M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-88 rectifié, MM. Cluzel et du Luart proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1458 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Les services de télévision locale mentionnés à l'article 34, 3°, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, distribués par câble et titulaires d'une convention conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 34-1 de la loi précitée ou déclarés auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 43 de la loi précitée. »
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-166, M. Loridant, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1458 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les services de télévision locale distribués par câble et titulaires d'une convention conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 34-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ou déclarés auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 43 de la loi précitée. »
« II. - La perte de recettes résultants du I ci-dessus est compensée par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-261, MM. Joyandet, Gerbaud et Oudin proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1458 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les services de télévision locale distribués par câble et titulaires d'une convention conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 34-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ou déclarés auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 43 de la loi précitée. »
« II. - La perte de recettes pour les collectivités locales résultant de l'application du I ci-dessus est compensée par une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement. »
L'amendement n° I-88 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à M. Loridant, pour présenter l'amendement n° I-166.
M. Paul Loridant. Dans le même esprit que l'amendement défendu hier soir à propos du taux de la TVA applicable au financement des télévisions locales du câble, je voudrais soumettre au Sénat un nouvel amendement qui vise, cette fois, à favoriser le développement de ces télévisions de proximité en les exonérant de la taxe professionnelle.
Il est difficile, dans ce genre d'argumentaire autour d'une même cause, de ne pas se répéter. Je voudrais cependant rappeler à notre assemblée que la taxe professionnelle concernant les télévisions de proximité rapporte aux collectivités locales un peu moins de 3 millions de francs. Pour mémoire, l'exonération de la taxe professionnelle dont bénéficie l'ensemble des entreprises de presse représente 1 062 millions de francs. C'est sans commune mesure avec les enjeux du présent amendement.
Les 3 millions de francs payés au titre de la taxe professionnelle par les télévisions locales paraissent donc infimes au regard des aides accordées à la presse en général et se trouverait rapidement compensés pour les collectivités locales par le fonds prévu à cet effet.
Au reste, le coût de cette mesure pour les collectivités locales devrait être nul. L'abaissement du taux de la TVA et l'exonération de la taxe professionnelle apporteront, en effet, 20 % de ressources complémentaires aux télévisions locales. Celles-ci devraient donc moins solliciter les subventions publiques.
Sur le fond, le principe de cet amendement reste le même : il s'agit bel et bien d'assurer le développement et la pérennité des chaînes locales qui remplissent, de fait, une véritable mission de service public à l'échelon de nos collectivités.
La fragilité financière des télévisions de proximité demeure une préoccupation unanimement partagée. Ainsi, le canal de Nîmes vient de rendre les armes et de disparaître du petit écran. Auparavant, c'était le cas de celui de Montpellier.
Encore une fois, c'est bien de pluralisme de l'information et de service public qu'il est question. A l'heure où l'on parle de créer un nouveau compte de soutien à la presse écrite afin de compenser la perte de certains avantages fiscaux dont bénéficiaient jusqu'alors les journalistes, on ne peut rester indifférent à cet appel lancé par ceux qui contribuent au renforcement de la démocratie par l'information en créant des chaînes de télévision locales.
La Haute Assemblée, grand conseil des communes de France, ne peut rester insensible à cet appel.
J'ajoute - je l'avais déjà souligné hier soir - que, saisi de ce dossier relatif à la situation de la télévision de proximité, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a indiqué que, par parallélisme avec ce qui se fait pour la presse, cette mesure pourrait effectivement être prise en faveur des télévisions de proximité.
C'est pourquoi, dans le prolongement de mon intervention d'hier sur la réduction du taux de TVA, je vous demande instamment, mes chers collègues, de bien vouloir prêter attention à cet amendement qui concerne des collectivités de toutes les sensibilités politiques. Je vous demande donc d'accorder cet avantage fiscal aux télévisions de proximité pour assurer leur pérennité et une meilleure démocratie locale.
M. le président. L'amendement n° I-261 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-166 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ces questions ont été très longuement évoquées la nuit dernière. La commission des finances, qui a examiné tous ces amendements en même temps, a souhaité recueillir l'avis du Gouvernement et s'en remettre à celui-ci.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Nous ne pouvons entrer dans une logique qui exonérerait de la taxe professionnelle une activité, quel que soit son intérêt économique, social et politique. En particulier, cette mesure aurait pour conséquence ou bien de priver les collectivités locales d'une partie de l'assiette de la taxe professionnelle, ce que le Sénat pourra difficilement accepter, ou bien d'exiger de l'Etat une contrepartie financière que nos finances publiques ne permettent pas d'accorder. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-166.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos explications, aux termes desquelles vous avez appelé le Sénat à rejeter cet amendement. Je voudrais, de nouveau, souligner l'enjeu.
A ma connaissance, la presse écrite bénéficie d'une telle exonération et cela représente plus de 1 milliard de francs. Cet amendement, dites-vous, mettrait vraiment en péril les ressources des collectivités territoriales ou, par le biais de la compensation, les finances publiques. Cela me paraît excessif. En effet, le coût de cet amendement serait inférieur à 7 millions de francs, montant qui me semble même surévalué.
Je prendrai un exemple. La télévision de proximité à la destinée de laquelle je préside paie à la commune de Massy une taxe professionnelle de 130 000 francs par an ; il s'agit d'une somme très modique. Supposons qu'il existe une cinquantaine de télévisions de proximité ; même si vous multipliez cette somme par cinquante, vous obtenez un montant peu important.
Or ces télévisions de proximité rencontrent de réelles difficultés de fonctionnement, au même titre d'ailleurs que la presse écrite, et n'ont pas accès à la publicité de la grande distribution. Dans ces conditions, en prêtant attention à ce dossier, le Gouvernement, en tout cas la Haute Assemblée, ferait un geste. La télévision de proximité est un phénomène qui, selon moi, ne pourra que se développer au fur et à mesure de la multiplication des chaînes diffusées par le câble ou par les satellites.
Nos concitoyens, pour s'intéresser à la vie locale, auront besoin des télévisions de proximité.
J'ajoute que les élus locaux que nous sommes avons intérêt à ce qu'il y ait des télévisions de proximité. Quel bénéfice retirerions-nous de la multiplication des chaînes si nos concitoyens restaient encore plus longtemps devant leur écran de télévision et se désintéressaient davantage de la vie associative, sportive et culturelle au sein de nos collectivités ?
Pour toutes ces raisons, et nonobstant l'avis du Gouvernement et du rapporteur général, je vous demande instamment, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-166, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-260, MM. Camoin, Gerbaud et Oudin proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1460 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les photographes auteurs affiliés au régime des assurances sociales des artistes auteurs, dont les oeuvres sont définies à l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, et qui ne vendent que le produit de leur art. »
« II. - La perte de recettes pour les collectivités locales résultant de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement. »
La parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin. Cet amendement vise à corriger une distorsion qui est ressentie comme une injustice par les photographes.
La loi du 11 mars 1957, reprise dans le code de la propriété intellectuelle en son article L. 112-2, reconnaît aux photographes qui ne vendent que le produit de leur art la qualité d'auteur, se conformant en cela aux termes de la convention de Berne, qui a été ratifiée et signée par la France par le décret n° 51-158 du 19 avril 1951.
Or la législation actuelle ne permet pas aux photographes auteurs de bénéficier de l'exonération de taxe professionnelle prévue à l'article 1460, alinéa 2, du code général des impôts en faveur des peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs considérés comme artistes et ne vendant que le produit de leur art. Elle ne leur permet pas non plus de bénéficier de l'exonération prévue à l'article 1460, alinéa 3, du même code en faveur des auteurs, ce terme désignant, selon la jurisprudence et la doctrine, exclusivement les écrivains.
En matière de TVA, la qualité d'auteur est reconnue aux photographes dont les réalisations sont réputées être des oeuvres d'art - c'est le décret n° 95-172 du 17 février 1995.
Sur le plan social, les photographes sont affiliés obligatoirement au régime des assurances sociales des artistes-auteurs gérées par l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs, l'AGESSA.
Aussi est-il compréhensible que les photographes ressentent, au-delà du problème financier, comme une profonde injustice le fait de ne pas être reconnus comme auteurs par la technostructure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission a considéré que la cause défendue par M. Camoin était tout à fait intéressante. Cependant, de deux choses l'une : ou bien cet amendement relève de la seconde partie du projet de loi de finances, et nous l'examinerons ultérieurement, ou bien il relève de la première partie et il est passible de l'article 40 de la Constitution. Dans les deux cas de figure, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
Un amendement similaire avait été déposé devant l'Assemblée nationale et il avait donné lieu à un long débat. Nous nous sommes rendu compte que la situation était assez confuse s'agissant de l'imposition des auteurs au regard de la taxe professionnelle. En effet, certains en sont exonérés - c'est le cas des créateurs en matière d'arts plastiques, des musiciens, des écrivains ou des auteurs dramatiques. D'autres sont assujettis à la taxe professionnelle : c'est le cas des photographes auteurs, des cinéastes, des architectes et des auteurs de logiciels.
J'ajoute que les exonérations actuelles ne sont pas compensées par l'Etat et sont donc, en fait, prises en charge par les collectivités locales. Il faut toutefois préciser qu'elles concernent un nombre relativement faible de personnes.
Si nous n'avons finalement pas retenu un amendement comparable à l'amendement n° I-260 lors de la discussion à l'Assemblée nationale, c'est parce qu'il est apparu très difficile en pratique de distinguer les photographes auteurs des photographes non-auteurs. L'analyse au cas par cas de la nature de l'activité exercée risquerait de susciter de nombreux difficultés et des contentieux, dès lors que les critères permettant de qualifier d'oeuvre d'art une photographie et donc de reconnaître comme artiste son auteur sont en partie subjectifs.
Je pense donc que la suggestion implicite de M. le rapporteur général est fondée : cet amendement est passible de l'article 40 de la Constitution. Aussi, je suggère que ses auteurs le retirent et, d'ici à l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances, nous pourrions essayer de préciser les choses, afin, éventuellement, de trouver une solution.
M. le président. Monsieur Camoin, acceptez-vous la suggestion de M. le ministre ?
M. Jean-Pierre Camoin. Je suis tout à fait d'accord pour discuter de ce problème lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Aussi, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-260 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-28 rectifié, MM. Descours, Camoin, Gerbaud et Oudin proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le second alinéa du I de l'article 1647 B sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Par dérogation, pour les impositions établies au titre de 1997 et des années suivantes dues par les entreprises qui exercent une activité industrielle au sens de l'article 34, le taux prévu au premier alinéa est réduit à 3 % lorsque la part de la valeur locative définie à l'article 1469 des immobilisations corporelles non passibles d'une taxe foncière est égale ou supérieure à 70 % et inférieure à 80 % de la base définie à l'article 1467, à 2 % lorsque cette part est égale ou supérieure à 80 % et inférieure à 90 % et à 1 % lorsqu'elle est égale ou supérieure à 90 %. »
« II. - Le I de l'article 1647 E du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. dans le premier alinéa, le taux de "0,35 %" est remplacé par le taux de "0,5 %" ;
« 2. le second alinéa est supprimé. »
Par amendement n° I-178, M. Loridant, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au I de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, la mention : "3,5 %" est remplacée par la mention : "4 %".
« II. - Au second alinéa du même paragraphe, les mentions : "3,8 %" et "4 %" sont respectivement remplacées par les mentions : "4,5 %" et "5 %". »
La parole est à M. Descours, pour présenter l'amendement n° I-28 rectifié.
M. Charles Descours. A l'occasion de l'examen de cet amendement, je voudrais insister sur les incohérences de la taxe professionnelle et les injustices qu'elle génère.
En 1995, lors de sa formation, le Gouvernement avait dit que la réforme de la taxe professionnelle était l'un de ses objectifs. Apparemment, au début de cette année, il y a renoncé.
Or, aujourd'hui, nous savons bien qu'il existe un certain nombre d'incohérence en matière de taxe professionnelle. Je voudrais insister sur celle qui consiste à frapper, notamment, les industries investissent le plus, je veux parler des semi-conducteurs.
Voilà bientôt deux ans, j'ai rédigé, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport sur l'industrie des semi-conducteurs. Cette industrie, nous le savons, est absolument capitale dans la mesure où elle intervient dans tous les secteurs, qu'il s'agisse du téléphone, de l'automobile, de la micro-informatique. Par conséquent, pour exister dans la totalité du monde industriel de demain, la France et l'Europe doivent conserver une industrie de semi-conducteurs.
Je note au passage que, malgré l'explosion des semi-conducteurs, la part de l'Europe, qui est actuellement de 9 %, diminue. Or, aujourd'hui, ces industries qui investissent énormément : une usine de fabrication vaut un milliard de dollars, et elle a des interconnections avec toutes les universités et une multitude d'industries.
Aujourd'hui, compte tenu des investissements extrêmement lourds, les industriels de semi-conducteurs paient l'équivalent de quatre fois la moyenne nationale de la cotisation de taxe professionnelle et, en 1997 ou en 1998, ils paieront l'équivalent de huit fois la moyenne nationale.
Ces industries sont toutes des multinationales. Mais si nous ne faisons rien à cet égard, elles se délocaliseront dans le Sud-Est asiatique, y compris pour le produit le plus pointu qui est actuellement encore fabriqué en France et en Europe.
Je considère donc qu'il s'agit de problèmes absolument stratégiques pour l'industrie européenne, et pour l'industrie française en particulier.
Je souhaite que cet amendement soit adopté par la Haute Assemblée, car il y va de l'avenir de notre industrie dans tous les domaines.
M. le président. La parole est à Mme Beaudau, pour défendre l'amendement n° I-178.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous êtes habitués à entendre les membres du groupe communiste, républicain et citoyen défendre la mesure qui est prévue par l'amendement n° I-178. Il n'empêche qu'elle prend cette année une nouvelle dimension puisque, de plus en plus, tout le monde prend conscience de la nécessité de modifier les dispositions du plafonnement de la taxe professionnelle. J'en veux pour preuve l'article 12 du présent projet de loi de finances.
J'en veux également pour preuve la dénonciation quasi unanime de l'explosion de la charge de l'Etat du fait de ce plafonnement. En effet, comment ne pas souligner que, en six ans, la charge de l'Etat est passée de 9 milliards de francs à plus de 29,6 milliards de francs selon les derniers chiffres connus ? C'est ainsi que, pour la taxe professionnelle, la charge effectivement supportée par les entreprises s'élève à moins des deux tiers du produit total. L'Etat compense plus de 50 milliards de francs d'exonérations et d'allégements les plus divers.
Or, pour freiner les conséquences d'une telle charge, le Gouvernement réduit les dotations aux collectivités locales. C'est l'objet du pacte dit « de stabilité » sur lequel nous reviendrons au cours de cette discussion.
Avec les collectivités locales, ce sont les contribuables locaux, particulièrement les familles, qui font les frais d'un tel choix.
Ainsi, alors que la charge de l'Etat ne cesse de progresser pour compenser les exonérations accordées aux entreprises, il en est tout autrement pour les ménages. Ces derniers ont subi tout d'abord la réduction de l'exonération sur le foncier bâti et, depuis l'an dernier, le mode de calcul d'exonération ou de dégrèvement de la taxe d'habitation a été modifié dans un sens défavorable.
C'est cette orientation que nous contestons, et ce d'autant plus que, comme nous l'avons indiqué lors de la discussion de nos amendements ayant trait à la taxe d'habitation, le plafonnement sur la valeur ajoutée équivaut à plafonner en moyenne, ou peu s'en faut, la moitié du chiffre d'affaires. En réalité, c'est donc un taux de 1,7 % à 2 % du chiffre d'affaires qui est pris en compte. Quand on connaît les aménagements et les services mis à disposition pour les entreprises par les collectivités locales, on ne peut pas dire que la participation de ces entreprises soitexorbitante.
Pour notre part, nous avons déposé tout un ensemble de propositions visant à une réforme en profondeur de la taxe professionnelle, ensemble dont fait partie cet amendement.
Nous estimons aujourd'hui que, dans un souci de justice fiscale et sociale, il est urgent de porter le plafonnement de la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée de 3,5 % à 4 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 140 millions de francs, de 3,8 % à 4,5 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 140 millions de francs et 500 millions de francs, et de 4 % à 5 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 500 millions de francs.
Une telle disposition allégerait beaucoup la contrainte pesant sur le budget de l'Etat et pourrait donc alimenter la dotation aux collectivités locales.
C'est dans cet esprit que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous proposent d'adopter cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-28 rectifié et I-178 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La première partie de l'amendement n° I-28 rectifié appelle la sympathie de la commission des finances. Le Sénat a d'ailleurs bien voulu suivre cette dernière dans sa démarche, l'an passé, en précarisant le relèvement à 3,8 % ou à 4 % du taux du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée et en fixant à 1998 le terme de la mesure proposée par le Gouvernement.
Cependant, par rapport au régime existant avant le relèvement du taux de plafonnement, l'amélioration suggérée est importante. Le dispositif de l'amendement mène très loin sur la route de l'instauration d'une taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée, et il mériterait, de l'avis de la commission, la réalisation de simulations, afin de ne pas commettre d'erreurs et d'étudier cette proposition extrêmement intéressante dans tous ses aspects, qu'il s'agisse des aspects financiers ou des effets éventuels sur l'emploi, puisqu'il s'agit de soutenir l'investissement.
L'amendement n° I-28 rectifié me donne l'occasion de demander au Gouvernement où en est la rédaction du rapport sur le plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée. Monsieur le ministre, c'est une question dont nous parlons presque tous les jours en commission des finances ; je me devais donc de vous dire en séance publique que nous attendons avec impatience ce rapport. Peut-être fondons-nous des espoirs excessifs sur cette question ? Mais, en tout état de cause, nous souhaiterions l'expertiser avec le maximum de précisions.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-178, car, à son avis, c'est non pas en accroissant le taux du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée que l'on remédiera à l'augmentation de la participation de l'Etat au titre des divers dégrèvements de taxe professionnelle, mais en réformant la taxe professionnelle elle-même.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-28 rectifié et I-178 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. L'amendement n° I-28 rectifié est intéressant, car il essaie de mettre noir sur blanc l'une des pistes de réflexion du Gouvernement pour la modernisation de l'assiette de la taxe professionnelle. Le Sénat connaît - mieux que quiconque, suis-je tenté de dire - les problèmes que pose l'assiette actuelle de la taxe professionnelle et, en même temps, les difficultés auxquelles nous nous sommes tous heurtés depuis vingt ans lorsque nous avons voulu y porter remède ou proposer une alternative. En particulier, la prise en compte, au moins en partie, de la valeur ajoutée dans cette assiette est l'une des pistes qui ont été esquissées, avec le plancher d'un côté, le plafond de l'autre, de la cotisation de taxe professionnelle. Ces pistes pourraient donc être davantage explorées avec l'amendement de M. Descours.
Il faut bien être conscient, néanmoins, de trois problèmes.
Premièrement, plus on prend en compte la valeur ajoutée, plus on encourage l'investissement, mais, en même temps, plus on risque de pénaliser l'emploi. En effet, la part des salaires dans la définition de la valeur ajoutée est supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui dans l'assiette de la taxe professionnelle.
Dans la situation actuelle du marché de l'emploi, on peut donc se demander si le moment est bon pour prendre davantage en compte la valeur ajoutée dans l'assiette de la taxe professionnelle.
Deuxièmement, la valeur ajoutée est difficilement localisable. Si cela ne pose pas de problème pour les entreprises n'ayant qu'un établissement, il n'en est pas de même pour toutes celles qui ont plusieurs établissements dans notre pays, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de solution.
La troisième difficulté est directement posée par l'amendement n° I-28 rectifié de M. Descours : le barème qu'il envisage, outre le fait qu'il soit complexe, aurait un effet assez puissant. Cela pose donc le problème du transfert de charges entre les enteprises, au profit de certaines entreprises telles que celles qui fabriquent des semi-conducteurs ou qui sont dans la micro-informatique - là l'intérêt économique est évident - mais au détriment d'autres, en particulier des entreprises ayant une main-d'oeuvre plus importante. Je rappelle que, à l'heure actuelle, nous mettons en oeuvre des dispositifs très coûteux aux frais de l'Etat pour soutenir nos entreprises de main-d'oeuvre, notamment celles qui ont recours à une main-d'oeuvre peu qualifiée. Ainsi, pour le seul secteur du textile et de l'habillement, le coût en allègements de charges sociales s'élève à 2 milliards de francs.
Comme M. le rapporteur général, je considère donc que, si la direction est intéressante et mérite d'être étudiée, des simulations doivent cependant être faites afin de connaître les effets de transfert en faveur ou au détriment de certaines branches ou de certaines entreprises.
J'en viens au gage proposé pour financer ce qui, au total, sera un allégement de taxe professionnelle : l'amendement n° I-28 rectifié prévoit le relèvement de la cotisation minimale et la suppression du dispositif de plafonnement de cette cotisation.
En ce qui concerne le minimum d'imposition, ce n'est en fait qu'à la fin du mois de décembre 1996 ou en janvier 1997 que nous connaîtrons l'impact réel pour 1996 de cette mesure, qui est appliquée pour la première fois cette année. Il est donc très difficile de chiffrer ce que rapporterait l'augmentation de ce minimum d'imposition. Les informations disponibles à l'heure actuelle nous laissent penser que les évaluations faites l'année dernière étaient un peu optimistes et que, en réalité, cette cotisation minimale rapportera moins que prévu.
La mesure proposée aurait donc pour conséquence d'alourdir le coût pour l'Etat des dégrèvements résultant du plafonnement de la taxe professionnelle. Je rappelle que, à l'heure actuelle, l'Etat prend en charge 30 milliards de francs au titre de la compensation de ces dégrèvements. Nous nous lancerions donc là dans une opération coûteuse.
J'ai donné ces explications, monsieur le sénateur, pour souligner à la fois l'intérêt de votre proposition et le fait qu'elle a besoin d'être approfondie afin de nous permettre de disposer de simulations pour mieux apprécier, d'une part, l'impact budgétaire et, d'autre part, les effets de transfert de charges susceptibles d'être induits dans l'ensemble de l'industrie.
Il serait donc sage, à mon avis, de ne pas débattre aujourd'hui de cet amendement et de mettre à profit la période qui nous sépare de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour apprécier l'opportunité de prendre en compte dans ce cadre certains aspects de cette proposition. J'ai d'ailleurs cru comprendre que M. le président de la commission des finances lui-même réfléchissait à des amendements relevant de la même inspiration.
Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° I-178. En effet, si l'augmentation des taux plafond présenterait, certes, l'avantage de rapporter à l'Etat environ 3 milliards de francs - le ministre délégué au budget est bien sûr sensible à ce point - elle aurait cependant l'inconvénient d'aggraver sensiblement la charge des entreprises. A un moment où nous espérons une relance de l'investissement, notamment de l'investissement industriel, la mesure proposée ne nous paraît pas opportune.
M. le président. L'amendement n° I-28 rectifié est-il maintenu, monsieur Descours ?
M. Charles Descours. Je vais le retirer, monsieur le président, non sans avoir rappelé auparavant à M. le ministre que, en 1995, 15 milliards de francs ont été investis par le secteur des semi-conducteurs. Quelles sont les sociétés concernées ? SGS Thomson et Atmel ES 2, au Rousset, Motorola, à Toulouse, Philips, à Caen, IBM, à Corbeil-Essonne.
Toutes ces sociétés sont des sociétés étrangères, même si certaines, comme SGS Thomson ou Atmel ES 2, ont une participation française. Toutes, en tout cas, ont une stratégie mondiale.
Quand les dirigeants de SGS Thomson, que je connais bien, discutent de l'implantation d'une nouvelle usine, ils disent qu'ils peuvent, certes, l'installer à Aix-en-Provence ou à Grenoble, mais qu'ils peuvent aussi bien la mettre à Milan, en Ecosse, à Dublin, à Singapour ou à Taïwan, et, malheureusement, je constate qu'il y a plus d'usines de fabrication de semi-conducteurs à Taïwan et en Corée qu'en France, même de producteurs français.
Tous ces producteurs, tous ces investisseurs, qui travaillent avec nos universitaires, avec nos chercheurs, iront demain travailler ailleurs, si nous y prenons garde, et nous n'aurons plus ces usines qui fabriquent des produits à haute valeur ajoutée.
Je comprends bien le souci de l'équilibre budgétaire qui vous anime, monsieur le ministre, mais je vous demande de ne pas sacrifier, pour des motifs à courte vue, l'industrie de demain.
Cela étant dit, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-28 rectifié est retiré.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Que M. Descours, que je remercie d'avoir retiré son amendement, ne voie aucun esprit polémique dans mon propos, mais ce qu'il a dit pour les semi-conducteurs vaut pour tous les types d'industries. Dans l'affaire Hoover, il s'agissait de machines à laver et non de semi-conducteurs !
Il est évident que, pour l'avenir de notre compétitivité, nous avons intérêt à ce que se développent chez vous des secteurs de haute technologie. Cependant, le problème posé est beaucoup plus général ; c'est celui du niveau de nos charges fiscales, notamment la taxe professionnelle, du coût du travail et du poids des cotisations sociales, et, de ce point de vue, malheureusement, le raisonnement ne vaut pas que pour un secteur de l'industrie.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-178, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue. (La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Michel Dreyfus-Schmidt.)