M. le président. Par amendement n° 11, MM. Allouche et Dreyfus-Schmidt, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 1619 du code civil est ainsi rédigé :
« Dans les autres cas et sans préjudice de ceux où une loi particulière en dispose autrement ; »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Cet amendement a pour objet de faire référence, au sein de l'article 1619 du code civil, aux dispositions de la présente proposition de loi qui y dérogent, comme le font déjà les articles L. 261-11 et R. 261-13 du code de la construction et de l'habitation.
L'article 1619 du code civil envisage des cas où la contenance n'est pas indiquée dans les actes de vente. Or, pour la vente d'immeubles à construire, la mention de la superficie est obligatoire et, grâce à cette proposition de loi, tel sera aussi le cas pour les lots de copropriété. Il est donc souhaitable de procéder à cette information dans le code civil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Blaizot, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable. L'ajout proposé au premier alinéa de l'article 1619 paraît tout à fait inutile. Comme chacun le sait, la loi particulière l'emporte sur la loi générale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Regardant tout à l'heure la statue de Portalis, je craignais qu'elle ne tombe sur la tête de ceux qui s'exprimaient.
M. le président. Elle tomberait d'abord sur la mienne ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bref, j'invoque les mânes de Portalis, car, quand on nous dit qu'on ne touche pas au code civil, ce qui sous-entend que celui-ci a un caractère sacré, tel n'est pas mon avis.
Mais au moins, au nom des praticiens, je demande que, lorsqu'on modifie le code civil par une loi particulière, on le dise dans le code civil, qui prétend régler tous les cas.
Le code civil était d'une logique absolue. En matière de contrats, on le sait bien, il respectait la liberté des parties, les conventions légalement faites tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En la matière, c'est-à-dire en matière de vente, il prévoyait - cela a été excellemment rappelé par Guy Allouche - dans les articles 1617, 1618 et 1619, les cas où la contenance est indiquée et les cas où elle ne l'est pas.
Autrement dit, en tout état de cause, les parties avaient le droit d'indiquer la contenance. Elles s'exposaient alors à une action si la contenance indiquée était inexacte de plus d'un vingtième, alors qu'il y avait nullité et rescision à partir des sept douzièmes. Tout le monde savait cela ; le système était parfaitement logique.
Puis il y avait l'autre cas, celui où la contenance n'était pas indiquée. Et voilà que l'on porte atteinte à ce système avec cette loi particulière pour les lots en copropriété. Pourquoi ? Personnellement, je dois dire que je n'étais pas du tout convaincu ; en effet, on peut très bien mesurer un appartement avant de l'acheter pour se faire une idée si l'on veut vraiment connaître le nombre de mètres carrés, encore que, comme l'a dit aussi excellemment Guy Allouche, il n'y ait pas que cela qui compte.
Mais admettons que l'on porte atteinte de cette manière à la règle générale du code civil ! Pourquoi, dès lors, ne pas le dire dans le code civil, de manière que celui qui s'y réfère ait son attention attirée sur le fait qu'il y a dorénavant des exceptions ?
Il y en avait d'ailleurs déjà une, comme l'a souligné l'auteur même de la proposition de loi en rappelant que la mention de la surface habitable dans les actes de vente est aujourd'hui obligatoire pour la vente d'un immeuble à construire. En l'espèce, cela paraît normal, car on ne sait pas ce que sera l'immeuble à construire ; il faut de l'imagination ; que l'on prenne des précautions est donc bien compréhensible.
Je rappelle que le début de l'article 1617 du code civil se lit comme suit : « Si la vente d'un immeuble a été faite avec indication de la contenance... ».
Quant au début de l'article 1618, il est ainsi conçu : « Si, au contraire, dans le cas de l'article précédent, il se trouve une contenance plus grande que celle exprimée au contrat,... ». Même hypothèse : la contenance est indiquée.
Enfin, l'article 1619 commence par ces mots : « Dans tous les autres cas,... ». On ne peut donc pas se rendre compte, à sa lecture, qu'il existe des lois particulières puisque le code civil prétend régler « tous les cas ».
Telle est la raison d'être de notre amendement.
Je rappelle que, dans l'article 1304 du code civil, qui traite du délai de l'action en nullité, fixé à cinq ans, il a été précisé, en 1968, par la loi n° 68-5 : « Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ».
Ainsi, celui qui cherche la règle générale dans le code civil la trouve, avec cette indication qu'il y a des lois particulières qui dérogent au grand principe posé par ce même code. Nous ne demandons rien d'autre, en l'espèce.
Si ceux qui nous disent qu'il ne faut pas toucher au code civil veulent vraiment qu'il en soit ainsi, qu'ils s'abstiennent de voter le texte qui nous est proposé, car, lui précisément, touche profondément au code civil.
M. Guy Allouche. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 12, MM. Allouche et Dreyfus-Schmidt, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du dernier alinéa de l'article 1619 du code civil, les mots "s'il n'y a stipulation contraire" sont supprimés. »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Le code civil précise actuellement qu'il n'y a lieu à diminution ou augmentation de prix pour le vendeur ou pour l'acquéreur pour moindre mesure, qu'autant que la différence de la mesure réelle à celle qui est exprimée au contrat est d'un vingtième en plus ou moins, eu égard à la valeur de la totalité des objets vendus, sauf stipulation contraire.
L'objet de notre amendement est de supprimer la possibilité d'une stipulation contraire.
Cela permettra, pour l'ensemble des ventes d'immeubles, d'exercer un recours devant les tribunaux sans avoir le moyen de s'exonérer de sa responsabilité par une clause contraire.
Il s'agit d'une solution intermédiaire entre celle qui est retenue par la proposition de loi et l'extension à tous les locaux constituant des dépendances de l'obligation de mentionner la superficie exacte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Blaizot, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable pour plusieurs raisons.
Ce n'est pas que nous ayons, comme le craignait M. Dreyfus-Schmidt, « un respect religieux absolu du code civil » !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au contraire !
M. François Blaizot, rapporteur. Mais nous pensons que seule une raison profonde justifie de modifier le code civil. Je suis persuadé que Portalis aurait partagé cet avis !
En l'occurrence, il n'y a aucune raison importante de modifier le code puisque cette proposition de loi prend en compte toutes les circonstances et permet de régler parfaitement les problèmes qui peuvent se poser.
Il serait très lourd d'apporter à l'article 1619 du code civil la modification que proposent les auteurs de l'amendement n° 12. Celle-ci introduirait dans la pratique notariale une situation nouvelle et révolutionnaire qui ne se justifie pas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ces mots, « s'il n'y a stipulation contraire », figurant à la fin de l'article 1619 du code civil, ont amené la pratique notariale - et Portalis s'en serait certainement scandalisé - à inscrire dans tous les actes que, même si une erreur dépassant le vingtième est commise, aucun recours n'est possible.
Cette petite clause, le malheureux acheteur ne la lit que lorsqu'il s'est rendu compte que la contenance est bien moindre que celle qui est indiquée dans le contrat. C'est particulièrement vrai en matière de terrain non bâti car il est souvent beaucoup plus difficile que pour un logement d'en vérifier la superficie.
Mes chers collègues, profitons de l'occasion qui nous est offerte par la discussion d'un texte visant à protéger les acquéreurs pour empêcher une pratique d'une telle mauvaise foi. Avec une telle mention, souvent il n'existe plus aucune sanction possible, même lorsque la contenance indiquée est profondément erronée, et ce en vertu du code civil !
Je ne vois pas très bien pourquoi la commission s'oppose à cette modification, et je me permets d'insister auprès de vous, pour que, fidèles à l'esprit même de la proposition de loi, vous supprimiez ces quelques mots à la fin de l'article 1619 du code civil.
M. François Blaizot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot, rapporteur. Je vais donner quelques explications complémentaires à M. Dreyfus-Schmidt.
Tout d'abord, le Parlement s'est déjà prononcé sur ce point lors de la discussion de la loi relative à l'habitat. A cette occasion, cette demande de modification de l'article 1619 du code civil avait été repoussée, aussi bien par l'Assemblée nationale que par le Sénat.
Il existe donc un précédent, sur lequel il n'y aurait de raison de revenir que s'il y avait un élément nouveau, ce qui n'est pas le cas.
Ensuite la clause qui termine l'article 1619 du code civil n'est pas aussi draconienne que M. Dreyfus-Schmidt a bien voulu le dire. Certes, le majorité des notaires introduisent dans les actes qu'ils rédigent une mention excluant l'application de l'article 1619 du code civil, mais personne n'est obligé de l'accepter.
Les parties signent l'acte ou ne le signent pas. Si elles ne veulent pas de cette dérogation, elle ne leur sera imposée par personne.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 2