète. Mais il ne peut pas être assuré de la
surface du bien immobilier qu'il convoite. »
Cette proposition de loi correspond donc au désir de beaucoup de Français
d'accéder à la propriété. Notons que, en 1992, la part des ménages
propriétaires de leur résidence principale atteignait 54 %.
Psychologiquement, devenir propriétaire de son habitation principale est
souvent synonyme de promotion sociale, surtout pour des ménages disposant de
revenus moyens. Sur ce plan, être propriétaire rassure et sécurise, surtout
pour le long terme.
Il n'est pas inutile de rappeler que le marché immobilier est orienté vers
l'ancien.
« En 1995, 31,8 % des accédants à la propriété ont réalisé une opération dans
le neuf et 62,2 % dans l'ancien. Au début des années quatre-vingt, la
répartition entre les deux marchés était encore égale, alors que au milieu des
années soixante les ménages accédaient deux fois plus souvent dans le neuf que
dans l'ancien. » Il s'agit là des propos de M. Michel Mouillart dans un article
intitulé « L'accession à la propriété depuis 1945 » et paru dans la revue
Regards sur l'actualité
.
Cette évolution est également le reflet de la conjoncture maussade qui affecte
le marché immobilier : la baisse des prix favorise les transactions dans
l'ancien. Une note d'information diffusée le 1er février 1996 par la Chambre
des notaires de Paris, sur la conjoncture immobilière à Paris et dans sa
région, conclut : « 1995 aura donc constitué une année noire pour l'immobilier,
effaçant totalement le sursaut de 1994 et s'inscrivant comme un nouveau creux
historique en termes de volumes de transaction. »
On sait que les difficultés de métrage des surfaces se rencontrent plus dans
l'ancien que dans le neuf. Il suffit de se reporter aux annonces qui,
lorsqu'elles précisent la superficie d'un bien à vendre, désignent souvent
celle-ci de façon approximative.
Autre souci, celui qui concerne la nécessaire transparence en matière de
transaction immobilière. Il est normal de fournir à un futur acquéreur un plan
et une superficie réels. Les professionnels de l'immobilier le souhaitent, et
nombre d'entre eux remesurent les appartements et établissent des plans non
contractuels.
Cette proposition de loi vise la protection des seuls acquéreurs de lots de
copropriété. Cela concerne 20 % du parc immobilier, soit environ 5 millions
d'appartements.
Quel est l'aspect juridique de cette proposition de loi ? En l'état actuel du
droit, les problèmes liés à la conformité quant à la contenance de la chose
vendue sont réglés par les articles 1614 à 1623 du code civil.
Les articles 1617 et 1618 du code civil règlent le cas des ventes « à tant la
mesure » portant sur un immeuble déterminé, dont la contenance et un prix total
sont précisés au contrat. Dans ce type de vente, le vendeur est obligé de
délivrer à l'acquéreur les quantités indiquées au contrat.
Les articles 1619 et 1620 du code civil visent les ventes portant sur un
immeuble déterminé avec indication de la contenance moyennant un prix total
fixé par le contrat, mais non « à tant la mesure ».
L'article 1621 du code civil prévoit qu'en cas de désistement le vendeur
restitue à l'acquéreur le prix de la vente et les frais y afférents.
L'article 1622 du code civil organise pour le vendeur l'action en supplément
du prix et pour l'acquéreur l'action en diminution du prix ou en résiliation de
la vente. Ces actions doivent être intentées dans l'année, à compter du jour de
la constatation de la vente.
L'agencement des articles dans le code civil correspond à une logique
déterminée. Dans une vente « à tant la mesure », la contenance est un élément
principal du contrat. Il est donc normal que le vendeur soit contraint de
délivrer à l'acquéreur la contenance indiquée dans le contrat.
En revanche, dans le cas des articles 1619 et 1620, la contenance est un
élément secondaire. La mesure n'est pas donnée comme un élément de
détermination du prix ; elle permet juste de le vérifier.
C'est la raison pour laquelle une tolérance minime de 5 % est envisagée. Cette
tolérance est acceptable car elle porte une atteinte marginale aux intérêts des
parties.
C'est également la raison pour laquelle une clause de non-garantie est
autorisée au-delà d'une différence de un vingtième. De plus, une telle clause
vise à prévenir les contentieux sur la vente.
Aujourd'hui, particulièrement dans les grandes agglomérations, le nombre de
mètres carrés conditionne le prix de vente d'un bien immobilier. A Paris, par
exemple, il est courant de lire des cartes de la capitale découpée par
arrondissements auxquels est affecté un prix moyen au mètre carré ;
professionnels et particuliers s'y réfèrent pour affiner leurs estimations.
Or il est systématiquement fait recours à la clause de non-garantie de
contenance au profit du vendeur. Ce dernier considère que l'acquéreur, par ses
visites préalables, est suffisamment informé sur le bien qu'il acquiert et qui
forme, à ses yeux, « un corps certain et limité », comme le stipule l'article
1619 du code civil.
Dans ces conditions, il paraît légitime que de nombreux usagers souhaitent
connaître avec précision la superficie du bien vendu et réclament, sur ce
point, une garantie certaine.
Tel est l'objectif recherché par la proposition de loi de M. Carrez.
Il est significatif que la commission des clauses abusives se soit intéressée
à la question de l'indication et de la garantie de la contenance dans les
ventes immobilières. Le 21 mars 1986, elle adoptait, sur ce sujet, une
recommandation qui n'a toujours pas fait l'objet d'une publication. De l'aveu
des professionnels auditionnés, elle souhaitait voir disparaître cette clause
d'exonération de garantie.
En réponse au souhait de la commission des clauses abusives, les
professionnels directement intéressés - notaires et géomètres-experts - ont
élaboré une note conjointe le 28 juin 1989 afin de délimiter les effets pervers
susceptibles de survenir à l'occasion de la stipulation de cette clause.
Les critiques négatives que suscite la faculté de recourir à cette clause ont
motivé le groupe socialiste à déposer un amendement tendant à s'attaquer
directement à la clause de non-garantie de la contenance. Pour y parvenir, nous
proposons la suppression des mots : « s'il n'y a de stipulation contraire »
figurant
in fine
à l'article 1619 du code civil.
Ainsi, le problème que souhaite résoudre M. Carrez n'est pas nouveau puisqu'il
a été soulevé voilà une dizaine d'années. Il demeure d'une ardente actualité
pour ceux qui s'intéressent à cette question : les futurs acquéreurs, les
vendeurs, les notaires, les géomètres-experts et les agents immobiliers.
Quelle est la portée de la proposition de loi ?
J'aborderai tout d'abord la question de l'existence de dérogations aux règles
du code civil.
Des interrogations subsistent quant au champ d'application des nouvelles
règles.
Tout d'abord, il existe déjà des dérogations en la matière.
A propos de la vente d'immeubles à construire, des dispositions impératives
ont été instituées pour protéger et pour informer les futurs acquéreurs. Il
s'agit des articles L. 261-11 et R. 261-13 du code de la construction et de
l'habitation, qui prévoient que le contrat doit comporter des indications sur
la consistance devant résulter notamment des plans cotés et de l'indication des
surfaces de chacune des pièces et des dégagements.
Pour les ventes de cette nature, les plans et les indications de surface sont
donc fournis.
La protection des usagers, objectif assigné, entre autres, à cette proposition
de loi, impose de diffuser des informations précises et claires pour tout ce
qui concerne les conditions de la vente. Un amendement déposé par le groupe
socialiste reflète cette préoccupation puisqu'il vise à complèter l'article
1619 du code civil par les termes suivants : « Dans les autres cas et sans
préjudice de ceux où une loi particulière en dispose autrement ».
L'existence de cette dérogation fournit d'ailleurs un argument supplémentaire
à l'auteur de la proposition de loi. Etendre l'obligation de mentionner la
superficie aux lots de copropriété présente l'avantage d'harmoniser les
situations. Une différence de traitement en la matière est difficilement
justifiable.
J'en viens au second point : faut-il réviser le code civil ou compléter la loi
du 10 juillet 1965 ?
Au regard des objectifs que vise la proposition de loi, on ne comprend pas
pourquoi le législateur souhaite limiter sa portée aux seuls lots de
copropriété en insérant son dispositif dans la loi du 10 juillet 1965 fixant le
statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Le premier élan de M. Carrez, lorsqu'il a déposé son amendement à l'occasion
de l'examen du projet de loi relatif à l'habitat, le 27 juin 1994, consistait à
viser tout local à usage d'habitation en complétant l'article 1619 du code
civil.
M. Warsmann, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur
ce texte, s'est exprimé en ces termes : « On peut aisément faire valoir que la
protection de l'acquéreur poursuivie par la proposition de loi n'a qu'un
rapport lointain avec la copropriété et son administration... Il serait dans
ces conditions plus judicieux d'intégrer ces nouvelles règles dans le code
civil. Si la logique milite en faveur de ce rattachement audit code,
l'imbrication de ces dispositions doit cependant tenir compte des contraintes
posées par ses articles 1617 à 1623 ».
Le 29 juin 1994, lors de l'examen en commission mixte paritaire des
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'habitat, M.
Jacques Larché, président de la commission des lois « s'est notamment interrogé
sur l'opportunité de prévoir au sein du code civil des propositions spécifiques
aux immeubles gérés en copropriété ».
Dans quel texte convient-il d'insérer la proposition de loi : dans l'article
1619 du code civil ou dans la loi du 10 juillet 1965 ? La question est
posée.
S'il paraît légitime de protéger l'acquéreur d'un logement, un commerçant ou
celui qui s'installe pour exercer une profession libérale, pourquoi en écarter
d'office les acquéreurs de maison individuelle et de biens fonciers non bâtis
?
L'argumentation développée pour ne viser que les lots de copropriété est
facilement réversible.
Enfin, on a du mal à percevoir le risque de déstabilisation sur les plans
juridique et pratique qu'une telle révision d'un article du code civil peut
engendrer.
En réalité, il semble que la réponse déterminant le champ d'application de ces
nouvelles obligations relève d'une simple question d'opportunité.
Déjà, à l'Assemblée nationale, le rapporteur, M. Warsmann, exprimait un doute
sur l'option choisie : « Peut-être conviendra-t-il de se reposer la question
dans quelques années, au regard de l'application du texte que nous allons voter
», affirmait-il le 18 avril 1996.
La question de l'introduction ou non de ces dispositions dans le code civil
est donc bien posée aujourd'hui.
L'approbation de cette proposition de loi ne nous dispensera pas de formuler
quelques remarques et réserves.
Tout d'abord, les rapports locatifs n'entrent pas dans le champ d'application
de cette proposition de loi. Or, nous savons tous que le prix d'une location
est aussi fonction de la superficie annoncée par le propriétaire.
En outre, comment établir la compensation financière en cas d'erreur ?
De surcroît, un prix donné au mètre carré ne semble pas souhaitable. Plusieurs
éléments entrent dans le calcul du prix : l'emplacement, la vue, l'état
d'entretien de l'immeuble et de l'appartement, l'étage, l'ensoleillement,
l'environnement. Le prix n'est pas standard pour un même quartier, ni pour une
même rue, ni dans un même immeuble.
A vouloir employer des correctifs pour tenir compte de toutes ces données, on
risque de retomber dans les méandres des surfaces corrigées instituées par la
loi de 1948.
Il est nécessaire d'établir des plans et de les donner aux clients. Il ne faut
néanmoins pas pour autant que, en cas d'erreur, les compensations financières
aboutissent à un prix standard au mètre carré.
En dépit de ces remarques et réserves, le groupe socialiste votera cette
proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er