M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1997.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'emblée faire part de notre inquiétude de voir le Parlement subir assauts et contraintes le privant du pouvoir souverain de décider librement du budget de la nation.
En effet, la mondialisation devient un élément de votre politique, monsieur le ministre, avec ce qu'elle entraîne en termes de dérégulations et d'inégalités, en lieu et place de réponses à la crise.
La France supporte les conséquences d'une telle évolution.
De 1981 à 1991, il est sorti de France 106 milliards de dollars de capitaux, quand les Etats-Unis en exportaient 184 milliards. Les capitaux français sont de moins en moins investis en France : sur les cent cinquante premières multinationales, treize sont américaines mais neuf sont françaises. Beaucoup de leurs capitaux manquent à l'économie française.
Cette évolution marchande de l'économie de notre pays joue contre la production de richesses nationales. Or M. le Président de la République vient de confirmer la volonté d'encourager cette évolution lors de son voyage au Japon.
Les entreprises, la politique sociale mais aussi les ressources budgétaires souffrent de cette situation.
La mise en place de la monnaie unique nous prive de notre pouvoir de décision en même temps qu'elle nous prive de ressources.
Sous prétexte de réduire le montant des déficits, l'Europe de Maastricht nous contraint à réduire de près de deux points le taux du déficit. L'obsession de la réduction des déficits en vue d'obtenir une place dans la sphère de la monnaie unique conduit le Gouvernement à encadrer le débat budgétaire dans d'étroites limites et à le soumettre à toutes sortes de contraintes.
Notre inquiétude se nourrit de certaines déclarations de M. Arthuis, telles que celle-ci : « Les dépenses de l'Etat vont baisser. Le reflux de la dépense publique et des impôts est destiné à être profond et durable. » Ou encore celle-ci : « L'an prochain, nous serons en phase avec l'Allemagne, qui envisage une croissance comprise entre 2 % et 2,5 %. »
Où est l'intérêt national ? D'autres que nous s'interrogent sur cette évolution et certains de nos collègues expriment une grande inquiétude. La réunion de la commission du 14 novembre, organisée sous l'égide de M. Arthuis, sur les procédures de passage à l'euro l'a montré avec éclat.
Un certain nombre d'élus pensent, comme nous, qu'une politique nationale forte passe par la maîtrise de sa monnaie, de sa défense, de sa diplomatie, donc de son budget. La France frappe l'euro et notre administration des monnaies et médailles se demande où elle va pouvoir stocker tous ces euros.
La France s'efface. Battra-t-elle encore longtemps monnaie française ? C'est une question grave qui est posée. N'envisagez-vous pas d'arrêter de battre des francs en 1998 ?
Quant à la politique de défense nationale, elle ne suscite pas moins d'interrogations quand est remise en cause la production de ses Rafale, quand est réduit de 32 000 unités le nombre de jeunes Français appelés à remplir leur rôle de citoyens-soldats.
Vous avez bâti votre projet de loi de finances autour d'une idée maîtresse, voire exclusive, celle de la réduction du déficit public, et donc des dépenses publiques, en vous alignant sur la politique maastrichienne.
Vous n'avez pas hésité, monsieur le ministre, pour vous soumettre, à réduire de 60 milliards de francs les dépenses publiques, sans aucun souci des besoins de la nation en matière d'emploi, de logement, d'école, de santé, d'équipement, de sécurité. Vingt-cinq des vingt-huit budgets civils sont en baisse. L'ensemble des départements ministériels est touché par cette orientation. Le nombre des fonctionnaires diminue de plusieurs milliers et cela concerne tous les secteurs de la fonction publique.
Les seuls budgets épargnés sont celui des charges communes, du fait de la nouvelle progression du service de la dette, estimé de 235 milliards à 245 milliards de francs, celui de la poste et des télécommunications, avec une montée en charge des frais de paiement des pensions des agents de France Télécom, et celui du travail et des affaires sociales.
C'est l'alourdissement des charges d'exonération des cotisations patronales et des charges liées au RMI qui explique cette évolution.
Pour procéder à l'évaluation politique de la démarche gouvernementale, il est intéressant d'analyser notamment les crédits inscrits au titre IV, d'une part, et aux titres V et VI, d'autre part. En loi de finances initiale, ces deux ensembles constituaient une masse de 532 milliards de francs. Si le Parlement vote le présent projet de budget, ils ne représenteront plus en 1997 que 527 milliards de francs, ce qui correspond à une réduction de près de 3 % en francs constants.
Vous menez une politique de réduction drastique de la dépense publique et, parallèlement, de développement de la recette fiscale.
Vous agissez sous les menaces de l'article 104-C du traité de Maastricht, qui prévoit des sanctions progressives : rapport au Conseil sur l'évaluation globale du déficit, puis établissement de recommandations, secrètes ou publiques, puis mise en demeure avec calendrier précis. En cas de refus d'obtempérer, cela va jusqu'à inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'Etat-membre concerné ou encore à obliger ledit Etat de faire un dépôt de pénalité, lequel peut se transformer en amende.
Vous faites juger le budget de la France par des Etats étrangers !
Je doute fort que le Sénat accepte toutes les sanctions prévues. Nous sommes responsables de notre politique devant les citoyens français et non devant des instances extra-nationales ou para-nationales.
Monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1996, vous affirmiez faire de la réduction des déficits une priorité de votre politique. Vous avez réussi, mais au prix de l'affaiblissement de la croissance et du progrès social.
Vous aviez également considéré l'emploi comme une priorité. Sans progression du pouvoir d'achat, de la consommation, des productions, comment l'affichage de cette priorité pourrait-il être fécond ?
En deux ans, cette politique a coûté 1,2 point de croissance ; ce sont près de 100 milliards de francs de richesses nouvelles et 100 000 à 150 000 emplois qui sont ainsi perdus.
Avec le budget que vous nous présentez, c'est encore un point de croissance qui est abandonné pour s'aligner sur le déficit allemand de 2,5 % en 1997, et même tenter de faire mieux.
Vos chiffres prouvent que vous souhaitez poursuivre dans la même voie. Le taux de croissance retenu devrait être de 2,3 %, mais l'augmentation de la part des ménages serait de 1,4 %. La différence entre ces deux taux est synonyme d'austérité accrue, dans un pays qui compte déjà 3,5 millions de chômeurs. Et une telle perspective inquiète de plus en plus les Français.
Pour la première fois depuis la Libération, le secteur public ne créera pas d'emplois.
Vos mesures budgétaires, prétendez-vous, s'accompagnent de réductions de l'impôt. Il s'agit d'une contre-vérité puisque l'article 33, article d'équilibre, prévoit la perception de 1 269,2 milliards de francs de recettes nettes pour une stabilisation des dépenses à 1 553 milliards de francs, mais avec une hausse de 15,7 milliards des recettes fiscales.
Les recettes augmentent, et je voudrais rappeler comment elles se répartissent. La TVA, impôt injuste par essence, représente 45,6 % du total. La taxe intérieure sur les produits pétroliers, tout aussi injuste, en représente 10,9 %. La part de l'impôt sur le revenu passerait de 22,7 % à 20,9 % et celle de l'impôt sur les sociétés resterait stable à 10,4 %.
Non, monsieur le ministre, vous ne nous proposez nullement une réforme démocratique de notre fiscalité. Les grandes caractéristiques de notre fiscalité sont maintenues : poids excessif et déterminant des droits indirects, rôle accessoire des impôts progressifs, au demeurant insuffisamment progressifs.
Votre réforme de l'impôt sur le revenu, dont traitent les articles 2 à 8, n'en modifie que très peu l'assiette, celle-ci restant constituée, pour l'essentiel, par les salaires et les pensions de retraite. Les modifications proposées ne portent que sur les taux du barème.
Si l'on fait la somme des mesures annoncées, on constate que salariés et retraités vont être mis nettement à contribution, alors que les non-salariés obtiendront une nouvelle disposition favorable, s'ajoutant aux avantages déjà accordés en matière de revenus fonciers, de quirats, tandis qu'est maintenu, voire renforcé, le traitement dérogatoire des revenus du capital.
Vous ne pouvez contester le fait que 80 % des revenus financiers des ménages échappent à l'application du barème progressif et que les seules extensions d'assiette de l'impôt concernent les indemnités de maternité et d'accident du travail. Cela montre à l'évidence que la réforme démocratique de la fiscalité reste à entreprendre.
Je compléterai cette analyse par quatre autres remarques.
Premièrement, la participation de 87 milliards de francs au budget européen reste bien inférieure à ce qui revient de l'Europe à la France. Pour la France, l'Europe est non une aide, mais un boulet financier.
Deuxièmement, l'équilibre n'est assuré que par l'article 28, qui prévoit un versement de 37,5 milliards de francs de provisions pour les retraites de France Télécom, au profit d'un nouvel établissement public. Vous n'hésitez pas à démanteler le service public !
Troisièmement, l'article 29 prive le logement social de 7 milliards de francs et le budget de la santé organise fermetures de lits, voire de services ou d'hôpitaux, et suppressions d'emplois.
Ma quatrième observation concerne les collectivités territoriales. Paul Loridant analysera, au nom de notre groupe, vos propositions à ce sujet mais je tiens à dire dès à présent que votre intérêt soudain pour la hausse des impôts locaux ne s'exprime que dans le cadre de votre obsession de la réduction des dépenses publiques.
Vous voulez que les collectivités locales constituent le relais de votre politique. Vous savez bien, monsieur le ministre, que les élus de la quasi-totalité des départements, villes et villages doivent faire face à des besoins croissants, devant le chômage et la précarité vécue par les habitants.
Il est indéniable que si vous imposez aux collectivités territoriales de nouvelles réductions des dépenses, vous aggraverez les conditions de vie des citoyens.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les élus ont déjà réalisé des économies importantes ces dernières années pour boucler leur budget.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est contraire aux intérêts de la France, de ses citoyens, de l'emploi, de son économie. Nous le maltraiterons tout au long du débat budgétaire.
Nous défendrons cent seize amendements. A l'évidence, ce qui compte, c'est non pas leur nombre, mais leur orientation, qui correspond à une autre conception des choix et des équilibres budgétaires.
Ces amendements répondent à six objectifs.
Premièrement, la relance de la consommation repose sur l'amélioration du pouvoir d'achat, qui est porteur de recettes pour l'Etat.
Deuxièmement, des mesures de progrès social peuvent accompagner les recettes.
Troisièmement, des rentrées fiscales nouvelles peuvent surgir d'une plus grande justice fiscale.
Quatrièmement, les privatisations sont porteuses d'austérité, d'érosion fiscale et de réduction de l'emploi. Elles doivent être revues pour assurer une prospérité nouvelle.
Cinquièmement, les finances des collectivités territoriales peuvent être sources de réponses aux besoins de la population et représenter des compléments d'une gestion démocratique de l'Etat.
Enfin, sixièmement, des mesures de réduction de l'impôt en faveur du contribuable moyen s'imposent. Ce dernier est accablé de prélèvements, monsieur le ministre !
Par conséquent, nous n'adoptons pas une attitude de repliement critique et frileux pour cette discussion budgétaire. Au contraire, nous avons une confiance forte dans les possibilités de la France. Ecoutez notre voix et nos propositions : elles sont animées de la certitude que la France est encore riche et productive, qu'elle peut devenir une nation libre d'établir un bon budget, équilibré, démocratique, empreint de justice sociale et de progrès.
Les amendements que nous avons déposés seront l'expression de cette confiance.
Vous rencontrerez de notre part une attitude défavorable, indignée face à votre budget de renoncement et d'inégalité, monsieur le ministre. Désormais, il ne tient qu'à vous que nous adoptions une autre attitude. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc réunis ce soir pour l'exercice rituel de l'examen du budget de l'Etat, qui, au-delà de l'aspect purement comptable, retient particulièrement notre attention parce qu'il détermine, bien sûr, les orientations économiques et politiques du pays.
Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour 1997 ? Vos objectifs sont clairs, puisque ce sont les mêmes depuis bientôt quatre ans : la réduction du déficit public, accompagnée de deux grandes priorités, l'emploi et la cohésion sociale.
Si je peux vous féliciter pour votre constance dans l'affichage de vos priorités, je n'en ferai pas autant pour votre persévérance dans l'échec. En effet, les résultats sont malheureusement, eux aussi, à peu près les mêmes depuis quelques années.
Par ailleurs, la présentation générale de la loi de finances pour 1997 me semble assez étonnante. Elle s'inscrit dans un cadre économique qui, nous dit-on, est prometteur : l'hypothèse de croissance retenue pour 1997 est de 2,3 %.
Puis-je vous rappeler, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, lors de l'examen du projet de budget pour 1996, la croissance avait été évaluée à 2,8 %. Finalement, elle n'a été - et je le regrette - que de 1,3 %.
Les mathématiques nous apprennent qu'une mauvaise hypothèse conduit à de faux résulats. Or la surestimation de la croissance engendre fatalement une défaillance des recettes fiscales. Et la prétendue maîtrise des finances publiques est rétablie en cours d'année par des gels ou des annulations de crédits.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous continuer à bâtir votre budget sur un tel excès d'optimisme ? La réponse est simple : c'est parce que vous croyez à l'efficacité de votre politique. Malheureusement, en dehors de vous, presque plus personne n'y croit et il y a en France un vrai problème de défiance collective à l'égard de vos actions. Et pour cause !
Si la déflation, les excédents du commerce extérieur et le taux d'autofinancement des entreprises vous autorisent à penser que la France est sur la voie du redressement, tant mieux ! Mais l'indicateur qui révèle le mieux la vitalité d'un pays est bien celui de l'emploi. Si le rétablissement des marges financières et l'augmentation des exportations ne profitent pas à l'emploi, on ne peut guère crier victoire.
Le nombre de demandeurs d'emploi est passé de 11,6 % en août 1995 à 12,6 % à ce jour. Alors que la priorité est, d'après vos dires, justement celle-là, le marché du travail se dégrade : le chômage de longue durée s'installe, les licenciements économiques augmentent et les offres d'emploi stagnent.
La cohésion sociale, seconde priorité affichée dans le présent texte, comme dans les précédentes lois de finances, risque aussi d'être contrariée, me semble-t-il - je le dis de la manière la plus modérée possible - par le problème du chômage, que je viens d'évoquer, ainsi que par vos choix budgétaires.
Comment maintenir la cohésion sociale lorsqu'on réforme la fiscalité dans un sens inégalitaire et que l'on supprime des emplois et des crédits publics, à un moment où la situation exigerait que soient menées des actions vigoureuses dans les domaines du logement, de l'éducation ou de l'aménagement du territoire ?
Le projet de budget soumis à partir d'aujourd'hui à notre examen représenterait l'amorce d'une réforme fiscale. Si le transfert du poids de la fiscalité des plus favorisés vers ceux qui le sont moins constitue une réforme fiscale, c'est que nous ne partageons pas, me semble-t-il, la même notion des changements.
Vous annoncez - avec, pour une fois, de grands efforts de pédagogie et de communication - une réduction des impôts sur le revenu de l'ordre de 25 milliards de francs. Toutefois, vous omettez de préciser que la hausse de certains prélèvements, ainsi que l'augmentation du taux de la TVA et des taxes sur les carburants, les alcools et le tabac ont entraîné une ponction sur le pouvoir d'achat des ménages de plus de 100 milliards de francs cette année.
La hausse de la fiscalité indirecte a permis de récupérer un produit quatre fois supérieur au montant de celui qui sera rendu aux contribuables par la fiscalité directe. En outre, vous le savez - nous sommes nombreux à le répéter - la TVA est l'impôt qui frappe le plus durement les bas revenus, ce dès le premier franc de consommation.
Une véritable réforme consisterait donc à s'attaquer à cette perversion. Certes, je ne dis pas que l'impôt sur le revenu est un modèle d'équité. Néanmoins, monsieur le président de la commission, il a ma préférence. Outre le fait qu'il a été instauré au début du siècle par Joseph Caillaux, un radical...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Au taux de 1,1 % !
M. Jean-Michel Baylet. ... il a également le mérite d'introduire une progressivité et d'être facilement perfectible.
A mon sens, réviser la fiscalité consiste non pas à jouer sur les taux, mais plutôt à revoir les fondements de l'impôt.
S'agissant précisement de l'impôt sur le revenu, un élargissement des assiettes taxables, un rapprochement des conditions de taxation des différentes sources de revenu, la mise en place d'une retenue à la source sur les salaires et la prise en compte de la situation patrimoniale dans l'appréciation de la capacité contributive conduiraient, me semble-t-il, à une meilleure répartition de ce que nous pouvons appeler « le fardeau fiscal ».
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est juste !
M. Jean-Michel Baylet. En ce qui concerne les dépenses, sans entrer dans le détail - nous aurons l'occasion de le faire fascicule par fascicule - permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que, là aussi, certains choix budgétaires me laissent perplexe.
Le respect des critères de convergence vous invite à réduire le déficit public. Soit ! Je ne suis pas de ceux qui s'inscrivent dans une orientation farouchement anti-européenne, voire anti-maastrichtienne. Les radicaux socialistes ont, s'agissant de la construction européenne, une tradition sociale, et ils l'assument !
Mais s'agit-il de le faire aveuglément ? S'agit-il de le faire au risque de creuser davantage les inégalités sociales et de favoriser la marginalisation d'une partie de la population ?
Vous croyez réformer la fiscalité ; en réalité, vous ne le faites pas. Vous pensez réduire le déficit public tout en oeuvrant pour le maintien de la cohésion sociale ; en fait, vous vous attaquez aux budgets les plus impliqués dans la lutte contre l'exclusion.
L'emploi, le logement, l'aménagement du territoire, l'industrie, les collectivités locales, la jeunesse, les structures d'éducation populaire, et bien d'autres secteurs encore, feront les frais de ces orientations.
En ce qui concerne, par exemple, les crédits consacrés à l'emploi, ils augmenteraient de 3,5 %, tandis que plus de 47 milliards de francs seraient inscrits au budget des charges communes pour financer, entre autres, l'allégement du coût du travail. Vous persistez, en effet, à privilégier les incitations à l'embauche, alors que - nous le savons bien ! - les entreprises ne recrutent pas au-delà de leurs stricts besoins. Et quand elles le font, elles utilisent parfois - pour ne pas dire souvent - ces aides en précarisant des emplois qui ne devraient pas l'être.
Dans ces conditions, en renforçant le cap sur les allégements de charges, vous contribuez à faire du travail une sorte de variable d'ajustement
La diminution de 15,5 % des crédits consacrés à l'aménagement du territoire, ainsi que la quasi-stabilisation des concours aux collectivités locales et à la décentralisation ne me semblent pas non plus aller dans le sens d'une réduction de la fracture sociale.
Afin de répondre à une demande d'aide sociale de plus en plus forte, les collectivités territoriales sont contraintes d'augmenter leur propre fiscalité pour répondre au désengagement de l'Etat dans certains secteurs. En l'occurrence, elles devront subir les répercussions de la suppression de 5 600 emplois que vous programmez dans la fonction publique.
Je constate que les promesses faites au moment de l'adoption de la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire sont contredites - c'est le moins qu'on puisse dire - par ces évolutions. Cela aura pour résultat la multiplication des zones fragiles ainsi que l'aggravation des difficultés pour ceux qui y vivent.
Enfin - c'est le dernier exemple - le secteur du logement, qui contribue pourtant très fortement à la cohésion sociale, voit ses moyens diminuer de plus de 4 %.
Parmi les nouvelles dispositions, le remplacement de la subvention budgétaire par une réduction de la taxe sur la valeur ajoutée de 20,6 % à 5,5 % pour la construction de logements locatifs sociaux me semble une remise en cause des aides à la personne que rien ne justifie. En outre, est-on certain de la neutralité financière d'une telle mesure ? J'espère que M. le ministre délégué au logement apportera des garanties sur ce sujet - elles sont attendues - en ce qui concerne plus particulièrement les organismes d'HLM, qui sont aujourd'hui légitimement très inquiets.
D'une façon générale, je vous l'ai dit, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances ne me paraît pas de nature à contribuer à l'amélioration de la situation économique de notre pays.
Une fiscalité désavantageuse pour les plus démunis, une diminution des moyens attribués aux principaux secteurs susceptibles de maintenir la cohésion sociale : toutes ces orientations tournent le dos à un possible redressement.
Seule une politique volontaire de relance, animée par les principes de solidarité et de justice sociale, permettra de retrouver les chemins du progrès. Hélas ! ce n'est pas le cas ! C'est la raison pour laquelle mes amis radicaux socialistes et moi-même ne pouvons approuver un tel budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premières paroles seront pour féliciter le Gouvernement, à la différence de l'orateur précédent (M. Baylet sourit), d'avoir eu le courage de stabiliser la dépense publique, d'entamer dès 1997 la nécessaire décrue des prélèvements obligatoires et d'avoir, dans l'ensemble des domaines concernés par le budget, soumis à un examen approfondi un certain nombre d'actions de l'Etat.
Comme mon collègue et ami M. Roland du Luart, j'approuve les objectifs de réduction des déficits budgétaires et sociaux, de remise en ordre de la fonction publique de l'Etat et de réorganisation des interventions en matière économique et sociale que s'est fixés le Gouvernement.
Mais, tout en approuvant le cadrage d'ensemble, je me pose quelques questions que je vais rendre publiques. Si ces questions ne remettent pas en cause la ligne politique que défend le Gouvernement et qu'a soutenue la commission des finances à travers les excellentes interventions de son président et de son rapporteur général,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Merci, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... elles pourraient déboucher, monsieur le ministre, sur quelques variantes.
J'aborderai trois domaines : la réforme fiscale, la protection sociale et les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
S'agissant de la réforme fiscale, je poserai deux questions.
En premier lieu, fallait-il commencer, en 1997, par la réforme de l'impôt sur le revenu et y consacrer 25 milliards de francs ?
M. Michel Sergent. Sûrement pas !
M. Jean-Pierre Fourcade. Quand on examine les indicateurs économiques, on s'aperçoit, quoi qu'on dise, que la consommation des ménages correspond à peu près aux prévisions qui avaient été faites l'année dernière, que nos résultats en matière de commerce extérieur sont satisfaisants, que l'inflation est maîtrisée et que le véritable moteur qui ne fonctionne pas dans notre économie, c'est l'investissement.
Aussi, je ne vous interrogerai pas sur le choix entre réforme de l'impôt sur le revenu et baisse de la TVA, car une diminution de 25 milliards de francs en matière de TVA représenterait une réduction infinitésimale du taux de cette taxe et n'aurait aucun effet,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... ni sur les consommateurs ni sur les entreprises. Je me demande s'il n'aurait pas fallu que l'effort portât en priorité sur l'incitation à l'investissement productif. En effet, nous prenons du retard dans ce domaine : nos entreprises ne s'équipent pas.
En matière d'investissement productif, l'« électroencéphalogramme » est plat depuis plusieurs années et si jamais nous assistons, ce que je souhaite comme vous, à une reprise de la croissance dès la fin de cette année et l'an prochain, nous risquons de rencontrer de nouveau quelques goulets d'étranglement.
Un aménagement temporaire, par exemple entre le vote du projet de budget et la fin de l'année 1997, des coefficients d'amortissement, une accélération de l'amortissement dégressif sur un certain nombre de machines et de matériels auraient permis d'accélérer la reprise et de donner un meilleur profil à l'année 1997. En effet, nous ne risquons rien en matière de commerce extérieur puisque, avec un excédent qui sera de l'ordre de 100 milliards de francs, un déséquilibre n'est pas à redouter et, s'agissant de l'inflation, les conséquences ne seraient pas très graves.
La seconde question est plus difficile, monsieur le ministre, et, je l'avoue, sur ce point, je n'ai pas de certitude, ni vous non plus d'ailleurs, ni la commission des finances : faudra-t-il conserver longtemps un système hybride de déduction partielle de la CSG dans le cadre d'un impôt sur le revenu réduit en volume et en nombre d'assujettis ?
M. Jacques Delong. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet, deux thèses sont concevables.
La première consisterait à revenir au vieux système de la taxe proportionnelle et de la surtaxe progressive. J'ai été rapporteur, dans ma jeunesse, de la commission qui, en 1959, a mis fin à ce système de taxe proportionnelle et de surtaxe progressive, pour créer l'impôt unique sur le revenu.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Hélas !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cependant, comme en matière fiscale il n'y a jamais d'innovation, on peut parfaitement revenir au système d'avant 1959. A ce moment-là, il n'y a pas de déduction de la CSG, laquelle est transformée en impôt proportionnel et notre impôt sur le revenu a deux étages : un impôt proportionnel avec un taux faible frappant tous les revenus et une surtaxe progressive ne frappant que les revenus élevés.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. L'autre thèse consisterait à conserver à la CSG sa vocation sociale, de lui garder son caractère de cotisation. A ce moment-là, il faut aller jusqu'au bout et accepter que cette cotisation soit entièrement déductible de l'impôt sur le revenu, qui serait un véritable impôt sur le revenu, mais alors quel danger représente la réduction du nombre d'assujettis à cet impôt. En effet, plus le nombre d'assujettis est réduit et plus les déductions créeront des inégalités envers ceux qui ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu.
Je préfère, pour ma part, la deuxième formule, à la condition que l'on ne réduise pas trop le nombre d'assujettis à l'impôt sur le revenu.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce n'est pas la démarche qui est suivie !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je souhaite qu'il soit procédé à un examen approfondi au cours des prochains mois et que la commission des finances du Sénat entreprenne une réflexion sérieuse, comme elle a l'habitude de le faire, avant qu'une décision définitive ne soit trop rapidement arrêtée. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, la déduction de la nouvelle tranche de CSG que l'on crée cette année est un système - j'allais dire radical-socialiste, mais cela ne serait pas très gentil pour notre collègue M. Baylet ! (Sourires sur les travées socialistes.) - parfaitement hybride qui, selon moi, ne pourra pas être appliqué très longtemps.
En ce qui concerne la protection sociale, j'exprimerai deux inquiétudes.
Le vote récent de la loi de financement de la sécurité sociale montre clairement, pour tous ceux qui ont étudié en profondeur l'ensemble de ce texte, que le retour à l'équilibre sera difficile à obtenir si nous différons sans cesse les nécessaires réformes de structures.
La France dispose aujourd'hui de 144 régimes de sécurité sociale si nous additionnons les régimes de base, les régimes spéciaux et les régimes complémentaires. Cette prolifération de régimes entraîne, à l'évidence, des problèmes de relations financières complexes et opaques entre les uns et les autres, avec des systèmes de prélèvements dans lesquels vos collaborateurs de la direction du budget découvrent, chaque année, comme par hasard, un fonds excédentaire dont le « pompage » sert à financer un régime qui ne fonctionne plus.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. La CNRACL !
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est plus la théorie du sapeur Camember qu'une politique budgétaire rationnelle.
Le moment est venu d'une remise à plat de l'ensemble de ces systèmes. Elle nous permettra de dégager beaucoup d'économies de gestion, de simplifier les transferts et nous obligera à mettre en parallèle les avantages réciproques des différentes prestations ; cela permettra, sans doute mieux que des décisions autoritaires prises sans concertation, de faciliter sinon l'harmonisation tout au moins le rapprochement des différents régimes. Je ne veux pas la mort du pécheur ni une nouvelle grêve à la SNCF, mais je souhaite que l'on commence à examiner la situation de près et que l'on évite de « pomper » les excédents de ressources d'un régime qui donne un certain type de retraite pour financer un régime accordant un autre type de retraite avec des méthodes de calcul, un âge de départ et des conditions spécifiques différents.
Il s'agit d'une réforme tout à fait importante. Si le Gouvernement et le Parlement n'ont pas le courage de conduire cette réforme en profondeur, en distinguant bien ce qui relève du domaine de l'assurance et qui doit être couvert par des cotisations de ce qui est du ressort de la solidarité et qui doit être couvert par le budget de la nation, je crains que nous ne risquions de continuer à prélever les excédents des uns pour résorber les déficits des autres, et finalement de porter atteinte à l'essence même de notre système de sécurité sociale. Croyez-moi, cette inquiétude est partagée par nombre de nos collègues qui sont spécialistes de ces questions. Ces réformes ne pourront pas être différées très longtemps.
J'ai une autre inquiétude en matière de prélèvements sociaux, qui m'est apparue lorsque j'ai examiné un certain nombre de statistiques et vu les réactions offensées d'un certain nombre de catégories sociales dès lors que sont abordées des sujets quelque peu tabous.
Je suis, en effet, un peu inquiet de constater que le Gouvernement et le Parlement, tout au moins sa majorité, se sont engagés depuis quelques années dans un effort continu de réduction des taux des cotisations et des prélèvements correspondant à notre politique sociale. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que figuraient au budget des charges communes 43 milliards de francs au titre des allégements de cotisations patronales sur les salaires des personnes qui perçoivent entre 1 et 1,33 SMIC, c'est-à-dire des travailleurs en principe peu qualifiés. Ces 43 milliards de francs représentent une charge budgétaire tout à fait importante.
Nous nous sommes donc lancés depuis quelques années dans une réduction du poids des cotisations sociales. Or, dans le même temps, depuis sept ou huit ans, nous constatons une contraction continue de l'assiette des cotisations sociales versées par les entreprises.
Ainsi, des salaires sont versés à l'étranger, et la mondialisation de l'économie ne fait que favoriser ce processus. Nous assistons aussi à la multiplication des avantages en nature. Des indemnités de licenciement sont transformées en capital de départ, en dehors de toute législation. Nous assistons - et c'est plus grave - à la mise en oeuvre d'un dispositif inventé par des cabinets de conseils fiscaux spécialement astucieux. Il s'agit de la suppression de la rémunération salariale pour les gérants minoritaires de SARL. Ceux-ci sont rémunérés par des honoraires et ils transforment en dividendes le produit de leur activité, et tout cela échappe donc à toute cotisation sociale. Il y a, enfin, les fameux stock-options dont nous avons parlé assez longuement dans cette enceinte. Présentés au départ comme un avantage que l'on octroyait à quelques cadres dirigeants très sélectionnés, ils concerneraient aujourd'hui plus de 150 000 cadres et dirigeants de notre pays, qui ont trouvé là un moyen de bénéficier de rémunérations accessoires échappant à toute cotisation sociale.
Aussi, lorsque l'on examine les comptes des régimes sociaux, la conjoncture a bon dos ! En effet, on dit : « Comme la conjoncture n'est pas très bonne et que le taux de croissance est faible, les recettes attendues de l'évolution de la masse salariale ne correspondent pas à la réalité. » Non ! Il y a, certes, un ralentissement conjoncturel au terme duquel l'assiette des cotisations sociales ne progresse pas autant que les dépenses, mais il y a aussi un phénomène d'évasion et de restriction de l'assiette qui me paraît tout à fait dangereux.
On a beaucoup parlé, voilà quelques mois ou quelques années, des entreprises citoyennes. Face à cette diminution de l'assiette, nous devrions avoir deux attitudes. D'abord, ne pourrions-nous pas demander à ces entreprises qui se veulent citoyennes de le démontrer en cessant ces petits jeux ? Ensuite, pour revaloriser un peu le pouvoir d'achat et pour montrer que notre objectif est de diminuer globalement les charges sociales, ne pourrions-nous pas aussi réduire un certain nombre de cotisations acquittées par les salariés ? En effet, nous sommes sûrs que cela se traduirait immédiatement en gain de pouvoir d'achat et que nous aurions un effet économique certain dans le cadre de la conjoncture actuelle.. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Delong. Pour une fois, la gauche applaudit la droite !
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous le voyez, ce sont des variantes, monsieur le ministre.
M. Michel Charasse. Des variations sur un thème !
M. Jean-Pierre Fourcade. Des variantes !
M. Michel Charasse. Belle partition !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le troisième point que je voudrais évoquer concerne les rapports entre l'Etat et les collectivités locales.
Le congrès de l'Association des maires de France qui se tient en ce moment à la porte de Versailles l'a bien montré, il faut que cesse cette tension permanente entre les gouvernements - car, hélas ! ce n'est pas le gouvernement auquel vous appartenez qui a créé la tension ; c'est une longue histoire - et les collectivités locales.
Nous sommes tous confrontés à un problème de pénibilité de l'effort fiscal et de pénurie de la ressource, tant l'Etat que les collectivités territoriales. Il faudrait que ensemble nous analysions la réalité des transferts de charges et des compensations. Nous sommes tous favorables, à quelques exceptions près, à la construction européenne, nous subissons tous la mondialisation de l'économie et il est clair que doit cesser le fameux petit jeu qui consiste à dire que lorsqu'il y a problème au niveau des collectivités locales, l'Etat n'a qu'à donner quelques ressources supplémentaires, ou, pour l'Etat, que lorsque les collectivités locales dépensent trop, elles n'ont qu'à réduire leurs dépenses. Tout cela doit cesser et les querelles relatives aux dépenses et aux recettes doivent être laissées au vestiaire.
L'Observatoire des finances locales, créé l'an dernier, a été mis en place pour donner une base objective à ce constat. Il doit proposer des perspectives à moyen terme de collaboration fructueuse. En dépit du petit incident concernant la REI, la réduction de taxe professionnelle pour l'embauche et l'investissement, que nos collègues de l'Assemblée nationale ont rapidement...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Réglé !
M. Michel Charasse. Passé à la trappe !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... résolu et renvoyé aux calendes grecques, nous pouvons dire que 1997 est une année où l'Etat tiendra ses engagements.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il n'y a pas - et c'est important de le dire aujourd'hui - de nouvelles offensives vis-à-vis des collectivités locales. Il faut donc mettre à profit l'année 1997 pour entamer la réflexion, pour tenter de mettre un terme à ces querelles, pour étudier sereinement les objectifs que nous nous fixons et les modalités de partage de la recette - rare - que nous pouvons mettre en oeuvre.
Mais, bien entendu, monsieur le ministre, cette amélioration des relations suppose un certain nombre de choses.
D'abord, il faut que le pouvoir normatif des administrations centrales soit contenu. Or, nous constatons, à l'heure actuelle, que, s'agissant des règles de sécurité, de la construction des crèches, des problèmes d'environnement ou de dépollution, il ne l'est pas. Aussi, nous souhaitons que vous soyez de notre côté pour éviter que ceux qui n'ont plus de subventions à distribuer ne cessent de nous envoyer des directives ou de nous fixer des obligations en matière de normes.
M. Michel Sergent. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il faut également que les chambres régionales des comptes s'occupent moins de l'opportunité de la dépense que de l'effet de cette dépense sur l'ensemble des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Paul Loridant. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il faut enfin - car chacun doit balayer devant sa porte - que la mise en place de l'intercommunalité soit non pas un prétexte pour additionner plusieurs niveaux de fiscalité, mais simplement l'adaptation aux besoins de nos concitoyens dans les structures territoriales. Il s'agit de rechercher à chaque fois, par l'effet de dimension, à réduire le coût et, par conséquent, à pouvoir, avec une fiscalité égale, agir dans de meilleures conditions grâce à la mise en commun des énergies que permet l'intercommunalité.
Chacun doit faire des efforts pour réduire les dépenses, contenir les masses salariales, baisser le coût des services. Si nous nous engageons ensemble dans cette réforme de nos structures - vous avez d'ailleurs commencé, monsieur le ministre, à dégager quelques lignes directrices - et si nous essayons en même temps d'améliorer la productivité du dernier franc, du franc marginal de nos dépenses, nous pouvons obtenir un certain nombre de résultats pour répondre aux difficultés de la période actuelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai conscience que ces quelques questions que je pose, ces quelques suggestions que je lance, un peu comme on lance une bouteille à la mer - mais l'histoire montre que, parfois, cette bouteille arrive à destination - dépassent très rapidement la cadre du débat budgétaire actuel et que je suis très loin d'un certain nombre de préoccupations plus immédiates concernant un certain type de fiscalité.
C'est pourquoi, tout en confirmant le soutien que mon groupe apporte à la politique du Gouvernement...
M. Paul Loridant. La chute est moins bonne !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... - et, encore une fois, je n'en mets pas en cause la ligne directrice, mais je suggère seulement quelques variantes - je forme le voeu que l'ouverture de ce dialogue approfondi entre le Gouvernement et sa majorité fera revenir la confiance. Et le retour de la confiance, mes chers collègues, ce sera le point de départ de la croissance, et donc de l'amélioration de l'emploi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. Rouvière et Loridant applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur l'ensemble des raisons qui motivent notre soutien au projet de budget pour 1997 : mon collègue et ami Xavier de Villepin l'a très bien exprimé au nom du groupe de l'Union centriste.
Cependant, monsieur le ministre, le congrès des maires de France, qui s'est achevé ce jour, nous a permis de noter un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes chez nos collègues élus locaux. J'essaierai de m'en faire l'écho dans mon intervention, qui portera donc sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Les concours de l'Etat aux collectivités locales atteindront 243 milliards de francs environ en 1997, soit une progression de 1,32 % par rapport à 1996.
Les parlementaires et élus locaux que nous sommes apprécions à sa juste valeur l'effort financier de l'Etat en direction des collectivités locales, dans un contexte économique difficile sur le plan national et international.
Il convient cependant de rappeler que les lois de décentralisation ont entraîné d'importants transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales, sans que les moyens financiers, matériels et techniques correspondants aient pu être transférés. Les collectivités, grâce non seulement à la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement et de personnel, mais également à la rationalisation de la gestion des services sociaux et malgré un effort sans précédent d'équipement scolaire, ont réussi, jusqu'à une période récente, à maîtriser leurs dépenses de fonctionnement.
Depuis lors, cependant, cette maîtrise des dépenses a été compromise, du fait, d'une part, de la situation économique et sociale et, d'autre part, de la diminution des concours financiers de l'Etat.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, les dépenses d'aide sociale des départements augmentent de manière très inquiétante et, par voie de conséquence, il en est de même des contingents mis à la charge des communes.
Dans le même temps, les dépenses de personnel suivent une tendance ascendante, non point du fait d'embauches supplémentaires ou massives, mais à cause de la revalorisation des traitements résultant d'accords signés entre l'Etat et les organisations syndicales, auxquels les collectivités locales ne sont d'ailleurs pas associées. A titre d'indication, la hausse des dépenses de personnel votées en 1996 est de 6,4 %.
Par ailleurs, de nouvelles charges viennent peser sur les budgets des communes et pèseront de plus en plus dans les années qui viennent : il s'agit, notamment, des dépenses résultant de normes d'origine européenne en matière de sécurité et d'environnement. A titre d'exemple, plus de 10 milliards de francs par an seront consacrés à l'eau. Eau, assainissement, traitement des déchets, peut-on payer ?
Je pense également aux dépenses qui résultent de la départementalisation des services d'incendie et de secours, avec son incidence sur la DGF.
A cet égard, je souhaiterais vous faire part de l'inquiétude de nombreux élus locaux du fait de l'écart croissant entre l'évolution des recettes et celle des charges des collectivités, ce qui crée, on le sait bien, un « effet de ciseau » difficilement supportable. C'est ce que met en lumière très clairement un récent rapport de l'observatoire des finances locales, présenté par notre collègue Paul Girod.
Nous risquons donc d'assister, en 1997, à une hausse sensible des impôts locaux et, dans les collectivités qui en ont la capacité, à un recours à l'emprunt. D'autre part, du fait des restrictions budgétaires, les élus locaux sont obligés de limiter au maximum les dépenses d'investissement, ce qui n'est pas sans conséquence pour les carnets de commandes des entreprises et la situation de l'emploi.
Dans ce contexte plutôt difficile, comment évoluent les dotations de l'Etat en 1996 ?
Je dirai tout d'abord un mot du pacte de stabilité financière institué l'année dernière et visant à lier pour trois ans l'Etat et les collectivités locales.
Il s'agit, en fait, d'assurer à l'enveloppe constituée par les concours de l'Etat et par la dotation de compensation de la taxe professionnelle une progression indexée sur l'évolution des prix à la consommation hors tabac, le Gouvernement s'engageant à ne pas modifier cette indexation pendant la durée du pacte.
Le pacte de stabilité sera respecté en 1997.
M. Paul Loridant. En apparence !
M. Philippe Arnaud. C'est incontestablement un fait positif, qui ne peut que renforcer les relations de confiance entre l'Etat et les élus locaux.
En revanche, certaines des modalités d'application de ce pacte de stabilité appellent quelques réserves.
Ainsi, la dotation globale de fonctionnement sera calculée, en 1997, par rapport au montant de 1996 révisé à la baisse sur la base des derniers indices connus ce qui entraînera 700 millions de francs de manque à gagner pour les collectivités locales. La DGF ne devrait donc augmenter que de 1,26 % seulement si l'on prend pour référence la dotation initiale pour 1996. Et je signale que cette hausse n'est que de 0,65 % pour les communes bénéficiant de la seule dotation forfaitaire.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, augmentera de 2 % hors compensation de la réduction pour embauche et investissement. Mais cette augmentation doit être relativisée du fait des différentes ponctions opérées par l'Etat sur la DCTP depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cependant, la majoration de 300 millions de francs après application des règles de stabilité, obtenue par le Sénat, sera respectée en 1997.
S'agissant des compensations d'exonérations et dégrèvements, il faut se féliciter de la disparition, dans ce projet de loi, d'une mesure qui risquait de ponctionner les finances locales à hauteur de 1,6 milliard de francs : il s'agit de la réduction de la compensation de la taxe professionnelle pour l'embauche et l'investissement, la fameuse REI. Le Gouvernement n'entend pas, nous le savons, rétablir cette disposition lors des débats au Sénat, M. le Premier ministre nous l'a confirmé lors d'une réunion avec les sénateurs de la majorité sénatoriale, mardi dernier.
M. Paul Loridant. Ah bon ? Mais nous, nous n'y étions pas !
M. Philippe Arnaud. Je crois que c'est une décision pleine de sagesse et mon groupe vous en remercie, monsieur le ministre.
En revanche, une autre mesure touche directement les ressources des collectivités locales : il s'agit des modalités de paiement du solde des 2 milliards de francs que l'Etat leur doit encore au titre de la compensation des pertes de ressources du fait de la baisse des droits de mutation. D'après le projet de budget, ce paiement serait étalé sur trois ans, et donc divisé en trois enveloppes d'un peu plus de 660 millions de francs. A cet égard, je ne vous cache pas notre préférence pour le dispositif proposé par M. le rapporteur général, à savoir un étalement sur deux exercices et non pas sur trois. Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même voterons cet amendement.
Quant au fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, il est évalué à 21,7 milliards de francs. Il sera attribué à règle constante, en tenant compte de la hausse des taux intervenue en 1995.
A propos du FCTVA, notre rapporteur général et la commission des finances sont à l'origine d'un amendement qui me semble aller dans le sens de la simplification et de la justice : en application de la loi de finances rectificative pour 1988, une communauté de communes ne peut pas bénéficier d'un reversement de TVA concernant des travaux de voirie entrant dans son champ de compétence lorsqu'elle n'est pas propriétaire de ladite voirie. Il s'agit là d'une disposition inadaptée, qui ne tient pas compte du rôle croissant joué par les regroupements de communes dans la réalisation des infrastructures et de celui que nous-mêmes souhaitons leur voir jouer.
C'est pourquoi nous soutiendrons également l'amendement de M. le rapporteur général qui tend à modifier les conditions d'accès au FCTVA concernant les communautés de communes et les travaux de voirie.
De façon plus générale, il arrive aussi de plus en plus souvent que l'Etat passe une convention avec une collectivité ou une communauté lorsqu'il n'est pas en mesure de réaliser lui-même tel ou tel équipement d'intérêt public. Je crois qu'il serait logique que, dans ce cas, même si les travaux ne sont pas de la compétence propre du regroupement de communes, le mécanisme du FCTVA puisse jouer. Cela participerait à l'effort d'aménagement du territoire, notamment du territoire rural.
Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP, consacré à la compensation générale des pertes de base et à la péréquation de l'écrètement sera à peu près stable en francs courants en 1997.
Concernant le pacte de relance de la ville, si les compensations de taxe professionnelle prévues par ce texte excèdent les ressources supplémentaires du fonds - c'est-à-dire le retour de fiscalité de France Télécom et de La Poste - l'Etat s'est engagé à compenser la différence.
J'évoquerai rapidement deux articles à caractère fiscal qui concernent directement les collectivités locales.
Le Gouvernement propose, en premier lieu, de ne pas revaloriser les valeurs locatives pour l'ensemble des biens immeubles entrant dans l'assiette des impôts directs locaux, y compris pour les propriétés bâties, ce qui est une innovation. De leur côté, nos collègues de l'Assemblée nationale viennent d'adopter un amendement instituant un coefficient de revalorisation des bases de 1,01 - au lieu de 1 - à compter de 1998 pour l'ensemble des propriétés bâties, à l'exception des immeubles industriels.
Je rappelle qu'il est question de déposer sur le bureau des assemblées le projet de loi portant incorporation dans les rôles d'imposition des nouvelles évaluations cadastrales issues de la loi du 30 juillet 1990. L'examen de ce texte a été annoncé par le Gouvernement pour le début de l'année 1997, après concertation avec le comité des finances locales, notamment. Pouvez-vous nous confirmer cette information, monsieur le ministre ?
En second lieu, le Gouvernement propose de plafonner les taux départementaux et régionaux de la taxe professionnelle à une hauteur égale à deux fois le taux moyen national constaté l'année précédente. Une telle disposition est déjà applicable aux communes.
Il faudra bien, un jour, parvenir à plus d'équité dans les taux de taxe professionnelle, car les écarts demeurent trop importants.
Le dernier sujet que je souhaite évoquer est le statut des maires sur les plans financier et fiscal.
En 1992, le Parlement a adopté un projet de loi relatif à l'exercice des mandats locaux, qui n'a que partiellement répondu à l'attente des élus.
La charge de travail et le poids de plus en plus lourd des responsabilités civiles et pénales liées à la gestion d'une commune, même petite, sont trop souvent mal compensés. Les indemnités, même revalorisées, sont encore faibles ; au-delà d'un certain niveau, elles sont fiscalisées ; le système de crédit d'heures mis en place est difficilement praticable, notamment dans les entreprises privées. Il est extrêmement difficile d'être maire lorsque l'on relève du secteur privé !
On ne trouvera bientôt, parmi les maires, que des fonctionnaires ou des retraités ! Cette situation n'est pas saine, car les forces vives de ce pays peuvent difficilement s'engager dans la vie locale.
Nonobstant les améliorations apportées au statut des élus en 1992, il convient donc d'aller au-delà dès que possible, dans l'intérêt même de la démocratie locale.
En conclusion, monsieur le ministre, la mise en oeuvre d'une décentralisation efficace suppose le respect par l'Etat de trois principes fondamentaux ; d'abord, le maintien des règles d'indexation des dotations allouées aux collectivités, afin de favoriser la planification budgétaire de celles-ci ; ensuite, le principe d'automaticité dans la répartition de ces dotations ; enfin, l'efficience dans cette répartition, c'est-à-dire la réalisation effective des objectifs de péréquation.
La mise en oeuvre du pacte de stabilité financière est un pas important dans cette direction. Néanmoins, les transferts de charge, l'instauration de charges nouvelles et l'augmentation constante des dépenses sociales et de personnel au niveau local rendent probablement nécessaire une réforme plus profonde des dispositifs existants.
L'une des pistes à explorer est sans doute le développement de l'intercommunalité, qui permettrait de très importantes économies d'échelles. Un projet de loi devrait nous être présenté dans ce sens au début de l'année 1997 ; certainement nous nous en réjouissons.
Veillons, monsieur le ministre, à ce que l'assainissement du budget de l'Etat ne vienne point pourrir les budgets tendus, mais encore sains, des collectivités locales !
Sous le bénéfice de ces observations, après avoir salué l'excellent travail réalisé par notre commission des finances, son rapporteur général et son président, je voterai, comme mes collègues de l'Union centriste - M. de Villepin l'a dit - ce projet de loi de finances pour 1997 (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certainses travées de RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos vont quelque peu changer par rapport à ceux de mes prédécesseurs puisque, outre mes fonctions de sénateur, je représente un peu ici l'ensemble des organismes qui fournissent l'oxygène à la nation.
M. Paul Loridant. L'homme des forêts !
M. Michel Charasse. L'hommme des bois ! (Sourires.)
M. Jacques Delong. Voilà quelques années déjà que je viens à cette tribune, au moment où s'engage la discussion de la loi de finances, vous entretenir de la forêt française et de ses problèmes ... du moment, allais-je dire, mais le terme « constants » conviendrait mieux.
A cet égard, je ne pense pas que le président de la commission des finances, qui connaît bien les problèmes de la forêt, pourrait tenir un langage différent de celui que je tiens.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je vais vous écouter !
M. Jacques Delong. Merci, monsieur le président. Si j'interviens ainsi, c'est parce que la forêt tient dans notre cadre de vie, dans notre économie, dans l'aménagement de notre territoire une place importante. La forêt, c'est 26 % de la superficie du sol français, et cela n'est pas suffisamment pris en considération.
Hélas ! les arbres ne votent pas, les arbres n'appartiennent pas à un parti politique, quel qu'il soit. De ce fait, ils n'ont comme interprètes que quelques représentants - assez nombreux, à la vérité ! - qui se passionnent pour la forêt, la chlorophylle, les carotènes alpha et béta ; je n'entrerai pas davantage dans les formules chimiques qui composent la vie de notre pays, et celle des hommes, d'ailleurs !
C'est de la politique forestière de la France, c'est-à-dire de la politique qui concerne la forêt et la filière bois que je veux vous entretenir, le temps qui m'est imparti ne me permettant, cependant, de braquer le projecteur que sur quelques-uns de ses aspects - les plus importants, je l'espère !
La France est l'héritière d'une longue tradition forestière, dont les premiers actes connus remontent à plus de six siècles. Cette politique a fait de la France, au cours des siècles - en matière forestière, on compte en siècles ! - la première puissance forestière en valeur de l'Union européenne actuelle. La forêt française n'est plus la première en surface ; de ce point de vue, elle est surclassée par les forêts suédoise et finlandaise. Mais, en valeur, elle surclasse très largement les forêts de ces deux pays.
Nous sommes donc, sur le plan économique, mais pratiquement aussi sur tous les autres plans, la première puissance forestière de l'Union européenne.
Les résultats remarquables obtenus grâce à l'implication de l'Etat dans la politique forestière, comparés aux déconvenues et aux insuffisances constatées dans des pays voisins où l'Etat s'est désengagé, plaident en faveur du maintien, mieux affirmé qu'aujourd'hui, de la compétence de l'Etat pour la définition et la conduite de la politique forestière, avec des adaptations régionales, comme c'est actuellement le cas.
Les activités liées à la forêt et à l'utilisation du bois jouent un rôle de premier plan dans l'aménagement du territoire, en assurant, au total, plus de 550 000 emplois répartis dans tout le pays, et plus particulièrement dans les zones rurales.
Il faut savoir que 300 mètres cubes de bois d'oeuvre produits, exploités et sciés correspondent à un emploi, que la collecte, la préparation et le transport de 1 000 mètres cubes de bois de feu fournissent un emploi et qu'un million de francs d'aides à l'investissement permettent le maintien ou la création de quinze emplois sylvicoles à temps plein et de vingt-cinq à temps partiel.
Appliquer une politique forestière ambitieuse, c'est agir en faveur de l'emploi, du développement rural et de l'aménagement du territoire. Je ne crois pas, d'ailleurs, qu'il existe une autre politique pour favoriser le développement rural et l'aménagement du territoire.
Je souhaite parler, tout d'abord, du fonds forestier national, le FFN. C'est un sujet que je suis dans l'obligation d'aborder année après année.
Ce fonds, pratiquement ruiné par la désastreuse réforme de 1991, a été partiellement restauré au prix d'efforts qui n'ont pu être que parcellaires, jamais globaux. On peut dire que le fonds forestier national a été sauvé grâce à des aumônes budgétaires diverses, alors que son maintien dépend, comme l'a souligné très justement à plusieurs reprises M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, de la création d'une ressource pérenne qui ne serait pas fondamentalement remise en question à chaque budget.
Et nous avons la solution ! La taxe dite « taxe forestière », qui alimente, pour l'essentiel - à hauteur de 75 % - le budget du FFN, fait actuellement l'objet d'une remise en cause permanente, quand on ne tolère pas, voire on n'encourage pas, son non-paiement !.
Fixée à 1,2 % pour les sciages, la taxe n'est que partiellement encaissée à ce taux et, pour de nombreux assujettis, elle n'est pas encaissée du tout. Ce phénomène, joint à la morosité générale du secteur du sciage, dont l'activité est très liée à celle du bâtiment, fait que, au 30 septembre dernier, la recette annuelle encaissée n'était que de 213 millions de francs, soit 55 % seulement de la recette prévue, à savoir 390 millions de francs.
Vous trouverez d'ailleurs, monsieur le ministre, dans le rapport fait par M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances, sur les comptes spéciaux du Trésor, un rapport spécial sur le fonds forestier national. J'allais dire qu'il vous ouvrira des horizons. Mais, en fait, il les ferme !
On sait d'ores et déjà que les recettes globales du fonds forestier national, estimées à 514 millions de francs pour 1996, n'atteindront au mieux que 400 millions de francs, soit un déficit de 114 millions de francs.
La création d'une taxe spéciale portant sur l'artificialisation des sols, dont la justesse n'est sérieusement contestée par personne, est une des réponses les mieux adaptées au problèmes qui nous est posé. En effet, cette taxe, qui fut déjà proposée l'an dernier, avec l'accord officieux, faute d'être officiel, de l'ensemble des parties prenantes de la filière bois, toucherait économiquement quelques grands groupes industriels ou financiers. Il n'y aurait ainsi qu'un nombre relativement réduit de redevables et la taxe ne poserait donc pas les problèmes rencontrés aujourd'hui du fait du nombre extrêmement élevé des assujettis.
J'entends surtout que soit taxé justement le grignotage incessant des espaces boisés ou couverts par des promoteurs qui construisent sans vergogne leur fortune sur la destruction du milieu naturel, encore que le mot « fortune » ne convienne pas pour certaines futures lignes de TGV !
L'étude de cette taxe d'artificialisation des sols a été faite par les services ministériels. Elle a même été discutée très vaguement l'an dernier, mais elle n'a pas été retenue puisque le Sénat, s'il a, certes, la possibilité de voter cette taxe, ne peut pas décider de son affectation. Vous seul, monsieur le ministre, en avez le pouvoir.
Le produit de cette taxe, tel que nous l'avons estimé avec les services intéressés, après trois années d'études - nous ne faisons pas les choses au hasard ! - permettrait non seulement d'abonder le fonds forestier national, mais aussi de régler partiellement les problèmes liés au versement compensateur de l'Office national des forêts, problèmes que vous devez résoudre, plus ou moins bien, tous les ans, ainsi que le problème des crédits du fonds de gestion de l'espace rural.
En tout cas, la création de cette taxe conditionne la puissance forestière de la France et la puissance économique qui en découle pour les décennies à venir. Elle est, dans l'état actuel des choses, le seul moyen qui nous permette de parler véritablement de politique forestière dans la nation la plus forestière d'Europe. Je pense, monsieur le ministre, avoir posé ce problème clairement, mais je suis à votre entière disposition pour approfondir davantage le sujet.
Dans un louable souci - tous les partenaires de la filière bois y ont été sensibles - le Gouvernement, plus précisément le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation - mais pas de la forêt - a mis en chantier une nouvelle loi d'orientation agricole et forestière.
Ce n'est pas la première, et certaines des lois précédentes furent un ensemble de voeux, pas forcément pieux, d'ailleurs, puisque, pour la plupart, Dieu ne les a pas exaucés ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Existe-t-il ?
M. Jacques Delong. Aussi souhaitons-nous tous que la loi Vasseur, car elle portera ce nom, celui du ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche - mais pas de la forêt - soit une vraie loi, et pas un nouveau catalogue de bonnes intentions, comme nous en avons connu depuis vingt-cinq ans.
J'aurai, bien entendu, l'occasion de m'exprimer au moment de la discussion de cette loi d'orientation, mais, dès à présent, je souhaite insister sur quelques points.
Face à l'importance de la forêt en matière d'environnement, la tentation peut exister d'abandonner la fonction de production pour une partie des forêts et de ne plus voir dans celles-ci qu'un cadre de nature laissé à sa seule évolution. Ce serait, en quelque sorte, créer une « forêt à deux vitesses », celle précisément que souhaitent les pays d'Europe du Nord pour la forêt française, comme pour la forêt allemande, pour le nord de la forêt espagnole, le nord de la forêt italienne ou le nord de la forêt autrichienne. Forêt écologique, d'un côté, forêt économique, de l'autre, telle serait l'option.
Cette alternative ne saurait être acceptée. Ce serait la fin de l'ensemble de l'économie forestière et de l'activité industrielle qui en découle, c'est-à-dire la disparition de 500 000 des 550 000 emplois qui, actuellement, dépendent de la forêt.
S'il est vrai que certains biotopes exceptionnels requièrent une protection spéciale, renforcée par la création de réserves naturelles, par exemple, ces mesures doivent rester très limitées. M. le Premier ministre, comme M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche - mais pas de la forêt - l'ont bien compris, qui ont pu mettre un terme à certaines exagérations du ministère de l'environnement ; elles reposaient sur des concepts qui ont peut-être cours boulevard Saint-Germain, mais qui sont sans rapport avec la nature elle-même.
Monsieur le ministre, l'environnement n'est pas à Paris ! Il est dans des régions qui sont généralement inconnues des services ministériels, voire des ministres eux-mêmes, mais je ne vous vise pas du tout en disant cela.
S'il est vrai, disais-je, que certains biotopes requièrent une protection spéciale, les forêts doivent, dans leur généralité, continuer à être gérées et mises en valeur en considération de leur trois fonctions, l'écologie, l'économie et l'accueil du public, ainsi que la tradition sylvicole de la France en démontre la possibilité depuis longtemps.
Je pense qu'il serait convenable de créer dans notre pays, et plus précisément dans l'Est de la France, qui est la région la plus forestière, un centre d'observation de la faune et de la flore sauvages ; j'oeuvre personnellement depuis déjà un an pour cette création.
Une « forêt à deux vitesses » est contraire au concept d'aménagement du territoire ; elle est contraire aux intérêts de notre pays, tant sur le plan économique que sur le plan écologique. En effet, c'est la valorisation économique de la forêt qui lui permet d'assurer tant son rôle écologique de producteur d'oxygène que son rôle social sans faire appel à l'argent public.
Les propriétaires forestiers - je rappelle que les collectivités locales représentent 2,5 millions d'hectares et les propriétaires privés, 10 millions d'hectares - par la gestion de leur forêt et par l'approvisionnement régulier de la filière bois, assurent l'emploi de 550 000 personnes. Leur rôle doit être réaffirmé et leur action doit être soutenue lorsque cela est nécessaire, notamment en les associant étroitement à l'élaboration de la politique forestière qui, je le répète, doit rester de la compétence de l'Etat. A cet égard, je dois souligner l'importance de la concertation que M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation - mais pas de la forêt - a mise en oeuvre, depuis le mois de mai, pour mener une réflexion approfondie sur la future loi d'orientation, organisant notamment de nombreuses réunions avec l'ensemble des acteurs de la forêt et de l'industrie du bois.
Le fort décrochage du prix du bois par rapport au coût de la vie au cours des vingt dernières années et une demande sociale accrue vis-à-vis de la forêt rendent les investissements forestiers, qui se font sur le long terme, de plus en plus difficiles à envisager si des aides publiques, de surcroît justifiées par le rôle d'utilité générale de la forêt, ne viennent pas en alléger la charge. Ces aides doivent s'appliquer aux équipements d'infrastructure, à la poursuite des boisements et à la mobilisation des bois.
L'Etat a besoin d'un instrument financier adapté, le Fonds forestier national, dont je vous ai déjà longuement parlé.
La politique forestière, si elle doit viser à améliorer la qualité de la production de la forêt et les performances de la filière bois, ne saurait cependant se limiter à ces seuls objectifs. Indissociable de la politique d'aménagement du territoire, elle doit être une politique de compensation des handicaps. Deux domaines forestiers doivent bénéficier particulièrement de cette politique, je veux parler de la montagne et de la région méditerranéenne, que je ne peux pas ne pas citer ici.
Quant aux nouvelles contraintes de gestion, j'évoquerai simplement le réseau européen Natura 2000, dont la constitution a soulevé de très nombreux problèmes. Nous avons réussi à les résoudre, grâce au Gouvernement, monsieur le ministre, en particulier grâce à l'action conjointe du ministre de l'agriculture - je vous ferai grâce de la litanie - et du Premier ministre, qui a pris une sage résolution, mettant les choses au point d'une façon catégorique.
Nous souhaitons que l'idée du réseau Natura 2000 se développe, mais à partir des propriétaires forestiers, et non pas depuis les boulevards parisiens.
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Jacques Delong. Quant à la politique forestière de l'Europe, je ne voudrais pas en dire du mal, mais elle est particulièrement vaporeuse, au point que, de quelque façon que l'on s'y prenne, toute analyse est difficile.
En dernier lieu, il me reste à évoquer un volet essentiel de la politique forestière, l'utilisation de la production de la forêt, c'est-à-dire la commercialisation, la transformation et l'industrialisation du bois.
Le bois et son commerce ne font pas partie du traité de Rome ni des traités qui ont suivi, non plus que des accords du GATT. Le commerce du bois est libre et se trouve donc confronté, dans notre pays, à la concurrence mondiale. Cela pose de graves problèmes, non pas à la forêt elle-même, mais à notre industrie de transformation, qu'il s'agisse du sciage ou de l'industrie lourde, la pâte à papier et les panneaux en particulier.
L'agressivité commerciale des pays scandinaves, à la suite de dévaluations compétitives et de baisses des cours des sciages décidées par les pays nordiques exportateurs, a provoqué une crise grave dans la scierie française, entraînant de nombreux dépôts de bilan et de fermetures d'entreprises françaises. Dans le même temps, les dévaluations monétaires de pays traditionnellement clients de la France - l'Italie, le Portugal, l'Espagne - ont freiné nos exportations.
Un troisième phénomène est venu aggraver la crise, les pays de l'Europe de l'Est, à la suite des changements politiques survenus là-bas, ayant augmenté leurs exportations de grumes et de sciages.
C'est ainsi, par exemple, que tous les bois norvégiens transitent par la Suède pour venir dans l'Union européenne, alors que la Norvège ne fait pas partie de cette dernière, non plus que la Russie, la Pologne et les pays Baltes, dont la production forestière passe pourtant par la Finlande pour être exportée... vers l'Union européenne. Autrement dit, si certains pays ont fait une excellente affaire en adhérant à l'Union européenne, ce sont bien les pays nordiques. Leur souhait, hautement affirmé, leur rêve, même, c'est de persuader les écologistes, y compris ceux de notre propre pays, que nos forêts ont pour unique vocation la promenade et qu'ils peuvent, eux, se charger de nous fournir tout le bois dont nous aurons besoin. Ainsi le chêne, le hêtre, l'alisier, le merisier, les bois précieux et semi-précieux, bref les bois français n'auraient plus d'intérêt ; nous serions entièrement équipés en sapin et en pin, ne venant même pas des Landes ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sur le projet de budget pour 1997 concernera, d'une part, la réforme fiscale qu'a souhaité entreprendre le Gouvernement en matière d'impôt sur le revenu, d'autre part, les orientations que nous aurions souhaité mettre en oeuvre et qui - vous le verrez - ne s'articulent aucunement sur la même logique.
Si je me réfère à la définition de la réforme du Petit Robert, je lis : « amélioration apportée dans le domaine moral ou social » et, plus loin, « changement qu'on apporte dans la forme d'une institution, afin de l'améliorer, d'en obtenir les meilleurs résultats. »
Qu'en est-il exactement, au vu de ces principes, de la réforme fiscale qui nous est présentée ?
Elle repose principalement sur le barème de l'impôt sur le revenu. Sur le choix de l'impôt, je n'ai rien à dire. Il est clair, et nous l'avons déjà dit, que cet impôt mérite d'être réformé. Le problème vient naturellement de ce qu'il y a diverses manières de le faire. Le Gouvernement a choisi d'opérer une baisse de 25 milliards de francs. Je ne parlerai pas de ses projets concernant les années suivantes qui me paraissent, étant donné la situation politique et sociale, procéder du discours d'intention plus que du discours de la méthode.
Revenons donc à ces 25 milliards de francs que l'on compte obtenir par le biais d'une réduction des taux du barème. Etait-ce une bonne mesure ? Sur le fond comme sur la forme du dispositif, je ne le crois pas.
D'une part, vous avez choisi de diminuer le seul impôt sur les ménages qui est progressif et qui croît donc avec les revenus, alors que notre structure de prélèvements obligatoires a à pâtir essentiellement d'une mauvaise répartition entre impôts directs et impôts indirects. Vous êtes responsable du niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé que nous ayons connu. Je le rappelle, il est prévu que ces prélèvements atteignent 45,5 % de notre PIB en 1997, contre 43,6 % en 1992, quand nous étions au gouvernement. Il était effectivement important d'inverser la tendance, mais cette inversion ne pouvait se réaliser sur un impôt qui ne compte que pour 18 % des recettes du budget de l'Etat, et bien moins encore - de l'ordre de 14 % - si l'on se réfère au montant total des prélèvements globaux de notre pays.
Ce choix me semble parfaitement injuste d'autant qu'un Français sur deux échappe à l'impôt sur le revenu. De nombreux contribuables « n'y verront donc que du feu », alors même que, par le biais des majorations gigantesques qui ont été opérées depuis 1993 sur les impôts indirects, comme la TVA et la TIPP, ou sur la CSG et le RDS, ces contribuables ont été fortement ponctionnés depuis votre arrivée au pouvoir, en 1993.
Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions qu'une large majorité des Français n'ait pas cru à votre baisse d'impôt. En effet, je le répète, la moitié « n'en verront même pas la couleur ».
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : d'un côté, en deux ans, les ménages ont supporté plus de 110 milliards de francs de majorations en tout genre ; de l'autre, vous annoncez une baisse d'impôt de 25 milliards de francs. Ces chiffres montrent que nous sommes loin du compte.
Je veux également insister sur un détail du dispositif qui, à mon avis, ne peut qu'accentuer les inégalités et renforcer le mécontentement des Français à l'égard de votre politique.
Vous opérez des réductions sur les taux.
En pourcentage, il n'y a pas d'équité puisque, les taux portant sur les tranches les moins élevées sont diminués de 1 % à 1,5 %, alors que les taux s'appliquant aux tranches les plus hautes sont abaissés de 2 %, voire 2,8 % pour la dernière tranche.
Lorsque l'on raisonne en valeur et non plus en pourcentage, les écarts d'avantage fiscal sont encore plus importants. Pour un contribuable célibataire dont le revenu mensuel est de 10 000 francs, le gain d'impôt en 1997 sera de 1 040 francs. Mais, pour un contribuable dont le revenu mensuel est de 50 000 francs, le gain d'impôt sera de 9 078 francs.
Je traiterai maintenant du taux marginal maximal de l'impôt sur le revenu, dont on nous dit qu'il est insupportable pour les hauts revenus. En 1994, il a concerné, si je m'en réfère au rapport Ducamin, 217 000 foyers fiscaux. Mais je rappelle qu'après imputation des différentes réductions, l'imposition fiscale moyenne de ces derniers est de 40,87 %.
Qui plus est, la majorité de ces contribuables n'ont qu'une faible part de leurs revenus taxées à 56,8 %. Ainsi, 82 000 d'entre eux supportent une pression fiscale supérieure à 40 %, et 11 000 seulement subissent une pression fiscale dépassant 50 %.
Sur un total de 13 millions de foyers imposables, est-il normal que cette réforme porte principalement sur les 11 000 contribuables les plus fortunés de notre pays ?
Je citerai une nouvelle fois le rapport Ducamin : « L'impôt sur le revenu doit rester un impôt de rendement, à caractère progressif, soulignant l'appartenance à la collectivité nationale. » Le Gouvernement a choisi une tout autre logique, je le déplore.
Je veux aussi revenir sur les mesures accompagnant la réforme du barème et qui figurent tant dans la première que dans la deuxième partie du projet de loi de finances.
Comme nous, vous avez dénoncé les fameuses « niches fiscales » qui dénaturent la progressivité de l'impôt et qui impliquent une réforme de l'assiette de celui-ci. Pourtant, dans ce projet de budget, vous faites une chasse, que je qualifierai de sélective, à ces « niches fiscales ».
Pourquoi vous en prenez-vous systématiquement à celles qui concernent tout le monde, y compris les contribuables les plus modestes, et qui sont plafonnées ? Pourquoi ne pas faire la chasse aux « niches fiscales » dont on sait qu'elles sont utilisées de manière privilégiée par les titulaires de hauts revenus ?
Je traiterai maintenant de la diminution du plafond pour la demi-part supplémentaire de quotient familial en faveur des personnes célibataires ou divorcées ayant élevé un enfant. Cette mesure, dont je me demande si elle n'est pas anticonstitutionnelle, est scandaleuse. Pourquoi introduire une disparité de traitement entre les célibataires ou les divorcés et les veuves ? Rien ne le justifie.
J'ajoute que supprimer la réduction d'impôt pour l'assurance-vie pour les titulaires de faibles revenus montre votre souci de faire des économies aux dépens des plus modestes. De même, abaisser le plafond pour l'abattement de 10 % sur les retraites et imposer des indemnités maternité reviennent à prendre d'une main ce vous donnez de l'autre. Comment pourrais-je oublier par ailleurs la suppression des déductions forfaitaires pour frais professionnels, la suppression de la réduction d'impôt pour enfants scolarisés, ou la suppression de l'avantage pour pension familiale ?
Dès lors, comment voulez-vous que les Français croient le Gouvernement quand il annonce une baisse de l'impôt sur le revenu ? Pour les plus modestes, cette baisse risque d'être tout simplement annulée par les mesures prises par ailleurs, et au titre de ce même impôt.
Je pense même que certains, qui auraient le désavantage de se trouver dans plusieurs des situations visées par les mesures que je viens de rappeler, risqueront in fine de payer plus d'impôt sur le revenu. Est-ce équitable ?
Au total, vous diminuez la progressivité de cet l'impôt et vous ne prenez pas les mesures qui auraient pu contribuer à rendre son assiette plus conforme à l'idée d'équité fiscale et au principe de progressivité de l'impôt par rapport au revenu.
Pourquoi avoir maintenu les « niches fiscales » quant aux employées de maison et aux quirats, aux dispositions de la loi Pons et à l'investissement locatif, entre autres ? Elles ont un impact économique, me direz-vous. Cela m'étonne ! En effet, la situation du secteur du bâtiment, par exemple, n'a jamais été aussi catastrophique ; pourtant il n'a jamais profité d'autant d'avantages fiscaux.
Quand bien même ces mesures auraient un impact, comment expliquer que les chantres du libéralisme qui prônent la non-intervention de l'Etat, souhaitent son intervention quand il s'agit de pallier les insuffisances constatées par le marché.
La vérité, c'est que les élus de la majorité n'aiment pas l'impôt sur le revenu, dont leurs électeurs devraient payer effectivement une lourde part. Par conséquent, ils s'ingénient à aménager des régimes dérogatoires dont seuls profitent les contribuables qui sont suffisamment riches pour bénéficier de ces niches fiscales.
Monsieur le ministre, n'est-il pas raisonnable de payer beaucoup d'impôt quand on gagne beaucoup d'argent ? Pour ma part, cela ne me choque pas, surtout quand je vois la formidable disparité entre les niveaux de revenus.
Notre logique est tout autre !
La France est en train suivre la voie de pays comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, de pays où deux mondes se côtoient : d'un côté, des personnes dans un état de précarité gravissime, ou sans aller jusque-là, de personnes qui, comme on dit, « tirent le diable par la queue », et, de l'autre, des personnes dont les revenus s'accroissent sans cesse.
Connaissez-vous, monsieur le ministre, les résultats du tourisme et des produits de luxe en France ? Ils se portent très bien aujourd'hui ; c'est un exemple bien ponctuel, mais qui est significatif. Ces résultats, ne sont pas dus à la seule présence des étrangers.
Pour revenir à la définition que je rappelais du Petit Robert, je ne pense pas que votre réforme fiscale réponde à la moindre idée d'amélioration dans le domaine moral ou social, ni qu'elle permette d'apporter de meilleurs résultats. Je reviendrai sur le terme « moral », ce qui me permettra de montrer ce que nous souhaiterions.
La baisse de l'impôt sur le revenu, comme la tonalité de votre discours, ne peuvent que renforcer chez les Français l'idée que l'impôt est une mauvaise chose. Ce sentiment est détestable, car il est source, au pire, d'incivisme, ou, au mieux, d'irresponsabilité.
Pour nous, si l'impôt repose sur des bases justes, il n'en est rien. En effet, l'impôt n'est que la contrepartie de ce qu'une société offre en matière de services publics et de redistribution.
Refuser l'impôt, c'est, en corollaire, refuser tout ce qu'il permet. Cela peut cependant constituer une orientation politique, que l'on trouve dans certains pays que j'ai déjà cités, et que, pour ma part, je refuse.
Là où, selon moi, une telle orientation se double d'une monstrueuse supercherie, c'est que l'on pousse nos concitoyens à revendiquer ces baisses d'impôts tout en leur cachant ce qu'ils perdront en échange, mais que retrouveront les contribuables disposant de hauts revenus par le biais de circuits financiers privés.
Nous ne voulons pas, tant au niveau des services publics de l'Etat que de la sécurité sociale, d'une France à deux vitesses et nous dénonçons, en conséquence, tant votre discours que vos mesures. A chacun ses préoccupations. Certains, sur les bancs de la majorité s'intéressent « au mal-vivre » des assujettis à l'ISF. Nous, nous préférons nous intéresser à l'immense fraction des gens modestes et, plus encore, à ceux qui vivent, pour reprendre l'expression contenue dans un livre à succès, « une vie dans laquelle la honte n'est plus que le seul emblème qui la caractérise ».
Pour revenir sur l'idée de réforme, je préciserai que nous souhaitons, en matière d'impôt sur le revenu, remettre tous les dispositifs à plat, en plafonnant la portée des avantages qu'ils procurent. Nous préconisons, par différents moyens, d'imposer davantage les patrimoines, que ce soit les revenus des valeurs mobilières et les plus-values dégagées, les transmissions à titre gratuit, notamment pour l'assurance-vie et les donations partages, ou l'impôt de solidarité sur la fortune.
En contrepartie, nous souhaitons diminuer la TVA, qui pèse sur tous les ménages - y compris sur les plus pauvres - et que vous avez majorée, peut-être parce que cela se voit moins.
Voilà, ainsi résumées, les options qui nous séparent, pour ne parler que de celles qui concernent les ménages. L'examen des articles et des différents amendements que nous défendrons nous donnera l'occation d'expliquer davantage nos choix.
Je conclurai en m'insurgeant contre les critiques de nos opposants politiques, qui qualifient nos projets économiques et fiscaux d' « archaïques ». Est-il archaïque de vouloir redonner à ceux qui les ont perdues des conditions de vie décentes, ou bien de proposer des projets de démantèlement de notre société qui feraient reculer considérablement notre pays ?
Monsieur le ministre, cette réforme fiscale s'inscrit dans cette grande orientation qui a toutes vos faveurs. Elle arrive après de multiples et coûteux plans incitatifs en faveur des entreprises et en direction des marchés financiers.
Malgré cela, le chômage poursuit son oeuvre destructrice et, évidemment, les Français ne supportent plus d'être, pour le plus grand nombre d'entre eux, unilatéralement sacrifiés.
C'est pour toutes ces raisons que nous rejetons cette réforme fiscale qui s'inscrit dans un projet politique de souffrance sociale ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Loridant. M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le congrès des maires de France vient de prendre fin, je souhaite à mon tour, au cours de cette discussion générale sur le projet de loi de finances pour 1997, aborder le sujet des collectivités locales, au nom du groupe communiste républicain et, bien sûr, citoyen.
Comme tous mes collègues maires, qui en ont fait le constat ces trois derniers jours, je suis confronté à une misère grandissante au sein de la population de ma commune. Je suis inquiet de voir le décalage qui existe entre les mesures préconisées par le Gouvernement et la réalité.
En effet, quand on voit les différents ministres décliner sur tous les tons le credo du « dépenser moins, dépenser mieux » et exhorter les collectivités locales à modérer leurs prélèvements obligatoires, il y a de quoi être inquiet.
La hausse des prélèvement obligatoires des collectivités locales n'est pas due à une quelconque dérive de gestion, en fait, c'est fort rare. Non, elle est la résultante, en vérité, d'une volonté gouvernementale de désengagement de l'Etat en vue d'un objectif : réduire les déficits et la dette publique pour que la France soit éligible dans un délai très court - trop court - aux critères de la monnaie unique.
Il faut le dire, tout ce qui est fait pour réduire les investissements des collectivités locales, et donc réduire le recours au crédit, pour freiner les dépenses de fonctionnement sont autant de pressions pour adhérer au club, je veux parler du club de l'euro.
Ainsi, après l'abdication du pouvoir monétaire, par le biais d'une banque centrale rendue indépendante du Gouvernement - mais pas des marchés financiers ! - après l'abdication du pouvoir budgétaire avec le pacte de stabilité budgétaire - je parle de celui de Dublin - c'est, en définitive, à la libre administration des collectivités territoriales que vous touchez par un encadrement sans précédent des budgets locaux.
Le Gouvernement à beau s'insurger, et dire, la main sur le coeur, que son pacte de stabilité financière entre l'Etat et les collectivités territoriales vise uniquement à assurer une enveloppe décente à celles-ci, les maires, les conseillers généraux et régionaux ont désormais compris qu'il s'agit d'un marché de dupes !
C'est si vrai que le rapporteur spécial des crédits de décentralisation a rappelé, en commission des finances, que ce pacte avait été « octroyé » par le Gouvernement, et n'avait reçu l'aval d'aucune des associations représentatives des élus locaux.
D'ailleurs, toutes les associations et organismes d'élus locaux ont, durant cette année 1996, fait connaître les résultats d'études sur les finances locales, particulièrement sur les rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales. Deux de nos collègues, MM. Girod et Bourdin, chargés de deux rapports à l'observatoire des finances locales, ont conclu à la dégradation des dotations de l'Etat au regard des besoins sociaux et humains grandissants. A titre d'exemple, les départements subissent un effet de ciseau, car ils supportent des charges dynamiques, alors qu'ils encaissent des ressources stagnantes. Une telle situation est, bien entendu, le fait de la montée de la crise et d'un accroissement des besoins sociaux qui en découlent.
Le poids des collectivités locales dans l'économie nationale - plus de 11 % du produit intérieur brut - mérite pourtant que l'on fasse un effort particulier.
Rappelons que les collectivités locales assurent les trois quarts de l'investissement public de notre pays, hors investissement militaire ; c'est considérable.
Or, après la lecture du projet de loi de finances pour 1997, c'est à une aggravation du désengagement de l'Etat que l'on peut s'attendre.
Ainsi, les concours de l'Etat aux collectivités locales ne devraient progresser que de 1,3 p. 100, soit le taux d'inflation attendu.
A l'intérieur de ces dotations, la dotation globale de fonctionnement, nous dit-on, va progresser de 1,95 % par rapport à la dotation de 1996 elle-même révisée. De ce fait, la progression est moindre en réalité, de 1,26 % seulement.
Si l'on reste, l'an prochain, dans le strict cadre du pacte dit de stabilité, les collectivités locales auront à souffrir encore plus.
Monsieur le ministre, l'année 1997 sera ainsi la quatrième année consécutive de diminution de la dotation forfaitaire en francs constants ! C'est beaucoup, beaucoup trop !
La dotation globale d'équipement diminuera, elle, de près de 25 % en conséquence des choix effectués à travers la loi de finances de l'année dernière. Le fonds de compensation pour la TVA stagnera, le taux étant réduit de 15,68 % à 15,36 %.
Au total, les dotations pour les collectivités locales sont en recul, un recul d'autant plus affirmé que certaines dispositions législatives prises cette année vont, une fois de plus, charger la barque. Je pense particulièrement aux emplois de ville qui placent les maires en première ligne sur le front de l'emploi, sans vraiment leur donner les moyens correspondants. L'Etat s'en tire, de ce fait, à bon compte, puisqu'il n'assure plus une de ses prérogatives essentielles à nos yeux, à savoir la conduite de la politique de l'emploi.
Comment ne pas citer, à cette occasion, le candidat Jacques Chirac, qui, dans sa lettre adressée aux maires de France pendant la campagne présidentielle, écrivait : « Il faut donner aux collectivités locales les moyens d'agir efficacement au service de nos compatriotes. Cette exigence impose de mettre fin aux transferts d'attribution qui se résument à des transferts de charges. Le principe de la compensation intégrale et actualisable par l'Etat de toute dévolution de compétences doit être strictement respecté. »
Cette promesse faite aux maires de France a connu le même sort que beaucoup d'autres. Le congrès des maires, monsieur le ministre, a confirmé la grande colère des élus locaux face à l'attitude du Gouvernement. Cette colère dépasse largement les rangs de l'opposition, puisque l'association des maires de France qui, comme vous le savez, est présidée par notre collègue Delevoye, membre de la majorité, a précisé, dans un communiqué en date du 11 octobre dernier, « qu'il ne peut y avoir stabilisation des concours aux collectivités locales sans stabilisation de leur charges ». En outre, l'AMF « déplore que l'Etat ait de nouveau modifié les règles relatives aux compensations fiscales, allant à l'encontre du principe affirmé par elle de prise en charge par l'Etat des politiques fiscales qu'il met en oeuvre ».
On peut aussi énumérer tous les abandons de crédits frappant le logement social, la réduction des APL, les aides personnalisées au logement, la baisse des crédits permettant de financer les PALULOS, les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, qui sont pourtant absolument nécessaires pour assurer la rénovation des HLM dans nos villes de banlieue, la diminution de l'enveloppe « transports urbains », le recul des subventions d'équipement pour la culture, autant de sujets d'inquiétude et de choix cornéliens pour les maires dans la préparation de leur budget.
En clair, cela veut dire qu'il y aura transfert de fiscalité de l'Etat vers les collectivités locales. Et ce n'est pas le report de la publication du bulletin d'information statistique de la direction générale des collectivités locales qui suffira à cacher le jeu trouble du Gouvernement. Les ménages ont compris tout ce qu'ils allaient endurer avec votre loi de finances pour 1997, puisque ce sont d'abord les non-assujettis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques qui subiront de plein fouet la confirmation du taux normal de TVA à 20,6 % et la hausse de l'imposition locale.
La mise en oeuvre du texte prévoyant que les allégements et plafonnements de taxe d'habitation seront désormais calculés par référence aux revenus imposables et non plus aux cotisations d'impôt effectivement acquittés ira dans le même sens : ce sont les ménages modestes qui seront mis à contribution ! Cette mesure engendrera des injustices qui placent une nouvelle fois les maires en première ligne. J'ai relevé avec intérêt les propos de M. le rapporteur général, qui, en commission des finances, a regretté « la brutalité de l'impact de la disposition de la loi de finances pour 1996 abaissant de 16 937 francs à 13 300 francs le plafond de cotisations sur le revenu permettant de bénéficier du dégrèvement ».
Lors de la discussion des articles, nous irons au-delà de l'expression de simples regrets ; en effet, notre groupe formulera des propositions permettant de traduire ces regrets en actes et, j'espère, mes chers collègues, que la majorité du Sénat saura profiter de cette occasion.
Certes, la mise en oeuvre de la révision des bases d'imposition sur le plan local devrait permettre un peu plus d'équité entre les contribuables. Toutefois, je souhaite, monsieur le ministre, que l'on prenne en compte la diversité des situations, notamment les difficultés particulières que pourraient rencontrer les communes ayant un taux élevé de logements sociaux.
Il ne faut pas se cacher derrière cette réforme pour négliger la ressource majeure des collectivités locales, à savoir la taxe professionnelle.
On sait que, régulièrement, le CNPF et ses relais tentent de remettre en cause cette taxe. D'année en année, si le produit de la taxe professionnelle progresse, la part de la compensation augmente également, au point d'exploser.
Finalement, comme c'est l'Etat qui compense, cela revient, pour une part, à faire payer les ménages par le biais des impôts directs et indirects. Il s'agit véritablement d'un détournement de payeurs.
Si l'Etat souhaite vraiment mettre en oeuvre des abattements, des exonérations, c'est son droit ; mais il doit les compenser intégralement à l'égard des collectivités territoriales et les faire peser non pas sur les ménages mais sur la collectivité des entreprises.
Le produit de la taxe professionnelle dépasse aujourd'hui 156 milliards de francs et représente 50 % du produit fiscal des collectivités locales. Dans le même temps, cette taxe absorbe les trois quarts des exonérations prévues par l'Etat.
C'est pourquoi toute volonté d'amoindrir le produit de cette taxe aurait des conséquences désastreuses sur les budgets locaux.
Pour notre part, nous sommes persuadés qu'une réforme est indispensable. Elle doit être une incitation à la création d'emplois et de richesses et ne pas pénaliser les entreprises à forte valeur ajoutée. Il nous paraît important, quant à nous, d'intégrer les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle, ce qui en ferait un outil anti-spéculatif, favorable à l'investissement productif.
Je voudrais également faire part de notre opposition résolue au hold-up que constitue la confirmation du taux de surcompensation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL. Certes, devant les protestations des maires, vous n'avez pas osé, monsieur le ministre, augmenter ce taux cette année, mais le recours à un prélèvement sur l'allocation temporaire d'invalidité ne fait que reculer une réelle prise en compte de cette question. Nous nous attendons au pire dans les années à venir.
Enfin, pour conclure sur les dotations d'Etat, je dirai qu'il est inadmissible d'étaler la compensation de l'exonération des droits de mutation à titre onéreux sur trois ans. Cela revient à faire supporter des nouvelles charges aux collectivités.
Mes chers collègues, l'expérience d'une année du pacte de stabilité démontre la nocivité de ces orientations. Il est indispensable que les relations entre l'Etat et les collectivités locales soient rénovées dans l'esprit de la décentralisation, c'est-à-dire dans une volonté d'impulsion et de soutien aux activités locales.
La volonté gouvernementale est tout autre : elle consiste, par le biais de la réduction des dotations, à déprimer l'activité des collectivités locales, à les cantonner dans un rôle d'accompagnement social.
Les choix nationaux et européens du Gouvernement poussent le pays dans une guerre économique destructrice. La déflation salariale s'accompagne de l'inflation boursière. De tels choix sont dangereux pour l'emploi, pour les familles, pour les collectivités locales. Le tissu social se délite chaque jour un peu plus. Dans tout le pays, les maires s'en font l'écho. De grâce, écoutez-nous ! Alors, peut-être, notre groupe votera-t-il votre budget. Ce ne sera pas encore le cas cette année, une fois de plus. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances, dont nous entamons l'examen, constitue un élément essentiel dans les échanges entre l'exécutif et le législatif. Elle est l'un des outils majeurs des choix économiques qui conditionnent l'avenir des Français, le rôle de notre pays au sein de l'Europe et la place de celle-ci dans les courants internationaux.
Ainsi, par exemple, l'implication Amérique-Asie est de plus en plus forte au point d'intervenir directement dans le débat intérieur de l'élection américaine. M. Bill Clinton a initié une zone de coopération autour du Pacifique qui complète le traité de libre-échange mis en place par M. George Bush avec le Mexique et le Canada. Une extension au Chili et à l'Argentine est attendue. Ainsi sera constitué le noyau dur du système commercial panaméricain.
Les échanges entre les Etats-Unis et l'Asie sont devenus plus importants que les échanges entre les Etats-Unis et l'Europe, qui s'est peu à peu décentrée par rapport aux grands courants. La constitution de l'entité européenne sur ce plan est une nécessité urgente.
Le succès de l'organisation de ce pôle s'accompagne de la mise en place de la monnaie unique, qui sera un rempart contre les chocs monétaires et la concurrence extérieure qui malmène nos emplois. Le Président de la République a eu raison d'affirmer que c'était la priorité des priorités. La garantie de la dynamique continentale passe par la convergence de l'économie française et de l'économie allemande, dont les composantes devront s'harmoniser.
L'Europe et la France doivent bénéficier de la reprise annoncée de la croissance dans le monde. Le taux moyen s'établit autour de quatre, mais celui qu'escompte l'Asie accuse trois points de plus.
Tout retard dans la consolidation de la compétitivité est irréversible dans ce contexte.
L'assainissement des bases de l'économie engagé avec l'inflation jugulée, l'excédent commercial conforté et les taux d'intérêt maintenus à des niveaux bas représentent autant d'efforts qui doivent être poursuivis.
La politique de réformes et les mesures inscrites dans le projet de loi de finances qui nous est proposé répondent à l'exigence des règles comptables communautaires régissant le calcul du besoin de financement de l'Etat, mais, surtout, elles satisfont, pour l'essentiel, au recentrage du rôle de l'Etat, à la relance de l'économie productive et au redressement de l'emploi.
En économie ouverte, il convient de réduire l'importance de l'Etat dans la part qu'il y prend. Les privatisations y contribuent. Les plus aisées à réaliser ont été faites, mais les temps ont changé. Aussi, chaque opération ne va pas sans levées de bouclier.
Le temps de convaincre, d'amener à l'adhésion s'insère dans les mesures d'accompagnement à toute mutation. Comparé au retard dû au blocage des situations - rappelons-nous l'an dernier à la même époque quelle était cette situation - l'investissement du dialogue n'est jamais perdu.
La résistance aux changements prend sa source, le plus souvent, dans la crainte de la nouveauté, dans les limites de capacité à l'adaptation. On ne rassure pas en imposant coûte que coûte !
La réorganisation de la gestion des entreprises nationales et des transferts - financement que les règles communautaires ne comptabilisent pas - s'avance dans la perspective de la rigueur du contrôle budgétaire. Saluons l'effort de stabilisation des dépenses publiques entreprise l'année dernière, inscrit dans le projet de budget pour 1997, et qui sera poursuivi. Après des années de dérive, et sans repli dans le soutien à l'emploi et les interventions à caractère social, l'attitude est courageuse.
Notre excellent rapporteur général ayant commenté les propositions retenues, que vous nous avez vous-même présentées, monsieur le ministre, permettez-moi maintenant, mes chers collègues, de formuler deux réflexions à propos de l'emploi.
L'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises, l'ACCRE a, dans son application, découragée des candidats sérieux. L'instruction débouchant sur la validité ou non du dossier n'est pas à remettre en cause. Il s'agit de l'observation trop stricte du dispositif périphérique.
Dans sa nouvelle version, cette aide mériterait d'être accordée avec une plus grande marge d'application pour les services déconcentrés de l'Etat. La démarche volontaire soutenue que requiert la création d'une entreprise dissuade les chasseurs de primes. C'est dans l'année de démarrage d'une activité que se joue son avenir ; le risque de l'octroi de l'aide est le prix de la confiance accordée au candidat entrepreneur. On sait maintenant que les PME engendrent plus d'emplois que les grosses sociétés.
Au-delà des mesures concourant à favoriser l'emploi, un réel partenariat entre l'Etat et les entreprises en matière de formation mérite l'attention. Certaines recherches ne sont pas satisfaites faute de trouver la personne qualifiée.
Nos filières de formation sont-elles adaptées aux besoins du marché du travail ?
La démarche conjointe évoquée, si elle ne conduit pas à une adéquation parfaite, resserrera l'ajustement sans avoir à réellement anticiper la demande, ce qui permettra d'éviter l'écueil des hypothèses qui ne sont pas toujours vérifiées. Certes, monsieur le ministre, l'Etat ne serait pas seul dans cette action, mais j'aimerais avoir votre sentiment sur celle-ci, sachant que l'engagement financier est inexistant.
La réforme de l'impôt participe à la nouvelle attitude de l'Etat au regard de sa gestion. La pression des prélèvements français, largement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE et des partenaires du G7, justifie à elle seule cette refonte. Certes, selon les pays, les formes d'intervention du pouvoir central sont fort différentes et rendent la comparaison malaisée, mais on ne peut nier que, en France, l'évasion fiscale existe et que la consommation souffre d'un excès d'imposition.
Il fallait engager le processus. Cela a été fait avec détermination, il convient de le dire.
Le souci de rééquilibrage en faveur des plus modestes et des familles n'entâche pas le devoir contributif de chaque citoyen, l'IRPP n'étant d'ailleurs pas la seule forme d'imposition directe sur le revenu.
Pour les associations familiales, c'est là que le bât blesse.
La TVA est supportée aux deux tiers par les ménages et ignore le quotient familial. Un choix s'imposait. Un point de TVA, au taux normal, représente 30 milliards de francs, soit 5 milliards de francs de plus que la baisse de l'IRPP proposée. L'incidence sur les rentrées fiscales est inversement proportionnelle à celle de la baisse du taux. Toutefois, il faudra se soumettre, bientôt, à son harmonisation avec ceux de nos partenaires européens et poursuivre le calendrier de la réforme.
Si l'augmentation des diverses taxes sur les alcools, le tabac et les produits pétroliers améliore les recettes fiscales, elle me laisse dubitatif quant aux autres objectifs invoqués. La constante progression du prix des alcools et du tabac ne constitue pas un élément de prophylaxie, d'autant que les structures de prévention ne voient pas leurs moyens accrus en conséquence. Pourtant, on ne peut ignorer le poids de la consommation d'alcool et de tabac dans les comptes de la santé publique.
S'agissant de la TIPP, le traitement spécifique des carburants professionnels doit être élargi, non dans une prise en compte d'un simple intérêt catégoriel, mais dans un souci d'équité ainsi qu'au regard de l'incidence sur les entreprises du secteur et, par là, de l'emploi.
Ma dernière remarque sur le champ des prélèvements relevant de la solidarité nationale concerne ceux qui frappent les retraités. Ce qui me gêne, c'est que la constitution de la pension repose sur des cotisations perçues sur le revenu du travail exécuté pendant la vie active. Ainsi, actuellement, on taxe le produit de taxes.
Le nouveau regard porté sur l'implication de l'Etat dans la vie économique du pays accompagne l'évolution de notre société. Néanmoins, ces exigences doivent, mutatis mutandis , être expliquées. Que considèrent les Français quand on leur présente un train de mesures ? Ce qui changera dans leur vie quotidienne.
La suppression d'un avantage ne sera pas acceptée si, à côté, subsiste un abus ou ce qui est perçu comme un abus. Un effort, fût-il différent dans sa nature selon les catégories auxquelles il est demandé, ne sera consenti que s'il est légimité.
Les mutations sont moins douloureuses lorsqu'elles sont accompagées de beaucoup de pédagogie, dénuées de régidité et fondées en justice. C'est à cela qu'il faut, aussi, se consacrer, avec la même énergie que celle qui est déployée pour la conception des avancées.
La Gouvernement conduit la politique de la France, mais c'est le rôle du Parlement de l'infléchir.
M. le président. La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mal qui ronge notre pays, c'est bien le chômage, c'est cette peur de l'avenir, c'est cette crise profonde d'identité de la société française. C'est encore, plus simplement, ce que les élus territoriaux, que la plupart d'entre nous sommes, vivent tous les jours : une perte de confiance de nos concitoyens dans la capacité même qu'aurait la France à conduire son redressement, à réduire les inégalités, à améliorer leur vie quotidienne.
Ce manque de confiance rejaillit immanquablement sur l'ensemble des dirigeants de ce pays, qu'ils appartiennent au monde politique, au monde économique ou au monde social. Si je dis cela, c'est pour rendre hommage, monsieur le ministre, à l'action courageuse du Gouvernement, qui est aussi la vôtre, car il faut du courage pour mener toute action à son terme, et le courage n'est jamais reconnu sur le moment, surtout dans notre société.
Cependant, dans de tels moments, tout homme politique a sans cesse besoin de se confronter au principe de réalité, de se demander s'il n'y a pas de contradiction entre les objectifs ou les priorités affichés et les méthodes ou les moyens envisagés. La préparation et la discussion du budget de la nation doivent être, pour nous tous, l'occasion privilégiée de se poser cette question.
Vous avez précisé une direction et vous avez dégagé des priorités. Qui pourrait les contester ?
Considérant que le chômage et la fracture sociale sont les fléaux de notre pays, vous avez estimé que votre premier devoir était de procéder à de profondes réformes de structures. Le présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale en sont la traduction : c'est la réduction des déficits publics ; c'est la maîtrise des dépenses de santé, la remise en ordre et la modernisation de la gestion des régimes de protection sociale ; c'est le frein à l'inflation de la fonction publique ; c'est l'engagement de la lutte contre certains privilèges par une meilleure équité fiscale ; c'est le coup d'arrêt donné à la dérive financière de certaines grandes entreprises publiques ou du système bancaire. Je ne cite là que les réformes les plus marquantes.
La situation politique d'aujourd'hui offre les conditions d'une parfaite cohésion entre la plus haute autorité de l'Etat et l'exécutif gouvernemental, à la différence de ce qui prévalait durant la période précédente, lors de la cohabitation. Cette situation permettait non seulement d'augurer une conduite plus facile de ces réformes fondamentales, mais également d'espérer un accueil plus favorable. Hélas, la situation du pays telle que nous l'avons trouvée en 1993, la formidable montée des corporatismes et le sacro-saint principe des avantages acquis ont brutalement contrarié cette volonté de réforme, que nous partageons tous avec vous, monsieur le ministre.
Mais si le cap politique est clairement affiché, il me semble que les Français se posent quelques questions.
Ainsi l'ampleur et le nombre des chantiers engagés les a manifestement laissés perplexes et, s'ils y adhèrent globalement, ils doutent que ces chantiers puissent être menés à terme en même temps et constatent bien souvent que ce doute est justifié.
A cela s'ajoute l'interrogation, non exprimée ou non formulée, sur le coût pour la France de la construction européenne et de l'ouverture future de l'Union à d'autres pays.
A côté de ces interrogations ressenties plus que perçues par les Français, il en est d'autres plus immédiates, plus quotidiennes, qui ne manquent pas, qu'on le veuille ou non, d'être alimentées par certains aspects des dispositions budgétaires.
J'aurais préféré, c'est certain, une baisse de la TVA ou de la TIPP, plus significative vis-à-vis des ménages. Tout le monde s'accorde, certes, sur la nécessité de mettre de l'ordre dans les aides à l'emploi ou au logement, mais tout le monde s'interroge aussi sur la diminution ou le réaménagement des crédits dans ces domaines, qui affectent directement les familles. La limitation des aides à la scolarisation a jeté l'émoi dans les populations et la déductibilité partielle de la CSG ne convainc pas encore.
Les moyens, toujours considérables, alloués à l'éducation nationale apparaissent souvent avant tout comme un moyen de rassurer les personnels, ce qui laisse d'ailleurs dubitatif, alors que l'amélioration des performances de notre système d'enseignement ne sont pas encore, pour l'instant, évidentes tant l'inertie dudit système est grande.
Enfin, et vous vous étonneriez que je n'aborde pas ce sujet, la politique d'aménagement du territoire continue, à mon sens, à être sacrifiée, au point d'ailleurs que les deux commissions compétentes, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont commencé par réserver les crédits. Cela a plusieurs conséquences.
La crédibilité des travaux importants déjà réalisés ou engagés à la suite de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire risque d'en être affectée. Certes, le plan de relance pour la ville et l'institution des zones franches constituent à l'évidence des avancées, mais l'étalement des contrats de plan et la diminution des fonds divers concourant à l'aménagement du territoire sont des éléments d'inquiétude.
Dans tous les secteurs, urbains, périurbains ou ruraux, l'organisation des services inquiète aussi le citoyen. Celui-ci a l'impression, à tort ou à raison, qu'ils ne cessent de se dégrader, en qualité comme en quantité. L'hyperconcentration urbaine de la région parisienne renchérit à outrance les coûts d'investissement, sans améliorer pour autant de façon significative la vie quotidienne des Franciliens, qui sont d'ailleurs trop souvent otages de ces mêmes services publics.
Tous les mécanismes régulateurs au sein de l'Etat paraissent voués à une certaine inefficacité tant les réflexes centralisateurs sont encore forts, malgré la volonté affichée de déconcentration de l'Etat.
Comment, par ailleurs, faire en sorte de maintenir notre capacité d'investissement ?
Devant la réduction de nos marges de manoeuvre, du fait de l'urgence sociale à tous les niveaux, la politique d'aménagement du territoire devrait compter parmi les instruments permettant de procéder aux bons choix au meilleur coût, notamment par l'effet de levier que devrait constituer son budget, tous ministères confondus. Or qui peut nier que les crédits affectés aujourd'hui à cette politique concourent à une oeuvre plus curative que préventive ?
Je lis parfois que la politique des investissements publics ne doit plus être considérée comme l'instrument privilégié de la politique de l'emploi. Je suis profondément choqué par de telles affirmations quand je considère les effets que peut avoir dans nos départements une baisse de nos capacités de financement.
Monsieur le ministre, un appel général a été lancé par le Gouvernement à l'ensemble de ses partenaires pour contribuer à l'effort de réduction des dépenses publiques. Les collectivités territoriales, principaux partenaires de l'Etat, en charge de véritables missions de service public, sont directement et explicitement concernées par cette très forte sollicitation. On pourrait même dire qu'elles sont aujourd'hui dans l'oeil du cyclone puisque pas un jour ne passe sans que soit dénoncée la dérive des finances locales et, plus particulièrement, de la fiscalité locale. Il y a là un mauvais procès.
La réalité doit être connue en ce qui concerne l'évolution des charges et des recettes des collectivités territoriales. Cela a déjà été dit par les orateurs précédents, mais il me paraît important de le souligner à nouveau.
Tous les rapports d'évaluation, celui de l'Observatoire des finances locales présenté par notre collègue M. Paul Girod, comme celui de la commission consultative sur l'évaluation des charges démontrent, en ce qui concerne les seuls domaines des compétences transférées, qu'un décrochage certain s'est produit entre la compensation due et la compensation réellement versée depuis les années 1990-1991 et suivantes.
Tous conviennent que la multiplication des dégrèvements ou exonérations de charges fiscales décidées par l'Etat, notamment en faveur des entreprises, a abouti à une explosion des masses financières théoriquement dues en compensation - entre 40 milliards et 50 milliards de francs - et qui ne sont que partiellement reversées.
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Jean Puech. Cela engendre des situations un peu pénibles car, chaque année, les collectivités territoriales ont le sentiment d'être prises en otage.
Sur ce thème, s'agissant des dispositions du projet de loi de finances relatives aux collectivités locales, je suis, comme beaucoup ici, très satisfait, bien évidemment, de la suppression par l'Assemblée nationale du paragraphe V de l'article 20, qui aboutissait à réduire de plus de la moitié le montant de la compensation versée au titre de la réduction de taxe professionnelle pour l'embauche et l'investissement, la REI.
De même, en ce qui concerne l'étalement du paiement du solde de la compensation des pertes de ressources résultant de la réduction de 35 % des droits de mutation, je regrette que l'Etat ne soit pas en mesure de respecter ses engagements initiaux, à savoir le versement de la totalité de la compensation due aux départements qui enregistreraient une perte de recettes en début d'année 1997.
Le dossier relatif aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle n'est toujours pas réglé, malgré quelques récentes améliorations.
Cela pose le problème du pacte de stabilité financière : nous ne sommes jamais allés jusqu'au bout de sa logique, reconnaissons-le, notamment dans le domaine de la création et de l'évaluation des charges non compensées.
Certes, les fractures sociales et territoriales sont bien des réalités. Il faut donc s'efforcer de répondre à ce profond sentiment d'angoisse, ce à quoi vous vous employez, comme tous les élus.
Mais nous ne pouvons continuer d'y répondre selon les procédures actuelles, car celles-ci entraînent la création de charges pour les collectivités territoriales, selon des mécanismes que je qualifierai d'insidieux et que tous ici connaissent. Ils sont simples : l'Etat, par la voie tant législative que réglementaire, décide seul d'un programme d'action, dans quelque domaine que ce soit, arrête unilatéralement sa participation financière et affirme, ou fait dire publiquement, qu'il faudra bien trouver les compléments de financement ailleurs.
Bien sûr, il n'ajoute que très rarement que sa participation procède tout simplement de redéploiement. En revanche, il précise toujours que les collectivités sont libres ou non de participer ! En quelque sorte, si nous, élus locaux, ne répondons pas à l'urgence sociale, c'est notre responsabilité qui est mise en cause ! C'est ce que l'on appelle du « volontariat obligatoire ».
Les exemples foisonnent : les multiples plans en faveur de l'emploi, de la prévention sanitaire, du logement ; le plan de relance pour la ville ; celui qui est en projet pour l'avenir du monde rural ; ou encore l'épisode récent relatif à la prise en charge de l'équarrissage.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Jean Puech. Je salue l'initiative qui a été prise - je la trouve excellente - de soumettre tout projet de loi à une étude d'impact technique et financière.
M. René Régnault. Très bien !
M. Jean Puech. J'ai une demande insistante à formuler, c'est que cette instruction soit respectée à la lettre. A ma connaissance, de nombreux textes ne sont pas accompagnés de cette étude d'impact ; je pense notamment à l'avant-projet de loi sur la cohésion sociale.
Au risque de m'éloigner du débat budgétaire, au sens strict, qui nous occupe - mais je ne le crois pas - je tiens à souligner que l'on ne peut demander aux collectivités territoriales d'accomplir un effort significatif de maîtrise de leurs dépenses dans ces conditions. On porte atteinte non seulement à leurs forces vives d'initiatives locales, mais également aux principes mêmes de la décentralisation. Même si les collectivités territoriales n'augmentent pas leur pression fiscale, ce qui constitue déjà un effort considérable, elles ont alors de nouveau recours à l'emprunt.
Telle est la raison pour laquelle nous ne pouvons admettre que, de projet de loi en projet de loi, on acte, de fait, de nouvelles répartitions de compétences, des créations de charges. On multiplie à nouveau les financements croisés et c'est à une relative reconcentration des vrais pouvoirs de décision à laquelle nous assistons sous l'égide de l'administration d'Etat.
Désormais, l'exercice de clarification des compétences doit constituer un préalable absolu à tout engagement nouveau et conjoint de mission de service public entre l'Etat et les collectivités territoriales. Cela représente également un facteur d'économie. C'est ce qui nous importe aujourd'hui. C'est d'ailleurs, me semble-t-il, ce qui est vivement souhaité au travers de tous les rapports sectoriels établis par la Cour des comptes ces dernières années.
En conclusion, ce projet de budget pour 1997 m'inspire plusieurs réflexions : des directions et des objectifs clairs et que nous partageons tous dans votre majorité ; des orientations politiques particulières, notamment en matière fiscale, que nous aurions pu discuter en termes de priorités et de mesures nouvelles ; des inquiétudes parfois grandes sur quelques chapitres, notamment en matière d'aménagement du territoire, qui intéressent directement la vie quotidienne de nos concitoyens ; enfin, une insuffisante appréciation du choix de l'Etat sur l'évolution des dépenses publiques des principaux partenaires que sont les collectivités territoriales.
Les discussions qui auront lieu dans les jours à venir nous permettront de progresser encore sur ces questions, complétant ainsi heureusement l'oeuvre courageuse que vous nous proposez et pour laquelle, vous le savez, vous avez toute notre confiance et tout notre soutien. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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