SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Questions orales
(p.
1
).
M. le président.
GESTION DES ÉQUIPEMENTS SPORTIFS
APPARTENANT AUX COMMUNES (p.
2
)
Question de M. André Vallet. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; André Vallet.
FORMATION ET DÉBOUCHÉS PROFESSIONNELS
DES ÉTUDIANTS INSCRITS DANS LA FILIÈRE SPORTIVE
DE L'UNIVERSITÉ BORDEAUX-II (p.
3
)
Question de M. Philippe Madrelle. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Philippe Madrelle.
SITUATION DES MAÎTRES AUXILIAIRES (p. 4 )
Question de Mme Nicole Borvo. - M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la
recherche ; Mme Nicole Borvo.
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
ABSENCE DE LIBERTÉ DE CHOIX EN MATIÈRE DE MUTUELLES
POUR LES TITULAIRES DE CONTRATS
À DURÉE DÉTERMINÉE (p.
5
)
Question de M. Nicolas About. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Nicolas About.
RÉGIME SOCIAL DES TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS (p. 6 )
Question de M. Philippe Richert. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Philippe Richert.
SITUATION DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS (p. 7 )
Question de M. Georges Mouly. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Georges Mouly.
APPLICATION DE LA CONVENTION RELATIVE
AUX DROITS DE L'ENFANT (p.
8
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; Marie-Claude Beaudeau.
TRAVAIL À TEMPS PARTIEL D'UN DIRECTEUR
DE MAISON DE RETRAITE D'ÉTABLISSEMENT PUBLIC (p.
9
)
Question de M. André Rouvière. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. André Rouvière.
CONSÉQUENCES DE L'ARRÊTÉ ACCORDANT L'APPELLATION
DE « COQUILLE SAINT-JACQUES » AUX PÉTONCLES (p.
10
)
Question de M. Henri Weber. - MM. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ; Henri Weber.
FINANCEMENT DU FONDS NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT
DES ADDUCTIONS D'EAU (p.
11
)
Question de M. Germain Authié. - MM. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ; Germain Authié.
CONTRÔLE PAR LES MAIRES
DU RESPECT DE LA RÉGLEMENTATION SUR L'UTILISATION
DES SALLES POLYVALENTES (p.
12
)
Question de M. Charles Descours. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. CharlesDescours.
NON-RESPECT PAR UNE SOCIÉTÉ D'H.L.M.
DE LA RÉGLEMENTATION ÉLABORÉE
PAR LE COMITÉ NATIONAL DES BÂTISSEURS SOCIAUX (p.
13
)
Question de M. Guy Allouche. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Guy Allouche.
POLITIQUE DU GOUVERNEMENT À L'ÉGARD DE CHYPRE (p. 14 )
Question de M. André Rouvière. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. André Rouvière.
RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT ET DE LA SOCIÉTÉ LORMINES
FACE À L'ARRÊT DE POMPAGE DES EAUX D'EXHAURES (p.
15
)
Question de Mme Gisèle Printz. - Mmes Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; Gisèle Printz.
Suspension et reprise de la séance (p. 16 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
3.
Conférence des présidents
(p.
17
).
4.
Désignation d'un sénateur en mission
(p.
18
).
5.
Financement de la sécurité sociale pour 1997.
- Discussion d'un projet de loi (p.
19
).
Discussion générale : MM. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires
sociales ; Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité
sociale.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie ; Jacques Machet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse ; Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales ; François Autain, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis.
Suspension et reprise de la séance (p. 20 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
MM. Guy Cabanel, Bernard Seillier, Jean-Louis Lorrain, Dominique Leclerc,
Jean-Luc Mélenchon, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. François Lesein, Claude
Huriet, Jean Chérioux, René Régnault, Daniel Hoeffel, Alain Pluchet, Alain
Richard, Philippe Arnaud, Henri Belcour, Guy Robert.
Renvoi de la suite de la discussion.
6.
Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire
(p.
21
).
7.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
22
).
8.
Dépôt d'un rapport
(p.
23
).
9.
Dépôt de rapports d'information
(p.
24
).
10.
Ordre du jour
(p.
25
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
QUESTIONS ORALES
M. le président.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 470 de M. Gérard Delfau
est retirée de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui, à la demande de son
auteur.
Par ailleurs, j'informe le Sénat que, à la demande du Gouvernement et en
accord avec les auteurs, l'ordre d'appel des questions orales sans débat
inscrites à l'ordre du jour de ce matin est le suivant : n° 481 de M. Vallet,
n° 483 de M. Madrelle, n° 480 de Mme Borvo, n° 440 de M. About, n° 476 de M.
Richert, n° 473 de M. Mouly, n° 469 de Mme Beaudeau, n° 448 de M. Rouvière, n°
472 de M. Weber, n° 479 de M. Authié, n° 482 de M. Descours, n° 478 de M.
Allouche, n° 449 de M. Rouvière et n° 474 de Mme Printz.
GESTION DES ÉQUIPEMENTS SPORTIFS
APPARTENANT AUX COMMUNES
M. le président.
M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale,
de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le statut des équipements
sportifs à usage des publics scolaires - collèges ou lycées - et notamment sur
la prise en charge financière des équipements sportifs appartenant aux
communes.
L'éducation physique et sportive est une discipline d'enseignement à part
entière, nécessitant à ce titre des installations adaptées, mais la prise en
charge, la gestion et le financement de ces équipements restent très
inégalitaires.
En effet, quand cet enseignement est dispensé par des collèges ou des lycées -
relevant des régions ou des départements - sur des installations communales, le
coût de l'entretien, des réparations et des aménagements des équipements
sportifs est aujourd'hui entièrement supporté par les communes, alors que leur
utilisation est partagée.
Cependant, en dépit de la circulaire de mars 1992 qui invite au
conventionnement entre les collectivités territoriales, et en dépit d'un arrêt
du Conseil d'Etat du 10 janvier 1994 qui précise que départements et régions
doivent participer au fonctionnement des équipements sportifs, beaucoup de
communes, largement dépendantes des subventions des régions et départements,
hésitent à réclamer cette participation.
Une intervention du législateur serait sans doute de nature à apporter une
salutaire clarification quant à la gestion des équipements sportifs, notamment
pour les communes qui en ont la charge, ainsi que pour les institutions qui
participent à leur financement.
Il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre afin de
préciser les devoirs de chacune des collectivités concernées par l'utilisation
des équipements sportifs appartenant aux communes. (N° 481.)
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur un sujet qui est bien
connu des élus locaux et sur lequel, depuis plus de dix ans, les parlementaires
interrogent régulièrement le Gouvernement : l'utilisation par les lycées et les
collèges des installations sportives communales.
Certes, en période d'abondance, de prospérité économique, quand l'Etat
apportait aux communes un soutien financier relativement important, cette
situation était ressentie de manière moins aiguë qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Mais, aujourd'hui, un sou est un sou et nous sommes obligés de tenir compte des
désengagements que nous avons constatés dans nos budgets, désengagements qui
sont surtout le fait de l'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous connaissez ce dossier et vous savez
parfaitement que l'origine des difficultés est à chercher dans les silences,
autant dire les carences des lois de décentralisation de 1982 et 1983.
L'éducation physique et sportive est, de par la loi, une discipline
d'enseignement à part entière et exige des installations adaptées. Quand cet
enseignement est dispensé dans les lycées et collèges - relevant donc
respectivement des régions et des départements - sur des installations
communales, le coût de l'entretien, des réparations, des aménagements est
aujourd'hui supporté exclusivement par les communes, alors que leur utilisation
est de fait partagée, sans parler de l'investissement.
Cette situation est source de tensions dans les communes, malgré la circulaire
de mars 1992 qui, voeu pieux, incite au conventionnement entre les
collectivités territoriales et malgré la jurisprudence tout à fait claire du
Conseil d'Etat qui, dans un arrêt du 10 janvier 1994, a précisé que
départements et régions doivent participer au fonctionnement des équipements
sportifs.
En réalité, cette jurisprudence suppose que s'institue un bras de fer
juridique que beaucoup de communes, largement dépendantes des subventions des
régions et départements, n'osent pas engager. Chacun le sait, la dépendance
économique ne fait pas bon ménage avec la revendication de droits, aussi
légitimes qu'on puisse les estimer.
La balle est aujourd'hui dans le camp du législateur, et plus précisément dans
celui du Gouvernement, qui ne peut, tous mes collègues maires en conviendront
avec moi, laisser cette situation en l'état.
Les difficultés provenant du silence et des carences de la loi, les solutions
doivent être avancées par la loi elle-même.
Je précise que les conditions économiques et les nécessités de limitation des
dépenses budgétaires modifient complètement l'approche que nous devons avoir
sur ce dossier.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des réflexions et des
propositions que vous voudrez bien communiquer à notre assemblée sur ce
sujet.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert,
secrétaire d'Etat à la recherche.
Monsieur le sénateur, vous évoquez là
un problème qui préoccupe effectivement de nombreux élus locaux.
Les départements et les régions ont, en vertu de la loi du 22 juillet 1983, la
charge respective des collèges et des lycées, en ce qui concerne la
construction, l'entretien et le fonctionnement des locaux et installations.
C'est aux mêmes collectivités territoriales, dites de rattachement, qu'il
incombe de couvrir les dépenses de maintenance et de fonctionnement des
infrastructures et des équipements sportifs, en tant qu'ils sont consacrés à
l'enseignement obligatoire d'éducation physique.
Dans la plupart des cas, les établissements scolaires ne disposent pas
d'installations sportives propres. Ils sont donc très souvent conduits, pour
assurer les enseignements en cause, à utiliser des équipements mis en place par
les communes.
En pareille hypothèse, il revient clairement à la collectivité territoriale de
rattachement, département ou région, sur la base de l'article 14 de la loi du
22 juillet 1983, de contribuer financièrement à l'entretien et au
fonctionnement des installations communales ainsi utilisées, au prorata du
temps de fréquentation par le public scolaire, dans le cadre des horaires
d'enseignement. Cette question relève de conventions à négocier et à conclure
au cas par cas.
Une circulaire interministérielle du 9 mars 1992 a donné des indications en ce
sens. Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 10 janvier 1994, en a confirmé la
validité.
Je comprends vos préoccupations mais il n'apparaît pas souhaitable, à ce
stade, d'introduire, par une disposition législative nouvelle, un élément de
rigidité dans une matière qui, par nature, appelle une grande diversité dans
les solutions concrètes qui peuvent être trouvées, de manière qu'elles soient
adaptées aux conditions locales.
Le recours à la voie conventionnelle par les collectivités territoriales
concernées paraît, dès lors, la solution la plus adéquate, la mieux à même de
prendre en compte les spécificités des situation locales et de garantir un
nécessaire équilibre entre le rôle dévolu en la matière à chaque
collectivité.
Au demeurant, les communes confrontées à d'éventuelles difficultés peuvent se
prévaloir, vis-à-vis des départements et des régions, de la jurisprudence du
Conseil d'Etat et de la circulaire du 9 mars 1992.
M. André Vallet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le comprendrez, je ne puis être
complètement satisfait de votre réponse.
En effet, la règle que vous venez d'évoquer n'est pas appliquée. Ainsi, dans
le département des Bouches-du-Rhône, il n'existe aucune convention de cette
sorte, et ni le département ni la région ne semblent souhaiter en passer.
Cela signifie que la commune de 36 000 habitants dont je suis le maire doit
supporter une dépense que nous avons chiffrée à 2 millions de francs, au profit
des départements et des régions.
Comment peut-on contraindre les départements et les régions à signer avec les
communes des conventions sur ce sujet ? Peut-être une loi n'y suffirait-elle
pas. Mais il faudrait alors que le Gouvernement, par des instructions, rappelle
aux départements et aux régions leurs obligations en la matière.
FORMATION ET DÉBOUCHÉS PROFESSIONNELS
DES ÉTUDIANTS INSCRITS DANS LA FILIÈRE SPORTIVE
DE L'UNIVERSITÉ BORDEAUX-II
M. le président.
M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le caractère
injuste et absurde de la méthode de sélection mise en place par le département
du sport de l'université Bordeaux-II. Devant le très grand nombre d'étudiants
souhaitant s'inscrire en première année de STAPS - sciences, techniques et
activités physiques et sportives - l'université a procédé au recrutement par
minitel. Ce n'est pas le meilleur test d'aptitude à la filière sportive ! 235
étudiants bacheliers ont été inscrits l'an dernier à Bordeaux-II et 350
viennent d'être accueillis dans le hall de l'université, faute de locaux. Face
au succès de cette filière sportive et au non-sens du système de sélection
choisi, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte
prendre afin d'assurer une formation correcte et des débouchés professionnels
aux étudiants concernés. (N° 483.)
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
vous me permettrez de me faire, ce matin, le porte-parole des trop nombreux
étudiants bacheliers qui n'ont pu s'inscrire lors de la dernière rentrée, en
première année de sciences, techniques et activités physiques et sportives de
l'université Bordeaux-II.
La dernière rentrée universitaire a été caractérisée, en effet, par un vif
engouement des étudiants pour cette filière sportive, engouement qui ne fait
d'ailleurs que traduire l'attrait qu'exerce le sport dans notre société.
Il se trouve qu'on a imaginé et mis en place une méthode de sélection que l'on
pourrait qualifier d'ubuesque : la sélection par minitel, qui a consisté à
enregistrer les candidatures par ordre d'arrivée de minitel jusqu'à la 150e,
des centaines d'autres n'étant pas prises en compte, sans considération de
motivation ni d'aptitudes sportives. De trop nombreux candidats ont été recalés
faute de pouvoir se connecter à temps. Opérationnel un lundi matin à neuf
heures, à neuf heures cinq, le système était bloqué !
Une telle inégalité de traitement ne peut que déboucher sur des situations
injustes, arbitraires et pénalisantes, brisant l'espoir et les motivations de
nombreux jeunes aspirant à embrasser une carrière d'enseignant !
M. le ministre de l'éducation nationale a lui-même qualifié cette procédure
d'« absurde », de « scandaleuse », estimant qu'elle « porte atteinte aux
valeurs universitaires ».
Cette méthode d'inscription est à l'origine de très nombreux recours
individuels déposés par des étudiants déçus. C'est ainsi que le tribunal
administratif de Bordeaux a annulé trente-deux refus d'inscription à la faculté
de sport de Bordeaux-II.
Au-delà du choix de cette méthode de sélection, se posent plusieurs problèmes
: manque de locaux, capacités d'accueil insuffisantes de cette filière et
faiblesse des débouchés, limités à l'enseignement. A Bordeaux, cette année, sur
les 1 200 bacheliers, environ, qui avaient opté pour cette filière, 370 ont été
accueillis dans un hall, faute d'amphithéâtre adapté. Depuis, c'est une salle
de spectacle, à Léognan, qui accueille les étudiants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous conviendrez que se pose un véritable
problème de conditions d'études et de débouchés.
A Bordeaux, faute de locaux, les cours ne peuvent être assurés. Les
enseignants sont à la recherche de terrains et de salles. Les cours ne pouvant
pas être correctement dispensés, on peut s'interroger sur la valeur du
diplôme.
Que compte faire M. le ministre de l'éducation nationale pour répondre à
l'attente légitime de tous ces étudiants malchanceux ? Il y va du devoir de
l'Etat !
Certes, l'augmentation des capacités d'accueil constitue une amorce de
réponse, mais elle ne règle en rien la question des débouchés de cette filière
sportive. On pourrait imaginer de nouvelles formations liées à l'animation
physique et sportive. En tant que responsable d'une collectivité locale, je
sais que nous devons faire face à une forte demande dans ce secteur de
l'animation.
Pourriez-vous nous indiquer quels moyens M. le ministre de l'éducation
nationale compte mettre en oeuvre pour que tous ces jeunes motivés par la
mission d'enseigner ne soient plus sacrifiés ?
Sans trahir l'esprit de la réforme de 1984, il paraît opportun d'envisager un
aménagement du recrutement dans ces unités de formation et de recherche, afin
d'imaginer des critères de sélection qui éviteraient qu'on ne retombe dans les
graves dysfonctionnements dont viennent d'être victimes de nombreux
étudiants.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert,
secrétaire d'Etat à la recherche.
Monsieur le sénateur, le système
absurde que vous dénoncez a été imposé par la jurisprudence administrative. En
effet, les procédures d'inscription par minitel ont été imposées aux
universités par les jugements rendus par les tribunaux administratifs, qui
obligent à ne retenir que l'ordre chronologique des inscriptions.
François Bayrou tient à le réaffirmer par mon intermédiaire devant la
représentation nationale : ce système est aussi absurde qu'injuste, et il est
déterminé à ne pas laisser cette situation perdurer.
Le Gouvernement a rappelé son opposition à l'instauration d'une sélection à
l'entrée de l'université. Il n'est pas possible de priver un bachelier du droit
de tenter sa chance dans l'enseignement supérieur.
Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche a donc pris un certain nombre de mesures immédiates pour accueillir
les étudiants dans les filières STAPS : le nombre de places offertes a triplé
en deux ans.
De nouvelles sections ont été ouvertes pour accueillir un plus grand nombre
d'étudiants. Ainsi, plus de 10 000 étudiants ont pu être inscrits en première
année en 1996 contre 7 000 l'an dernier, grâce à la mise en place de moyens, à
savoir 93 enseignants, 12 IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens,
ouvriers de service - et 7 400 000 francs de crédits.
Dans l'académie de Bordeaux, les capacités d'accueil sont passées de 150 à 334
places avec la création, à Tarbes, de capacités d'accueil de 84 étudiants.
Au-delà de ces mesures immédiates qui ont permis d'accueillir toutes les
candidatures, François Bayrou a engagé la réforme universitaire pour répondre
notamment à ce défi.
La réorganisation des études universitaires qui sera mise en place, dès la
rentrée 1997, dans le cadre de la réforme de l'université, permettra
d'améliorer substantiellement le dispositif, grâce, notamment, au renforcement
de l'information précoce dans les lycées, à l'instauration d'un semestre
initial d'orientation pour tous les étudiants et à un développement des
passerelles entre les filières.
De nouveaux systèmes pourront être mis en place, et les procédures absurdes
d'inscription vont donc disparaître.
M. François Bayrou est, en outre, déterminé à se rapprocher du ministre
délégué à la jeunesse et aux sports pour réfléchir aux débouchés qui pourraient
être offerts aux étudiants des filières STAPS. Il existe en effet une forte
demande sociale dans ce domaine, et l'avenir verra sans doute, comme vous
l'avez indiqué, monsieur le sénateur, naître de nouveaux métiers.
M. Philippe Madrelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous pouvons
nous donner rendez-vous dans un an. Il faut, et vous l'avez souligné, que les
formations mènent à des débouchés, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Pourtant, les élus locaux que nous sommes sont conscients de la nécessité de
recruter des animateurs sportifs. Mais, hélas ! Les crédits nous manquent, et
c'est là que l'Etat doit jouer son rôle.
SITUATION DES MAÎTRES AUXILIAIRES
M. le président.
Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation des
maîtres auxiliaires.
Alors que les classes sont surchargées et que l'enseignement se détériore, on
oblige les titulaires à faire des heures supplémentaires et on licencie sans
préavis, avec toutes les conséquences économiques et humaines que l'on peut
imaginer, des non-titulaires exploités pendant plusieurs années comme
bouche-trous.
Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour
transformer un tiers des 800 000 heures supplémentaires en emplois stables et
qualifiés, garantissant ainsi le réemploi immédiat des maîtres auxiliaires et,
à terme, leur titularisation, ainsi qu'une création de postes en nombre
suffisant pour pourvoir aux besoins croissants de l'éducation nationale. (N°
480.)
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez-moi tout d'abord de saluer le succès des « reçus-collés ». Après une
action de plus de deux mois, les 800 candidats professeurs reçus sur liste
complémentaire au CAPES ont été rétablis dans leurs droits en obtenant une
nomination dans les conditions en vigueur les années précédentes.
Cette action, je le souligne au passage, a permis de mettre en échec une
décision qui aurait constitué une première application du plan gouvernemental
de suppression de postes dans la fonction publique. Les maîtres auxiliaires
sont victimes de la même logique de suppression d'emplois.
Alors que ces enseignants ont exercé, pendant des années, dans des conditions
difficiles, leur métier, 11 000 d'entre eux se retrouvent aujourd'hui au
chômage. Les conséquences économiques et psychologiques de cette situation pour
ces hommes et ces femmes sont catastrophiques.
Contrairement aux idées reçues, de nombreux maîtres auxiliaires exercent leurs
fonctions depuis longtemps et sont chargés de famille. L'un d'entre eux m'a
confié qu'il n'osait pas sortir de chez lui de crainte de rencontrer ses élèves
et qu'il avait honte d'être au chômage.
Cette situation est d'autant plus insupportable que les classes sont
surchargées, que les conditions d'enseignement se détériorent et que de
nombreux titulaires sont obligés d'effectuer des heures supplémentaires.
Lors de la discussion du projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction
publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, le groupe communiste
républicain et citoyen avait présenté des propositions concernant les maîtres
auxiliaires et d'autres personnels précaires de la fonction publique que ni le
Gouvernement ni la majorité n'ont voulu prendre en compte.
En dépit de quelques améliorations relatives à l'organisation des concours
réservés, la question des moyens mis en oeuvre en faveur d'une éducation
nationale à la hauteur des besoins reste posée.
Allez-vous continuer, monsieur le secrétaire d'Etat, à imposer le temps
partiel et à ne pas le comptabiliser comme un temps complet au titre de
l'ancienneté requise pour passer les concours internes et réservés ?
Continuerez-vous à obliger les titulaires à effectuer des heures
supplémentaires et à empêcher ainsi la titularisation de milliers d'auxiliaires
qui ont déjà des années d'expérience professionnelle ?
Pour toutes ces raisons, je vous demande ce que vous comptez faire pour
transformer au moins un tiers des 800 000 heures supplémentaires en emplois
stables et qualifiés, garantissant le réemploi immédiat des maîtres auxiliaires
et, à terme, leur titularisation, ainsi qu'une création de postes en nombre
suffisant pour pourvoir aux besoins croissant de l'éducation nationale.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert,
secrétaire d'Etat à la recherche.
Madame le sénateur, je tiens tout
d'abord à rappeler que M. François Bayrou a été le premier des ministres de
l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à avoir
engagé une politique de transformation des heures supplémentaires en
emplois.
Ainsi, depuis 1994, 22 770 heures supplémentaires-année ont été transformées
en 1 150 emplois dans le cadre des différentes lois de finances. Cette
politique, je tiens à le préciser, sera poursuivie.
Dès juillet 1993, M. François Bayrou a signé un protocole d'accord pour la
résorption de l'auxiliariat. Des dispositions ont été prises pour permettre aux
maîtres auxiliaires de se présenter à des concours spécifiques. Chaque année, 4
000 d'entre eux sont titularisés grâce à ces derniers mais aussi par la voie
des concours externes et internes. Ainsi, 24 500 maîtres auxiliaires ont été
titularisés et plus de 4 500 ont été reçus aux concours l'an dernier et feront
leur rentrée comme titulaires.
Le Sénat a adopté, le 30 octobre dernier, le projet de loi relatif à l'emploi
dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire qui va
ouvrir aux maîtres auxiliaires justifiant d'au moins quatre années d'activité
des possibilités nouvelles d'accès à des corps de titulaires par des concours
qui leur seront réservés.
Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche a veillé à ce que la situation des maîtres auxiliaires ayant exercé
au cours de l'année scolaire 1996-997 soit examinée avec un soin tout
particulier par les recteurs d'académie et qu'ils soient, dans toute la mesure
des moyens budgétaires, renommés soit pour occuper des postes vacants, soit
pour assurer des remplacements.
Il faut souligner que le nombre de maîtres auxiliaires non réemployés
aujourd'hui est sensiblement plus faible que celui qui était constaté l'année
dernière à la même époque de l'année scolaire puisqu'il est de 8 570 au lieu de
9 240. Ils bénéficient, selon des procédures que M. François Bayrou a voulu
allégées et accélérées, d'une allocation pour perte d'emploi. Mais nombre
d'entre eux se verront offrir, au cours de la présente année scolaire, des
suppléances.
On ne peut laisser dire que ces maîtres auxiliaires constituent des «
bouche-trous ». Cette expression est dévalorisante, alors que ces enseignants
assurent leur service avec dévouement, compétence et conscience
professionnelle, même si leurs conditions d'exercice ne sont pas comparables à
celles des personnels titulaires.
Pour conclure, je rappelle que le budget de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche est la priorité du Gouvernement,
progresse de 2 % et représentera 324 milliards de francs en 1997.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'avons pas adopté le projet de loi
relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre
statutaire, parce qu'il ne correspond pas, selon nous, aux besoins même s'il
permettra de régler un certain nombre de situations individuelles.
Il n'est pas malheureux, permettez-moi d'employer cette expression familière,
que les maîtres auxiliaires puissent percevoir une allocation pour perte
d'emploi. Toutefois, vous le savez comme moi, celle-ci est prélevée sur les
crédits de remplacement ; en conséquence, son financement pose problème.
Pour remédier à cette situation, nous l'avons dit et répété, il serait
nécessaire de transformer au moins un tiers des 800 000 heures supplémentaires
en postes. Nous sommes loin du compte. Au rythme actuel, la résorption de la
situation risque de durer des dizaines d'années. Une telle décision traduirait
une réelle volonté de titularisation des personnels précaires.
D'autre part, et nous l'avions aussi proposé, il nous semble indispensable
que, parallèlement à une augmentation substantielle des moyens pour mettre en
oeuvre un enseignement de qualité, les conditions d'accès aux concours internes
et réservés soient assouplies. Ces concours devraient, par ailleurs, mieux
prendre en compte l'expérience professionnelle de ces enseignants et faciliter
ainsi une titularisation qui mettrait fin à leur statut précaire.
En outre, nous avions également proposé d'instaurer une obligation d'organiser
les concours réservés. L'Etat serait ainsi obligé de fournir les moyens
nécessaires à la création des postes correspondants à ces concours.
Ne pas instaurer cette obligation - et c'est bien là que pèche la loi -
revient à tenir un double langage et tendrait à démontrer que le Gouvernement
refuse de prendre date sur le financement de la résorption de l'emploi
précaire.
N'en doutez pas, le groupe communiste républicain et citoyen continuera
d'agir, lors de l'examen du projet de loi de finances, pour obtenir un budget
de l'éducation nationale permettant de dispenser un enseignement de qualité, à
la hauteur des besoins des collégiens et des lycéens et, par là même, du
personnel enseignant.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. Jean Faure au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
ABSENCE DE LIBERTÉ DE CHOIX
EN MATIÈRE DE MUTUELLES
POUR LES TITULAIRES DE CONTRATS À DURÉE DÉTERMINÉE
M. le président.
M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre du travail et des
affaires sociales sur l'absence de liberté de choix en matière de mutuelles
pour les titulaires de contrats à durée déterminée.
Il lui demande s'il trouve tolérable qu'un demandeur d'emploi, postulant pour
un contrat à durée déterminée, soit contraint de prendre la mutuelle que lui
impose son futur employeur sous peine de perdre son emploi. Peut-on accepter
que la liberté de choix en matière de protection sociale complémentaire soit
refusée aux salariés, sous prétexte qu'ils ont eu la malchance de se retrouver
un jour au chômage et qu'ils sont prêts à tout accepter pour en sortir ?
Cette absence de liberté de choix en matière de mutuelles crée pourtant des
situations absurdes. Une femme qui voudrait bénéficier de la mutuelle plus
avantageuse de son mari doit pourtant y renoncer si elle veut conserver son
emploi.
Plus grave, une personne malade suivant un traitement médical lourd qui ne
peut souffrir aucune interruption hésitera avant de changer de mutuelle pour
trois ou six mois, d'autant plus qu'elle risque d'être victime, sur le plan
financier, des délais de carence propres à certaines sociétés mutualistes dans
les premiers mois de son adhésion.
La solution choisie par ces demandeurs d'emploi n'est pas forcément celle que
l'on croit. Pour trois ou six mois, ils préfèrent payer deux mutuelles,
l'ancienne et la nouvelle, pour être sûrs d'être convenablement indemnisés, et
ce bien souvent au risque de voir leurs ressources diminuer gravement pour des
emplois déjà peu rémunérateurs et non durables.
Il lui demande, par conséquent, quelles mesures il compte prendre pour
garantir aux titulaires de contrats à durée déterminée une véritable liberté de
choix en matière de protection sociale complémentaire. Il lui demande surtout
quand sera mis fin à cet inacceptable chantage à l'emploi auquel se livrent
certains employeurs peu scrupuleux, qui profitent de la situation dégradée de
l'emploi que connaît aujourd'hui notre pays pour obtenir de leurs salariés ce
qu'ils sont bien obligés d'accepter. (N° 440.)
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Madame le ministre, est-il, selon vous, tolérable qu'un demandeur d'emploi,
postulant pour un contrat à durée déterminée, soit contraint de prendre la
mutuelle que lui impose son futur employeur sous peine de perdre son emploi ?
Peut-on accepter que la liberté de choix en matière de protection sociale
complémentaire soit refusée aux salariés, sous prétexte qu'ils ont eu la
malchance de se retrouver un jour au chômage et qu'ils sont prêts à tout
accepter pour en sortir ?
Cette absence de liberté de choix en matière de mutuelles crée pourtant des
situations absurdes. Une femme qui voudrait bénéficier de la mutuelle plus
avantageuse de son mari doit pourtant y renoncer si elle veut conserver son
emploi.
Plus grave, une personne malade suivant un traitement médical lourd qui ne
peut souffrir aucune interruption hésitera avant de changer de mutuelle pour
trois ou six mois, d'autant plus qu'elle risque d'être victime, d'un point de
vue financier, des délais de carence propres à certaines sociétés mutualistes
dans les premiers mois de son adhésion.
La solution choisie par ces demandeurs d'emploi n'est pas forcément celle que
l'on croit. Pour trois ou six mois, ils préfèrent payer deux mutuelles,
l'ancienne et la nouvelle, pour être sûrs d'être convenablement indemnisés, et
ce bien souvent au risque de voir leurs ressources diminuer gravement, pour des
emplois déjà peu rémunérateurs et non durables.
Par conséquent, quelles mesures comptez-vous prendre, madame le ministre, pour
garantir aux titulaires de contrats à durée déterminée une véritable liberté de
choix en matière de protection sociale complémentaire ? Quand sera-t-il mis fin
à cet inacceptable chantage à l'emploi auquel se livrent certains employeurs
peu scrupuleux, qui profitent de la situation dégradée de l'emploi que connaît
aujourd'hui notre pays pour obtenir de leurs salariés ce qu'ils sont bien
obligés d'accepter ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Lorsque des salariés bénéficient, dans le
cadre de l'entreprise, d'une couverture sociale complémentaire mise en place
sur le fondement juridique d'une convention ou d'un accord collectif, d'un
référendum ou d'une décision unilatérale de l'employeur, ils sont
obligatoirement affiliés au régime complémentaire ainsi organisé.
Dans ce cas, ils ne peuvent être exonérés de cette obligation d'adhésion
exception faite pour la procédure de la décision unilatérale de l'employeur qui
prévoit que l'absence de consentement d'un seul salarié déjà présent dans
l'entreprise emporte la perte du caractère obligatoire de la couverture.
Il convient toutefois de souligner que ces garanties obligatoires présentent
des avantages certains pour les salariés concernés, quelle que soit la durée de
leur contrat de travail. En effet, leur caractère collectif permet de les
tarifer à moindre coût. De plus, ces garanties bénéficient d'une contribution
financière de l'employeur et d'une déductibilité fiscale et sociale
spécifique.
En outre, elles sont soumises aux dispositions protectrices de la loi du 31
décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre
certains risques, dite loi « Evin », qui interdisent la sélection médicale des
risques et organisent le maintien individuel de l'affiliation lorsque le
salarié ne relève plus de la couverture obligatoire.
M. Nicolas About.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Madame le ministre, je vous ai bien écouté mais je crains que votre réponse ne
résolve pas les problèmes des salariés que je viens d'évoquer. Je souhaite donc
que vous puissiez apporter une réponse plus précise peut-être en dehors de
cette assemblée.
RÉGIME SOCIAL
DES TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS
M. le président.
M. Philippe Richert appelle l'attention de M. le ministre du travail et des
affaires sociales sur les problèmes transfrontaliers pouvant apparaître dans le
domaine sanitaire et social.
Les législations et les modalités en matière de reconnaissance sont en effet
encore très différentes d'un pays à l'autre. Cette situation n'est pas sans
poser certaines difficultés aux travailleurs frontaliers qui dépendent de deux
systèmes de couverture sociale, celui du pays dans lequel ils exercent une
activité professionnelle et celui du pays dans lequel ils résident de manière
permanente.
Ces disparités concernent de nombreux domaines, qu'il s'agisse de l'incapacité
de travail, du handicap, de l'assurance-dépendance, du remboursement des
prestations ou encore de l'achat de médicaments.
Il souhaiterait connaître la position de M. le ministre face aux difficultés
pouvant résulter d'une telle situation et les suites qu'il compte y réserver.
(N° 476.)
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Madame le ministre, je souhaite une nouvelle fois appeler l'attention du
Gouvernement non seulement sur la situation des travailleurs frontaliers, mais
également sur les problèmes des aménagements des dispositifs sociaux qui
méritent, à mon sens, d'être pris.
Les législations et les modalités en matière de reconnaissance sont en effet
encore très différentes d'un pays à l'autre. Cette situation n'est pas sans
poser certaines difficultés aux travailleurs frontaliers qui dépendent de deux
systèmes de couverture sociale, celui du pays dans lequel ils exercent une
activité professionnelle et celui du pays dans lequel ils résident de manière
permanente.
Ces disparités concernent de nombreux domaines, qu'il s'agisse de l'incapacité
de travail, du handicap, de l'assurance-dépendance, du remboursement des
prestations ou encore de l'achat de médicaments.
J'ai déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'insister sur ces éléments. Je
souhaiterais, notamment dans le domaine du mode de reconnaissance de
l'incapacité de travail et dans celui de la cotisation de l'assurance
dépendance, que nous puissions progresser.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Monsieur le sénateur, comme vous l'avez
rappelé à l'instant, les travailleurs frontaliers relèvent, par nature, de deux
législations nationales. Il en résulte de nombreux avantages, mais également
des difficultés du fait des différences entre ces législations.
La coordination des législations nationales de sécurité sociale constitue l'un
des axes de mise en oeuvre de la libre circulation des travailleurs.
Elle se trouve réalisée par les règlements communautaires n° 1408/71 et
574/72, qui déterminent la législation applicable à titre unique dans chaque
cas, assurent l'égalité de traitement entre les travailleurs assurés sociaux
sans référence à leur nationalité ou à leur résidence et coordonnent, enfin,
les conditions d'ouverture des droits et le service des prestations.
C'est dans ce cadre qu'il convient d'aborder les difficultés qui peuvent
subsister et que vous situez, notamment, dans le domaine des prestations en
nature et des prestations d'invalidité.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le Gouvernement suit avec attention
la situation sociale des travailleurs frontaliers, tant au Conseil qu'au sein
de la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs
migrants.
Cette instance communautaire spécifique, composée des représentants des Etats
membres, est chargée de traiter, à la demande des Etats membres ou de la
Commission européenne, de toute question d'interprétation ou d'application des
règlements préalablement cités. Elle donne son avis sur des propositions
d'amélioration de ces règlements.
Depuis leur adoption, ceux-ci ont été constamment adaptés, élargis et
améliorés, avec l'appui du Gouvernement français ou grâce à ses initiatives, en
dernier lieu par les règlements du 22 décembre 1995.
Bien évidemment, il s'agit d'un travail permanent, puisque cette commission
est constamment saisie de nouveaux problèmes. Nous pourrons ainsi nous assurer
que ces nouveaux problèmes feront l'objet d'un traitement identique aux
précédents.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Je vous remercie, madame le ministre, d'avoir pris l'assurance, au nom du
Gouvernement, de poursuivre sur la voie de la mise à plat de l'ensemble de ces
difficultés. Afin de vous permettre de bien apprécier les problèmes que
rencontrent certains travailleurs frontaliers, je vous donnerai trois
exemples.
Le premier concerne les divergences dans le mode de reconnaissance qui peuvent
apparaître au niveau de l'incapacité de travail. Il en va de même s'agissant de
l'invalidité ou du handicap.
Les cas de figure les plus classiques concernent les personnes dont une
incapacité de travail a été reconnue par les services médicaux du pays dans
lequel ils travaillent, mais ne l'est pas automatiquement par les services
sociaux du pays de résidence.
Ces personnes n'ont plus le droit de travailler alors que, dans leur pays de
résidence, elle sont considérées comme aptes au travail. Cette situation relève
d'un vide juridique qu'il faudrait, à mon sens, combler rapidement.
Le deuxième exemple concerne les cotisations pour l'assurance dépendance.
La loi prévoit qu'en cas de travail frontalier les cotisations sociales sont
versées dans le pays au sein duquel est exercée l'activité salariale. Ainsi,
depuis quelques années, les frontaliers français sont assujettis à une
cotisation de 1 % du salaire brut mensuel au titre de l'assurance dépendance,
comme les travailleurs qui résident en Allemagne. Cependant, l'assurance
dépendance obéit à un principe de territorialité qui est fonction du lieu de
résidence de l'assuré. Seuls peuvent donc en bénéficier les salariés qui vivent
sur le territoire allemand.
En conséquence, les travailleurs frontaliers français n'ont pas le droit de
bénéficier d'une prestation pour laquelle ils ont pourtant cotisé.
Le dernier exemple que je souhaite brièvement mettre en lumière concerne le
remboursement des prestations médicales : actuellement, les patients ne
disposent pas de la liberté de pouvoir consulter le médecin ou l'hôpital de
leur choix, les caisses ne remboursant pas les soins courants délivrés à
l'étranger.
Il paraîtrait souhaitable à cet égard, que le remboursement des soins des
patients allemands en France, et vice versa, puisse être réalisé sur la base
d'un accord entre les diverses institutions. Un tel accord permettrait de
généraliser aux domaines de coopération mentionnés ci-dessus la réglementation
relative aux prestations ambulatoires et hospitalières, qui est à l'heure
actuelle limitée aux frontaliers et aux touristes.
Il pourrait également s'appliquer s'agissant de l'achat de médicaments. Il
arrive, en effet, qu'un médicament achété en France par un résident allemand ne
soit pas pris en compte par la caisse allemande, qui ne reconnaît pas encore
les médicaments conditionnés en France, même si ce type de produit existe
également en Allemagne.
Je vous remercie, madame le ministre, de prendre en compte ces différentes
situations dans les discussions que vous menez à Bruxelles de façon que nous
puissions progresser dans ces domaines.
SITUATION DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS
M. le président.
M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre du travail et des
affaires sociales sur trois problèmes relatifs à la situation des travailleurs
handicapés : l'allégement des charges sociales dans le cas où le travailleur
handicapé est employé dans le secteur public ; la retraite anticipée des
personnes handicapées, prévue dans le secteur public et non dans le secteur
privé ; la nécessité de l'internat en cas de création de places de CAT, centres
d'aide par le travail, et, par là même, le problème des handicapés en maison de
retraite après leur sortie de travail. (N° 473.)
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Madame le ministre, je souhaite vous poser quelques questions sur la situation
faite aux handicapés, dont le sort, il est vrai, n'a laissé indifférent aucun
gouvernement.
La première question concerne la possibilité de favoriser le détachement des
handicapés en milieu ouvert.
Dans le cas du détachement d'un travailleur handicapé dans le secteur privé,
sous la forme d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat à durée
indéterminée, un allégement de charges sociales est prévu. Cependant, si le
même travailleur handicapé est détaché auprès des collectivités locales, cette
mesure n'est pas applicable. Cela est d'autant plus regrettable que ces mêmes
collectivités locales seront sollicitées prochainement, en particulier dans le
cadre des contrats initiative-emploi.
Ma deuxième question a trait à la retraite anticipée des personnes
handicapées.
Si, pour leur majeure partie, ces travailleurs sont salariés, certains ne le
sont pas et ne bénéficient donc pas des avantages prévus par la modification de
la loi sur les retraites. Or il est évident que la dégradation de l'état
physique est la même quel que soit le statut. Il me semble donc souhaitable
d'accorder aux handicapés non salariés les mêmes droits qu'aux autres.
Ma troisième question concerne les centres d'aide par le travail.
Le projet de loi de finances pour 1997 prévoit - et il y a tout lieu de s'en
féliciter - la création de nouvelles places de CAT. Or, en CAT, l'intérêt d'une
place est à certains égards d'autant plus appréciable qu'il y a internat.
Cependant, bien des CAT sont des externats. Dans ce cas, il est quasi impératif
que soit mis en place un service de suite et d'accompagnement. Là est le
problème !
Dans ce domaine, les lois de décentralisation - chacun le sait - ont fait du
département le responsable. Depuis lors, les lourdes charges qu'acquittent ces
derniers en matière de politique sociale - RMI, bientôt l'allocation
dépendance, et j'en passe - les conduisent parfois, hélas ! - mais c'est
compréhensible - à porter une moindre attention aux handicapés.
L'ouverture de nouvelles places de CAT ne pourrait-elle s'accompagner d'une
structure d'internat ? Cela permettrait de surcroît à des personnes plus
lourdement handicapées, et qui relèvent d'un CAT, d'être bénéficiaires de ce
dispositif.
Enfin, il convient de rappeler un problème ancien, et toujours pas résolu,
celui des handicapés d'âge avancé, qui ne trouvent pas de place dans les
maisons de retraite ordinaires. Les associations gestionnaires réclament depuis
des années la possibilité de gérer elles-mêmes un certain nombre de lits à leur
effet - mais ce n'est peut-être pas la seule formule - afin de pouvoir suivre
ces handicapés après leur sortie de travail.
Il s'agit là, madame le ministre, de plusieurs questions, certes, mais dont
vous voudrez bien, je l'espère, reconnaître l'unicité.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Monsieur le sénateur, le problème du
travail des personnes handicapées est un sujet qui, bien évidemment, préoccupe
au premier chef le Gouvernement. Avant de répondre plus précisément à vos
questions, je tiens à vous dire que nous avons engagé un travail important à la
fois de réflexion et d'inventaire des différentes mesures qui existent
aujourd'hui, ce en étroite concertation avec l'ensemble des associations et des
acteurs concernés. Nous espérons bien disposer, d'ici à la fin de l'année, d'un
certain nombre d'éléments qui nous permettront de progresser.
Je répondrai maintenant plus précisément aux questions que vous avez
posées.
Il est vrai que le travailleur handicapé du secteur public ne bénéficie
d'aucun allégement en matière de charges sociales.
Dans le secteur public, le recrutement s'effectue, vous le savez bien,
monsieur le sénateur, par concours, mais il existe pour les handicapés des
mécanismes contractuels spécifiques, qui devraient nous permettre de répondre à
ce problème.
Toutefois, dans ce domaine, la situation des travailleurs handicapés est
indentique à celle de n'importe quel salarié. Les mesures d'allégement de
charges se justifient pour faciliter l'accès à l'emploi. Les mécanismes de
solidarité envers les handicapés ont donc pris une autre forme que celle-ci.
J'en viens à la retraite anticipée.
Les agents publics handicapés ont la possibilité de bénéficier du congé de fin
d'activité qui sera mis en oeuvre du 1er janvier au 31 décembre 1997, puisqu'un
projet de loi vient d'être adopté par le Sénat. S'agissant des travailleurs
handicapés du secteur privé, ils se situent sur le même plan, il convient de le
rappeler, que les autres salariés au regard de la préretraite instaurée par
l'accord conclu par l'UNEDIC le 6 septembre 1995.
Les textes relatifs à la cessation progressive d'activité des agents des
secteurs publics ont pris en compte la situation particulière des handicapés
graves. Ceux-ci bénéficient, en effet, d'une réduction de six ans de la
condition de services exigée pour accéder au dispositif.
Vous avez, également, monsieur le sénateur, posé la question de la nécessité
de l'internat en cas de création de places de CAT et, par là même, vous avez
soulevé le problème des handicapés en maison de retraite après leur sortie de
travail.
Bien que la vocation première des CAT soit de favoriser l'accès au travail des
personnes handicapées, certains d'entre eux sont dotés de structures
d'hébergement.
Si la juxtaposition d'un foyer d'hébergement à un CAT présente des avantages
incontestables, elle ne saurait toutefois être systématique en cas de création
de places de CAT. La proximité immédiate du lieu de travail n'est, en effet,
qu'un de critères parmi d'autres pour l'implantation d'une structure
d'hébergement. D'autres éléments doivent évidemment être pris en compte,
notamment la nature des besoins et le degré d'autonomie des personnes
accueillies.
Le problème des handicapés en maison de retraite doit être rattaché,
d'ailleurs, au problème plus général de la prise en charge des personnes
handicapées vieillissantes. Cette question est importante, vous l'avez
souligné, et elle est actuellement traitée dans le cadre de la mise en oeuvre
du plan d'action pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Le
groupe de travail qui a été mis en place à cet effet doit nous rendre très
prochainement ses conclusions.
Comme je vous le rappelais tout à l'heure, il est vrai que, d'une façon plus
générale, le Gouvernement a engagé une réflexion importante, en concertation
étroite avec les partenaires sociaux et les différents acteurs dans le domaine
du handicap. Notre volonté est d'améliorer les mécanismes d'insertion des
personnes handicapées dans le monde du travail, et nous souhaitons en
particulier encourager le passage en milieu ordinaire.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que je peux vous donner
aujourd'hui. Mais j'espère que, d'ici à la fin de l'année, nous pourrons
aborder de manière plus précise un certain nombre de projets.
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre. Il est vrai que, étant
donné la diversité des questions, les réponses ne pouvaient pas être idéales
sur tous les points. Mais j'ai noté la volonté du Gouvernement, dont je ne
doute pas, de poursuivre sa politique en faveur des handicapés. Il me paraît
bon, en effet, que le Gouvernement commence par dresser un état des lieux plus
précis, en concertation avec les associations.
APPLICATION DE LA CONVENTION
RELATIVE AUX DROITS DE L'ENFANT
M. le président.
Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre du travail et
des affaires sociales sur l'application de la convention relative aux droits de
l'enfant, adoptée par l'assemblée générale de l'ONU, le 20 novembre 1989, et
ratifiée par 180 Etats, dont la France. Elle lui rappelle que chaque Etat
signataire s'est engagé à publier annuellement un plan national d'action en
faveur des droits de l'enfant. Elle lui demande de lui faire connaître les
résultats obtenus par chaque plan depuis 1990 et les termes et les objectifs de
celui de 1996, toujours en attente de publication. (N° 469.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le 20 novembre
prochain sera un 14 juillet des enfants. Cette date constituera un moment
privilégié : en effet, plus de deux cents ans après le 14 juillet 1789, on
célébrera la reconnaissance des droits de l'enfant. Nous avons contribué à la
prise de cette décision, comme vous-mêmes, madame le ministre, mes chers
collègues, et nous voudrions ce matin soulever quatre points.
Quatre arrêts de la Cour de cassation en date du 10 mars 1993 précisent que
les dispositions de fond de la convention ne sont pas directement applicables
en droit interne français.
La convention ne crée d'obligation qu'à la charge des Etats parties. Cette
obligation prend la forme de dépôt de rapports sur les mesures prises en faveur
des droits nouveaux dans la convention et sur les progrès réalisés dans la
jouissance de ces droits. C'est l'application de l'article 44.
Autrement dit, le Gouvernement français, qui a ratifié la convention, a donc
l'obligation de prendre les dispositions utiles pour que les droits reconnus
par la convention soient garantis.
Où en est donc le Gouvernement dans l'établissement des rapports devant être
soumis au comité des droits de l'enfant, institué par l'article 43 ? Quelles
sont les difficultés éventuelles rencontrées ? Quels sont les moyens pour les
surmonter ? Ne faudrait-il pas que le rapport, qui doit être établi en
1997-1998, soit soumis préalablement au Parlement ?
Par ailleurs, à la suite de la réunion des chefs d'Etat, chaque Etat, donc la
France, doit présenter un plan d'action. Où en est l'application des plans des
dernières années ? Quelle est la teneur du plan d'action de 1996 ?
En outre, quelles mesures concrètes ont été prises pour que soit appliqué
l'article 42 de la convention ? Celui-ci prévoit que les Etats parties
s'engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la
convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants.
Que prévoyez-vous plus concrètement en ce qui concerne le respect du droit à la
santé - article 24 - le droit de bénéficier pleinement de la sécurité sociale -
article 26 - le droit à l'égalité des chances - article 28 - le droit à être
protégé contre l'exploitation économique - article 32 - la protection contre
l'exploitation sexuelle - article 44 - la protection contre la violence -
article 19 - et le droit à la famille - article 10 ?
Ces droits ne sont pas tous garantis à des dizaines de milliers d'enfants
vivant en France, et votre réponse aux questions que cette situation soulève
est attendue, madame le ministre.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Madame le sénateur, les questions que
vous posez sont très importantes. Comme vous le savez, le 20 novembre prochain
sera l'occasion d'une rencontre au Sénat entre les pouvoirs publics et les
associations de défense des droits de l'enfant. Cette rencontre devrait
permettre de dresser le bilan de l'application de la convention internationale
des droits de l'enfant, en France et vis-à-vis des pays étrangers, et de
répondre plus précisément que je ne peux le faire ce matin à toute une série de
vos questions.
Cependant, je peux, dès aujourd'hui, faire le point sur certains sujets, et
d'abord sur le mécanisme général de suivi de la convention sur le plan
international.
La France s'est engagée à soumettre au comité des droits de l'enfant de l'ONU
un rapport sur les mesures que les Etats auront adoptées pour donner effet aux
droits reconnus dans cette convention, et sur les progrès réalisés dans la
jouissance de ces droits dans les deux ans, puis par la suite tous les cinq
ans. Du fait du retard pris par le comité des droits de l'enfant, la France n'a
été auditionnée, comme vous le savez certainement, que les 11 et 12 avril 1994
sur la base d'un rapport remis à cette occasion. Un nouveau rapport devra être
présenté en 1999, qui aura vocation à être très largement diffusé.
En ce qui concerne le suivi de la convention sur le plan national, le
Parlement a, par la loi du 27 janvier 1993, demandé la présentation d'un
rapport annuel sur la mise en oeuvre de la convention internationale des droits
de l'enfant et sur l'action de la France en faveur des enfants dans le monde.
La réalisation du premier rapport est en cours et il sera présenté au Parlement
très prochainement.
Mais il faut d'ores et déjà souligner que la loi du 9 avril 1996 a reconnu le
20 novembre, jour anniversaire de l'adoption par l'Organisation des Nations
unies de la convention internationale des droits de l'enfant, journée nationale
des droits de l'enfant. La première journée nationale aura donc lieu le 20
novembre prochain. A cette occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, nous
pourrons avoir un large débat au Sénat entre les pouvoirs publics et les
associations de défense des droits de l'enfant. Cette rencontre sera l'occasion
de dresser un bilan d'application de la convention.
Votre question fait aussi, me semble-t-il, référence au sommet mondial pour
les enfants, qui s'est tenu à New York au siège de l'UNICEF les 29 et 30
septembre 1990, et auquel ont participé soixante et onze chefs d'Etat et de
gouvernement. Il a été adopté, à cette occasion, une déclaration mondiale en
faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant, et un
plan d'action pour la mise en oeuvre de cette déclaration dans les années
quatre-vingt-dix, chaque Etat devant décliner ce plan d'action sur le plan
national et en faire état à l'UNICEF et à l'ONU. Ce travail a effectivement été
mené en 1996 par le ministère des affaires étrangères, compétent sur ce
point.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame le ministre, je vous remercie de toutes les précisions que vous m'avez
apportées, et notamment des dates que vous avez citées. Cependant, la situation
actuelle exige davantage. Nous ne sommes pas les seuls à l'affirmer. J'ai pris
connaissance d'un livre écrit par une femme député RPR des Yvelines et intitulé
:
L'Enfance en détresse
.
M. Charles Descours.
Excellent !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Dans ce livre figurent des constats que nous faisons nous-mêmes dans nos
communes et qui appellent, de notre part, de votre part, madame le ministre,
ainsi que de celle du Gouvernement des réponses capitales.
La pauvreté touche de plus en plus les enfants : 15 % des jeunes de moins de
dix-sept ans vivent dans un ménage pauvre ; beaucoup souffrent de
malnutrition.
Nombreuses sont les personnes qui reconnaissent que le problème posé par les
cantines scolaires des collèges doit être pris à bras-le-corps : de moins en
moins d'enfants bénéficient d'un repas le midi. Il est urgent de prendre des
mesures.
Trop d'enfants ne reçoivent pas les soins nécessaires, ne vont pas, par
exemple, chez le dentiste ou l'oculiste. Le saturnisme et le scorbut
réapparaissent dans certaines cités. Ne pensez-vous pas que la gratuité des
soins pour les enfants de moins de dix ans permettrait de préserver l'égalité
des chances ?
La violence et la délinquance touchent des enfants de plus en plus jeunes.
Ainsi, des bandes d'enfants de dix à douze ans tiennent la police en respect
dans certaines cités de banlieues. Les armes entrent dans les collèges et dans
les lycées. N'est-il pas urgent d'organiser, en faveur de l'enfance, une grande
campagne de prévention et d'éducation qui associerait l'école, les services
sociaux, les services sportifs, la justice et la police ?
Ne faut-il pas, madame le ministre, se montrer plus entreprenant dans le
domaine de la luttre contre la pédophilie ou contre le proxénétisme, qui
utilisent l'enfant comme objet ?
Je n'ai pris que quelques exemples car je manque de temps. L'enfant est le
plus touché par la crise, et nous ne sommes pas les seuls à le dire. C'est un
fait auquel il convient de remédier. Il ne faut pas seulement le dénoncer.
C'est l'avenir de notre pays qui est en cause. Il faut faire plus et beaucoup
plus vite !
Mme Hélène Luc.
Très bien !
TRAVAIL À TEMPS PARTIEL D'UN DIRECTEUR
DE MAISON DE RETRAITE D'ÉTABLISSEMENT PUBLIC
M. le président.
M. André Rouvière attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et
à la sécurité sociale sur les demandes de travail à temps partiel souhaitées
par un directeur de maison de retraite d'un établissement public.
En effet, lors de l'embauche du directeur de l'établissement, l'avis du
président du conseil d'administration est sollicité. Or, lorsqu'un directeur
dépose une demande de travail à temps partiel, celle-ci lui est accordée ou
refusée sans que le président du conseil d'administration ait pu émettre un
avis.
Il lui demande comment on peut concilier cette démarche avec la responsabilité
qui incombe au président du conseil d'administration et s'il ne serait pas
possible que la réglementation précise que l'avis du président est obligatoire.
(N° 448.)
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Depuis quelques années, le problème des responsabilités est d'une actualité
quasi quotidienne. La gestion des maisons de retraite publiques n'y échappe
pas. Or, il semble que les relations entre le président du conseil
d'administration et le directeur de tels établissements ne soient pas très
claires ni précises sur ce point.
En effet, lors de l'embauche du directeur de l'établissement public, l'avis du
président du conseil d'administration est sollicité. Mais lorsqu'un directeur
dépose une demande d'autorisation de travail à temps partiel, celle-ci lui est
accordée ou refusée sans que le président du conseil d'administration ait pu
émettre un avis, sans même parfois qu'il soit informé. Cette procédure ne
conforte évidemment pas l'autorité du président, du conseil d'administration,
mais là n'est pas le problème le plus grave.
Comment pourrait-on, en l'occurrence, concilier la responsabilité qui incombe
au président du conseil d'administration avec celle du directeur ? Par
ailleurs, ne serait-il pas possible, à l'avenir, que la réglementation précise
que, dans ce cas, l'avis du président du conseil d'administration est
obligatoire ?
D'une manière plus générale, le rôle et la responsabilité du président du
conseil d'administration et du directeur semblent nécessiter une clarification.
Qu'en pensez-vous, madame le ministre ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Monsieur le sénateur, le problème que
vous posez est régi par les dispositions statutaires concernant tant les
directeurs d'établissements publics de santé que les directeurs
d'établissements sanitaires et sociaux. Celles-ci prévoient, effectivement, que
l'avis du président du conseil d'administration est sollicité avant nomination
d'un chef d'établissement.
En revanche son avis n'est pas prévu par les textes pour les demandes
d'autorisation de travail à temps partiel.
L'article 46 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique hospitalière stipule que les fonctionnaires
titulaires en activité ou en service détaché, qui occupent un emploi à temps
complet, peuvent, sur leur demande, sous réserve des nécessités de la
continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités
d'aménagement de l'organisation du travail, être autorisés à accomplir un
service à temps partiel.
Cette autorisation, qui est un acte de gestion individuel, est donnée par
l'autorité de tutelle, à savoir le ministre chargé de la santé, dans le cadre
d'une gestion nationale.
Bien entendu, le ministre prend sa décision sur avis des services déconcentrés
- DDASS et DRASS - qui peuvent juger de l'opportunité de la demande. Dans les
faits, le directeur départemental de l'action sanitaire et sociale prend
généralement l'avis du président du conseil d'administration, mais, à ce jour,
rien ne l'y oblige sur le plan réglementaire. Nous constatons que cette
pratique est communément admise et qu'il y est largement recouru. Votre
question démontre à l'évidence que tel n'a pas été le cas. J'examinerai donc
attentivement ce point particulier.
M. André Rouvière.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui montre que vous
êtes très consciente de ce problème. Toutefois, je l'avoue, je reste un peu sur
ma faim.
Dans la plupart des cas, le directeur départemental de l'action sanitaire et
sociale et le directeur de l'établissement lui-même n'informent pas le
président du conseil d'administration d'un changement de situation. Parfois,
c'est par hasard que le président du conseil d'administration découvre que le
directeur de l'établissement ne travaille plus à temps complet. Cela soulève un
problème de responsabilité, qui me paraît très important.
Chacun sait que, bien souvent, les directeurs changent et que le président du
conseil d'administration demeure. Je vois mal comment un président du conseil
d'administration peut conserver son autorité et sa responsabilité s'il n'est
même pas informé que le directeur n'assume plus de la même façon la
responsabilité de l'établissement.
Naturellement, ma question vise non pas à réduire la possibilité de travailler
à temps partiel, mais simplement à éviter que le président du conseil
d'administration ne soit le dernier informé d'une situation qui risque de
bouleverser le mode de gestion de l'établissement.
Je souhaite donc que les rôles du président du conseil d'administration et du
directeur de l'établissement soient précisés. Cela me paraît d'autant plus
important que, en cas d'incident ou de défaut d'organisation de
l'établissement, chacun s'interroge sur la part des responsabilités. Comment le
président peut-il assumer des responsabilités s'il ignore la façon dont son
directeur y fait face lui-même ?
CONSÉQUENCES DE L'ARRÊTÉ ACCORDANT L'APPELLATION
DE « COQUILLE SAINT-JACQUES » AUX PÉTONCLES
M. le président.
M. Henri Weber attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la
pêche et de l'alimentation sur le problème qu'entraîne, pour les professionnels
de la mer et les associations de consommateurs, l'arrêté accordant
l'appellation de « coquille Saint-Jacques » aux pétoncles, sous prétexte qu'il
s'agit de coquillages de même famille.
Cet arrêté porte un grave préjudice aux pêcheurs haut-normands qui traitent
près de la moitié des coquilles Saint-Jacques produites en France. Le pétoncle,
en effet, n'a ni la saveur ni les qualités nutritives de la coquille
Saint-Jacques et son prix de revient est deux à trois fois inférieur à cette
dernière. Mis sur le marché sous l'appellation « Saint-Jacques », il porterait
une concurrence d'autant plus meurtrière à la coquille Saint-Jacques
authentique qu'il constitue pour nombre de pays, notamment asiatiques, un
article abondant d'exportation.
En conséquence, il lui demande de lui indiquer ce qu'il compte faire pour
protéger nos entreprises de pêche et nos consommateurs de cette confusion et de
cette concurrence déloyale. (N° 472.)
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Monsieur le ministre, la réglementation française de 1993 relative à la
dénomination commerciale des pectinidés distinguait clairement, à juste titre,
les coquilles Saint-Jacques des pétoncles.
Cette distinction est fondée. En effet, pour appartenir l'un et l'autre à la
famille des pectinidés, ces mollusques n'en sont pas moins tout à fait
différents. Celui qui est pêché en France sous le nom habituel de « coquille
Saint-Jacques » est un mollusque,
Pecten maximus,
d'une taille marchande
de dix à quinze centimètres. Le pétoncle est quant à lui un mollusque beaucoup
plus petit : il appartient à l'espèce
Chlamys varia
et n'a d'ailleurs ni
la même saveur ni les mêmes vertus nutritives.
Un arrêté récent a mis fin à cette distinction et autorise désormais
l'appellation « noix de Saint-Jacques » aux pétoncles. Il s'agit là d'une
concession faite aux pêcheurs de coquilles du Canada, du Pérou et du Chili,
grands producteurs de pétoncles, qui menaçaient d'attaquer la France devant
l'Organisation mondiale du commerce.
Je ne dirai pas, comme certains responsables de syndicats de pêcheurs, que
c'est comme si l'appellation « caviar » était accordée aux oeufs de lump. C'est
en effet un peu exagéré. Néanmoins, il y a là un abus du même genre, sinon de
la même intensité, qui aura des conséquences meurtrières pour les pêcheurs de
coquilles Saint-Jacques français, dont plus de 40 % opèrent en Haute-Normandie,
principalement dans les ports de Dieppe, de Fécamp et du Havre. Je parle de
conséquences meurtrières, car, bien évidemment, le prix de revient et de vente
du pétoncle est deux à trois fois inférieur à celui de la coquille
Saint-Jacques.
Certes, les produits frais ne sont pas concernés ; seuls les produits
commercialisés à l'état surgelé ou transformé le sont. Mais précisément,
monsieur le ministre, ce sont ces derniers produits qui se développent beaucoup
aujourd'hui et dont la commercialisation est appelée à un grand essor
demain.
Que comptez-vous faire pour protéger les entreprises de pêche françaises et
les consommateurs de cette confusion dans la dénomination des produits,
génératrice d'une concurrence déloyale ? La concurrence, oui ! Mais la
concurrence loyale, et non pas l'utilisation abusive d'une dénomination pour
écouler un produit sous le nom d'un autre !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Monsieur le
sénateur, vous avez raison de souligner que l'arrêté du 26 juin 1996 ne
s'applique pas aux produits commercialisés à l'état frais, c'est-à-dire,
reconnaissez-le, à l'essentiel de la production française. En d'autres termes,
les pectinidés commercialisés sous cette forme doivent utiliser les
dénominations correspondant aux genres et aux espèces auxquels ils
appartiennent.
En ce qui concerne les produits transformés, il en va certes différemment.
Mais, comme vous le savez, l'arrêté du 26 juin, loin de correspondre à un choix
politique, résulte d'une condamnation par l'Organisation mondiale du commerce
de la précédente réglementation française, jugée protectionniste, d'autant plus
qu'une large tolérance pour la dénomination « Saint-Jacques » avait existé en
France jusqu'en 1993.
De surcroît, la production française de pectinidés satisfait moins de 10 % des
besoins de notre consommation.
Cependant, au terme d'un compromis difficile, la France a obtenu la mention
obligatoire sur les emballages des produits transformés non seulement du nom
scientifique de l'espèce utilisée, mais surtout du pays d'origine du
produit.
Ces indications doivent nous permettre de favoriser une meilleure
différenciation des pectinidés sur le marché.
Plus généralement, et en tenant compte des contraintes de l'actuel contexte
réglementaire mondial, je suis convaincu que la valorisation de votre
production doit passer non par une démarche défensive - celle-ci serait vouée à
l'échec - mais par une véritable stratégie offensive visant à utiliser tous les
moyens techniques et juridiques permettant de démontrer que vos produits sont
les meilleurs.
De ce point de vue, la procédure engagée avec succès par les producteurs des
Côtes-d'Armor pour l'octroi d'une indication géographique protégée concernant
la coquille Saint-Jacques des Côtes-Armor me paraît exemplaire, et doit
absolument être développée. Je suis pour ma part tout à fait prêt à aller dans
ce sens. Je crois en effet que, s'agissant de produits alimentaires, plus nous
oeuvrons pour informer le consommateur et mieux cela vaudra.
M. Henri Weber.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Si l'essentiel de la
production française est peut-être actuellement le produit frais, il est
néanmoins tout à fait évident que le secteur en expansion est celui des
surgelés et des plats préparés. C'est bien pourquoi il y a péril. En effet,
s'il est relativement facile de défendre nos produits frais, il n'en est pas de
même s'agissant de plats préparés vendus sous emballage, dans lesquels la
substitution pure et simple du pétoncle canadien, péruvien ou chilien,
a
fortiori
asiatique, à nos coquilles Saint-Jacques est un risque tout à fait
sérieux. Je ne vois pas comment, dans ce cas-là, le principe de traçabilité
peut être appliqué, à l'instar de ce qui peut se faire pour la vente de
coquillages surgelés.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous savez comme moi qu'il nous faut être
extrêmement vigilants s'agissant de l'étiquetage des paquets. En effet,
l'origine et le nom savant, lorsque celui-ci évoque quelque chose, figurent
souvent en caractères microscopiques. Là aussi, la réglementation pourrait
veiller à ce que le consommateur ne soit pas dupé.
(M. le ministre fait un signe d'assentiment.)
M. Charles Descours.
Très bien !
FINANCEMENT DU FONDS NATIONAL
DE DÉVELOPPEMENT DES ADDUCTIONS D'EAU
M. le président.
M. Germain Authié attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la
pêche et de l'alimentation sur la tutelle financière des agences de l'eau à
l'égard des conseils généraux.
Afin de réaliser des économies sur le budget du Fonds national de
développement des adductions d'eau, le FNDAE, le Gouvernement envisagerait,
dans le cadre de la loi de finances pour 1997, de retirer le financement
provenant actuellement du PMU, ce qui aurait pour conséquence de priver le
FNDAE d'un peu plus de la moitié de ses ressources.
Il serait par ailleurs prévu, à titre de compensation, que chaque agence de
l'eau augmente la part de financement qu'elle attribue au monde rural.
Même si l'on peut comprendre que la principale priorité actuelle du
Gouvernement soit de réduire le train de vie de l'Etat, les mesures concernant
le financement de la distribution de l'eau potable et de l'assainissement dans
des communes rurales sont surprenantes à plusieurs égards. (N° 479.)
La parole est à M. Authié.
M. Germain Authié.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il
semblerait qu'une mesure tendant à priver le Fonds national de développememnt
des adductions d'eau, le FNDAE, du financement provenant actuellement du PMU
ait été retenue dans le projet de loi de finances pour 1997.
Par ailleurs, il serait prévu qu'à titre de compensation chaque agence de
l'eau augmente la part de financement qu'elle attribue au monde rural sans
néanmoins que le montant de cette augmentation soit fixe.
Ces mesures sont surprenantes à plusieurs égards.
Tout d'abord, elles sont contraires à l'esprit et à la lettre de la loi du 7
janvier 1983, qui a voulu donner aux conseils généraux le pouvoir de définir
librement les modalités de répartition des aides du Fonds national de
développement des adductions d'eau entre les collectivités locales et le
département.
Ensuite, elles ne tiennent pas davantage compte de la loi de finances pour
1996, qui est allé dans le sens d'un taux de redevance alimentant le FNDAE.
Elles semblent ignorer également que l'Etat s'est engagé pour une période
pluriannuelle en signant avec certains départements, en particulier avec le
département de l'Ariège que je représente, des conventions relatives au FNDAE.
Elles entraîneraient enfin une confusion entre les rôles respectifs du FNDAE et
des agences de l'eau.
Ces mesures risquent d'entraîner une baisse d'activité des entreprises du
secteur de l'eau et de l'assainissement et de mécontenter un grand nombre
d'élus ruraux en réduisant considérablement des aides qui sont
indispensables.
En conséquence, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien
vouloir me faire part de vos intention sur le sujet et des mesures que vous
entendez prendre afin que les agences versent leurs contributions au FNDAE et
que les conseils généraux ne voient pas diminuer leur liberté dans la
définition des critères de répartition des aides.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur,
ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Monsieur le
sénateur, le projet auquel vous avez fait allusion au début de votre
intervention n'est plus d'actualité. Il n'est en effet plus question,
aujourd'hui, de retirer au FNDAE tout ou partie du financement apporté par le
PMU, qui représente à peu près la moitié des ressources de ce fonds.
En revanche, il est vrai qu'un projet est actuellement à l'étude pour élargir
le champ des compétences du FNDAE.
Ce projet vise à permettre l'intervention du fonds pour le financement
d'actions permettant de mieux maîtriser les pollutions d'origine agricole et de
préserver la qualité de l'eau. Il me paraît en effet judicieux qu'un fonds,
dont la vocation originelle est notamment l'assainissement et la dépollution
des eaux, puisse intervenir dans les actions de prévention susceptibles
d'éviter le recours, par la suite, à des installations extrêmement
coûteuses.
En effet, mieux vaut intervenir en amont plutôt que dépenser beaucoup d'argent
en aval. Je pense que, en tant qu'élu du département de l'Ariège, vous serez
sensible, monsieur Authié, à la réflexion que nous menons dans ce domaine de la
maîtrise des pollutions d'origine agricole.
La perspective que je viens d'évoquer implique bien évidemment une
modification par voie législative des compétences du FNDAE. Le débat devant le
Sénat sur cette modification nous permettra d'entamer une discussion beaucoup
plus approfondie, au cours de laquelle nous pourrons à nouveau dialoguer à
propos des thèmes que vous avez abordés et examiner plus précisément vos
questions.
Pour résumer, il n'est donc pas question de remettre en cause le financement
du FNDAE par le PMU. Il s'agit au contraire d'élargir le champ de compétences
de ce fonds, élargissement dont nous aurons à débattre à l'occasion de l'examen
d'un projet de loi visant à renforcer la lutte contre les pollutions d'origine
agricole.
M. Germain Authié.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Authié.
M. Germain Authié.
Je vous remercie des apaisements que vous avez bien voulu m'apporter, monsieur
le ministre. J'en prends acte. Au moment de l'examen du projet de budget, nous
aurons en effet l'occasion de revenir sur ces problèmes, et je ne manquerai pas
de le faire.
Mais je veillerai, ainsi d'ailleurs que mes collègues, à ce qu'une intention
que je qualifierai de « bonne » n'aboutisse pas, en fait, à une diminution
globale du montant des crédits. En effet, si j'ai bien compris, l'élargissement
du champ de compétences du FNDAE ne s'accompagnera pas d'une augmentation des
crédits alloués.
CONTRÔLE PAR LES MAIRES
DU RESPECTDE LA RÉGLEMENTATION
SUR L'UTILISATION DES SALLES POLYVALENTES
M. le président.
M. Charles Descours attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du
logement, des transports et du tourisme sur le problème que rencontrent les
maires ruraux quant à la réglementation en vigueur sur l'utilisation des salles
polyvalentes pour des activités de restauration.
Aujourd'hui, une circulaire impose aux maires de mettre en place un
questionnaire type à faire remplir et signer aux utilisateurs de salles
polyvalentes. Les maires doivent également transmettre ces questionnaires,
après les avoir contrôlés, aux administrations concernées.
Ce questionnaire, qui vise à faire respecter les règles de sécurité et
d'hygiène et à lutter contre le travail clandestin et le paracommercialisme
dans le domaine du tourisme, provoque des réactions diverses chez les élus
ruraux.
En effet, si ces derniers reconnaissent le bien-fondé des buts recherchés par
cette nouvelle réglementation, les maires ne veulent pas s'ériger en
contrôleurs et en censeurs des utilisateurs des salles polyvalentes, qui sont
en général des responsables d'associations locales. Ces associations ont de
plus en plus de difficultés à subsister et elles supportent mal les contrôles
qui leur sont trop souvent imposés, si ce n'est en matière de sécurité.
Les maires estiment qu'il ne leur appartient pas d'effectuer ce type de
contrôle et encore moins d'établir un registre spécial des bénévoles.
Ils estiment que c'est aux administrations concernées d'exercer ces contrôles
que les élus locaux n'ont pas, surtout en milieu rural, les moyens
d'exercer.
Il lui demande donc en conséquence de bien vouloir l'informer des mesures qui
pourraient être prises par le Gouvernement pour assouplir cette nouvelle charge
de travail accomplie par les maires. (N° 482.)
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Madame le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer votre attention sur le
problème que rencontrent les maires ruraux quant à la réglementation en vigueur
sur l'utilisation des salles polyvalentes pour les activités de restauration.
Ce point a été soulevé très souvent par les maires ruraux lors des réunions que
nous avons eues avec eux pendant l'été dernier.
En effet, aujourd'hui une circulaire impose aux maires de mettre en place un
questionnaire type à faire remplir et signer par les utilisateurs de salles
polyvalentes. Les maires doivent ensuite transmettre ces questionnaires, après
les avoir contrôlés, aux administrations concernées.
Ce questionnaire qui vise à faire respecter les règles de sécurité et
d'hygiène et à lutter contre le travail clandestin et le paracommercialisme
dans le domaine du tourisme, provoque des réactions diverses, pour ne pas dire
hostiles, chez les élus ruraux. En effet, s'ils reconnaissent le bien-fondé des
objectifs visés par cette nouvelle réglementation, les maires ne veulent pas
s'ériger en contrôleurs et en censeurs des utilisateurs des salles
polyvalentes, qui sont en général des responsables d'associations locales dont
nous savons l'importance dans les petites communes. Or ces associations ont de
plus en plus de difficultés à subsister et elles supportent mal les contrôles
qui leur sont trop souvent imposés, sauf, bien sûr en matière de sécurité.
Les maires estiment donc qu'il ne leur appartient pas d'effectuer ce type de
contrôles, et encore moins d'établir un registre spécial des bénévoles ; ils
estiment - et moi avec eux, madame le secrétaire d'Etat - qu'il appartient aux
administrations concernées d'assurer des contrôles que les élus locaux n'ont
pas, surtout en milieu rural, les moyens d'exercer.
Je vous demande donc, madame le secrétaire d'Etat, de bien vouloir m'informer
des mesures que pourrait prendre le Gouvernement pour assouplir les conditions
d'exercice de cette nouvelle charge de travail pour les maires, qu'ils
accomplissent alors qu'elle relève, me semble-t-il, du domaine de
l'administration d'Etat.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le sénateur, vous avez adressé
votre question à M. Pons en sa qualité de ministre du tourisme, et voici les
éléments qu'il m'a chargée de vous communiquer.
Vous avez justement rappelé qu'une circulaire impose des obligations et des
contraintes aux maires pour l'usage des salles polyvalentes.
Cette action s'inscrit dans le cadre de la lutte contre le paracommercialisme,
qui fait l'objet de plans départementaux depuis juin 1994. En juin 1995, les
maires nouvellement élus ont été sensibilisés à cette importante question.
Nous comprenons bien que les associations ou les maires qui utilisent des
salles polyvalentes peuvent voir là des contraintes nouvelles, même si, en
réalité, elles sont assez légères.
Cependant, monsieur le sénateur, il nous semble que l'on ne peut pas être
insensible aux problèmes que posent le paracommercialisme et une utilisation
parfois abusive des salles polyvalentes. On sait en effet que certaines
associations vont parfois, hélas ! au-delà des tolérances fiscales en matière
d'organisation de repas. Elles concurrencent, parfois avec l'appui des
collectivités locales, des établissements de restauration, créateurs d'emplois,
alors qu'elles n'ont pas à subir les mêmes charges fiscales et sociales.
Ne nous cachons pas non plus, que, devant la raréfaction générale des
subventions publiques, beaucoup d'associations ont la tentation de se ménager
ainsi des recettes commerciales, ce qui n'est pas sain car ce n'est pas leur
vocation.
Les pouvoirs publics ont, en cette matière, des responsabilités. Faut-il
insister sur le fait que seul le maire, investi de pouvoirs de police
administrative, peut assurer en pratique les fonctions de prévention et
d'information en ce qui concerne la sécurité, l'hygiène, le respect du code des
débits de boissons, et qu'il en est même juridiquement responsable ?
Naturellement, M. Bernard Pons est prêt à étudier avec vous, monsieur le
sénateur, toute proposition qui, sans perdre de vue l'objectif de résorption du
paracommercialisme, assouplirait les formalités imposées aux maires.
M. Charles Descours.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie beaucoup de votre réponse.
S'agissant du problème de la paracommercialisation, permettez-moi de vous
rappeler que le Sénat, dans sa majorité, s'était opposé à la vente d'alcool
dans les buvettes installées sur les stades. Il avait alors été soutenu par les
fédérations d'hôteliers et de restaurateurs. Malgré cela, le Gouvernement a
pris, au creux de l'été - le 8 août, pour être précis - une décision autorisant
cette vente une vingtaine de fois dans l'année. J'observe donc que le
Gouvernement invoque le paracommercialisme quand il le veut bien, pour
l'oublier aussitôt dès lors que cela l'arrange...
Pour revenir à l'utilisation des salles polyvalentes, si je conçois qu'une
telle réglementation puisse être appliquée dans les plus grandes villes, je
crois qu'il faut bien comprendre que les maires des petites communes n'ont pas
les moyens d'imposer de telles contraintes à leurs associations locales.
Je suggère donc à M. Bernard Pons d'élaborer une autre circulaire - il n'est
pas à une circulaire près - et de restreindre le champ d'application de cette
mesure aux communes de plus de 2 000 ou de 2 500 habitants, par exemple, tout
en préservant les petites communes, qui sont les plus nombreuses en France et à
qui on ne peut imposer ni ce travail - parce que cela en est un pour elles - ni
cette corvée psychologique vis-à-vis de leurs associations locales.
NON-RESPECT PAR UNE SOCIÉTÉ D'HLM
DE LA RÉGLEMENTATION ÉLABORÉE
PAR LE COMITÉ NATIONAL DES BÂTISSEURS SOCIAUX
M. le président.
M. Guy Allouche souhaite obtenir de la part de M. le ministre délégué au
logement une réponse à la question écrite qu'il lui a posée, le 27 juin 1996,
relative au non-respect par la SA d'HLM Carpi, filiale du groupe Maisons
familiales, de la réglementation issue du concours du comité national des
bâtisseurs sociaux - CNBS - élaborée en 1975 et dérogatoire à la réglementation
HLM en matière de logements acquis en accession à la propriété.
Compte tenu du caractère extrêmement délicat de ce dossier, il s'étonne
qu'aucune réponse ne lui ait été fournie depuis lors.
La réponse qui a été apportée sur le même sujet à l'Assemblée nationale, lors
de la séance de questions orales sans débat, le 8 octobre dernier, à l'un de
ses collègues député ne répond pas aux problèmes posés.
En effet, aucune explication n'a été apportée sur le fait de savoir pourquoi
l'administration affirme aux accédants qu'elle ne possède pas les fiches
d'agrément indiquant les caractéristiques techniques et le prix de leurs
logements. L'absence de ces documents est grave, car les acquéreurs ne peuvent
constater par eux-mêmes la réalité des affirmations du ministère du logement
quant au respect du concours CNBS par la SA d'HLM Carpi.
Il s'étonne que l'administration puisse affirmer que tous les éléments
démontrent le respect par la SA d'HLM Carpi de la réduction de prix imposée par
ce concours, alors qu'elle déclare dans le même temps aux accédants ne pas être
en possession des fiches d'agrément de leurs logements.
Dès lors qu'il est établi que ces documents ont été adressés par les
ministères du logement et de l'environnement aux directions départementales de
l'équipement concernées pour procéder au contrôle effectif de l'application du
concours CNBS par la société Carpi et que ces pièces semblent désormais
introuvables, il revient à M. le ministre délégué au logement de justifier
précisément des documents lui permettant d'attester de la pertinence des
contrôles effectués.
Il lui demande donc de lui assurer que sera mise à sa disposition dans les
délais les plus brefs la circulaire n° 77-162 du 8 novembre 1977, dont il ne
dispose pas, celle-ci n'ayant pas été publiée au
Journal officiel ;
de
lui assurer que ses services remettront immédiatement et sans condition aux
accédants qui en feront la demande dans les prochaines semaines les fiches
d'agrément de leurs logements « Alezan », « Futaies » et « Notos » afin qu'ils
puissent vérifier par eux-mêmes la violation ou le respect par la SA d'HLM
Carpi du concours CNBS ; dans le cas où ces documents ne seraient plus en
possession de l'administration, de lui expliquer les raisons de la disparition
de ces pièces et de justifier alors précisément de la nature des documents lui
permettant d'affirmer que la SA d'HLM Carpi a effectivement respecté la
réglementation dérogatoire du concours CNBS. (N° 478.)
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Madame le secrétaire d'Etat, si je souhaite revenir sur l'affaire résultant du
non-respect par la société d'HLM Carpi de la réglementation propre au concours
du CNBS, le comité national des bâtisseurs sociaux - affaire complexe déjà
exposée par mes collègues MM. Alain Richard au Sénat et Jean-Pierre Kucheida à
l'Assemblée nationale - c'est parce que les réponses que nous a données M.
Périssol, ministre délégué au logement, ne me satisfont pas.
M. Périssol s'est référé systématiquement dans ses propos « à deux concours
CNBS... dont l'un seulement impliquait des prix réduits »
Personnellement, je ne connais l'existence que d'un seul concours. Peut-être
M. Périssol faisait-il référence à deux circulaires de 1976 et de 1979,
applicables audit concours CNBS ? Dans ce cas, il s'agit bien de deux
circulaires différentes, mais qui portent sur le même concours. Je voudrais
que, par votre intermédiaire, M. le ministre me le confirme.
M. Périssol nous a dit également qu'« aucune clause de réduction de prix ne
s'appliquait pour les projets agréés par la circulaire de 1979 ». Or ce n'est
pas exact : cette réduction de prix est bien rappelée au bas de la page 5 de
ladite circulaire. Les projets de la société Carpi, les logements « Alezan », «
Futaies » et « Notos » devaient donc, dans ce cadre, appliquer la réduction de
prix, ce qui, j'insiste, n'a pas été le cas.
M. Périssol a, par ailleurs, « établi une différence pour l'application de
cette réduction de prix dans le temps, considérant que seuls les modèles
antérieurs aux années 1980 devaient appliquer des réductions de prix ». Or je
constate que la Carpi a présenté postérieurement à cette période aux directions
départementales de l'équipement concernées des projets labélisés CNBS, sans
appliquer pour autant la réduction de prix, tout comme avant 1980.
M. Périssol nous a affirmé, d'autre part, que « tous les éléments aujourd'hui
en possession de l'administration tendent à établir que l'engagement de
réduction de prix a été respecté ». Il s'est fondé en cela sur le rapport du
commissaire du Gouvernement, M. Tarrel, publié en 1977, alors qu'il est établi
que le non-respect par la société Carpi du concours CNBS a débuté à compter de
1979.
Le rapport Trientz, publié par l'inspection générale de l'équipement en 1989,
fait état, quant à lui, de « prix très inférieurs au prix de référence ». Mais
le prix de référence en question s'entend par rapport au barème des prix HLM
pour l'accession, et non pas au regard du concours CNBS.
M. Périssol a enfin déclaré que « les DDE ont contrôlé les prix de revient
effectifs des opérations pour la partie bâtiment ». Les fiches analytiques
d'accession à la propriété, que j'ai eu l'occasion de parcourir, montrent que
la société Carpi appliquait très exactement les barèmes réglementaires HLM pour
l'accession, sans opérer la réduction de prix exigée par le concours CNBS.
Vous comprendrez alors, madame le secrétaire d'Etat, ma perplexité devant un
tel dossier : les pièces qui sont en ma possession - et elles sont nombreuses -
proviennent de plusieurs directions départementales de l'équipement. Au vu des
ces dernières, il me semble que tous les éléments de ce dossier n'ont pas été
transmis, soit à M. Périssol, ministre délégué au logement, soit à moi-même. Je
demande donc que la transparence soit faite sur cette affaire.
Je vous demande la communication et les caractéristiques des documents sur
lesquels M. Périssol se fonde pour conforter les réponses qu'il nous a
apportées sur ce dossier.
Il existe bien les fameuses fiches d'agrément, qui permettraient enfin de
répondre aux problèmes posés. Pourquoi l'administration refuse-t-elle de les
transmettre aux accédants qui en font la demande ? Ces documents, à eux seuls,
permettraient d'en finir avec cette sombre affaire qui ne doit pas faire
oublier l'essentiel : trouver une solution aux immenses difficultés et au
désarroi quotidien que rencontrent et que vivent toutes les familles
intéressées par ce dossier.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le sénateur, le dossier des
accédants à la propriété de la Carpi est effectivement très complexe, et M.
Périssol le connaît fort bien.
Il est vrai que l'une des difficultés résulte dans le fait qu'un certain
nombre de documents, remontant aux années soixante-dix, sont difficiles à
retrouver.
Je puis toutefois vous remettre sans difficulté - je vous la remettrai dès
l'issue de cette séance - la circulaire n° 77-162 du 8 novembre 1977, qui a été
publiée non pas au
Journal officiel
mais au
Bulletin officiel
du
ministère de l'équipement. Elle expose d'une manière générale les objectifs de
la politique des « modèles » par laquelle les pouvoirs publics s'efforçaient à
l'époque d'encourager l'amélioration des techniques de construction et de
favoriser l'accession à la propriété.
Il s'agissait d'inciter les promoteurs à organiser des concours entre les
concepteurs et les entreprises de construction pour concevoir des modèles
économiques, puis de s'engager à en acquérir un nombre suffisant pour que les
économies d'échelle puissent produire leurs effets au bénéfice des accédants à
la propriété.
Les promoteurs pouvaient ainsi obtenir des prix attractifs, dont ils faisaient
bénéficier les accédants à la propriété.
Les projets sélectionnés, qui donnaient lieu à des fiches d'agrément,
faisaient ensuite l'objet de commandes aux entreprises dans le cadre de
procédures de passation des marchés allégées.
Les concours du CNBS s'inscrivaient dans cette démarche. Malheureusement, M.
Pierre-André Périssol me demande de vous confirmer que les fiches d'agrément
elles-mêmes n'ont pu être retrouvées. La cause vraisemblable de cette
disparition est le déménagement du ministère de l'équipement à la Grande Arche
de la Défense, en 1989. La commission d'accès aux documents administratifs, la
CADA, qui avait été saisie, n'a d'ailleurs pu que constater ce fait le 4
décembre 1995.
Tous les éléments dont dispose le ministre du logement indiquent bien
cependant que la procédure a été convenablement appliquée par la SA d'HLM
Carpi, sous le contrôle de l'administration.
En effet, les instructions nécessaires avaient été données aux DDE pour
qu'elles suivent la mise en oeuvre de la politique des modèles, en particulier
la passation des marchés par le promoteur auprès des entreprises.
Par ailleurs, les DDE contrôlaient, lors des demandes de financement de PAP,
que le prix de revient était inférieur au prix de référence réglementaire et
que la marge sur le prix de revient réel n'était pas exagérée.
Il est à noter toutefois - une confusion est souvent faite à ce propos - que
le prix de référence lui-même n'était pas affecté par la sélection du modèle
par un concours tel que celui du CNBS. L'abaissement du prix payé au
fournisseur permettait simplement de réduire le prix de revient effectif en
dessous de ce maximum réglementaire dans des proportions plus ou moins
importantes selon, notamment, le niveau de la charge foncière qui s'ajoute au
prix du bâtiment.
Les contrôles des missions d'inspection administratives sur la SA d'HLM Carpi
ont montré que les prix de revient étaient effectivement inférieurs aux prix de
référence - jusqu'à moins 15 % - et que les marges étaient effectivement
inférieures au maximum réglementaire, ce qui assure que la réduction des prix
d'achat aux fournisseurs a bien été répercutée aux accédants.
Saisis à de nombreuses reprises de ce contentieux très délicat et porteur
d'angoisses pour les personnes concernées, les tribunaux ont toujours
systématiquement confirmé ces analyses.
Rien ne permet donc d'affirmer que, dans ce dossier, les règles n'ont pas été
respectées, même s'il est vrai que le temps qui a passé compromet la
possibilité de retrouver toutes les pièces susceptibles de rassurer les
accédants à la propriété. On ne saurait pour autant renverser la charge de la
preuve !
M. Guy Allouche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Madame le secrétaire d'Etat, par courtoisie et par déférence, je vous remercie
de votre réponse. Force m'est pourtant de constater qu'elle constitue une
circonstance aggravante : encore une fois, je constate que non seulement M.
Périssol élude ma question mais, de surcroît, qu'il n'a pas été en mesure
d'apporter de fondement aux réponses qu'il me fournit.
Madame le secrétaire d'Etat, à vous entendre, il serait désormais impossible
de retrouver les documents que je réclame en raison du déménagement du
ministère. Or c'est sur la base de ces documents - les fiches d'agrément - que
M. Périssol a toujours dit que le concours CNBS avait été respecté. Mais la
société Carpi a toujours appliqué les barèmes HLM pour l'accession, qui sont
supérieurs à ceux du concours CNBS.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, comment ne pas s'interroger avec une
gravité certaine - oui, avec une gravité certaine ! - et se demander si ce
concours CNBS n'aurait pas servi uniquement à faire les gros titres de
publicités mensongères de la société Carpi ?
Vous n'êtes pas sans savoir qu'une violation par cette société d'HLM de la
réglementation du concours CNBS impliquerait un détournement de fonds public
!
C'est donc le principe de l'intérêt général qui est directement en cause ici,
et qui serait gravement compromis dans cette affaire. Seraient alors lésés non
seulement les accédants à la propriété qui ont acquis un logement auprès de la
société d'HLM Carpi, mais également l'ensemble des contribuables de ce pays.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, malgré votre réponse, nous n'avons pas
l'intention d'en rester là.
M. Henri Weber.
Très bien !
POLITIQUE DU GOUVERNEMENT À L'ÉGARD DE CHYPRE
M. le président.
M. André Rouvière appelle l'attention de M. le ministre des affaires
étrangères sur les événements tragiques qui se sont déroulés à Chypre au mois
d'août.
Le 11 août, un jeune Chypriote grec âgé de vingt-quatre ans qui participait à
une manifestation pacifique sur la ligne de démarcation qui divise l'île en
deux depuis l'invasion turque de 1974 a été battu à mort par des
contre-manifestants envoyés par les autorités qui occupent la partie nord de
l'île et qui n'ont jamais été reconnues par la communauté internationale.
Selon un rapport des forces armées de l'ONU en poste à Chypre, ont été repérés
dans cette contre-manifestation à la fois des membres d'une organisation
extrémiste turque terroriste se faisant appeler les « Loups gris » ainsi que
des policiers d'origine turque.
Le 14 août, alors que l'émotion était à son comble, le cousin du défunt, après
les funérailles, s'est rendu sans arme sur les lieux du drame et a tenté
symboliquement de grimper sur un mât qui portait le drapeau turc. Il a été
alors abattu froidement et sans sommation par les policiers et les soldats
turcs devant les caméras de télévision du monde entier. Douze autres personnes
ont été blessées dont une femme de cinquante ans et deux soldats membres des
forces de l'ONU.
Il ressort clairement des images télévisées que la réaction des troupes
d'occupation turque a été disproportionnée face à la nature pacifique et
démocratique de la manifestation chypriote grecque.
Il apparaît essentiel que la France, patrie des droits de l'homme, condamne
avec la plus grande énergie ces actions violentes qui désespèrent la population
d'une île victime depuis plus de vingt-deux ans de l'occupation illégale de 40
p. 100 de son territoire par les armées d'une puissance étrangère.
En outre, notre pays, comme les Etats-Unis, devrait appuyer toute démarche
pour que les coupables de ces meurtres soient poursuivis et rendent compte de
leurs actes devant la justice.
Quelle est la position du Gouvernement français et quelles initiatives
pense-t-il proposer ou prendre ? (N° 449.)
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Madame le ministre, même si les événements tragiques qui se sont déroulés à
Chypre les 11 et 14 août dernier sont intervenus durant ce qui est pour nous la
trêve estivale, leur gravité ne doit pas être sous-estimée.
Ce sont deux manifestants chypriotes grecs, pacifiques, qui ont été assassinés
au mépris des règles du droit.
Le 2 août dernier, la Fédération chypriote des motocyclistes a organisé une
marche pacifique, en coopération avec la Fédération européenne des
motocyclystes, au départ de la porte de Brandebourg, à Berlin. Il s'agissait de
rappeler l'absurdité de la situation actuelle, qui veut que le mur de Berlin
soit tombé, alors que la République de Chypre demeure toujours « balafrée » par
une ligne de démarcation de cent quatre-vingts kilomètres qui traverse sa
capitale, Nicosie, et divise, d'une façon infranchissable, l'île comme sa
population. Le cortège devait achever sa marche le 10 août par un rassemblement
à Nicosie, annulé au dernier moment par les organisateurs, inquiets des bruits
selon lesquels les autorités d'occupation turques préparaient une
provocation.
Une centaine de jeunes Chypriotes, qui vivent depuis leur plus jeune âge dans
un pays divisé et occupé, décidaient alors de se rendre pacifiquement en foule
sur la ligne de démarcation. Ils devaient être attaqués violemment par des
contre-manifestants. Isaac Anastassios, âgé de vingt-quatre ans, était battu à
mort tandis que quarante autres Chypriotes grecs étaient blessés, parfois
grièvement.
Le rapport des soldats de la force d'interposition de l'ONU à Chypre souligne
sans aucune ambiguïté que participaient à la contre-manifestation des policiers
d'origine turque ainsi que des membres d'une organisation terroriste et
extrémiste turque qui se font appeler les « Loups gris » et qui étaient venus
spécialement de Turquie pour cette sinistre opération.
Le 14 août 1996, après les funérailles du malheureux Chypriote grec, l'un de
ses cousins se rend avec des amis pour déposer des fleurs sur les lieux de
l'assassinat. Il tente de grimper sur un mât qui porte le drapeau turc, sous
les yeux des Chypriotes grecs rassemblés dans le calme, la dignité et la
tristesse, mais aussi - j'y insiste - sous le regard des sentinelles des forces
d'occupation, qui veillent derrière la ligne de démarcation. Soudain, sans
sommation, les policiers et les soldats turcs ouvrent le feu directement sur
lui et sur ceux qui leur font face. Les caméras de télévision du monde entier
ont enregistré la mort en direct de ce malheureux. Douze autres personnes ont
été blessées, dont une mère de famille de cinquante ans et deux soldats de
l'ONU.
Madame le secrétaire d'Etat, la République de Chypre a été envahie il y a
vingt-deux ans par la Turquie. Depuis, 40 % du territoire sont occupés sous le
contrôle d'une prétendue République turque de Chypre du Nord, qui n'a été
reconnue que par la Turquie, et jamais par la communauté internationale.
Aujourd'hui, la République de Chypre est à nouveau la victime innocente
d'actes contraires aux règles internationales et aux principes des droits de
l'homme. Les négociations en vue de l'instauration d'une fédération bizonale et
bicommunautaire sont rompues à l'instigation de la partie chypriote turque, qui
n'a plus que la force des armes et du statu quo à opposer aux arguments de la
raison et du bon sens.
Il importe, madame le secrétaire d'Etat, que la France condamne d'une voix
forte des actes commis par les autorités d'occupation, actes dont la gravité
exceptionnelle est sans commune mesure avec les circonstances. Il serait
essentiel que notre pays se joigne aux Etats qui réclament que les coupables de
tels agissements soient poursuivis et condamnés malgré les protections dont ils
ont certainement bénéficié.
Madame le secrétaire d'Etat, pouvez-vous me préciser ce qu'a fait le
gouvernement de notre pays au moment du drame et m'indiquer ce qu'il compte
faire pour essayer de participer à la recherche d'une solution harmonieuse, au
regard tant de ce drame que de la division de l'île ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé
l'attention du ministre des affaires étrangères et du Gouvernement sur les
affrontements intercommunautaires qui ont eu lieu à Chypre, au mois d'août
dernier - vous en avez rappelé les circonstances - ainsi que sur les autres
événements qui sont malheureusement survenus par la suite.
La France a vivement déploré les actes de violence commis ainsi que le
caractère disproportionné de la riposte des forces de sécurité dans le nord du
pays en réponse à l'entrée non autorisée de civils dans la zone tampon. Elle
s'est également associée à la déclaration de la présidence au nom de l'Union
européenne qui a condamné les meutres brutaux de Tassos Isaac et de Solomos
Solomou, et exprimé sa profonde inquiétude au sujet des blessures reçues par de
nombreuses autres personnes, parmi lesquelles des membres de la force de
maintien de la paix des Nations unies.
Nous avons appelé les parties au calme et à la retenue. Nous leur avons
demandé de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'éviter de nouveaux
affrontements. Dans cette perspective, nous estimons que l'objectif de faire
baisser la tension autour de la « ligne verte » pourrait justifier la reprise
des pourparlers intercommunautaires directs, afin, par exemple, d'élargir le
champ d'application de l'accord de désengagement de 1989, c'est-à-dire le recul
de part et d'autre de la « ligne verte » des forces chypriotes, grecques et
turques.
De manière générale, ces événements, comme ceux qui sont survenus en septembre
et en octobre, illustrent une fois encore la nécessité d'une solution politique
globale et définitive de la question de Chypre sous l'égide des Nations unies.
Notre pays, pour sa part, soutient toute initiative allant dans ce sens. Tant
au sein de l'Union européenne qu'en sa qualité de membre permanent du Conseil
de sécurité des Nations unies, la France poursuivra ses efforts pour contribuer
à un règlement politique juste et durable.
M. André Rouvière.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Rouvière, pour répondre brièvement au Gouvernement, car il
a déjà épuisé son temps de parole !
M. André Rouvière.
Monsieur le président, je serai très bref.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais je crois
que nous sommes nombreux à souhaiter que le Gouvernement français adopte une
position beaucoup plus énergique et fasse résonner la voix de la France dans le
concert international.
La France entretient des relations privilégiées avec la Turquie et peut donc,
à ce titre, peser pour que cette occupation qui, aujourd'hui ne se justifie
plus, cesse. Car il s'agit bien d'un pays occupé par un autre pays dans la
mesure où l'armée turque est présente à Chypre.
Nous souhaitons que le Gouvernement français prenne des initiatives innovantes
à cet égard.
RESPONSABILITÉS DE L'ÉTAT
ET DE LA SOCIÉTÉ LORMINES
FACE À L'ARRÊT DE POMPAGE DES EAUX D'EXHAURES
M. le président.
Mme Gisèle Printz rappelle à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des
télécommunications la gravité de la situation résultant de l'arrêt de pompage
des eaux d'exhaures par la société Lormines.
Il est, en particulier, à souligner la lourde responsabilité de l'Etat, qui a
autorisé par arrêté l'abandon des mines de la société Lormines sans imposer un
bilan hydrologique. Or, dans une affaire similaire, le tribunal administratif
de Lille, le 25 avril 1996, a tranché contre l'Etat en refusant la procédure
d'arrêt définitif des travaux de la concession d'Aniche, dans le Nord.
Dans ces conditions, le CODELOR, le comité de défense des intérêts des
collectivités et des populations des bassins sidérurgiques et ferrifère de
Lorraine-Nord, a engagé, d'une part, une procédure administrative contre l'Etat
pour faire annuler l'arrêté d'abandon, d'autre part, une procédure civile
contre Lormines pour obtenir réparation financière des dommages subis, évalués
à 36 millions de francs.
Alors qu'un nouveau préfet de région vient d'être nommé en Lorraine, il est
demandé à l'Etat de reconsidérer sa position et d'imposer à Lormines le respect
des dispositions de la loi sur l'eau n° 92-3 du 3 janvier 1992, ainsi que de
contraindre la société Arbed à poursuivre l'exhaure après la cessation de ses
activités, prévue pour 1997.
Ainsi, les populations ne seront pas une fois de plus pénalisées, elles qui
ont déjà payé un lourd tribut aux restructurations minières et sidérurgiques.
(N° 474.)
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
La gravité de la situation résultant de l'arrêt de pompage des eaux d'exhaures
par la société Lormines, en Lorraine, est préoccupante.
Je voudrais, en particulier, souligner la lourde responsabilité de l'Etat, qui
a autorisé par arrêté l'abandon des mines de la société Lormines, sans imposer
un bilan hydrologique. Or, dans une affaire similaire, le tribunal
administratif de Lille, le 25 avril 1996, a tranché contre l'Etat en refusant
la procédure d'arrêt définitif des travaux de la concession d'Aniche, dans le
Nord.
Dans ces conditions, le comité de défense des intérêts des collectivités et
des populations des bassins sidérurgiques et ferrifère de Lorraine-Nord a
engagé, d'une part, une procédure administrative contre l'Etat pour faire
annuler l'arrêté d'abandon, d'autre part, une procédure civile contre Lormines
pour obtenir réparation financière des dommages subis, qui sont évalués à 36
millions de francs.
Alors qu'un nouveau préfet de région vient d'être nommé en Lorraine, il est
demandé à l'Etat de reconsidérer sa position et d'imposer à Lormines le respect
des dispositions de la loi sur l'eau n° 92-3 du 3 janvier 1992, ainsi que de
contraindre la société Arbed à poursuivre l'exhaure après la cessation de ses
activités, qui est prévue pour 1997.
Ainsi les populations ne seront pas une fois de plus pénalisées, elles qui ont
déjà payé un lourd tribut aux restructurations minières et sidérurgiques.
Je voudrais rappeler à cet égard les récents événements survenus à Auboué,
petit village minier de Meurthe-et-Moselle, où un effondrement souterrain a
forcé les habitants à quitter leurs maisons en catastrophe. Cela permet de
mesurer la fragilité du sous-sol en pays minier et la gravité des problèmes qui
résulteront de l'arrêt complet de l'exploitation minière.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac,
secrétaire d'Etat aux transports.
Madame le sénateur, la question que
vous posez à propos de la société Lormines est bien connue ; elle concerne
d'ailleurs non seulement la Lorraine, mais aussi d'autres régions. Mon collègue
M. Franck Borotra m'a chargée de vous apporter quelques éléments de réponse.
L'arrêt de l'activité de la société Lormines a fait l'objet de divers arrêtés
préfectoraux pris en application du code minier, qui reprend, sur ce point, des
dispositions de la loi sur l'eau de janvier 1992. Ces arrêtés prennent en
compte les diverses études hydrogéologiques menées depuis 1983 sur l'exhaure
des mines de fer de Lorraine.
Il est vrai, et vous l'avez vous-même rappelé, madame Printz, que certaines
dispositions de ces arrêtés sont actuellement soumises à l'appréciation des
juridictions compétentes. Sans préjuger leurs conclusions, le Gouvernement peut
rappeler un certain nombre de données de base et préciser la démarche qu'il
compte adopter sur ce dossier.
Le pompage des eaux d'exhaures est lié à l'activité de production dans les
mines. Il doit normalement s'arrêter quand le titulaire du permis
d'exploitation cesse son activité et a exécuté les mesures prescrites lors de
la procédure d'abandon des travaux et de renonciation à son titre minier.
Il n'a pas comme finalité l'alimentation en eau potable des collectivités ni
le soutien à l'étiage des cours d'eaux. Le pompage peut néanmoins être
poursuivi par l'intermédiaire d'une structure adaptée, sous réserve de l'accord
des autorités locales dans des conditions arrêtées avec l'ancien exploitant.
Il est, en effet, difficile d'imaginer une obligation de pompage pour des
tiers incombant à une société privée de ressources financières du fait de sa
cessation d'activité.
Cependant, M. Borotra m'a chargée de vous en informer, afin de permettre à
l'Etat d'élaborer une doctrine globale sur la prise en charge du pompage des
eaux souterraines et du relevage des eaux de surface à la fin des travaux
miniers, il a demandé au Conseil général des mines, conjointement avec le
ministère de l'environnement, de diligenter une mission interministérielle qui
devra, notamment, faire des propositions sur les mesures définitives à imposer
aux concessionnaires sur ces points, au regard des obligations d'ores et déjà
prévues par le code minier.
Mme Gisèle Printz.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Je remercie Mme le secrétaire d'Etat de sa réponse ; je la transmettrai aux
populations de ma région.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à seize heures cinq,
sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
3
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
A. -
Mercredi 13 novembre 1996,
à quinze heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997,
adopté par l'Assemblée nationale (n° 61, 1996-1997).
B. -
Jeudi 14 novembre 1996,
à neuf heures trente, à quinze heures et,
éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
C. -
Mardi 19 novembre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Projet de loi complétant, en ce qui concerne certains contrats de services
et de fournitures, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence
et la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de
certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence et la loi
n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains
contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des
télécommunications (n° 9, 1994-1995).
La conférence des présidents a fixé au lundi 18 novembre, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration
d'urgence, relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre
de la professionnalisation des armées (n° 26, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au lundi 18 novembre, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
D. -
Mercredi 20 novembre 1996,
à quinze heures et, éventuellement le
soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi d'habilitation relatif à l'extension et à l'adaptation à la
collectivité territoriale de Mayotte des dispositions législatives du titre Ier
du livre VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au
financement de l'établissement public de santé territoriale de Mayotte ainsi
qu'à la réforme du statut de la caisse de prévoyance sociale (n° 57, 1996-1997)
;
2° Projet de loi portant ratification des ordonnances prises en application de
la loi n° 96-1 du 2 janvier 1996 d'habilitation relative à l'extension et à
l'adaptation de la législation en matière pénale applicable aux territoires
d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte et abrogeant certaines
dispositions concernant les îles éparses et l'île de Clipperton (n° 493,
1995-1996) ;
3° Projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre
1996 prise en application de la loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation
relative au statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale,
des communes et des établissements publics de Mayotte (n° 56, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mardi 19 novembre, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ces trois projets de loi.
4° Projet de loi relatif à l'Union d'économie sociale du logement (n° 58,
1996-1997).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 19 novembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures trente minutes la durée globale du temps dont disposeront,
dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur
la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 19
novembre.
E. -
Jeudi 21 novembre 1996 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite du projet de loi relatif à l'Union d'économie sociale
du logement.
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance, avant onze heures.
F. -
Du jeudi 21 novembre 1996,
à seize heures et le soir, au
mardi
10 décembre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 1997 (A.N., n°
2993).
Les règles et le calendrier de la discussion des diverses dispositions du
projet de loi de finances pour 1997, fixés par la conférence des présidents du
5 novembre 1996, sont confirmés.
En outre, l'ordre du jour du jeudi 28 novembre 1996 est complété par la
discussion, dans l'après-midi, des conclusions de la commission mixte paritaire
ou de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1997.
Un hommage solennel en séance publique sera rendu à André Malraux, le mardi 3
décembre 1996, à quinze heures.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
4
DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 12 novembre 1996
« Monsieur le président,
« J'ai décidé de placer M. Alain Gérard, sénateur du Finistère, en mission
temporaire auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement
supérieur et de la recherche.
« Je tenais à vous faire part de cette décision, qui est prise dans le cadre
des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral et qui fera l'objet
d'un décret publié incessamment au
Journal officiel.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
«
Signé :
Alain Juppé ».
Acte est donné de cette communication.
5
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1977
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1997 (n° 61, 1996-1997), adopté par l'Assemblée
nationale. Rapport n° 66 (1996-1997) et avis n° 68 (1996-1997).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, ce premier projet de loi de financement de
la sécurité sociale marque une date importante dans l'histoire du Parlement,
puisqu'il s'agit de leur première rencontre institutionnalisée.
En votre présence, monsieur le président, je voudrais saluer les initiatives
répétées qu'a prises le Sénat ces dernières années pour tenter de parvenir au
point où nous sommes aujourd'hui où le Parlement est associé désormais
pleinement à l'exercice de cette responsabilité fondamentale qui consiste à
organiser le fonctionnement de notre dispositif de protection sociale.
Il était temps que les représentants de la nation puissent débattre
simultanément des orientations de la politique de santé et de sécurité sociale
ainsi que des objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre
financier de la sécurité sociale. Mais cela doit aussi marquer un progrès dans
l'exercice de la démocratie : il faut que les Français appréhendent de manière
adulte et responsable les questions touchant à leur sécurité sociale et à son
financement.
L'équilibre de la sécurité sociale est une question complexe. Le bon équilibre
est assurément la résultante d'exigences contradictoires : il faut veiller à la
situation des personnes âgées et des familles, donner à tous un égal accès à
des soins de qualité, mais il faut aussi, bien sûr, éviter que le poids des
prélèvements nécessaires au financement des prestations ne vienne limiter la
croissance et l'emploi, et décourager l'initiative et le travail.
A l'évidence également - il faut le redire - les masses de recettes et de
dépenses en jeu atteignent près de 1 700 milliards de francs chaque année. Il
s'agit de prendre des décisions majeures pour corriger des insuffisances, pour
mettre fin à des dérives, pour redéployer des dépenses, pour adapter en
permanence les régimes aux priorités sociales et au contexte économique.
Bref, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat peut et doit être le
rendez-vous annuel où la collectivité tout entière exprime ses choix et arrête
ses priorités pour l'exercice à venir.
Ce projet de loi n'est donc en aucun cas un énième plan de redressement
financier dont l'existence même témoignerait de l'insuffisance des décisions
antérieures.
Ce premier projet de loi de financement reste fidèle à l'esprit et à la lettre
de la loi organique et peut servir de base à un débat de qualité.
Evidemment, il peut être perfectible. Cette année nous avons dû, M. Hervé
Gaymard et moi-même, respecter les délais : la loi organique a été publiée le
23 juillet, la première conférence nationale de santé s'est tenue du 2 au 4
septembre, et le projet de loi a été déposé le 15 octobre. Mais nous pouvons
penser que, dans l'avenir - M. Hervé Gaymard s'en expliquera - les textes
pourront être préparés plus tôt.
Ce projet de loi est bâti sur des hypothèses économiques communes avec le
projet de loi de finances. Il a été élaboré en cohérence avec les grands choix
faits dans ce projet tant en ce qui concerne la réduction du déficit public
qu'en ce qui concerne la réforme fiscale. Il s'appuie sur les comptes
tendanciels soumis à la commission des comptes de la sécurité sociale.
C'est une avancée considérable, et les débats qui suivront ne manqueront pas
de faire apparaître de multiples voies de progrès possibles.
A ce stade, je voudrais remercier la commission, son président, M. Fourcade,
et le rapporteur, M. Descours, de tous les éclairages qu'ils ont déjà apportés
à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je reviens brièvement sur l'esprit de la réforme engagée en 1995, c'est-à-dire
voilà un an.
Elle fonde un nouveau partage des responsabilités entre l'Etat et les
gestionnaires de la sécurité sociale.
« Mieux d'Etat » dans l'explicitation des objectifs et des choix de principe,
« moins d'Etat » dans la gestion quotidienne : cette approche se retrouve à
tous les niveaux de la réforme.
Les conventions d'objectifs et de gestion vont fixer pour trois ans les règles
qui répartiront les responsabilités entre l'Etat et les caisses nationales.
Nous sommes en train de les préparer.
Et vous, sénateurs, serez associés au suivi de ces conventions d'objectifs et
de gestion à travers les conseils de surveillance. Le décret les instituant est
paru le 5 novembre. Il prévoit la présence, dans chacun des quatre organismes
nationaux, de six parlementaires, dont le président du conseil de
surveillance.
Après la période de transition actuelle, un partage clair des responsabilités
sera établi, y compris dans des domaines difficiles et sensibles comme ceux de
l'élaboration de la nomenclature.
Le souci de s'adapter au terrain, aux réalités locales, et de privilégier,
pour la régulation du système de santé, le niveau régional est un autre élément
central de la réforme.
Les agences régionales de l'hospitalisation auront de réelles marges de
manoeuvre et des capacités de négociation avec les établissements hospitaliers
; les unions régionales de caisses d'assurance maladie, les URCAM,
coordonneront la politique de gestion du risque au niveau local ; les
ordonnances nous permettront d'adapter localement les objectifs prévisionnels
de dépenses. Hervé Gaymard aura, après moi, l'occasion d'en reparler en
évoquant le lien qu'il faudra créer entre les conférences régionales de santé
et les objectifs prévisionnels adaptés.
Nous nous éloignons ainsi de la vision traditionnelle, celle d'un système
centralisé, piloté exclusivement par le haut sans que soient prises en compte
les diversités locales.
Un troisième exemple de cette approche déconcentrée est le souci de faire
émerger des formes nouvelles d'organisation de soins par la voie des
expérimentations.
Une des grandes faiblesses de notre système de santé est l'éparpillement des
acteurs. Pour y remédier, tout en respectant les principes essentiels
d'exercice de la médecine libérale, le Gouvernement a fait le choix de ne pas
imposer un modèle, mais de rendre possible des expériences multiples dans leur
objet et dans leurs formes.
De telles expériences, pour être mises en place, devront bien entendu
recueillir l'avis d'un conseil d'orientation puis l'approbation de l'Etat :
c'est le conseil d'orientation des filières et des réseaux de soins
expérimentaux, que présidera M. Soubie, et qui regroupera des professionnels de
santé, des financeurs et des experts.
Ce conseil d'orientation sera installé avant la fin du mois de novembre, et la
caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la caisse
nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des
professions non agricoles et la mutualité sociale agricole entendent bien
mobiliser leur réseau de caisses pour promouvoir ou faciliter l'émergence de
ces initiatives.
Ainsi, la philosophie d'ensemble qui inspire la réforme est bien résumée par
la place essentielle qui est faite aux contrats, aux conventions : conventions
d'objectifs et de gestion entre l'Etat et les caisses nationales, entre les
caisses nationales et les caisses locales, contrats conclus entre les agences
régionales de l'hospitalisation et les établissements de soins publics et
privés, conventions entre les promoteurs des actions expérimentales et les
organismes d'assurance maladie concernés,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Quelle usine à gaz !
M. Jacques Mahéas.
Pour aboutir à 70 milliards de déficit !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
... sans oublier, bien
évidemment, les conventions entre les professionnels de santé et l'assurance
maladie.
Oui, je comprends que cette philosophie contractuelle gêne les tenants de la
réglementation tous azimuts.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Jacques Mahéas.
Verbiage !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
C'est pourtant par le
contrat que l'on régule une société démocratique moderne au sein de l'aquelle,
précisément, on peut donner à la démocratie sociale tout son sens.
M. Claude Estier.
Ne donnez pas de leçons aux autres, s'il vous plaît !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Vous me permettrez de
donner des leçons à ceux qui veulent m'en asséner !
M. Jacques Mahéas.
Regardez donc les années antérieures !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Qu'il soit bien entendu à
cet égard que le mode conventionnel doit rester le principe de base dans les
relations avec les professions de santé, le mode normal de régulation du
système, l'Etat n'intervenant qu'à titre exceptionnel pour pallier les vides ou
les échecs conventionnels.
J'en veux pour preuve l'accord négocié, contrairement à ce qui est écrit ici
et là, entre la caisse nationale de l'assurance maladie et les ambulanciers,
qui a conclu à un objectif quantifié, pour 1997, en baisse de 7,5 % par rapport
aux dépenses constatées en 1996.
M. Christian Bonnet.
Ce n'est pas dommage !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Ce n'est pas dommage en
effet ! Il a fallu un effort du Gouvernement et surtout de la caisse nationale
de l'assurance maladie pour négocier cet accord. Pour être applicable, il devra
recevoir une base législative ; c'est la raison pour laquelle nous vous
demanderons de l'introduire dans ce projet de loi.
J'ai la conviction que, après la période d'adaptation, l'ensemble des
professionnels comprendra que la réforme n'est pas une menace pour la médecine
libérale, mais qu'elle est une chance à ne pas manquer pour préserver
durablement ses principes.
M. Jacques Mahéas.
Tous les médecins sont d'accord ?
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Avant d'aborder plus
concrètement le contenu de ce projet de loi, je voudrais faire brièvement le
point sur les comptes de la sécurité sociale à la lumière des travaux de la
dernière commission des comptes.
Il est maintenant certain que, cette année, le déficit du régime général
baissera de l'ordre de 15 milliards de francs par rapport à 1995, soit 51,5
milliards de francs en 1996 au lieu de 67,3 milliards de francs en 1995. Ce
résultat peut paraître insuffisant. Mais il faut avoir à l'esprit que la
croissance de la masse salariale du secteur privé - c'est-à-dire la principale
assiette des recettes de la sécurité sociale - aura été très modeste,
inférieure pour la sixième année consécutive à 2 % en volume.
Il est évident qu'une progression inférieure à 2 % en volume pose problème,
même si, dans le même temps, l'évolution des dépenses s'est fortement
infléchie, et elle s'est infléchie.
M. Claude Estier.
C'est pourquoi il faut augmenter les salaires !
M. Jacques Mahéas.
C'est aussi à cause du chômage !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Et les 8 milliards de francs ?
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Messieurs les sénateurs,
sachez que M. Hervé Gaymard répondra très précisément à vos questions.
Permettez-moi, en attendant, de terminer cet exposé devant le Sénat dans le
cadre de cet exercice nouveau, propice à l'ouverture d'un véritable débat sur
la sécurité sociale.
Je reviens sur le premier point. Il existe incontestablement un déficit du
régime général accru par la baisse des ressources, déficit qui ne doit
cependant pas dissimuler la modération des dépenses.
Il est certain qu'une réforme aussi ample que celle qui a été annoncée voilà
un an ne produira ses effets financiers que dans la durée.
En effet, il faut un certain nombre de textes. Il faut aussi, naturellement,
une progressivité. On ne peut pas réduire brutalement les moyens alloués au
système de santé.
J'en reviens rapidement à la réforme. Où en est-elle ?
Nous avons pris les ordonnances dans les délais impartis. Parmi la soixantaine
de décrets d'application, quarante ont été publiés ou sont en cours de
consultation.
La distribution des carnets de santé a commencé au mois d'octobre, comme nous
nous y étions engagés ; elle sera achevée avant la fin de l'année. Les conseils
d'administration des caisses nationales ont été recomposés le 15 juillet
dernier ; ceux de toutes les caisses locales sont en cours d'installation.
J'en viens à ma seconde observation : au bout de douze mois, nous pouvons
affirmer qu'il y a bien eu une rupture de tendance dans l'évolution des
dépenses d'assurance maladie et que nos objectifs pour 1996 sont, en dépit de
tout ce qu'on a pu lire, en passe d'être atteints.
En ce qui concerne les dépenses hospitalières, l'objectif d'une croissance de
2,1 % des dépenses aura été respecté en 1996. C'est une première qui a
nécessité la mobilisation de toute la communauté hospitalière, et je l'en
remercie.
En ce qui concerne la médecine de ville, on ne peut pas crier victoire
prématurément. Mais il faut savoir que la baisse des dépenses enregistrée
devrait conduire, si elle se prolonge au dernier trimestre, au respect de
l'objectif de 2,1 %. D'ores et déjà, nous pouvons dire que le niveau des
dépenses d'assurance maladie remboursées par la CNAM est, depuis quatre mois,
plus bas que celui qu'il avait atteint en novembre dernier, au moment de
l'annonce du plan de réforme.
Evidemment, si ces évolutions portent à un relatif optimisme, tout n'est pas
gagné.
D'abord, il est des dépenses qui connaissent une certaine inertie. C'est vrai,
le Sénat le sait bien, de l'évolution des dépenses du secteur médico-social,
monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, qui reste
rapide à cause de tendances démographiques lourdes. Je confirme devant le Sénat
notre volonté de financer 14 000 lits médicalisés entre 1997 et 1998, ainsi que
4 000 places de services de soins infirmiers à domicile. Cela a un coût !
M. Adrien Gouteyron.
Très bien !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Ensuite, les dispositions
de la loi famille de 1994 s'avèrent beaucoup plus coûteuses que prévu.
Plusieurs sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
On avait remarqué !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
De 1994 à 1996, les
prestations versées au titre de la petite enfance ont doublé, passant de 10,5
milliards de francs à 21 milliards de francs.
On ne peut que se réjouir du succès de la loi famille. Par exemple, 200 000
familles bénéficient à ce jour de l'allocation parentale d'éducation pour le
deuxième enfant, créée en 1994.
Ce débat sur le projet de loi de financement permettra de mieux appréhender
les coûts et les évolutions.
Quant aux prestations de retraite, elles continuent de croître à un rythme
rapide. Elles ne connaîtront que peu à peu les infléchissements rendus
possibles par la loi de 1993.
J'en viens au contenu du projet de loi. Il comporte la fixation d'un objectif
national des dépenses d'assurance maladie et la réforme du financement de
l'assurance maladie.
L'objectif national des dépenses d'assurance maladie, première originalité de
ce texte, consiste à dépenser, en 1997, 600 milliards de francs au lieu de 590
milliards de francs, soit une augmentation de 10 milliards de francs par
rapport à 1996.
Avec un tel montant de dépenses, il doit être possible d'assurer à tous les
Français des soins de qualité, et ce sans aucune forme de rationnement, mais en
recherchant à tout moment et à tous les niveaux le juste soin.
La France a consacré en 1995 près de 10 % de sa richesse nationale aux
dépenses de santé.
Est-on pour autant mieux soigné en France que dans les pays voisins ? C'est
une question que je pose.
Mme Hélène Luc.
Mais tout le monde ne peut pas se faire soigner !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
J'en suis convaincu,
l'augmentation incontrôlée des dépenses ne garantit pas nécessairement
l'amélioration de la qualité des soins.
M. Jean-Louis Carrère.
Ça, c'est vrai !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Je ne connais pas de
personnes sensées dans la société française d'aujourd'hui qui puissent nier
cela.
Tout sera mis en oeuvre pour atteindre cet objectif, qui deviendra celui de la
nation par votre vote.
Je me contenterai aujourd'hui de rappeler que cet objectif englobe les
dépenses de l'hospitalisation, publique et privée, de médecine de ville et de
la partie du secteur médico-social qui est à la charge de l'assurance
maladie.
Cet objectif n'est pas purement indicatif, puisque la plus grande partie de
ces dépenses font, à présent, l'objet d'une régulation renforcée ou sont, pour
reprendre le terme juridique, « opposables ».
Nous veillerons à ce que les efforts soient équitablement partagés. Cela
signifie que la dotation globale hospitalière, l'objectif quantifié national
des cliniques privées, l'objectif quantifié national des médecins devront
progresser à un rythme analogue. On ne peut pas, en effet, demander un effort
aux uns si les autres ne consentent pas le même effort.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Ce n'est que par une
répartition équitable de l'effort que l'on peut obtenir l'adhésion de la
nation.
M. Charles Descours.
rapporteur.
Et des usagers !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Et des usagers bien sûr.
Ces 600 milliards de francs ne constituent pas pour autant une enveloppe des
crédits limitatifs, à la différence des lois de finances. Des droits sont
ouverts, et les prestations seront bien sûr servies à tous sans aucune limite
quantitative. C'est la raison pour laquelle toute une série de caricatures, de
campagnes de désinformation laissant entendre que cet objectif national de
dépenses d'assurance maladie conduirait à je ne sais quel rationnement, à je ne
sais quel quota de soins, toutes ces propagandes ne résistent pas à un examen
objectif de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jacques Mahéas.
L'augmentation du taux directeur des hôpitaux, c'est fini ?
Mme Hélène Luc.
Les médecins n'ont rien compris !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Nous aurons à notre
disposition des instruments qui se mettent actuellement en place : le
renforcement de la maîtrise médicalisée avec les références médicales
opposables, le recours au carnet de santé et la responsabilisation de chacun
qui en découlera, le développement accéléré des médicaments génériques,
l'action sur la démographie médicale, autant d'éléments qui faciliteront
l'atteinte de l'objectif que l'on se fixe.
La deuxième originalité de ce projet - M. Hervé Gaymard en parlera - c'est que
son élaboration a tenu compte des orientations dégagées par la conférence
nationale de la santé.
Par ailleurs, ce projet de loi nous permet d'engager une réforme essentielle,
celle du financement de l'assurance maladie.
Il est fondamental de donner aux ressources de la sécurité sociale une
assiette plus large. Aujourd'hui, les cotisations sont assises essentiellement
sur le travail. Cette structure de financement est inéquitable et elle le
devient de plus en plus, car la structure des revenus des ménages a beaucoup
évolué au cours des dernières années.
M. Jacques Mahéas.
Négativement !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Il n'est pas normal que les
revenus qui se développent le plus vite, comme les revenus de remplacement et
les revenus du capital, restent aussi peu associés au financement de la
protection sociale.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
La structure de financement
ne correspond plus non plus aux conditions actuelles d'ouverture des droits.
C'est la raison pour laquelle nous instaurerons progressivement l'assurance
maladie universelle ; j'y reviendrai au cours du débat.
D'ores et déjà, la préparation de la mise en place de l'assurance maladie
universelle nous a amenés à constituer deux groupes de travail, l'un étant
chargé d'étudier les conditions d'ouverture des droits, l'autre, l'intégration
financière des régimes.
Je voudrais préciser, tout particulièrement à l'intention de MM. Fourcade et
Descours, que nous entendons présenter, au début de 1997, un projet de loi au
Parlement, qui tendra à donner à toutes les personnes résidant en France accès
à l'assurance maladie dans les mêmes conditions, indépendamment de tout statut
professionnel.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Il était donc logique que
le financement de l'assurance maladie repose davantage sur l'ensemble des
revenus.
Voilà pourquoi nous avons été conduits à proposer une restructuration des
ressources de l'assurance maladie, par l'affectation aux différents régimes du
produit d'un prélèvement à assiette large se substituant à des cotisations.
Nous avons choisi, comme support de cette opération, la contribution sociale
généralisée, la CSG, mais il convenait, dès lors, d'adapter l'assiette de
celle-ci afin qu'elle porte plus largement sur les revenus du capital.
Permettez-moi de m'attarder quelques instants sur ce point, qui peut paraître
complexe.
Nous avons veillé, en utilisant la CSG, à lui donner la même assiette que le
RDS, le remboursement de la dette sociale, pour ce qui concerne les revenus
d'activité, de manière que le calcul de ces différentes contributions soit
simplifié.
Se pose, bien sûr, le problème de la déductibilité d'une partie de cette
cotisation. Si le nouveau point de CSG est déductible, c'est parce qu'il
remplace une cotisation sociale elle-même déductible, le reste demeurant en
l'état : non déductible.
La fiche de paie ne s'en trouvera pas compliquée, dès lors que ne figureront
que deux lignes : celle de la contribution non déductible et celle de la
contribution déductible. En effet, il y aura désormais une seule assiette, et
non plus deux, une pour la CSG et une pour le RDS.
J'aurai l'occasion de reprendre cette démonstration au cours de la discussion
des articles, mais ce que je tiens à souligner, c'est que nous avons voulu
commencer ce transfert d'un excès de prélèvements sur les revenus du travail
vers des prélèvements plus équitables, parce que assis sur une assiette plus
large, et nous avons veillé à ce que cela n'entraîne pas de complications.
Je veux également insister sur un point qui, à mon avis, est un peu passé sous
silence : cette opération, mesdames, messieurs les sénateurs, va se traduire
par un gain de pouvoir d'achat au profit des actifs de l'ordre de 8 milliards
de francs en année pleine.
Dans la mesure où nous avons fait en sorte que, dès le 1er janvier prochain,
les entreprises commencent à rendre ce transfert possible, nous aurons, au
cours de l'année 1997, redonné 8 milliards de francs de pouvoir d'achat aux
salariés.
J'y insiste parce que j'ai beau ouvrir les yeux, chercher attentivement, je ne
trouve pas souvent mention de cet aspect de la réforme, qui n'est pourtant pas
secondaire.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je n'évoquerai pas ici, vous me le pardonnerez, la manière dont ces
ressources supplémentaires apportées par l'élargissement de la CSG vont
profiter aux différentes branches ; nous y reviendrons au fur et à mesure de
l'examen des articles.
Le présent texte comporte en outre diverses mesures de financement destinées à
contribuer au redressement des comptes. Ce sont là des dispositions plus
habituelles. Nous avons considéré que faire figurer aussi dans ce projet
l'augmentation des droits sur l'alcool ou d'autres nous permettrait de débattre
globalement des différentes ressources affectées à la sécurité sociale.
Je terminerai cette présentation générale en évoquant l'avenir.
Nous franchissons une première étape, en ramenant le déficit du régime général
de 51,5 milliards de francs cette année à 30 milliards de francs en 1997.
Envisager tout de suite 30 milliards de francs d'économies n'aurait pas été
possible. Je le sais bien, des voix se sont élevées pour souhaiter cet effort
supplémentaire, mais cela aurait signifié 5 % de ressources en moins pour
l'assurance maladie : ce n'était pas jouable.
Cependant, grâce à la pratique du juste soin, nous parviendrons
progressivement, comme cela est indiqué dans le rapport, à un équilibre
structurel.
Le rythme annuel de la croissance en volume des prestations du régime général
dépassait 4 % en 1990 ; en 1996, il sera réduit à 1,7 %. La tendance à la
baisse est donc engagée et nous la poursuivons avec ce projet de loi de
financement : le taux de croissance devrait être de l'ordre de 1 % en 1997.
En outre, la projection que vous avons annexée au projet de loi de financement
montre que, si nous ne relâchons pas notre effort sur la maîtrise des dépenses,
avec des hypothèses économiques réalistes, le régime général devrait ramener
son déficit à 12 milliards de francs en 1998 et renouer avec un excédent, de 8
milliards de francs, en 1999. Il ne s'agit que de la prolongation des tendances
actuelles mais, j'y insiste, sans prévoir de déremboursements et sans
prélèvements supplémentaires.
Alors, me direz-vous, une nouvelle dette se sera constituée entre-temps.
Certes, mais si l'on parvient à tarir durablement la source de cet endettement,
le financement de cette dette transitoire ne constituera qu'un problème de
deuxième ordre.
Ce qui importe, c'est en effet que notre sécurité sociale puisse retrouver un
équilibre structurel et le consolider dans la durée, sans connaître ce qu'elle
a subi ces derniers temps : des déficits chroniques et des problèmes considérés
par certains comme insurmontables.
Le Parlement est ainsi amené, mesdames, messieurs les sénateurs, à participer
de façon éminente à la nouvelle organisation de la sécurité sociale. Il s'agit
de faire en sorte que notre système de sécurité sociale n'impose pas au pays
des prélèvements qui soient contradictoires avec la nécessaire bataille pour le
développement et l'emploi. Il est évident que, si les prélèvements ne cessent
de s'accroître, c'est le découragement qui s'installe, c'est le risque d'un
chômage croissant.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous êtes bien placé pour le savoir !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
C'est la raison pour
laquelle il est indispensable de maîtriser nos dépenses.
Mais il s'agit aussi, dans le même temps, de conserver à ce pays son système
de sécurité sociale, car celui-ci est probablement ce qui rassemble le mieux
les Français, ce qui soude le mieux la communauté nationale. D'ailleurs, à la
fin de la Seconde Guerre mondiale, quand le général de Gaulle et les
responsables politiques de l'époque ont donné à notre sécurité sociale ses
fondements, ils avaient bien compris qu'il y avait là une sorte de creuset de
la cohésion nationale.
Il faut donc que nous préservions le dynamisme de la nation en luttant avec
courage et détermination contre tout ce qui est gaspillage et excès, pour
pouvoir en même temps consolider dans l'avenir le ciment qui unit les Français
plus que beaucoup d'autres choses : leur sécurité sociale.
Voilà pourquoi il faut avoir le courage, aujourd'hui, de passer outre certains
intérêts particuliers, car il y va de l'intérêt général et de l'avenir de la
France
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Monsieur le
président, monsieur le président de la commission des affaires sociales,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le
dire Jacques Barrot, nous avons souhaité que la réunion de la conférence
nationale de santé soit partie intégrante du processus de préparation du projet
de loi de financement de la sécurité sociale. Le rapport qui vous a été adressé
rend compte des priorités dégagées par cette conférence et apporte certaines
réponses.
C'est à ce même exercice que je souhaiterais me livrer aujourd'hui sans,
évidemment, avoir la prétention d'être exhaustif, mais en m'efforçant de mettre
l'accent sur certains points clés.
Un constat s'impose d'emblée : la majorité des problèmes de santé évitables
sont en relation avec des facteurs liés aux habitudes de vie. Cela doit nous
conduire à modifier les comportements autant, sinon plus, par des actions de
prévention et de communication que par des règlements.
Par ailleurs, en matière de santé publique, les moyens sont très dispersés,
chacun le sait, du fait de la diversité des acteurs concernés ; il est capital,
dès lors, d'introduire davantage de cohérence.
Je ferai deux remarques préalables.
Tout d'abord, la distinction qui est souvent opérée entre politique de santé
et politique de santé publique peut apparaître comme peu opérationnelle. En
effet, la santé est un bien à la fois profondément collectif et profondément
individuel. Il ne sert à rien de s'enfermer dans une conception réductrice de
la santé publique, qui renverrait à la seule notion, étroite, d'hygième
publique. La santé, c'est ce à quoi chacun tient le plus et cela dépend à la
fois de comportements individuels et des solidarités collectives.
La santé est ainsi, de plus en plus, l'un des sujets majeurs qui arriment
l'individu à la collectivité, d'autant que s'y greffent, de plus en plus
fréquemment, des enjeux sociaux ou éthiques essentiels à la cohésion de notre
communauté nationale.
C'est pourquoi il est insdispensable de bâtir, de structurer une véritable
politique de santé pour notre temps, et ce débat va y contribuer.
En effet, le droit à la santé est aujourd'hui présent à l'esprit de tous les
Français ; nul ne peut en faire abstraction. Non seulement nos compatriotes
exigent que les moyens disponibles soient mis en oeuvre, mais ils veulent aussi
des résultats.
La qualité de la médecine française et les progrès considérables des dernières
décennies font que l'art médical est devenu un miracle renouvelé et que, pour
nos compatriotes, soigner signifie désormais guérir ; qu'on y songe bien, c'est
la première fois dans toute l'histoire de l'humanité que l'on peut penser
ainsi.
Par ailleurs, malgré cette attente quasi régalienne, la santé n'est pas une
affaire exclusive de l'Etat et l'intérêt général ne peut en être l'unique
objectif. Le maintien de ce que l'on appelle le « capital santé » est sans
conteste une notion qui, si elle renvoie à la collectivité, dépend aussi de
l'individu lui-même et de son comportement.
Une politique de santé doit viser à infléchir les comportements individuels
mais elle ne le peut, bien entendu, que dans les limites qu'impose le respect
de la liberté individuelle.
Tels sont les termes qui guident notre débat : une demande croissante des
individus à l'Etat dans un domaine où, pourtant, l'Etat n'est pas seul maître,
précisément parce que l'individu demeure responsable, face à une offre de soins
qui s'est accrue. Il nous appartient de définir une politique qui oriente ce
système en sachant concilier la pertinence des choix collectifs et le respect
des choix individuels.
J'en viens maintenant aux principaux enseignements du rapport qui vous a été
transmis.
Il s'agit, au premier chef, de l'importance de la mortalité prématurée
évitable. Notre pays compte parmi ceux dans lesquels l'espérance de vie est la
plus élevée mais il se distingue malheureusement par une surmortalité
significative chez les jeunes adultes. Elle est évitable en ce qu'elle est
généralement liée aux habitudes de vie.
La santé des jeunes est, en effet, celle de la France de demain. Il nous faut
d'ores et déjà travailler sur les objectifs de santé que nous devons nous
assigner.
Si, globalement, les statistiques tendent à montrer que l'état de santé des
jeunes est satisfaisant...
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas vrai !
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat.
... il faut avoir à l'esprit que ce jugement
d'ensemble recouvre des réalités très diverses et masque une surmortalité très
préoccupante. Deux causes de surmortalité affectent notamment cette classe
d'âge. Il s'agit des accidents de la circulation et des suicides.
Les accidents de la voie publique sont en effet fréquemment associés à un
comportement à risques qui pourrait être évité. De même le suicide, qui
représente aujourd'hui la deuxième cause de mortalité des jeunes de quinze à
vingt-quatre ans, constitue un problème de santé majeur.
L'étude de l'incidence du suicide fait d'ailleurs apparaître une très nette
inégalité régionale, qui justifie des initiatives locales fortes en la matière.
C'est pourquoi nous incitons les établissements publics de santé à promouvoir
la coordination du travail accompli par les équipes médicales afin d'instituer
une prise en charge psychiatrique au sein même des services cliniques après une
tentative de suicide. Cette prise en charge coordonnée constitue la première
action de prévention de la récidive. Celle-ci survient fréquemment au cours de
la première année et présente souvent un caractère aggravé.
Mais, au-delà des accidents de la circulation et des suicides, il convient
bien évidemment de mener une politique globale de santé en faveur des jeunes en
évoquant, par exemple, les problèmes de nutrition, de dépendance, de boulimie
ou d'anorexie. Nous avons beaucoup de travail à accomplir en ce domaine en
liaison étroite avec les services de santé scolaire. Cette politique globale de
santé en faveur des jeunes constituera une priorité pour notre ministère
l'année prochaine.
Mme Hélène Luc.
Vous n'augmentez pas pour autant les crédits consacrés à la santé scolaire
!
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat.
Par ailleurs, parmi les habitudes qui concourent à la
mortalité évitable, la consommation d'alcool et de tabac figure, comme chacun
le sait, en bonne place.
L'alcoolisme, en dépit d'une décroissance régulière de la consommation moyenne
d'alcool, reste encore à l'origine de très nombreux problèmes sociaux et de
décès prématurés. Il demeure donc bien évidemment une priorité sanitaire.
Une politique de prévention active, ambitieuse et résolue pour combattre ce
fléau doit donc permettre non seulement d'éviter la survenue de maladies
d'ordre psychiatrique ou cancéreuse, mais également de réduire la mortalité par
accident. Dans ce domaine, la politique doit être globale, éducative,
préventive et curative.
De même, la lutte contre le tabagisme a enregistré, depuis plusieurs années,
quelques succès, mais il ne faut pas se dissimuler que cette baisse globale de
la consommation recouvre des réalités diverses et que nous aurons à faire face
dans les prochaines années à une recrudescence des cancers des voies
aérodigestives supérieures liés à l'excès de tabagisme des années soixante-dix.
En ce domaine aussi, nous avons des problèmes spécifiques à traiter qui
concernent les jeunes, notamment les jeunes filles.
Le dispositif législatif et réglementaire actuel en matière de lutte contre
l'alcoolisme et le tabagisme, qui découle de la loi du 10 janvier 1991, fera
l'objet l'année prochaine d'une évaluation scientifique et médicale. Cette
évaluation, comme vous le savez, est confiée au Commissariat général du Plan
qui travaillera en étroite liaison avec le ministère de la santé.
En ce domaine, Jacques Barrot et moi-même disposons bien évidemment de deux
leviers d'action, à savoir l'information et la prévention, d'une part,
l'augmentation des prix, d'autre part.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il faut plus de crédits !
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat.
Chacun sait en effet que la consommation est
étroitement liée aux prix.
Le prix du tabac devrait donc augmenter à nouveau au début de l'année
prochaine. Mais cette disposition ne figure pas dans le projet de loi. Celui-ci
prévoit simplement l'affectation pérenne d'une partie du produit des droits de
consommation sur le tabac à l'assurance maladie. Cette disposition est très
importante car elle permet de renforcer les actions de prévention.
Dans le même esprit, ce projet de loi prévoit l'augmentation des droits de
consommation sur les alcools et l'affectation d'une partie de ces droits à
l'assurance maladie. Sur cette question, comme chacun le sait, les débats ont
été nourris et animés à l'Assemblée nationale au point parfois de masquer
peut-être l'ampleur du sujet dont nous avons à débattre aujourd'hui. Mais
l'accord qui est intervenu nous paraît très équilibré.
Nous avons très rapidement pris des initiatives lorsque se sont développées
des actions de promotion en faveur des prémix. Ces produits constituent une
véritable tromperie. En effet, en dépit de leur couleur qui peut faire penser à
du soda, il s'agit d'alcools forts. Ces boissons sont donc destinées à
favoriser l'accoutumance aux alcools forts.
L'Assemblée nationale a voté, voilà dix jours, une taxation spécifique pour
ces produits, que le Gouvernement a bien évidemment acceptée. Toutefois, la
taxation n'est pas le seul levier que nous devrons utiliser.
J'ai saisi de cette question le comité supérieur d'hygiène publique qui a
rendu, voilà un mois et demi, un avis et des propositions. Sur le fondement de
celles-ci, nous examinons notamment le conditionnement et les conditions de
mise à disposition de ces produits. Nous aurons l'occasion de prendre des
initiatives à ce sujet dans les prochaines semaines.
Donner des moyens à la promotion de la santé constitue une autre priorité
fixée par la conférence nationale de santé. Nous adhérons bien évidemment
pleinement à cette orientation.
L'éducation à la santé constitue en effet l'un des leviers essentiels de la
prévention et de la promotion de la santé. L'éducation à la santé est une
action dont l'évaluation est difficile, mais nous disposons d'exemples qui en
démontrent l'indéniable succès.
Je pense notamment à la campagne d'information tendant à inciter les mères de
famille à abandonner la position ventrale pour le couchage des nouveau-nés.
Depuis le lancement de cette campagne en 1994, nous avons pu constater, avec
joie, une diminution de plus du tiers des cas de mort subite du nourrisson.
Voilà un exemple concret de campagne d'information ayant des effets directs.
Dans le prolongement des propos tenus par M. Jacques Barrot, je tiens à
souligner le caractère essentiel de la dimension régionale.
M. Claude Huriet.
Très bien !
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat.
Nous avons en effet institutionnalisé les conférences
régionales de santé. Celles-ci doivent remplir une double fonction. En premier
lieu, étant une composante de la conférence nationale de santé, il leur
appartiendra de participer à la réflexion qui éclairera les choix du Parlement
et du Gouvernement en matière de politique de santé. En second lieu, il leur
reviendra de contribuer à définir une véritable politique régionale de santé.
Cette fonction est au moins aussi importante que la première.
Ce n'est qu'à partir du moment où seront posés les fondements d'une politique
sanitaire à l'échelon régional que l'agence régionale, éclairée par la
consultation du comité régional d'organisation sanitaire et sociale, pourra
prendre les bonnes décisions en matière d'organisation sanitaire.
C'est également grâce aux orientations de la conférence régionale de santé que
l'union régionale des caisses d'assurance maladie qu'évoquait tout à l'heure M.
Barrot pourra, en liaison avec les unions professionnelles de médecins, mener
dans chaque région une politique active de gestion du risque. Il est évident
que ce fondement sanitaire de la politique régionale s'appliquera également à
l'ensemble du secteur médico-social dont on connaît l'importance.
Nous attachons donc un grand intérêt à la dimension régionale de cette
politique de santé. A cette fin, nous avons décidé d'augmenter les dotations
affectées aux projets régionaux de santé afin que, région par région, en
fonction des priorités fixées, nous puissions mener une politique différenciée
et active.
Enfin, s'agissant toujours de la prévention, l'Etat est sur le point de
conclure un contrat d'objectifs avec le comité français d'éducation pour la
santé, afin de pouvoir disposer d'une meilleure visibilité et d'une déclinaison
de la politique publique de prévention. Mais, au-delà de ce contrat
d'objectifs, il nous faudra être à la fois plus ambitieux et plus cohérents en
matière de prévention. L'Etat, l'assurance maladie, les établissements publics
dépendant de l'Etat et les collectivités locales, notamment les départements,
doivent désormais mener une politique de prévention mieux organisée et plus
active. Jacques Barrot et moi-même aurons l'occasion de prendre des initiatives
en ce domaine au cours de l'année prochaine.
Le rapport de la conférence nationale de santé évoque également la prise en
charge des personnes âgées dépendantes. Il n'est point besoin, devant la Haute
Assemblée, d'insister davantage sur ce sujet, compte tenu du rôle pionnier
qu'elle a joué.
S'agissant des lits de section de cure médicale et des places de soins
infirmiers à domicile, chacun est bien convaincu des efforts qu'il nous faut
entreprendre.
J'évoquerai maintenant notre système de santé et son organisation. Nous devons
tout d'abord renforcer les instruments de la veille et de la sécurité
sanitaires.
J'assistais ce matin, à Bruxelles, au Conseil des ministres de la santé au
sein duquel ces questions ont été évoquées à l'échelon européen. Chacun est
convenu de la nécessité d'améliorer les dispositifs en la matière.
S'agissant de la veille sanitaire, nous disposons du réseau national de santé
publique qui a été créé en 1992. Ses moyens sont renforcés dans le projet de
budget pour 1997, qui sera prochainement soumis à la Haute Assemblée. Chacun
est bien conscient de la nécessité d'avoir un instrument fiable, sérieux et
incontestable. Tel est le travail qui est accompli par le réseau national de
santé publique, qui doit être la tête de pont de ce réseau européen
d'épidémio-surveillance.
Se pose ensuite la question de la sécurité des produits. Le Sénat est
également très attentif à ce sujet. M. Huriet avait notamment déposé une
proposition de loi relative aux thérapies génique et cellulaire qui a été
adoptée dans le cadre d'un récent projet de loi portant diverses mesures
d'ordre sanitaire, social et statutaire.
La crise de la vache folle doit nous amener à nous orienter vers une
institution de référence en matière de sécurité sanitaire. Ce sujet est
actuellement en cours d'examen à l'échelon interministériel. Par ailleurs, la
Haute Assemblée a conduit une mission aux Etats-Unis sur cette question.
Sachez, en tout cas, que le Gouvernement est décidé, sur ce point, à aller de
l'avant.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat.
Enfin, chacun reconnaît la nécessité de recourir à des
soins de qualité. Tel sera en quelque sorte le rôle de l'agence nationale
d'accréditation et d'évaluation de santé qui verra le jour l'année
prochaine.
Cette agence, qui sera composée, dans son immense majorité, de médecins et de
scientifiques, nous permettra de mettre en oeuvre cette politique.
Enfin, dans le prolongement de cette réflexion régionale, que j'évoquais tout
à l'heure, nous devons veiller, dans les régions, à une meilleure adéquation
des moyens à l'activité réelle et aux problèmes tels qu'ils se posent en
matière de santé publique. Je pense notamment à la répartition des budgets
hospitaliers. C'est toute l'ambition de la réforme, de l'action des agences
régionales d'hospitalisation et des contrats d'objectifs qui seront conclus
entre les établissements de santé et les agences régionales.
Telles sont, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et
messieurs les sénateurs, brièvement résumées, les orientations de notre
politique de santé.
Nous avons, dès cette année, un travail très important à accomplir ensemble.
Ce qui est très frappant, en effet, c'est qu'on sait, à peu d'incertitudes
près, dans la masse des 590 milliards de francs de dépenses d'assurance maladie
pour 1996 et des 600 milliards de francs pour l'année prochaine, distinguer les
dépenses hospitalières, celles de la médecine de ville, les médicaments, les
honoraires, les prescriptions ou les arrêts maladie.
En revanche, on sait beaucoup moins différencier les pathologies. Il est très
difficile aujourd'hui, cinquante ans pourtant après la création de la sécurité
sociale, de déterminer avec précision ce qui, sur ces 600 milliards de francs,
est affecté à la lutte contre le cancer, à la lutte contre les hépatites, à
telle ou telle action de santé publique. C'est tout l'enjeu de ce qui nous
réunit aujourd'hui !
On peut le préciser pour certaines affections : par exemple, pour le sida, on
sait que la nation dépense 6 milliards de francs, parce que nous avons des
réseaux de soins autour des hôpitaux, dans les CISIH, les centres d'information
et de soins sur l'immuno-déficience humaine, où les crédits sont très
exactement fléchés. Mais ce n'est pas le cas pour toutes les pathologies.
Nous sommes donc confrontés à un réel enjeu ; définir et mettre en oeuvre
ensemble une véritable politique de santé. Trop longtemps, en effet, on a pu
constater deux logiques parallèles, parfois opposées, entre la problématique de
la sécurité sociale et la problématique de la politique de santé. Le projet de
loi de financement de la sécurité sociale, les débats qui se sont déroulés en
aval et ceux qui auront lieu en amont permettront, précisément, de réconcilier
ces deux logiques et de définir une véritable politique de santé pour nos
compatriotes.
Comme l'a indiqué M. Jacques Barrot tout à l'heure, nous souffrons cette année
d'un calendrier particulièrement tendu : la conférence nationale de santé s'est
déroulée au début du mois de septembre dernier ; elle se tiendra l'année
prochaine à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet, ce qui
permettra à chacun de travailler encore davantage à la mise en oeuvre d'une
politique de santé pour tous les Français.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y
a un an, presque jour pour jour - c'était le 15 novembre 1995 - nous écoutions
le Premier ministre présenter un plan de refondation de notre système de
protection sociale.
Aujourd'hui, nous voici réunis pour examiner le premier projet de loi de
financement de la sécurité sociale, qui constitue une étape décisive de cette
refondation. Il s'agit d'une réforme qui se déroule à une vitesse convenable,
d'une réforme qui continue d'exister, contrairement à ce que je lis ici ou là,
d'une réforme que certains, notamment les médecins, trouvent trop rapide et que
d'autres, en particulier le patronat, trouvent trop lente.
Il faut dire que cette réforme s'inscrit dans des circonstances difficiles
pour notre protection sociale, qu'il importe avant tout de sauvegarder.
Quel est le contexte ?
Je commencerai par évoquer les efforts demandés à l'assurance maladie.
La réforme des retraites adoptée en 1993 commençant à produire ses premiers
effets et les instruments de la maîtrise de la branche famille apparaisssant
assez simples, une réelle pression s'exerce sur la branche maladie et sur les
professionnels de santé.
Or 1996 a été une année difficile pour l'assurance maladie, ses comptes et ses
principaux acteurs. En effet, alors que les comptes de l'assurance maladie
présentent un déficit persistant, l'inquiétude des professions de santé
alourdit le climat dans lequel se déroule une progressive refondation de
l'assurance maladie et du système de santé.
Après les bons résultats de 1994, l'année 1995 avait été caractérisée par une
très forte dégradation des comptes avec un déficit de près de 40 milliards de
francs pour la seule branche maladie du régime général. En 1996, l'ampleur du
déficit a été réduite de 6 milliards de francs : la commission des comptes de
la sécurité sociale estime, en effet, que le solde négatif de la branche
maladie du régime général s'établira à 33,6 milliards de francs en 1996.
Poste par poste, on rappellera que le taux directeur des dépenses
hospitalières et l'objectif prévisionnel des dépenses médicales retenus pour
l'année 1996 ont été très rigoureux, à savoir 2,1 %.
Pour l'hôpital - M. Barrot le rappelait à l'instant - la progression des
dépenses devrait effectivement être réduite à 2,1 % en 1996. Pour les médecins,
le taux d'évolution des dépenses entrant dans le champ de l'objectif
prévisionnel a été beaucoup plus élevé que l'objectif pendant les sept premiers
mois.
Cependant, au cours des mois de juin, juillet et août, l'évolution des
dépenses de remboursement d'honoraires médicaux - M. Barrot l'a également
rappelé - a été négative pour le régime général : moins 0,3 % en juin, moins
0,3 % en juillet et moins 0,5 % en août.
De bons résultats sont aussi constatés sur ces trois mois pour les dépenses
correspondant aux prescriptions - biologie, auxiliaires médicaux - si l'on
excepte les médicaments.
Par conséquent, il faut rassurer les professionnels de santé : l'objectif de
2,1 % qui avait été fixé sera respecté pour l'année 1996, tant pour l'hôpital
que pour la médecine libérale, et ce sans aucune restriction de soins. Cet
objectif n'est donc plus hors de portée.
Certes un point noir subsiste - M. le ministre le rappelait à l'instant - en
ce qui concerne les prescriptions pharmaceutiques : cette année encore, les
résultats risquent d'être décevants, puisque la commission des comptes de la
sécurité sociale estime à 5,2 % l'augmentation des remboursements du régime
général pour l'ensemble de l'année.
A cet égard, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur deux
points.
En premier lieu, des transferts semblent s'être opérés entre l'hôpital et la
médecine de ville, notamment pour le traitement de l'hépatite C, du sida ou des
cancers.
Le principe des vases communicants s'applique aussi à la médecine : il y a des
malades coûteux, vous le savez bien, mes chers collègues, et, compte tenu des
limitations budgétaires, personne ne veut les garder trop longtemps, qu'il
s'agisse de la médecine de ville ou de l'hôpital. Il y a donc là une prise en
charge globale nécessaire, que nous devons prendre en compte.
Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur un second point :
l'accord-cadre conclu entre l'Etat et le syndicat national de l'industrie
pharmaceutique arrive à expiration. La commission des affaires sociales
souhaiterait donc obtenir un bilan détaillé de son application : elle n'a
jamais reçu d'informations précises sur le fonctionnement et les résultats des
conventions, qui ont pourtant été conclues au nom de l'Etat. Il conviendrait
que le Parlement fût informé.
Au travers de la persistance des déficits de l'assurance maladie, je désire
revenir sur le contexte de profonde inquiétude, voire de désarroi, des
professionnels de santé dans lequel s'inscrit ce débat.
Il est d'abord patent que les médecins doivent aujourd'hui affronter une
véritable crise d'identité collective.
A la fois hommes d'un art, d'une science et d'un sacerdoce, les médecins ont
vu leur activité se banaliser, alors même que la médecine réalisait d'immenses
progrès.
Dans un climat d'amélioration du niveau général d'éducation de la population
française, le nombre de médecins a crû de 470 % en quarante ans. La profession
se féminise et elle est de plus en plus considérée comme une profession
comparable aux autres.
Descendus de leur piédestal, affrontant une période de crise, certains
médecins n'hésitent pas à se considérer comme les boucs émissaires de la
société de cette fin de siècle. Au déshonneur éditorial qu'ils doivent parfois
affronter dans certains journaux ou magazines s'ajoutent les efforts financiers
qui ont été demandés à la profession en 1996 et qui constituent un puissant
catalyseur de la crise. Certains vont même jusqu'à oublier - je le leur
rappelle au passage - que le produit de ces mesures financera non pas le
déficit de l'assurance maladie, mais des aides à l'informatisation de cabinets
médicaux et à la reconversion des médecins.
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'aimerais que mes confrères, responsables des syndicats de
médecins, le rappellent à l'ensemble de la profession.
Je tiens à dire aux médecins qu'ils ne sont pas des demi-dieux intouchables,
mais qu'ils ne sont pas non plus des boucs émissaires, comme ils ont peut-être,
à tort, l'impression de l'être aujourd'hui.
Je souhaite également dire quelques mots sur la crainte de l'inégalité de la
répartition de l'effort. L'ensemble des professionnels de santé est convaincu
que les prochaines années seront des années d'effort. Pour la plupart, ils
semblent l'accepter, à condition que cet effort soit équitablement réparti.
Il convient donc de montrer clairement que tous doivent accomplir un effort :
les médecins libéraux certes, mais aussi les médecins hospitaliers - il importe
que la réforme hospitalière ne s'arrête pas aux portes de l'hôpital et qu'elle
soit en place dès le 1er janvier 1997 - et les établissements médico-sociaux.
Nous réintroduirons dans la loi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, les établissements médico-sociaux, qui y figuraient initialement : nous
ne pouvons pas fixer un taux de 1,7 % pour les médecins et les hôpitaux publics
- 2,1 % l'année dernière - alors que les dépenses des établissements
médico-sociaux ont dérivé de 8 % l'an dernier !
Je sais bien que le même coefficient ne peut pas leur être appliqué, mais on
ne peut pas les ignorer ; ce sera d'ailleurs un stimulant, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour réformer la loi de 1975, qui sera
très difficile à modifier.
Par ailleurs, il convient que les clients, les usagers, les malades
accomplissent un effort. Nous aurons d'ailleurs un débat, à l'occasion de cette
discussion, sur le carnet de santé. Bien sûr, je connais les difficultés que
soulève la confidentialité du carnet de santé, mais on ne peut pas demander des
efforts uniquement aux personnels soignants sans que les clients, les usagers,
les malades, puissent aussi être contrôlés. Je rappelle que, voilà quelques
années, le professeur Béraud parlait de 100 milliards de francs ou de 60
milliards de francs d'économies ; cela avait d'ailleurs fait hurler les
médecins à l'époque. Je ne sais pas quel est le chiffre exact, mais il est sûr
qu'il y a des examens redondants dans ce pays et que le carnet de santé - et
demain la carte à puce - doit permettre de les gommer. Il faudra donc
rapidement que ce carnet de santé soit opposable.
Je souhaite revenir sur le bilan des mesures de rééquilibrage, à court terme,
présentées dans le cadre du plan du 15 novembre 1995.
L'ampleur des mesures présentées dans le présent projet de loi de financement
se justifie par le bilan des mesures de rééquilibrage du plan Juppé. Il me
paraît utile, en effet, de revenir sur les causes du décalage entre les
objectifs financiers annoncés par le Premier ministre le 15 novembre 1995 et
les résultats constatés. Les mesures financières à court terme alors présentées
devaient ramener le déficit général à environ 17 milliards de francs en 1996 et
dégager un excédent en 1997.
Un premier constat a été dressé dans le plan Juppé : la dette sociale
accumulée fin 1995 a été cantonnée et son financement assuré.
La CADES a créé, par ailleurs, une contribution assiste sur tous les revenus,
la CRDS, afin d'apurer un déficit cumulé, qui s'élevait à 250 milliards de
francs.
Cet établissement public a été mis en place dans des conditions de rapidité et
d'efficacité qu'il convient de souligner.
Je rappelle, toujours pour la transparence, qu'un conseil de surveillance de
la CADES a été constitué, qui jusqu'à présent n'a jamais été réuni. Il aurait
été intéressant de savoir, avant ce débat sur la sécurité sociale qui a lieu
pour la première fois au Parlement, comment la CADES est gérée cette année.
Aujourd'hui, nous avons auditionné le président de la CADES, mais, je le
répète, le conseil de surveillance n'a jamais été réuni. Ce n'est pas normal
!
En outre - il s'agit d'un point un peu annexe - le Premier ministre avait
rappelé que, au-delà du remboursement de la dette sociale, deux ressources
devaient être trouvées : le reversement des sommes correspondant au
remboursement des créances détenues sur les organismes étrangers de sécurité
sociale et la vente du patrimoine privé à usage locatif des caisses nationales
du régime général. A la lecture des textes, nous avons le sentiment que cela
n'est pas prévu. Toutefois, compte tenu des contacts que nous avons eus avec
des membres de votre cabinet ministériel, monsieur le ministre, il paraît que
le processus est engagé. Il n'est pas évident de trouver d'autres sources que
le RDS pour alimenter la CADES.
Je souhaiterais savoir quelles sont les ressources qui proviennent du
remboursement des dettes des pays étrangers dans le financement de la CADES et
ce qu'il advient de la vente du patrimoine privé à usage locatif des caisses,
patrimoine, qui, je le rappelle, est estimé à 8 milliards de francs. Je sais
bien que ce n'est pas le bon moment pour vendre, mais ce patrimoine ne paraît
pas absolument indispensable.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
C'est une bonne question !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je vous remercie, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, de nous répondre sur ce point.
Un deuxième constat a été dressé dans le plan Juppé : le plan d'urgence mis en
place en 1996 a permis de réduire le déficit tendanciel de l'exercice 1996 de
29,4 milliards de francs.
Sur un rendement de quelque 35 milliards de francs, pratiquement 85 % de cet
objectif ont pu être atteints. Cependant, comme vous l'avez dit, monsieur le
ministre, et je suis totalement d'accord avec vous, le problème, c'est
l'évolution très défavorable des recettes.
Comment le Gouvernement et le Parlement peuvent-ils faire des prévisions
normales ? En effet, alors que, selon les organismes de prévision publics ou
privés, l'hypothèse de croissance s'élevait à 2,8 % et la progression de la
masse salariale à 5,3 %, la croissance s'établira finalement à 1,3 % et la
progression de la masse salariale à 2,3 %. Je veux bien qu'entre les prévisions
des organismes il y ait l'épaisseur du trait. Toutefois, je ne peux comprendre
qu'il existe un écart de trois points entre la progression prévue de la masse
salariale et la progression réelle. Nous ne pouvons pas travailler dans ces
conditions. Il faut vraiment revoir les modèles mathématiques qui, à
l'évidence, ne sont pas bons.
Les recettes dépendent essentiellement de la masse salariale. Aussi, je
voudrais tout d'abord évoquer les études que nous conduisons pour rendre les
recettes moins dépendantes de l'évolution de la masse salariale.
Je rappelle que la France reste, dans l'Union européenne, le pays où la
proportion des ressources du régime général assurées par des cotisations
sociales est la plus élevée. Le Danemark, par exemple, a une proportion presque
inverse, puisque 81 % de ses dépenses de protection sociale sont couverts par
l'impôt et les contributions publiques.
Il faudra donc élargir l'assiette des cotisations sociales dans notre pays.
C'est une évolution incontournable, une nécessité. Certains, hier, pensaient à
la valeur ajoutée : nous n'y sommes pas opposés ; encore faudra-t-il examiner
les effets pervers sur les entreprises à forte valeur ajoutée.
Je voudrais également aborder les dépenses liées à la branche famille, dont le
coût s'est révélé supérieur de près de 3 milliards de francs aux dépenses
initialement prévues.
Le contexte dans lequel a été déposé le premier projet de loi de financement
de la sécurité sociale peut paraître bien difficile. Cependant, nous nous
réjouissons de la présentation de ce texte au Parlement. Il constitue
l'aboutissement d'une procédure d'élaboration mettant en jeu l'ensemble des
acteurs de notre système de sécurité sociale, avec, notamment, l'intervention
de la conférence nationale de santé, la réunion de la commission des comptes de
la sécurité sociale, la consultation des caisses et le rapport de la Cour des
comptes.
Cette procédure en amont a été mise en place dans des conditions qui n'étaient
pas évidentes. Cependant, elle a contribué très utilement aux travaux de la
commission des affaires sociales. Je pense notamment à la tâche accomplie par
la conférence nationale de santé qui, aux dires de tous les participants et
malgré la précipitation avec laquelle elle a été convoquée, s'est révélée très
utile.
Je voudrais souligner également la diversité et la densité des documents qui
ont été transmis au Parlement. Je pense au rapport de la Cour des comptes et au
rapport annexé au projet de loi.
Le Parlement a été placé au centre de ce dispositif, conformément à
l'engagement de M. le Premier ministre d'en faire « la clé de voûte » de sa
réforme de la protection sociale.
Nous sommes conscients non seulement de l'importance des compétences qui sont
désormais les nôtres, mais également des responsabilités qui en découlent,
qu'il s'agisse de nos responsabilités relatives à l'analyse des comptes qui
nous sont soumis ou de nos responsabilités au regard des propositions que nous
formulerons.
Je regrette un peu que nos collègues de l'Assemblée nationale aient accru le
déficit de près de un milliard de francs. Dans ce type de débat, il est facile
d'accroître les déficits ; c'est plus populaire que d'essayer d'atteindre
l'équilibre.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a un
véritable contenu. De nombreuses discussions avaient eu lieu sur le contenu et
la portée des futures lois de financement de la sécurité sociale, et leur
valeur normative a été mise en doute. Aujourd'hui, le doute n'est plus permis :
la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 comporte des
dispositions qui n'ont rien à voir avec une vague loi de programme ; elles ont
un contenu et des effets juridiques incontestables. Monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous en réjouissons.
On distingue bien dans ce texte, d'une part, le rapport d'orientation, qui
présente et explicite les objectifs du Gouvernement et qui a donné lieu à un
large débat à l'Assemblée nationale, et, d'autre part, les mesures juridiques,
qui, sur l'exercice 1997, vont déterminer les conditions de l'équilibre général
des régimes de base de la sécurité sociale.
La réforme du financement de l'assurance maladie s'inscrit dans une évolution
amorcée depuis plusieurs années et qui s'est accélérée avec l'introduction de
la contribution sociale généralisée, d'abord pour la branche famille en 1991,
puis pour la branche vieillesse en 1993, et qui s'étend aujourd'hui à la
branche maladie. Nous le constatons, nous nous y mettons tous, quelles que
soient nos sensibilités, puisque trois gouvernements successifs ont agi en ce
sens. La CSG apparaît ainsi comme la véritable composante de cette réforme
structurelle et conforte sa vocation de « cotisation sociale universelle » -
c'est l'expression que vous avez utilisée, monsieur le ministre - avec un
produit d'environ 150 milliards de francs pour 1997.
Sur le dispositif proposé, la commission des affaires sociales souhaite faire
quatre observations principales.
Première observation : compte tenu de l'impact financier de l'élargissement de
l'assiette de l'ensemble de la CSG, nous comprenons que le Gouvernement ait
retenu une extension progressive et n'ait pas procédé immédiatement à
l'assujettissement des prestations familiales et des aides personnelles au
logement. Toutefois, cela est difficilement compréhensible par nos concitoyens,
puisqu'il n'y a pas d'harmonie avec la contribution pour le remboursement de la
dette sociale, pour des raisons liées tant à la nécessaire simplification des
fiches de paie qu'à l'équité et à la mise en place du régime universel de
l'assurance maladie, dont M. Gaymard vient d'annoncer la prochaine
discussion.
Il existe donc un véritable problème. En effet, l'assiette des trois CSG a été
harmonisée dans le présent projet de loi, et nous nous en réjouissons, mais
elle est différente de l'assiette de la CRDS. Cela est difficilement
compréhensible pour nos concitoyens.
Deuxième observation : la déductibilité de la CSG maladie introduit une
disparité difficilement justifiable car elle précise, comme on le voit bien, un
avantage d'autant plus important que le revenu est élevé et la famille peu
nombreuse.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Eh oui !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Là encore, M. Mélenchon connaît bien la situation.
Troisième observation : l'opération de substitution de la CSG à la cotisation
maladie se serait révélée défavorable - il ne faut pas l'oublier, mes chers
collègues - de l'ordre de 1,7 milliard de francs, si une recette nouvelle ne
venait pas compléter la CSG maladie. Le Gouvernement a donc prévu d'affecter à
cette branche une partie des droits sur les alcools, selon un mécanisme
compliqué, mais que la commission a compris lors des auditions, prélevés
jusqu'ici au profit du Fonds de solidarité vieillesse. Il faut donc bien avoir
à l'esprit que toute baisse du produit de ces droits à une incidence directe
sur l'équilibre de nos régimes d'assurance maladie.
Enfin, quatrième observation : la commission des affaires sociales a voté la
création d'un groupe de travail sur la réforme des cotisations patronales. Nous
considérons que c'est un sujet très délicat et que les effets de la prise en
compte de la valeur ajoutée devront être appréciés, le cas échéant, secteur par
secteur, afin de ne pas pénaliser les entreprises les plus dynamiques. Je
rappelle que, notamment dans les pays développés, ce sont les entreprises qui
ont une grande valeur ajoutée qu'il convient de préserver. Il ne faut pas
pénaliser nos entreprises à forte valeur ajoutée car nous les inciterions à
s'installer à l'étranger, à l'instar de nos entreprises de main-d'oeuvre.
J'en viens à l'équilibre financier. S'agissant des conditions de l'équilibre
financier des régimes de base, je formulerai quatre remarques, au nom de la
commission des affaires sociales.
Premièrement, les prévisions de recettes s'élèvent à 1 658 milliards de
francs, alors que les objectifs de dépenses s'établissent, après examen du
projet de loi par l'Assemblée nationale, à 1 684,9 milliards de francs, soit un
écart de 26,9 milliards de francs. Ce solde est-il significatif ? En tout état
de cause, il est, selon nous, très difficile à comprendre, dans la mesure où
les recettes portent sur l'ensemble des régimes alors que les dépenses ne
concernent que les régimes comptant plus de 20 000 cotisants actifs ou
retraités titulaires de droits propres. Il s'agit d'un point extrêmement
technique. Cela étant, nous nous préoccupons également de l'avenir des petits
régimes pour lesquels un dépoussiérage et une plus grande transparence sont
souhaitables. Aujourd'hui, il existe un « gap » que nous voudrions voir comblé
au cours des prochaines années, afin que le Parlement sache de quoi il parle.
En l'occurrence, il s'agit non pas de quelques francs, mais de quelque 27
milliards de francs.
Deuxièmement, ces évaluations de recettes sont cohérentes avec les hypothèses
macro-économiques retenues dans le projet de loi de finances pour 1997. Nous
avons noté le recours à certaines recettes ponctuelles, notamment l'intégration
financée du régime militaire de sécurité sociale, le versement annoncé de
l'Etat au titre du règlement du contentieux EDF-GDF - vieille histoire ! - et,
surtout, la ponction sur les réserves de l'allocation temporaire d'invalidité
des agents des collectivités locales au profit de la CNRACL, la Caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales. Nous y reviendrons
au cours du débat. S'agissant de la CNRACL, je précise d'ores et déjà que nous
présenterons un amendement.
Troisièmement, les objectifs de dépenses, qui prévoient un freinage très net
dans l'évolution des dépenses, ne nous paraissent pas irréalistes. Je crois
que, comme en 1996, les chiffres seront proches de la réalité.
J'attire cependant l'attention de nos collègues sur le fait qu'il ne faut pas
se polariser sur la branche maladie. En effet, la branche vieillesse reste au
moins aussi préoccupante. Je rappelle que, sur la totalité des dépenses, la
branche maladie représente 39 % et la branche vieillesse 44 %. Ce n'est pas
parce qu'on a jeté un voile, telle la tunique de Nessus, sur les régimes
spéciaux que cela dispensera l'Etat d'y consacrer 65 milliards de francs d'ici
à l'an 2000. Cela n'empêchera pas les régimes spéciaux d'être extrêmement
déficitaires en 2005 et d'exploser en 2010 si aucune mesure n'est prise.
Or les seules options envisageables sont des dispositifs « en sifflet »,
c'est-à-dire comportant une très grande progressivité. Nous ne pourrons pas
éternellement esquiver le débat sur les régimes spéciaux de retraite. En effet,
le problème est devant nous. La réflexion aura lieu dans le cadre d'un dialogue
social. Elle est indispensable car le problème est réel.
Quatrièmement, le solde du régime général connaîtra, après ces mesures, une
amélioration de 17,5 milliards de francs. Il s'agit d'une évolution tout à fait
positive, qui permettra de contenir les besoins de trésorerie dans les limites
fixées par l'article 5 du projet de loi. Ce sera notamment le cas pour la
branche maladie, dont le solde devrait être réduit de moitié, c'est-à-dire de
près de 16 milliards de francs, contre plus de 31 milliards de francs en solde
tendanciel.
J'en viens aux propositions de la commission des affaires sociales.
S'agissant des équilibres financiers de la sécurité sociale, la commission,
comme je l'ai dit tout à l'heure, s'est fixé comme objectif essentiel de faire
en sorte que le texte qui résultera des travaux du Parlement n'aggrave pas le
déficit initial présenté par le Gouvernement. Cela nous semble être une
question de responsabilité du Parlement. Celui-ci ne doit pas aggraver le
déficit, qui est déjà important.
Aussi, en ce qui concerne le volet « recettes » du projet de loi, la
commission considère qu'un compromis a été trouvé s'agissant de la CSG sur les
casinos, de la taxation des premix et des droits sur les alcools, et ne
souhaite pas revenir sur ces points.
En revanche, elle proposera d'assujettir à cotisations sociales les indemnités
de licenciement versées au-delà des obligations légales et conventionnelles,
lesquelles concernent seulement les cadres qui ont un salaire important, étant
observé que le présent projet de loi soumet lesdites indemnités, pour cette
même part, à la CSG. Sans cela, des indemnités soumises à la CSG ne seraient
pas soumises à cotisations sociales. Cela constitue une ressource nouvelle.
Aussi, nous vous proposons, mes chers collègues, de l'inscrire dans le projet
de loi.
Au nom de la commission, je formulerai maintenant dix propositions relatives à
l'assurance maladie, certaines trouvant leur traduction dans les amendements
présentés sur le volet « dépenses » du présent projet de loi. Il s'agit,
notamment, de la régulation des dépenses du secteur médico-social et de la «
cagnotte » destinée aux professionnels de santé.
Premièrement, il faut rétablir le dialogue avec les professionnels de santé.
En effet, la réforme de la sécurité sociale ne se fera pas contre les médecins.
A la suite de malentendus et, peut-être, de maladresses, un climat
d'incompréhension mutuelle semble s'être installé entre les professionnels de
santé et le Gouvernement. Cela est grave au moment où est mise en place une
réforme essentielle pour l'avenir de notre système de santé.
Il convient donc d'adapter, dans les meilleurs délais, la convention médicale
aux nouvelles données, afin que le système conventionnel ne soit pas menacé.
Certes, nous ne devons pas oublier les autres professionnels de santé, comme
les directeurs de laboratoires, de cliniques, ou les infirmiers, qui se sont
engagés, eux aussi, depuis très longtemps dans un processus de maîtrise
médicalisée des dépenses.
Deuxièmement, il convient de poursuivre la mise en oeuvre rapide des
ordonnances.
Je l'ai déjà souligné, la totalité des mesures réglementaires d'application
nécessaires à l'entrée en vigueur des ordonnances doit être publiée dans les
plus brefs délais, en tout cas d'ici au 1er janvier 1997. Le Gouvernement s'y
est engagé. Les Français ne comprendraient pas que, plus d'un an après le
discours de M. le Premier ministre, le 15 novembre dernier, soulignant la
gravité de la situation et l'urgence d'une réforme, rien ne soit changé d'ici
au début de l'année prochaine.
Troisièmement, il faut rétablir la confiance chez les professionnels et dans
l'opinion publique sur les objectifs que nous nous sommes fixés. J'ai déjà
évoqué ce point.
Quatrièmement, il convient de placer le secteur médico-social dans un
mécanisme de régulation des dépenses. Nous proposerons un amendement sur ce
point. Je le répète, il n'est pas normal que le secteur médico-social soit
aujourd'hui le seul à ne pas être placé dans un dispositif de maîtrise des
dépenses. Certes, il conviendrait d'attendre une réforme de la loi du 30 juin
1975. Toutefois, dans l'attente de cette dernière, la commisssion des affaires
sociales vous proposera d'adopter un dispositif de maîtrise des dépenses qui,
dans le respect des spécificités du secteur médico-social, contribuera à
réguler l'évolution des dépenses qui le concernent.
Cinquièmement, il convient de médicaliser autant que possible l'objectif
national des dépenses. La commission des affaires sociales souhaite notamment
affiner sa méthode de travail avec la conférence nationale de santé tout au
long de l'année pour disposer de données chiffrées prospectives et pour
connaître l'impact financier de certaines priorités ; cela lui permettra
d'éclairer plus utilement le Parlement sur les choix qu'il aura à effectuer au
cours du débat sur le financement de la sécurité sociale. Nous pourrions ainsi,
par exemple, définir le panier des biens et des services de santé remboursables
par l'assurance maladie.
De même, la commission des affaires sociales vous propose d'augmenter cette
année l'objectif national de dépenses, en le complétant par une enveloppe
supplémentaire, sorte de réserve destinée à financer de nouvelles priorités de
santé publique définies par le Gouvernement ou par les partenaires
conventionnels.
J'apporterai quelques explications à cet égard : voilà deux ans, le
Gouvernement a lancé une campagne de vaccination contre l'hépatite B. Pendant
un an, médecins et syndicats médicaux ont expliqué qu'ils n'étaient en rien
responsables de l'augmentation de 1,3 point qui s'était ensuivie puisqu'il
s'agissait d'une décision gouvernementale. De même, la trithérapie contre le
sida va entraîner une augmentation des dépenses dans la mesure où le nombre des
malades est passé de 150, voilà quelques mois, à 12 000, aujourd'hui, ainsi que
nous l'a récemment indiqué M. Gaymard.
En outre, de nouveaux traitement contre le cancer, qui ont déjà reçu
l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM, vont surenchérir le coût du
traitement des cancéreux l'année prochaine.
Il ne faut pas que ces divers surcoûts pèsent sur l'objectif opposable aux
médecins, qui n'en peuvent mais. Il faut donc prévoir une poire pour la soif.
Nous proposons un milliard de francs supplémentaires, une sorte de cagnotte
pour les professionnels de santé. Si j'en crois les premières réactions de la
presse, cette disposition, demandée à juste raison par les médecins depuis
longtemps, a été plutôt bien reçue.
J'en viens à la sixième suggestion : il faut faire en sorte que la réforme
hospitalière ne s'arrête pas à la porte de l'hôpital. Nous sommes un peu
inquiets, car il est bien évident que le succès de la réforme hospitalière
passe par une forte implication du niveau local dans la gestion des praticiens
hospitaliers et des chefs de service, lesquels ne sont pas tous prêts à jouer
ce jeu de contractualisation ; c'est d'autant plus vrai que cette dernière
débouchera, dans un certain nombre de cas, sur un redéploiement des services,
parfois même des hôpitaux, point sur lequel les médecins hospitaliers sont bien
sûr plus que réservés.
Septièmement - je le dis pour mémoire - il faut procéder à une remise à plat
des conditions d'exercice de la pharmacie d'officine.
Huitièmement, il convient de réfléchir à une éventuelle inclusion de
l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans le champ de compétences de
l'agence régionale de l'hospitalisation de l'Ile-de-France. Cette région est
trop souvent exclue des lois que nous votons.
Ainsi, comme la LOTI, la loi d'orientation des transports intérieurs, ce
projet de loi ne s'applique pas à l'Ile-de-France. Je ne comprends d'ailleurs
pas pourquoi toutes les lois françaises ne visent pas cette région !
Il faudrait au moins favoriser une coopération entre l'agence régionale de
l'hospitalisation de l'Ile-de-France et l'Assistance publique.
Neuvièmement, il convient de procéder à une révision rapide de la nomenclature
des actes professionnels et du tarif des prestations sanitaires. C'est un vieux
cheval de bataille, monsieur le ministre : il y a longtemps que l'on parle de
la nomenclature, et rien n'est fait ! Là aussi, les professionnels attendent
des décisions, et j'espère que ces dernières pourront être prises le plus
rapidement possible.
Enfin - c'est la dixième suggestion - il faut renforcer la transparence des
comptes. Suite au rapport de la Cour des comptes, nous pensons que, malgré les
efforts entrepris depuis plusieurs années par la commission des comptes de la
sécurité sociale et son secrétaire général, M. Jean Marmot, des efforts restent
à réaliser quant à la transparence des comptes. La Cour des comptes, dans son
rapport, en suggère un certain nombre qu'il faudra mettre en pratique au sein
de la commission des comptes.
Mes chers collègues, sous ces réserves, la commission des affaires sociales
vous propose d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale,
modifié par les amendements que je vous ai annoncés, pour ses dispositions
relatives aux conditions générales de l'équilibre financier et de l'assurance
maladie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Machet, rapporteur.
M. Jacques Machet,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, s'agissant de la branche famille, la commission des affaires
sociales souhaite préciser tout d'abord, dans la mesure où la Caisse nationale
des allocations familiales, la CNAF, octroie la plus grande partie des
prestations familiales, que la politique familiale sera analysée presque
exclusivement à travers la situation de cette caisse.
Dans un premier temps, la commission des affaires sociales a choisi de dresser
un bilan de l'application de la loi relative à la famille, dont le coût,
beaucoup plus fort que prévu, pèse durablement sur la situation financière de
la CNAF. En ce qui concerne les aides à la petite enfance, elle reprendra
succinctement l'analyse, au demeurant assez critique, que la Cour des comptes a
formulée dans son rapport au Parlement.
Dans un second temps, la commission examinera la mise en oeuvre des
dispositions à caractère familial du plan dit « Plan Juppé », qui trouvent,
selon elle, leur prolongement dans le contenu du présent projet de loi et se
sont accompagnées de la mise en place d'un nécessaire mécanisme de concertation
: la conférence de la famille.
En premier lieu, je dresserai donc le bilan de la politique familiale qui a
été menée ces dernières années : le coût de l'application de la loi relative à
la famille a été plus élevé qu'on ne le pensait au départ, et les aides à
l'accueil des jeunes enfants ont abouti, selon la Cour des comptes, à des
résultats mitigés.
En effet, depuis 1995, la montée en charge plus forte que prévu des dépenses
liées à la mise en oeuvre de la loi relative à la famille a contribué à creuser
le déficit préoccupant de la CNAF. Celui-ci a été, en 1995, de 38,4 milliards
de francs, soit une forte aggravation par rapport à 1995, où il n'atteignait «
que » 10,45 milliards de francs, alors qu'il se monte aujourd'hui - vous l'avez
dit à cette tribune, monsieur le ministre - à 21 milliards de francs.
La loi relative à la famille prévoyait deux grands types de dispositions : les
mesures à destination des jeunes adultes et l'aide à l'accueil des jeunes
enfants, avec l'extension de l'APE, l'allocation parentale d'éducation, dès le
deuxième enfant, ainsi que l'amélioration de l'AGED, l'allocation de garde
d'enfant à domicile, et l'AFEAMA, l'aide aux familles pour l'emploi d'une
assistance maternelle agréée à domicile.
Selon les prévisions, le coût supplémentaire pour la branche famille de ces
trois dispositions devait être de 2,9 milliards de francs en 1995, de 5,5
milliards de francs en 1996 et d'environ 10 milliards de francs à la fin de la
montée en charge. Or, dès le deuxième semestre de 1995, on a pu constater un
surcoût que l'on évalue à 3 milliards de francs en 1996 et à 3,7 milliards en
1997. Ainsi, les dépenses supplémentaires engendrées par la mise en oeuvre de
la première étape de la loi pourraient atteindre plus de 14 milliards de
francs, selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de
juin 1996. N'est-ce pas cependant pour le bien de nos familles ?
A cet égard, la commission souhaite faire une remarque qui corrige cette
optique purement financière.
Si le premier volet de cette loi est aussi coûteux, c'est qu'il correspond
bien à un besoin, notamment de la part des femmes qui souhaitent s'arrêter de
travailler pour pouvoir s'occuper de leurs enfants, et qui ne le pouvaient pas
auparavant pour des raisons financières. L'allocation parentale d'éducation dès
le deuxième enfant a donc été positive pour la famille et la vie de famille. En
revanche, les chiffres un peu secs qui viennent d'être évoqués consacrent
plutôt l'échec des prévisionnistes. Avant de prendre une décision, peut-être
faut-il plus souvent aller au bout de la prévision !
S'agissant toujours de l'APE, la commission des affaires sociales a souhaité
porter à la connaissance de la Haute Assemblée un chiffre extrêmement
significatif : actuellement, 45 % des femmes accouchant d'un deuxième enfant,
soit presque une femme sur deux, demandent cette prestation, que cela soit à
taux plein, soit 35 %, ou à taux partiel, soit 10 %, selon leurs ressources.
Cette proportion est encore plus importante pour les femmes ayant des revenus
modestes - et tant mieux ! - dans les moyennes et petites agglomérations et,
surtout, dans les régions touchées par le chômage. La CNAF souligne, à cet
égard, l'aspect transfert entre les prestations de chômage et l'APE. Chacun
voit bien le mécanisme.
D'après une étude de la CNAF, les régimes de sécurité sociale ont dépensé, en
1995, pour l'APE dès le deuxième enfant un peu moins de 2,4 milliards de
francs, dont 2,1 milliards de francs pour l'APE à taux plein, alors que les
prévisions tablaient sur 1,6 milliard de francs, dont 1,05 milliard de francs
pour l'APE à taux plein. Donc, pour cette dernière, les dépenses, dès 1995,
sont doubles de ce qui avait été envisagé, ce qui est considérable.
La montée en charge de l'AGED a été tout aussi impressionnante, avec une
augmentation de 88,6 % entre le quatrième trimestre 1994 et le quatrième
trimestre 1995, soit en une année. Globalement, pour 1996, l'AGED devrait
atteindre 1,6 milliard de francs. Pour 1997, son montant total est évalué à
1,86 milliard de francs, soit un doublement par rapport à 1995.
Concernant l'AFEAMA, pour la dernière période connue, c'est-à-dire de mars
1995 à mars 1996, le taux de croissance du nombre des bénéficiaires est de
20,46 %. Sur le plan des montants, on peut constater que, entre 1994 et 1997,
si l'on en croit les prévisions, cette prestation devrait connaître un
quasi-doublement, passant de 4,18 milliards de francs à 8,1 milliards de
francs. Mais - je le rappelle - c'est pour nos familles.
Ainsi, globalement, l'application du premier volet de la loi relative à la
famille, quels que soient ses mérites - et ils sont très importants, comme la
commission des affaires sociales l'a déjà souligné - semble à l'origine d'une
dérive financière due à de mauvaises prévisions, ainsi que je l'ai dit au début
de mon propos. La commission souhaite donc fortement que cela ne conduise pas à
remettre en cause la mise en oeuvre de la deuxième partie de cette loi à
destination des jeunes adultes, car elle lui semble tout à fait nécessaire.
La Cour des comptes, dans son dernier rapport, a, par ailleurs, analysé
l'ensemble du dispositif d'aide à la petite enfance et a soulevé questions et
problèmes.
S'agissant de l'AGED, la Cour des comptes a conclu que cette aide était
d'autant plus intéressante que le ménage, la famille, considéré était aisé et
qu'il pouvait également bénéficier de la réduction d'impôt d'un montant maximal
de 45 000 francs. Elle a déploré, par ailleurs, que la revalorisation de l'AGED
en 1994 soit intervenue sans évaluation préalable et que les conditions
d'ouverture du droit restent complexes. S'agissant de la pertinence du cumul
entre l'AGED et la réduction d'impôt, ainsi que sur les modalités d'accès, la
commission aimerait entendre votre sentiment, monsieur le ministre.
Concernant l'AFEAMA, la Cour des comptes a constaté - c'est un vrai problème
selon la commission - le manque de coordination entre les CAF et les
départements qui ne communiquent pas à celles-ci les décisions d'agrément des
assistantes maternelles.
Sur le plan général de la concurrence entre accueil individuel et hébergement
collectif, la Cour des comptes s'est interrogée sue les conséquences de
l'accroissement des aides individuelles quant à l'équilibre financier des
structures collectives. Il convient, toutefois, selon la commission, de
relativiser ce problème dans la mesure où, d'une part, l'écart reste important
entre le nombre de places de crèches et celui des bénéficiaires de l'AGED, et
où, d'autre part, la pénurie de places de crèches subsiste dans certaines
villes. Ainsi, on peut espérer que l'amélioration des aides individuelles, sans
que cela soit encore globalement mesurable, a pu permettre de libérer des
places de crèches pour les familles les plus modestes.
Le constat de la Cour des comptes qui, bien sûr, ne met en lumière que les
problèmes et non les succès, invite cependant à la réflexion.
En deuxième lieu, les dispositions relatives à la politique familiale du plan
dit « plan Juppé » trouvent leur prolongement dans les mesures contenues dans
le présent projet de loi ou annoncées dans ce cadre et sont accompagnées d'un
nécessaire mécanisme de concertation, la conférence de la famille.
La commission des affaires sociales ne vous rappellera pas dans le détail, mes
chers collègues, les dispositions du plan du 15 novembre 1995 concernant la
famille, mises en oeuvre par l'ordonnance du 24 janvier 1996. Elle mentionnera
simplement qu'elle n'avait pas été favorable à la mise sous condition de
ressources de l'ensemble de l'APJE, l'allocation pour jeune enfant. S'il est
trop tôt pour dresser un bilan de la mesure, il semble néanmoins qu'elle ait
engendré plus d'économies que prévu - 730 millions de francs au lieu de 600
millions de francs attendus initialement - ce qui pourrait signifier que les
familles exclues sont plus nombreuses que ce qui avait été envisagé à
l'origine. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez dissiper cette
inquiétude.
La non-revalorisation de la base mensuelle des prestations familiales a, quant
à elle, permis d'économiser autant que prévu, soit 2,6 milliards de francs.
C'est un effort important, dans la situation difficile que nous connaissons,
qui a été demandé aux familles.
La commission des affaires sociales se félicite de constater que
l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des prestations familiales, d'abord
envisagé, n'a finalement pas été mis en oeuvre par le Gouvernement.
S'agissant de ce que le plan du 15 novembre 1995 appelait « la rationalisation
des prestations familiales », l'économie envisagée de 600 millions de francs ne
sera qu'en partie réalisée, dans la mesure où le Gouvernement a renoncé, après
les remarques de la commission des affaires sociales en janvier 1996, à la
réduction des délais de prescription.
Quant à la cinquième disposition, elle concernait la rationalisation des aides
au logement. Cette mesure, qui devait permette d'économiser 1,2 milliard de
francs, n'a finalement engendré qu'une économie de 900 millions de francs.
La sixième disposition était relative à la contribution de la branche aux
mesures d'économie de gestion, qui devrait être de 272 millions de francs.
Enfin, l'accroissement des taux de cotisation d'allocations familiales pour
l'ensemble des entreprises publiques de 4,8 % à 5,2 % à compter du 1er janvier
1996 n'est finalement pas entré en application.
Les dispositions, peu nombreuses, qui concernent la branche famille dans le
présent texte et celles qui ont été annoncées dans ce cadre se situent dans le
prolongement du plan du 15 novembre 1995.
Si la commission des affaires sociales a jugé certaines d'entre elles
positives, elle s'est interrogée sur les conséquences, pour les familles
modestes, de la réforme des aides au logement. Elle a, en effet, relevé deux
aspects positifs : tout d'abord, il s'agit de l'application aux entreprises
publiques et à l'Etat du taux de cotisation pour les allocations familiales de
5,2 % à compter du 1er janvier 1997, dont elle vient de dire qu'elle n'avait
pas été mise en oeuvre en 1996. Elle s'est, à cet égard, demandé quand les
entreprises publiques et l'Etat rejoindraient le taux de droit commun, à savoir
5,4 %. Ensuite - et c'est la mesure la plus importante - le présent projet de
loi de financement prévoit l'extension de l'assiette de la CSG, ce qui
permettra à la branche famille de se voir affecter 3,1 milliards de francs
supplémentaires.
A côté de ces recettes supplémentaires, figurent deux mesures ayant trait
globalement aux aides au logement.
Ainsi, l'article 33 du présent projet de loi prévoit une harmonisation avec le
RMI de la prise en compte des aides au logement dans les ressources qui sont
prises en considération pour l'attribution de l'allocation de parent isolé.
Par ailleurs - mais cela est d'ordre réglementaire - une réforme des aides au
logement a été annoncée. Celle-ci, qui permettrait d'économiser, en 1997,
environ 600 millions de francs, consisterait, notamment, à unifier les deux
aides personnalisées au logement APL 1 et APL 2. Or cette réforme a suscité
certaines interrogations, voire des critiques.
Le conseil d'administration de la CNAF a émis un avis défavorable sur ce
projet de réforme, dans la mesure où, selon lui, il risquait d'avoir un «
impact à la baisse » pour les familles modestes. Le président de la CNAF, M.
Jean-Paul Probst, m'a d'ailleurs fait part de ses inquiétudes lors des
auditions préparatoires devant la commission, des affaires sociales.
M. Probst a notamment déploré le fait que, alors que cette réforme doit entrer
en vigueur le 1er janvier 1997, la CNAF ne connaisse pas encore les nouveaux
barèmes des aides au logement, qui ne lui seront communiqués qu'à la fin du
mois de novembre. Ce délai lui est apparu trop court, tant sur le plan
informatique que sur le plan de la formation des personnels, alors même que son
conseil d'administration avait dû se prononcer sur le bien-fondé de ladite
réforme sans en connaître les tenants et les aboutissants. Compte tenu de ce
qui vient d'être dit, monsieur le ministre, pensez-vous réellement que la
réforme pourra entre en vigueur au 1er janvier 1997 et pouvez-vous nous
rassurer quant aux conséquences de cette réforme ?
Par ailleurs, la loi n° 94-624 du 25 juillet 1994, relative à la famille, a,
par son article 41, institutionnalisé une conférence nationale annuelle de la
famille. Mais ce n'est que le 6 mai 1996 qu'a été effectivement réunie cette
conférence pour la première fois depuis le vote de cette loi. A cet égard, la
commission des affaires sociales a estimé que le Parlement aurait pu être plus
étroitement associé à celle-ci ainsi qu'aux groupes de travail constitués à son
issue.
Elle considère également qu'une telle manifestation instaure un mécanisme de
concertation et d'échange nécessaire pour l'élaboration d'une politique
familiale ambitieuse pour l'avenir de notre pays. Elle a donc souhaité que soit
solennisée cette instance de concertation en inscrivant son principe au sein du
code de la famille et de l'aide sociale.
Quant à la réunion du 6 mai 1996, elle a été suivie par la mise en place de
cinq groupes de travail qui accomplissent une tâche importante et qui doivent
remettre leurs conclusions à la fin du mois de novembre ou au début du mois de
décembre. A cet égard, j'exprime un regret : notre commission aurait souhaité
pouvoir disposer de ces conclusions avant de se prononcer sur le présent projet
de loi.
En conclusion, la commission des affaires sociales estime qu'il conviendra
d'être vigilant sur les conséquences de la réforme des aides au logement. Vous
me rétorquerez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que cela
n'entre pas tout à fait dans vos attributions. Mais nous en reparlerons !
Par ailleurs, la commission souhaite que les aides à la petite enfance soient
revues dans un sens de plus grande simplicité, de meilleure lisibilité et de
plus grande équité. Elle souligne, à cet égard, la nécessité de mettre en
oeuvre le plus tôt possible le deuxième volet de la loi relative à la famille
concernant les aides aux jeunes adultes, tout en étant attentive à la dérive
financière de l'application du premier volet de celle-ci.
Cependant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, eu égard à
l'amélioration des ressources de la branche famille, grâce à l'élargissement de
l'assiette de la CSG qui permettra à ladite branche de bénéficier de 3,1
milliards de francs supplémentaires, la commission des affaires sociales s'est
déclarée favorable au présent projet de loi.
Cela étant, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tous ces chiffres arides ne
représentent que des moyens. Ne perdons pas de vue le côté humain que
constituent nos familles ! Je remercie à cet égard M. Fourcade de m'avoir
confié ce rapport, me permettant ainsi de m'exprimer sur le sujet qui me tient
le plus à coeur - et j'en suis fier ! - à savoir, précisément, la famille.
Toute ma vie, j'ai considéré - et je n'ai pas peur de le répéter - que la
famille était la cellule de base de la société. Cela semble ringard
aujourd'hui, mais, si la réalité actuelle s'est trop éloignée de cette valeur,
de grâce ! ne soyons pas trop négatifs. Sans gommer les difficultés de la vraie
vie familiale, l'amour au sein de la famille, cela existe, même si nous devons
parfois déplorer certaines violences. Mais notre silence à tous n'est-il pas
complice de toutes ces difficultés ? Au demeurant, questionnez toutes les
personnes qui sont le vendredi soir sur les routes, demandez-leur où elles vont
: toutes vous répondront qu'elles partent retrouver leur famille, qu'elles vont
« en famille ».
C'est dans cet esprit positif que la commission des affaires sociales vous
propose d'adopter le présent projet de loi de financement de la sécurité
sociale, dans ses dispositions relatives à la famille et aux prestations
familiales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans un monde extrêmement incertain où
la perspective du chômage angoisse les moins de soixante ans mais où
l'inflation a été maîtrisée, les retraités peuvent apparaître, aux yeux de
certains, comme des nantis dans la mesure où, précisément, ils ont des revenus
garantis et non sujets à l'érosion monétaire. Or la situation globale des
retraités n'est rien moins qu'homogène, même si les trente dernières années ont
vu le niveau de vie général s'améliorer.
En même temps, les retraités souhaitent une plus grande reconnaissance
institutionnelle, par exemple une participation au Conseil économique et
social. Le Président de la République, M. Jacques Chirac, vient d'ailleurs de
leur donner satisfaction sur ce point, lors du cinquantenaire de cet organisme.
L'ensemble des retraités souhaitent en tout cas être davantage consultés sur
les mesures qui les concernent.
La commission des affaire sociales a souhaité faire le point sur la situation
des retraités. Elle a ensuite examiné la mise en oeuvre des dispositions
concernant l'assurance vieillesse incluses dans le plan du 15 novembre 1995,
avant de s'interroger sur l'intérêt de la création d'une conférence des
retraités en tant qu'instance de consultation, par référence à la conférence de
la famille dont vient de parler M. Machet et à celle de la santé, qui existe
déjà.
Enfin, dans la mesure où nous avons examiné fort récemment la proposition de
loi relative à la prestation spécifique dépendance, dont le président de la
commission des affaires sociales, M. Fourcade, et moi-même étions signataires,
nous avons souhaité poser quelques jalons pour l'avenir.
Ainsi, il nous a semblé essentiel que soient accrues l'efficacité et la
cohérence des actions des différentes caisses de sécurité sociale à destination
des personnes âgées dans le cadre de la coordination des aides prévues par la
proposition de loi précitée.
Mais nous avons également considéré, sans remettre en cause le financement des
régimes de retraite légaux, que devraient être prises des initiatives
favorisant la prévoyance individuelle, en particulier en matière de dépendance,
toutes initiatives qui pourraient trouver leur place au sein de la future loi
sur l'épargne-retraite.
Je souhaiterais faire le point avec vous, mes chers collègues, sur la
situation actuelle des personnes âgées.
Quelles sont les conséquences de la réforme des retraites du régime général ?
Si l'indexation sur les prix à la consommation, mise en oeuvre dès 1987, a eu
immédiatement un impact positif important sur la situation financière de la
CNAVTS, deux autres dispositions, consistant l'une à passer à cent soixante
trimestres, l'autre à prendre en compte les vingt-cinq meilleures années pour
obtenir une retraite à taux plein, ont été très progressives dans le temps et
n'ont eu au départ que peu d'influence sur le solde financier de la CNAVTS.
L'impact de ces deux dernières mesures devrait cependant s'accroître
progressivement au fil des années et s'élever, selon la commission des comptes
de la sécurité sociale, à 1 milliard de francs en 1996 et 1997.
Selon le rapport annexé au présent projet de loi, cet impact atteindrait 4
milliards de francs en l'an 2000 et 28 milliards de francs en l'an 2010. Cela
paraît tout à fait considérable !
Toutefois, l'équilibre à long terme de la branche vieillesse ne sera pas pour
autant rétabli. A cet égard, il est permis de se demander si les dispositions
de la loi du 22 juillet 1993, nécessaires et courageuses, seront suffisantes.
Nous connaissons à cet égard une situation assez préoccupante, qui est liée à
celle des autres régimes.
Sur ce point, permettez-moi de rappeler que, si le régime général a connu les
réformes indiquées et si les régimes conventionnels complémentaires tels que
l'AGIRC et l'ARRCO se sont engagés depuis 1993 sur la même voie douloureuse, il
n'en a pas été de même pour tous les régimes spéciaux, qui connaissent déjà ou
sont appelés à connaître des situations extrêmement difficiles. Nous nous en
sommes ouverts avec vous, monsieur le ministre, en commission des affaires
sociales et vous êtes convenu vous-même, lorsque nous avons abordé le problème
de la surcompensation vis-à-vis de la CNRACL, qu'au-delà des questions que pose
ce financement il faudrait également aborder les problèmes dans leur ensemble.
Même si nous avons décidé de prendre un peu de recul, nous n'esquiverons donc
pas, un jour ou l'autre, le débat sur les régimes spéciaux.
D'une manière générale, dans une perspective qui se situe à l'horizon
2010-2015, comme pour le régime général, le rapport du plan de l'an dernier,
dit « Briet », fait apparaître une dégradation plus ou moins importante selon
le régime du rapport entre cotisants et retraités. Comme vous nous l'avez dit
tout à l'heure, monsieur le ministre, cette dégradation résulte d'une baisse
des cotisants et d'un accroissement du nombre des retraités. Seuls les régimes
de la SNCF et des exploitants agricoles enregistrent une baisse du nombre de
leurs retraités, alors que l'action combinée des deux paramètres précités
compromet lourdement la situation de la CNRACL et celle des fonctionnaires.
Lors de la discussion des articles seront abordés les problèmes très actuels
de la CNRACL, bien connus du président de notre commission, M. Fourcade.
Les difficultés du régime des fonctionnaires viennent par ailleurs d'être
soulignées dans un récent rapport de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, dit rapport « de Courson ». En effet, globalement, sur l'ensemble de
la période, le nombre des fonctionnaires et des cotisants à la CNRACL va se
stabiliser, alors que le nombre des retraités croîtra de 80 % pour le premier
régime et sera multiplié par 2,8 pour le second.
C'est en raison de ce constat extrêmement préoccupant que, sur la proposition
de notre président, M. Fourcade, notre collègue M. Descours nous présentera, au
titre de la CNRACL, un amendement qui tend à plafonner la contribution de cette
caisse.
S'agissant des cotisants des régimes complémentaires, il convient de noter que
l'évolution de l'ARRCO est quasiment identique à celle du régime général, alors
que l'AGIRC voit l'évolution de ses cotisants liée à l'évolution du taux
d'encadrement, qui devrait continuer à croître, mais moins fortement que par le
passé. Parallèlement, le nombre des retraités affiliés à l'AGIRC croîtra
fortement.
Globalement, à partir de 2005, et surtout de 2010-2015, l'AGIRC et l'ARRCO,
qui ne comptabilisent pas leurs retraités âgés de moins de soixante-cinq ans -
l'effet est donc décalé dans le temps - subiront le choc de l'arrivée à l'âge
de la retraite des enfants du
baby boom,
et ce même si les deux régimes
ont signé, ces dernières années, un certain nombre d'accords visant à
pérenniser leur système. Les partenaires sociaux sont donc invités à continuer
dans la voie de la réforme.
J'en viens à la mise en oeuvre des mesures contenues dans le plan dit « Juppé
».
Hormis la mesure de rattrapage négatif de 0,1 % au 1er janvier 1996, qui sera
évoquée plus avant, l'essentiel des mesures réellement appliquées dans le cadre
du plan Juppé pour « redresser » les comptes de la branche vieillesse du régime
général n'ont pas eu d'influence sur la situation financière des retraités
alors que, c'est là le paradoxe, une partie de ces derniers ont, en fait,
contribué à la résorption du déficit de la CNAMTS par l'accroissement de leur
cotisation maladie, au 1er janvier 1996, de 1,2 %.
Trois dispositions du plan du 15 novembre 1995 concernaient la branche
vieillesse.
Tout d'abord, il était envisagé de déroger au mode de revalorisation des
retraites institué par la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de
vieillesse et à la sauvegarde de la protection sociale. Il était donc prévu de
revaloriser les pensions de retraite uniquement en fonction de l'évolution des
prix prévisionnels pour 1996, soit 2,1 % sans rattrapage. Or l'inflation
constatée en 1995 s'est avérée plus faible que prévu, 1,9 %. Il n'y a donc pas
eu besoin d'un rattrapage positif.
En fait, au 1er janvier 1996, les pensions de retraite ont été finalement
revalorisées de 2 %, ce qui comprenait à la fois l'inflation anticipée, soit
2,1 %, et un rattrapage négatif de 0,1 %, rattrapage que l'on n'a pas
complètement appliqué, car il aurait dû être de 0,2 %. Ainsi a-t-on limité la
baisse de la revalorisation des retraites de l'ensemble des personnes âgées.
Il est d'ailleurs à noter que, en 1997, le mécanisme légal aurait dû aboutir à
un taux de revalorisation de 1,1 % au 1er janvier, résultant d'une inflation
prévisionnelle de 1,3 % et d'un rattrapage négatif de 0,2 % au titre de
1996.
Nous avions adopté ce mécanisme, en 1993, à l'occasion de l'examen du texte
sur le fonds de solidarité vieillesse. C'est ce que l'on appelle communément
l'« effet Chamard ».
En fait, cette revalorisation devrait être un peu supérieure puisqu'elle
s'élèvera à 1,2 %. Sans doute, monsieur le ministre, avez-vous voulu ne pas
ajouter à l'accroissement des prélèvements sur les retraités !
Ensuite, le plan dit « plan Juppé » prévoyait d'harmoniser les conditions de
prise en compte des durées d'activité pour le calcul des droits à pension.
Toutefois, cette disposition n'a finalement, pas été mise en oeuvre, car la
parfaite coordination entre régimes qu'elle supposait a soulevé d'importants
problèmes qui ne sont pas apparus, pour le moment, solubles. Peut-être,
pourrez-vous nous donner de plus amples explications à cet égard, monsieur le
ministre.
La troisième disposition concernait le fonds de solidarité vieillesse, le FSV,
qui devait augmenter sa contribution à la branche vieillesse au titre des
validations de période de chômage de 50 %. Cette disposition a rapporté à cette
branche 11 milliards de francs, en 1996, et elle lui en rapportera autant en
1997. C'est là le résultat du passage du taux de compensation des cotisations
des non-indemnisés de 60 % à 90 % et de l'allégement de la dette de 11
milliards de francs que nous faisions supporter à titre transitoire au fonds de
solidarité vieillesse. Cela correspondait au financement du cumul du déficit
constaté des années antérieures, financement qui, aujourd'hui, est assuré par
la contribution au remboursement de la dette sociale.
J'ai dit au début de mon propos qu'il serait peut-être bon d'envisager
l'instauration d'un mécanisme de concertation préalable en matière de
vieillesse. Dans la mesure où il existe désormais une conférence nationale de
la famille, une conférence nationale de la santé, la commission, faisant sienne
une proposition qui lui a paru pertinente, soumettra un amendement qui tend à
créer une conférence annuelle des retraités, de manière que ceux-ci puissent
aborder, avec le Gouvernement, les problèmes relatifs à la vieillesse et aux
retraites.
Parallèlement à cette proposition très concrète et dans le droit-fil de ce
qu'a proposé le Gouvernement pour la santé, la commission a souhaité examiner
les perspectives pour les années qui viennent.
Il faudrait, d'abord, penser à accroître l'efficacité et la cohérence des
actions des caisses de sécurité sociale à destination des personnes âgées,
conformément à la coordination prévue par le texte sur la prestation spécifique
dépendance, texte qui est encore tout frais dans vos mémoires, mes chers
collègues, puisque nous l'avons examiné il y peu de temps. Il a en effet paru
indispensable à la commission, dans un contexte budgétaire très contraignant,
qu'une telle disposition soit valorisée.
A cet égard, l'article 1er A, inscrit en exergue de la proposition de loi
instituant une prestation spécifique dépendance, semble tout à fait porteur
d'une nouvelle logique : instituer une coordination entre les aides existantes
grâce au partenariat des différents acteurs.
Il faut rappeler que les expérimentations en matière de dépendance dans douze
départements, inscrites dans la loi de juillet 1994 à l'instigation, je le
rappelle, de la commission et de son président, M. Jean-Pierre Fourcade, ont
démontré que le partenariat entre les départements et les caisses de sécurité
sociale pouvait fonctionner à la satisfaction de tous, y compris des usagers.
Le temps n'est plus, selon la commission, aux querelles de compétences et à
préférer « un splendide isolement » à une collaboration efficace.
Cette coordination valorisée a d'ailleurs été souhaitée, dans le cadre de la
proposition de loi sur la prestation spécifique dépendance, aussi bien par les
départements que par la CNAVTS, qui a confirmé, par la voix de son président,
M. Jean-Luc Cazettes, sa volonté de rencontrer au plus tôt l'assemblée
permanente des présidents de conseils généraux afin de définir ensemble les
modalités d'intervention de chacun qui pourront prendre place dans le cadre du
cahier des charges que vous arrêterez, monsieur le ministre. Cette coordination
peut d'ailleurs être une chance pour les caisses de sécurité sociale, régimes
de base et même régimes complémentaires, pour remettre à plat les actions
financées par leurs fonds d'action sociale respectifs.
Je précise au passage qu'il est entièrement faux d'affirmer aujourd'hui que le
fait d'avoir adopté des dispositions particulières en faveur des personnes
âgées au titre de la prestation spécifique dépendance va entraîner
ipso
facto
une diminution du concours des caisses à travers leurs fonds d'action
sociale au profit de ces mêmes personnes âgées. Bien au contraire, il y aura
une meilleure complémentarité entre l'action des conseils généraux et celle des
caisses de sécurité sociale, plus particulièrement la branche vieillesse.
Par-delà les initiatives favorisant la prévoyance individuelle qui pourraient
trouver leur place au sein de la future loi sur l'épargne-retraite, il semble
qu'aujourd'hui, après le dépôt de nombre de propositions de loi dont la
commission s'était fait largement l'écho les années précédentes et qui
n'avaient pu franchir « l'obstacle » de la séance publique, un texte vienne
enfin en discussion.
En l'occurrence, il s'agit de la proposition de loi de MM. Charles Millon et
Jean-Pierre Thomas, qui est aussi la synthèse des propositions de M. Jacques
Barrot, aujourd'hui présent dans cette enceinte en tant que ministre du travail
et des affaires sociales et qui se rappelle sans doute en avoir été le
cosignataire.
La discussion générale de ce texte a déjà eu lieu, le 30 mai 1996, et les
articles devraient être examinés par l'Assemblée nationale le 21 novembre
prochain, dans le cadre de la « fenêtre » mensuelle ouverte aux initiatives
parlementaires.
Un texte dans ce domaine est, bien évidemment, souhaitable. Toutefois, il doit
d'abord tendre à dissiper nombre d'incertitudes et ne pas contribuer à
accroître l'inquiétude de nos concitoyens quant à l'avenir de leurs régimes de
retraite de base et complémentaires obligatoires. Les retraites par répartition
doivent rester et resteront le socle de notre système de retraite. La loi du 22
juillet 1993 l'a d'ailleurs confirmé sans aucune équivoque.
Dans la mesure où le contenu des proprositions du rapporteur était connu
depuis longtemps, le débat du 30 mai 1996 a surtout eu pour objet de permettre
au Gouvernement, par la voix de M. Arthuis, ministre de l'économie et des
finances, de préciser certains de ses choix. Ainsi, en accord avec les auteurs
de la proposition de loi, il s'est déclaré favorable au caractère facultatif
des plans d'épargne-retraite, à la sortie en rente et à la présence d'une forte
proportion d'actions au sein des actifs de fonds.
En revanche, contrairement à ce que prévoyait la proposition de loi, le
Gouvernement, toujours par la voix de M. Arthuis, a souhaité réserver le
bénéfice de ces plans aux seuls salariés du secteur privé et exclure la
souscription directe desdits plans par les salariés auprès des compagnies
d'assurance. Il a également préféré le recours à une gestion externe. Par
ailleurs, il n'a pas précisé, pour le moment, les modalités d'un « coup de
pouce fiscal » qui pourrait être octroyé aux souscripteurs de ces plans afin de
rendre ces derniers plus attractifs.
Sur ce point, la commission exprime un voeu ; c'est que, lors de l'examen des
articles de cette proposition de loi ou lorsque celle-ci sera soumise à la
Haute Assemblée, une disposition du type de celle qu'avait présentée notre
collègue Jean Chérioux, dans le cadre de la discussion de la prestation
spécifique dépendance, concernant les contrats d'assurance dépendance puisse
être examinée favorablement.
Vous aviez demandé à M. Chérioux de retirer son amendement, monsieur le
ministre, en déclarant que cette disposition serait examinée dans le cadre de
la proposition de la loi sur le plan épargne-retraite.
Nous aimerions que vous puissiez nous confirmer aujourd'hui la volonté du
Gouvernement d'aller dans ce sens, car c'est ce que souhaite le Parlement. S'il
n'était pas opportun de prendre en considération la proposition de M. Chérioux
lorsqu'il l'a présentée, si tel n'est toujours pas le cas dans le présent
projet, peut-être pourrez-vous à tout le moins nous donner quelque assurance ou
quelque apaisement pour dissiper notre inquiétude, voire nous annoncer que,
après consultation avec votre collègue Jean Arthuis, une diposition sera
présentée au moment où nous examinerons la proposition de loi.
En conclusion, mes chers collègues, face à ce texte important, qui est soumis
au Parlement pour la première fois, la commission prend acte de la volonté du
présent Gouvernement de rompre avec certains errements du passé.
Aussi, sous réserve que soient adoptés deux amendements, dont j'ai parlé tout
à l'heure, l'un ayant trait à la création d'une conférence nationale des
personnes âgées, l'autre au financement de places de services de soins
infirmiers à domicile - lors de l'examen de la proposition de loi sur la
prestation spécifique dépendance, vous avez accepté, monsieur le ministre, que
soient financées dès à présent 2 000 places sur les 4 300 places restant à
financer - la commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter le
présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je ne doute pas que nous serons nombreux à le faire ; si nous pouvions être
unanimes, ce serait parfait.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste et sur certaines travées
du RDSE.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Oudin, rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi
de financement de la sécurité sociale que nous examinons aujourd'hui est le
premier du genre. Il nous est présenté par le Gouvernement en application de la
révision constitutionnelle du 22 février dernier, qui donne enfin au Parlement
la faculté de se prononcer chaque année sur les perspectives financières de la
sécurité sociale.
C'est un des points forts de la réforme annoncée par Alain Juppé, le 15
novembre 1995. Un an plus tard - notre collègue Charles Descours l'a dit tout à
l'heure - cette réforme est en marche : la Constitution a été révisée, cinq
ordonnances ont été prises, quarante décrets sont soit publiés, soit en
concertation, comme nous l'a précisé M. le ministre lui-même.
Nous ne pouvons que nous féliciter de l'innovation juridique constituée par
les lois de financement de la sécurité sociale, que, pour ma part, je
souhaitais depuis longtemps. J'avais d'ailleurs déposé, dès 1994, une
proposition de loi en ce sens.
L'instauration des lois de financement de la sécurité sociale ne marque pas
simplement un renforcement des pouvoirs du Parlement sur la sécurité sociale ;
elle constitue l'amorce d'un changement profond de l'organisation et de la
logique de notre système même de sécurité sociale.
Elle marque également le début de la remise en ordre des comptes de la
sécurité sociale. La Cour des comptes, comme nous l'avons souhaité, a
désormais, depuis 1994, un rôle majeur dans le contrôle des comptes sociaux.
Cette réforme a été fortement défendue par la commission des finances. Les
observations de la Cour contribueront à la rationalisation du cadre comptable
des organismes de sécurité sociale. Permettez-moi d'insister sur ce point, car
il n'est jamais possible d'avoir des politiques justes sans des comptes
clairs.
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Ça, c'est vrai !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
A cet égard, j'ose espérer, monsieur le ministre,
que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale et ses
annexes pourront être présentés en droits constatés, comme nous le demandons
depuis longtemps.
Je souhaite également que les structures et les moyens de la Cour des comptes
soient adaptés à cette nouvelle tâche. N'oublions jamais que la Constitution
assigne à cette juridiction, parmi ses différentes missions, celle d'éclairer
le Parlement.
Pour ma part je souhaiterais qu'une chambre spéciale soit dédiée au contrôle
des comptes de la sécurité sociale.
L'instauration des lois de financement doit également permettre de
dédramatiser la question du déficit de la sécurité sociale. Par le passé, cette
question a trop souvent été abordée dans un climat d'urgence et de polémique.
En l'absence de tout mécanisme assurant un équilibre
a priori
entre les
dépenses et les recettes sociales, il est bien normal que les ajustements
interviennent régulièrement chaque année. Il n'en va pas autrement pour le
budget de l'Etat.
Le présent projet de loi de financement contient ainsi un certain nombre de
mesures ponctuelles destinées à réduire d'environ 16 milliards de francs le
déficit tendanciel des régimes de base de sécurité sociale en 1997.
A cet égard, il me faut toutefois regretter, au nom de la commission, monsieur
le ministre, que la solution consistant à augmenter les recettes l'ait emporté,
une fois encore, sur la stabisitation, voire la réduction, des dépenses.
Certes, c'était nécessaire, nous le savons, mais nous souhaitons que ce soit au
moins la dernière fois.
Depuis plusieurs décennies, nous augmentons régulièrement les prélèvements
sociaux, qui sont passés, en vingt-cinq ans, de 13 % à 25 % du produit
intérieur brut marchand.
Nos concitoyens commencent à être de plus en plus allergiques à toute
augmentation d'impôts, de taxes ou de contributions diverses. Notre économie
supporte de moins en moins ces charges que nous devons alléger périodiquement
dans certains secteurs, car elles pèsent sur les salaires et sur l'emploi.
Il est significatif que le débat d'ensemble sur l'avenir de notre système de
protection sociale à l'Assemblée nationale ait été perturbé, voire occulté, par
la question des taxes sur les alcools ou les casinos, ce qui n'était
certainement pas le point le plus important !
Pour le futur, nous devons impérativement fixer comme objectif aux lois de
financement de la sécurité sociale qui se succéderont la stabilisation de la
part des prélèvements sociaux dans la richesse nationale. Nous avons atteint
l'un des niveaux les plus élevés des pays occidentaux, ce niveau doit nous
suffire désormais pour assurer une solidarité efficace et durable.
Cela suppose que nous conservions toujours une vision globale des prélèvements
obligatoires, qu'ils soient fiscaux ou sociaux, vision qui n'apparaît pas
suffisamment dans ce projet de loi de financement.
La récente séparation entre les prélèvements fiscaux, dont la commission des
finances est saisie, et les prélèvements sociaux, qui relèvent de la commission
des affaires sociales, ne me paraît pas satisfaisante et devra certainement
être revue.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances, mes chers collègues,
est réservée sur tout amendement qui aboutirait à aggraver ou à majorer les
prélèvements sociaux au-delà de ce qui était prévu par le Gouvernement.
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comporte pas
d'article d'équilibre afin, si j'ai bien compris, de ne pas officialiser le
déficit. Il n'est cependant pas interdit de rapprocher les prévisions de
recettes et les objectifs de dépenses.
Ce rapprochement fait apparaître, en 1997, un déficit tendanciel de l'ordre de
44 milliards de francs pour l'ensemble des régimes de base, qui serait réduit à
27 milliards de francs par la loi de financement.
Quant au déficit du seul régime général de sécurité sociale, qui a un
caractère tout à fait officiel, il serait réduit, en 1997, et passerait de 47,2
milliards de francs à 30,4 milliards de francs.
Il convient toutefois de relever que cette réduction du déficit est acquise,
pour une large part, grâce à des ressources de trésorerie ou à des transferts
non reconductibles.
Par ailleurs, les perspectives de moyen terme jointes en annexe laissent
espérer un retour à l'équilibre dès 1999.
Ces prévisions ont, certes, la valeur de toute projection macro-économique. La
Cour des comptes, dans son deuxième rapport au Parlement sur la sécurité
sociale, nous a bien rappelé les limites de l'exercice. Les moins-values sur
cotisations qui expliquent le dérapage du déficit en 1996 nous incitent
également à la prudence pour l'avenir.
Toutefois, j'estime extrêmement utile que la démonstration soit ainsi faite
que le redressement financier de la sécurité sociale peut intervenir dans le
cadre d'une ligne politique claire et persévérante qui aboutira à un rythme de
progression des dépenses durablement inférieur à celui des recettes.
Monsieur le ministre, vous avez insisté sur ce point et vous avez raison, car
c'est là le but qu'il convient de se fixer. Il s'agit d'un objectif politique
que nous approuvons, mais qui appelle le maintien d'une grande vigilance et la
poursuite des efforts engagés par le plan de redressement et de restructuration
actuellement en cours.
La fixation de plafonds de trésorerie pour les principaux régimes constitue
une autre innovation fondamentale du dispositif qui nous est soumis
aujourd'hui. Ce mécanisme garantit un contrôle véritable du Parlement sur le
financement des déficits des régimes de sécurité sociale.
De ce fait, la compétence du Parlement apparaît plus étendue pour les finances
de la sécurité sociale que pour celles de l'Etat. Il ne nous reste plus qu'à
souhaiter que ce mécanisme puisse ultérieurement être appliqué à l'exécution
des lois de finances.
Par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, il nous
est proposé par ailleurs une réforme ambitieuse, qui recueille l'appui et
l'accord de la commission des finances : il s'agit de l'élargissement de
l'assiette de la contribution sociale généralisée, la CSG, qui permettra de
diversifier le financement de la sécurité sociale pour le rendre à la fois plus
équitable et moins sensible à la conjoncture économique.
Toutes les modalités de cette CSG élargie ne sont pas également
satisfaisantes. Je pense ici au mécanisme d'acomptes de la CSG due au titre de
certains produits de placement, qui ne semble pas avoir de justification
véritable. Je pense également à l'assiette de la CSG sur les jeux, qui a été
définie de façon peut-être trop arbitraire.
Par ailleurs, l'amorce du basculement des cotisations maladie sur cette
contribution sociale généralisée à base élargie constitue le préalable
financier à la création d'un régime universel d'assurance maladie.
J'appelle toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que ce
basculement ne pourra pas être prolongé dans les prochaines années sans une
adaptation corrélative de la fiscalité sur les revenus de l'épargne.
Le vote de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie proposé par le
présent projet de loi de financement donnera le coup d'envoi au nouveau
dispositif de régulation des dépenses de santé prévu par les ordonnances du 24
avril 1996.
Fixé à 600,2 milliards de francs pour 1997, cet objectif est volontariste,
mais reste réaliste.
Votre rapporteur pour avis est convaincu que la maîtrise des dépenses
d'assurance maladie ne peut être que globale et qu'il ne saurait y avoir de
maîtrise médicalisée digne de ce nom sans une maîtrise des enveloppes
financières globales rendue possible par une amélioration réelle des mécanismes
comptables.
Le mécanisme des enveloppes par région, par secteur et par profession apparaît
très responsabilisant. Il permet de concilier les stratégies particulières avec
les intérêts collectifs. La commission des finances l'avait déjà proposé dès
1992.
La restructuration du système hospitalier est devenue urgente. Il convient de
réduire les inégalités dans la répartition géographique des dotations ; elles
ont atteint des niveaux qui ne sont plus tolérables.
Dans mon rapport écrit, j'évoque ces inégalités qui, par région et par
habitant, évoluent de 1 348 francs en Bourgogne à 2 892 francs en Ile-de-France
et à 2 636 francs en Alsace, soit du simple au double. La région des Pays de la
Loire, que j'ai l'honneur de représenter, se situe à 1 673 francs seulement.
Elle est en avant-dernière position, mais personne ne s'y estime pour autant ni
mal soigné, ni mal entouré. Cela nous ouvre des horizons, quand on sait
l'importance des excès commis dans d'autres parties du territoire.
Les taux d'évolution des enveloppes régionales devront donc être différenciés,
voire négatifs pour certains. Il conviendra d'organiser la mobilité du
personnel hospitalier, si la marge offerte par son taux de renouvellement
naturel n'apparaît pas suffisante.
Enfin, et j'insiste sur ce point, l'informatisation sera l'un des axes
essentiels de la réforme du système de santé. Hôpitaux, cabinets médicaux,
caisses de sécurité sociale, assurés sociaux, tous les acteurs sont concernés
par cette informatisation, qui conditionne le succès final de la réforme. Seule
la généralisation de l'informatique permettra de connaître les coûts de gestion
des pathologies dont a parlé tout à l'heure M. Gaymard en disant que l'on ne
les connaissait pas tous. Elle permettra également de suivre l'évolution des
pratiques médicales et de développer l'information et la formation permanente
des médecins.
La commission des finances a, bien entendu, donné un avis favorable à ce
premier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle n'a pas jugé
nécessaire d'y apporter des modifications de fond.
Au-delà de son souci de voir se stabiliser le montant des prélèvements fiscaux
et sociaux, la commission des finances appelle de ses voeux une mise en oeuvre
rapide de tous les aspects du plan de redressement et de restructuration de
notre système de protection sociale. Notre attention s'est d'abord concentrée,
il est vrai, sur la réforme de l'assurance maladie, car c'est dans ce secteur
que résidait la plus grande partie du déficit. Mais il nous faudra avancer
davantage dans la définition d'une politique familiale qui, à enveloppe
maîtrisée, puisse atteindre les objectifs qui seront définis par la conférence
nationale de la famille.
Nous aurons également à régler le problème lancinant de l'équilibre à long
terme des régimes spéciaux de retraite, que M. Alain Vasselle vient
d'évoquer.
Pour s'en tenir aux seuls régimes de retraite des fonctionnaires civils et des
collectivités locales, l'équilibre financier qui existait en 1993 s'est dégradé
en un léger déficit, qui atteignait 6,6 milliards de francs en 1995. Ce déficit
grossira rapidement, pour atteindre 20 milliards de francs en l'an 2000, 65
milliards de francs en 2005, 100 milliards de francs en 2010 et 150 milliards
de francs en 2015, si aucune mesure de redressement n'est prise d'ici là.
Chaque année, le Parlement demandera au Gouvernement de l'éclairer
particulièrement sur les perspectives les plus inquiétantes, et j'en ai cité
certaines. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a souhaité
une rationalisation des différents rapports demandés au Gouvernement en
complément des annexes financières prévues par la loi organique.
Nous ne pouvons dissocier l'effort que le Gouvernement et sa majorité ont
engagé pour réduire le déficit du budget de l'Etat de celui dont nous débattons
aujourd'hui et qui a pour objectif de rééquilibrer nos comptes sociaux.
Cette action de redressement est nécessairement globale, même si les
contraintes peuvent apparaître différentes. Notre système de protection sociale
est fondé sur le principe de la répartition immédiate. L'équilibre financier
est donc impératif, à moins de faire supporter aux générations futures la
protection sociale des générations actuelles. C'est cette contrainte qui nous a
amenés à créer la caisse d'amortissement de la dette sociale et à nous fixer un
objectif d'équilibre pour 1999.
La mise en oeuvre du plan de restructuration et de redressement impliquera,
pour tous les acteurs et pour tous les bénéficiaires des régimes sociaux, des
efforts réels que nous ne mésestimons pas.
Cependant, en aucun cas, le niveau global de protection ne sera réduit. Il
s'agit tout à la fois de maîtriser la croissance des dépenses - pour la
maladie, 590 milliards de francs cette année ; 600 milliards de francs l'année
prochaine - de restructurer, de régionaliser, de responsabiliser davantage afin
de dépenser mieux pour sortir de cette logique intenable qui consiste à
toujours dépenser plus.
Désormais, le Parlement, comme il l'a souhaité, est un élément clé de la
détermination de notre politique sociale et de son équilibre financier.
Nous saluons cette première loi de financement, qui marquera, nous en sommes
convaincus, le début d'un redressement durable de notre système de protection
sociale. Mais nous savons aussi que ce n'est que le début d'une action en
profondeur qui se déroulera sur le long terme et qui a pour objectif final de
mieux garantir la protection sociale de nos concitoyens.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
De quoi parlons-nous ?
De quoi débattons-nous ? Nous parlons d'une masse de dépenses qui, pour 1997,
s'établira, si les prévisions du Gouvernement sont exactes, à 1 685 milliards
de francs, et nous débattons pour savoir si le déficit sera légèrement
inférieur ou légèrement supérieur à 30 milliards de francs.
Il faut garder ces deux chiffres à l'esprit pour mieux apprécier les ordres de
grandeur respectivement du budget de l'Etat - là, nous parlons d'une masse de
dépenses d'environ 1 500 milliards de francs - et du déficit, dont nous
débattons pour savoir s'il s'élèvera à 280 milliards de francs ou à 290
milliards de francs.
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Mes chers collègues, si
j'ai tenu à rappeler ces chiffres, c'est pour ramener un peu de réalité dans
cet hémicycle et vous inciter à poser les questions de fond qui méritent d'être
posées.
En abordant aujourd'hui pour la première fois la discussion du projet de loi
de financement de la sécurité sociale, nous entamons une véritable réforme de
notre système de protection sociale.
Sans revenir sur les observations pertinentes et de grande qualité des quatre
rapporteurs, je poserai une seule question : par quels moyens peut-on
rééquilibrer le déficit actuel de notre système de protection sociale sans
majorer encore les prélèvements obligatoires et sans tomber dans les excès de
systèmes privatisés ne garantissant pas à tous nos concitoyens un traitement
équitable ?
Pour traiter cette question, je présenterai deux observations préliminaires et
j'indiquerai les quatre pistes que, selon moi, le Gouvernement et ceux qui le
soutiennent devront emprunter au cours des prochaines années.
Première observation : le déficit de la sécurité sociale n'est pas le fait de
la seule assurance maladie, comme on voudrait trop souvent nous le faire
croire. Il provient de trois branches sur quatre : la vieillesse, la famille,
la maladie, la branche accidents du travail enregistrant un léger excédent.
C'est pourquoi il faut apporter le même soin à l'assurance vieillesse et à la
politique familiale qu'à l'assurance maladie.
Il est clair que la maîtrise des dépenses d'assurance maladie est beaucoup
plus difficile à mettre en oeuvre que la maîtrise des dépenses de vieillesse ou
de la famille ce n'est pas une raison pour ne pas s'en occuper.
En ce qui concerne la vieillesse, je me réjouis que l'Assemblée nationale
examine prochainement la proposition de loi relative à l'épargne-retraite,
parce que celle-ci ne conduit pas du tout à une privatisation de la sécurité
sociale, mais correspond à la mise en place d'un troisième niveau de retraite
par capitalisation permettant, dans un avenir proche, en 2005, 2010, 2015, de
compenser les difficultés de nos systèmes de répartition.
Je souhaite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous
soyez ouverts à ce projet d'épargne-retraite, qui sera, pour beaucoup de nos
concitoyens, le complément nécessaire de leur retraite.
Quant à la politique familiale - M. Machet l'a dit avec son coeur et son
talent habituels - nous devons avoir le courage d'en ajuster les moyens à nos
capacités de financement. La loi, relative à la famille, du gouvernement
précédent a été ambitieuse. Elle a, reconnaissons-le, dépassé ses objectifs en
matière de dépenses. Elle a donc produit des résultats positifs. Mais nous
devons mieux veiller à définir nos priorités en ce domaine.
Développer à tout va les prestations n'est pas le meilleur moyen de garantir
la pérennité de celles-ci, surtout lorsqu'elles attirent dans notre pays de
nouveaux résidents, qui sont à la recherche désespérée d'une couverture
sociale. Il faudra étudier de plus près comment s'applique notre système
d'allocations familiales et de prestations familiales à tous ceux qui résident
sur notre territoire.
J'en viens à ma deuxième observation. J'ai entendu M. Oudin souligner à juste
titre que nous devions maîtriser les équilibres financiers en cessant de
majorer les prélèvements obligatoires. Je partage son avis d'autant que - vous
l'avez constaté, mes chers collègues, en ce qui concerne la fiscalité locale -
nos concitoyens sont las de voir leurs versements majorés. L'effort annoncé de
maîtrise des dépenses ne se traduit pas toujours de manière concrète.
Pourtant, la majorité de la commission des affaires sociales a accepté, pour
1997, les quelques recettes supplémentaires proposées par le Gouvernement et en
a ajouté d'autres. Elle souhaite ne pas retomber, comme ce fut le cas trop
souvent depuis vingt ans, dans le travers du non-remboursement ou de la
suppression de prestations.
Dans la période difficile dans laquelle nous sommes en matière d'emplois,
d'activités, de revenus, nous considérons qu'il vaut mieux, pour tenter de
rééquilibrer à court terme les mécanismes de financement de la protection
sociale, faire appel à quelques recettes nouvelles, notamment lorsqu'elles
concernent des personnes qui peuvent faire cet effort, plutôt que de supprimer
des remboursements de médicaments ou d'opérations chirurgicales, comme on l'a
trop fait depuis un certain nombre d'années.
Les recettes nouvelles que vous nous avez proposées, monsieur le ministre, ont
fait l'objet de grands débats à l'Assemblée nationale, notamment pour ce qui
concerne l'alcool, le PMU ou les courses. Nous n'y reviendrons pas, car nous
considérons que les arbitrages effectués à l'Assemblée nationale sont
définitifs.
Vous nous proposez des dispositions plus importantes. Par exemple, vous nous
proposez de transférer un point de cotisation d'assurance maladie vers la CSG.
Je crois que c'est une bonne réforme, car elle permet de majorer les salaires
directs dans une proportion faible. Les 8 milliards de francs dont vous avez
parlé représentent une somme tout à fait importante pour le développement de la
consommation des ménages.
Par ailleurs, vous nous proposez d'étendre et d'harmoniser l'assiette de la
contribution sociale généralisée.
Il est un point sur lequel je doute encore, celui de la déductibilité de la
deuxième partie de la CSG. C'est un point sur lequel on peut s'interroger et
qui, à mon avis, ne peut être étudié que dans la perspective d'une modification
complète de notre fiscalité sur le revenu. C'est un point qui fera sans doute
l'objet d'autres débats.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez
d'essayer de tendre vers l'équilibre progressivement, en deux ans et demi, ou
peut-être en trois ans. Quelles pistes pourrions-nous emprunter pour
rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale, c'est-à-dire pour effacer ce
déficit de 30 milliards de francs sur les 1 685 milliards de francs, sans
augmenter les prélèvements et sans réduire un certain nombre de prestations
auxquelles nous sommes attachés ? Ces pistes sont au nombre de quatre et sont
complémentaires.
La première piste, c'est la responsabilisation.
Il faut, bien entendu, engager un débat public et demander à la représentation
nationale de se prononcer sur la politique de santé. A ce titre, je remercie M.
le secrétaire d'Etat de nous avoir indiqué les grands objectifs de la politique
de santé publique. Je constate qu'en examinant ces grands objectifs on peut
établir un certain nombre de priorités, on peut essayer de déterminer les
secteurs dans lesquels nous pouvons dépenser plus pour améliorer la
situation.
J'ai été frappé, monsieur le secrétraire d'Etat, de ce que vous avez dit à
propos du décès des jeunes et de la mortalité infantile. Il y a là un certain
nombre de domaines dans lesquels il convient de faire des efforts, et je crois
que ce débat sera utile, puisqu'il permettra au Gouvernement de préciser des
objectifs.
Responsabiliser, c'est aussi impliquer tous les secteurs. Les règles de
maîtrise financière ayant déjà été posées, la commission des affaires sociales
proposera de les étendre au secteur médico-social. Mais je sais, monsieur le
ministre, que vous avez retenu un autre calendrier, lié à la réforme de la loi
de 1975. Toutefois, il est clair que dans un pays épris de justice comparative,
on ne peut pas imposer des efforts à la médecine hospitalière et à la médecine
ambulatoire si, en même temps, on ne traite pas tout le secteur médico-social,
peut-être selon des normes différentes. Si l'on encadre, il faut le faire
partout, pour éviter les dérapages.
Responsabiliser, c'est aussi impliquer nos concitoyens dans l'effort de
maîtrise des dépenses de santé. Dans ce domaine, l'introduction du carnet de
santé marque une étape. Nous devons le plus vite possible rendre ce carnet
obligatoire.
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Il l'est !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je comprends que vous
ne l'ayez pas mis en place tout de suite, mais je crois qu'il faut aller très
vite. Il doit devenir l'instrument d'un dialogue entre le prescripteur et le
patient.
La clé de la réussite, c'est la confiance du patient envers son médecin,
laquelle tient à la régularité de leurs relations. Dans cette optique, vous
avez tout à fait raison de chercher à ressusciter la médecine de famille, mais
vous ne devez pas tuer pour autant ce qui fait l'originalité de notre système
de santé, qui est fondé sur un strict respect des principes libéraux de
l'exercice de la médecine.
Monsieur le ministre, vous avez eu raison de vouloir stopper la baisse
constante du niveau de prise en charge collective des médicaments et des soins,
à laquelle nous avons trop souvent recouru depuis une vingtaine d'années. Il
faut substituer aux déremboursements sauvages une pédagogie de la
responsabilité.
La deuxième piste, c'est celle de la contractualisation. Vous l'avez dit
vous-même tout à l'heure, monsieur le ministre, les exigences financières du
moment ont un peu « grippé » les relations du Gouvernement avec le corps
médical. Vous avez souhaité, et vous l'avez répété tout à l'heure, instaurer un
dialogue approfondi avec les professions de santé, et la commission a souhaité
envoyer elle-même un signal en proposant qu'une réserve soit affectée pour 1997
au financement des mesures nouvelles de santé publique, décidées par l'Etat ou
qui résulteraient de négociations conventionnelles.
Comme le disait André Bergeron, dans une négociation, il faut un peu de grain
à moudre ! Si nous parvenons à réunir autour d'une table les organismes de
sécurité sociale et les médecins afin de dégager quelques masses financières
pour améliorer, sur un certain nombre de points, les nouvelles technologies
médicales ou faciliter la mise en place de nouvelles thérapies, nous serons
allés dans le bon sens, nous aurons revigoré la négociation collective. Je
souhaite que les médecins libéraux acceptent de répondre à cet appel.
Quant à la médecine hospitalière, il est clair que les hôpitaux doivent être
engagés dans cette logique contractuelle avec l'Etat et la sécurité sociale,
mais, là aussi, sans oublier les médecins. On n'arrivera à rien en matière
d'économies hospitalières - je le sais parce que j'ai participé à la gestion de
deux hôpitaux de tailles différentes - si l'on n'intéresse pas les chefs de
service et l'ensemble du personnel médical aux économies de gestion de leur
service.
Par conséquent, là aussi, c'est la contractualisation qui s'impose. Certes,
les ordonnances ont prévu la conclusion de tels contrats, mais il faut
maintenant aller vite.
Enfin, contractualiser, monsieur le ministre, et c'est un point plus
difficile, c'est clarifier les relations entre l'Etat et les caisses de
sécurité sociale. Il faut bien préciser les responsabilités des uns et des
autres pour éviter les mauvaises polémiques comme celles que nous avons vu
surgir voilà quelques semaines.
Le Parlement pourrait demander aux conseils d'administration des caisses
d'établir des programmes pluriannuels d'économies permettant de nous orienter
vers cet objectif de réduction des dépenses, qui me paraît tout à fait
essentiel.
Le Parlement serait ainsi saisi, avec les rapports de la Cour des comptes et
ceux du Gouvernement, de propositions d'économies parmi lesquelles il pourrait
choisir, ce qui lui permettrait de mieux préciser la politique dans laquelle il
souhaite s'engager.
La troisième piste concerne la décentralisation. M. Claude Huriet l'a défendue
avant moi et il le confirmera sans doute tout à l'heure. Lors de la discussion
de la loi hospitalière de 1991 dont il était le rapporteur, nous avions voulu
opposer au « tout-Etat » une logique de responsabilité locale.
Personne n'a voulu aller dans cette voie. Pourtant, nos déplacements chez les
principaux partenaires de notre pays nous ont convaincus que la maîtrise des
dépenses de santé ne peut résulter que d'un rapprochement des acteurs et des
décideurs.
A cet égard, le modèle retenu pour la prestation spécifique dépendance dont a
parlé notre excellent collègue M. Alain Vasselle tout à l'heure me paraît
exemplaire : définir quelques principes forts et pérennes, avoir un filet de
sécurité sur le plan national et laisser au niveau local, par la voie
conventionnelle, le soin de gérer la prestation me paraissent de nature à nous
rapprocher de nos concitoyens et à nous permettre de mieux les servir, au
meilleur prix.
On pourrait adopter ces principes pour plusieurs séries de prestations, car je
crois que, dans cette maison, nous sommes très nombreux à être partisans
d'étendre le domaine de la décentralisation.
J'en viens à la quatrième piste, qui est la plus douloureuse, monsieur le
ministre. C'est la piste de la restructuration. C'est en effet la structure
même de notre système de protection sociale qu'il faut désormais avoir le
courage de remettre en cause.
Restructurer, c'est d'abord cesser de redimensionner l'appareil hospitalier
par le seul effet aveugle du budget global. Nous attendons beaucoup des
nouvelles missions confiées aux directeurs des agences régionales de
l'hospitalisation, mais je crois, que pour faire naître une véritable culture
de l'« hôpital-entreprise », il faut aller beaucoup plus loin que la mise en
place de ces agences : il faut, là aussi, essayer de restructurer sans
détruire, mais de restructurer sur la longue période de manière à avoir des
effets mesurés mais efficaces.
De même, les agences devront développer la coopération interhospitalière
plutôt que de s'en tenir à proposer de réduire ou de supprimer les moyens des
hôpitaux. C'est à la lisibilité de leur démarche que tiendra leur réussite.
Restructurer, c'est aussi mieux utiliser les moyens des caisses. La commission
connaît les efforts engagés par ces dernières pour rationaliser leur gestion.
Mais nous ne sommes pas tout à fait convaincus qu'elles soient arrivées au
terme des opérations de restructuration et d'amélioration de gestion. Des
rapports sur l'informatisation des caisses ou leurs mécanismes de
fonctionnement montrent qu'il y a encore quelques progrès à faire.
Monsieur le ministre, les collectivités territoriales font, à l'heure
actuelle, de gros efforts pour limiter leurs dépenses et améliorer leur gestion
; il n'est pas interdit aux grands organismes de sécurité sociale de faire de
même afin de procéder à des économies réelles.
Restructurer, c'est encore achever la réforme de l'assurance vieillesse.
Que cela plaise ou non, le débat sur les régimes spéciaux ne pourra pas être
éludé ; il faudra y venir le plus rapidement possible.
Il est temps aussi de clarifier les relations entre les régimes eux-mêmes.
Vous savez l'intérêt que je porte à la surcompression financière qui affecte la
Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. C'est une
forme légale d'extorsion de fonds qui s'apparente plutôt à la stratégie du
Sapeur Camember, qui creuse un trou pour en remplir un autre, qu'à une
véritable gestion des caisses de retraite.
Le texte que vous nous présentez contient des dispositions provisoires pour la
CNRACL. Nous vous proposons de mettre en place un système pour le plus long
terme, qui évitera que les prélèvements effectués sur cette caisse ne soient
décidés au gré de la seule humeur de ceux qui veulent boucher un trou en
creusant dans un autre qui est encore de taille modeste.
Voilà, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les sujets que je
voulais aborder dans cette brève intervention.
D'ores et déjà, il est temps de mettre en chantier la loi de financement de
l'année prochaine. Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir
tenu vos engagements, d'avoir respecté le calendrier et de nous avoir présenté
un ensemble de textes tout à fait important.
Mes chers collègues, pour que le Parlement puisse assumer pleinement les
responsabilités nouvelles qui viennent de lui être confiées, il doit avoir le
courage d'aider le Gouvernement à maîtriser au plus vite la dérive des
dépenses. Il doit aussi avoir la volonté de renouer le dialogue et il doit
montrer que la loi de financement de la sécurité sociale, plutôt qu'un acte de
puissance publique, est le début d'une concertation très générale, à la fois
professionnelle et géographique, sans laquelle nous ne pourrons pas sauver
notre protection sociale.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Malgré les tentations
qui seront fortes dans les prochains jours de débattre à l'infini de
l'articulation des recettes nouvelles ou du calibrage de ce que l'on va prendre
à l'un ou à l'autre, je vous demande, mes chers collègues, de faire en sorte
que notre débat reste au niveau de cette ambition. Sachons oublier l'accessoire
pour nous souvenir de l'essentiel : le système français de protection sociale a
été et est encore parmi les meilleurs du monde. Nous devons le sauver avant
qu'il ne soit trop tard !
(Applaudissements sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 71 minutes ;
Groupe socialiste, 62 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 53 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 44 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 32 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 28 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Autain.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. François Autain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre
assemblée aborde donc aujourd'hui, pour la première fois, la discussion d'un
projet de loi de financement qui, désormais, viendra chaque année ponctuer la
vie de notre système de sécurité sociale.
Le climat dans lequel s'est ouverte cette discussion est pourtant bien morose.
Est-ce la nouveauté de l'exercice ? Est-ce la prise de conscience tardive de sa
difficulté, qui confine parfois à l'impossible ? Toujours est-il que
l'Assemblée nationale a paru peu empressée d'assumer la nouvelle responsabilité
qu'elle avait pourtant choisi elle-même de se confier.
Certes, elle a su retrouver quelque ardeur pour débattre des taxes qui pèsent
sur les activités ludiques ou sur les alcools, comme si, en se mobilisant ainsi
sur un aspect somme toute marginal de ce projet de loi, elle voulait masquer
l'essentiel, à savoir l'incapacité du Gouvernement à financer le déficit de la
sécurité sociale, relatif certes, mais important tout de même, après nous avoir
promis qu'après l'instauration de la contribution au remboursement de la dette
sociale et grâce à sa structure de cantonnement, ce déficit chronique, que tout
le monde critiquait, surtout quand vous étiez dans l'opposition d'ailleurs, et
dont souffrirait la sécurité sociale, était enfin circonscrit et définitivement
vaincu.
M. René Régnault.
Hélas !
M. François Autain.
Reconnaissons au passage que, de toutes les mesures que comportait le plan
Juppé, c'est la CRDS qui a été le plus rapidement et le plus complètement
appliquée.
Cet échec - car il faut bien parler d'un échec - en annonce d'autres, au point
qu'à l'heure actuelle personne ne se hasarderait à pronostiquer le succès d'un
plan dont tout le monde craint qu'il ne soit fondé sur des hypothèses trop
fragiles.
Pour mieux comprendre ce scepticisme qui gagne même les rangs de votre
majorité, monsieur le ministre, il faut revenir sur un passé récent, au risque
d'être contraint de rappeler quelques souvenirs parfois désagréables.
On ne peut s'empêcher, en effet, de voir un symbole dans le fait que nous
abordons l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale
presqu'un an jour pour jour après la révolution annoncée par M. Alain Juppé, le
15 novembre 1995.
Quelle belle journée que cette journée-là, où, chers amis de la majorité, vous
étiez bien plus nombreux qu'aujourd'hui, tous debout pour applaudir à tout
rompre cet acte révolutionnaire, allais-je dire, disons « refondateur » pour
reprendre l'adjectif utilisé par M. le rapporteur.
Malheureusement, il n'a pas fallu beaucoup de jours pour que ce discours
triomphant ne débouche sur la plus grande crise sociale connue par la France
depuis 1968. Pourquoi ? Tout simplement parce que, au-delà de ceux qui avaient
choisi la grève pour protester contre la remise en cause de leurs régimes
spéciaux, nos compatriotes constataient que ce plan aggravait les charges qui
pesaient sur leurs salaires sans pour autant garantir une quelconque
amélioration de leur protection sociale, bien au contraire.
Dans le même temps, on pouvait s'étonner que M. le Premier ministre, qui leur
proposait de s'engager dans la voie de la réforme, était celui-là même qui
l'avait pourtant refusée quelque temps plus tôt. Comment, en effet, ne pas se
rappeler au moins les trois bévues les plus graves d'Alain Juppé lorsqu'il
était dans l'opposition ?
La première, c'est d'avoir osé dire, lorsque M. Michel Rocard a institué la
contribution sociale généralisée, qu'il ne s'agissait que d'un impôt de plus et
d'avoir fait voter l'ensemble de ses amis contre ce projet, à l'exception
notable, il est vrai, je le reconnais, de quelques éléments de la majorité
sénatoriale dont je salue le courage et la clairvoyance.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est pour cela que M. Evin a soutenu Juppé !
M. François Autain.
La deuxième bévue, c'est lorsque Pierre Bérégovoy a courageusement tenté de
mettre en oeuvre les instruments d'une maîtrise médicalisée des dépenses de
santé. On a vu M. Juppé descendre dans la rue au côté des médecins pour laisser
croire à la faillite de notre système de santé et dénoncer l'atteinte portée à
la dignité du corps médical.
La troisième, qui n'est sûrement pas la moins grave, c'est d'avoir soutenu un
programme présidentiel qui promettait, aux médecins en particulier mais aussi à
beaucoup d'autres, monts et merveilles, et des lendemains qui chantent !
N'est-ce pas M. Chirac qui, dans un entretien accordé à
Impact Médecin
Hebdo
, déclarait pendant la campagne présidentielle : « Notre approche est
sans rapport avec la volonté exprimée par certains de plafonner les dépenses de
santé par rapport au PIB. » Je ne sais pas qui était visé dans ces propos, mais
force est de constater aujourd'hui que la politique que vous nous proposez,
monsieur le ministre, a quand même quelque chose à voir avec ce plafonnement
des dépenses de santé que dénonçait le futur président de la République !
La cause profonde de l'échec du plan de M. Alain Juppé, c'est d'avoir opéré ce
virage à 180 degrés par rapport à la plate-forme présidentielle, prenant le
contre-pied de la politique qu'il défendait quand il était dans l'opposition,
suscitant dans son électorat, singulièrement chez les médecins, une réaction de
rejet qui a fini par gagner sa personne.
En d'autres termes, l'homme qui avait pris de telles positions ne pouvait pas
être celui de la réforme. Il ne pouvait surtout pas être celui de cette
réforme-là car, loin de tirer les leçons des erreurs passées, le plan du 15
novembre n'a fait qu'accroître encore l'inquiétude et le scepticisme de nos
concitoyens.
Car, enfin, ne nous a-t-on pas promis, voilà un an, de ramener le déficit à 17
milliards de francs cette année pour revenir à l'équilibre en 1997 ? Comment ne
pas constater aujourd'hui que c'est un déficit de 51,5 milliards de francs qui
est attendu pour cette année, que le trou sera encore de 30 milliards de francs
l'an prochain et que l'on n'ose même plus nous parler de retour à l'équilibre
avant 1999 ? C'est en tout cas l'année qui est citée dans le rapport.
Pourquoi 1999 ? Pourquoi pas 2000 ou 2001 ? Nous n'en savons rien. Personne ne
peut prédire aujourd'hui de façon crédible une telle échéance, le problème de
l'heure étant, me semble-t-il, non pas la date de disparition du déficit, mais
bien la date et les moyens de son financement. Or, jusqu'à ce jour, vous avez
été, monsieur le ministre, il faut bien le dire, d'une discrétion exemplaire,
vous abstenant de répondre lorsque la question vous était posée, notamment lors
de la dernière réunion de la commission devant laquelle vous avez été
auditionné.
Tout à l'heure encore, je vous ai écouté attentivement, sans déceler la
moindre esquisse de début de solution à ce problème. Simplement avez-vous
consenti à reconnaître qu'il s'agissait là d'un problème de second ordre, ce
que vous n'avez pas toujours fait, vous en conviendrez, surtout lorsque vous
étiez dans l'opposition ! Combien de fois ne nous avez-vous pas critiqués pour
ces déficits ? Vous considérez aujourd'hui qu'un déficit est un problème de
second ordre. J'en prends acte.
M. Marcel Charmant.
Bonne remarque !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Un déficit transitoire !
M. François Autain.
Transitoire, oui, c'est évident ! On verra en 1998 !
Comment, après tout cela, espérer que les perspectives tracées par le projet
de loi de financement de la sécurité sociale emportent la conviction ?
Les causes de l'échec du plan sont nombreuses.
La première est, j'en conviens, que les recettes n'ont pas été au rendez-vous.
Vous avez beaucoup insisté, monsieur le ministre, sur le triste effet du
rétrécissement de la masse salariale sur les ressources de la sécurité sociale.
Mais, enfin, si la masse salariale se rétrécit, c'est bien que le chômage
s'accroît et que les salaires ne progressent plus !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Par rapport aux prévisions !
M. François Autain.
Par rapport aux prévisions, je veux bien le reconnaître.
Si les salaires ne progressent plus, c'est que le succès économique n'est pas
au rendez-vous et que votre politique, par voie de conséquence, doit être
considérée comme mauvaise, car il n'est plus possible aujourd'hui d'incriminer
la conjoncture internationale. En effet, ce sont bien vos choix, après ceux de
M. Edouard Balladur, qui font aujourd'hui que la France demeure dans la logique
de récession, tandis que ses principaux partenaires occidentaux, les Etats-Unis
en tête, aperçoivent le bout du tunnel.
Autrement dit, vous avez organisé la récession en cassant la reprise de
l'activité économique par des prélèvements massifs et répétés, dont mon
collègue et ami Jean-Luc Mélenchon, qui interviendra tout à l'heure, avait fait
la recension à l'occasion du débat sur le projet de loi organique relatif aux
lois de financement de la sécurité sociale au moi de juin dernier.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Excellente référence !
M. François Autain.
Citant
la Tribune
- même datant du mois de juin dernier, cela mérite
d'être repris - Jean-Luc Mélenchon disait : « Au hit-parade des hausses
d'impôts, le Gouvernement Juppé l'emporte très largement sur son
prédécesseur... Pas moins de 126 milliards de francs de prélèvements nouveaux
en année pleine ont été décidés depuis juin 1995. Ils ont porté à un record
historique le taux de prélèvements obligatoires, qui atteint 47,5 % du PIB
cette année, selon le ministère des finances. Et 84 % de ces prélèvements
nouveaux pèsent sur les ménages. »
M. Jean-Louis Carrère.
C'est normal ! Il est premier partout !
M. François Autain.
Dans ces conditions, on comprend que l'annonce d'une baisse des impôts pour
1997 ait plutôt fait un bide, pour employer une expression familière qui veut
bien dire ce qu'elle veut dire.
On peut d'ores et déjà parier que les orientations de la loi de finances vont
aggraver cette évolution - je devrais même plutôt dire « involution ». En
effet, il est question de santé et vous savez qu'en physiologie médicale «
involution » veut dire rétrécissement, rétractation d'une cellule ou d'un
organe. En l'occurrence, c'est bien de cela qu'il s'agit.
La deuxième excuse avancée pour justifier la médiocrité des résultats obtenus
par le Premier ministre, M. Alain Juppé, est que la réforme engagée ne saurait
produire ses effets qu'à moyen ou à long terme. Mais que ne l'avez-vous dit et,
surtout, prévu plus tôt, monsieur le ministre ? En vérité, si la réforme ne
produit aucun effet, c'est parce que, au-delà des apparences, elle n'est pas
engagée. Tout se passe comme si l'indice d'application de vos ordonnances
évoluait parallèlement à celui de la popularité de notre Premier ministre. Vous
comprendrez qu'on finisse par s'inquiéter !
(M. Mélenchon applaudit.)
La troisième cause des déceptions enregistrées serait la résistance de la
société française à la réforme. Mais la réforme, monsieur le ministre, n'est
pas seulement une affaire d'ambition ; c'est une affaire de concertation !
Votre savoir-faire, que personne ne saurait mettre en doute, se heurte
malheureusement trop souvent aux maladresses du chef du Gouvernement.
Après ces quelques rappels nécessaires pour situer le contexte politique,
venons-en au projet lui-même, qui paraît, tant sur la forme que sur le fond,
constituer une nouvelle étape vers l'échec.
D'abord, les conditions de sa préparation ne sont pas conformes aux
engagements. Comment ne pas souligner que la conférence nationale de la santé a
été constituée trois jours avant la date prévue pour la conclusion de ses
travaux ?
Comment, dans ces conditions, définir une politique de santé publique pour
1997 ? Comment, dès lors, présenter autre chose qu'un texte purement comptable
? Comment, enfin, ne pas en arriver, dans ces conditions, à une annexe si
médiocre, si creuse et déconnectée du dispositif que nous avons failli en
proposer la suppression pure et simple ?
Puisque nous sommes sur le terrain de la méthode, comment ne pas rappeler
ensuite que, en contradiction formelle avec les ordonnances, qui laissent à la
concertation le soin de décliner les objectifs légaux, le porte-parole du
Gouvernement s'est cru autorisé à faire connaître, avant même que ces derniers
aient été adoptés, les intentions du Gouvernement, laissant ainsi bien peu de
place au dialogue.
Enfin, pour rester sur le terrain de la méthode, le rapporteur de la
commission des affaires sociales pour la famille a regretté de ne pouvoir se
fonder sur les conclusions de la conférence nationale pour développer ses
propres conclusions.
Il est temps, cependant, d'aborder le fond du dispositif qui nous est
proposé.
Commençons par les objectifs de recettes. Si Jean-Paul Fitoussi, directeur de
l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, confirme que
c'est la rétractation des recettes qui est en grande partie responsable du
creusement du déficit pour 1996, ses conjoncturistes prévoient qu'elle se
poursuivra en 1997. Comment, dès lors, retenir pour crédibles les chiffres que
vous avancez ? Ce n'est pas l'élargissement de l'assiette de la contribution
sociale généralisée ou quelques recettes de poches qui changeront la nature des
choses.
Venons-en aux objectifs de dépenses. Vous nous proposez, pour l'assurance
maladie, une progression de 1,7 % l'année prochaine. Les perspectives
d'inflation et l'évolution de la masse salariale hospitalière font,
malheureusement, gravement douter du sérieux d'une telle prévision. La branche
famille souffre, quant à elle, du droit de tirage présidentiel de M. Edouard
Balladur, le prix de la loi pesant aujourd'hui terriblement sur les comptes.
Quant à l'assurance vieillesse, les premiers effets des quelques mesures
finalement tirées de la réflexion ambitieuse engagée voilà quelques années par
M. Michel Rocard ne suffisent pas encore à garantir l'avenir du régime général,
tandis que les régimes complémentaires sont enfoncés dans les plus graves
difficultés.
Le solde n'est donc pas crédible, et la note que vous nous présenterez à la
fin de 1997 sera donc sûrement bien supérieure aux 30 milliards de francs de
déficit que vous nous annoncez.
Au-delà des chiffres, la condition du réalisme de vos propositions c'est la
volonté de mise en oeuvre de votre réforme. Il faudrait, pour parvenir au
résultat que vous escomptez, une application effective de la réforme que vous
avez annoncée.
Or, s'agissant de la politique de restructuration hospitalière, les
instruments font défaut. Les agences régionales d'hospitalisation ne sont pas
encore vraiment en place ; dans ces conditions, contrairement à ce que vous
espériez, leurs directeurs ne seront pas en mesure, dès 1997, d'agir de façon
efficace pour contrarier le court normal des choses.
Autrement dit, la réforme s'est arrêtée aux portes de l'hôpital. Vous n'avez
pas cru devoir remettre en cause le mode de nomination des praticiens parce que
vous n'osez pas affronter le mandarinat hospitalier. C'est pourtant bien là
qu'est la difficulté. L'hôpital n'est pas un lieu où les hommes sont mis au
service d'une fonction ; c'est au contraire un lieu où, trop souvent, les
moyens sont soumis à l'irresponsabilité des hommes.
Actuellement, l'hôpital public fonctionne comme un appareil de production de
soins que l'assurance maladie finance sans pouvoir apprécier la qualité ni
l'utilité des soins prodigués. Est-il besoin de rappeler, en effet, que
l'opposabilité de références médicales prévue depuis 1993 ne s'applique pas aux
hôpitaux ?
L'hôpital doit se réformer de l'intérieur et rechercher les moyens d'améliorer
son efficacité par rapport aux coûts. Nombreux sont les spécialistes qui savent
que les biens de santé sont trop souvent gaspillés et qui affirment que ce
gaspillage peut être aisément endigué. Il ne manque, pour y parvenir, que la
volonté. Le gaspillage existe. La plus grande erreur serait de le nier ou de le
minimiser ; le plus grand danger, de ne rien faire.
J'évoque rapidement les exemples qu'on cite souvent. Les prothèses peuvent
être surfacturées de sept à douze fois leur prix de revient. La dialyse, dont
le prix moyen serait de 1 800 francs dans des pays comparables à la France,
voit son prix atteindre le double en France, soit 3 200 francs. On pourrait
multiplier ces exemples.
Dès lors qu'à l'hôpital rien ne se passe, comment vouloir réformer, dans le
même temps, la médecine ambulatoire sans laisser croire aux praticiens qu'ils
sont les seules victimes d'une politique qui les désigne comme des boucs
émissaires ?
Voilà pourquoi la négociation conventionnelle revêt une importance
considérable. Vous êtes aujourd'hui à la croisée des chemins : ou bien, pour
répondre à son attente légitime, vous donnez enfin satisfaction à MG France en
développant vraiment les filières de soins - et, monsieur le ministre,
l'intervention que vous avez prononcée le week-end dernier au congrès de ce
syndicat majoritaire chez les généralistes et l'accueil chaleureux qu'elle a
reçu semble bien indiquer que c'est cette voie, sans arrière-pensée, que vous
voulez emprunter ; vous me direz tout à l'heure si je me trompe - ou bien,
cédant aux pressions qu'exerceront les autres syndicats de médecins, vous
revenez sur vos engagements du week-end, ce qui ne serait pas une nouveauté,
c'est déjà arrivé. Ainsi, le contrat de santé conclu en mars 1991 avec MG
France fut rendu caduc par l'hostilité de la CSMF - confédération des syndicats
médicaux français - avant même tout début de mise en oeuvre. Dans ces
conditions, il en sera fini de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie.
On voit bien que ce n'est pas seulement la politique qu'il faut changer ;
c'est aussi les hommes qui la conduisent.
Je le redis : la condition de la réussite, c'est l'application de la réforme.
La faiblesse politique croissante du chef du Gouvernement vous rend inapte à la
poursuivre.
Je sais, monsieur le ministre, que vous me ferez tout à l'heure le reproche de
dénigrer à tout prix. Je sais aussi que vous jugerez ce dénigrement d'autant
plus injuste que, comme vous l'avez laissé entendre à l'Assemblée nationale,
vous dénoncerez une prétendue communauté de vues entre vous et nous sur la
réforme de la sécurité sociale. Il est vrai que, au lendemain du 15 novembre
1995, quelques-uns de mes amis ont retrouvé dans les propositions du Premier
ministre un assez grand nombre de leurs suggestions pour avoir la faiblesse de
croire devoir soutenir son entreprise. Je voudrais, sur le fond, rappeler
quelques vérités.
D'abord, monsieur le ministre, la convergence est naturelle quand vous venez
vers nous. Qui aujourd'hui nous propose d'étendre le champ d'une contribution
sociale généralisée que nous avons créée et que certains de vos amis ont tant
critiquée ?
Ne venez-vous pas non plus vers nous quand la plupart des instruments de la
maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires contenus dans les ordonnances
sont issus des pistes ouvertes par Pierre Bérégovoy en 1992 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le Sénat l'avait votée ; mais pas les socialistes !
M. François Autain.
Je n'ai pas dit que vous ne l'aviez pas votée. Mais c'est nous qui en avions
pris l'initiative !
Ne venez-vous pas non plus vers nous quand, loin d'abroger la réforme
hospitalière de Claude Evin, que vous avez tant combattue, vous en complétez
encore les outils ?
Alors, monsieur le ministre, oui, quand vous êtes d'accord avec nous, je le
confesse, nous sommes d'accord avec vous.
En revanche, quand vous partez à la recherche désordonnée de recettes
nouvelles pour colmater les trous et que votre projet de loi de financement n'a
d'autre cohérence que d'empiler les centaines de millions sur les centaines de
millions, nous ne vous comprenons plus : où sont vos ambitions en matière
d'allègement des prélèvements obligatoires quand leur taux global, je le
rappelais tout à l'heure, est aujourd'hui bien supérieur à celui que nous avons
laissé ?
Quand vous nous proposez de modifier l'assiette de la contribution sociale
généralisée pour trouver quelques sommes supplémentaires, vous ne savez même
pas la soumettre à des règles juridiques communes. Vous développez un discours
alambiqué, selon lequel une part de la CSG serait un impôt non déductible,
fondé sur le principe de solidarité, tandis que l'autre serait une cotisation
sociale fiscalement déductible. Comment voulez-vous faire comprendre cela à nos
concitoyens ?
Quand vous nous proposez de transférer 1,3 point de cotisation d'assurance
maladie vers la contribution sociale généralisée, vous ne dites pas vraiment
pourquoi. Souhaitez-vous poursuivre un tel transfert ? Dans quels délais ?
N'oseriez-vous pas le dire parce que vous ne voulez pas fâcher votre électorat
? N'oseriez-vous pas le dire parce que l'assurance maladie universelle, qui
apparaît comme l'accompagnement naturel d'un tel transfert, est oeuvre trop
difficile à entreprendre pour que vous ayez été en mesure de la présenter en
même temps, comme vous auriez dû le faire ?
Quand vous nous proposez d'augmenter les taxes sur les alcools pour accroître
les ressources de la sécurité sociale sans augmenter, dans le même temps, le
montant des crédits consacrés à la lutte contre l'alcoolisme, comment
pouvez-vous prétendre nous proposer une vraie politique de santé publique ?
M. René Régnault.
Très bien !
M. François Autain.
Quand, ayant grappillé ces quelques subsides, vous ne savez pas vous entendre
avec votre majorité pour engager un débat sur la nécessaire réforme de
l'assiette des cotisations patronales, comment pouvez-vous prétendre donner à
nos concitoyens le sentiment que vous êtes animé par une ambition claire et
déterminée ? Pourtant, monsieur le ministre, nous sommes prêts, pour notre
part, dans la continuité de notre action passée, à vous accompagner sur ces
importants sujets.
Mirage de la convergence aussi que de croire que, parce que les instruments
que vous utilisez sont ceux que nous proposions, la recette serait la même.
Tant de mets différents peuvent être préparés dans la même marmite ! Lorsque
mon regretté collègue Charles Metzinger dénonçait le danger de l'étatisation
pour s'opposer à votre plan et à l'institution des lois de financement de la
sécurité sociale, il était animé par deux craintes.
Il voyait d'abord dans votre démarche - je viens moi-même de le dénoncer
longuement - une seule volonté comptable de maîtriser la dérive financière de
notre système de protection sociale sans ambition réformatrice.
Il y voyait aussi et surtout un risque grave pour la démocratie sociale qui
fonde depuis 1945 la gestion de ce système.
Je reconnais volontiers, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas de ceux qui
m'inspire une telle crainte, mais vous ne pouvez pas nier que la reprise en
main par l'Etat de la gestion de la sécurité sociale n'est pour certains de vos
amis qu'une étape. Après avoir tué la démocratie sociale, ils dénonceront le
poids du système pour proposer de le privatiser. Comment interpréter autrement
les appels d'Alain Madelin à un équilibre financier impossible ?
(«
Absolument ! » sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
A ce propos, après avoir dénoncé les fausses convergences, je voudrais
maintenant exposer nos vraies divergences.
Enfin, monsieur le ministre, quand les députés de la majorité vont, pas plus
tard que la semaine prochaine, aborder la discussion d'une proposition de loi
sur l'épargne-retraite, vont-ils faire autre chose que d'engager cette
privatisation ? Nous ne refusons pas de débattre des questions fondamentales
qu'appelle l'évolution de l'assurance vieillesse. Il reste que le sourd combat
que se livrent aujourd'hui banquiers et assureurs révèle bien que l'enjeu n'est
pas social. Vous n'avez d'ailleurs pas caché vous-même les réserves que vous
inspire cette discussion.
Quand vous ne savez pas réformer l'assurance maladie autrement que par le
recours à des recettes purement institutionnelles, vous refusez d'affronter les
vraies contradictions de notre système de protection sociale, car l'originalité
du système français, sinon sa faiblesse, repose sur le fait que, financées par
des crédits publics, les dépenses sont ordonnées, pour une bonne part, par des
personnes privées et dispensées par des caisses qui fonctionnent presque à
guichet ouvert.
Il faut donc qu'en respectant autant que possible les principes qui commandent
leurs conditions d'exercice les médecins acceptent de remettre en cause leur
mode de rémunération et de formation. Ils doivent consentir à une limitation de
la liberté de prescription, liberté trompeuse d'ailleurs qui, paradoxalement,
revient à les placer, souvent à leur insu, sous la dépendance des laboratoires
pharmaceutiques, faute d'une formation continue digne de ce nom.
(« Eh oui ! » sur les travées socialistes.)
En généralisant l'évaluation et l'expertise des pratiques, les filières
de soins répondent en partie à cette préoccupation. Elles doivent être
développées. Le carnet de santé et l'informatisation sont les instruments d'une
telle évolution pour le patient. C'est vers ces évolutions profondes qu'il faut
désormais s'engager plutôt que de chercher à contraindre par l'outil
comptable.
J'en viens à la deuxième divergence.
Le budget global, que nous avons institué, a été la première étape de la
réforme financière. Tous les chiffres montrent qu'elle a permis, au cours des
années quatre-vingt, d'engager un véritable processus de maîtrise des dépenses.
Elle appelle désormais une nouvelle étape ; seules les évolutions
institutionnelles que j'ai proposées tout à l'heure et une plus grande
transparence financière permettront de la franchir. Or les instruments font
défaut.
Il faut engager une réforme de la gestion financière des établissements qui
repose sur la meilleure allocation des moyens et une responsabilité accrue des
acteurs. Une vraie régionalisation apparaît, à cet égard, comme une voie
privilégiée. Elle devrait s'articuler, au niveau départemental, avec la
médecine ambulatoire, dans la logique des filières de soins, même si celles-ci
sont, au début, fondées sur le volontariat.
J'en terminerai en évoquant la divergence qui concerne la politique
familiale.
Le gouvernement de M. Edouard Balladur a offert des ponts d'or aux familles
nombreuses à hauts revenus tandis que vous vous êtes perdu dans le débat sur la
fiscalisation des allocations familiales. Quel spectacle ainsi offert aux
familles les plus défavorisées qui, dans le même temps, ont seulement vu
diminuer fortement l'allocation de rentrée scolaire !
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
Santé, famille, vieillesse, nous ne sommes pas d'accord sur grand-chose,
monsieur le ministre. Encore une fois, s'il nous arrive parfois de recourir aux
mêmes outils, nous n'en faisons pas le même usage, car nous ne proposons pas
aux Français la même politique.
Nous refusons la vôtre parce que nous savons qu'elle mène à l'échec. Nous ne
ferons pas avec vous le pari d'un redressement rapide de la sécurité sociale
parce que nous ne croyons ni au sérieux de vos prévisions ni à votre capacité
de réformer. En un mot comme en cent, nous voterons contre le projet de loi de
financement de la sécurité sociale parce que vos choix ne sont pas les
nôtres.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi de financement de la sécurité sociale qui nous est soumis constitue la
stricte application du plan de réforme présenté par le Premier ministre l'an
dernier : étatisation de la sécurité sociale, fiscalisation de son financement,
dépenses encadrées par le Parlement, alors que le Gouvernement dessaisit les
assurés sociaux, rupture avec la logique de solidarité par l'instauration de la
séparation des branches, asphyxie du système public hospitalier,
culpabilisation des médecins, accusés de prescrire à tort et à travers.
Le mouvement social avait condamné sévèrement ce projet, dont les sondages ont
montré qu'il était majoritairement refusé par nos concitoyens.
Malgré cela, et en affichant une autosatisfaction fort peu justifiée, le
Gouvernement a poursuivi, en usant des procédés les plus autoritaires, la mise
en oeuvre des mesures annoncées.
Des résultats avaient aussi été annoncés : le Premier ministre s'engageait, le
15 novembre dernier, à ramener le déficit à 17 milliards de francs en 1996 et à
équilibrer les comptes en 1997. Aucun de ces objectifs n'a été ou ne sera
atteint : 51,5 milliards de déficit en 1996 et, pour 1997, le rapport nous
annonce un déficit de 47,2 milliards de francs, avant les mesures de
redressement supplémentaires, c'est-à-dire de nouvelles taxes !
Ou le Gouvernement s'est trompé, ce qui est déjà grave, ou il trompe l'opinion
publique, ce qui l'est encore bien plus. Nous n'avons pas entendu le moindre
mot d'autocritique à propos de ce résultat désastreux, mais vous continuez !
C'est ainsi que vous augmentez à nouveau la CSG, que vous aviez tant critiquée
lorsqu'elle fut instaurée, tout en vous arrangeant cependant pour en permettre
l'adoption ! Aujourd'hui, vous l'élargissez aux revenus de remplacement : aux
indemnités journalières de maternité, par exemple. Rien ne vous échappe ! Vous
visez jusqu'aux indemnités de licenciement !
Ce projet de loi tout entier est donc bien sous-tendu par une seule logique,
d'ordre comptable, que vous appliquez à travers deux types de dispositions,
sans vous préoccuper de la gravité de leurs conséquences.
D'une part, il s'agit de réduire à tout prix les dépenses pour les contenir
dans un plan comptable n'ayant rien à voir avec la santé, le droit à une
retraite digne et la possibilité pour les familles d'élever correctement leurs
enfants. D'ailleurs, trois syndicats de médecins sont totalement hostiles à
votre réforme et parlent même d'« atteinte à la qualité des soins » et de «
dérive vers le rationnement des dépenses », comme l'indique ce soir un
quotidien.
D'autre part, il s'agit de faire payer davantage les salariés, les retraités,
les familles et même les chômeurs, pour alléger toujours plus les charges
patronales.
Ainsi, vous faites le contraire de ce que vous affirmez.
M. Gaymard, tout à l'heure, a parlé longuement de la prévention, de la santé
des jeunes... C'est bien, mais où sont les mesures concrètes ? Il ne suffit pas
d'en parler !
Le Gouvernement prétend, dans son rapport, qu'il soutient une politique
familiale ambitieuse. Or non seulement nous n'en trouvons trace dans aucune des
mesures concrètes qu'il présente mais, à l'article 33, par exemple, c'est sans
doute avec cette louable ambition qu'il propose d'inclure les aides au
logement, par nature attribuées aux foyers dont les revenus sont modestes, dans
le calcul de l'allocation de parent isolé, ce qui diminuera, bien sûr, le
nombre des bénéficiaires.
C'est sans doute avec le même souci d'aide aux familles que vous envisagiez de
soumettre les allocations familiales à l'impôt sur le revenu. Heureusement, la
protestation des associations familiales vous a contraint à reculer sur ce
point !
On comprend, dans ces conditions, que vous n'attendiez pas les résultats de la
conférence nationale de la famille pour modifier les textes : une belle
illustration de votre conception de la démocratie. La démocratie, bien sûr,
vous la redoutez.
Ainsi, la brutale réduction de l'allocation de rentrée scolaire, l'intégration
des revenus de transfert dans le calcul des aides au logement, l'extension de
la CSG à ces revenus, y compris les indemnités de congé maternité, frapperont
durement les familles, surtout les plus modestes. Vous préférez l'imposer
d'autorité et ne pas trop en débattre. On vous comprend !
Il est révélateur que les dépenses prévues pour la branche famille à l'article
3 progressent moins vite que l'inflation, alors qu'il faudrait, pour répondre
aux besoins des familles, revaloriser les allocations familiales et attribuer
une prime exceptionnelle de Noël.
Les retraités ne sont pas davantage épargnés. La moitié d'entre eux ont des
ressources inférieures à 4 700 francs par mois. L'allongement de la durée de
cotisation pour bénéficier de la retraite à taux plein, soumise de surcroît à
la cotisation maladie et à la CSG, que vous augmentez, tourne le dos aux
véritables mesures qu'il faudrait prendre en leur faveur, en revalorisant les
pensions, en permettant le départ en retraite après trente-sept annuités et
demie de cotisations, ce qui favoriserait l'embauche de jeunes, en couvrant le
risque dépendance au même titre que le risque maladie.
Autant de mesures qu'il serait possible d'arrêter, à condition de prendre
l'argent là où il est ! Malheureusement, avec ce projet, on ne progresse pas,
on recule.
Vous connaissez les résultats des enquêtes montrant qu'une personne sur cinq
renonce à des soins pour des raisons financières : 40 000 personnes ont eu
recours cette année aux centres de soins gratuits de Médecins du monde, soit 10
000 de plus que l'an dernier. Beau résultat du plan Juppé ! De plus, 2 000 cas
d'enfants atteints du saturnisme sont recensés à Paris. On parle même de
scorbut ! On a peine à y croire !
Où menez-vous ce pays ?
Vous savez que des personnes âgées ne peuvent plus se soigner correctement, ne
peuvent plus faire face aux dépenses de soins dentaires ou de lunettes, qui
leur sont pourtant indispensables.
Vous ne savez peut-être pas, mais je vous l'annonce, que la tuberculose sévit
parmi les étudiants de l'université de Paris-X, à Nanterre ; or aucun
dispositif de dépistage n'est mis en place, le président de l'université me l'a
précisé récemment.
Parallèlement, et toujours selon la même logique, le secrétaire d'Etat à la
santé décide de refuser le remboursement de l'amniocentèse pour les femmes de
moins de trente-huit ans, même si les examens ont montré qu'elles présentent un
risque réel de donner naissance à un enfant trisomique. Ainsi donc, seules
celles qui auront les moyens de payer les 2 500 francs que coûte cet examen
pourront éviter ce drame.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est scandaleux !
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis.
La voilà votre politique de prévention dont vous parlez tant ! Et je n'évoque
pas ses aspects éthiques, qui sont pour le moins préoccupants !
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis.
Ces quelques exemples illustrent bien la voie dans laquelle vous voulez nous
engager.
Toutes les dispositions que vous prévoyez concourent à cette régression,
notamment celles qui sont contenues dans les ordonnances, imposées à
l'Assemblée nationale grâce à l'article 49-3 de la Constitution, en toute
démocratie, dont la majorité sénatoriale a refusé de débattre dans les
conditions que l'on sait et dont la ratification n'a jamais été débattue au
Parlement !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ça aussi, c'est scandaleux.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis.
Enfin vous proposez, dans l'article 25, le reversement à la branche maladie
d'une partie des excédents de la branche accidents du travail-maladies
professionnelles. C'est la moindre des choses, face au scandale que constitue
dans ce pays la non-reconnaissance de tant de maladies professionnelles et
d'accidents du travail dont la branche maladie a finalement supporté les coûts.
Faut-il rappeler combien d'années il aura fallu aux salariés, à leurs
organisations syndicales, aux associations, aux élus, aux médecins pour obtenir
enfin la reconnaissance du danger que représente l'amiante pour la santé ?
Mais cela ne fait pas le compte.
Il est indispensable que les maladies professionnelles et les accidents du
travail soient reconnus comme tels si l'on veut une véritable politique de
prévention des risques au travail et de juste réparation.
Votre texte organise concrètement le démantèlement de la protection sociale
annoncé dans le plan Juppé.
En substituant la CSG aux cotisations sociales, vous mettez de fait en place
une protection sociale minimum, financée par le budget de l'Etat, et donc par
l'impôt, soumise aux critères de convergence exigés par Maastricht pour accéder
à la monnaie unique.
Vous annoncez clairement la couleur avec l'assurance universelle et le champ
largement ouvert aux marchés financiers dans les domaines de la santé, de
l'assurance et des fonds de pensions. Cette démarche est d'ailleurs illustrée
par votre choix de mettre de nombreux dirigeants du privé à la direction des
agences régionales de l'hospitalisation.
Vous prétendez qu'il n'y a pas d'autre voie et que ceux qui refusent la vôtre
seraient partisans d'un immobilisme dangereux. C'est faux, vous le savez,
puisque le Premier ministre lui-même corrigeait cette affirmation en décembre
dernier, ajoutant : « Une seule, peut-être, une seule a le mérite de la
cohérence. Cette réforme sérieuse et cohérente, c'est celle du groupe
communiste. C'est vrai. Elle relève d'une autre philosophie de la vie et de la
société que la nôtre. »
Sur ce point au moins, nous sommes d'accord avec M. Juppé. Oui, il faut une
réforme de la sécurité sociale, permettant de mobiliser une part significative
des richesses créées par les salariés pour développer la protection sociale et
répondre aux besoins humains. C'est en cela que nous nous opposons radicalement
à votre philosophie et donc à ce projet, qui vise, lui, à soumettre les besoins
primordiaux à la logique du marché.
Un pays comme le nôtre dispose de richesses qui sont susceptibles de lui
assurer une protection de haut niveau, comme le montrera mon amie Marie-Claude
Beaudeau en présentant dans quelques instants des propositions de financement
justes et efficaces.
Si l'on faisait, par exemple, cotiser les revenus financiers spéculatifs au
même niveau que les salaires, cela rapporterait 167 milliards de francs à la
sécurité sociale et permettrait d'abroger la CSG.
D'autres choix d'utilisation de la richesse nationale permettraient non
seulement de faire face aux dépenses actuelles mais aussi d'améliorer l'accès
aux soins, notamment en odontologie et en ophtalmologie, de développer la
prévention, de faire face aux maladies nouvelles qui surgissent, de mieux
protéger les enfants, en instaurant, comme nous le proposons, la gratuité des
soins jusqu'à six ans. Voilà une bonne mesure de prévention !
Non, ce n'est pas une utopie. C'est une autre logique, diamétralement opposée
à la vôtre, laquelle, de réforme en nouveau plan de redressement des comptes,
jette de plus en plus de personnes dans la précarité, la misère et l'exclusion,
tandis que rien n'est réglé sur le plan financier puisque le déficit continue
de se creuser.
Vous êtes dans un cercle vicieux que vous entretenez en poursuivant, l'aveu
vient d'en être fait, une politique de chômage et de bas salaires, pour mieux
privilégier les intérêts de la finance et de la spéculation, ce que vous avez
oublié de dire.
Nous ne vous suivrons pas, monsieur le ministre, sur cette voie catastrophique
tant pour les hommes que pour l'économie du pays.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen votera contre votre
projet de financement de la sécurité sociale.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
A cette heure, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à
vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la
première fois, le Parlement doit se prononcer sur les conditions générales de
l'équilibre financier de la sécurité sociale. L'on sait, d'ores et déjà, que
cet équilibre ne sera pas atteint en 1997, les prévisions de recettes restant
inférieures aux objectifs de dépenses.
En dépit des espoirs nés l'an dernier de la présentation par le Premier
ministre d'un plan logique et courageux, espoir entretenu par les débats sur la
réforme constitutionnelle et la loi organique, cette évolution vers l'équilibre
ne sera donc que progressive.
Le déficit prévu pour 1997 s'est d'ailleurs alourdi, lors du passage du projet
de loi devant l'Assemblée nationale, de 29,7 milliards de francs à 30,4
milliards de francs. Toutefois, la commission des affaires sociales du Sénat,
sur l'initiative de son président M. Fourcade, nous proposera, par amendement,
de ramener le déficit à son chiffre initial, grâce à une cotisation sociale
supplémentaire frappant les indemnités de licenciement versées au-delà des
obligations légales et conventionnelles.
Cette disposition permettrait aussi de financer 2 000 places de soins
infirmiers à domicile pour des personnes âgées dépendantes et de constituer un
fonds de 1 milliard de francs pour des actions nouvelles de santé. Ne serait-il
pas préférable d'alléger le déficit social de 1 milliard de francs ? Le débat
nous montrera quelle est la meilleure voie.
Certes, on nous objecte que si la réforme n'avait pas été mise en oeuvre le
déficit de 1996 se serait élevé à 90 milliards de francs et celui de 1997 à 47
milliards de francs.
Cependant, je regrette que le contrôle du Parlement, tant réclamé et tant
attendu depuis vingt ans, devienne effectif pour la première fois avec un
financement en déséquilibre. Mais la tendance est à la maîtrise des comptes
sociaux pour atteindre, d'après les projections effectuées, l'excédent en 1999.
Il faut en accepter l'augure !
M. le Président de la République a déclaré, le 8 novembre dernier, que la
solidarité « dans les circonstances présentes était un devoir moral ». La
majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen
sera solidaire en votant le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1997. Mais être solidaire n'empêche pas de faire connaître, outre les
points d'accord, les réserves qu'appelle le texte dont nous discutons
aujourd'hui.
La lutte contre le déficit prend en compte les nouvelles données sociales au
travers de plusieurs orientations.
En premier lieu, considérant que la croissance trop faible de la masse
salariale ne parvient plus à compenser les besoins de financement de notre
système de sécurité sociale, le Gouvernement a décidé de détacher le droit aux
prestations de la seule activité professionnelle.
Sur cette base, deux types de mesures ont été prises : l'assiette de la CSG a
été élargie à la presque totalité des produits de l'épargne et à certains
revenus de remplacement ; par ailleurs, le taux de la CSG est augmenté, passant
de 2,4 à 3,4 %. La part correspondant au point supplémentaire est désormais
affectée aux régimes obligatoires d'assurance maladie, en remplacement de 1,3
point de cotisation maladie. Sa déductibilité de l'impôt sur le revenu a fait
l'objet de longues discussions, mais, malgré les difficultés techniques qu'elle
entraîne sur le plan fiscal, elle doit être approuvée et maintenue ; c'est le
souhait d'une grande partie de nos interlocuteurs.
Le nouveau dispositif devrait, selon les estimations fournies, procurer 44,2
milliards de francs en année pleine dès 1997. Encore faut-il que le nouveau
taux de CSG soit appliqué dès le 1er janvier 1997 ! Mais, sur ce point, vous
nous avez rassurés, monsieur le ministre, et je vous en remercie. Les quelques
velléités qui étaient apparues à l'Assemblée nationale n'ont pas été suivies
d'effet, et cette disposition sera bien appliquée en début d'année.
Au total, la contribution sociale généralisée rapportera l'année prochaine 150
milliards de francs, soit la moitié du rendement de l'impôt sur le revenu. La
CSG élargie devrait progresser à l'avenir pour alléger le poids des cotisations
sociales sur les salariés et les entreprises et dégager des ressources en vue
d'assurer l'équilibre financier de la sécurité sociale. A l'évidence, la CSG
est un nouvel impôt sur presque tous les revenus. Cet état de fait justifie
l'allégement de l'ancien impôt sur le revenu des personnes physiques,
l'IRPP.
En second lieu, des recettes nouvelles sont organisées en ce qui concerne les
alcools, le tabac et les jeux et paris.
Je ne reviendrai ni sur le produit des jeux du casino et leur taxation ni sur
les paris hippiques, mais j'insisterai sur les droits de consommation sur les
alcools : pour les alcools forts, ils ont été ramenés à 4,97 % à l'Assemblée
nationale, et, pour la bière, ils ont été fixés à 9 %.
Pour quelle raison le vin échappe-t-il à cette taxation malgré sa
responsabilité avérée en matière de santé ? Il y a là un élément assez choquant
pour ceux qui appartiennent aux professions médicales.
En revanche, le prélèvement décidé par l'Assemblée nationale concernant ce
qu'il est convenu d'appeler les prémix, et qui aboutit à une augmentation de 5
francs par canette, constitue évidemment une mesure souhaitable.
Toutes ces dispositions qui tendent à rechercher de nouveaux moyens de
financement s'apparentent un peu à une fouille des fonds de tiroir. Elles
semblent pourtant indispensables pour venir à bout de solde négatif de notre
sécurité sociale.
En outre, un train de mesures d'économies se met en place progressivement,
peut-être trop lentement à notre souhait. En effet, entre la nomination des
directeurs des agences régionales de l'hospitalisation, les ordonnances et les
derniers décrets qui ont été pris, nous avons l'impression que beaucoup de
temps a passé, entraînant une certaine désaffection, une insatisfaction
populaire qui risque d'être dangereuse et qui fait perdre un peu de l'élan qui
a suivi les premières déclarations d'Alain Juppé dans cet hémicycle.
Le projet de loi prévoit comme objectif de dépenses un montant de 600,2
milliards de francs, soit une augmentation de 10 milliards de francs
correspondant à un taux de croissance global de 1,7 %.
Au passage, il convient de noter que l'emballement des dépenses de santé est
freiné - des résultats particulièrement satisfaisants ont été annoncés pour les
derniers mois - ce qui peut être analysé comme un élément encourageant du début
de succès de la politique de maîtrise médicalisée.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous vous réjouissez vite !
M. Guy Cabanel.
Les chiffres sont là et ils permettent de montrer qu'il y a une décélération !
Celle-ci doit être amplifiée par des mesures appropriées. C'est la chance de
succès de ce plan et il faut la saisir. Il est difficile, en effet, de
maîtriser l'évolution de la protection sociale en France.
A cet égard, d'autres dispositions ont été prises par le Gouvernement par
ordonnances ou par décrets au cours de ces derniers mois. Elles appellent
quelques réflexions.
Sont-elles toutes susceptibles de contribuer à une évolution favorable ? Eh
bien, au risque de déplaire, je ne participerai pas au concert de louanges sur
le carnet de santé !
Tout d'abord, la création du carnet de santé paraît de conséquence aléatoire
sur le plan pratique, dès lors que sa présentation au médecin traitant ne sera
pas rendue obligatoire, tout au moins dans l'immédiat.
On sait dès à présent que son utilisation devrait être remplacée au 31
décembre 1998 par celle d'une carte magnétique, il est vrai plus satisfaisante
du point de vue de la confidentialité. Entre-temps, on peut donc considérer que
le carnet de santé n'aura eu d'autre intérêt que celui de permettre une
adaptation psychologique des intervenants, à l'heure où tous les acteurs
sociaux sont invités à la plus grande prudence économique. Espérer davantage
serait faire preuve de naïveté car, indiscutablement, pour des raisons d'ordre
psychologique, le carnet de santé ne sera jamais un élément de parfaite
sincérité : les malades risquent d'avoir un certain recul à l'égard des
mentions qui y figureront. Par conséquent, il faut considérer l'instauration du
carnet de santé comme un exercice et ne pas en attendre des résultats
exceptionnels.
Plus importante est la politique de coordination des soins, dont la mise en
place a été annoncée à l'occasion de la promulgation d'ordonnances au mois
d'avril dernier. Elle se trouve, me semble-t-il au coeur du problème de la
rénovation de la sécurité sociale. Je crois moins à la fragmentation des
enveloppes financières, à l'encadrement financier de l'activité hospitalière ou
de la médecine ambulatoire ; c'est dans l'organisation de la coordination des
soins que résident les meilleures chances de transformation.
Des expériences pourront être tentées dans ce sens pendant une période de cinq
ans. Parmi celles-ci est proposé par certains, en particulier par un syndicat
de médecins généralistes, le passage obligé par le médecin généraliste pour
consulter un spécialiste. Dans cette hypothèse, le médecin généraliste
deviendrait le responsable de la coordination des soins pour son patient.
Il s'agit vraisemblablement d'une mesure de bonne gestion, sur le plan tant de
la santé publique que de la maîtrise économique, dès lors que toutes les
informations sont réunies chez un seul médecin qui joue le rôle de pivot. Cela
permettrait à celui-ci d'assurer, au-delà de son propre cabinet, un suivi
médical ajusté raisonnablement aux besoins de son patient.
Un tel schéma ne conduira, selon moi, à une limitation des dépenses de santé
que si l'on institue un système de capitation pour les généralistes. Toute
autre formule risque en effet de se révéler à l'usage plus coûteuse pour les
caisses d'assurance maladie. Rendre au médecin généraliste sa place de médecin
de famille est un objectif louable, avec ou sans paiement à l'acte Ne soyons
pas fétichiste ! Toutefois, pour atteindre cet objectif, il faut encore
résoudre le problème des pédiatres et des gériatres, susceptibles d'être
considérés comme des spécialistes de première intention. C'est dire que les
filières ou les réseaux de soins posent la question de l'enseignement médical
et des conditions d'exercice, libéral ou non, à la fois des généralistes et des
spécialistes.
En fait, les généralistes pourraient, comme cela est parfois suggéré,
favoriser un retour à l'équilibre des finances de l'assurance maladie en
devenant les gestionnaires de la santé de nos concitoyens. Pour cela, une
meilleure formation leur est nécessaire, englobant médecine interne mais aussi
pédiatrie et gérontologie, complétée par un véritable apprentissage
professionnel lors d'un stage prolongé chez un praticien avant la délivrance de
leur diplôme.
Un lien de fidélisation vraisemblablement autre que le simple paiement à
l'acte est à trouver, pour discipliner des assurés sociaux parfois volages et
inconséquents. Le généraliste gérerait alors le dossier médical - carnet ou,
mieux encore, fichier informatisé et codé - orienterait éventuellement vers les
spécialistes, intervenant à titre de consultant. Naturellement, ces derniers,
des pédiatres aux chirurgiens, resteraient directement accessibles selon les
règles fixant actuellement leurs honoraires et leur remboursement.
S'engager dans cette voie, c'est aussi l'obligation de réfléchir à la
promotion des généralistes. En toute justice, après avoir rempli pendant cinq à
dix ans leurs fonctions de médecin de famille et même de conseils
médico-sociaux, ils pourraient, par des concours qui leur seraient réservés,
accéder à la formation universitaire de spécialistes, en marge du monopole
actuel de l'internat qualifiant.
Enfin, et pour en revenir directement au présent projet de loi, ou doit se
demander si l'objectif de 600 milliards de francs fixé pour les dépenses n'eût
pas été plus aisément atteint s'il avait été le fruit d'un accord préalable
avec les médecins sur la base, par exemple, d'un blocage de leurs honoraires
volontairement consenti pendant un an.
Une telle démarche consensuelle aurait permis d'éviter le mécanisme coercitif
de reversement applicable aux médecins conventionnés, mesure tout à la fois
vexatoire et démotivante. Les intéressés ont eux-mêmes dénoncé la sanction de
tous pour le fait de quelques-uns. Demander aux médecins de freiner leurs
activités correspond à un exercice extrêmement aléatoire. Le médecin qui aura
atteint son quota en octobre devrait-il suspendre ses consultations jusqu'au 31
décembre suivant ? Pourquoi les seuls médecins contribueraient aux économies
nécessaires pour remettre en équilibre la sécurité sociale ? Pourquoi les
caisses ne chercheraient-elles pas des mesures draconiennes de réduction de
leurs frais de fonctionnement et de leur patrimoine ?
(M. Leclerc
applaudit.)
M. Descours a évoqué cette question tout à l'heure. Elle me
paraît très importante.
Pour l'avenir, après le vote du projet de loi présenté aujourd'hui, est-il
encore possible de déplacer le débat sur le financement de la sécurité sociale
au premier trimestre de l'année civile ? Une telle mesure favoriserait, par une
meilleure utilisation du temps de la session parlementaire de neuf mois, la
définition des objectifs de santé par les conférences régionales et nationale,
la connaisance du bilan annuel des caisses d'assurance et des débats plus
détendus, plus prolongés, avec les partenaires sociaux et les syndicats
médicaux.
Une telle mesure éviterait le télescopage avec le projet de loi de finances
dont le message de réduction de l'impôt est troublé par les créations ou
augmentations de cotisations diverses rendues nécessaires par le déficit des
recettes de la protection sociale.
De plus, le rapprochement du projet de loi de financement de la sécurité
sociale du projet de loi de finances, s'il permet de faire la synthèse
immédiate des prélèvements obligatoires, présente le danger d'un glissement
progressif de la protection sociale vers une prise en charge complète par
l'Etat.
Une telle évolution tourne le dos à un partage plus réaliste entre prestations
de solidarité et mutualisation complémentaire qui pourrait se justifier pour
des risques tels que la dépendance, nous en avons déjà parlé voilà quelques
jours.
Enfin, une inquiétude vient à l'esprit. Le vote en déséquilibre du projet de
loi de financement de la sécurité sociale n'est certes pas satisfaisant, mais
il peut s'expliquer. Toutefois, il présente un danger supplémentaire, à savoir
l'addition des déficits. Ainsi, en 1996 : 51 milliards de francs ; en 1997 : 30
milliards de francs ; en 1998 : peut-être 10 à 20 milliards de francs. Au
total, on peut facilement imaginer un déficit cumulé de quelque 100 milliards
de francs à éponger avec une CRDS-
bis
à partir de 1999. En effet, le
déficit du projet de loi de financement en discussion oblige l'Etat à autoriser
la sécurité sociale à emprunter en 1997, 75 milliards de francs à la Caisse des
dépôts et consignations, au lieu des 15 milliards de francs initialement
prévus.
Il est vrai qu'il n'y a pas d'autre politique à l'égard de la protection
sociale en péril que le plan défini voilà un an par le Premier ministre, M.
Alain Juppé. Une application plus rapide aurait favorisé sa réussite. Certes,
l'année 1996 a vu la création de la Caisse d'amortissement de la dette sociale,
la CADES, et la mise en recouvrement de la CRDS, pour décharger la sécurité
sociale de son endettement antérieur.
Malheureusement, l'ensemble du dispositif de la réforme a demandé du temps
pour être élaboré et mis en place. Vous n'êtes pas responsable d'un retard,
monsieur le ministre, mais vous avez la responsabilité d'une lourde machinerie
qui est lente à mettre en place.
Dès lors, le déficit de la sécurité sociale a atteint 51 milliards de francs
en 1996. Il aurait sans doute fallu, parallèlement à l'urgence de la CADES,
donner une priorité au découplement des recettes par rapport à l'emploi, plus
précisément par rapport à la masse salariale, vieille référence datant de 1945.
C'est sans doute pourquoi le rapport de la Cour des comptes joint au projet de
loi incite à la prudence en jugeant le plan de redressement trop tardif pour
permettre d'atteindre l'équilibre en moins de six ans, sauf prélèvements
nouveaux.
En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne
paraît pas répondre aussi rapidement qu'il est souhaitable aux véritables
enjeux économiques, médicaux et sociaux. Mais on ne peut nier que son existence
représente en soi une chance de redressement et, par conséquent, de
préservation de notre système de sécurité sociale. C'est pourquoi, malgré les
réserves exprimées, je le voterai, avec l'espoir que le pari de l'équilibre
sera tenu.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
L'équilibre, en quelle année, mon cher collègue ?
M. le président.
La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
socialisation du financement de la protection sociale constitue un bien auquel
les Français sont attachés. Chacun connaît les particularités de notre système
sanitaire et social, qui a permis, jusqu'à présent, de concilier une grande
liberté de choix, une bonne qualité du service rendu et une garantie de
paiement.
Aujourd'hui, il faut préserver les acquis et garantir la pérennité des
avantages du système dans un contexte évolutif sur le plan technologique et
économique, alors même que la sécurité sanitaire devient un objectif majeur de
nos sociétés.
Lorsque les systèmes de protection sociale ont été mis en place après la
dernière guerre mondiale, il était difficile de prévoir de manière précise les
évolutions qui affecteraient les variables de l'équilibre financier de la
socialisation des risques maladie, invalidité, maternité et vieillesse.
Trois faits majeurs ont affecté la construction édifiée en 1945.
Le premier concerne les ressources du financement. Le développement du chômage
dans des proportions inattendues prive l'ensemble du système d'une partie
importante de son assiette sans pouvoir être compensée par la hausse des
cotisations qui pèsent sur l'activité en raison du préjudice qui en résulterait
pour la compétitivité des entreprises. Ce souci de protection des entreprises
conduit, ne l'oublions pas, à réduire aussi leurs charges en procédant à des
allégements de cotisations sociales, mais cela fragilise évidemment le
financement de la protection sociale. C'est pourquoi, par trois biais - deux
CSG et la CRDS - a été instaurée une fiscalisation progressive du
financement.
Mais ce recours n'est pas sans limite et peu nombreux sont ceux qui
préconisent d'accroître toujours plus le taux des prélèvements, au prétexte
qu'il y aurait encore une bonne élasticité de la demande. On évoque plus
volontiers aujourd'hui des transferts d'assiette.
Un deuxième facteur tient à la situation démographique. Il n'a hélas ! pas
encore produit tous ses effets, en particulier sur l'équilibre de la branche
vieillesse. Les premières années du xxie siècle sont annoncées comme critiques.
Il se combine évidemment avec le facteur précédent et soulève de manière
cruciale le problème de la solidarité entre générations. La faiblesse
persistante de la natalité et l'allongement de la durée de vie accumulent
silencieusement des handicaps de plus en plus lourds pour l'équilibre financier
de notre système.
Arrive le moment où l'avenir même peut être compromis. C'est une des raisons
qui explique le projet de loi que nous examinons.
Le troisième facteur a trait au progrès médical et à l'extension constante du
champ médico-social collectivement assumé. Il agit de plusieurs façons. Le
progrès technologique, d'abord, a entraîné une médecine scientifique très
performante mais coûteuse en appareillage. Les investissements en matériel des
plateaux techniques réclament, comme d'ailleurs la recherche médicale, des
financements croissants. Nul ne penserait à s'en plaindre, mais le fait est
là.
Parallèlement, l'efficacité thérapeutique réussit aujourd'hui à entretenir la
vie de personnes qui étaient auparavant rapidement emportées par le mal. Cela a
évidemment un coût et développe aussi dans la société une demande
particulièrement exigeante quant à l'efficacité des soins. Alors que la mort
était psychologiquement très présente et acceptée d'avance dans la conscience
collective des générations passées, c'est aujourd'hui le principe de la santé
durable qui prévaut dans l'attente collective et le refus scandalisé de la
mort, au point de multiplier les contentieux contre les échecs thérapeutiques.
Cela est irrécusable sur le plan politique.
La situation de la société américaine annonce une autre évolution dans ce
domaine. Ne dit-on pas que des avocats attendent les patients qui sortent
satisfaits des hôpitaux pour leur proposer d'intenter des recours
a
priori
, avec partage des bénéfices en cas de succès de la procédure, la
responsabilité étant entièrement assumée par l'avocat en cas d'échec ?
La complexité et la variété des moyens thérapeutiques offerts aujourd'hui aux
médecins rendent en effet de plus en plus discutable le contenu de l'obligation
de moyens, en admettant, bien sûr, que l'obligation de résultat reste toujours
hors du champ de la responsabilité des thérapeutes.
Ainsi se crée et se développe une forte exigence médicale à propos de tous les
problèmes que tout un chacun peut rencontrer.
La santé mentale s'exprime, pour sa part, dans un rapport avec la santé
publique difficile à circonscrire.
Comment apprécier l'abus de médicalisation à propos de la santé de l'âme ?
Enfin, le développement de la médecine préventive, annoncée par le décryptage
du génome, nous promet de difficiles débats sur l'équilibre de l'assurance
maladie.
Par ailleurs, la prise en charge des situations médico-sociales déficientes
traduit un élargissement de la sollicitation de la solidarité nationale qui
pèsera évidemment sur l'équilibre financier des régimes sociaux. On a pu le
mesurer encore récemment dans cet hémicycle, lors du débat sur la prestation
spécifique dépendance, au cours duquel la création d'un cinquième risque
médical concernant la dépendance a dû être repoussée.
Si, lors de sa création, le régime français de sécurité sociale ne soulevait
pas d'interrogation quant à la légitimité du champ de la solidarité, il n'est
pas sûr que l'enthousiasme soit durable si la solidarité est sollicitée pour
des dépenses discutables sur le plan éthique et sur le plan de leur
nécessité.
Le développement d'une médecine préventive universelle coûteuse nous fait, par
exemple, pénétrer dans un domaine encore largement inexploré qui peut modifier
substantiellement les données de notre rapport collectif à l'appareil de soins
et à ses bénéficiaires. Dès maintenant, on perçoit en germe un conflit possible
entre, d'une part, le coût de la procréation médicalement assistée, qui
incorporera, n'en doutons pas, des exigences croissantes de qualité et donc de
coût, et, d'autre part, le régime universel d'assurance maladie, qui est
patiemment attendu par certains.
Avec de telles perspectives, on est obligé de soulever prioritairement le
problème de la maîtrise de la dépense, non parce que l'on contesterait
l'intérêt d'un régime de sécurité sociale tel que le nôtre, mais, au contraire,
pour assurer sa pérennité. L'évolution spontanée de la dépense médico-sociale
ne peut en effet qu'être supérieure à l'évolution de la richesse nationale,
d'autant plus qu'elle la freine par l'importance du prélèvement collectif
qu'elle implique.
On est donc confronté à un phénomène autodestructeur. Ne nous y trompons pas,
en effet, et le programme du président des Etats-Unis est là pour nous alerter
: puisque personne de sensé ne peut vouloir une société à deux vitesses, nous
sommes confrontés à un choix inéluctable d'adéquation entre financement et
dépense de la protection sociale. Ou bien la solution de l'équation est
renvoyée à la responsabilité individuelle, et tel est le choix du président
américain, qui réduit substantiellement, en ce moment même, la prise en charge
fédérale des soins pour les indigents et les personnes défavorisées avec le
programme
Medicaid (M. Mélenchon proteste) ;
ou bien la solution de
l'équation est recherchée dans une maîtrise collective, et celle-ci ne peut
s'exercer principalement que par le contrôle de la dépense.
Il n'y a pas de troisième voie quand on se trouve en face des sommes qui sont
en cause.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est de l'évangélisme qu'il vous manque !
M. Bernard Seillier.
Ou bien l'assurance individuelle, dont les primes croissent avec les risques
garantis et avec les exigences de l'assuré,...
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Exactement !
M. Bernard Seillier.
... ou bien la solidarité collective, qui assure à tous un même niveau de
protection sanitaire et sociale, moyennant un débat politique sur l'étendue, le
contenu et les conditions de la protection.
C'est cette solution que nous entendons retenir.
La première, en effet, se fonde sur le principe exclusif de la justice
distributive : à chacun selon ses moyens, sa chance et ses efforts personnels.
C'est le régime de l'assurance, qui mutualise cependant les risques dans les
limites du statistiquement acceptable. L'assuré à fort risque voit ses primes
augmenter, ou voit même son contrat résilié s'il devient trop coûteux pour sa
compagnie.
Le système de l'assurance a pu se développer tant que les risques étaient
complètement imprévisibles et appréciables seulement statistiquement. Le
progrès de la médecine prédictive peut bouleverser les données de ce système en
rendant prévisibles, dans une certaine mesure, les risques individuels.
Ce type de système n'est accepté en France qu'à titre complémentaire. On est
fondé à penser qu'il le restera dans une République qui entend préserver à la
fois la liberté et l'égalité.
Reste donc la deuxième solution, qui se fonde sur la justice commutative : à
chacun selon ses besoins, à la satisfaction desquels tous sont appelés à
participer. Mais il est évident que, sous l'emprise d'un tel régime, il est
impossible de ne pas contrôler politiquement l'expression des besoins. C'est
précisément l'objet de la réforme constitutionnelle intervenue le 22 février
1996, qui confie au Parlement le soin de déterminer les conditions générales de
l'équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu des prévisions de
recettes, de fixer les objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les
réserves prévues par la loi organique.
La réforme constitutionnelle trouvera toujours plus sa justification dans les
années à venir.
Les éléments que j'ai évoqués sur la problématique de l'équilibre financier de
la sécurité sociale vont développer leurs effets d'une manière de plus en plus
prégnante. Ils se caractérisent par la nécessité de choix politiques que seule
la représentation nationale peut légitimement aborder. Il faut savoir
l'expliquer, car ce n'est évidemment pas tant dans cette enceinte parlementaire
que les esprits sont à convaincre qu'à l'extérieur, dans les milieux médicaux,
les organisations professionnelles et syndicales et, bien évidemment, chez les
citoyens.
Le premier effort pédagogique doit viser les médecins, qui légitimement sont
conscients de leur compétence, s'efforcent d'exercer consciencieusement leur
art et ont donc naturellement du mal à comprendre pourquoi le Parlement
viendrait encadrer leur pratique par des contraintes financières dont ils
imaginent mal
a priori
sinon le bien-fondé du moins les méthodes
d'application.
Comment des parlementaires pourraient-ils disposer de critères pertinents pour
plafonner les dépenses de soins, et par quelle méthode peuvent-ils espérer
obtenir le résultat attendu ?
Je pense ne pas être le seul à avoir apprécié les excellents rapports de nos
collègues, particulièrement le développement méthodologique de Charles
Descours, qui a démontré d'une manière très claire que nous ne nous aventurons
pas sur un terrain douteux sans éléments précis pour fonder notre jugement.
Conférence nationale de santé, Cour des comptes, commission des comptes de la
sécurité sociale, et bien évidemment caisses de sécurité sociale elles-mêmes
constituent les sources de notre appréhension du problème à résoudre.
Mais ce qui est important à voir, c'est que le Parlement est le seul à pouvoir
procéder aux arbitrages qui seront de plus en plus nécessaires. Qui, hors de la
représentation nationale, peut décider de hiérarchiser les efforts de
recherche, de partage des ressources disponibles entre tel ou tel effort en
matière de politique de santé, dès lors qu'on écarte les seules lois du marché
?
La fiscalisation de la sécurité sociale en relais des cotisations sociales qui
exténuent le travail, pris jusqu'ici comme assiette exclusive, ne
légitime-t-elle pas à elle seule la responsabilité du Parlement, puisqu'il y a
désormais budgétisation au moins partielle du financement ? Les raisons étaient
donc puissantes pour transférer au Parlement la responsabilité de la fixation
du niveau de l'équilibre de la sécurité sociale et de ses moyens.
Mais certains s'inquiètent alors d'une approche qui ne serait que comptable,
et tentent d'opposer une maîtrise médicale à une maîtrise comptable.
Nous devons nous attacher à prouver par nos choix qu'il ne s'agissait que
d'une querelle de sophistes. Il est en effet évident qu'il est impossible de
parler de financement sans parler d'argent, et donc de comptes. Un problème
financier ne peut s'analyser, et donc se résoudre, sans recours à une approche
comptable. M. de La Pallice n'aurait jamais prétendu le contraire !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Absolument !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Bernard Seillier.
Quant à la médicalisation de la maîtrise, de quoi s'agit-il ?
Il s'agit de confier aux praticiens la mise en oeuvre de la politique de santé
en pratiquant leur art en conscience, sans contraintes thérapeutiques, mais
aussi sans faire fi d'un indispensable souci d'optimisation du coût des
traitements. Est-ce trop demander ? Je ne le pense pas, car il s'agit du même
effort que celui qui est attendu de tout gestionnaire public. C'est une
exigence d'ordre éthique...
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. Bernard Seillier.
... dont le respect n'apparaissait pas jusqu'ici avec peut-être la même acuité
que désormais, parce que les circonstances étaient moins rigoureuses.
La santé sera vraiment l'affaire de tous si la gestion de la solidarité
sociale engage concrètement et effectivement la responsabilité de chacun, que
ce soit comme citoyen, comme chef d'entreprise, comme militant syndical, comme
contribuable, comme patient, comme praticien, comme responsable de caisse,
comme directeur d'établissement de soins, comme ministre chargé des affaires
sociales ou de la santé ou comme parlementaire.
Il faudra, dans un tel contexte, arbitrer entre des progrès inaccessibles
simultanément et entre des options antagonistes socialement ou éthiquement.
Ce que la responsabilité confiée au Parlement va permettre d'obtenir, c'est
l'instauration par délibération d'une véritable politique de la santé.
Paradoxalement, c'était l'absence d'une loi annuelle sur le financement de la
sécurité sociale qui confinait les partenaires sociaux dans une comptabilité
passive des résultats de notre système de soins.
Aucun instrument d'orientation et de hiérarchisation des priorités en matière
de progrès sanitaire n'était disponible. Aucune mesure d'efficacité des
dépenses sanitaires ne pouvait sérieusement être appréciée. La politique de
santé ne pouvait qu'être marginale, puisque limitée à la politique de santé
publique retracée par les seuls crédits budgétaires annuels du ministère de la
santé.
Désormais, une autre ambition est possible, car les conditions et les moyens
du financement de la sécurité sociale sont intégrés dans la réflexion et dans
les choix des pouvoirs publics.
Les rapporteurs soulignent la différence qui doit, à ce titre, être faite
entre les prescriptions médicales qui résultent d'une charge imposée par la
politique de santé et celles qui résultent de la pratique courante de la
médecine de ville.
Il faut que les médecins soient rassurés sur les contraintes qui pourraient,
en définitive, peser sur eux. La mesure de leur activité ne peut pas faire
l'amalgame entre ce qu'ils peuvent maîtriser et ce qui leur est imposé.
S'il est essentiel que les médecins voient reconnu leur rôle de partenaires
responsables dans la politique nationale de santé, il est impératif qu'aucun
sentiment d'injustice ne puisse s'insinuer dans la mise en oeuvre de ce
partenariat.
Le point critique, à ce sujet, réside dans les sanctions individuelles liées à
un dépassement collectif des plafonds prescrits. Il est évident que si, demain,
un reversement venait à être imposé à un praticien irréprochable, la portée de
la réforme mise en oeuvre à partir d'aujourd'hui recevrait un coup fatal. Il
nous faut des garanties à ce sujet.
Dans ce même ordre d'idée, il est essentiel que l'implication de la médecine
hospitalière dans la mise en oeuvre de la régulation du financement de la
sécurité sociale soit concomitante de celle qui concerne la médecine de
ville.
La nature de la réforme dont nous inaugurons l'application exige que son
horizontalité, sa globalité et son universalité soient clairement signifiées.
Les amendements présentés par notre rapporteur, Charles Descours, au nom de la
commission des affaires sociales, sont parfaitement conformes à ce voeu.
La création d'une conférence nationale de la famille et d'une conférence
nationale des personnes âgées, aux côtés de la conférence nationale de la
santé, fournit les moyens de l'ambition affichée par la réforme engagée.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Que de conférences nationales !
M. Bernard Seillier.
Elle complète le dispositif prévu par la loi organique du 22 juillet 1996, qui
a clairement spécifié que la loi annuelle de financement de la sécurité sociale
porterait approbation d'un rapport définissant non seulement les conditions
générales de l'équilibre de la sécurité sociale, mais encore les orientations
de la politique de santé et de sécurité sociale.
C'est cette double dimension qui définit bien la nature exacte de l'exercice
entrepris par le Gouvernement et le Parlement à travers cette réforme.
Nous nous engageons dans un processus dialectique, au sens véritable du
terme,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Alerte au bolchevisme !
M. Bernard Seillier.
... seul à pouvoir assurer à la maîtrise des dépenses une finalité sanitaire
et sociale et à la politique sanitaire et sociale un contenu réaliste et
délibérément fixé.
La nature des plafonds de crédits fixés par la loi n'étant pas limitative, on
voit bien que la méthode retenue est bien celle d'un ajustement itératif entre
approche financièrement mesurée et approche médicalement et socialement
finalisée.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ça, c'est de la magie, pas de la dialectique !
M. Bernard Seillier.
Il serait regrettable que la véritable figure incontestablement progressiste
de cette réforme soit incomprise tant domineraient les inquiétudes au lieu de
l'audace requise en cet instant de l'histoire de notre protection sociale.
Le propre de toute démarche dialectique est de se perfectionner et de
s'accomplir par la pratique.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Au secours, Marx est de retour !
M. Bernard Seillier.
Il s'agit bien, en effet, d'une méthode dynamique et non statique. Elle
requiert évidemment d'abandonner certains vieux réflexes, dont le plus
difficile à surmonter est celui de la négation de la durée et du temps dans la
prise en compte des données sociales pour construire une politique.
Cette lacune nous coûte l'absence de toute politique démographique. Elle nous
coûte le risque de la disparition d'une solidarité sociale exceptionnelle
instaurée après la dernière guerre. Elle nous coûte un certain aveuglement sur
la dualité qui se développe dans la société entre l'opulence et la misère.
Je considère que, derrière le texte de loi que nous examinons, s'instaure une
démarche novatrice, inédite par la nature dynamique de ses mécanismes,
mécanismes que n'ont jamais pu offrir des lois de programmation qui restent par
construction statiques et que n'offrent pas encore suffisamment les lois de
finances, malgré la tentative d'associer à leur présentation un rapport
économique, social et financier.
Si les instances et les organismes mobilisés autour de ces lois annuelles de
financement de la sécurité sociale jouent le rôle qui leur est dévolu et
rassemblent des informations pertinentes pour que puisse être animée cette
démarche dialectique qui nous est offerte entre finalité de la dépense et
maîtrise des choix de politique sanitaire et sociale, nous aurons non seulement
progressé sur la question cruciale qui est collectivement posée aujourd'hui,
mais nous aurons aussi commencé à débloquer nos politiques publiques trop
souvent acculées à ne choisir qu'entre plus ou rien, alors qu'il faut pouvoir
faire mieux.
C'est parce qu'aujourd'hui il faut mettre en place les instruments de cette
nouvelle approche de la politique sanitaire et sociale que je n'ai pas proposé
d'ajouter des amendements à ceux qui seront présentés par les commissions et
qui viendront conforter et perfectionner la méthode adoptée pour mettre en
oeuvre cette nouvelle politique.
Il faut attendre que les conférences annuelles de la famille, des personnes
âgées et de la santé aient pu fonctionner en 1997 pour intervenir sur le
contenu même des politiques correspondantes.
Je crois donc sage aujourd'hui de s'imposer cette discipline, qui consiste à
ne travailler que sur la méthode pour bien l'asseoir avant d'entrer
véritablement, à partir de 1997, dans la démarche dialectique proprement dite,
telle qu'elle existe en germe. C'est la méthode retenue par la commission des
affaires sociales, et je ne peux que rendre hommage à la qualité de sa
stratégie telle qu'elle a été brillamment définie par son président,
Jean-Pierre Fourcade, ainsi qu'à la qualité du travail des rapporteurs, qui
restera un travail de référence.
Pour ces raisons, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, j'estime qu'en votant ce texte tel qu'amendé par la commission des
affaires sociales j'approuverai une démarche en laquelle je place un grand
espoir ; en effet, pour la première fois, nous pouvons espérer instruire de
manière active, c'est-à-dire progressivement affinée d'année en année, des
choix résultant d'une synthèse entre données financières et évaluation de
l'efficacité des politiques publiques. Il s'agit d'une première occasion de
donner une nouvelle jeunesse à notre sécurité sociale, mais peut-être aussi
d'une dernière chance.
Je crois en tout cas, monsieur le ministre, que vous êtes personnellement,
ainsi que M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, à la
hauteur d'un tel défi, qui pourra être relevé grâce à des échanges constructifs
entre le Parlement, le Gouvernement et tous les acteurs de notre protection
sociale.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le ministre, voilà un an déjà, nous nous retrouvions pour débattre
des grandes orientations du plan Juppé, plan qui, comme chacun le sait dans cet
hémicycle, doit beaucoup à votre clairvoyance et à votre courage politique.
Le Gouvernement a su, dans un délai relativement bref, mener à bien les étapes
fondamentales de la grande réforme annoncée en novembre 1995.
Les mesures d'urgence prises de janvier à avril 1996 permettront d'enrayer une
dérive des comptes devenue dangereuse pour la pérennité même de notre
protection sociale. Les ordonnances structurelles et la révision
constitutionnelle permettront au Parlement d'exercer un véritable contrôle sur
les comptes sociaux.
Ce projet de loi devrait permettre le rétablissement de l'équilibre financier
du système d'ici deux à trois ans.
Cette tâche, complexe et considérable, a été menée non seulement avec
diligence, mais aussi avec tact et intelligence, en relation quasi permanente
avec les acteurs concernés, sans oublier, bien sûr, le Sénat, consulté
régulièrement à travers sa commission des affaires sociales.
Cela dit, concernant la maîtrise médicalisée, la réforme n'est pas encore
totalement achevée : un tiers des décrets d'application devraient être publiés
d'ici à la fin de l'année sur des sujets aussi cruciaux que la nomenclature des
actes, les génériques ou le reversement en cas de dépassement d'objectifs.
C'est pourquoi je profiterai de l'occasion qui m'est donnée pour apporter ma
contribution à la réflexion que je considère comme la pierre angulaire de la
réforme engagée, celle sur la place du praticien dans le système de soins.
A cet égard, il faut stigmatiser une tendance trop répandue, notamment ces
derniers mois, dans certains médias, qui consiste à montrer du doigt la
médecine de ville comme unique ou principale responsable du déficit. Est-ce
utile de rappeler que la croissance des honoraires médicaux est passée de 4,9
%, en 1995, à 2,9 % en 1996, selon les estimations, alors que les honoraires
augmentaient en moyenne de 5,5 % par an de 1985 à 1995 ?
En outre, comme vous l'indiquiez devant l'Assemblée nationale, le 29 octobre
dernier, monsieur le ministre, l'objectif de 2,1 % d'augmentation des dépenses
de médecine de ville en 1996 devrait être atteint si les derniers chiffres se
confirmaient.
Les causes du déficit sont complexes et multiples : la diminution des recettes
du fait de la conjoncture - moins 30 milliards de francs, en 1996 - le
comportement des assurés, les progrès scientifiques, le vieillissement de la
population, etc.
L'« assuré-citoyen », au-delà de la formule, est un concept à développer. Le
citoyen est responsable dans ses choix familiaux, professionnels, politiques ;
il doit l'être face à ses souhaits devant la maladie.
L'éducation à la consommation a fait de grands progrès en vingt ans, mais,
appliquée aux soins, elle est empreinte de résistances. Peut-on parler du «
juste soin » ?
Une exigence de qualité et d'efficacité, opposée à une science qui a intégré,
dans son éthique, les soins les mieux adaptés aux connaissances, résiste à
l'approche commerciale pourtant évidente. La cohabitation entre l'économie et
la pratique médicale doit être totalement intégrée dans le comportement
médical. Les soins changent en fonction non seulement des technologies mais
aussi des rapports sociaux.
Le travail à l'acte doit être complété par l'activité en réseaux - personnes
âgées, drogue, prévention, urgence, soins à domicile - et par le développement
d'une nécessaire approche médicosociale.
Au sein de mon propre département, dans le domaine médicosocial, nous
disposons ainsi d'un pôle gérontologique regroupant tous les intervenants de la
politique de prise en charge des personnes âgées : représentants des caisses,
associations, collectivités locales, directeurs d'établissements, etc. Il
s'agit, pour nous, d'un outil irremplaçable d'évaluation des besoins dans un
contexte de stagnation des moyens.
Nous laissons à la CNAM la négociation avec les médecins, mais il est de notre
devoir de lutter contre une France dépressive. Il faut retrouver des cotisants,
bien sûr, mais cessons d'évoquer les martyrs, les boucs émissaires, etc. !
Le reversement par les médecins réfractaires ne peut être remis en cause. Nous
pourrions positiver ces relations en proposant un intéressement aux praticiens
appliquant les références médicales opposables, suivant une véritable formation
continue, non inspirée des laboratoires, installant une informatisation,
d'ailleurs acceptée depuis longtemps dans de nombreux secteurs d'activité.
Les comportements médicaux ne changeront qu'avec la formation initiale, qui
est le socle de toute une vie d'activité. L'adaptation des études médicales ne
doit pas être stoppée par l'ampleur de la tâche. Une meilleure connaissance des
institutions, du droit administratif, du fonctionnement de notre économie est
indispensable. Les artisans d'art s'adaptent aux grandes mutations de notre
société ; pourquoi pas la médecine ?
Quant au débat sur les alcools, il est regrettable qu'il se focalise sur les
ressources produites ; il faut non pas créer la discrimination, source
d'injustices auprès des professionnels, mais reconnaître l'importance des
contributions, qui, il faut le dire, participent moins à la lutte contre les
fléaux qu'à la recherche des équilibres budgétaires.
Le Sénat fait preuve d'imagination tant au niveau de la maîtrise des dépenses,
en appelant les organismes de sécurité sociale à faire un effort supplémentaire
pour maîtriser leurs dépenses de gestion, qu'au niveau de l'instauration de
recettes nouvelles, par exemple en soumettant à cotisations sociales la part
des indemnités de licenciement versée au-delà des obligations légales et
conventionnelles.
Le discours sur la santé publique, en fait, se banalise. Peut-on demander au
Gouvernement une politique construite avec des réponses immédiates, alors que
la question a été pratiquement dédaignée pendant des lustres ?
Nous souhaitons que les annexes à la loi soient, dans le futur, intégrées. Les
grands fléaux que sont la tuberculose, le cancer, le sida, relèvent de la
compétence de l'Etat. La lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme est à
réhabiliter. Nous souhaitons que les outils que sont les observatoires
régionaux de la santé, les registres des cancers, des malformations participent
à la définition d'une politique régionale de santé. Nous devons veiller aux
spécificités régionales, les choix ne devant plus s'appuyer uniquement sur des
ratios.
Les conférences régionales de santé pourraient bénéficier d'incitations plus
concrètes, pas obligatoirement financières. On peut souhaiter le regroupement
des subventions en fonction des priorités qui y sont définies. La coordination
pourrait être assurée par les directions régionales des affaires sanitaires et
sociales, les DRASS, qui deviendraient des interlocuteurs obligés. Les carences
françaises en matière d'éducation pour la santé sont criantes et les efforts
sont souvent confiés aux bonnes volontés associatives.
Les inégalités hospitalières constituent un problème économique fondamental ;
le coût de la résolution de ce problème devra faire l'objet d'une évaluation.
La constitution de réseaux, la fermeture de sites, l'ouverture de nouvelles
spécialités peuvent représenter des charges très lourdes qui devront faire
l'objet d'une planification financière plutôt que d'une approche par nombre de
lits.
Il convient de responsabiliser les acteurs de la médecine de ville au même
titre que les autres secteurs de la santé : l'hôpital, le secteur
médico-social. Par ailleurs, les mesures telles que les références médicales
opposables, les RMO, et le carnet médical risquent d'être insuffisantes, car
elles relèvent d'une attitude évidente pour les acteurs concernés. Le carnet
médical pourrait, bien sûr, devenir obligatoire.
Le glissement de la pratique médicale de soins à celle de l'individu inscrit
dans son environnement familial, social et même culturel incite à développer
une labellisation et une gratification du praticien qui prennent en compte les
nécessités économiques, la qualité du service rendu, son expérience, sa
formation obligatoire, la gestion du cabinet et l'engagement en matière de
prévention.
A ce propos, le prochain décret concernant le reversement applicable aux
médecins conventionnés est peut-être l'occasion de mettre en place ce type de
mécanisme.
A la menace de sanctions, répondons par la responsabilité individuelle et
collective ; aux caisses locales de négocier de véritables chartes
individuelles et collectives. Sur le plan national, il incombe aux caisses,
avec les partenaires, de définir les critères d'individualisation de l'objectif
et des sanctions.
La notion de rapport annuel au parlement se situe dans le cadre des prises de
responsabilité dudit Parlement. Néanmoins, il serait nécessaire de préciser qui
fixe, et en fonction de quels critères, les prévisions inscrites aux articles 2
et 3 et comment sont sanctionnés les dérapages ; ces questions sont
fondamentales. Alors, monsieur le ministre, il faut faire confiance.
M. le secrétaire d'Etat a décidé de nommer des médecins à la tête du conseil
d'administration, du conseil de surveillance et un médecin comme directeur
général de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Il faut faire confiance à l'entreprise, mais il est difficile de lui expliquer
les prélèvements sur la formation professionnelle, le transfert d'un milliard
de francs issu de la branche accidents du travail et maladies professionnelles,
même s'il y a en partie des raisons techniques. Si nous voulons la confiance,
il faut s'occuper de psychologie.
La confiance, face aux collectivités locales qui s'interrogent sur le devenir
de l'aide médicale à domicile et hospitalière, doit être entretenue alors que
l'aide aux « sans résidence fixe » passe à la sécurité sociale.
En amont, nous pouvons nous interroger sur l'intégration budgétaire de la
protection universelle ; par ailleurs, les collectivités locales déplorent la
prise en charge des cotisations obligatoires en faveur des RMIstes.
Nous faisons confiance à l'expérimentation des filières de soins, qui ne
doivent cependant pas dériver vers une médecine de classe où les plus humbles
bénéficieraient d'un encadrement et les plus aisés du choix.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est pourtant bien ce qui se passera !
M. Jean-Louis Lorrain.
Un mode d'exercice - même de la médecine générale - ne peut devenir une
tutelle sur une autre discipline. Nous proposons d'évoquer ici la subsidiarité,
ô combien acceptée par ailleurs ! Faire ce que l'on sait faire et laisser au
spécialiste ce qu'il sait faire.
Monsieur le ministre, en faisant la revue de presse, on peut relever les
titres suivants : « Au chevet de l'île ... La messe est dite ... Peut-il être
sauvé ? ... La malédiction de Maastricht ... Urgence ... Un calme précaire »,
etc. On se croirait vraiment dans un contexte de fin de vie, de fin de siècle
ou de mort annoncée !
M. Jacques Machet,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain.
A l'opposé de cette approche morbide, nous préférons axer le débat sur
l'évocation de la citoyenneté de l'assuré, la confiance au médecin, la
responsabilité de nos partenaires. Ainsi ferons-nous un acte fondateur.
(Très bien ! et appaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15
novembre 1995, Alain Juppé lançait un vaste plan de réforme tendant à assurer
la pérennité de la sécurité sociale, largement menacée de faillite. Il venait
ainsi mettre enfin un terme à cette habitude qui avait été prise de considérer
comme inévitables les déficits consécutifs à une dégradation de l'activité
économique...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Cela ne s'est pas arrangé depuis !
M. Dominique Leclerc.
... et de toujours reporter à plus tard cette réforme tellement nécessaire de
notre système de protection sociale.
Ce projet de loi, premier du genre, répond donc aux engagements du Premier
ministre. Il vient compléter les ordonnances du 24 avril 1996, dont la mise en
oeuvre est déjà en bonne voie.
Le retour à l'équilibre, seul gage de la bonne utilisation des moyens, doit
effectivement être recherché. En effet, ce qui est essentiel, c'est la capacité
des acteurs à la fois à définir un objectif annuel de la consommation de soins
conforme aux besoins réels de la population et à respecter les moyens pour
l'atteindre.
C'est pourquoi ce texte, qui tente de nous en donner les moyens, est
courageux.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, vous nous proposez de dépenser
mieux en dépensant moins, afin de parvenir à une bonne pratique médicale
permettant une prise en compte des besoins des citoyens sans arriver ni à une
restriction des soins ni à des transferts.
Il n'en reste pas moins que cette nouvelle tâche dévolue au Parlement, tout en
étant nécessaire, est lourde de responsabilités.
Je voudrais donc vous faire part de quelques observations.
En premier lieu, je souhaite revenir sur les conclusions de la conférence
nationale de santé, ainsi que sur les chiffres qui ont permis de présenter les
objectifs financiers de ce projet de loi.
Je regrette, en effet, que les conclusions de la conférence nationale de santé
soient trop générales. Elles ne permettent pas au Gouvernement de fixer les
priorités de la politique de santé publique et de prendre en compte les
évolutions nécessaires de notre organisation de soins.
Cependant, ces imprécisions sont dues aux conditions un peu difficiles dans
lesquelles la conférence s'est réunie pour la première fois. J'ose espérer que,
l'année prochaine, le travail des conférences régionales permettra de mieux
définir les priorités de santé publique sur le plan local et de faire remonter
ces priorités à la conférence nationale, et ce avant que le Parlement en
débatte.
De plus, il semble dangereux, dans l'établissement des prévisions de recettes,
compte tenu de notre expérience, de n'avoir pas considéré le montant des
cotisations à l'identique. Charles Descours l'a évoqué en parlant du degré
d'incertitude dans les aspects évaluatifs des recettes, fondées sur l'évolution
de la masse salariale.
Déjà, il nous faut trouver de nouvelles recettes.
Cependant, je suis conscient que la présentation d'un tel projet de loi, qu'il
n'est pas aisé de rapprocher des « modèles » de loi connus, constituait un
exercice nouveau et difficile. C'est pourquoi je ne doute pas qu'à l'avenir des
améliorations seront apportées à sa préparation ainsi qu'à sa présentation.
Un dernier mot, enfin, sur les bases comptables, qui me semblent, elles aussi,
incertaines.
La Cour des comptes n'a pas manqué, dans son rapport, de souligner de nouveau
les insuffisances des documents de synthèse établis à partir des comptes, dont
les modes de comptabilisation ne sont pas homogènes.
Néanmoins, un effort en vue d'améliorer la présentation des comptes des
organismes de sécurité sociale a déjà été entrepris, notamment grâce à la loi
du 25 juillet 1994, qui a conduit à séparer plus nettement les opérations
relatives à chaque branche du régime général.
Cet effort doit être poursuivi, vous en conviendrez. En effet, l'intervention
du Parlement dans la fixation des prévisions de recettes et d'objectifs de
dépenses, ainsi que le développement des mécanismes de maîtrise des dépenses de
santé obligent, plus encore que par le passé, les responsables de la sécurité
sociale à fournir des informations aussi fiables et lisibles que possible. M.
Jacques Oudin, au nom de la commission des finances, l'a rappelé.
Monsieur le ministre, j'aimerais à présent vous faire part de quelques
réflexions relatives à la branche assurance maladie.
Vous avez déterminé, comme le désirait le Parlement, un objectif national pour
l'assurance maladie ; vous avez fixé son montant à 600,2 milliards de francs,
en augmentation de 10 milliards de francs par rapport à 1996.
Lors de la présentation de cet objectif vous n'avez pas manqué d'insister sur
les nouveaux instruments qui sont mis en oeuvre ou en cours d'élaboration pour
permettre la politique du juste soin.
Parmi ces derniers, deux d'entre eux attirent plus particulièrement des
remarques et, en premier lieu, le carnet de santé.
Certes, un premier grand pas est fait, mais on ne peut s'empêcher d'en
dénoncer les limites. Je crains, en effet, que sa portée ne soit limitée à
celle d'une fiche de liaison.
Tout d'abord, il nous est présenté comme obligatoire ; cependant, aucune
pénalisation n'est prévue à ce jour à l'encontre du patient qui ne le
présenterait pas.
Ensuite, les garanties nécessaires à son usage conduisent à s'interroger sur
les moyens de concilier des objectifs qui peuvent être « contradictoires ».
En effet, si, d'un côté, les intérêts de la santé publique et de la maîtrise
des dépenses conduisent à détailler les informations portées dans le carnet,
d'un autre côté, la protection du malade ainsi que les règles déontologiques
inciteront certainement le médecin dans de nombreux cas à donner un contenu
vague à ce carnet. Dans sa forme actuelle, ce carnet n'assure pas la
confidentialité.
De surcroît, il apparaît difficile d'estimer à ce jour les économies qu'il
générera.
Vous souhaitez également, monsieur le ministre, dans l'optique d'une meilleure
maîtrise des dépenses de santé, favoriser la du généralisation du générique.
Je crois, tout comme vous, que le développement du générique est une
excellente chose au regard de notre politique. Cependant, nous ne devons pas
oublier qu'un tel développement peut avoir des répercussions importantes sur le
mode d'exercice de certaines professions, de même que sur l'organisation de la
chaîne du médicament, entraînant des répercussions sur la santé publique.
En premier lieu, un médicament qui tombe dans le domaine public n'en devient
pas pour autant un produit ordinaire. Au contraire, il reste dans le domaine de
la santé publique et présente un intérêt d'autant plus grand qu'ayant dix
années d'existence il a prouvé à quel point il est sûr.
C'est pourquoi il me semble indispensable de définir avec rigueur la notion de
générique.
Pour cela, il doit d'abord satisfaire à toutes les exigences légales en
matière d'autorisation de mise sur le marché ainsi que de contrôle de la
qualité.
Il faut également qu'il soit reconnu comme parfaitement bio-équivalent par
rapport au produit princeps. Sur ce point, le décret devrait fixer des
conditions précises.
Il faudrait par ailleurs qu'il soit clairement identifié par sa dénomination
commune internationale et que le nom du laboratoire soit partiellement
mentionné, ce qui permettrait une parfaite transparence de la prescription.
Au-delà de ce problème de la définition, il est aujourd'hui impératif que,
dans le cadre du financement de la sécurité sociale, la politique en faveur du
générique réussisse.
Les pharmaciens seront des acteurs déterminants de cette politique.
Actuellement, dans la logique des RMO et d'une meilleure prescription, les
effets volume se font ressentir.
Avec le générique, l'économie de l'officine doit être stabilisée afin qu'elle
demeure une perspective d'avenir, notamment pour les jeunes diplômés, et que la
pérennité de l'efficacité de son réseau de proximité de distribution et de
santé publique sur l'ensemble du territoire national soit assurée.
C'est pourquoi il me semble important d'inciter les professionnels, notamment
les pharmaciens, à s'impliquer afin de favoriser le développement rapide du
médicament générique. Ce médicament, dont le prix est inférieur de 20 % à 30 %
à celui du princeps, va générer de véritables économies.
Aussi, la politique de dispensation doit être le plus rapidement possible
contractualisée avec les pharmaciens d'officine et définie dans une relation de
confiance fondée sur des perspectives d'avenir reposant sur une marge fixe,
donc linéaire, arrêtée dès aujourd'hui. Seule une telle politique pourra
garantir un exercice « correct » de la profession.
Monsieur le ministre, j'aimerais également attirer votre attention sur les
difficultés que rencontrent certaines professions. Depuis plusieurs années,
elles ont conclu des contrats d'objectifs qu'elles respectent et qui ont fait
leurs preuves, dans la maîtrise de leurs dépenses.
Elles entendent bien contribuer à l'effort que nous demandons à tous
aujourd'hui. Mais, avec la mise en place des RMO et de cette nouvelle
politique, elles subissent une double pénalisation.
L'exemple de la biologie est significatif. La biologie a toute sa place dans
le réseau de santé publique. Elle contribue largement à l'élaboration du
diagnostic et au suivi des thérapeutiques gagées sur des résultats fiables. De
plus, elle est la plus pertinente de nos actions de médecine préventive.
Cette profession a besoin d'être rassurée quant à son avenir si nous voulons
conserver une biologie de proximité, exercée par des biologistes et des
techniciens hautement qualifiés et mettant en oeuvre des technologies toujours
très sophistiquées.
Aussi, il vous appartient d'éviter toutes les dérives qui seraient en
définitive préjudiciables à une bonne politique de santé publique.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais vous faire part de mes doutes
quant à l'adéquation des moyens, que vous nous proposez de fixer à 600,2
milliards de francs, face à certains besoins de santé publique que la sécurité
sociale devra assurer.
En effet, comment ce montant, qui représente une augmentation de 1,7 % des
dépenses de santé, pourra-t-il permettre d'inclure dans les dépenses de santé
de ville la sortie de la réserve hospitalière de certains médicaments
extrêmement coûteux tels que les antirétroviraux, dont le plus connu est
l'antiprotéase ?
On sait également que l'hépatite C va devenir un problème majeur ; il va
falloir assurer un meilleur dépistage et financer le traitement par les
interférons, qui sont des thérapeutiques délicates à mettre en oeuvre et,
surtout, extrêmement onéreuses. Pensez-vous que l'on a réellement prévu le coût
de ces nouvelles pathologies et de leurs traitements ?
Au-delà de ces réflexions, ce qui nous importe, c'est l'avenir de notre
système de santé.
Ce système repose, comme vous le savez, sur une culture et une tradition qui
nous sont propres et que nous voulons préserver.
Nous ne pouvons accepter ni une dérive vers une étatisation ni une
ultra-libéralisation du système de santé.
Monsieur le ministre, ainsi que notre rapporteur, M. Charles Descours, vous
l'a excellemment dit, la réussite de la maîtrise des dépenses de santé repose
sur l'adhésion non seulement de l'ensemble des professionnels de santé, mais
aussi de leurs partenaires, et surtout des patients.
Si tout le monde est désormais convaincu de la nécessité de cette maîtrise,
nous devons bien l'expliquer, renouer le dialogue et rétablir la confiance.
La maîtrise des dépenses doit reposer sur des données précises, issues d'un
codage incontesté, qui, transmis aux caisses et aux unions régionales de
médecins, permettra, au-delà de cette évaluation comptable, un rapprochement
incontestable entre le coût et les raisons médicales de ce coût.
Cette appréciation entre les moyens mis en oeuvre par rapport aux résultats
obtenus permettra de bien différencier rationalisation et rationnement
éventuel.
Néanmoins, la volonté de maîtrise des dépenses qui nous préoccupe ne doit pas
masquer notre objectif majeur, qui est de parvenir à une optimalisation de la
dispensation des soins pour l'ensemble de la population et la préservation d'un
système de distribution des soins qui donne satisfaction aux patients.
Je crois que le Gouvernement en est conscient. Cette première loi de
financement doit nous permettre de nous rapprocher de ce but.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an
à quatre jours près, notre hémicycle retentissait de la clameur de vos
approbations lorsque le Premier ministre présentait le plan dont nous avons
aujourd'hui à débattre des conséquences.
Il semble que, de cet enthousiasme, il ne reste rien qu'un parfum à la vérité
bien délétère et que, dans ce domaine comme dans tant d'autres, comme le décrit
la chanson, le plaisir n'aura duré qu'un instant tandis que le chagrin risque
de durer toujours.
(Sourires sur les travées socialistes.)
Il semble d'ailleurs avoir déjà coupé les jambes et les bras, en
particulier celui qui sert à voter, à une partie des enthousiastes d'hier.
Qu'on en juge par les votes intervenus à l'Assemblée nationale !
Oh ! certes, la minorité de gauche n'y occupe pas grand-place, et elle se sait
au demeurant accablée de vos mépris toujours renouvelés. Il en est allé ainsi
pour mon camarade, député de l'Essonne, Julien Dray, à qui vous avez cru bon de
répondre, après trois quarts d'heure d'intervention, monsieur le ministre, que
ce qui est excessif, suivant la ritournelle bien connue qui permet de se
dispenser de toute explication, serait insignifiant.
Mais à la vérité, ce qui fut insignifiant, ce fut votre propre capacité à
convaincre vos propres amis, puisque, après tant d'enthousiasme, il ne s'est
trouvé que 110 députés sur 577...
M. William Chervy.
C'est peu !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... pour approuver les conséquences de ce qu'ils avaient hier voté dans
l'enthousiasme.
M. François Autain.
C'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ainsi, le décompte fait état de 48 députés du RPR sur 259, de 61 de l'UDF -
qui fait mieux - sur 206, et de 18 abstentions : vous n'êtes même pas parvenu à
convaincre votre ami de parti, M. Bernard Bosson !
Et vous revoici, docteur Barrot, avec de nouveaux cataplasmes à appliquer à la
jambe de bois du déficit !
(Sourires.)
M. François Autain.
Ça brûle !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Comment en est-on arrivé là ? Je crois qu'il faut se souvenir ; certes, le
Premier ministre avait su dire au bon moment, dans son intervention : « Nous
allons accomplir le rêve qui nous anime depuis trente ans et qu'on n'a pas osé
faire passer dans la réalité. » J'avais alors fait remarquer que, voilà trente
ans, il n'y avait pas de déficit.
Mais ce ne fut pas le coeur des motifs donnés : les objectifs réels, ceux qui
se déduisent de l'examen de la pente sur laquelle roulent les événements depuis
que la sécurité sociale a été modifiée, n'ont jamais été avoués pour ce qu'ils
sont. Je vais me charger de vous les rappeler.
Trois motifs étaient invoqués pour justifier le remède de cheval qui était
appliqué à la sécurité sociale : le premier d'entre eux, le déficit ; le
deuxième, l'objectif généreux d'une assurance universelle ; le troisième, la
nécessité du contrôle du Parlement.
M. François Autain.
Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Le déficit, c'était naturellement l'argument le plus lourd. Contre vos
raisonnements comptables, nous vous rétorquions déjà que le cancer qui ronge «
la sécu », c'est avant tout, d'abord, ensuite, après, tout le temps, l'emploi.
Sachons que 1 million de chômeurs de moins égale 50 milliards de francs de
manque à gagner rattrapés, c'est-à-dire plus que le déficit actuel de la
sécurité sociale.
Si ce déficit était comblé, à quoi bon toute l'usine à gaz qui a été montée
?
Si cela vous semblait excessif ou apparaissait comme un objectif qui ne
pouvait pas être atteint, il vous restait encore d'autres moyens.
Il y avait, par exemple, le simple fait qu'un point d'augmentation des
salaires, ce sont 8 milliards de francs de recettes supplémentaires.
Il y avait ces 90 milliards de francs de dettes patronales à l'égard de la
sécurité sociale, dont la moitié pouvait être récupérée.
Il y avait les revenus financiers que, dans un moment de générosité, d'appel
à la solidarité de tous les Français pour sauver cette machine essentielle,
notre cohésion sociale, vous auriez pu taxer au taux des revenus du travail :
et alors vous auriez prélevé 77 milliards de francs, c'est-à-dire, là encore,
plus que le déficit.
Vous étiez, je vous l'avais dit, bien mal placé pour parler de ces déficits et
les agiter contre nous, en les imputant à vos prédécesseurs, puisque les
gouvernements de gauche n'avaient eu pour déficit en moyenne que 1 %, tandis
que, depuis que vous êtes aux affaires, depuis 1993, vous avez multiplié par
quatre ce déficit pour l'ensemble des régimes et par six pour celui de
l'assurance maladie.
Vos hypothèses d'aujourd'hui ne valent pas mieux que celles d'hier. En effet,
j'ai relevé que la commission des comptes s'appuie sur une progression de la
masse salariale pour établir ces prévisions - celles que vous nous présentez -
de l'ordre de 3,3 % en 1997. Or, dans son rapport, cette commission précise par
précaution qu'il s'agit là d'une évaluation résolument optimiste. En effet !
Surtout si l'on tient compte de la manière dont la consommation est assassinée
à coup de prélèvements toujours plus grands, toujours plus nombreux, toujours
plus incompréhensibles pour nos concitoyens !
J'affirme que vous ne comptez pas mieux aujourd'hui qu'hier. Vous aviez
annoncé, chacun ici peut s'en souvenir, 17 milliards de francs de déficit pour
1996.
M. François Autain.
C'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
A ces mots, vous aviez applaudi, mes chers collègues de la majorité
sénatoriale.
M. François Autain.
On s'en souvient !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Puis vous aviez annoncé 12 milliards de francs d'excédent pour 1997. A ces
mots encore, vous aviez applaudi.
En 1996, il y a 51,5 milliards de francs de déficit et, en 1997, on nous
annonce qu'en faisant bien il y aura 30 milliards de francs de déficit.
M. François Autain.
Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... quoique l'on parte de la base de 47 milliards de francs, chiffre qui
demande à être vérifié, ce que je vais faire dans un instant.
M. François Autain.
C'est malheureusement la vérité !
M. Jean-Luc Mélenchon.
J'estime que ce sont des chiffres tronqués, des bilans arrangés. Le déficit
continue et continuera à hanter, insaisissable, les plans de cette usine à gaz
qu'est la réforme Juppé de la sécurité soicale ou, pour mieux dire, de cette
espèce de Superphénix qui devait produire plus de carburant qu'il n'en consomme
et qui produit, comme vous le savez, surtout du déficit et du gaspillage.
(Sourires sur les travées socialistes.)
Deuxième argument : vous nous disiez : nous allons vers l'assurance
universelle, et cela justifiait que l'on vienne tout changer des assises sur
lesquelles reposait la sécutrité sociale jusque-là.
On s'en souvient, nous marchions alors sous la contrainte d'un chiffre
écrasant et qui, tous, nous donnait à penser : 600 000 personnes seraient
exclues du système des soins !
Aujourd'hui, la CNAM ne parle plus que de 90 000 personnes. Ainsi, tout cela
pour 90 000 personnes ! Or, quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que
ce sont surtout les exclus du guichet qui forment ces cohortes de malheureux
n'ayant plus accès au système de soins.
Que savons-nous de cette assurance universelle qui nous fut promise comme
l'horizon de cette réforme de la sécurité sociale ? Qu'en savons-nous ? Rien !
Alsolument rien !
M. François Autain.
Elle couve !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous l'apprenons par la presse : l'affiliation, au lieu d'être assise sur le
contrat de travail, le sera sur la résidence, suivant la thèse, bien connue
mais non démontrée, de la nécessité de la baisse du coût du travail pour
renforcer la compétitivité des entreprises.
Mais alors de multiples questions se bousculent s'il en est ainsi. Qui sont
ces résidents ? Comment cette qualité sera-t-elle acquise ? Comment ne pas
craindre, par avance, les surenchères auxquelles cette définition donnera lieu
? Qu'en sera-t-il de nos compatriotes non résidents ?
Qu'en sera-t-il des régimes spéciaux dans un régime qui sera à ce moment-là
universel, alors que tant de nos concitoyens ont montré leur attachement à ces
régimes spéciaux - et de quelle manière ! - en novembre et en décembre 1995
?
Qu'en sera-t-il, enfin, du paritarisme, dont on ne cesse de répéter qu'il est
un bien précieux pour la sécurité sociale, tandis que chaque jour on porte
atteinte à son fonctionnement et, dès lors qu'il y aura un régime universel,
quelle sera la justification du paritarisme ?
M. François Autain.
Très bonne question !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous ne le savons pas et nous le saurons pas. Il s'agit là d'un projet qui
reste dans l'air alors qu'il était censé être le coeur des objectifs que vous
visiez.
Traitons à présent du troisième motif : le contrôle du Parlement.
Chacun voit bien, mes chers collègues, de quoi il retourne à présent. Au
demeurant, les institutions de la Ve République, vous le savez bien, ne sont
pas très favorables à la participation active du Parlement aux grandes
décisions.
Dans le domaine de la sécurité sociale, il semblerait que nous nous préparions
à battre quelques records. On nous a rappelé - combien de fois ! - que la somme
à elle seule justifiait que le Parlement s'en mêle ; on nous a rappelé -
combien de fois ! - que pour 1 700 milliards de francs - c'était autant que le
budget de la nation - le Parlement devait s'en mêler.
Le Parlement s'en mêle. On lui fournit une information discutable, après quoi
se déroule sous nos yeux une obscure bataille de chiffonniers, entre lobbies,
aux portes du Parlement, avec, pour tout potage, un arbitrage à rendre entre
les marchands de bière et ceux de spiritueux, les propriétaires de casino et
les producteurs de Cognac, sans que jamais une seule fois il ne soit débattu
des objectifs de santé publique, sans que jamais une seule fois nous ne soyons
saisis de quelque prospective qui nous permette de savoir ce qui serait bon
pour notre peuple en ces matières,...
M. François Autain.
C'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... sur lesquelles je ne dis pas que le Parlement serait le mieux qualifié
pour rendre des avis ; mais, en tout cas, nous serions éclairés et nous
travaillerions dans d'autres conditions que celles dans lesquelles nous
travaillons, qui sont celles d'une aimable réunion qualifiée de « comptable »
!
Deux jours de débat pour 1 700 milliards de francs ! Pas un mot sur les
objectifs de santé publique. Des comptes ! Mais quels comptes ! Car les 47
milliards de francs de déficit annoncés sont déjà sujets à caution : cette
prévision de la commission des comptes de la sécurité sociale a intégré, à
votre demande, des mesures qui figurent dans ce projet de loi et qui ne sont
donc pas encore votées. Ces mesures sont : l'élargissement de l'assiette de la
CSG, qui rapportera 3,1 milliards supplémentaires à la branche famille, et
l'augmentation du taux de cotisations familiales pour l'Etat et les entreprises
publiques.
En réalité, mes chers collègues, le déficit prévisionnel pour 1997 s'élève
plutôt à 55 milliards de francs, et je veux préciser qu'une note de la
direction du budget datant de début septembre tablait même sur 57 milliards de
francs ! Alors, quels sont les bons chiffres ? Comment les justifie-t-on ?
Outre cette évaluation timide du déficit prévisionnel pour 1997,
l'approximation est également la règle quant au chiffrage de vos mesures pour
réduire ce déficit.
Vous demandez au Parlement de fixer une enveloppe des dépenses d'assurance
maladie pour 1997 de 600,2 milliards de francs, soit une progression de l'ordre
de 1,3 % par rapport à 1996. Tout juste l'inflation prévue ! Alors là, disons
les choses comme elles sont : la sécurité sociale nous vaudra bien des
déboires, mais pas celui de ne pas être dans la fourchette de la bonne santé
des critères de convergence. En effet, ce chiffre correspond très exactement à
celui dont nous avons besoin pour figurer dans le palmarès maastrichien qui
résulte des critères de convergence.
La santé publique, dans cette affaire, est bien loin des chiffres ! Cet
objectif, une fois de plus, est lui-même volontariste. Il mise sur la réussite
de l'objectif pour 1996 de plus 2,1 %. Or plusieurs avis, à commencer par celui
du directeur de la CNAM, pronostiquent plutôt une évolution proche de 4 %. Cela
se traduit mécaniquement non pas par une progression de plus 1,3 % en 1997,
mais, comme cela se comprend facilement, par un taux nul, voire négatif.
De plus, le Parlement, saisi comme il l'est, n'aura toutefois pas à se
prononcer sur la répartition de cette enveloppe entre des secteurs qui exigent
entre eux des arbitrages ô combien délicats, tels que la médecine de ville, les
hôpitaux publics, les cliniques privées et le secteur médico-social.
Vous avez déjà arrêté ces taux : plus 1,25 % pour les trois premières
enveloppes et plus 3 % pour la dernière enveloppe, même si, pour le secteur
médico-social, vous avez renoncé à ce système d'enveloppes limitatives.
Concrètement, mes chers collègues, au-delà de ces chiffres, cela signifie que
les hôpitaux vont voir leurs moyens diminuer - qu'on fasse la démonstration du
contraire si on le peut - puisque la simple évolution de la masse salariale, du
fait de l'ancienneté notamment, va déjà au-delà de ce taux de 1,25 % s'il reste
en l'état.
Par conséquent, ce que nous sommes en train de faire en votant ces masses
telles qu'elles nous sont présentées, c'est de planifier la réduction des
moyens de l'hospitalisation publique au moment même où elle est en quelque
sorte la mer des Sargasses vers laquelle convergent toutes les misères, comme
le savent tous ceux qui pratiquent l'hôpital public et s'intéressent à son
fonctionnement, et où l'on voit le service des urgences être en quelque sorte
la dernière bouée, le dernier point d'accrochage vers lequel peuvent tendre la
main ceux qui ont déjà perdu pied pour tout le reste de leur existence
sociale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
On donne la main à ceux qui ont perdu pied !
(Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Alors, que dire des autres dispositions financières de ce projet de loi ? Je
voudrais vous faire remarquer que, pour près d'un tiers des recettes trouvées -
un tiers ! - dans cette loi de financement, il s'agit de ce qu'on peut appeler
des recettes purement conjoncturelles « de poche » : 3 milliards de francs
venant d'EDF, 1 milliard de francs venant de la branche Accidents du travail,
1,2 milliard de francs venant de l'intégration au régime général de la caisse
militaire de sécurité sociale. Comme ce sont les militaires et qu'ils sont
astreints à une certaine réserve, on ne les entendra pas trop protester... Je
voudrais tout de même faire observer que c'est la première fois qu'un régime
spécial sera annexé de cette façon sans autre forme de discussion !
Comme le souligne le rapporteur du Sénat dans sa sagacité et sa précaution, «
l'importance de ces mesures de nature ponctuelle conduit à s'interroger d'ores
et déjà sur les nouvelles recettes qui devront être recherchées ». Ça, c'est la
langue sénatoriale exquise dans ses contournements et dans sa courtoisie...
La vérité, c'est qu'il n'y a pas à s'interroger : ce qui aura été pris une
fois ne pourra pas l'être une seconde fois. Ces mesures, qui sont tout à fait
exceptionnelles, ne pourront pas être reproduites. C'est ce qui nous fait dire
que ce texte est au total un trompe-l'oeil. Loin d'aborder les vrais problèmes
de santé publique et de prévention, il développe une approche strictement
comptable de la sécurité sociale dont nous disons depuis le début qu'elle ne
peut pas être la bonne. Les raisonnements économiques absents par ailleurs vous
conduisent tout le temps à dire à cette tribune des choses que vous êtes amenés
à contester devant la presse. Au terme de ces mêmes raisonnements, vous oubliez
que le point de départ de toute chose en ces matières, c'est l'emploi.
Encore un chiffre et qu'on en juge : si nous n'avions pas ces 3 millions de
chômeurs, la sécurité sociale aurait quant à elle 150 milliards de francs de
recettes supplémentaires ! C'est donc bien là qu'est le coeur du
problème,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cela, on est d'accord !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... et non dans les raisonnements de départ ni dans la manière de conduire les
discussions. Ce n'est pas en limitant, en plafonnant, en retaillant de façon
comptable que vous empêcherez la vie de déborder - car personne ici n'est
capable de prévoir ce qui se passera en matière de santé publique dans notre
pays - les grandes pandémies de frapper, ...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il y en a encore ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
... d'amener chaque hiver son cortège de désagréments ; quant à la santé de
nos concitoyens, ce qui aura été chassé d'un côté reviendra d'un autre !
Alors jusqu'à quand de telles méthodes ? Jusqu'à quand de telles recettes de
poche ? Vous allez peut-être me répondre tout à l'heure que je suis excessif et
donc insignifiant. C'est la raison pour laquelle, après avoir applaudi à des
déficits jugulés et à des excédents annoncés, mes chers collègues, il vous
faudra voter de nouveau des déficits, avec l'espoir, comme l'ont dit plusieurs
intervenants, qu'un jour ils viennent à cesser. Ils ne cesseront pas sur les
bases sur lesquelles nous sommes.
De même, vous devriez nous éclairer et nous dire ce qu'il en est du règlement
de la dette qui aura été accumulée depuis que nous avons déjà pourvu à la
précédente avec le RDS, lequel reprenait un paiement déjà fait sous M. Balladur
par son augmentation de la CSG. Mais nous revoilà, cette fois-ci, avec 34,5
milliards de francs pour 1996 - puisque 17 milliards des 51,5 milliards de
francs de déficit de 1996 sont déjà à la charge de la caisse d'amortissement de
la dette sociale, et donc supportés par les Français à travers le RDS - et 30
milliards de francs en 1997. Il y aura donc au minimum 65 milliards de francs
de dette de la Sécu à la fin de 1997. Qui va la payer ? Comment va-t-on la
payer ? Allongera-t-on la durée du RDS, initialement prévue pour treize ans ?
Rien n'est dit, on laisse le sujet en suspens... pour le prochain gouvernement.
Cadeau empoisonné s'il en est !
M. François Autain.
C'est un problème de second ordre !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je m'approche maintenant de ma conclusion. Voici ce que je crois.
Les circonstances ont fourni le motif pour franchir un seuil qui nous dirige
vers une fiscalisation complète des recettes de la sécurité sociale dont
l'issue est inéluctablement hautement prévisible.
Quand on aura mis à la charge d'une recette de nature fiscale unique
l'ensemble du financement, que la situation économique du pays se redresse ou
non, nous serons dans un sifflet, c'est-à-dire qu'il faudra prendre en charge,
avec une recette unique fiscale, un budget équivalent à celui de la nation qui,
lui, est abondé par tout un éventail de recettes diverses, depuis les taxes
indirectes jusqu'à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, etc.
A ce moment-là, nous serons dans un système tel que toute augmentation de
cette fiscalisation deviendra confiscatoire. Alors on dira : l'Etat et la
nation ne peuvent garantir que tel niveau de protection ; pour le reste,
adressez-vous aux assurances privées !
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est tellement vrai que, pour ce qui concerne la retraite, nous en sommes
déjà là. Pour la maladie, nous y viendrons ! Il est impossible qu'il en soit
autrement. La pente suivie par les comptes depuis un an, depuis que la règle du
jeu a été changée, ne fait que confirmer mon pronostic.
C'est pourquoi nous avons pu dire - et mon ami dont vous avez balayé les
arguments d'un revers de la main a pu le démontrer - que la première phase qui
est celle de l'étatisation conduit à une deuxième phase qui sera celle de la
privatisation. Il n'y a aucun paradoxe, il y a un chemin, il y a une logique.
Les libéraux, notamment les libéraux européens, ont toujours souhaité en venir
à ces assurances minimum dites universelles contre lesquelles protestent nos
compatriotes, contre lesquelles protestent les générations qui nous ont
précédés et qui ont réussi cette merveille, la sécurité sociale, qui peut être
soignée et guérie, pour peu que l'on redonne à notre peuple les moyens de créer
des richesses. Sauvons cet acquis de civilisation, grâce auquel la durée de la
vie a augmenté dans notre pays, grâce auquel la mortalité infantile a diminué,
grâce auquel tant et tant de gens peuvent affronter les afflictions les plus
terribles de la vie en se sachant protégés par la solidarité de leurs
concitoyens, grâce à la cotisation sociale, grâce à la sécurité sociale.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'aborderai exclusivement, au nom du groupe communiste républicain et citoyen,
le problème du financement de la sécurité sociale.
Au préalable, comme l'a fait Jacqueline Fraysse-Cazalis, je voudrais montrer
l'existence d'un lien majeur entre protection sociale, prospérité économique et
progrès social.
Ces trois notions sont liées historiquement, économiquement et
politiquement.
L'épanouissement de la protection sociale a été possible au lendemain de la
guerre alors que le pays en avait besoin pour se reconstruire et qu'il en avait
la possibilité car la France était au travail et que le profit patronal
supportait, à juste titre, sa part de financement.
Au cours des cinquante années qui ont suivi la création de la sécurité
sociale, celle-ci a vu sa situation suivre les évolutions de la richesse du
pays selon la volonté politique de freiner ou de développer un processus de
progrès ou de recul.
Depuis quelques années, votre politique précipite un mouvement que le plan
Juppé a engagé. Pour faire voter ce plan, vous avez prétendu qu'il réduirait le
déficit à 16 milliards de francs. En fait, il a fait naître un nouveau déficit
qui atteindra peut-être 51 milliards de francs.
Votre politique organise le déficit.
Premièrement, le chômage prive la sécurité sociale de 200 milliards de francs
de recettes.
Deuxièmement, les bas salaires privent la sécurité sociale de dizaines de
milliards de francs. Le salaire brut moyen ralentit sa progression alors que
deux millions de salariés sont payés en dessous du SMIC. Ces incidences se
manifestent au niveau de la valeur absolue. Si l'évolution de la masse des
salaires s'était faite au même rythme que la création de richesses, dans les
cinq dernières années, la sécurité sociale aurait perçu 35 milliards de francs
de cotisations supplémentaires.
Troisièmement, en accompagnant les insuffisances de recettes dues à une
politique de recul économique - et bientôt de récession ouverte - votre
politique inégalitaire, en matière de fixation du taux, a entraîné une perte de
recettes au moins égale à celle qui est provoquée par le chômage et les bas
salaires. La part des cotisations employeurs au régime général est passée de 70
% en 1980 à 52,3 % en 1995.
Pour un salarié payé au SMIC, le taux de cotisation patronale est passé de 33
% à 24 %, soit un manque, pour la sécurité sociale, de 7 000 francs.
Pour 1,5 million de salariés payés au SMIC, cela représente 7 000 francs
multipliés par 1,5 million, soit 10,5 milliards de francs en moins.
En revanche, la part du taux de sécurité sociale salarié voit son pourcentage
croître puisque, de 10,20 %, il passe à 16,35 %.
Le même salarié au SMIC paiera 4 000 francs supplémentaires, ce qui porte la
somme, pour 1,5 million de salariés, à 6 milliards de francs de plus.
En conséquence, le bilan global pour les seuls salariés au SMIC fait
apparaître une diminution de recettes de l'ordre de 4,5 milliards de francs.
Si l'on applique le calcul à l'ensemble des salariés, ce sont quelque 200
milliards de francs qui, en quinze ans, ont manqué en recettes.
Quatrièmement, les rafales d'exonérations patronales ont fait monter en charge
le volume total : de 5,2 milliards en 1989, elles sont passées à 64 milliards
de francs, dont 25 % ne sont pas compensés.
Cinquièmement, je n'oublie pas que la Cour des comptes chiffre à plus de 100
milliards de francs les créances patronales.
Chacun parmi nous, mes chers collègues, admet que ce n'est pas en réduisant
les dépenses que le déficit sera résorbé. Nous avons atteint un niveau limite
menaçant le droit à la santé de chaque citoyen et l'état sanitaire du pays.
C'est en augmentant les recettes que la sécurité sociale retrouvera son
équilibre.
Vous l'avez d'ailleurs parfaitement compris, monsieur le ministre ; mais
comment y parvenir ?
Vous n'envisagez toujours pas de réduire les exonérations patronales. Avec la
loi de Robien, au nom « des emplois maintenus » ou « licenciements évités », le
patronat va bénéficier d'exonérations nouvelles et importantes. Les plans de
réduction possible d'effectifs remplaceront les plans de création d'emplois.
En revanche, vous envisagez de faire payer plus, mais sous une autre forme,
les salariés avec leurs éléments de vie familiale ou sociale.
Vous étendez la CSG aux revenus de remplacement : indemnités de licenciement,
de mise à la retraite, indemnités journalières, allocations pour congé parental
ou travail à temps partiel.
L'extension de la CSG jointe au transfert de la cotisation maladie à la CSG,
la création du RDS vont représenter effectivement 100 milliards de francs
prélevés sur les ménages. Mais 100 milliards de francs prélevés en plus, ce
sont 100 milliards de francs de moins pour la santé, la consommation,
l'emploi.
Enfin, vous voulez accroître les dépenses de certaines familles avec des
mesures nouvelles prévoyant l'augmentation du droit de consommation sur les
alcools et d'une partie des droits de consommation sur le tabac, au profit de
l'assurance maladie. Vous ponctionnez encore près de quatre milliards de
francs. Et ne vous cachez pas derrière le paravent de l'action antialcoolique !
Vous prétendez faire de l'alcool une source de richesses.
L'analyse réelle des causes du déficit que vous refusez de corriger, l'examen
des mesures que vous proposez montrent combien le financement du nouveau
système de santé et de protection sociale, réducteur sur le plan économique et
sur le plan de l'emploi, entraînera de nouvelles difficultés financières pour
la sécurité sociale.
Cette analyse nous conduit à vous proposer une autre méthode de financement
curative pour le déficit actuel et préventive de tout retour au déficit.
La première mesure que nous préconisons concerne l'imposition qui doit jouer
tout son rôle et peut, à elle seule, résoudre le déficit actuel et celui qui
est prévu pour 1997.
En faisant cotiser les revenus financiers spéculatifs au même niveau que les
salaires, on recouvrerait une recette de 167 milliards de francs. Même si on
devait procéder à un échelonnement d'une telle mesure sur plusieurs années,
celle-ci garantirait, à elle seule, l'équilibre de la sécurité sociale.
Un simple prélèvement de 3 % sur les 1 500 milliards de francs de profits
bruts réalisés par les entreprises - ce chiffre représente presque le budget de
l'Etat - entraînerait un accroissement annuel des recettes de 45 milliards de
francs.
Cette mesure pourrait permettre de résorber le déficit.
La deuxième mesure que nous vous proposons porte sur une réduction et une
modulation des cotisations sociales des entreprises.
Nous vous proposons en effet de lier les exonérations à la politique menée par
l'entreprise en matière d'emploi.
Sans pénaliser les entreprises de main-d'oeuvre ni les plus petites, nous vous
proposons d'intégrer la valeur ajoutée dans le calcul des cotisations.
Ces deux dispositions pourraient redonner une force nouvelle au lien vital qui
doit exister entre emploi et cotisation.
La troisième mesure que nous vous soumettons est une mesure de justice
sociale, aux effets immédiats sur les ressources de la sécurité sociale.
L'augmentation de 1 000 francs des salaires inférieurs à 15 000 francs
permettrait de constituer un fonds de roulement de 15 milliards de francs au
bénéfice de la sécurité sociale. L'adoption de cette mesure permettrait de
concilier croissance du pouvoir d'achat, bonne qualité des prestations et offre
de soins.
La quatrième mesure touche, elle aussi, à la justice sociale et représente en
même temps une garantie pour les finances de la sécurité sociale.
Le « rythme de croisière » du montant des dettes des employeurs vis-à-vis de
la sécurité sociale atteint 20 milliards par an. Pour parer à cette situation,
nous proposons la constitution d'un fonds de garantie alimenté par une
cotisation patronale permettant de compenser les pertes de recettes dues aux
entreprises défaillantes. Ce fonds serait le « frère jumeau » du fonds de
garantie des salaires, auquel cotisent les entreprises pour honorer le paiement
des sommes dues aux salariés. Le patronat veille à ce que les salariés soient
en règle. Nous l'en félicitons, mais charité bien ordonnée doit commencer par
soi-même. Le patronat doit aussi se prémunir contre certaines errances
dénoncées par la Cour des comptes.
La cinquième mesure proposée consiste à rejeter toute politique malthusienne
en matière de soins qui viserait à pénaliser les médecins dépassant leur quota
d'actes. Quel vilain mot quand il s'agit de préserver santé et vie ! Nous
refusons toute sanction et proposons la revalorisation négociée des honoraires
des médecins, garantissant à ceux-ci un juste revenu et la liberté de décider
des soins nécessaires.
La sixième et dernière mesure que nous préconisons devrait contribuer au
renouveau de la politique de la famille, par la suppression des exonérations
patronales sur les bas salaires, par la revalorisation des allocations
familiales et l'attribution exceptionnelle d'une prime de Noël pour les enfants
des familles les plus démunies.
L'allocation exceptionnelle de rentrée scolaire a été réduite ; le gel des
bases de calcul des allocations familiales a privé les familles de ressources
au moment où les difficultés s'accumulent au point d'aggraver la pauvreté et la
misère dans notre pays.
Dans le volet social, nous proposons également une revalorisation des pensions
de 600 francs, le départ à la retraite après trente-sept annuités et demie de
cotisations. Plus de jeunes au travail, c'est autant de rentrées financières
supplémentaires pour la sécurité sociale.
Vous observerez que ces propositions financières sont assises sur la richesse
réelle produite par les entreprises et répondent à tous les besoins dans le
domaine de la santé et de la protection de tous ceux qui produisent ces
richesses.
Cela constitue un ensemble logique, juste, appelé sécurité sociale, auquel
nous restons fidèles, car il aide le citoyen, de sa naissance à sa mort, à
rester protégé. Votre « révolution » consiste à lui substituer un autre
système. Par la fiscalisation, vous transformez la sécurité sociale en
assistance sociale.
Ce sont deux conceptions de société qui s'opposent.
Votre « révolution », qui en est bien une, fait suite aux ordonnances du plan
Juppé. Elle traduit un recul de société. Nous lui préférons les grandes
espérances de la Libération, réalisables et toujours justes.
Le peuple français tranchera entre ces deux conceptions. Notre groupe a fait
son choix : nous rejetons les dispositions financières que vous nous proposez.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.).
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous voici réunis aujourd'hui pour débattre du projet de loi de financement de
la sécurité sociale, étape indispensable au redressement de notre système de
protection sociale.
Le déficit de la sécurité sociale, cumulé d'année en année, a atteint de
telles proportions qu'il est de notre responsabilité de prendre les mesures
nécessaires pour arrêter ou tenter d'arrêter cette spirale infernale.
La tâche qui nous est confiée aujourd'hui est donc particulièrement lourde et
délicate, il ne faut pas se le cacher.
C'est la raison pour laquelle, en mai dernier, lors de la discussion du projet
de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale,
j'avais mis en garde le Gouvernement contre les conditions désastreuses dans
lesquelles risquait de se dérouler la discussion des projets de loi de
financement. Je déplore que cette mise en garde soit restée lettre morte,
puisque, aujourd'hui, je constate amèrement avec d'autres que le climat de
cette discussion se révèle particulièrement défavorable.
Effectivement, après les multiples tentatives avortées que nousavons connues
au cours des dernières décennies, pour la première fois, députés et sénateurs
sont appelés à se prononcer sur les conditions générales de l'équilibre
financier de la sécurité sociale.
Malheureusement, c'est dans la précipitation que ce débat a lieu puisqu'il
intervient au même moment que la discussion budgétaire.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est obligatoire !
M. François Lesein.
Or, compte tenu de l'importance de ces deux textes, je considère que cette
situation n'est pas tolérable.
Certains estiment que, du fait de son impact sur le budget de l'Etat, l'examen
du projet de loi de financement de la sécurité sociale doit précéder celui du
projet de loi de finances. Pour ma part, je pense qu'un tel texte aurait dû
être débattu avec toute la sérénité qu'il mérite, c'est-à-dire en une période
où le Parlement ne vit pas dans l'effervescence du budget, par exemple en mars
prochain.
Cette réforme courageuse, bien que périlleuse, n'en était pas moins
inévitable. L'ampleur du déficit était telle, en effet, qu'il était nécessaire
d'intervenir.
Mais, aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est un homme déçu qui
s'adresse à vous, déçu parce que vous aviez promis aux parlementaires qu'ils
interviendraient dans le rééquilibrage fiancier de la sécurité sociale.
Or, à défaut d'équilibre, ce que vous nous demandez aujourd'hui, c'est de
valider un texte rédigé par le Gouvernement et qui, dès sa première mouture,
consacre le déficit de l'assurance maladie, un déficit que vous avez d'ailleurs
bien du mal à évaluer, ce qui se comprend aisément !
Je me permets de rappeler qu'en adoptant le projet de loi organique qui
autorise ce financement les parlementaires ont engagé leur responsabilité. En
définitive, je constate aujourd'hui que notre rôle dans ce financement sera des
plus réduits. Nous endossons ainsi une responsabilité qui devrait être la vôtre
puisque nous serons quasiment étrangers à ce texte.
C'est également en tant que médecin, vous vous en doutez, monsieur le
secrétaire d'Etat, que je souhaiterais intervenir.
Ce projet de loi vise principalement à la réduction des dépenses, moyennant
quoi certaines des mesures qu'il contient sont, à mes yeux, inacceptables.
Le Gouvernement fixe un objectif de 600 milliards de francs pour les dépenses,
imposant ainsi aux médecins l'obligation de diminuer les dépenses de santé sous
peine de sanctions.
En effet, il est prévu qu'en cas de dépassement des objectifs fixés les
médecins seront confrontés au mécanisme de reversement. Or il est impensable
d'envisager l'existence d'une telle mesure, qui sanctionne l'ensemble des
médecins libéraux pour le fait de quelques-uns, alors que sont prévus, pour
l'hôpital public, par exemple, des directeurs d'agences régionales. Ceux-ci ne
seront d'ailleurs sans doute pas installés avant deux ans ; or, pour les
médecins libéraux, la mesure s'applique tout de suite.
De plus, comme l'a fait remarquer mon collègue Guy Cabanel, cela risque de
produire des effets pervers sur la relation médecin-malade ; vous le savez
bien, la perte de confiance des patients envers leur médecin pourrait bien,
après tout le « battage » qui a été fait, être proportionnelle à la réduction
du nombre des prescriptions.
M. Claude Huriet.
A tort !
M. François Lesein.
Peut-être !
Par ailleurs, les médecins sont exclus du rôle consultatif qu'ils tenaient
auprès des conseils d'administration des caisses d'assurance maladie, au motif
qu'ils seraient juges et parties. Or la mutualité y siège, et elle voit son
rôle accru, alors qu'elle a son propre circuit de soins.
M. Jean Chérioux.
Ça, c'est vrai !
M. François Lesein.
L'éthique de la profession de chirurgien-dentiste est la même que celle des
médecins. Pourquoi ne pas les considérer dans la réforme comme un ordre de
santé majeur ? Ils n'auront peut-être même pas le droit, en effet, de consulter
le carnet de santé !
Nous avions, en France, emprunté une voie originale : la maîtrise médicalisée
des dépenses. C'était une chance, et le système avait été renouvelé par la
convention Etat-médecins de 1993. On est en train de casser cette dynamique
pour copier les modèles anglo-saxons, dans lesquels la médecine est
déshumanisée, administrée et n'est finalement que budgétaire.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Très bien !
M. François Lesein.
La conférence nationale de santé que vous avez mise en place ne pourra aider à
instaurer une politique de santé que si elle en a les moyens, en termes de
délais, de budget et d'autonomie. Ce n'est pas tout à fait le cas. En tout état
de cause, cette conférence ne doit pas être seulement la caisse de résonance du
haut comité de santé publique. Or, pour l'instant, c'est le rôle qui lui est
dévolu.
S'agissant du problème du syndicalisme médical, vous l'appelez à être fort
mais, en même temps, vous accordez une reconnaissance de représentativité à
tous les syndicats qui en font la demande.
(M. le secrétaire d'Etat manifeste son désaccord.)
Cela dit, pour moi, la question essentielle est ailleurs. Le transfert
des cotisations vers l'impôt répond-il à la nécessaire clarification du
financement, qu'il s'agisse d'assurance ou de solidarité, ou bien
constitue-t-il la première étape d'une fiscalisation de notre assurance maladie
?
Dans le premier cas, ce transfert était inscrit dans les engagements du
candidat Jacques Chirac lors de sa campagne. Il obéit à la nécessité d'une
clarification des responsabilités au sein de notre système de protection
sociale par une clarification des financements.
Dans le deuxième cas, la fiscalisation s'inscrit dans une logique socialiste.
Dès lors, les cotisations sociales sont non plus un salaire différé, propriété
des salariés, mais un impôt qui, de fait, peut conduire à l'étatisation de
notre système d'assurance maladie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est l'attitude du Gouvernement devant
ces deux voies possibles ?
Voilà un an, le Gouvernement évoquait un transfert total et progressif du
financement des cotisations maladie vers une CSG élargie. Aujourd'hui, il
semble que vous optiez pour un transfert partiel. Peut-être ne voulez-vous pas
désespérer la CFDT, avec laquelle vous gérez aujourd'hui la sécurité sociale et
qui s'inscrit dans la seconde logique puisque, pour elle, la fiscalisation
constitue un engagement du Gouvernement.
Eu égard à l'ambiguïté de la finalité de ce projet de loi, à la chasse à cette
sorcière qu'est devenu le médecin libéral - vous ne pourrez réussir cette
réforme sans les médecins, cessez donc de les considérer comme des prédateurs,
je vous en prie ! -, vous le comprendrez, avec plusieurs de mes collègues du
RDSE - et beaucoup d'autres hésitent -, je voterai contre ce projet de loi.
(M. Régnault applaudit.)
M. Jean Chérioux.
Comme c'est dommage !
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
22 février de cette année, nous avons procédé à une révision constitutionnelle
instituant les lois de financement de la sécurité sociale.
Le 22 juillet, nous avons adopté la loi organique qui prévoit que, à travers
la loi de financement, le Parlement se prononce sur les conditions générales de
l'équilibre financier de la sécurité sociale et sur les orientations de la
politique de santé et de sécurité sociale.
Le 9 octobre, le Gouvernement a déposé le projet de loi de financement pour
1997.
Ainsi, après des années marquées par des adaptations et des réformes
conjoncturelles de notre système de sécurité sociale, qui se sont traduites,
notamment, faut-il le rappeler, par une augmentation de près de quatre points
de la participation des ménages aux dépenses de santé entre 1980 et 1991, en
moins de huit mois, a été ouvert le « grand chantier » de la réforme
structurelle de notre protection sociale qui doit assurer la pérennité de
celle-ci.
Ainsi, pour faire une comparaison un peu théâtrale, le débat qui s'ouvre
aujourd'hui constitue non pas une « première » mais plutôt la « générale », les
imperfections devant être rapidement corrigées sous peine de voir la prochaine
présentation se solder par un « four » retentissant... et dramatique.
Le projet de loi de financement et le rapport « présentant les orientations de
la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent
les conditions générales de l'équilibre financier » permettent d'établir un
constat qui, grâce au débat parlementaire, lequel a aussi une dimension «
pédagogique », sera porté à la connaissance des Français.
Ce qu'on appelle parfois le « budget social de la nation » dépasse 1 650
milliards de francs, alors que le budget de l'Etat pour 1997 s'élèvera à 1 550
milliards de francs. Par ailleurs, la branche vieillesse représente 44 % des
dépenses et la branche maladie 39 % seulement, si l'on peut dire.
L'importance de ces chiffres a été, à juste titre, soulignée par notre
collègue Charles Descours dans son excellent rapport. J'ai tenu cependant à les
rappeler, car on a parfois tendance à « focaliser » l'attention de nos
concitoyens sur la seule branche maladie, alors même que l'inquiétante
dégradation de notre démographie va peser, dans les toutes prochaines années,
sur les deux branches, vieillesse et maladie.
Considérations plus ponctuelles sur le constat, l'échec des prévisionnistes et
l'insuffisance des évaluations ont été déjà évoqués par plusieurs des
intervenants.
Je me permettrai cependant de rappeler la loi « famille » du 24 juillet 1994,
dont j'avais été le rapporteur devant la Haute Assemblée. Son coût a été
sous-évalué de 4 milliards de francs en période de croisière.
Je profite de cette occasion pour rendre hommage au ministre de l'époque, Mme
Simone Veil, qui nous avait mis en garde contre les risques de dérapage
financier que comportaient d'autres mesures, plus ambitieuses, en faveur de la
famille auxquelles nous avions songé. Quel que soit notre attachement à la
politique familiale, je me félicite de m'être finalement rendu à ses
arguments.
M. Daniel Hoeffel.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Autre « erreur » de prévision : celle qui porte sur la croissance de la masse
salariale en 1995. Ces chiffres ont été évoqués précédemment, et je n'y reviens
pas.
Tels qu'ils sont présentés au Parlement, le projet de loi et le rapport du
Gouvernement suscitent en nous quelques réserves et quelques regrets.
Mes regrets tiennent d'abord au temps qui a été perdu.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Eh oui !
M. Claude Huriet.
Je voudrais m'adresser, avant de pousser plus loin mon argumentation, à nos
collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen
pour leur demander : en dix ans, qu'avez-vous fait ?
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Qu'avez-vous fait, alors que vous aviez une majorité pour vous soutenir ?
Reconnaissez, mes chers collègues, que face à une tentative louable de M.
Teulade, à l'époque, le Sénat avait souscrit à la démarche qui lui était
proposée, ce qui ne correspondait guère à la règle du jeu politique
habituel.
Mais, en dix ans, qu'avez-vous fait pour éviter que ne se creuse l'écart - qui
nous condamne aujourd'hui à prendre des mesures d'urgence - entre la richesse
nationale et le déficit de la sécurité sociale ?
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. René Régnault.
Depuis quand se creuse-t-il, l'écart ?
M. Claude Huriet.
Mes chers collègues, les actions que vous avez entreprises se sont limitées,
sauf erreur, à l'institution de la CSG, que nous avons soutenue ici sous
condition,...
M. René Régnault.
C'est vrai !
M. Claude Huriet.
... à l'instauration du forfait hospitalier,...
M. Jean Chérioux.
Oui, ça, c'est vous !
M. Claude Huriet.
... qui était considéré sans doute par vous comme une grande conquête sociale
pour responsabiliser les assurés sociaux.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Claude Huriet.
J'ai déjà cité tout à l'heure les proportions qu'a atteintes l'accroissement
de la charge des ménages au cours des dix années où vous étiez au pouvoir.
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas gentil de leur rappeler tout cela ! Cela leur fait de la peine !
(Sourires.)
M. Claude Huriet.
Mes chers collègues, soyez un peu plus modestes !
Je me permettrai d'évoquer une différence non seulement de ton mais également
de contenu entre vos interventions et celle de Mme Beaudeau. Notre collègue du
groupe communiste républicain et citoyen, au moins, a assorti ses
considérations critiques d'un certain nombre de propositions, même si celles-ci
vont à l'encontre de notre conception de l'économie libérale.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais vous avez le droit de préférer les communistes ! Ce n'est pas un problème
!
(Sourires.)
M. Claude Huriet.
Or, à moins d'une faute d'attention de ma part, ce ne fut pas le cas de notre
collègue M. Mélenchon.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Depuis des années, malgré quelques mises en garde dont les auteurs étaient
traités de Cassandre, on a laissé - nous avons laissé, vous avez laissé - se
creuser l'écart entre la richesse nationale et les dépenses de santé,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Pas du tout ! Vous êtes mal informé !
M. Claude Huriet.
... comme si une telle évolution, qu'ont connue tous les pays développés,
pouvait se poursuivre indéfiniment.
M. Alain Richard.
C'est faux ! Nous avons su limiter le déficit !
M. Claude Huriet.
Après des années d'illusions, le réveil est brutal. L'urgence d'apporter des
solutions, dont aucune n'est indolore, oblige le Gouvernement à imposer aux
instances consultatives, aux partenaires sociaux, au Parlement, et aussi aux
ministres, des délais très contraignants, au prix d'une concertation
insuffisante qui est pour beaucoup dans la détérioration du climat actuel.
Alors que le Parlement est censé se prononcer sur les orientations de la
politique de santé et de sécurité sociale, le rapport du Gouvernement se borne
à mentionner les priorités reconnues par la conférence nationale de santé,
selon une formulation d'ailleurs très générale puisqu'il est simplement affirmé
qu'elles seront favorisées, ce qui, à vrai dire, n'engage pas à grand-chose.
M. François Autain.
Ça, c'est vrai !
M. Claude Huriet.
Comme notre rapporteur Charles Descours le souligne, le projet de loi de
financement apparaît un peu trop financier. Je m'expliquerai sur ce point dans
un instant.
Le Gouvernement est d'ailleurs le premier à le reconnaître lorsqu'il énonce,
dès les premières lignes de son rapport, « les ambitions de cette première loi
de financement » : mise à part une référence au développement du juste soin,
ces ambitions sont toutes de nature comptable ; nous devons le reconnaître,
mais en en comprenant les raisons.
On peut s'interroger, d'ailleurs, sur les chances de voir effectivement
réalisées ces ambitions si les tensions actuelles persistent, car la réussite
de la réforme engagée suppose la participation de tous les acteurs, y compris
les bénéficiaires du système.
Elle ne pourra être obtenue ni par la contrainte ni par des sanctions qui, si
par malheur elles étaient collectives, décourageraient et dissuaderaient les
bonnes volontés.
Loin de vouloir alimenter la vaine querelle entre hôpital et médecine
ambulatoire, je suis conduit à m'interroger sur la possibilité qu'auront les
hôpitaux publics, dont la structure des budgets comporte bien des facteurs de
rigidité, à commencer par les dépenses de personnel, de respecter un taux
directeur de 1,25 % dont vous avez précisé, monsieur le ministre, qu'il serait
fixé lors du débat parlementaire.
M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales, et d'autres
intervenants ont évoqué notre intérêt pour la décentralisation. Je les remercie
d'avoir fait état de cette orientation, que vous avez vous-même reprise,
monsieur le secrétaire d'Etat, en évoquant la régionalisation. Celle-ci doit
continuer de progresser au travers du rôle reconnu des unions régionales, qui
apparaissent actuellement comme le parent pauvre de la loi dont nous débattons
aujourd'hui.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si malgré ces réserves et les quelques regrets
que j'ai tenu à exprimer le groupe de l'Union centriste votera le texte amendé
par la commission des affaires sociales, ce n'est pas seulement par amitié pour
vous, bien que nous admirions la détermination et le courage dont vous-même et
M. Jacques Barrot faites preuve pour mener à bien une tâche ô combien difficile
: c'est aussi parce que les enjeux immédiats pour l'avenir de la sécurité
sociale sont considérables et que nous trouvons, dans ce projet de loi,
quelques motifs de satisfactions.
Satisfaction quant à la volonté du Gouvernement de « donner un nouvel élan » à
la politique familiale. Certes, cet élan peut être considéré comme insuffisant,
mais il est l'expression d'une volonté dont nous vous donnons acte. Outre le
fait que les mesures relatives à la prise en charge des jeunes enfants ont
bénéficié d'un doublement en deux ans, nous apprécions que l'extension de
l'assiette de la CSG apportera à la branche famille 3,1 milliards de francs
supplémentaires. Nous prenons également acte, comme d'autres intervenants, du
fait que, finalement, les allocations familiales ne seront pas fiscalisées.
Satisfaction aussi en matière de prise en charge des personnes âgées, même si
la création de 14 000 lits de section de cure médicale en deux ans constitue un
rattrapage dont l'effet risque malheureusement de n'être que temporaire, du
fait de l'évolution démographique.
Satisfaction, enfin, de constater que le Gouvernement affirme sa volonté de
rétablir durablement les grands équilibres du système de protection sociale et
a désormais le courage de prendre des mesures nécessaires pour y parvenir.
Très désireux de voir le débat parlementaire nourri par les analyses et les
propositions de tous ceux qui ont à connaître du fonctionnement des différentes
branches de la sécurité sociale, j'avais proposé, en commission des affaires
sociales, qu'une conférence nationale de la famille et une conférence des
retraités et personnes âgées, prolongement national des comités départementaux
des retraités et personnes âgées, les CODERPA, jouent dans leur domaine
respectif un rôle comparable à celui de la conférence nationale de santé.
J'ai été très heureux de constater que le rapporteur de la commission m'avait
devancé en présentant deux amendements en ce sens. Il va de soi que le groupe
de l'Union centriste les votera avec enthousiasme.
Avant de conclure, je tiens à rendre hommage aux professionnels de santé en
général et aux médecins en particulier. Ils sont aujourd'hui moralement
atteints : ils ont le sentiment d'être considérés comme des nantis, seuls
responsables des difficultés actuelles de l'assurance maladie.
Alors que, dès 1993-1994, la plupart d'entre eux avaient accepté de participer
à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé à travers les références
médicales opposables et que des résultats significatifs avaient été obtenus -
l'effort des biologistes, par exemple, ne doit-il pas être salué ? - certains
ont eu le tort de croire que leurs efforts deviendraient rapidement sans
objet.
Brusquement, brutalement même, ils se trouvent confrontés à des contributions
financières exceptionnelles très lourdes et à des mesures dont certaines
risquent de mettre en péril l'« entreprise médicale » dans laquelle ils ont
investi.
Quelques « brebis galeuses » ne doivent pas faire condamner tout le
troupeau.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Aussi, je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, d'accorder
aux professionnels de santé la considération qu'ils méritent et de reconnaître
la compétence et le dévouement dont ils font preuve au service de leurs
concitoyens.
Les parlementaires appartenant aux professions de santé, et parmi eux les
sénateurs médecins, ont fait l'objet ces derniers temps, de la part de leurs
confrères, de sévères mises en garde, assorties parfois de menaces de rétorsion
dans des termes que l'inquiétude et le désespoir de certains peuvent, à la
rigueur, expliquer.
Outre le fait que les élus de la majorité doivent apporter, quoi qu'il leur en
coûte parfois, leur soutien au Gouvernement, particulièrement dans les moments
difficiles, les professions de santé doivent comprendre, comme tous les
Français, que la sécurité sociale est parvenue à « l'heure de vérité » et que
la réforme constitue, selon votre expression, monsieur le ministre, « le
dernier rendez-vous de la médecine libérale ». En effet, ou bien la réforme
engagée depuis un an réussit, et l'avenir de la protection sociale est pour
longtemps assuré, ou bien elle échoue, et l'assurance maladie, pour ne parler
que d'elle, risque de « voler en éclat », un nouveau système pouvant être fondé
sur une conception « ultralibérale », hypothèse irréaliste, ou sur une «
étatisation » des professions de santé remettant en cause les principes déjà
quelque peu malmenés du libre choix, de la liberté de prescription et du
paiement à l'acte.
Il me reste deux souhaits à formuler : tout d'abord, le souhait que les
efforts et les sacrifices demandés par le Gouvernement, avec le soutien du
Parlement, portent leurs fruits dès 1997 ; ensuite, le souhait que le
Gouvernement se dote rapidement des « outils d'évaluation » des politiques de
santé publique et de soins curatifs qui permettront au Parlement de jouer
pleinement son rôle dans un domaine à peine abordé cette année, celui des
priorités de la politique de santé publique et des orientations en matière de
prise en charge des soins.
C'est avec l'espoir que ces souhaits se réaliseront grâce au travail de tous,
avec l'espoir aussi que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998
satisfera pleinement les attentes de la Haute Assemblée que nous voterons le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
limiterai mon propos - peut-être le regretterez-vous - à la seule politique
familiale et à la situation de la branche famille.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est votre passion, on le sait !
M. Jean Chérioux.
Eh oui, que voulez-vous ! Mais c'est une noble passion, mon cher collègue !
M. Jean-Luc Mélenchon.
On ne vous en fait pas le reproche !
M. Jean Chérioux.
On a fait le reproche - et quand je dis « on », il s'agit de la commission des
comptes de la sécurité sociale, dans ses rapports de juin et de septembre 1996
- à la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, de sa dérive financière,
qui serait, à la fin de la montée en charge de son premier volet consacré à
l'aide à la petite enfance, d'environ 14 milliards de francs.
Sur cet aspect, je formulerai deux types de remarques.
Tout d'abord, il s'agit, me semble-t-il, d'une optique purement financière,
qui ne se préoccupe pas de la réalité. Or, à mon sens, ce « trop » grand succès
de la loi relative à la famille démontre que les dispositions mises en oeuvre
répondaient à un réel besoin, sans préjuger le libre choix des familles,
puisque la croissance très significative des bénéficiaires des aides et des
montants de celles-ci concerne aussi bien l'allocation parentale d'éducation
l'APE, pour les femmes qui arrêtent transitoirement de travailler pour
s'occuper de leur enfant en bas âge, que l'allocation de garde d'enfant à
domicile, l'AGED, et l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistance
maternelle agréée, l'AFEAMA, qui facilitent la conciliation d'une activité
professionnelle avec la vie familiale. Cela signifie que, à l'époque, le
législateur - c'est-à-dire nous, mes chers collègues - a su répondre aux
attentes des familles. Il me semble que cette réussite devait être
soulignée.
Ensuite, il convient de rappeler que la branche famille, avant la loi du 25
juillet 1994 relative à la sécurité sociale qui instaure une séparation des
branches, a vu si souvent ses excédents « confisqués » - je me permets
d'utiliser ce terme - ...
M. Jacques Machet,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Jean Chérioux.
... par les autres branches déficitaires - on a évoqué le chiffre de 65
milliards de francs sur trente ans -, qu'il peut paraître équitable qu'elle
puisse bénéficier maintenant du financement nécessaire pour le bien-être des
familles.
M. Jacques Machet,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
En effet, le succès très important de la loi relative à la famille, dans son
premier volet concernant l'accueil des jeunes enfants, c'est aussi le succès de
ce que je me permettrai d'appeler un certain « retour à la famille » ; je ne
puis que m'en féliciter et je pense que je ne suis pas seul à le faire dans
cette assemblée !
Le léger regain démographique, dont les causes sont bien sûr multiples, est là
pour en témoigner. Aussi le seul échec que consacre cette loi est-il surtout,
comme cela a déjà été souligné d'une manière générale, celui des
prévisionnistes. Il est vrai qu'ils sont assez coutumiers du genre !
Par ailleurs, j'ai lu avec attention la partie du rapport de la Cour des
comptes sur l'aide à l'accueil des jeunes enfants. J'ai constaté que cette
haute juridiction, sans se contenter d'effectuer des contrôles et de pointer
les dysfonctionnements, ce qui est son rôle, était allée jusqu'à juger de
l'opportunité - j'y insiste - de certaines dispositions voulues par le
législateur, ce dont on peut légitimement s'étonner, en particulier au sein de
la Haute Assemblée.
Ainsi en est-il du cumul de l'AGED avec la réduction d'impôt plafonnée à 45
000 francs. La Cour des comptes estime, en effet, que le doublement de la prise
en charge des cotisations sociales en ce qui concerne l'emploi d'un salarié à
domicile pour la garde d'un enfant institué dans le cadre de la loi relative à
la famille a été pris sans qu'il soit tenu compte des dispositions de la loi de
finances pour 1995 accroissant la réduction d'impôt pour les emplois
familiaux.
Elle considère aussi que l'AGED ne peut concerner que les familles disposant
d'un revenu élevé, notant au passage que cette allocation profite aux familles
dont l'un des deux parents est cadre supérieur dans la mesure où elles peuvent
tirer le meilleur profit de la réduction d'impôt.
Or il apparaît que la mise en cause de ce que la Cour des comptes considère
comme le cumul de ces deux dispositions n'est pas pertinente, car celles-ci
sont de nature et de portée tout à fait différentes.
En effet, la réduction d'impôt est une mesure d'ordre général qui a plusieurs
vertus dont celle de favoriser la création d'emplois familiaux à temps plein et
celle de dissuader de recourir au travail clandestin. Il ne serait donc pas
convenable d'opérer une discrimination qui, en vérité, irait à l'encontre des
familles en les privant d'une telle réduction d'impôt.
Parallèlement, le fait de favoriser la garde d'enfants à domicile par le
doublement de l'AGED a eu des vertus évidentes. Certes, il est exact que le
coût de l'AGED est élevé pour la collectivité, puisque cette prestation permet,
dans la limite de 4 000 francs par mois, la prise en charge des cotisations
sociales afférentes à l'emploi d'un salarié à domicile. Mais, ce faisant, le
bénéficiaire de cette aide assure, de son côté - ne l'oublions pas - le
paiement du salaire, qui est nécessairement beaucoup plus élevé.
Il convient donc de souligner que la charge supportée par la famille est plus
importante que ces 4 000 francs, alors que le taux d'effort maximal réclamé aux
familles, recommandé par la Caisse nationale d'allocations familiales, pour une
place en crèche collective, n'est que de 12 % dans la limite de 26 000 francs
de revenus mensuels, soit 3 000 francs par mois. Il suffit de comparer ces deux
chiffres pour se rendre compte qu'il est beaucoup plus avantageux pour ces
familles de mettre leur enfant en crèche, quel que soit le niveau de leur
salaire, que de faire garder leur enfant à domicile, même si on les aide
jusqu'à concurrence de 4 000 francs pour prendre en charge les cotisations
sociales qu'ils acquittent. Il est vrai que, au-delà de 26 000 francs de
revenus mensuels, les communes ont toute latitude pour réduire ou augmenter le
taux d'effort demandé ; certaines le font, d'autres pas.
Enfin, n'oublions pas - je m'adresse ici à des représentants de collectivités
locales qui connaissent la question au moins aussi bien que moi - que le prix
de revient d'un berceau avoisine les 6 000 francs par mois en crèche
collective, alors même que les plus modestes, qui peuvent ainsi bénéficier des
places libérées par les familles qui ont recours à l'AGED ou à l'AFEAMA,
contribuent moins, ce qui est normal, par leur participation plus faible, à
l'équilibre financier de ces structures. Il ne faut pas oublier non plus que le
financement des structures collectives pèse en grande partie sur les communes -
monsieur Régnault, vous ne me démentirez certainement pas - dont on connaît
déjà les difficultés financières.
A cet égard, la formule de la garde d'enfant à domicile s'avère, pour le
décideur public, un instrument incomparablement plus souple que les structures
collectives, surtout dans une période démographique insuffisamment dynamique.
En effet, dans le cas de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'aide à la
famille s'arrête dès que le besoin cesse, alors que dans le cas des structures
collectives, même si les besoins diminuent, les communes doivent continuer à
assurer le financement, et Dieu sait s'il est lourd ! Tous ces éléments doivent
être pris en compte si l'on veut avoir une idée objective de ce problème.
On peut donc s'étonner, à juste titre, des remarques de la Cour des comptes
sur l'ensemble du dispositif de l'allocation de garde d'enfant à domicile et
son cumul avec la réduction d'impôt, comme de ses craintes que la concurrence
entre les différents modes de garde ne compromette la mixité sociale des
structures collectives dans la mesure où cette haute juridiction s'érige en
juge de l'opportunité - dans une partie de son rapport consacrée aux contrôles
- de dispositions prises par le législateur en vue de rendre plus facile la vie
des familles et d'améliorer la situation démographique de notre pays. Cette
attitude de la Cour des comptes méritait au moins d'être soulignée.
Je terminerai mon propos en soulignant que le législateur a au moins réussi
sur un point : rendre la vie des familles plus facile. Nous espérons que sur le
second point, c'est-à-dire l'amélioration de la situation démographique, il
connaîtra un égal succès.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de porter un jugement sur certaines
dispositions du présent projet de loi relatives aux expédients conjoncturels et
dont l'un intérese tout particulièrement les collectivités territoriales à
travers un transfert de charges insidieux, je vais, avec d'autres, m'employer à
formuler quelques observations sur notre protection sociale et l'impossible
équilibre de son financement.
On peut dire, sans risque de paraître excessif, que le Gouvernement a tout
faux. En effet, les dépenses curatives de santé augmentent au-delà de vos
prévisions, les dépenses de prévention s'amenuisent et leurs effets sont
insignifiants, voire contraires à l'objectif que l'on cherche à atteindre. Dans
le même temps, la maîtrise globale des dépenses et, notamment, la compression
du déficit explosent.
Pourtant, on prévoyait - pour faire passer une réforme visant à faire
participer tous les Français au remboursement de la dette sociale - un déficit
de 17 milliards de francs pour 1996. Or, on est plutôt sur un déficit de
l'ordre de 50 milliards de francs, soit le triple.
Je m'en tiendrai là pour l'essentiel ! Vous ne devez pas être surpris,
monsieur le secrétaire d'Etat, par l'accroissement préoccupant, voire
dangereux, pour notre démocratie du déficit de confiance de l'opinion
publique.
L'examen en trois jours du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1997, qui représente l'équivalent du budget de la nation, se présente sous
de bien mauvais auspices.
Outre le faible temps que nous pourrons consacrer à son examen, nous n'aurons
pas eu le débat préalable - j'ai beau écouter ce soir les uns et les autres -
qui est pourtant nécessaire sur les objectifs en matière de santé et de
protection sociale de nos concitoyens.
Dès lors, quelle valeur aura une délibération qui ne précise pas les buts à
atteindre ni les réponses à apporter aux besoins de nos compatriotes ? Surtout,
quel crédit peut-on réserver à votre hypothèse de déficit de 30 milliards de
francs ! Sera-t-il, à son tour, trois fois plus important à la fin de 1997 ? La
question est fondamentalement posée et vos réponses, quelles qu'elles soient,
ne trouveront pour écho que le grand déficit de confiance que j'évoquais voilà
un instant.
Maîtriser, réduire les dépenses de santé est possible.
Ainsi, la prévention contre les risques d'affection et pour les détections
précoces doit être conduite à l'aide des moyens que nécessite la pertinence des
résultats attendus.
Quelles en sont les conditions ?
Il s'agit, d'abord, d'une volonté politique clairement affirmée. Il s'agit,
ensuite, des moyens en personnels, qui font considérablement défaut s'agissant
des médecins, des infirmiers et des assistantes sociales scolaires, par
exemple, mais aussi de la médecine du travail, et je pourrais allonger la liste
en citant l'absence de contrôles dentaires chez les enfants et les adolescents.
Il s'agit, enfin, des actions cohérentes. En effet, on ne peut à la fois
combattre un fléau et encourager directement ou avec complaisance ses causes.
Je pense notamment au tabac et à l'alcool.
Il est vrai que, conformément à la doctrine libérale et de profit qui domine
votre démarche, vous laissez prioritairement le champ libre à l'aspect curatif,
au médicament de marque, donc cher.
L'opinion attend - si besoin était, une émission de télévision diffusée hier
soir le confirmerait - que vous agissiez et vite en faveur du médicament
générique qui, on le sait, peut réduire sensiblement le besoin de financement
de la sécurité sociale, besoin qui est aujourd'hui notre question centrale.
La preuve est faite que, au-delà de l'effet d'annonce, voilà quelques mois,
rien n'est venu conforter, organiser la préconisation effective des produits
médicamenteux génériques.
Alors, qui gouverne, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Le Gouvernement, ou les grands laboratoires et leurs groupes financiers ?
C'est la question que l'opinion se pose.
Sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est en ces termes que
s'interrogent nos concitoyens, c'est-à-dire ceux dont la confiance à votre
égard s'amenuise de jour en jour au motif qu'ils ne trouvent pas dans vos
propos et dans vos réponses ce qu'ils croyaient pouvoir attendre de vous.
Nous devrions préalablement débattre sur les objectifs de la politique de
santé et de protection sociale, pour ensuite en définir la nature et le niveau,
et, enfin, pour en préciser les moyens.
Il s'agit, d'abord, des moyens consacrés à la prévention, qu'il faut
développer, renforcer et rendre pertinente, y compris par des voies quelque peu
contraignantes. Il s'agit, ensuite, du recours possible à des moyens moins
coûteux et tout aussi efficaces. Il s'agit, enfin, de garantir à tous le même
accès aux soins, y compris aux soins les plus sophistiqués, lorsque cela est
nécessaire.
Et on en vient au financement ! En effet, aujourd'hui, il est exclusivement
produit à partir de l'assiette salariale soumise à cotisations. Le chômage, qui
fait rage, se développe et traduit le plus grave des échecs s'agissant des
promesses faites par le candidat Jacques Chirac voilà dix-huit mois, réduit
sensiblement cette assiette. Objectivement, on ne peut négliger l'évolution de
la production de richesses et, surtout, la différence entre la courbe du
développement des emplois, laquelle est à la baisse, et celle des richesses,
qui est à la hausse.
La fracture sociale s'aggrave, le fossé s'élargit et la rupture de la cohésion
sociale est latente, le mouvement de l'automne dernier en attesterait si cela
était nécessaire. Je crois, pour ma part, que nous n'éviterons pas le débat sur
l'assiette, son évolution, sa mutation radicale, afin de se « caler » sur la
production des richesses.
L'évolution est en effet en cours, à travers la CSG, que vous caressez
aujourd'hui alors que vous la condamniez hier. On ne peut toutefois que
dénoncer la gestion que vous en faites et qui tourne radicalement le dos aux
dispositions du projet de loi adopté par le gouvernement de M. Michel
Rocard.
Pour résumer, ce que vous nous proposez se traduit par une prime aux personnes
les plus défavorisées et par une réelle ponction sur les ressources des ménages
les plus modestes : drôle de façon de relancer la consommation !
Enfin, j'en viens, pour terminer, à l'une des niches que vous avez
découvertes. Elle s'est constituée à l'insu de ses pourvoyeurs, à savoir les
collectivités territoriales. Il est vrai que la gestion du fonds constitué
depuis 1963 pour financer l'allocation temporaire d'invalidité, l'ATI des
fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ne fait l'objet d'aucun contrôle.
Voilà une imprudence qu'il n'eût pas fallu commettre, mais à laquelle il faut
mettre un terme.
Les 4,5 milliards de francs qui appartiennent aux seuls collectivités
territoriales et établissements hospitaliers seraient, au titre de l'article
30, récupérés par l'Etat pour honorer, par l'intermédiaire de la CNRACL, ses
obligations en matière de solidarité nationale à l'égard des régimes spéciaux
déficitaires.
Les collectivités territoriales et leurs élus sont abusés, le fonds constitué
pour le financement de l'ATI est spolié, la CNRACL est détournée de son objet ;
ce point mériterait d'être soumis au Conseil constitutionnel.
Cette manière d'opérer, qui consiste, en raclant tous les fonds de tiroirs, à
faire du « sauve qui peut », n'honore pas le Gouvernement auquel vous
appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous déposerons un amendement visant
à supprimer cet article 30 et, par ailleurs, nous demandons l'organisation d'un
débat afin d'examiner, de manière exhaustive, les dispositions relatives à la
compensation et à la surcompensation.
Cette offensive en direction des niches ne s'arrête pas là. En effet, je peux
encore citer, à l'article 31, le reliquat de la CSS, la contribution sociale de
solidarité, soit 900 millions, ou, à l'article 32, les 300 millions pris sur
une partie de l'excédent de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, qui, à
l'origine, était exclusivement réservée au financement de l'indemnité de départ
des commerçants et des artisans.
Il est certain que ces aubaines ne se renouvelleront pas, et on ne peut que
prendre en compte le caractère précaire et aléatoire de l'ajustement du
financement de la sécurité sociale qui en résulte.
Compte tenu de ces quelques observations, de ces insuffisances, des choix
politiques qui les dominent et que nous ne partageons pas, les membres du
groupe socialiste rejetteront le présent projet de loi.
M. le président.
Je me permets de faire observer au groupe socialiste que, avant l'invervention
de M. Régnault, il lui restait quatorze minutes. Or M. Régnault a utilisé neuf
minutes. Par conséquent, je demande à M. Alain Richard de bien vouloir adapter
son discours aux cinq minutes dont dispose encore son groupe.
M. Alain Richard.
Lyophiliser !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Voilà un an, lorsque le Gouvernement nous a proposé le plan de réforme de la
sécurité sociale, nous en avons approuvé le principe et nous avons salué le
courage qui avait présidé à son élaboration, tout comme aujourd'hui nous
souscrivons à la saisine du Parlement, appelé à se prononcer sur les équilibres
financiers des régimes de sécurité sociale.
L'importance et l'enjeu de la procédure que nous inaugurons aujourd'hui ne
sont plus à démontrer. Cela a été rappelé par vous-même, monsieur le secrétaire
d'Etat, et par M. Barrot, mais aussi par le président de la commission des
affaires sociales, avec le talent que chacun lui connaît, et par les
rapporteurs, et il convient de rendre hommage à leurs compétences.
Elle doit permettre au Parlement d'envisager de façon globale les grandes
orientations de la politique de santé, en liaison avec les moyens et les
missions assignés à la sécurité sociale.
Le système de financement de la sécurité sociale a, dans le passé, souvent été
mis en place de manière empirique, nous le savons, sans l'élaboration de normes
traduisant des choix clairs. Il en est résulté une dérive qui a mis en cause
les fondements mêmes du système. Comparativement, l'utilité des lois de
financement de la sécurité sociale est indéniable pour permettre de clarifier
les procédures, de les rendre plus cohérentes, d'en assurer la transparence et
de mieux les faire comprendre par le pays.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Cela représente également une responsabilité pour nous, parlementaires, que
nous devons assumer avec lucidité.
Je voudrais très rapidement évoquer deux séries de mesures que contient le
projet de loi.
J'examinerai, tout d'abord, l'extension de l'assiette de la CSG et sa
substitution progressive à la cotisation maladie, qui est une réforme
importante. En effet, et les chiffres de cette année sont éloquents, le déficit
de l'assurance maladie vient, pour une part, de la trop faible croissance de la
masse salariale, du ralentissement de l'activité économique.
Un tel constat ne peut que conduire à accélérer le mouvement consistant
d'élargissement de l'assiette des recettes, qui demeurent actuellement trop
dépendantes des salaires et pas assez des autres revenus.
La protection sociale s'est par ailleurs engagée, au fil des ans, dans une
logique de solidarité générale, induisant un relâchement du lien entre activité
professionnelle et droit à prestation.
Parallèlement, la structure du revenu des ménages s'est progressivement
modifiée, aboutissant à la réduction de la part de leurs revenus d'activité
proprement dits, et par là même à la réduction de l'assiette de leurs
cotisations sociales.
Sur la part de financement incombant à la CSG, l'ensemble des propositions
présentées vont dans le bon sens, et nous les approuvons.
En ce qui concerne certaines ressources ponctuelles nouvelles, j'exprime, en
revanche, des réserves. Je citerai pour exemple les droits relatifs aux
alcools, non pas sur leur principe, mais sur leur répartition. Peut-on
justifier la fixation des taux en fonction de la capacité déjà démontrée - ou
supposée - de mobilisation des uns et des autres, ne doit-on pas rechercher une
répartition équitable ? Peut-on frapper tel secteur d'activité et en épargner
d'autres en fonction de critères difficilement justifiables ?
C'est au nom de l'équité que je ne pourrai me rallier à la solution proposée
et que je voterai un amendement allant dans le sens d'une plus grande
justice.
Le deuxième volet de ce projet de loi concerne la mise en oeuvre de mesures
d'économies permettant de réduire le déficit de la sécurité sociale de façon
durable.
On ne peut indéfiniment, surtout en période de crise, accentuer les ponctions,
alors que le plafonnement des dépenses, voire leur réduction, constitue la
réponse appropriée.
L'attention se concentre à juste titre sur les dépenses de santé, dont il
revient de fixer le taux d'augmentation pour 1997. Je suis convaincu que
l'objectif fixé est tenable s'il y a responsabilisation de tous les acteurs
sans exception et s'il y a confiance dans la capacité d'associer nos
concitoyens à la mise en oeuvre de la réforme.
M. Jacques Machet,
rapporteur.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Il faut qu'au-delà des professionnels de la santé le pays tout entier accepte
sa part de l'effort. Or celui-ci est demandé, pour l'essentiel, au secteur de
la santé, notamment à l'hôpital, à son secteur public comme à son secteur
privé, et aux professions médicales.
Comment ne pas évoquer l'état de profonde inquiétude que connaissent de
nombreux professionnels de la santé, dans le climat de crise identitaire que
traversent les médecins ? La réforme impose aux membres du corps médical
d'affronter des problèmes auxquels leur formation ne les avait pas forcément
préparés.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Elle intervient alors que le statut social des médecins s'est profondément
transformé au cours des dernières années et elle exige la mise en oeuvre ou la
consolidation des outils de la maîtrise médicalisée : informatisation des
cabinets médicaux, références médicales opposables, formation médicale continue
et carnet de santé.
Elle fait naître, enfin, chez les médecins libéraux - comme d'ailleurs dans
les hôpitaux, les cliniques privées et les officines - la crainte de
l'inégalité dans la répartition de l'effort. L'excellent rapport de notre
collègue Charles Descours s'en fait l'écho.
La réforme rend donc d'autant plus indispensable l'instauration d'un dialogue
confiant avec les médecins, et je me réjouis du climat qui a régné voilà
quelques jours, à Strasbourg, lors de la rencontre entre M. Jacques Barrot et
nombre d'entre eux.
Dans cet esprit, monsieur le secrétaire d'Etat, nos encouragements vous sont
acquis, et nous avons le sentiment que la réforme en profondeur que vous nous
proposez, qui supppose courage, sens de la pédagogie et équité dans la
répartition de l'effort, constitue une opportunité à saisir par tous ceux qui
ont le souci de préserver l'essentiel d'un régime dont la France a pu être
légitimement fière et qui doit à présent, en France comme chez la plupart de
nos partenaires, être adapté à un contexte nouveau.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pluchet.
M. Alain Pluchet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
pour la première fois dans l'histoire de la République, la représentation
nationale est invitée à se prononcer sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale dans le cadre de la réforme entreprise par le Gouvernement.
C'est donc l'occasion d'un débat important sur les principes mêmes qui ont
fondé cette réforme, notamment sur celui d'« une réduction des inégalités de
ressources entre régions et établissements ». C'est la raison pour laquelle je
fais cette brève intervention.
A la lumière du rapport du Haut comité de la santé publique, j'ai
malheureusement été forcé de constater que ce financement équitable de notre
système de soins n'existe pas : la Haute-Normandie figure notamment parmi les
six régions les moins favorisées et se distingue à la fois par des indicateurs
de santé toujours inquiétants et une offre de soins moins développée
qu'ailleurs. Ainsi, à titre d'exemple, elle figure parmi les régions ou
l'espérance de vie est inférieure à la moyenne nationale. Concernant les
personnels de santé, alors que la densité des médecins, en France, est estimé à
295 pour 100 000 habitants, elle n'est que de moins de 23 médecins dans notre
région.
La Haute-Normandie connaît également l'une des plus faibles densités
nationales d'infirmiers, de dentistes, de pharmaciens, de sages-femmes. Ces
écarts sont d'autant plus criants que la Haute-Normandie figure parmi les
régions où les besoins sont les plus importants, la proportion des femmes en
âge de procréer et le taux de natalité y étant supérieurs à la moyenne
nationale.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Alain Pluchet.
La Haute-Normandie a besoin que soient mises en oeuvre des actions
correctrices permettant non seulement d'améliorer l'état de santé dans la
région, mais aussi de développer la qualité des soins en fonction des
besoins.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement, maintenant
alerté, sera désormais plus sensible à une réalité dont nos concitoyens
normands ne devraient pas avoir à souffrir.
Cela dit, je ne manquerai naturellement pas de voter le présent projet de loi
de financement tel qu'il résultera des travaux du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard.
En essayant de m'en tenir au temps très bref qui m'est imparti,...
M. Hervé Gaymard,
secrétaire d'Etat.
Ce sera encore meilleur !
(Sourires.)
M. Alain Richard.
... je voudrais dire que le système d'orientation que comporte la réforme
constitutionnelle de l'année dernière n'est pas encore au point. Nous avons
critiqué la façon dont il a été mis en place, mais il est logique - c'est
d'ailleurs une position générale dans tous les groupes au sein de cette
assemblée - qu'il y ait débat démocratique et confrontation d'idées sur
l'orientation de notre système de protection sociale. Nous participerons donc à
ce débat.
Qu'il me soit simplement permis de souligner, à l'attention de ceux de nos
collègues qui pensent que, systématiquement, la présentation de comptes globaux
et la tenue d'un débat parlementaire sont un facteur de remise en ordre des
comptes, que l'expérience de quelques dizaines d'années de lois de finances
nous a démontré qu'il peut continuer à y avoir litige sur la façon de présenter
tel ou tel compte ou sur les changements d'imputation, et que le gain de clarté
n'est pas toujours immédiat ni évident.
L'autre limite de ce genre de débat, c'est que nous touchons finalement là à
une question clef, à savoir notre rôle d'élus de la nation : nous devons faire
la part entre la volonté politique pour faire évoluer des grands systèmes de ce
genre et les mouvements de la société, les attitudes en matière de santé, les
besoins tels qu'ils sont ressentis dans la société ou les tendances
démographiques. Tout cela n'est pas sous le commandement du législateur, ce qui
doit nous inciter à une certaine modestie.
Dans les prévisions pour 1997, que j'essaie d'analyser tout en observant la
situation concrète de 1996, je note trois grands sujets de désaccord entre
nous. Mais, bien entendu, si je ne parle pas de certains sujets, cela ne
signifie pas pour autant qu'il y ait désaccord sur tout.
Le premier de ces grands sujets est, bien sûr, la déconvenue liée à la
faiblesse de la croissance, avec ses effets sur la masse salariale. Je ne suis
pas en mesure - mais peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, nous
donnerez-vous des précisions sur ce point - d'évaluer exactement quelle est la
part du ralentissement économique et de ses effets sur la masse salariale dans
l'écart entre la prévision annoncée par M. Jacques Barrot ici même l'année
dernière et le « probablement réalisable » en 1996, mais je pense que l'on
n'est pas loin de la moitié.
C'est l'occasion de se rappeler que la protection sociale est plus vulnérable
que le budget de l'Etat aux mouvements conjoncturels puisque, par définition,
dans le budget de l'Etat, une bonne moitié des recettes résultat d'effets
différés et portent sur des valeurs économiques qui ne sont pas strictement
liées à la conjoncture ; en revanche, la protection sociale, elle, réagit
beaucoup plus vite aux aléas de la conjoncture.
Le problème peut d'ailleurs se poser à nouveau en 1997, car, si nous
conservons une croissance un peu plus faible en 1997 que celle qui figure
aujourd'hui dans les hypothèses économiques, nous risquons alors d'avoir une
masse salariale peu évolutive, et je voudrais être sûr que les recettes n'ont
pas été surestimées. Je crois surtout que cela implique un certain retour
critique sur les choix de politique économique qui ont été faits depuis deux
ans et qui expliquent cette croissance insuffisante.
Je rappelle que, dans le contexte économique actuel, la croissance économique
de la France est inférieure à la moyenne de celle des pays comparables
d'Europe. Il faut tout de même chercher là quelque explication !
Il était plus aisé de prévoir la deuxième difficulté, qui tient au retard pris
dans la maîtrise des dépenses de santé. Les 2,1 % d'évolution qui étaient
prévus, presque proclamés, dirais-je, par le Gouvernement il y a juste un an
seront, en réalité, bien supérieurs, et cela n'est d'ailleurs pas inexplicable
: avant novembre 1995, s'étaient accumulés divers facteurs qui restreignaient
beaucoup vos chances d'atteindre cet objectif.
D'une part - mais je ne veux pas entrer dans une discussion partisane - il y a
bien eu une démarche politique des formations constituant aujourd'hui la
majorité vers les professions médicales, ce qui ne les a pas aidées à
progresser vers une régulation de l'économie de la santé. Je partage à cet
égard le point de vue de M. Hoeffel, selon lequel collectivement, socialement,
les professionnels de la santé n'ont pas été préparés, par leur exercice
indépendant, à la régulation financière ; mais il est de la responsabilité des
politiques de faire passer un message et, pour le moins, vous en avez changé
depuis un an.
D'autre part, la deuxième cause, qui est un peu liée à la première, tient au
retard qui avait été accumulé depuis trois ans dans la préparation des mesures
concrètes qui pouvaient organiser la régulation.
Mon intérêt, aujourd'hui, n'est pas de m'en réjouir, mais de dire que du
travail doit être fait pour rassembler toutes les énergies afin que, de façon
négociée, de façon respectueuse de l'indépendance des médecins, des résultats
soient acquis en matière de négociation.
Aujourd'hui, ces négociations se déroulent dans une ambiance qui n'est pas
favorable, des difficultés pratiques ne sont pas encore surmontées. On a cité
l'exemple des médicaments génériques, on peut aussi citer le malheureux épisode
du débat sur les ambulanciers. Il y a là encore un effort de méthode et de
concertation à entreprendre.
Le dernier point sur lequel des progrès doivent être faits, c'est la
réorganisation du financement.
Certaines des mesures de transfert qui aident à boucler cette loi de
financement cette année sont hautement discutables. Nous avons déjà cité la
CNRACL, mais il y a aussi la façon un peu hâtive dont est tranché un
contentieux de cotisation entre EDF et l'URSSAF, le transfert du régime des
accidents du travail vers celui de l'assurance maladie et le siphonnage des
réserves du régime militaire.
On le voit, tout système de loi de financement suscite la tentation de
recourir à un certain nombre d'expédients financiers. Cela se faisait avant et,
même si cela se fait maintenant au vu du Parlement, nous nous devons tout de
même d'être collectivement plus ambitieux sur les méthodes de financement.
De ce point de vue, précisément, l'évolution vers une part de CSG élargie plus
importante mérite considération. Toutefois, je veux souligner - le débat vaut
d'ailleurs aussi bien pour l'opposition que pour la majorité - que
l'accroissement de la part de la CSG - donc d'un prélèvement proportionnel sur
les revenus - dans notre système de financement posera un jour le problème de
la progressivité.
Lorsque l'on avait instauré la CSG, en 1990, on avait prévu - c'était un peu
du bricolage - un petit abattement à la base sous forme de remboursement de
cotisations vieillesse, de manière que les plus bas revenus cotisent un peu
moins, en pourcentage, que les plus hauts revenus.
Cela n'avait pas grande importance puisqu'il s'agissait d'un prélèvement à 1
%. Maintenant que l'on s'oriente vers un prélèvement de 3 % ou 4 % du revenu,
c'est-à-dire un montant qui devient comparable à celui de l'impôt sur le
revenu, la recherche d'une méthode pratique permettant un minimum de
progressivité me paraît être un défi pour tous.
En conclusion, si la volonté politique de consolider un système de solidarité
est exprimée par chacun sur ces travées, nous n'avons pas tous la même vision
des conséquences à en tirer. Nous craignons, nous, que la difficulté dans
laquelle vous êtes, monsieur le ministre, pour équilibrer notre système de
protection sociale ne contribue à maintenir sa précarité dans l'esprit du
public et, par conséquent, à saper un pilier majeur de notre société. Voilà
pourquoi nous appelons chacun à recréer un rapport de confiance et d'adhésion
avec notre système de protection sociale.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
tiens tout d'abord à saluer avec sérénité le courage et la détermination dont
le ministre du travail et des affaires sociales fait preuve pour apporter des
réponses au difficile et délicat problème du maintien de notre système de
protection sociale.
Vous me pardonnerez, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas intervenir sur
le fond ; les collègues de mon groupe l'ont excellemment fait avant moi.
J'approuve les objectifs visés et, dans l'ensemble, les modalités proposées
pour les atteindre. Toutefois, un point me pose problème et heurte mon sens de
la justice. Il s'agit des mesures, contenues dans l'article 24, visant à lutter
contre l'alcoolisme et à produire des recettes à la sécurité sociale.
Nous savons tous que, pour lutter contre l'alcoolisme, la prévention est la
meilleure arme et que, à cet égard, notre public privilégié doit être le public
des jeunes.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, que, si la santé
était d'abord un bien individuel, elle était aussi un bien collectif dont
l'avenir dépendait de la réalité des solidarités collectives. Sur ce point, je
vous approuve totalement.
Vous avez également fait part de votre inquiétude sur les causes de mortalité
chez les jeunes, liées notamment à certaines « habitudes de vie », dont la
recrudescence de la consommation alcoolique.
Mes chers collègues, ces jeunes sont-ils des consommateurs de spiritueux,
parmi lesquels on compte des produits haut de gamme comme le cognac ou
l'armagnac, produits chers et donc inaccessibles à leur bourse ?
D'ailleurs, ces produits, déjà lourdement taxés, ne représentent que 0,6 % de
la consommation alcoolique en France.
En outre, s'il est vrai que la bière est d'une consommation courante chez les
jeunes, elle reste un alcool parmi d'autres, représentant 18 % de la
consommation alcoolique, alors que le vin, produit, certes noble, de nos
vignes, représente, à lui seul, 60 % de la consommation totale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je constate que tous les produits alcoolisés ne
sont pas visés à l'article 24. Comme je ne peux croire qu'il s'agisse là d'une
soumission à tel ou tel lobby, je reste convaincu qu'il s'agit d'un oubli
technique qui saura être vite réparé.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, un certain nombre de collègues
et moi-même vous demandons de compléter l'article 24 en élargissant l'assiette
de recouvrement aux vins.
Monsieur le secrétaire d'Etat, un verre de 4 centilitres de cognac contient
1,6 centilitre d'alcool pur, autant qu'un verre de vin de 15 centilitres,
autant qu'une canette de bière de 33 centilitres. Or le cognac est déjà taxé à
1,78 franc du verre, contre 20 centimes pour la bière et seulement 3 centimes
pour le vin.
Si l'on acceptait de faire passer les droits sur le vin à 29,60 francs par
hectolitre, cela ne représenterait que 5 ou 6 centimes par bouteille de 75
centilitres, soit moins de 1 centime par verre. Sérieusement, est-ce de nature
à mettre en péril le marché du vin ?
Cette demande, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, se fonde
exclusivement sur un souci d'équité. Toute mesure discriminatoire génère un
sentiment d'injustice, et les répétitions de ces discriminations accroissent ce
sentiment jusqu'au rejet.
Il est fini le temps des privilèges ; nous sommes - vous l'avez rappelé tout à
l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat - au temps des solidarités. Que chacun
contribue à l'effort national qui est demandé ne serait que justice.
Je comprends la position que M. le président Fourcade a exprimée
a priori ;
il ne veut pas qu'un point de détail comme celui-ci vienne occulter le fond
du dossier.
Mais, monsieur Fourcade, il serait regrettable que ce point de détail devienne
un grain de sable, d'autant que notre souci d'équité se traduit par un
élargissement et non par une restriction de l'assiette. Et puisqu'il s'agit
d'un point de détail, n'en faisons pas une affaire !
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous remercie de
m'avoir écouté et, je l'espère, entendu, car je connais votre sagesse et votre
sens de la justice.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Belcour.
M. Henri Belcour.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
quelque cinquante années après l'institution définitive de la sécurité sociale,
la représentation nationale va pouvoir enfin se prononcer sur les prévisions de
recettes et de dépenses du plus gros budget de la nation.
Nous sommes, je le pense, tous conscients, dans cet hémicycle, de vivre là un
moment important de notre histoire sociale nationale.
Il y a un an, en effet, le Premier ministre dévoilait au Parlement les axes
d'une véritable réforme, refondatrice de l'instrument essentiel de notre
protection sociale.
S'étant fixé l'objectif principal d'assurer la pérennité de la sécurité
sociale, menacée de faillite, le Gouvernement, on peut le dire, a fait preuve
d'opiniâtreté dans la conduite de ce dossier. Malgré l'ampleur et la difficulté
de la tâche, malgré de nombreux obstacles, de nombreuses oppositions, la
réforme, on le voit, est conduite à son terme.
A la suite de la dernière révision constitutionnelle, la représentation
nationale, véritable « clé de voûte » de la nouvelle politique ainsi mise en
oeuvre, comme cela a déjà été dit, va se prononcer non seulement sur les
équilibres financiers généraux, mais aussi, et surtout, sur les orientations en
matière de politique de santé et de protection sociale. Il convient de
constater, à ce sujet, que le calendrier initialement annoncé a été
respecté.
Les rapports remis au Parlement à cette occasion devraient parfaire
l'information de ce dernier et l'aider dans sa tâche. Il en est ainsi des
travaux préalables de la conférence nationale de santé, même si l'on peut
regretter ici un manque de temps pour la bonne tenue des rencontres,
contrepartie sans doute du respect scrupuleux des échéances fixées.
Pour ma part, si vous le permettez, je voudrais revenir principalement sur le
volet de ce projet de loi consacré à l'assurance maladie pour faire part des
quelques remarques et interrogations que ce texte suscite chez le professionnel
de la santé que je suis.
Dans le cadre des dispositions relatives à l'équilibre financier qui nous sont
ainsi soumises, on fixe l'objectif national des dépenses d'assurance maladie,
qui correspond à l'ensemble des soins de santé liés aux risques maladie,
maternité et accidents du travail.
La détermination d'une enveloppe globale de 600,2 milliards de francs semble
donc confirmer la volonté de poursuivre la politique de maîtrise médicalisée
des dépenses visant au « juste soin ».
C'est donc sur la base de cet objectif que devront être négociés, par
convention entre les caisses, les professions de santé et les hôpitaux, les
différents objectifs prévisionnels d'évolution à la fois des dépenses de soins
de ville, des dépenses médicales et des dépenses hospitalières.
Au sujet de ces négociations, je voudrais vous dire, monsieur le secrétaire
d'Etat, l'inquiétude, voire la vive préoccupation, constatées actuellement chez
les membres du corps médical.
Les médecins, qu'ils soient de ville ou de campagne, généralistes ou
spécialistes, sont très attachés aux principes qui régissent l'exercice libéral
de la médecine, dans lequel la plupart de nos concitoyens ont placé leur
confiance.
Aujourd'hui, ils ont l'impression qu'on veut leur imputer le déficit du régime
de l'assurance maladie.
En dépit de tous les efforts déployés, que je reconnais d'ailleurs bien
volontiers, monsieur le secrétaire d'Etat, pour favoriser la discussion, la
concertation et la négociation, le corps médical, dans sa majorité, à tort ou à
raison d'ailleurs, pense que cette réforme d'importance se réalise sans qu'on
le consulte vraiment, sans tenir compte de ses avis.
Il ne s'agit pas seulement d'une prise de position officielle. Il s'agit, en
fait, de plus que cela : l'émoi étreint tous les médecins de famille, et ce
jusque dans nos campagnes. Ceux-ci ont l'impression qu'on leur fait jouer le
rôle de bouc émissaire.
Pourtant, dans le domaine du déficit financier de la santé, nous savons tous
que la responsabilité est plurielle et qu'elle incombe aussi aux utilisateurs,
qui estiment parfois que le souci du maintien de leur santé peut justifier
toutes les dépenses, et aux gestionnaires d'établissements de soin, qui font
passer parfois valorisation et prestige personnels avant toute gestion
rationnelle. De la même manière, le corps médical, qu'il soit libéral ou
hospitalier, a trop longtemps ignoré l'impact économique de l'exercice de la
médecine.
Certes, nous savons que l'effort demandé aux médecins s'inscrit dans une
logique globale, où tous les acteurs du système de santé et de sécurité sociale
ont été sollicités. On pourra ainsi évoquer la contribution exceptionnelle
supportée par l'industrie pharmaceutique, la taxe de 6 % instaurée sur les
contributions des employeurs au financement des prestations de prévoyance
complémentaire, les économies de gestion imposées aux caisses de sécurité
sociale ou bien encore la limitation du taux directeur hospitalier à 2,1 % en
1996.
Mais, apparemment, ce dispositif ne semble pas clairement expliqué et, par
voie de conséquence, clairement compris. Redisons aux médecins que la
contribution qui leur est demandée est exceptionnelle et qu'elle ne saurait
être banalisée dans les années à venir.
Rappelons aussi qu'elle sera affectée au fonds de réorientation et de
modernisation de la médecine libérale, et que son paiement pourra être
échelonné et déductible de l'impôt sur le revenu.
Voilà donc où votre effort, mais aussi notre effort commun, doit porter,
monsieur le secrétaire d'Etat. Mon collègue Charles Descours, rapporteur de ce
projet de loi, a d'ailleurs eu déjà l'occasion d'évoquer, parmi les conditions
indispensables à la bonne marche de cette réforme, l'impératif de rétablir le
dialogue et la confiance avec les professionnels de santé, comme avec l'opinion
publique en général.
La population médicale peut être - j'en suis intimement persuadé - un
interlocuteur actif de qualité.
Les médecins reconnaissent la nécessité d'un plan de sauvetage. J'en veux pour
preuve un sondage réalisé par l'IFOP, en juillet, auprès de 550 d'entre eux,
sondage dont vous avez sans doute eu connaissance, monsieur le secrétaire
d'Etat : 76 % des généralistes et 72 % des spécialistes se sont alors déclarés
favorables à la maîtrise des dépenses. De même, 80 % des généralistes et 68 %
des spécialistes pensaient alors que « le contrôle des dépenses permettrait de
mettre un frein à la demande de leurs patients ».
L'inquiétude actuelle semble donc témoigner d'une incompréhension face au
dispositif avancé par le Gouvernement. Pourtant, nous savons que ce dernier
compte fermement sur une collaboration avec le corps médical pour bâtir cette
nouvelle politique de la santé. Et, réciproquement, les médecins ont déjà
avancé, de leur côté, des propositions à la fois concrètes et dignes d'intérêt.
On citera, notamment, la maîtrise médicalisée des dépenses - par opposition à
une maîtrise purement comptable - qui se fonde sur des outils mis en pratique
par la profession, comme les références médicales opposables, le carnet de
santé, la formation médicale continue ou bien encore l'informatisation.
Il devrait donc y avoir non pas un malentendu ou un face à face entre les uns
et les autres, mais plutôt un souci de renforcer le dialogue pour définir la
médecine de demain. Nous savons pouvoir compter sur votre compréhension à ce
sujet, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je voudrais à présent évoquer très brièvement l'impact financier que pourront
avoir les décisions de santé publique, telles que les campagnes de vaccination
et de dépistage, concernant les hépatites par exemple. On peut s'interroger :
dans quelle mesure celles-ci ne viendraient-elles pas hypothéquer l'objectif
proposé en matière d'évolution des dépenses d'assurance maladie, même s'il est,
bien entendu, hors de question de remettre en cause leur nécessité ?
A l'occasion de l'examen de ce projet de loi, il faut également rappeler
l'importance de la prévention sanitaire, de laquelle dépendent tant l'état de
santé de nos concitoyens que l'état financier de notre système de protection
sociale ! A ce titre, la prévention ne saurait être passée sous silence,
d'autant plus qu'elle est sans aucun doute perfectible. La mobilisation
financière apparaît, à ce sujet, comme étant quelque peu modeste. De même,
l'effort de formation professionnelle relative à la médecine préventive peut
certainement être encore poursuivi et amplifié.
Voilà donc, de manière succincte et, je l'espère, sans trop de redites à cette
heure tardive, les quelques remarques que m'inspire l'examen de ce texte dont
je tiens à rappeler l'importance.
Il s'agit là non plus d'un simple replâtrage, mais bien d'une réforme
structurelle courageuse, et nécessaire, pour préserver notre système de
protection sociale. Et l'on sait combien les réformes courageuses sont, hélas !
souvent mal perçues. Pourtant, pouvons-nous encore attendre ? Avec quelque 180
000 francs de dettes pesant sur chaque Français actif, avons-nous le droit de
laisser se creuser encore les déficits sociaux que nous laisserions en legs aux
futures générations ?
A ceux qui disent que la nouvelle politique ainsi définie est trop exigeante,
on peut rétorquer qu'elle est dictée par l'impératif de sauver un système qui,
sans cela, court à la faillite.
Gageons que nos compatriotes dans leur ensemble, qu'ils soient soignés ou
soignants, en auront conscience.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Robert.
M. Guy Robert.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
faut tout d'abord se féliciter du rôle qui est désormais assigné au Parlement,
grâce à l'examen et au vote du projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Le grand mérite en revient à ce gouvernement, et je tenais à le
souligner au préalable.
Si l'on remonte aux origines de notre système de sécurité sociale,
c'est-à-dire aux ordonnances de 1945, on constate que les principes édictés par
les « pères fondateurs », comme on dit, excluaient
a priori
l'intervention du Parlement.
Géré par des conseils élus par les assurés et représentant l'ensemble des
partenaires sociaux, le système devait, en théorie, garder son autonomie par
rapport à la sphère politique. Or deux phénomènes conjugués ont remis en cause
cette conception originelle.
Il s'agit, tout d'abord, de l'absence de toute démocratie interne, d'une très
faible participation aux élections, du monopole du pouvoir au profit d'une
centrale syndicale en particulier, et, ensuite, de la crise financière du
système. Les conséquences de cette situation furent l'apparition de déficits
croissants et la très faible légitimité des institutions de la sécurité
sociale.
Le Sénat et l'Assemblée nationale ont été appelés à intervenir de plus en plus
fréquemment ces dernières années, à travers différents plans de redressement
ponctuels. Des initiatives, à l'origine desquelles se trouvait d'ailleurs notre
majorité, ont été prises afin de mieux associer le Parlement à la gestion de la
sécurité sociale.
Ainsi, en 1987, un décret a augmenté le nombre des parlementaires au sein de
la commission des comptes de la sécurité sociale.
En 1994, la loi du 25 juillet 1994 a accru dans des proportions très
importantes l'information du Parlement sur les dépenses sociales. Ce texte
prévoyait un débat parlementaire annuel sur l'évolution des dépenses et des
recettes du régime général, débat dont nous savons qu'il n'était pas suivi d'un
vote.
Nous abordons donc une nouvelle étape, qui apparaît relativement logique.
Comment justifier, en effet, le fait que les représentants de la nation ne
puissent se prononcer sur un budget de la sécurité sociale supérieur au budget
de l'Etat ? Il représente, en effet, 1 700 milliards de francs, contre 1 634
milliards dans le projet de budget pour 1997. C'est pourquoi la réforme
constitutionnelle lancée par le Gouvernement, qui nous permet de nous prononcer
non seulement sur les comptes sociaux, mais également sur les grandes
orientations des politiques de sécurité sociale et de santé publique, est d'une
importance majeure.
Certains me rétorqueront probablement que le Gouvernement accomplit une «
étatisation » des différents régimes de sécurité sociale. Or c'est tout le
contraire : nous assistons à une forme de réappropriation de leur protection
sociale par les Français, qui ont été trop longtemps exclus d'une gestion
devenue opaque et anarchique.
Au-delà de cet aspect strictement institutionnel, je me félicite de la façon
dont vous avez étroitement associé le Sénat à l'élaboration des ordonnances, à
travers une concertation inédite, fort intelligente et efficace, en particulier
par l'intermédiaire de la commission des affaires sociales.
Ce travail de fond faisait notamment suite aux auditions et au rapport de la
mission parlementaire d'information sur la sécurité sociale. Permettez-moi de
regretter à ce propos que cette mission constituée de députés n'ait pas pu
perdurer sous la forme d'une commission permanente au sein des deux assemblées.
Une telle structure serait un très utile observatoire des conditions
d'application de la réforme, au-delà des clivages partisans qui, selon moi,
n'ont pas lieu d'être sur un dossier aussi crucial que celui de l'avenir de la
protection sociale dans notre pays.
Le problème se pose surtout pour le volet de la réforme concernant la maîtrise
médicalisée, alors que les différents outils de cette politique continuent à se
mettre en place, sous la forme d'une vingtaine de décrets qui devraient être
publiés avant la fin de l'année. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voterai ce
texte parce que vous-même et M. Barrot, et plus généralement le Gouvernement, y
avez apporté les meilleures solutions qui étaient à votre disposition, et cela
en très peu de temps.
L'un de nos collègues a souhaité que cette discussion se déroule par exemple
au mois de mars. Eh bien, moi, je dis non, parce qu'un exercice commence dès le
1er janvier. Je pense donc que vous avez fait au mieux.
Permettez-moi seulement, monsieur le secrétariat d'Etat, de faire une
suggestion. Ce budget comporte naturellement des recettes et des dépenses, mais
aussi des orientations pour la sécurité sociale et la santé publique, et ce
volet orientation doit, me semble-t-il, revenir tout particulièrement au
Parlement.
Je souhaiterais donc que, pour l'examen du projet de loi de financement pour
1998, le Gouvernement propose la création d'une commission permanente dans
chaque assemblée, qui serait en relation directe non seulement avec les
services du ministère mais également avec les organisations de la santé
publique, les médecins et les organisations syndicales afin d'être à même de
proposer, en préalable au texte lui-même, des orientations réfléchies. Par
ailleurs, il serait bon qu'une certaine communication soit faite de ses travaux
pour que les assujettis puissent les admettre plus facilement.
Je terminerai en me référant aux quatre pistes évoquées ce matin par M.
Fourcade, à savoir la responsabilisation, les mesures nouvelles et la
clarification des tâches, la décentralisation et la restructuration. Eh bien,
tout cela ferait partie de ces orientations.
Je souhaiterais donc que ces commissions permanentes, qui seraient composées
de parlementaires peu nombreux et choisis en fonction de leurs compétences,
soient à même de réfléchir à ces questions. En effet, comme l'a dit M.
Fourcade, le Parlement doit avoir le courage d'aider le Gouvernement.
Mes chers collègues, naturellement, je voterai ce texte, parce que notre
régime de sécurité sociale, ce fleuron de notre protection sociale que bien des
pays nous envient, ne doit pas disparaître. Le Gouvernement a mis dans ce
projet le meilleur de lui-même et le Parlement doit s'y associer.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
6
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 8 novembre 1996, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E 637 - « proposition de décision du
Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres
entre la Communauté européenne et la République arabe d'Egypte sur l'adaptation
du régime d'importation dans la Communauté européenne d'oranges originaires et
importées d'Egypte » a été adoptée définitivement par les instances
communautaires par décision du Conseil du 29 octobre 1996 ;
- et que la proposition d'acte communautaire E 659 - « proposition de décision
du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres
entre la Communauté européenne et la République arabe d'Egypte portant
adaptation du régime à l'importation dans la Communauté de riz originaire et en
provenance d'Egypte. Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif aux
importations de riz de la République arabe d'Egypte » a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 29
octobre 1996.
7
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la
conclusion de l'accord intérimaire sur le commerce et les mesures
d'accompagnement et d'un protocole portant modification de l'accord européen
entre la Communauté européenne, la Communauté européenne du charbon et de
l'acier, la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et la
République de Slovénie, d'autre part.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 725 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil portant suspension temporaire totale
ou partielle des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains
produits de la pêche (1997).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 726 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant l'annexe du règlement (CE)
n° 1255/96 du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du
tarif douanier commun sur certains produits industriel et agricoles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 727 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre
la Communauté européenne, d'une part, et le gouvernement du Danemark et le
gouvernement local des îles Féroé, d'autre part.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 728 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
1823/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits de la pêche (2e série 1996).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 729 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil relative à la ratification par la CE de
l'accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des
Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la
conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements
s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà des zones économiques exclusives
(stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 730 et
distribuée.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Lorrain un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur le projet de loi d'habilitation relatif à l'extension et
à l'adaptation à la collectivité territoriale de Mayotte des dispositions
législatives du titre premier du livre VII du code de la santé publique, au
statut du personnel et au financement de l'établissement public de santé
territorial de Mayotte ainsi qu'à la réforme du statut de la caisse de
prévoyance sociale (n° 57, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 72 et distribué.
9
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Jean François-Poncet, Louis Althapé, Bernard Dussaut,
Jean-Paul Emin, Jean Huchon, Bernard Joly, Félix Leyzour, Daniel Percheron,
Jean-Jacques Robert et Michel Souplet un rapport d'information supplémentaire
fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur les enjeux
et les risques d'investissements étrangers en Inde, à la suite d'une mission
d'information effectuée dans ce pays.
Le rapport d'information supplémentaire sera imprimé sous le numéro 73 et
distribué.
J'ai reçu de M. Xavier de Villepin un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sur la mise en place de l'euro :
cadre juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de change (n°s E 719 et
E 720).
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 74 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Genton un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sur la cinquième session de
l'Assemblée parlementaire de l'Organisation sur la sécurité et la coopération
en Europe, l'OSCE.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 75 et distribué.
J'ai reçu de M. Nicolas About un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sur la réforme du système
ferroviaire britannique et le livre blanc de la Commission européenne : « une
stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires ».
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 76 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 13 novembre 1996, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 61, 1996-1997).
Rapport (n° 66, 1996-1997) de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain
Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 68, 1996-1997) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
1° Projet de loi complétant, en ce qui concerne certains contrats de services
et de fournitures, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence
et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de
certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence et la loi
n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains
contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des
télécommunications (n° 9, 1994-1995).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 novembre 1996, à
dix-sept heures.
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre
de la professionnalisation des armées (n° 26, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 novembre 1996, à
dix-sept heures.
3° Projet de loi d'habilitation relatif à l'extension et à l'adaptation à la
collectivité territoriale de Mayotte des dispositions législatives du titre Ier
du livre VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au
financement de l'établissement public de santé territorial de Mayotte ainsi
qu'à la réforme du statut de la caisse de prévoyance sociale (n° 57,
1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 19 novembre 1996, à
dix-sept heures.
4° Projet de loi portant ratification des ordonnances prises en application de
la loi n° 96-1 du 2 janvier 1996 d'habilitation relative à l'extension et à
l'adaptation de la législation en matière pénale applicable aux territoires
d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte et abrogeant certaines
dispositions concernant les îles éparses et l'île de Clipperton (n° 493,
1995-1996).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 19 novembre 1996, à
dix-sept heures.
5° Projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre
1996 prise en application de la loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation
relative au statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale,
des communes et des établissements publics de Mayotte (n° 56, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 19 novembre 1996, à
dix-sept heures.
6° Projet de loi relatif à l'Union d'économie sociale du logement (n° 58,
1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 19 novembre 1996, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 19 novembre 1996, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 13 novembre 1996, à zéro heure
quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 12 novembre 1996
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Ordre du jour prioritaire
Jeudi 14 novembre 1996 :
A
9 h 30,
à
15 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Mardi 19 novembre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30 :
1° Projet de loi complétant, en ce qui concerne certains contrats de
services et de fournitures, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la
transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la
passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en
concurrence, et la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures
de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des
transports et des télécommunications (n° 9, 1994-1995).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 18 novembre 1996, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de
loi.)
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration
d'urgence, relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre
de la professionnalisation des armées (n° 26, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 18 novembre 1996, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de
loi.)
Mercredi 20 novembre 1996 :
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi d'habilitation relatif à l'extension et à l'adaptation à la
collectivité territoriale de Mayotte des dispositions législatives du titre Ier
du livre VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au
financement de l'établissement public de santé territoriale de Mayotte ainsi
qu'à la réforme du statut de la caisse de prévoyance sociale (n° 57, 1996-1997)
;
2° Projet de loi portant ratification des ordonnances prises en application de
la loi n° 96-1 du 2 janvier 1996 d'habilitation relative à l'extension et à
l'adaptation de la législation en matière pénale applicable aux territoires
d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte et abrogeant certaines
dispositions concernant les îles éparses et l'île de Clipperton (n° 493,
1995-1996) ;
3° Projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre
1996 prise en application de la loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation
relative au statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale,
des communes et des établissements publics de Mayotte (n° 56, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 19 novembre 1996, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces trois projets de
loi.)
4° Projet de loi relatif à l'Union d'économie sociale du logement (n° 58,
1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 19 novembre 1996, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures trente minutes la durée globale du temps dont disposeront,
dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur
la liste d'aucun groupe ;
- l'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort
auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole
devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 19
novembre 1996.)
Jeudi 21 novembre 1996 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Du
jeudi 21 novembre 1996,
à
16 heures
et le soir, au
mardi 10 décembre 1996 :
Ordre du jour prioritaire
2993).
Les règles et le calendrier de la discussion des diverses dispositions du
projet de loi de finances pour 1997, fixés par la conférence des présidents du
5 novembre 1996, sont confirmés.
En outre, l'ordre du jour du jeudi 28 novembre 1996 est complété par la
discussion, dans l'après-midi, des conclusions de la commission mixte paritaire
ou de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1997.
Un hommage solennel en séance publique sera rendu à André Malraux le mardi 3
décembre 1996, à 15 heures.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Suite donnée à la proposition de rachat
du péage de Roques-sur-Garonne (Haute-Garonne)
505. - 12 novembre 1996. - M. Gérard Roujas attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux transports sur le dossier particulièrement sensible du péage dit de Roques-sur-Garonne permettant d'accéder à l'ancienne voie de dégagement sud-ouest transformée en A 64, aux portes de Toulouse. Cette situation est unique en France : un péage est installé à un kilomètre de l'entrée d'une grande ville, rendant payante une voie réalisée avec les deniers des contribuables et que les usagers emprunteraient gratuitement jusqu'au 5 mars 1996. Sans revenir sur les différentes péripéties qui ont émaillé ce dossier, il convient d'examiner la situation actuelle. D'un côté, les usagers refusent, à juste titre, cette sorte d'octroi situé à quelques kilomètres du coeur de Toulouse. Comment expliquer que le trafic, à l'endroit où est situé aujourd'hui le péage de Roques, était de 60 000 véhicules par jour avant la mise en service de celui-ci et soit tombé à 14 000 par jour après ? Comment expliquer l'accroissement considérable du trafic sur la RN 20 (de 19 000 à 40 000 véhicules par jour) et sur les voies environnantes ? Si ce n'est par le refus des usagers de payer pour emprunter un axe routier que, jusque-là, ils empruntaient gratuitement. Face à cette détermination, le Gouvernement a fait une proposition de « rachat partiel » du péage. Cette proposition consisterait, semble-t-il, à exonérer certaines catégories d'usagers alors que d'autres continueraient à payer ? Cette demi-solution, fort complexe à mettre en oeuvre, n'est pas acceptable et, on le voit bien, ne permet pas de sortir de l'impasse. Plutôt que d'envisager le rachat total du péage, le Gouvernement semble préférer consacrer 150 millions de francs à des travaux d'aménagement de la RN 20 (travaux à l'échangeur du Chapitre et suppression du passage à niveau de Pinsaguel), travaux dont chacun s'accorde à dire qu'ils ne résoudront que deux problèmes ponctuels et ne permettront pas d'absorber de manière satisfaisante le trafic actuel sur cette route. La majorité du conseil général de la Haute-Garonne et son président ont fait une autre proposition qui serait, elle, de nature à clore définitivement ce dossier. Quelle est-elle ? Négociation avec les autoroutes du sud de la France sur le rachat du péage afin d'en déterminer le juste montant entre les 67 millions de francs demandés en 1991 et les 275 millions de francs avancés aujourd'hui. Participation financière au rachat du péage : du conseil général de Haute-Garonne, du conseil régional de Midi-Pyrénées et des communes concernées. Report des sommes que l'Etat se propose de consacrer à l'aménagement de la RN 20 sur le rachat de ce péage. Sachant que la détermination des usagers est intacte et qu'ils ne sauraient se contenter de demi-mesures, il lui demande si elle entend, et le Gouvernement avec elle, se rallier à la proposition du conseil général de Haute-Garonne et, dans l'hypothèse d'une réponse favorable, si elle entend favoriser sa mise en oeuvre.