SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Intérieur et décentralisation

DÉCENTRALISATION (p. 2 )

MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Daniel Hoeffel.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

MM. Jean-Paul Delevoye, René Régnault, Robert Pagès, Jean-Paul Amoudry, Gérard Roujas, Alain Richard.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Vote des crédits réservé.

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire (p. 3 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

4. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).

Services généraux du Premier ministre

FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ÉTAT (p. 6 )

MM. Philippe Marini, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jacques Oudin, Jean-Claude Peyronnet, Robert Pagès.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

MM. Jean-Jacques Hyest, Yann Gaillard, Jacques Mahéas.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Vote des crédits réservé.

5. Financement de la sécurité sociale pour 1997. - Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire (p. 8 ).
Discussion générale : MM. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. François Autain, Philippe Marini, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.

Texte élaboré
par la commission mixte paritaire (p. 9 )

Sur l'article 27 ter (p. 10 )

Amendement n° 1 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Vote sur l'ensemble (p. 11 )

MM. François Autain, le rapporteur.
Adoption du projet de loi.

6. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 12 ).

Travail et affaires sociales

II. - SANTÉ PUBLIQUE ET SERVICES COMMUNS

III. - ACTION SOCIALE ET SOLIDARITÉ (p. 13 )

MM. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé ; Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les affaires sociales ; Mmes Jacqueline Fraysse-Cazalis, Joëlle Dusseau, MM. Bernard Seillier, Xavier de Villepin, Charles Descours, François Autain, Mme Michelle Demessine, MM. Claude Huriet, Lucien Neuwirth, Georges Mazars, Pierre Lagourgue, Jacques Machet, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
MM. le président, Christian Poncelet, président de la commission des finances.

Crédits du titre III (p. 14 )

Amendements n°s II-17 de M. Neuwirth et II-16 de M. Gournac. - MM. Neuwirth, Gournac, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement n° II-17 ; adoption de l'amendement n° II-17.
Amendement n° II-20 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial, Boyer, Mme Dusseau. - Adoption.
Vote des crédits modifiés réservé.

Crédits du titre IV (p. 15 )

MM. Georges Mazars, Mme Michelle Demessine.
Amendement n° II-21 du Gouvernement. - Adoption.
Vote des crédits modifiés réservé.

Crédits du titre V. - Vote réservé (p. 16 )

Crédits du titre VI (p. 17 )

Mme Michelle Demessine.
Vote des crédits réservé.

Article 28 (supprimé) (p. 18 )

Amendement n° II-8 de la commission des affaires sociales et sous-amendement n° II-15 rectifié bis de Mme Bocandé. - MM. Jean Chérioux, rapporteur pour avis ; Jacques Machet, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement, le sous-amendement devenant sans objet.
L'article demeure supprimé.

Suspension et reprise de la séance (p. 19 )

Travail et affaires sociales
(suite)

I. - TRAVAIL (p. 20 )

MM. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi, et, en remplacement de M. Jean Madelain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle ; Roland Huguet, Guy Fischer, Mme Joëlle Dusseau, MM. Jean-Claude Carle, Jacques Machet, André Jourdain, Gérard Delfau, Bernard Joly, Alain Gérard, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi.
Renvoi de la suite de la discussion.

7. Transmission d'un projet de loi (p. 21 ).

8. Dépôt d'une proposition de loi (p. 22 ).

9. Ordre du jour (p. 23 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quinze.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997).]
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons pris un peu de retard dans la discussion du projet de loi de finances. Je vous demande donc de veiller au respect des temps de parole.

Intérieur et décentralisation

DÉCENTRALISATION

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'est-ce qu'un budget ?
Si l'on s'en tient à une définition purement juridique, c'est, bien sûr, un acte qui permet la perception de recettes et un certain nombre de dépenses. C'est à cette conception que nous nous en tiendrons dans une première partie pour pouvoir dire, monsieur le ministre, que ce projet de budget est financièrement honnête et satisfaisant.
Mais le budget peut aussi être considéré comme un acte permettant la réalisation d'un certain nombre de politiques, un acte insufflant une certaine dynamique. C'est à cette seconde conception que nous nous en tiendrons dans une seconde partie, pour voir, monsieur le ministre, si votre projet de budget est de nature à combler les attentes des élus locaux et à mettre fin à une inquiétude que l'on sent parfois sourdre.
Ce projet de budget est donc financièrement honnête et satisfaisant. Cela peut être considéré comme une grande qualité.
Le pacte de stabilité des relations financières Etat-collectivités locales est respecté scrupuleusement : et vous avez su, parfois habilement, éviter un certain nombre d'écueils.
Le pacte de stabilité financière est respecté scrupuleusement : la loi de finances pour 1996 prévoyait que, pour un certain nombre de dotations - elles sont probablement en trop grand nombre, d'ailleurs, et mériteraient peut-être d'être regroupées - l'Etat s'engageait, en 1996, en 1997 et en 1998, à garantir aux collectivités une progression qui serait égale à celle des prix. Pour 1997, cette progression de 1,3 % est garantie et, au sein même de ce pacte, de cette enveloppe que l'on dit parfois « enveloppe normée », les différents concours respectent parfaitement les règles législatives mises en place ces dernières années.
Tout d'abord, tous les mécanismes de la dotation globale de fonctionnement ont été parfaitement respectés. Je serais presque tenté de dire qu'ils ont été trop bien respectés puisque, monsieur le ministre, vous avez été amené à appliquer les dispositions d'un amendement de l'Assemblée nationale et donc à recaler à la baisse la base de calcul de la dotation globale de financement pour 1997. Cette dernière, dont la progression annoncée était de 1,95 %, n'augmentera donc que de 1,26 %.
Mais une règle qui peut donner un mauvais résultat une année peut éventuellement donner de meilleurs résultats pour 1998 ; c'est en tout cas ce que nous souhaitons.
Toutes les autres dotations - la dotation spéciale instituteurs, la dotation générale de décentralisation, la dotation générale de décentralisation-Corse, la dotation formation professionnelle - vont augmenter comme la DGF, avec le rattrapage prévu de 0,1 % sur 1996. Il n'y a donc rien à dire de ce point de vue, sinon pour répéter que vous avez bien appliqué les engagements que vous aviez pris. Comme il est rare que l'on tienne tous ses engagements, il faut le souligner lorsque cela est fait.
Pour les autres concours compris dans le pacte de stabilité financière - le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le fonds national de péréquation, la dotation globale d'équipement et les enveloppes destinées à aider les régions et les départements à construire les lycées et les collèges - vous avez fait comme pour la DGF, monsieur le ministre.
Pour arriver à cette progression de 1,3 %, vous avez dû augmenter la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, hors compensation pour la réduction pour embauche et investissement, de 2 %. Certes, si cette augmentation est importante en pourcentage, ce concours a cependant subi, ces dernières années, des amputations nombreuses et répétées. Par conséquent, cette progression est moins importante qu'il n'y paraît et cette DCTP n'entraîne pas un supplément de dépenses important pour l'Etat.
Le pacte de stabilité financière est respecté scrupuleusement, ai-je dit. Mais vous avez su aussi éviter un certain nombre d'écueils, monsieur le ministre, et j'en citerai deux.
S'agissant de la CNRACL, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, vous avez évité l'écueil habilement : grâce en quelque sorte à un trésor, qui devait quand même être caché - sinon, il aurait probablement été amputé les années précédentes ! - l'équilibre de la CNRACL sera assuré pour 1997, ce dont nous devons, je crois, vous remercier et vous féliciter. Par conséquent, il n'y aura pas d'augmentation des taux de cotisation à la CNRACL, en 1997. Mais ce moyen ne pourra servir qu'une fois ! Il faudra donc que nous employions le temps qui nous reste, c'est-à-dire une année, à réformer la CNRACL, ce qui nous amènera probablement à nous interroger sur deux points : la surcompensation et le coût des retraites pour les collectivités locales.
Je rappelle que la Haute Assemblée a pris une position limitant le taux de surcompensation dans la loi de financement de la sécurité sociale. Mais nous devrons nous interroger sur cette compensation, et sur la façon dont elle doit fonctionner.
Nous devrons aussi mettre à plat le coût des retraites pour les collectivités locales, en sachant que la caisse de retraite des collectivités locales est aussi la caisse de retraite pour la fonction publique hospitalière. Il y a là un chantier devant lequel nous ne pourrons pas reculer en 1997.
Mais vous avez évité un second écueil, monsieur le ministre - d'ailleurs, en était-ce vraiment un ? - avec l'affaire de l'article 20. Vous aviez prévu que la dotation destinée à compenser la réduction de taxe professionnelle pour embauche et investissement serait amputée de la moitié. On pouvait s'interroger : c'était tellement gros que l'on pouvait penser que vous aviez l'intention de faire le cadeau - probablement au Sénat - d'abandonner cette idée qui ne pouvait paraître que néfaste. Malheureusement, cela se voyait tellement que les députés vous ont demandé d'abandonner très vite cette idée. Vous avez eu la sagesse de ne pas essayer de reprendre ce thème devant la Haute Assemblée.
Nous sommes donc très satisfaits que vous ayez su éviter ces deux écueils, monsieur le ministre, même si, pour la CNRACL, il ne s'agit que d'un sursis.
Nous pouvons donc dire que l'Etat fait un effort réel en faveur des collectivités locales, en 1997, au moment où il est amené à examiner avec la plus grande rigueur ses propres dépenses.
Cet effort sera-t-il perçu à sa juste valeur ? Sera-t-il de nature à dissiper l'inquiétude des élus locaux et à satisfaire leur attente ? C'est ce que nous pouvons nous demander dans une seconde partie de ce développement.
Les élus locaux sont aujourd'hui relativement inquiets, même s'ils savent parfaitement être responsables et s'ils savent très bien qu'ils ne doivent pas attendre de l'Etat ce que ce dernier ne peut leur donner. Un sentiment d'incompréhension et d'impuissance se développe souvent parmi les élus locaux, et la récente polémique quant à l'augmentation des impôts locaux est peut-être un peu le symptôme, voire le symbole ou l'explication de ce sentiment.
Le jour même ou le lendemain de l'annonce faite par le Gouvernement de la réduction de 25 milliards de francs, en 1997, des impôts directs de l'Etat, la presse indiquait que les impôts locaux augmentaient en 1996 de près de 20 milliards de francs - la réalité est un peu moindre - et que les élus locaux reprendraient en quelque sorte ce que le Gouvernement allait donner.
Il y a là tous les facteurs d'une incompréhension qu'il faut faire cesser.
Si les élus locaux ont dû augmenter les impôts, c'est non pas par frénésie fiscale mais parce qu'ils y sont obligés, souvent en raison des charges dont ils n'ont pas réellement la maîtrise : c'est notamment le cas en matière sociale, ainsi que dans un certain nombre de secteurs où la frénésie normative - tant parfois la nôtre que celle qui peut provenir de l'Union européenne - entraîne automatiquement des dépenses.
Ce sentiment d'incompréhension et d'impuissance est relativement grave, et il se traduit aujourd'hui par la stagnation de l'investissement des collectivités locales, comme l'ont montré trois notes de conjoncture publiées en 1996. Cela me paraît grave au moment où l'Etat est lui-même obligé de réduire ses dépenses d'investissement. Dans le passé, les collectivités locales avaient largement pris le relais en matière d'investissement. Si elles-mêmes sont amenées maintenant à revenir sur leur politique d'investissement, des retards se produiront dans l'équipement du pays et des catastrophes nouvelles se produiront du point de vue de l'emploi dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, déjà largement menacé.
Pour apaiser l'inquiétude des élus locaux, le Gouvernement doit donner des signaux clairs. C'est le souhait que je veux émettre en cet instant.
Sans avoir la prétention d'être exhaustif, je tiens à évoquer devant vous, monsieur le ministre, quelques pistes de réflexion.
La première concerne la TVA pour les communautés de communes. A la suite des interventions de M. le président de la commission des finances et de M. le rapporteur général, l'affaire a été réglée pour 1997. Vous le savez, les communautés de communes ont été créées en nombre à l'instigation de l'Etat, et l'un des arguments avancés, technique, certes, financier, certes, mais intéressant, est le remboursement dans l'année de la TVA.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, il faudra que vous nous aidiez, lors de l'examen du collectif budgétaire, à trouver une solution, même partielle, pour l'exercice 1996. Ce sera là un des signaux clairs à destination des élus locaux dont je parlais à l'instant.
Je crois nécessaire d'aller aussi plus avant dans la clarification des rôles, dossier qui vous tient à coeur. Clarifier les rôles, cela ne veut pas dire interdire à l'Etat et aux collectivités locales de travailler ensemble. Il convient de distinguer, de ce point de vue, le partenariat, qui est une bonne chose, de la cogestion, qui est source d'irresponsabilité. Je souhaite très vivement que vous puissiez, en 1997, avancer dans cette clarification. Qui est responsable de la dépense ? Qui décide ? Permettez-moi d'illustrer mon propos par deux exemples, très différents, mais qui montrent qu'il reste beaucoup de travail à faire.
Le premier est celui des installations sportives. Usant de leur pouvoir normatif, les fédérations sportives s'en donnent à coeur joie et inventent chaque année des règles nouvelles qui se traduisent par des dépenses que les élus locaux sont obligés d'accepter.
Le second exemple concerne le domaine social, domaine infrajuridique dans lequel la circulaire contrarie sans vergogne la loi ou le décret, ce qui se traduit, là encore, par une augmentation de l'ensemble des dépenses.
Monsieur le ministre, le Gouvernement peut et doit donner quelques signaux clairs aux élus locaux pour satisfaire leur attente. C'est à cette condition, et compte tenu des efforts réels que vous avez accomplis, que ce budget, financièrement bon, deviendra tout simplement un bon budget. Pour l'heure, au nom de la commission des finances, je conclurai à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du Rassemblement pour la République et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Bravo, monsieur le rapporteur spécial ! Nous sommes dans les temps, ce qui est formidable !
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous trouverez dans mon rapport écrit une analyse approfondie des concours de l'Etat aux collectivités locales et de l'effort en faveur de l'administration territoriale. Je me bornerai, dans ce rapport oral, à quelques observations essentielles.
En premier lieu, donnons acte au Gouvernement du respect, dans un contexte budgétaire difficile, des règles fixées pour une période de trois ans par la loi de finances pour 1996. L'application, en 1997, du pacte de stabilité permettra notamment une progression de 2 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui aurait, à défaut de ce pacte, diminué de 0,61 %.
Autre sujet de satisfaction, la cotisation employeur à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, n'augmentera pas en 1997, même si les perspectives pour les années suivantes demeurent préoccupantes.
La dotation globale de fonctionnement, la DGF, atteindra 104,8 milliards de francs en 1997. Il convient de rappeler que 1996 a été une année de transition fondamentale pour l'adaptation de la réforme de la DGF réalisée en 1993, laquelle avait structuré la DGF des communes autour d'une dotation forfaitaire et d'une dotation d'aménagement.
La loi du 26 mars 1996 a, en effet, permis au comité des finances locales de prévoir une progression plus significative de la dotation forfaitaire. Elle a, en outre, autorisé un effort accru en faveur des communes urbaines en difficulté tout en préservant une bonne progression de la dotation de solidarité rurale et en maintenant le nécessaire soutien à l'intercommunalité. Elle a, enfin, amélioré les critères de répartition, en particulier pour la dotation de solidarité urbaine, les rendant ainsi plus fiables. Je tiens ici à rappeler le travail de fond accompli par les différentes commissions de la Haute Assemblée ainsi que par le comité des finances locales.
Pour 1997, la dotation forfaitaire progressera moins fortement, mais elle pourra bénéficier, dans une proportion comprise entre 50 % et 55 %, du taux d'augmentation de la masse mise en répartition. Si le besoin supplémentaire de financement de l'intercommunalité était identique à celui de 1996, la dotation de solidarité urbaine pourrait progresser de 2,2 %, et la dotation de solidarité rurale de 5,5 %.
Force est néanmoins de constater la très grande dispersion des concours de l'Etat, dont les règles sont devenues de plus en plus complexes.
L'évolution des concours de l'Etat s'inscrit, par ailleurs, dans un contexte dans lequel les budgets locaux disposent de marges réduites, notamment en raison du poids des dépenses de personnel, qui sont pour l'essentiel liées à des décisions de l'Etat, et des dépenses d'aide sociale, qui représentent 60 % des dépenses de fonctionnement des seuls départements.
Cela étant, la commission des lois souhaite, cette année encore, insister sur la nécessaire clarification des conditions d'exercice des compétences locales.
Après la première avancée qu'ont constituée les réflexions de la commission Delafosse, l'année 1996 aura été marquée par la mise en place, au sein du comité des finances locales, d'un observatoire qui a approuvé les rapports de nos collègues MM. Joël Bourdin et Paul Girod. Le premier traite de l'état des finances locales, le second est relatif à la compensation financière des transferts de compétences.
Ce dernier rapport constate la rupture entre l'évolution forte de ces charges et celle des ressources transférées qui n'ont pas permis une véritable compensation. Ses conclusions sont corroborées par le rapport de la commission consultative sur l'évaluation des charges, récemment rendu public.
De ces réflexions, la commission des lois tire en particulier la conclusion que la notion de « pacte de stabilité » devrait englober non seulement les concours de l'Etat, mais également les charges par la généralisation d'études d'impact préalables.
La commission des lois constate, en outre, les difficultés croissantes qu'éprouvent les collectivités locales pour faire face à l'adaptation aux normes dont les élus locaux ne perçoivent pas l'urgence et dont ils constatent que les conséquences budgétaires sont contraires au souhait de voir diminuer la charge fiscale et parafiscale des citoyens ou des usagers.
Il s'agit, notamment, des normes imposées par la loi sur l'eau et par la loi sur les déchets, dont les conséquences sont perceptibles dès à présent. Il ne sera pas possible de tenir les exigences de calendrier fixées par la loi. Il ne sera pas possible non plus d'imposer à une population soucieuse de la création d'emplois une majoration de taxes ou de redevances. Pour les ordures ménagères, les impositions annuelles dépassent déjà dans certaines communes la taxe d'habitation.
Le respect des normes de sécurité a eu, de même, une série de conséquences : désignation de coordonnateurs de sécurité ; vérification tatillonne des agrès sportifs, suspicion sur la présence d'amiante dans les équipements.
Il serait indispensable de faire l'utile et le possible avant de s'attaquer à l'impossible !
La commission des lois exprime le souhait que les politiques sectorielles ne remettent pas en cause l'objectif du pacte de stabilité des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. André Bohl, rapporteur pour avis. Ces dernières souhaitent une clarification de leurs compétences, mais plus encore de leurs responsabilités financières. Or l'Etat, par certaines mesures contenues dans la loi de finances, revient sur diverses dispositions d'exonération de fiscalité locale, en modifiant les critères. Il en est ainsi des exonérations de taxe professionnelle et de taxe d'habitation.
Il paraît sage de recommander également que les exonérations voulues par l'Etat soient compensées intégralement par lui. Le Sénat a ainsi sagement refusé, après l'Assemblée nationale, les inflexions relatives à la réduction pour embauche et investissement.
Au demeurant, est-il raisonnable que les compensations d'exonérations et dégrèvements représentent 30 % de la fiscalité locale ?
La commission des lois souhaite par ailleurs que le processus de codification et de simplification des textes applicables aux collectivités locales soit poursuivi, notamment par l'achèvement de la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales et par la réforme du régime de la coopération intercommunale. Nous savons, monsieur le ministre, que c'est bien l'orientation que vous mettez en oeuvre.
Enfin, l'ensemble des dispositions de la loi du 27 décembre 1994 relatives à la fonction publique territoriale doivent désormais être mises en oeuvre dans les meilleurs délais avec la parution des derniers textes réglementaires d'application.
Je voudrais terminer mon rapport oral sur une observation relative à l'administration territoriale de l'Etat. Les crédits sont en augmentation de 4,1 %, mais ils intègrent un transfert d'une enveloppe auparavant inscrite au budget des charges communes au titre de l'affranchissement postal. Dans le cadre de la réforme des services de l'Etat que vous avez entreprise, monsieur le ministre, l'objectif de modernisation des services déconcentrés paraît essentiel.
Il est souhaitable que les pôles de compétences soient développés pour que la multiplicité des interlocuteurs soit évitée aux usagers et aux collectivités. Faciliter les contacts entre l'Etat et les usagers doit être un objectif prioritaire pour un Etat se consacrant au caractère régalien de sa mission.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'approuver les crédits consacrés à l'administration territoriale et à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez été aussi exemplaire que M. le rapporteur spécial. Je vous félicite l'un et l'autre. (Sourires.)
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, je voterai bien entendu le budget que vous nous présentez.
Bien sûr, les crédits qui sont affectés aux collectivités locales peuvent être jugés insuffisants par rapport aux missions qui leur incombent mais, dans un contexte économique, social et financier exceptionnellement difficile, le budget relatif à l'administration territoriale et à la décentralisation est réaliste.
Nos excellents rapporteurs, MM. Michel Mercier et André Bohl, ont rappelé les préoccupations de nos collectivités locales : d'une part, l'effet de ciseaux entre des charges régulièrement croissantes et des recettes qui ne croissent pas au même rythme ; d'autre part, la recherche de moyens nouveaux pour poursuivre une politique d'investissement plus que jamais indispensable à l'économie et à l'emploi dans notre pays.
En ce qui concerne les recettes, le poids de la fiscalité locale est de plus en plus durement ressenti par les contribuables, d'autant plus qu'il s'agit, comme le rapport de Michel Mercier le met en évidence, d'un « effet taux » plus que d'un « effet base », conséquence logique d'une conjoncture économique difficile.
De surcroît, l'absence de mise en oeuvre des bases révisées et le caractère de plus en plus inadapté de la taxe professionnelle accentue encore le sentiment qu'éprouve le contribuable local. Et tout cela s'accompagne de compensations de plus en plus coûteuses pour l'Etat.
Nous subissons, de plus, l'évasion des centres de décision économique de nos régions, ce qui réduit encore d'autant la base sur laquelle est fondée la taxe professionnelle.
En ce qui concerne les dotations de l'Etat, le respect strict du pacte de stabilité doit être souligné.
Dans le cadre de ce pacte, la dotation globale de fonctionnement progressera de 1,95 %. L'effet de meilleure solidarité recherché par la réforme de la DGF de 1993 continue ainsi à se concrétiser, et j'approuve entièrement le consolidation de la part réservée à la dotation aménagement, et plus particulièrement de la part consacrée à l'intercommunalité. C'est elle qui exprime concrètement la volonté de renforcer la solidarité et le souci de stimuler la coopération intercommunale.
Mais les préoccupations les plus fortes sont celles qui concernent les dépenses et elles proviennent généralement, monsieur le ministre, de décisions extérieures à votre ministère.
Certaines dérives de la décentralisation remontent pratiquement à la mise en oeuvre de celle-ci. Le non-parallélisme des compétences transférées et des dotations qui devraient les compenser est un handicap pour les collectivités, mais cela ne les a pas empêchées d'assumer avec volontarisme leurs compétences nouvelles : lycées et collèges en témoignent.
La politique partenariale instaurée pour demander aux collectivités territoriales d'assumer une part de la charge concernant des compétences restées formellement de l'Etat constitue un deuxième exemple : universités et routes nationales en sont l'illustration.
Je voudrais surtout évoquer, après MM. les rapporteurs, les contraintes nouvelles liées à l'environnement et à la sécurité qui laissent présager une augmentation sensible des dépenses des collectivités.
A la suite de plusieurs décisions prises aux niveaux national et européen - auxquelles le Parlement a généralement adhéré - les collectivités vont se trouver confrontées à une progression forte de leurs charges, non seulement dans les domaines de l'élimination des déchets, du traitement des eaux usées, du désamiantage, de l'air, mais aussi avec la mise aux normes des installations sportives, sans qu'elles aient toujours les moyens d'y faire face.
Sur le principe, ces mesures ne sauraient être contestées, car elles peuvent être une bonne chose. Qui pourrait d'ailleurs les contester dans un contexte où elles répondent à une demande croissante de nos concitoyens ? Mais, sans ressources nouvelles transférées, elles pèseront lourdement sur les collectivités.
En outre, les décideurs, Michel Mercier l'a rappelé, ne sont souvent pas, en l'occurrence, les payeurs, et je m'associe pleinement aux déclarations du rapporteur de la commission des finances pour vous demander, monsieur le ministre, que soient assouplis, voire reportés, les délais de réalisation de ces investissements imposés par la loi.
Après ces considérations strictement budgétaires, je voudrais, en concluant, exprimer ma conviction que la décentralisation liée à la déconcentration est plus que jamais indispensable. Il n'est pas inutile de le rappeler à un moment où le principe même de la décentralisation est trop souvent mis en cause, car on cherche à lui imputer à la fois certains comportements individuels et la hausse de la fiscalité locale. Il convient de rappeler - et de le faire sans complexe - que le bilan de la décentralisation est positif...
M. Alain Richard. Très juste !
M. Daniel Hoeffel. ... et que la décentralisation elle-même correspond aux nécessités de l'heure.
M. René Régnault. Oui !
M. Daniel Hoeffel. Ce n'est pas parce que le contexte économique, social et financier a profondément changé et rend sa mise en oeuvre plus difficile qu'il faut mettre en cause une réforme qui va dans le sens de l'histoire. Ce qui est acquis ne doit pas être remis en cause.
C'est d'ailleurs un service à rendre à l'Etat que de lui permettre de recentrer son action sur ses fonctions régaliennes au lieu de se disperser sur des fonctions qui ne sont bien assumées que par des collectivités locales proches du terrain, proche de nos concitoyens.
M. Pierre Fauchon. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Cela ne veut pas dire que les textes en vigueur ne doivent pas être adaptés à des besoins et à un contexte évolutifs. C'est la mission, monsieur le ministre, à laquelle vous vous consacrez et, pour ce faire, vous pourrez compter, j'en suis certain, sur le concours des sénateurs.
C'est dans cet esprit que je vous apporte mes encouragements et que je vous assure de mon total soutien non seulement à votre budget mais, d'une manière générale, à votre action. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que certaines travées du RDSE.)
(M. Paul Girod remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget est l'occasion de faire le point d'une année, de réfléchir aux relations entre l'Etat et les collectivités locales et peut-être aussi de faire un peu de prospective.
Je souhaite, monsieur le ministre, vous remercier pour un certain nombre de dispositions qui, au cours de l'année, ont amélioré sensiblement la qualité de vie des élus, même si l'actualité nous laisse encore dans un certain trouble.
C'est ainsi que la loi relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence et de négligence a été fort appréciée, que la réforme de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, a été tout à fait significative pour les villes et que le dernier protocole que nous avons signé sur le départ en retraite des personnels âgés au profit des jeunes est aussi un élément tout à fait important.
Deuxième éclairage qu'il convient de mettre en avant : à l'issue du dernier congrès des maires de France, un certain nombre d'observateurs extérieurs ont été extraordinairement impressionnés par le degré de responsabilité des élus locaux.
Le jeu politique classique veut que l'on cherche systématiquement à faire des reproches à l'Etat ou à le soutenir, selon que l'on estime ses concours insuffisants ou suffisants.
Je crois pour ma part que les élus actuellement en charge des affaires ne recherchent plus les honneurs, sont convaincus de la difficulté de la tâche et sont extraordinairement mobilisés, mobilisables et passionnés. Par conséquent, le débat portant sur un conflit ou une opposition entre l'Etat et les collectivités locales est aujourd'hui dépassé et il convient de réfléchir aux règles à mettre en place pour bâtir un partenariat efficace.
Cela est d'autant plus vrai qu'il s'agit là d'un discours unanime sur le plan international ; j'en veux pour preuve le dernier sommet mondial des villes, qui a mis en avant cette relation entre les Etats et les pouvoirs locaux. C'est ainsi que, l'issue d'une vidéoconférence au cours de laquelle les maires européens ont pu intervenir, il a été tout à fait significatif de voir une unanimité se dégager sur la problématique posée entre l'Etat et les collectivités locales : réduction des pouvoirs financiers, transfert des charges sociales. Cela doit nous inciter à réfléchir, à nous poser un certain nombre de questions et à ouvrir un certain nombre de chantiers.
S'agissant du budget pour 1997, le débat politique classique doit porter sur le niveau de la dépense publique, plus de rigueur ou moins de rigueur ? C'est un débat politique majeur. Mais, avec ce budget de rigueur, les collectivités locales sont-elles maltraitées ? Objectivement, la réponse est non, même s'il est vrai que les dépenses de l'Etat étant les recettes des collectivités locales, il est plus facile de gérer quand les recettes sont abondantes !
Il faut remercier l'Assemblée nationale pour la suppression de la diminution de la réduction pour embauche et investissement de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, car, à l'évidence, cela était insupportable pour les collectivités locales. Je remercie également la commission des finances et le Sénat pour la récupération du FCTVA dans le cadre intercommunal et la réduction à deux ans de la composition des droits de mutation.
La question de fond est la suivante : le système peut-il continuer ainsi ? La réponse est non. Et cela dépasse largement les problèmes du Gouvernement actuel, car tous les gouvernements sont confrontés à cette problématique.
Si la réponse est non, comment évoluer ? Quels chantiers ouvrir ?
Les élus ont eu un sentiment d'injustice lorsque fut mise en avant l'augmentation des impôts locaux laissant entrevoir que l'Etat était vertueux quand les collectivités locales ne l'étaient pas.
Nous avons mis en exergue la comparaison de 1982 à 1992. La dette des collectivités locales est restée bloquée entre 8 % et 9 % du produit intérieur brut. L'endettement a complètement explosé au niveau de l'Etat, ce qui signifie que, lorsque l'Etat prélève l'impôt il s'endette, car il emprunte pour fonctionner, et que lorsque les collectivités locales empruntent, c'est pour investir et donc pour augmenter la richesse.
A l'évidence, il va falloir mettre un terme à ce curieux paradoxe qui consiste à demander plus d'Etat tout en ayant - probablement du fait d'une faiblesse dans la gestion de l'Etat - affaibli l'Etat. Cela est contradictoire, et il ne peut pas y avoir, pour reprendre la formule de l'un de nos collègues, de communes riches dans un Etat pauvre.
Deuxième aspect des choses : nous constatons aujourd'hui un effet mécanique d'augmentation des impôts locaux. Les dépenses de personnels représentent entre 30 % et 50 % des budgets des collectivités locales. Le niveau d'évolution se situe aujourd'hui à l'inflation plus deux ou trois points.
L'année dernière, vous avez pris une décision courageuse, celle de bloquer l'indice de la fonction publique à 0 %. Il faut souligner que c'est difficile pour le personnel, mais que cela a créé une économie potentielle importante pour les collectivités locales, de l'ordre de 6 milliards de francs à 7 milliards de francs.
Malgré le blocage de l'indice de la fonction publique à 0 %, la masse salariale a augmenté de 3,5 %, ce qui veut dire que vous avez aujourd'hui un effet mécanique qui se situe au niveau de l'inflation plus deux à trois points. Lorsque vous regardez les dépenses d'aide sociale, il est inutile de faire un discours : cela représente l'inflation plus cinq à six points.
Regardez toute la mécanique actuelle des normes réglementaires, M. Daniel Hoeffel l'a évoquée : 80 milliards de francs pour l'eau ; 120 milliards de francs pour les ordures ménagères ; 70 milliards de francs pour l'amiante. On nous parle des coûts pour l'épuration, mais on ne connaît pas leur montant. Quant aux normes de sécurité, elles sont difficiles à chiffrer.
Regardez aujourd'hui le procès de ce pauvre maire d'une ville thermale, qui est condamné à de la prison !
On est parti sur des dizaines et des dizaines de milliards de francs qui vont orienter nos dépenses d'investissements dans les cinq prochaines années avec, bien évidemment, des conséquences sur les dépenses de fonctionnement, ce qui veut dire que, là aussi, nous sommes partis sur une augmentation mécanique des dépenses de fonctionnement.
Dans cette hypothèse, il n'y a que deux variables d'ajustement avec, côté recettes, entre 30 % et 50 % de dotations de l'Etat qui évoluent comme l'inflation - ce sont les termes du pacte de stabilité souhaité par l'Etat. Dans cette hypothèse, je le disais, il n'y a que deux variables d'ajustement côté dépenses, au niveau de l'investissement et des frais de personnel, et, côté recettes, deux variables d'ajustement : la masse fiscale, le tissu fiscal et, évidemment, les taux.
Aujourd'hui, nous sommes dans un effet mécanique d'augmentation des impôts locaux, ce qui veut dire que l'objectif du pacte de stabilité, monsieur le ministre, est probablement incomplet et, en tout cas, déséquilibré. Pourquoi ? Parce qu'il stabilise aujourd'hui les dépenses de l'Etat et évidemment pas les dépenses des collectivités locales.
Nous pourrions, par conséquent, réfléchir sur l'objectif qui consiste à dire qu'il devrait plutôt stabiliser les prélèvements obligatoires. A l'évidence, si nous souhaitons stabiliser les prélèvements obligatoires entre l'Etat et les collectivités locales, il convient de dire que nous pourrions nous engager dans une stabilisation des impôts locaux, à condition que nous réfléchissions à la stabilisation des charges.
Je rappelle d'ailleurs, sans vouloir ouvrir un débat, que ce programme a été arrêté entre les Länder allemands et l'Etat allemand, parce que le traité de Maastricht ratifié impose la maîtrise des prélèvements obligatoires. Par ailleurs, la signature entre les Länder allemands et l'Etat allemand fait que, comme le traité le prévoit, en cas de dépassement, des pénalités sont prévues, lesquelles seraient assumées ou par les Länder ou par l'Etat, voire par les deux, à proportion des dépassements de l'un ou de l'autre et des responsabilités respectives.
Il y a là, me semble-t-il, un vrai débat. Si nous voulons stabiliser les prélèvements obligatoires, nous n'avons que deux solutions : ou stabiliser les charges ou augmenter les recettes. A cet effet, il convient que nous ouvrions un certain nombre de chantiers, notamment sur la fonction publique territoriale.
Il n'est pas question de remettre en cause le statut de la fonction publique territoriale, mais je souhaiterais, monsieur le ministre, que nous réfléchissions ensemble à une nouvelle organisation du dialogue syndical dans la fonction publique territoriale. Il nous faut engager des discussions sur les statuts qui, aujourd'hui, ne peuvent plus répondre aux missions des collectivités locales. De plus en plus nombreuses sont celles qui souhaitent mener des missions spontanées de développement ou de restructuration, limitées dans le temps - deux, trois, quatre, cinq, six ou sept ans - et, à l'évidence, le statut ne correspond pas à une limitation de durée.
De même, un certain nombre de services sont parfois sollicités par les services de l'Etat. Il en est ainsi des ASEM - agents spécialisés des écoles maternelles - quand, malheureusement, la démographie fait qu'une école maternelle n'aura peut-être d'utilité que pendant quelques années encore. Il y a là une réflexion à mener, et nous aurons certainement besoin de travailler avec les organisations syndicales.
S'agissant de l'aide sociale, il convient d'ouvrir un chantier. Comme cela a été dit au congrès des maires, nous sommes aujourd'hui devant un risque de triple asphyxie : financière, sociale et réglementaire.
J'en viens au problème des normes.
Pardonnez-moi une formule un peu simplificatrice : aujourd'hui, l'on cherche le défaut zéro, le risque zéro ; tout le monde ouvre le parapluie, et c'est évidemment le maire qui trinque. Si en même temps les contribuables veulent l'impôt zéro, on aboutit à une équation impossible à résoudre. Vouloir faire la guerre sans mort et vouloir faire une vie économique sans risque, cela signifie ne plus rien faire du tout. Or l'immobilisme est aujourd'hui la règle de vertu des collectivités locales. Je ne suis pas convaincu que ce soit dans l'intérêt de la nation. Acceptons la gestion des risques plutôt que le risque zéro et évitons le terrorisme des normes.
La stabilité des normes est nécessaire. Ainsi, de nombreux élus nous disent que trois ou quatre ans après avoir réalisé les mises aux normes de sécurité sur le plan électrique, la même commission de sécurité qui avait donné son aval remet en cause ces normes, ce qui engendre à nouveau des dépenses supplémentaires.
Il convient de faire le bilan sur la franchise postale ; c'est un engagement du Gouvernement et nous devons y réfléchir .
Au niveau des recettes, M. Hoeffel et les rapporteurs l'ont dit, il nous faut sortir du problème des compensations des ressources fiscales.
En effet, à la question fondamentale : y-a-t-il convergence ou opposition entre l'Etat et les collectivités locales ? La réponse est évidente. Oui, aujourd'hui, il y a opposition, parce que, plus l'Etat estime, sur le plan macro-économique, devoir alléger la taxe professionnelle pour certaines entreprises, plus la valeur ajoutée baisse, plus l'évasion de cette valeur ajoutée est forte et plus l'Etat devra supporter des compensations et s'opposer à la politique locale.
Cela veut dire qu'il reconnaît implicitement que l'imposition locale est contraire aux intérêts macro-économiques. Dès lors, le partenariat entre l'Etat et les collectivités locales ne peut qu'être éminemment conflictuel.
Nous avons proposé une première démarche qui était le 1 % de la taxe professionnelle à la valeur ajoutée. Il nous faut ouvrir ce chantier de la compensation. D'ailleurs, nous-mêmes, nous avons le devoir de balayer devant notre porte.
Le Gouvernement a souhaité, cela a fait l'objet de plusieurs débats, démanteler un certain nombre de niches fiscales.
Mais n'avons-nous pas nous-mêmes, législateurs, instauré des niches fiscales permettant à un certain nombre de catégories d'établissements d'échapper à la taxe professionnelle ? Nous avons peut-être là un gisement de taxe professionnelle en termes de ressources qui permettrait, notamment en milieu rural, sans charge supplémentaire pour l'Etat, d'engranger de nouvelles ressources fiscales locales.
Si ce chantier doit être ouvert, il ne peut l'être à moitié, il doit être ouvert en totalité. Il en est de même pour la taxe d'habitation, à propos de laquelle nous avons lancé à plusieurs reprises le débat de l'impôt local minimal.
Il faudra que nous réfléchissions également sur la DGF, monsieur le ministre, car le système ne pourra pas durer longtemps. Avec une dotation forfaitaire à 0,63 %, une DSU à 2 % et une DSR à 5 % compte tenu de l'évolution mécanique des charges, certaines collectivités locales vont être absolument asphyxiées ; il est évident qu'elles ne pourront plus fonctionner demain.
Un outil doit correspondre à une seule politique alors qu'aujourd'hui la DGF sous-tend quatre objectifs : la solidarité rurale, la solidarité urbaine, le fonctionnement des communes et l'intercommunalité. Il va falloir, là aussi, réfléchir à ce problème.
Bien évidemment, il y a l'autre variable d'ajustement : l'investissement. Là aussi, il faut dire - pardonnez-moi ma franchise - que la relance de l'investissement passera par un abaissement des taux d'intérêts, et notamment par des taux d'intérêts réels à 0 %. Mais comment concilier cette condition avec un livret A qui dépasse l'inflation et qui bloque la baisse des taux d'intérêts ? Il va falloir ouvrir ce débat, mais, immédiatement, on nous reprochera de vouloir faire une politique anti-sociale.
Je me souviens de cette merveilleuse phrase de Frédéric Bastiat qui disait : « L'Etat est une fiction qui permet à chacun de vivre aux dépens des autres. » Aujourd'hui, nous sommes dans un Etat qui est plutôt un compromis d'intérêts catégoriels alors qu'à l'évidence nous sommes confrontés à un besoin de solidarité. Mais on ne peut pas, dans un système où tout a changé, vouloir garder les mêmes normes, même lorsqu'elles sont avantageuses : à données différentes, solutions différentes.
M. le président. Cher collègue, pardonnez-moi de vous interrompre, mais votre groupe a préféré reporter une partie de son temps de parole sur un autre débat. Vous commencez à dépasser le temps qu'il a annoncé pour la présente discussion.
M. Jean-Paul Delevoye. Je termine, monsieur le président.
Monsieur le ministre, vous avez un autre chantier à ouvrir : celui de la localisation de la ressource et de la localisation de la charge.
Je connais les théories que vous avancez, mais, à l'évidence, lorsque l'économie était rurale, la richesse était foncière, l'imposition était foncière. Lorsque l'économie était industrielle, la richesse était économique, l'impôt reposait sur la taxe professionnelle, l'outil de travail et le revenu. Aujourd'hui, l'économie repose sur les capitaux et l'impôt pâtit de l'internationalisation des richesses et de la localisation des échecs. Cela engendre en effet une sous-imposition des capitaux et une localisation des effets sociaux, avec un effet de ciseaux redoutable.
M. Robert Pagès. C'est vrai !
M. Jean-Paul Delevoye. Pourrons-nous financer, sur le plan local, des politiques sociales de plus en plus lourdes avec des impôts patrimoniaux dont le produit sera de plus en plus faible ? En effet, les collectivités locales les plus pauvres sont celles qui ont à faire face généralement aux dépenses sociales les plus lourdes. Nous avons un vrai chantier à ouvrir sur le financement de ces politiques sociales...
M. René Régnault. Et oui !
M. Jean-Paul Delevoye. ... qui ne peuvent relever que d'un pilotage local mais qui, à l'évidence, peuvent quelquefois faire l'objet de la solidarité nationale.
Pour conclure, je dirai que nous sommes les uns et les autres condamnés, non pas à la stabilité, mais au développement, et qu'à l'évidence il faut que nous regardions comment faire évoluer le pacte de stabilité vers le pacte de développement car, sans création de richesses, comme le dit le président Monory, sans l'accompagnement des initiatives locales, si nous stagnons sur le plan économique, nous régresserons, car les moyens disparaîtront.
En tout cas, monsieur le ministre, notre volonté de partenariat est grande. C'est ce que je voulais vous dire en vous faisant part de notre soutien. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) M. le président. Mon cher collègue, vous avez quelque peu dépassé le temps de parole imparti à votre groupe. Je serai obligé d'en tenir compte dans le prochain débat.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, regarder l'avenir l'oeil sur la ligne d'horizon n'exclut pas l'analyse du chemin qui y conduit et des obstructions rencontrées sur son parcours.
Alors que les élus locaux se trouvent de plus en plus placés au coeur des problèmes de notre société, alors que leur rôle et leurs responsabilités ne cessent de s'accroître, leurs moyens, notamment leurs moyens financiers, ne cessent de régresser en raison de ponctions de l'Etat parfois insidieuses, mais non moins significatives.
Le projet de loi de finances pour 1997 poursuit et amplifie l'extrême rigueur de la politique de l'Etat à l'égard de nos collectivités territoriales. Il est inadapté. Il n'est pas à la mesure des enjeux et des défis en cause, que quelques données chiffrées éclairent.
Avec 750 milliards de francs de dépenses, les collectivités territoriales représentent à elles seules la moitié du budget de l'Etat et 10 % du PIB national.
Elles emploient 1 350 000 personnes et elles ont créé 220 000 emplois de 1983 à 1993. Elles accueillent des milliers de personnes en difficulté grâce aux contrats emploi-solidarité, les CES, par exemple, ou encore grâce à l'apprentissage.
Elles assurent 81 % de l'investissement public et 12,5 % de l'ensemble des investissements de la nation.
Elles sont bien gérées et dégagent une épargne brute leur permettant d'investir ; toutefois, cette capacité d'investir, d'équiper s'essouffle : moins 5,4 % en 1995.
Cependant, la demande sociale et la demande d'investissements sont grandes, la première dopée notamment par la fracture sociale et son aggravation au cours des derniers mois, la seconde par les directives européennes ou encore les besoins croissants de qualité et de sécurité.
Sans pouvoir et vouloir être exhaustif, je citerai quelques domaines dans lesquels cette demande est grande : l'entretien du patrimoine, le traitement des eaux, de l'air, le traitement des déchets ménagers, les travaux de rénovation, d'adaptation, de déflocage des locaux scolaires, la sécurité des équipements sportifs.
Bref, les collectivité locales embauchent, investissent, tirent l'économie, ce qu'une étude récente confirme.
Elles subissent un véritable effet de ciseaux entre des besoins qui augmentent et qu'on leur transfère en les compensant insuffisamment, voire pas du tout, et des ressources qu'on leur réduit ou encore qu'on leur kidnappe.
Les élus locaux sont alors confrontés soit à l'obligation d'augmenter les impôts locaux - de 7,5 % en 1996 - soit à la nécessité de réduire les dépenses, y compris les dépenses de fonctionnement. Ils sont pris entre l'enclume et le marteau, en subissant le ras-le-bol de leurs administrés, qui refusent l'augmentation de leurs impôts, qui devrait être de 22 milliards de francs en 1996.
L'Etat, par des transferts de charges rampants ou mal compensés, par des décisions de compensations qu'il n'honore que partiellement, par des prélèvements injustifiés et indirects sur les ressources des collectivités territoriales, a organisé l'appauvrissement de celles-ci.
Ainsi, alors que la CNRACL ne bouclera pas son budget de 1997, l'Etat lui fera apporter à la solidarité - compensation plus surcompensation - la somme de 19 milliards de francs, valeur 1996, somme à laquelle s'ajouteront les 4,5 milliards de francs de la « niche » que constitue le fonds de l'allocation temporaire d'invalidité, l'ATI, ce qui fait 23 milliards de francs en provenance de nos collectivités territoriales.
S'agissant de la seule dotation de compensation de la taxe professionnelle, il manquera, par rapport aux conditions de 1993, quelque 7 milliards.
Et voilà 30 milliards en moins pour nos collectivités, soit 20 % du montant global de la DGF 1997 ou encore 12 % de tous les concours de l'Etat pour 1997.
La DGF, qui, pendant deux ans, n'a plus été indexée sur les prix et la croissance et qui, maintenant, est incluse dans le pacte de stabilité financière, connaît un réel fléchissement de son évolution : plus 1,26 % en 1997 et plus 0,63 % pour les communes seulement éligibles à la dotation forfaitaire.
Le pacte de stabilité fige, quant à lui, et pour trois ans, des décisions négatives comme celles qui portent sur la DCTP, d'équipement préalablement réduite, ou encore sur la DGE.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est la loi !
M. René Régnault. Le FCTVA, alors que le taux de TVA acquitté augmente de deux points, est réduit de 0,3 point, entraînant une diminution de remboursement de plus de 600 millions de francs, et l'Etat y ajoute, pour faire bonne mesure, toute une série de dispositions fort coûteuses pour les budgets locaux.
C'est d'abord l'augmentation de 0,4 % des frais de rôle au bénéfice d'une réforme des bases cadastrales toujours au point mort. Il confisque ainsi plus de un milliard de francs.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vous qui êtes à l'origine de cette dépense !
M. René Régnault. Oui, mais il y a eu un véritable travail effectué et des remboursements ont eu lieu au titre de ces travaux. Aujourd'hui, il n'y a plus rien.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Quand ce travail effectif a été terminé, vous étiez au pouvoir, vous n'avez cependant pas fait disparaître la contribution !
M. René Régnault. Le travail de préparation a été conduit par le Gouvernement socialiste, mais les gouvernements qui ont suivi - les deux derniers - ont arrêté la réforme ; j'y reviendrai dans un instant.
Ce sont les 400 millions de francs en provenance de la contribution locale de France Télécom et de La Poste qui sont aussi, d'une certaine manière, détournés.
C'est l'étalement de la compensation de la réduction de 35 % des droits de mutation pour les départements, qui aura une conséquence indirecte sur les impôts locaux.
C'est l'envolée et la dérive des dépenses d'aide sociale.
Ce sont encore des dégrèvements imparfaitement compensés, sur la taxe d'habitation, par exemple.
C'est la confiscation par l'Etat de la contribution minimale de taxe professionnelle.
C'est le non-respect des engagements relatifs à la dotation de développement rural.
C'est la quasi-suppression du fonds de gestion de l'espace rural.
C'est enfin la réduction des crédits du Plan et des moyens de l'aménagement du territoire.
Vous le voyez, mes chers collègues, la situation qui est faite aux collectivités locales est moins brillante qu'on n'a bien voulu le dire il y a encore quelques instants.
Ainsi, monsieur le ministre, les collectivités territoriales, qui participent très largement au maintien de la cohésion sociale et au soutien de l'économie subissent très lourdement la rigueur. Si le Gouvernement maintient ses décisions et intentions, leur asphysxie est programmée.
Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, évoquer quelques problèmes majeurs et, à l'occasion, vous interroger.
La réforme des valeurs cadastrales locatives est, je l'ai dit, demeurée inachevée. Pis, elle est en panne. Les excellents travaux effectués à la suite de la loi de 1990 vieillissent et, très bientôt, il va falloir entreprendre la révision de la première partie de la réforme.
Le niveau actuel des impôts locaux rend encore moins acceptables les disparités entre les bases, et donc les inégalités de contribution des assujettis. Grande est l'urgence qui s'attache à l'achèvement de la réforme : elle doit être, enfin, conduite à son terme.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre sentiment sur ce point ou, mieux, nous dire quel calendrier le Gouvernement s'est donné ?
L'intercommunalité poursuit son développement.
L'aménagement du territoire, les réponses aux défis nouveaux devant lesquels les collectivités territoriales sont placées doivent être examinés sous un triple éclairage : d'abord, celui de la décentralisation, qui constitue la grande réforme de la fin de ce siècle et dont je dis, après M. Hoeffel, qu'elle est excellente et qu'elle doit être poursuivie ; ensuite, celui de la construction européenne ; enfin, celui de la transformation radicale de notre société.
Ces différents éléments rendent incontournable la coopération, dont la réussite et l'avenir reposent sur le postulat de la solidarité, donc du partage de la redistribution.
Le développement économique est au coeur de tout projet. Sa résultante - la taxe professionnelle - constitue, quant à elle, le socle de la solidarité à l'intérieur du territoire de coopération, au moins pour commencer.
Il faut encourager cette coopération, qui est aussi garante du maintien de toutes nos communes.
La répartition équilibrée de la taxe professionnelle entre les communes est, à cet égard, un moyen fondamental.
La taxe professionnelle d'agglomération, dont le dispositif doit être amélioré en vue de sa mise en oeuvre, devient une nécessité impérieuse.
Parmi les améliorations ensivageables, je citerai celles-ci : la suppression totale, ou au moins partielle, du lien entre cette taxe et les trois autres ; la faculté pour les groupements optant pour la taxe professionnelle d'agglomération de lever complémentairement une fiscalité additionnelle sur les trois autres « vieilles » ; l'actualisation du potentiel fiscal des communes membres du groupement, passant par la déduction de la taxe professionnelle transférée ; l'assouplissement des modalités et de la durée de mise en oeuvre du lissage.
Sur ces quatre propositions, je souhaite recueillir votre avis, monsieur le ministre.
L'intercommunalité doit être de projet et respecter ainsi l'esprit et la lettre de la loi ATR du 6 février 1992. Son accompagnement par une DGF me conduit, monsieur le ministre, à exprimer quelques souhaits.
D'abord, il est utile, pour l'instant, de maintenir la DGF des groupements à l'intérieur de la dotation d'aménagement, elle-même complètement intégrée à l'enveloppe globale de la DGF.
Ensuite, il convient de revenir sur le coefficient d'intégration fiscale afin que celui-ci traduise, mais traduise seulement, une fiscalité transférée en fonction d'un projet fort de développement et d'aménagement de l'espace, équipements et grands services structurants compris ; je pense ici au service de la collecte et de l'élimination des déchets, ainsi qu'aux ordures ménagères.
Il ne serait pas normal que le même service justifie simultanément une DGF pour le groupement et une DGF pour les communes membres.
Le CIF, le coefficient d'intégration fiscale, recentré exclusivement sur la fiscalité transférée pour financer le projet fort devrait aussi être accompagné d'une prise en compte de la volonté concrètement exprimée de solidarité, exprimée au moins par l'harmonisation de la taxe professionnelle.
Pour m'exprimer plus brutalement, je dirai que la DGF, dotation elle-même de solidarité, de péréquation, ne devrait être attribuée, au niveau local, qu'à condition qu'une volonté de réduction des écarts et d'harmonisation des taux se soit manifestée.
Par ailleurs, de nombreux groupements s'inquiètent actuellement de la prise en compte de la fiscalité transférée au titre des dépenses de collecte et d'élimination des ordures ménagères.
En fonction de l'interprétation des services, une différence est faite selon que les groupements collectent et traitent ou qu'ils n'assurent que partiellement cette compétence.
On ne peut, je crois, monsieur le ministre, reprocher à un établissement public de coopération de passer une convention avec un autre ou avec un prestataire de service pour assurer tout ou partie du service. Seul devrait être pris en compte le caractère de l'autorité organisatrice responsable du service et en assurant le financement.
Une autre discrimination frappe les établissements publics : il s'agit de la différence d'appréciation au regard du CIF, et donc de la DGF ; l'attribution de celle-ci diffère selon que le groupement a adopté une taxe d'enlèvement des ordures ménagères et/ou une redevance d'enlèvement des ordures ménagères, ou qu'il a décidé, tout simplement, de fiscaliser la charge du service en la confondant avec les autres dépenses transférées. Dans ce cas, la dépense n'est pas indentifiable et elle est sans effet sur le CIF et, notamment, sur sa réduction.
Monsieur le ministre, nous nous trouvons confrontés à des situations profondément inéquitables, voire discriminantes. Cela porte atteinte à la coopération et à sa promotion. Je plaide pour la clarification - pas de double attribution de la DGF au titre des ordures ménagères - pour le rétablissement de l'équité, pour la prise en compte de la notion de service des ordures ménagères, réalisé complètement ou non, directement ou conventionné.
Sous le bénéfice de ces observations, notamment de l'analyse de l'évolution des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, le groupe socialiste n'adoptera pas le projet de budget que vous lui soumettez. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole et à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, la discussion des crédits alloués aux collectivités territoriales s'inscrit dans le cadre de la diminution de la dépense publique en francs constants.
Ainsi, ce ne sont pas les besoins sociaux et humains qui président à l'élaboration du budget de la nation. Non, vos références, ce sont les critères de Maastricht, au nom desquels vous plongez les collectivités territoriales dans toujours plus de difficultés.
Aujourd'hui, avec le projet de budget qui nous est présenté, c'est l'autonomie communale, c'est la démocratie locale qui sont amoindries, c'est l'inquiétude des élus locaux qui grandit.
En 1997, comme en 1996, les dotations aux collectivités territoriales s'inscriront dans le fameux pacte dit de « stabilité ». Drôle de pacte, puisqu'il n'a été approuvé par aucune des grandes associations d'élus ! Le Gouvernement a beau jeu de parler de pacte là où, en fait, il n'y a qu'un décideur. Cela tend à faire croire à la population qu'il existe un véritable consensus sur cette question, une sorte de « chemin unique » concernant les dotations aux collectivités territoriales.
Il y a là un abus de langage.
C'est si évident aux yeux des élus locaux que notre collègue, M. Delevoye, président de l'Association des maires de France, membre de votre majorité, a expliqué devant les maires réunis en congrès : « Aujourd'hui, le pacte de stabilité apparaît, certes,... protecteur pour les collectivités locales par rapport aux autres budgets, mais il est en fait déséquilibré, car il ne garantit la stabilisation des dépenses que pour l'Etat, et non pour les collectivités territoriales. »
C'est, évidemment, avec toute la retenue d'un sénateur ayant voté l'instauration de ce pacte que notre collègue s'est ainsi exprimé...
Il n'empêche, cela confirme l'analyse que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen avaient faite dès l'annonce de ce dispositif, à savoir que c'est plutôt d'un pacte de déstabilisation des finances des collectivités territoriales qui est mis en oeuvre.
Pour l'année prochaine, l'Etat nous propose d'accepter une augmentation de ses concours aux collectivités locales correspondant à l'inflation.
Certes, le retrait de la diminution de moitié de la dotation de compensation de taxe professionnelle pour la réduction pour embauche et investissement gonfle quelque peu le chiffre initial. Hors fiscalité transférée, ce sont donc quelque 245 milliards qui seront accordés aux collectivités locales, ce qui représente 1,6 % de hausse par rapport à la loi de finances initiale de 1996.
La dotation globale de fonctionnement, quant à elle, progresse de 1,26 %, si bien que la dotation forfaitaire augmentera de moins de 0,7 %. C'est la quatrième année de réduction de la dotation forfaitaire en francs constants.
Il s'agit là d'une attaque frontale contre le budget des collectivités locales. De tels choix ont pour conséquence, et vous le savez bien, monsieur le ministre, une inflation préoccupante des taux d'imposition locale.
Un sondage réalisé par l'Association des maires de France révèle que 67 % des communes ont décidé d'augmenter leur taux d'imposition pour « répondre à la stagnation des dotations de l'Etat ». Comme le dit le président de l'Association des maires de France, « pour de nombreux élus, nous sommes très près du seuil au-delà duquel l'impôt ne sera plus supportable pour les contribuables ».
Mais le Gouvernement ne s'en tient pas là. Par le biais du FCTVA, dont le taux de remboursement passerait de 15,68 % à 15,36 %, et par le biais de la baisse de dotations d'équipement, c'est également à l'investissement qu'il s'en prend.
Notre excellent collègue André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois, souligne à ce sujet : « Si l'exercice 1995 a été caractérisé par la bonne adaptation des collectivités locales aux contraintes budgétaires, l'investissement, en régressant d'un peu plus de 5 %, a joué le rôle de variable d'ajustement. »
Ajuster par la baisse de l'investissement, c'est ignorer le rôle dynamique des collectivités locales qui, je le rappelle, « pèsent » 800 milliards de francs dans l'économie nationale et sont à l'origine de 75 % des équipements publics civils.
Que d'emplois supprimés ! Que de revenus non distribués dans le circuit économique parce que le Gouvernement a décidé de contraindre les collectivités locales à une rigueur qui est inefficace, destructrice d'emplois et de richesses !
Je ne résiste pas à l'envie de comparer les avantages que la majorité du Sénat vient d'octroyer aux plus gros redevables de l'impôt sur la fortune, pour faire suite à une demande du Président de la République, aux coupes budgétaires qui sont ainsi infligées aux collectivités territoriales et, par ricochet, aux ménages les plus modestes.
La rigueur et l'effort équitable s'arrêtent là où commencent les intérêts de certains !
L'exemple de la CNRACL est également symptomatique. La progression de 3,8 % de la surcompensation décidée l'an dernier n'est nullement remise en cause.
Pour boucler son budget en 1997, le Gouvernement n'a pas trouvé mieux que de « pomper » 4,5 milliards de francs sur l'allocation temporaire d'invalidité. Mais de règlement réel, il n'est point question !
Or, monsieur le ministre, la surcompensation représente aujourd'hui 9 milliards de francs, soit près de trois points d'imposition locale pour les collectivités locales : autant de charges supplémentaires pesant sur les contribuables locaux, qui ne sont nullement responsables des choix d'abandon de la solidarité nationale.
J'ajoute que la surcompensation touche aussi les établissements hospitaliers et que, dans leur cas, cela contribue à creuser le déficit de la sécurité sociale. Il est tout de même indécent que l'Etat justifie la surcompensation par l'argument de régimes spéciaux déficitaires, tels que celui de la SNCF, alors que, dans le même temps, il organise ou favorise les plans de suppression d'emplois.
Sur cette question de la CNRACL, le Gouvernement et l'Etat auraient tort de se croire quittes du fait de la non-augmentation du taux de cotisation employeur pour 1997.
Dans son analyse du projet de budget, l'Association des maires de France considère : « Ce n'est pas au contribuable local de financer des régimes spéciaux de retraite autres que la CNRACL qui relèvent à l'évidence de la solidarité nationale. Elle demande, dès à présent, la reprise de la concertation sur le dispositif de surcompensation. »
Et quelle réponse apporte le Gouvernement ? Elle apparaît on ne peut plus clairement dans le procès-verbal de votre audition, monsieur le ministre, par la commission des lois : « Pour ce qui est des perspectives de cette caisse dans les années ultérieures, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a fait valoir, en premier lieu, que devrait être pris en compte le niveau normal de contraintes qui pouvaient être imposées aux collectivités locales en matière de retraite. Il a estimé, à cet égard, que ces contraintes étaient encore inférieures à celles imposées aux différents régimes de retraite et que, compte tenu de la pyramide des âges, une augmentation des cotisations ne pouvait être évitée. »
Je ne reprendrai pas ici toutes nos propositions en vue d'une réforme profonde du financement de la protection sociale. Cependant, comment ne pas souligner que la taxation des revenus financiers au même niveau que les revenus des salariés serait de nature à assurer réellement la solidarité nationale ?
Réduction de la DGF, baisse des dotations d'équipement, réduction des exonérations de taxe professionnelle, surcompensation pour la CNRACL : tout cela a pour conséquence fâcheuse la quasi-disparition des marges de manoeuvre des budgets locaux.
C'est un encadrement par le double effet de baisse des dotations et de progression des contraintes qui est imposé. Cet effet de ciseaux est bien décrit dans le rapport qu'a établi notre collègue Paul Girod au nom de l'Observatoire des finances locales. Il montre combien les charges des départements, essentiellement dans le domaine social, progressent infiniment plus vite que les ressources qui leur sont affectées. C'est la marque d'une pauvreté grandissante, d'une politique qui mine les forces vives du pays.
Par ailleurs, cette progression des contraintes est particulièrement sensible dans le domaine des déchets, de l'eau, de l'assainissement et de l'environnement. Je n'y reviens pas, de nombreux orateurs ayant déjà évoqué ces sujets.
Il s'agit d'une charge considérable pour les collectivités locales. Le journal Libération du 14 septembre 1996 consacrait un article à ce problème en titrant : « La loi sur les déchets défie les communes. Pour être en conformité avant 2002, les collectivités devront trouver 61 milliards de francs. » De telles exigences ont conduit à l'explosion de la taxe sur les ordures ménagères, avec les conséquences que l'on sait pour les familles.
Nombre de communes, sur l'incitation explicite des gouvernements successifs, ont constitué des groupements pour répondre à la fois sur le plan technique et sur le plan financier. Rappelons-nous la « carotte » financière qui était agitée pour la création des communautés de communes !
Aujourd'hui - pourquoi le cacher ? - on constate un grand désenchantement. Tout d'abord, certains groupements se sont vu refuser des subventions, car ils ne respectaient pas stricto sensu les normes européennes.
Ainsi, les groupements qui se sont créés en vue de collecter les déchets sans prévoir leur retraitement, faute de crédits, sont désormais mis au ban. Le Gouvernement les accuse d'avoir procédé, en quelque sorte, à des regroupements d'aubaine. Certains, notamment les représentants de l'Etat qui accompagnent ces regroupements, affirment que le Gouvernement veut distribuer non plus une « DGF de complaisance, mais une DGF de projets ».
Le groupe communiste républicain et citoyen avait montré la nocivité de ces projets de regroupements contraints qui pariaient sur la restriction de la dotation forfaitaire de la DGF pour imposer la constitution de communautés de communes.
Nous aurions beau jeu de sourire à de telles mésaventures, mais nous ne le ferons pas, car nous n'oublions pas que certaines communes n'ont pas eu le choix. Nous n'oublions pas non plus que la réalité de ces groupements révèle un grand attachement à la coopération intercommunale librement consentie. Les élus locaux, par-delà leurs engagements, partagent majoritairement l'idée que la commune est et doit rester le premier échelon de nos institutions, avec une pleine autonomie.
Si je tiens à insister sur ce point, c'est parce que les écrits et les propos de certains partenaires de la vie économique et sociale ne manquent pas de nous inquiéter. Dans un rapport de mars 1996 de l'Institut de l'entreprise, officine du CNPF, on peut lire, sous la plume d'Yves Cannac et Armand Laferrere : « Sur cinq niveaux d'administration - Etat, régions, départements, groupements de communes, communes - trois seulement devraient être maintenus comme collectivités de plein exercice, par exemple l'Etat, la région et le groupement des communes, les deux autres étant maintenus, sous l'autorité de représentants élus, comme aujourd'hui, mais se voyant allouer un budget par la collectivité de rang supérieur ».
Voilà qui a le mérite de clarifier le débat ! Le CNPF se prononce pour une restriction des pouvoirs des communes et des départements, c'est-à-dire des lieux où la démocratie locale s'exerce le plus pour empêcher des décisions économiques injustes et inefficaces.
La proposition relative à la taxe professionnelle d'agglomération ne va-t-elle pas dans le même sens ?
Instaurer un taux unique de taxe professionnelle au sein d'une même agglomération, c'est nier le droit à la fixation des taux par l'assemblée communale.
C'est également nier que plus de 50 % du produit fiscal des communes proviennent de la taxe professionnelle. Aussi, derrière des arguments rassurants et de bon sens, comme on dit, on est en train, par petites touches, de faire basculer la taxe professionnelle d'un niveau à l'autre.
Le débat sur la taxe professionnelle est, dès lors, biaisé. Pour notre part, nous estimons que les efforts du Gouvernement devraient porter sur une nouvelle définition des bases de taxe professionnelle, intégrant les actifs financiers, pour donner à cet impôt une véritable fonction antispéculative et donc favorable à l'emploi et à la production.
Il s'agit bien évidemment d'un chantier essentiel dans une refonte des rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Pour conclure, à l'instar des élus de France, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment que la réduction des dotations et des aides sectorielles aux collectivités territoriales pour 1997 constitue une profonde agression contre les budgets locaux. En conséquence, nous nous prononcerons contre les crédits du budget du ministère de l'intérieur et de la décentralisation, car nous sommes persuadés que ce n'est pas en étranglant les éléments dynamiques de notre nation que nous contribuerons à la relever. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avenir de nos collectivités territoriales, comme le sort de notre démocratie locale, sont à l'évidence étroitement liés à deux axes majeurs de la politique de notre pays.
Le premier est celui qui tend à placer la France au coeur de l'Europe et qui donne lieu aujourd'hui à une importante harmonisation des normes nationales et communautaires. Le second est le processus de décentralisation, qui vise à faire des collectivités territoriales des partenaires à part entière de l'Etat et qui les place aujourd'hui au centre de la politique nationale.
Ces deux grandes ambitions de la France, auxquelles je souscris, ne seront réalisées pleinement et de manière satisfaisante que si elles garantissent une véritable autonomie à nos collectivités. Or, cette autonomie est aujourd'hui l'objet de vives inquiétudes inhérentes aux conditions de mise en oeuvre des deux axes que je viens d'évoquer.
En effet, en premier lieu, l'harmonisation des normes applicables dans les pays de l'Union européenne est ressentie comme un phénomène réglementaire sans précédent, insuffisamment expliqué aux élus locaux, et de surcroît, fort coûteux. Je ne reviendrai pas sur les nombreux exemples que nous rencontrons, en particulier dans les domaines de la sécurité et de l'environnement, car ils ont été excellemment développés par les précédents orateurs.
Or, visiblement, ces charges nouvelles, plus que ces compétences, s'imposent progressivement aux communes, sans que soient dégagées les ressources nécessaires pour en compenser le coût.
En second lieu, les collectivités locales tendent à devenir coresponsables de l'exécution de missions relevant traditionnellement de la responsabilité de l'Etat. Là encore, les exemples de transfert de charges nouvelles abondent.
Je me contenterai de mentionner, pour les communes, le financement des enseignements artistiques, dont l'Etat s'est désengagé, ou encore les expérimentations conduites en matière de rythmes scolaires, et, pour les départements, la prise en charge des équipements d'enseignement supérieur ou routiers.
En ces matières, les charges nouvelles n'ont pas, pour l'essentiel, été accompagnées des ressources correspondantes.
En résumé, comme le relève l'Observatoire des finances locales, 100 milliards de francs de charges ont été transférés depuis 1990 par l'Etat aux collectivités, mais seulement 30 milliards de francs ont pu être compensés par un effort sur la fiscalité locale.
Le rapport entre ces deux masses financières permet de mesurer toute l'importance des charges non compensées.
Certes, nous n'ignorons pas, monsieur le ministre, les efforts entrepris par le Gouvernement auquel vous appartenez pour que les collectivités territoriales puissent prévoir l'évolution de leurs ressources sur une période plus longue qu'un seul exercice budgétaire.
En effet, le pacte de stabilité financière, reconduit en 1997 pour la deuxième année consécutive, constitue une avancée positive dans la mesure où il contribue à réduire l'incertitude financière qui pèse sur les choix des collectivités.
Dans le contexte actuel de réduction quasi générale des budgets des principaux départements ministériels, je tenais à souligner cet effort du Gouvernement, visiblement soucieux de préserver l'évolution des principales dotations au cours de l'exercice à venir.
Néanmoins, cette démarche ne paraît pas suffisante pour résoudre les problèmes qui demeurent en suspens. Aussi, l'examen de ce projet de budget ne devrait-il pas être l'occasion de nous engager vers une clarification des compétences ?
Nos collectivités locales ne peuvent continuer à supporter des normes nouvelles et à assumer des transferts de compétences sans pouvoir le décider et sans savoir de quels moyens elles disposeront pour y faire face. Or, nous ne saurions parler de clarification des compétences sans envisager, dans le même temps, la clarification des ressources.
Par ailleurs, nous devons veiller à l'intégrité des ressources des collectivités territoriales et plus largement de celles qui ont vocation à servir l'aménagement local ; je veux parler du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, de la fiscalité locale et des agences de l'eau.
Le FCTVA est au coeur du dispositif d'investissement de nos communes. Or, le passage de 18,6 % à 20,6 % du taux de TVA a freiné les investissements de nos collectivités locales, qui avaient déjà diminué de 5 % en raison de l'augmentation des dépenses sociales et de personnel.
Ces évolutions préoccupantes du FCTVA me conduisent à proposer que soient prises des mesures de sauvegarde en cette matière ; il en va de la capacité d'investissement de nos collectivités qui, vous le savez, réalisent la plus grande part de l'investissement public dans notre pays et qui doivent donc être considérées pleinement dans leur rôle d'agent économique sur le front de l'emploi.
Le problème de la CNRACL demeure entier en dépit de l'absence de toute augmentation cette année. Nous devons le traiter au fond et nous préoccuper de la question de la surcompensation démographique.
S'agissant de la fiscalité locale, à défaut d'une réforme en profondeur qui ne semble, dans l'immédiat, véritablement prête ni à l'échelon local ni à l'échelon national, ne serait-il pas opportun de redonner quelque latitude aux collectivités locales en déverrouillant les taux des impositions locales ? En effet, les motifs du verrouillage ont, sans nul doute, perdu la pertinence qui leur était reconnue à l'origine.
Enfin, je ne peux manquer de constater avec beaucoup d'inquiétude que le prélèvement de 110 millions de francs, prévu sur les ressources des agences de l'eau, constitue une brèche dangereuse dans un domaine où les moyens financiers sont déjà insuffisants pour permettre aux communes de satisfaire aux normes de dépollution qui leur sont imposées.
Permettez-moi, en terminant, monsieur le ministre, de vous dire à quel point je mesure la gravité des difficultés auxquelles sont confrontées nos finances publiques et à quel point je suis conscient des efforts que vous avez entrepris et que je tiens encore à saluer.
Mais permettez-moi aussi de vous demander, avec beaucoup d'insistance, d'être attentif aux préoccupations que je viens d'exprimer et que partagent l'ensemble des élus et des responsables locaux de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'en crois les premiers résultats publiés par le Trésor public, l'année 1995 a été une année difficile pour les finances locales.
Le ralentissement de l'autofinancement brut, l'augmentation sensible des dépenses de personnel, la diminution de 5,4 % des investissements directs sont autant de signaux inquiétants pour l'avenir des finances locales.
D'une manière générale, on a assisté, en 1995, à une diminution du solde des opérations financières qui a obligé les collectivités à puiser dans leur fonds de réserve.
L'année 1996 devrait confirmer cette tendance, si l'on en juge par les mesures prises dans la loi de finances de 1996, marquée par la stagnation des dotations sous enveloppe, la suppression de la première part de la DGE pour certaines catégories de communes, la diminution de 5,4 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la réduction de la dotation de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, sans parler des transfert de charges non compensés ou mal compensés, comme la franchise postale.
Le projet de loi de finances pour 1997 ne saurait inverser cette tendance ; il la confirmerait plutôt.
Même si, globalement, l'Etat respecte le pacte de stabilité financière en augmentant de 1,3 % les dotations sous enveloppe, ce qui est insuffisant, une fois de plus, il a tenté de revenir sur les règles relatives aux compensations fiscales.
C'est ainsi que le montant de la compensation au titre de la réduction de la taxe professionnelle pour embauche et investissement devait être réduit de plus de 50 %, soit une économie de 1,6 milliard de francs réalisée par l'Etat au détriment des collectivités locales.
L'Assemblée nationale a supprimé cette ponction inacceptable, mais je crains qu'il ne s'agisse que d'une pause et que la nécessité d'avoir des relations financières stables entre l'Etat et les collectivités locales ne soit toujours pas une donnée acceptée par Bercy.
De plus, par de telles méthodes, vous faites supporter en partie aux collectivités locales le coût des mesures d'allégements fiscaux que vous comptez mettre en oeuvre.
Le Gouvernement peut ainsi annoncer une hypothétique baisse des impôts en faisant supporter la responsabilité d'une hausse aux élus locaux.
Le parallélisme entre la hausse de la taxe d'habitation en 1996 et la baisse des impôts dans le cadre de ce projet de budget pour 1997 a été largement démontré.
Je souhaite insister, malgré tout, sur la responsabilité plus qu'effective du Gouvernement dans cette hausse, par le biais des réductions des dotations aux collectivités locales.
De même, il conviendrait de s'interroger sur la méthode qui consiste à prélever le surplus de taxe professionnelle et de taxe foncière payé par La Poste et France Télécom pour compenser les pertes fiscales liées aux exonérations de taxe professionnelle accordées aux entreprises situées dans une zone franche.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut attendre des collectivités locales qu'elles assurent de plus en plus un rôle social et contribuent à la relance des investissements, notamment dans le secteur du bâtiment.
Si une telle situation devait perdurer, soyons certains que les collectivités territoriales auraient de plus en plus de difficultés à assumer financièrement les missions qui les attendent, notamment dans le domaine de l'environnement, comme la collecte et le traitement des déchets, la lutte contre la pollution et la qualité de l'eau.
Du point de vue social et de la nécessaire lutte contre le chômage, vous ne pouvez ignorer que 197 000 titulaires de contrats emploi-solidarité, les CES, sont actuellement employés dans les collectivités territoriales. Or, le Gouvernement envisage de réduire de 10 % la prise en charge financière de ces contrats.
Il est inutile de se voiler la face. Les collectivités locales n'ont pas aujourd'hui les moyens de transformer ces contrats en véritables emplois. Aussi, la suggestion selon laquelle le montant de la DGF pourrait être fondé, en partie, sur l'effort fait par une commune pour intégrer un CES dans son personnel permanent serait de nature à lutter efficacement contre le fléau du chômage, l'Etat compensant, grâce à une DGF revalorisée, l'effort accompli par la collectivité.
J'évoquais, voilà un instant, les investissements des communes dans les années à venir. Je crois qu'une partie de la solution peut être trouvée grâce au développement de la coopération intercommunale.
La loi de 1992, qui a instauré de nouvelles formes de coopération, est une bonne loi. Mais, comme toute loi, elle doit faire l'objet de réajustements en fonction de l'application qui en est faite sur le terrain.
Le besoin de clarification est réel. L'exemple du remboursement de la TVA sur les travaux de voirie est significatif à cet égard.
Je crois qu'il est nécessaire que l'Etat encourage de manière forte la création de communautés de communes. Aussi, je souhaite que le projet de loi actuellement en préparation aille aussi loin que possible dans ce sens.
En conclusion, je tiens à dire de nouveau que l'Etat ne doit pas céder à la tentation qui consisterait à faire croire aux Français qu'il y aurait, d'un côté, un gouvernement vertueux qui allégerait les impôts et, de l'autre, des élus locaux dispendieux. Ce serait contraire à la vérité.
Si les impôts locaux augmentent, c'est, la plupart du temps, parce que les communes et les départements n'ont pas d'autres choix et doivent assumer chaque jour davantage de missions, notamment dans le domaine social, en raison des désengagements de l'Etat.
Tout à l'heure, M. Delevoye a dit qu'il ne peut pas y avoir de communes riches dans un Etat pauvre. Il a raison. Pour ma part, j'ajouterai qu'il ne doit pas y avoir de citoyens pauvres dans un Etat riche.
Il est évident, aujourd'hui, que le transfert des charges vers les collectivités territoriales est largement supérieur à l'évolution constatée des dotations de l'Etat. Le projet de budget que vous proposez en est l'éclatante démonstration. C'est pour cela que nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord saluer la qualité des rapports et les très intéressantes interventions qui ont facilité le climat, caractérisé par le dialogue de notre débat ce matin.
J'évoquerai brièvement les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Je rappellerai tout de même un principe qui, je crois, convient à nombre d'entre nous et qui est le suivant : il ne faut pas faire une addition arithmétique de ce qu'on appelle, selon moi de façon artificielle, l'ensemble des concours de l'Etat.
En effet, il s'agit d'éléments financiers de nature profondément différente. La dotation globale de fonctionnement est un droit des collectivités locales au partage d'une recette fiscale commune avec l'Etat, comme cela se produit dans d'autres pays. Ainsi, la République fédérale d'Allemagne opère le partage d'un impôt, l'impôt sur le revenu, entre ses collectivités membres et la fédération. Notre dotation globale de fonctionnement a la même nature et, d'ailleurs, les comptables nationaux, qui, eux, ont le sens de la rigueur des principes, incluent cette dotation dans la fiscalité locale.
En revanche, d'autres concours ont le caractère soit d'une compensation financière de missions transférées, soit - et ce sont les plus importants - de remboursement de dégrèvements et d'exonérations qui sont des aides aux contribuables locaux décidées unilatéralement par l'Etat.
Pour cette année, notre problème principal est que l'évolution de la dotation globale de fonctionnement est trop faible. Je ne veux pas remettre en cause, parce qu'il faut aussi éviter les instabilités et les perturbations permanentes, le principe selon lequel la dotation globale de fonctionnement évolue en fonction de l'inflation prévisionnelle et d'une fraction de la croissance. Evidemment, ce serait mieux si cette croissance était un peu plus importante. Toutefois, le problème qui se pose cette année est celui de la brutalité de la régularisation négative.
L'année dernière, il y a eu une surestimation de la croissance dans la loi de finances initiale. Elle a gonflé la dotation globale de fonctionnement de 1996. Le fait que la dotation pour 1997 soit recalculée sur la base de ce qu'aurait dû être, compte tenu de la croissance réelle, la dotation globale de fonctionnement de 1996 explique que nous ayons une augmentation aussi faible.
Je rappelle que, en d'autres temps, le principe de régularisation négative avait été écarté. Je veux bien admettre qu'en toute rigueur il est préférable de se caler sur la croissance réelle plutôt que sur une croissance hypothétique, sachant qu'il arrivera, je suppose, à tous les gouvernements de surestimer la croissance au moment de l'établissement de leur projet de loi de finances initiale. En tout cas, s'il doit y avoir régularisation négative, elle doit être étalée de manière à éviter les coups d'accordéon.
Deuxième point qui ne va pas : on n'a pas avancé, on n'a pas procédé aux clarifications nécessaires dans le débat sur les compensations des réductions ou des exonérations de fiscalité locale. L'épisode de cette année sur l'objectif visant à réduire, en réalité à quasi supprimer, la réduction de taxe professionnelle pour embauche et investissement et les épisodes des années précédentes avec des réductions forfaitaires complètement aveugles de la dotation de compensation de la taxe professionnelle montrent qu'il y a là une source permanente de conflit et d'incompréhension entre les pouvoirs publics locaux et l'Etat.
Je voudrais insister auprès de M. le ministre sur l'effet de détérioration du climat psychologique, de perte de confiance que cela suscite dans les rapports collectifs entre les collectivités locales et l'Etat.
Je crois que, cette année, on a laissé passer du temps. Il aurait fallu, me semble-t-il, engager une concertation entre les représentants des collectivités locales et l'Etat, et procéder à une analyse transparente sur l'ensemble du problème des compensations fiscales.
Je reviens d'un mot sur la dotation globale de fonctionnement. J'insiste pour qu'il soit procédé à une réforme en profondeur de la stimulation intercommunale, de l'avantage intercommunal en matière de DGF. Je ne suis pas sûr, monsieur le ministre, qu'on puisse ramener à un simple aménagement technique la question du coefficient d'intégration fiscale. Au départ, la dotation globale de fonctionnement peut certes représenter un avantage pour les communes qui se groupent. Cependant, il n'existe pas de raison de principe pour que des communes groupées reçoivent incomparablement plus au titre de la dotation globale de fonctionnement que des communes isolées. Il doit y avoir une modération, un ajustement du pourcentage d'avantage lié au groupement de communes par rapport à ce que reçoivent les communes isolées.
M. René Régnault. Très bien !
M. Alain Richard. Puisque nous partageons l'objectif de développer la fiscalité d'entreprises d'agglomération, il doit être tenu compte, dans la répartition de la DGF, des groupements, de l'effort qu'ils font pour établir une péréquation, une solidarité en matière de taxe professionnelle.
Sur ce point aussi, j'ai une critique à vous adresser. En effet, nous n'avons pas progressé en 1996 dans le débat relatif à la péréquation de la taxe professionnelle. Au contraire, un épisode malheureux est survenu, à savoir la récupération de la taxe professionnelle globalisée de France Télécom - qui aurait dû servir à la péréquation - pour un autre objectif, relatif à la politique de la ville. De ce point de vue, nous avons, je crois, perdu du temps.
M. le président. Mon cher collègue, le Sénat va être navré de voir s'interrompre votre discours. Je suis, hélas ! obligé de vous demander de respecter votre temps de parole.
M. Alain Richard. Vous avez raison, monsieur le président. C'est votre mission, et vous l'accomplissez avec autant d'efficacité que de gentillesse.
Je conclurai en deux mots. Le débat relatif aux options d'environnement qui s'imposent aux communes ne doit pas être traité en opposition. Nous ne pouvons pas devenir les avocats de la non-réalisation d'objectifs environnementaux. En revanche, la concertation sur les rythmes et le niveau des normes doit être développée. En effet, on ne peut être luxueux en matière d'environnement si l'on devient exagérément frugal dans d'autres missions qui sont aussi des missions d'intérêt public. Je pense que vous avez, monsieur le ministre, un problème d'intercommunalité avec le ministre de l'environnement. Celui-ci - et il n'est d'ailleurs pas le premier dans ce style - est un ministre exclusivement dépensier qui ne prend pas en compte l'impact financier des normes qu'il décide, ou qu'il négocie à l'échelon européen. Il convenait de le rappeler.
Le dernier point de mon intervention concernera la CNRACL. La clarification n'a pas avancé. Je veux souligner que, derrière le débat relatif à la surcompensation, qui est déjà un débat sérieux, se profile surtout un débat, que vous avez tardé à ouvrir, sur les perspectives financières de la CRNACL. Il est dommage que vous n'ayez pas engagé une concertation, en toute transparence, sur ce sujet.
M. le président. Mon cher collègue, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. Alain Richard. Je conclus, monsieur le président. Le rapport, qui est public depuis un an, sur les perspectives financières des retraites fait apparaître, hors surcompensation, un déficit de 30 milliards de francs de la CNRACL à l'horizon 2005. Par conséquent, nous devons, en toute responsabilité, débattre de cette évolution financière. Je regrette une action financière à court terme qui me conduit à ne pas voter ce projet de budget, et je souhaite qu'un esprit de contractualisation et de planification rétablisse la confiance entre les collectivités locales et l'Etat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget des collectivités locales dont nous débattons depuis ce matin constitue, je voudrais le rappeler après d'autres, une traduction fidèle des engagements pris par le Gouvernement lors de la dernière loi de finances.
Pour 1997 et, vous le savez, dans un contexte difficile où il est nécessaire de poursuivre l'assainissement des dépenses publiques pour procéder à une relance de l'économie sur des bases saines, le Gouvernement a veillé, en effet, à tenir strictement ses engagements vis-à-vis des collectivités territoriales.
Cette mise en oeuvre du pacte, défini par l'article 32 de la loi de finances de l'an dernier, fait mieux, en fait, que préserver le pouvoir d'achat des concours financiers de l'Etat aux communes et à leurs groupements, aux départements et aux régions. Toutes ces collectivités disposeront, cela a été dit, de bases stables pour l'établissement de leur budget et pourront assumer dans des conditions plus satisfaisantes les responsabilités qui sont les leurs.
L'application du pacte, pour la deuxième année consécutive - et je crois que cette durabilité du pacte a en elle-même une grande valeur - aboutira, pour cette année, à une augmentation de l'ordre de 1,3 %, à 1,5 % si l'on tient compte des ajustements hors pacte. Cela signifie que l'enveloppe des dotations actives aux collectivités locales atteindra 155,1 milliards de francs, auxquels s'ajouteront les 300 millions de francs au titre de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, et les 766 millions de francs au titre du retour de fiscalité locale de France Télécom.
Au sein du pacte, les dotations de fonctionnement progressent, vous le savez, à un rythme légèrement supérieur à l'inflation. Les dotations d'équipement, en termes de droits ouverts, croissent de l'ordre de 4 %. Enfin, les dotations de financement des transferts de compétences, comme la DGD, la dotation générale de décentralisation, se maintiennent en francs constants.
Nous avons eu un certain nombre de préoccupations. La première consistait en un respect scrupuleux du pacte. MM. les rapporteurs ont bien voulu le souligner, et je les en remercie. M. Hoeffel a repris également ce point dans son intervention.
La question qui se posait était, bien sûr, de savoir comment associer les collectivités à la maîtrise des dépenses publiques. Je voudrais rappeler quelques chiffres. Le budget des collectivités représente 750 milliards de francs, sur lesquels la fiscalité directe locale représente quelque 280 milliards de francs et l'ensemble des transferts, compensations comprises, environ 240 milliards de francs. On voit bien que ces masses conditionnent, à l'évidence, toute politique de stabilité financière à l'échelon national. L'objectif, de maîtrise des finances publiques passe donc aussi par cette stabilisation des flux financiers entre l'Etat et les collectivités territoriales, car l'enjeu, nous le savons bien, c'est l'emploi.
S'agissant de cet effort, il faut en même temps essayer de respecter le mieux possible à la fois la stabilité des budgets et - ce sujet a été évoqué par plusieurs orateurs - l'aspect péréquation et solidarité entre budgets des collectivités territoriales.
S'agissant de la stabilité - je ne reviendrai pas trop longuement sur ce point - un certain nombre d'orateurs ont observé que le pacte rompait avec ce que nous avons connu dans le passé, c'est-à-dire des ajustements plus brutaux d'une année à l'autre, situations qui, en termes de prévisibilité pour les responsables des budgets des collectivités territoriales, étaient extrêmement difficiles à assumer ; certaines décisions étaient même prises en cours d'année. L'aspect prévision à trois ans est donc un élément positif.
Ce pacte est inéquitable, avez-vous dit, monsieur Pagès. Il me paraît, au contraire, pour cette année tout à fait protecteur des collectivités locales. Alors que l'ensemble du budget de l'Etat a une croissance zéro en francs courants, l'ensemble des transferts, vous le savez bien et je l'ai rappelé tout à l'heure, évolue au rythme de l'inflation.
Ces moyens financiers pour 1997 apparaissent tout à fait compatibles avec l'objectif de solidarité.
La structure de la DGF, comme l'a rappelé M. Hoeffel tout à l'heure, doit permettre, avec une hypothèse de croissance de la masse réservée aux groupements de communes de l'ordre de 500 millions de francs l'année prochaine, comparable à celle de cette année - et c'est une hypothèse à mon avis plutôt large - d'assurer une progression de 2 % en croissance de la DSU et de 4 à 5 % de la DSR, indices qu'il faut remettre en perspective, après la très forte progression de l'an dernier qui a permis une hausse importante de ces différentes dotations d'aménagement.
De la même manière, l'abondement, hors pacte, du FNPTP de 766 millions de francs résultant de la progression de la fiscalité locale acquittée par La Poste et France Télécom permettra de compenser les pertes de produits liées aux exonérations de taxe professionnelle prévues dans le cadre du pacte de relance pour la ville sans obérer pour autant la part du fonds affectée à la compensation pour pertes de base et à la péréquation, au demeurant renforcée depuis 1995 au profit de communes connaissant une insuffisance de produits de taxe professionnelle.
En effet, comme l'a relevé le rapport de la commission, et pour répondre à M. Delevoye, qui en parlait tout à l'heure, je confirme que, si le coût des exonérations du pacte de relance pour la ville devait excéder - c'est possible - le supplément de ressources attendu au profit du fonds, c'est-à-dire 468 millions de francs, le supplément serait pris en charge par l'Etat.
Cet élément, ajouté à d'autres, montre notre souci du respect scrupuleux du pacte de stabilité financière pour l'année prochaine.
J'aurai l'occasion d'évoquer dans quelques semaines les rapports demandés par le Parlement, notamment par le Sénat, sur la péréquation. Ces travaux sont, en effet, en voie d'achèvement.
Le pacte de stabilité financière, il est vrai, ne donne qu'une vision partielle des concours de l'Etat aux collectivités locales, tant il est vrai que le poids des compensations est important.
Comme M. Delevoye l'a souligné, le montant des compensations, qu'il s'agisse de dégrèvements ou de compensations, a considérablement augmenté ces dernières années.
L'Etat, vous le savez bien, est ainsi devenu le premier contribuable local.
Or, il serait à mon avis totalement illusoire d'avoir les yeux rivés sur le périmètre normé si, dans le même temps, on ne portait pas attention à l'évolution des compensations d'exonérations et de dégrèvements.
Les aménagements intervenus sur les conditions de plafonnement par rapport à la valeur ajoutée et sur la taxe d'habitation, à laquelle faisait également allusion M. Delevoye tout à l'heure, la création de la cotisation minimale de taxe professionnelle s'inscrivent dans le souci de maîtriser - je ne parle même pas encore de stabiliser - ce type de concours.
Ne nous y trompons pas : le sujet n'est pas simple ! Le débat, maintenant clos, de la réduction pour embauche et investissement l'a montré, et la solution passerait probablement par une refonte beaucoup plus générale de la fiscalité locale, car, pour l'heure, s'il est impossible que l'Etat absorbe tout le coût de la dérive, il est tout aussi inconcevable - j'en suis conscient - que les compensations soient brutalement reportées à la charge des collectivités locales ou des contribuables.
Notre deuxième préoccupation a été le maintien des concours à l'investissement.
M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur ont souligné le tassement des investissements des collectivités locales, dont on connaît le poids dans l'économie nationale : 70 % des investissements publics civils.
On pourrait épiloguer sur les causes de ce tassement : la réduction des marges de manoeuvre, financières et fiscales - plusieurs orateurs s'en sont fait l'écho, et le rapport de M. Bourdin a développé ce point dans le cadre de l'observatoire des finances locales - ainsi que la satisfaction - il faut le dire - de certains besoins éventuels en matière d'équipement et d'enseignement ; en effet, dans nombre de régions et de départements, l'essentiel du travail lié à la fois à la remise en état des locaux et aux différentes vagues démographiques est aujourd'hui derrière nous.
Il est également intéressant d'avoir à l'esprit les conclusions du rapport que M. Girod a présenté, voilà quelques semaines, à l'Observatoire du comité des finances locales et qui permet d'avoir - j'allais dire : enfin ! - une vision objective et claire de toute cette problématique - transfert de charges, transfert de moyens - et une vision précise de ce qui s'est passé depuis une quinzaine d'années.
Il reste, c'est vrai, qu'il est essentiel de maintenir l'effort en faveur de l'investissement.
Certes, le pacte a conduit à supprimer la DGE, première part, des communes. Mais le Sénat conviendra, je pense, que cette dotation, dont on espérait, à sa création, qu'elle puisse intervenir de façon significative, a toujours été assortie de taux de concours inférieurs à 3 % et souvent plus proches de 2 %, donc dénués de tout effet incitatif. Elle allégeait, certes, la charge locale, mais elle n'avait plus d'effet incitatif.
Plus significatif, je crois, est le niveau des taux d'intérêt, et plusieurs orateurs ont bien voulu souligner tout à l'heure que, par sa politique, le Gouvernement s'attachait à les maintenrir à des montants attractifs.
Je rappellerai aussi, à propos des taux d'intérêt, que le Gouvernement a pris ces dernières années, et encore très récemment, des mesures spécifiques pour faciliter la mobilisation de fonds à faible coût - notamment la ressource CODEVI - au profit des plus petites communes, ou encore au bénéfice des départements ou régions améliorant la sécurité dans les établissements d'enseignement.
En ce qui concerne le problème de l'amiante, je tiens à dire à M. Hoeffel que le dispositif annoncé par le Gouvernement est effectivement en place : les crédits sont disponibles, et nous étudions actuellement l'expression des besoins. Ce dispositif d'aide aux collectivités locales devrait donc maintenant produire rapidement ses effets.
Sur le plan strictement budgétaire, la progression du produit des amendes de police et l'augmentation des droits ouverts au titre de la DGE permettent, comme je l'ai dit au début de mon intervention, une hausse des concours de l'Etat à l'investissement, en 1997, de l'ordre de 4 à 5 %.
Le FCTVA, dont les crédits sont inscrits à titre évaluatif, préserve, à mon avis, les droits des collectivités locales.
Je dois avouer que je n'ai pas très bien compris la démonstration de M. Pagès à cet égard. En effet, la réévaluation du taux de TVA est intervenue en cours d'année 1995, ce qui n'est pas sans conséquences pour les recettes et les compensations de TVA sur 1997. C'est bien pourquoi le taux apparent est légèrement en diminution. Mais je pense que vous le saviez fort bien, monsieur le sénateur. En tout cas, je tiens à votre disposition une note écrite sur ce point.
La Haute Assemblée a par ailleurs étendu ou aménagé les conditions d'intervention de ce fonds.
Les amendements proposés et acceptés par le Gouvernement relatifs à la voirie réalisée par les groupements, question dont j'avais été saisi au cours des derniers mois par différents sénateurs, en particulier par M. Poncelet, résolvent, je crois, le problème, et ce dans de bonnes conditions.
Il faudra, c'est vrai, monsieur le rapporteur spécial, évoquer la situation de 1996. Toutefois, M. Mercier connaît trop les contraintes de la gestion financière pour ignorer que les mesures à effet rétroactif sont parfois difficiles ; mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Il me paraît difficile aujourd'hui d'aller plus loin en matière d'aménagement du FCTVA.
En réalité, la reprise de l'investissement, que la réforme en cours de la commande publique devrait favoriser, en introduisant une simplification des procédures, dépendra assez largement de la capacité des collectivités à maîtriser les charges courantes.
C'est précisément la troisième préoccupation qui a guidé le Gouvernement. M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur ont beaucoup insisté sur cet aspect.
Le Gouvernement est soucieux de parvenir à une meilleure maîtrise des charges. Plusieurs orateurs ont souhaité que le pacte de stabilité porte non seulement sur les recettes, mais aussi sur les charges. Je crois qu'ils ont raison. Cela nous obligera collectivement, au niveau de l'ensemble de la société, à raisonner autrement sur un certain nombre de problèmes qui nous sont posés.
J'ai entendu les observations portant sur les normes en matière d'équipements sportifs, sur la recherche d'une meilleure protection de l'environnement et, d'une manière générale, sur toutes les normes qui s'imposent à nous. Il faut effectivement, me semble-t-il, que l'ensemble des responsables de ce pays, quelles que soient leurs responsabilités, se rendent compte des conséquences, en termes de charges publiques, de leurs propositions et de leurs décisions.
Pour ma part, je suis tout à fait favorable à la mise en oeuvre de procédures de concertation et de discussion avec les partenaires, qui peuvent d'ailleurs être tout à fait extérieurs aux collectivités publiques, pour traiter de ces sujets.
Par ailleurs, s'agissant des marges de manoeuvre, il est incontestable que les recettes des collectivités sont très sensibles à la conjoncture et que, à l'inverse, les charges auxquelles elles ont à faire face vont croissant en période de difficultés économiques.
Cet effet de ciseaux, comme cela a été souligné par plusieurs orateurs, est particulièrement perceptible en matière d'aide sociale. Il l'est donc essentiellement pour les départements, mais aussi pour les communes, à travers l'évolution des contingents d'aide sociale. A cet égard, je voudrais vous préciser que les études portant sur ces mécanismes de contingents d'aide sociale sont maintenant achevées, et que nous sommes prêts à ouvrir une discussion avec les responsables des conseils généraux et de l'Association des maires de France pour avancer sur ce dossier délicat. Ce dernier risque, en effet, si l'on n'y prend garde, d'empoisonner de plus en plus les relations entre les grandes communes et les conseils généraux ; nous devons donc veiller à ne pas laisser se développer une sorte de conflit un peu stérile qui pourrait dégénérer. Il faut que l'ensemble des responsables connaissent la situation ; il nous faut disposer d'une photographie à partir d'une connaissance des réalités ; les réflexions et les discussions deviennent alors plus faciles.
Le projet de budget qui vous est proposé tient compte, je crois, de ces différentes préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs.
Ainsi, la dotation générale de décentralisation voit son pouvoir d'achat préservé ; elle évoluera à un rythme légèrement supérieur à celui de l'inflation.
La dotation spéciale instituteur a été recalibrée conformément aux conclusions du groupe de travail administrations-élus.
Enfin, le Gouvernement - vous l'avez dit - s'est attaché à stabiliser le montant des cotisations à la CNRACL.
Je sais que le Sénat est particulièrement attentif à ce dossier.
A entendre certains propos, on me reproche presque d'avoir trouvé une solution ; je m'en étonne quelque peu. Ce n'est pas parce que le problème n'est pas résolu pour l'éternité que l'on ne peut pas reconnaître qu'il est réglé au moins pour une année ! Je me permets de le faire remarquer avec un peu de bon sens...
Pour le reste, je souhaite que, à l'occasion des réflexions que nous aurons à mener sur l'évolution des retraites dans l'ensemble des professions, y compris dans le secteur public, le Gouvernement soit soutenu avec la même énergie que celle qui s'est exprimée dans les propos que je viens d'entendre. Il est bien certain qu'une évolution différente du débat de 1995 aurait peut-être facilité le débat sur la surcompensation. Il n'est pas inutile et il est sans doute de mon rôle de le rappeler à l'occasion de cette discussion budgétaire, car on ne peut pas indéfiniment traiter des problèmes uniquement secteur par secteur ; il y a malheureusement des dossiers qui se chevauchent.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il n'est pas certain que ce soit équilibré, même pour 1997 !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. A ce propos, monsieur le président de la commission des finances, les chiffres dont nous disposons sont tout à fait clairs, et il serait bon que je les transmette au président de la commission des finances. Je ne voudrais pas, en effet, que des chiffres émanant de tel ou tel organisme induisent en erreur les parlementaires de notre pays.
M. René Régnault. Il faut ouvrir un débat !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Sur les faits, je ne suis pas sûr qu'un débat soit nécessaire, monsieur le sénateur. Les faits, malheureusement, sont têtus !
S'agissant de la fonction publique, le texte que vous avez bien voulu adopter sera présenté à l'Assemblée nationale dans quelques jours maintenant.
Dans la foulée, nous pourrons soumettre au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale le projet de décret qui, je le sais, suscite un grand intérêt chez nombre d'entre vous, parce qu'il prévoit un statut pour les directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints des départements et des régions. Ce problème sera donc réglé.
Par ailleurs, je suis bien conscient de la nécessité de conserver des capacités d'évolution en matière de statut des personnels et de mieux tenir compte, à cet égard, de la dimension intercommunale. Les besoins des groupements intercommunaux ne sont pas suffisamment pris en considération dans la structure statutaire que nous avons élaborée ces quinze dernières années, sous différentes majorités parlementaires. Le développement de l'intercommunalité, très important depuis quatre ou cinq ans, nous contraindra probablement à introduire certains éléments de souplesse dans ces constructions statutaires.
S'agissant des nouvelles charges, je rappelle que, dès le mois de novembre 1995, le Premier ministre a invité tous les membres du Gouvernement à accompagner leurs projets de loi et leurs projets de décret d'une étude d'impact traitant, en particulier, de leurs incidences financières sur le budget des collectivités locales. C'est ainsi que nous pratiquons désormais. Reste que, comme je le disais au début de mon propos, nous devons ensemble considérer l'empilement des dispositifs qui se sont stratifiés au cours des années afin de dégager un certain nombre de possibilités d'économies.
Je sais également qu'au sein de votre commission des lois - M. Hoeffel a bien voulu le rappeler tout à l'heure - nombreux sont ceux qui estiment nécessaire une clarification des compétences, même si la tâche n'est pas aisée en période de difficultés économiques et budgétaires. C'est la raison pour laquelle je mène depuis plusieurs mois une concertation très large avec de nombreux élus à la fois des régions, des départements et des communes, afin que nous réfléchissions ensemble aux évolutions nécessaires. Nous devons poursuivre cette démarche, en gardant toujours à l'esprit les conclusions du rapport de M. Paul Girod, pour que les charges éventuellement transférées soient exactement compensées et qu'elles ne contribuent pas à accroître les difficultés budgétaires des collectivités.
Je suis totalement persuadé, comme M. le rapporteur spécial, qu'il faut autant que faire se peut corriger ces erreurs, au reste inévitables dans une réforme de cette ampleur, qui ont conduit à la mise en place de dispositifs dans lesquels les décideurs ne sont pas les payeurs. Il est indispensable de faire en sorte que, dorénavant, les décideurs soient les payeurs et inversement.
En ce qui concerne l'intercommunalité, nous avons engagé une très large réflexion. Un prérapport vous a été transmis. Je poursuis la concertation depuis plusieurs mois. Nous serons en mesure, dans quelques semaines, de vous transmettre le rapport définitif. Donc, je souhaite être en mesure, au début de 1997, de présenter au conseil des ministres et ensuite au Parlement un projet de loi relatif à l'intercommunalité. Il aura deux objectifs. Il s'agira, d'une part, de simplifier pour faire en sorte que la démocratie locale reste lisible et compréhensible pour nos concitoyens. Nous devons y veiller, car le développement de l'intercommunalité nous l'impose. Il s'agira, d'autre part, de faire en sorte que la solidarité intercommunale se construise chaque jour davantage sur des bases solides afin que le choix de la taxe professionnelle d'agglomération ne soit pas freiné par des difficultés d'ordre technique ou par des considérations tenant notamment au non-accompagnement financier.
M. René Régnault. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la démarche qui est la mienne en matière de réforme de l'Etat est évidemment parallèle à celle que nous avons adoptée pour construire le dialogue entre l'Etat et les collectivités décentralisées. Comme j'ai eu l'occasion de le dire, il y a quelques jours devant le congrès de l'Association des maires de France, la volonté du Gouvernement et du Président de la République de procéder à une véritable déconcentration de l'administration de l'Etat correspond à une conviction : sur le terrain, l'administration de l'Etat doit être capable, en devenant un véritable partenaire des décideurs locaux, d'accompagner le changement et notre pays, qui est riche d'initiatives et de potentialités de réforme doit pouvoir compter sur cette même administration de l'Etat pour répondre localement à ce besoin de changement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la décentralisation inscrits à la ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix le vendredi 29 novembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la sécurité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 196 622 716 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV, moins 1 881 795 374 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 1 465 000 000 francs ;
« Crédits de paiement, 506 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 10 301 445 000 francs ;
Crédits de paiement, 5 918 529 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la décentralisation.

3

souhaits de bienvenue
à une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de quatre députés de la Diète polonaise, qui sont en visite à Paris sur l'invitation de parlementaires de l'Assemblée nationale. (M. le ministre ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance de quelques minutes.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

4

LOI DE FINANCES POUR 1997
Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997.

Services généraux du Premier ministre

FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ÉTAT

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits dont nous abordons l'examen recouvrent deux domaines bien différents. Il s'agit, d'une part, de l'ensemble de la politique de rémunération de l'Etat et du secteur public et, d'autre part, des crédits propres au ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Dans ce bref exposé, je mettrai l'accent, en premier lieu, sur les problèmes de l'Etat employeur, en second lieu sur la réforme de l'Etat, qui est évidemment l'enjeu essentiel.
S'agissant de l'Etat employeur, nous le savons bien, nous nous situons dans un cadre très contraignant. Nous avons en effet l'impérieux besoin de réduire les déficits publics. Or, à l'évidence, les dépenses de rémunérations et les dépenses induites par les rémunérations, qui représentent 42 % du budget général de l'Etat, ce qui est très important, doivent faire l'objet d'un effort tout particulier, compte tenu de la politique de maîtrise actuellement mise en oeuvre.
Ainsi, le budget qui nous est proposé pour 1997 ne comporte-t-il, au titre des rémunérations, que les crédits nécessaires à la prise en compte des effets des mesures catégorielles décidées dans le passé, ainsi que des mesures individuelles, du glissement vieillissement technicité, le GVT, et de différentes autres mesures techniques.
J'appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le meilleur indicateur de la rémunération des fonctionnaires, qui est la rémunération moyenne des personnels en place, dégage depuis plusieurs années, par rapport à l'indice des prix à la consommation, une marge qui peut être considérée comme un gain de pouvoir d'achat. Je crois qu'il est bon de le redire. Ainsi, en 1995, la progression de la rémunération moyenne des personnels en place est de 5,5 %, par rapport à un indice des prix en augmentation de 1,8 %.
S'agissant de la dépense induite de la fonction publique, elle s'élève à 650 milliards de francs, premier poste du budget de l'Etat, soit près de 42 % de ce budget général.
Nous avons fait, en commission, la liste des facteurs d'évolution et des inquiétudes pour l'avenir.
Monsieur le ministre, nous avons en particulier mis l'accent sur les pensions, car, en ce domaine, il ne faut pas se le cacher, les perspectives sont fort préoccupantes pour les années à venir. Nous voyons évoluer très rapidement et très défavorablement le rapport démographique entre les cotisants et les ayants droit. En effet, si l'on peut considérer que le nombre des premiers est stable, celui des seconds va à peu près doubler entre 1995 et 2015. Voilà la réalité à laquelle nous n'échapperons pas à l'avenir et cet élément reviendra certainement de manière lancinante dans tous les budgets futurs de l'Etat.
Nous ne pouvons pas ne pas considérer le mode de gestion de la fonction publique comme quelque peu archaïque.
Quand je parle d'archaïsme, je peux évoquer l'unicité de la négociation salariale. Nous le disions récemment, à l'occasion de l'examen du projet de loi concernant certains aspects de l'emploi dans la fonction publique : une seule négociation salariale pour l'Etat, les collectivités territoriales et le secteur hospitalier. A l'évidence, une seule négociation salariale pour 9 millions de personnes, c'est une concentration excessive !
La gestion de la fonction publique reste exagérément parisienne, pas suffisamment déconcentrée. Trop de commissions paritaires se tiennent à l'échelon ministériel, souvent pour prendre des décisions qui seraient assurément mieux venues si elles étaient plus proches du terrain.
Enfin, cette gestion demeure très cloisonnée, avec un très grand nombre de corps qui, souvent, regroupent des personnes faisant les mêmes métiers. Sur ce point, on le verra en conclusion, le Gouvernement essaie d'évoluer à un rythme qui lui semble compatible avec les possibilités de réforme de l'Etat.
Les effectifs de la fonction publique diminuent, pour la première fois en 1997, en nombre absolu, mais le solde négatif, qui est de 5 600 postes, n'est que la conjugaison de 9 300 suppressions de postes et de 3 700 créations de postes. Ce budget comporte en effet des créations de postes, contrairement à ce qu'on entend ici ou là : 2 660 postes pour l'enseignement supérieur, 475 postes pour la justice. Certes, il y a, en compensation, des suppressions : 1 400 postes pour les services financiers et 5 300 postes pour l'enseignement scolaire en fonction de la démographie des élèves.
Par ailleurs, les conséquences sont tirées de la professionnalisation des armées et de la réforme de structures en matière de défense.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne les effectifs et les rémunérations, il s'agit donc d'un budget maîtrisé. Je crois que vous avez fait au mieux, compte tenu des marges de manoeuvre étroites qui étaient les vôtres, et que les arbitrages ont été pris dans les meilleures conditions possibles, du moins pour l'année 1997.
Je ne reviendrai pas sur les crédits de votre ministère, qui sont détaillés dans le rapport écrit. Je mettrai simplement l'accent sur le fonds pour la réforme de l'Etat, qui est une innovation de ce budget. Créé au cours de l'année 1996, il est confirmé en 1997 avec 150 millions de francs, dont 50 millions de francs pour une première section consacrée au financement de réformes particulièrement importantes ou exemplaires, et 100 millions de francs pour une seconde section consacrée à la mise en chantier de réformes à conduire dans les trois années à venir.
La réforme de l'Etat, qu'est-ce à dire ? Les objectifs sont clairs : il faut que l'Etat puisse dépenser mieux pour mieux assumer ses missions. Le Premier ministre a engagé un effort de réflexion très important avec tous vos collègues du Gouvernement, qui a permis de dégager un certain nombre d'orientations.
Il convient de changer l'Etat central, de réduire le nombre des directions d'administration centrale, de mieux déléguer les responsabilités, de rénover la fonction publique en réduisant le nombre de corps et en réformant le système de notation pour aller vers plus d'évaluation individuelle, de diversifier les carrières et d'encourager la mobilité. Toutes ces actions sont assurément indispensables !
Quelles sont les premières réalisations ? Une expérimentation utile des contrats des services est en cours. Ce nouveau mode d'arbitrage budgétaire permet de rendre un service responsable de ses objectifs, ce dernier pouvant, grâce à une évaluation globale de ses moyens, consentir éventuellement à une réduction de ces derniers, en les « sécurisant » en quelque sorte, et bénéficier de plus de souplesse, c'est-à-dire d'une fongibilité des crédits.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je me dois de vous rappeler que le temps s'écoule !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président. Les contrats de services me semblent devoir être mis en valeur, car ils représentent un élément qualitativement important dans le budget de 1997, tout comme est importante la gestion patrimoniale de l'Etat qui devra se concrétiser.
La réforme de l'Etat suppose de persévérer dans l'effort sur de nombreuses années, effort qui n'est qu'amorcé et qui doit conduire à un objectif ambitieux. On ne pourra pas, en effet, faire l'économie d'une révision des modes de la négociation salariale, ni d'un desserrement du carcan de la négociation centralisée et unique. C'est du moins un voeu que je formule.
Par ailleurs, la notion de métier devra prévaloir pour réduire le nombre de cloisonnements administratifs et faciliter la mobilité dans l'intérêt des agents publics. En effet, monsieur le ministre, en analysant ces crédits, le souci de la commission est évidemment de rendre hommage au travail des fonctionnaires de l'Etat, de valoriser leurs responsabilités tout en considérant que, pour ce faire, il convient d'assouplir les modes de gestion de l'Etat et d'engager une véritable politique à long terme de gestion prévisionnelle des effectifs et de gestion des ressources humaines de l'Etat.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances recommande l'adoption de vos crédits. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 27 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l'Etat est à l'ordre du jour de toutes les républiques et de tous les gouvernements.
Le Gouvernement que nous soutenons a engagé une réforme profonde du secteur de la protection sociale. Cette action était la condition de la survie de nos régimes de sécurité sociale. Critiquée, combattue par les uns, soutenue par les autres, cette réforme est actuellement en marche.
Il en est de même de celle des entreprises publiques, dont le bilan pèse lourd dans les comptes publics. L'Etat ne peut continuer à supporter, pour ce secteur, des déficits considérables dont les contours sont mals cernés.
De plus, se pose le problème du fonctionnement de l'Etat. Comme l'indiquait notre excellent rapporteur à l'instant, et comme je l'ai souligné dans la discussion générale, les réductions du train de vie de l'Etat ont déjà été nombreuses. On ne pourra envisager d'aller au-delà qu'en s'attaquant à des réformes de structures plus profondes.
Chacun mesure combien, au fil des années, les structures de l'Etat se sont développées, empilées ou juxtaposées, pour atteindre, parfois, des dimensions ou une complexité qui pèsent sur les modalités de gestion. Ce phénomène est perceptible au niveau tant national que départemental.
Il est évidemment exclu d'évoquer tous les aspects d'une telle réforme ; aussi me contenterai-je de n'aborder que quelques problèmes spécifiques.
Les administrations centrales peuvent être restructurées pour diminuer le nombre de directions. L'éparpillement des compétences est tel que certains directeurs exercent désormais des attributions qui étaient autrefois celles d'un sous-directeur, et le sous-directeur celles d'une chef de bureau. En revanche, certaines administrations - et je pense en particulier au ministère des affaires sociales - ont souffert trop longtemps d'une insuffisance d'effectifs de conception et d'encadrement, alors même que le secteur social prenait une importance considérable.
Certes, le Gouvernement a décidé d'une réorientation, mais l'augmentation de certains secteurs doit être compensée par la diminution, voire la disparition de services dont l'importance ne se justifie plus.
A cet égard, monsieur le ministre, j'ai déjà cité à cette tribune le cas d'un service qui, par exemple, pourrait être profondément remanié, voire supprimé : il s'agit du service de la redevance audiovisuelle. Ce service avait sa justification autrefois, à une époque où une minorité de Français possédait la télévision et où cette redevance était la seule ressource de l'ORTF. Qu'en est-il actuellement, sachant que chaque foyer possède au moins un poste de télévision ? La redevance pourrait être rattachée à la taxe d'habitation, ce qui libérerait 1 000 personnes sur les 1 150 que comporte ce service, 1 000 personnes qui pourraient être affectées, par exemple, à la récupération des créances sociales.
Parmi les mesures de simplification particulièrement attendues par nos concitoyens figure le bulletin de salaire qui constitue, je dirais, un problème emblématique. Le bulletin français comporte dix-sept lignes, le bulletin anglais quatre lignes. Nous avons déjà atteint un résultat significatif avec le chèque emploi-service. Nous souhaitons que l'employeur, quel qu'il soit, n'ai plus face à lui qu'un seul organisme, n'ait plus à calculer qu'un seul taux de cotisation et à ne verser qu'un seul chèque. Si nous aboutissions à cette mesure, nos concitoyens comprendraient que la réforme de l'Etat est en marche.
J'en viens maintenant aux niveaux départemental et local, en formulant deux remarques.
La première concerne la nécessaire réorganisation des directions départementales. A l'évidence, elles sont trop nombreuses et doivent être réorganisées en fonction des grandes missions de l'Etat et de l'existence des conseils généraux.
Prenons l'exemple de la politique de l'eau et de l'assainissement. Il n'y a pas moins de sept organismes qui ont une compétence qui touche à ce secteur. J'ai créé, en ce qui me concerne, dans ma région, un observatoire local de la qualité des eaux qui est à cheval sur deux départements : j'ai donc quatorze interlocuteurs parmi lesquels l'IFREMER, l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'agence de l'eau, la DIREN, la direction régionale de l'environnement, la DDA, la direction départementale de l'agriculture, la DDE, la direction départementale de l'équipement et la DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, mais je pourrais en citer d'autres.
Ma deuxième remarque concerne la réorganisation des structures des services publics locaux en liaison avec notre politique d'aménagement du territoire et le développement des structures intercommunales. La Haute Assemblée est particulièrement attachée au maintien des services publics locaux dans les zones éloignées, déshéritées et vieillissantes, éventuellement autour de la poste. Monsieur le ministre, j'attire surtout votre attention sur l'effort indispensable de prévision, de projection et de concertation avec les collectivités locales concernées.
D'autres innovations peuvent être développées au niveau local pour permettre aux services de l'Etat et aux collectivités locales d'offrir un meilleur service à nos concitoyens.
Dans le domaine de l'emploi, par exemple, nous connaissons le rôle de l'ANPE. Mais nous savons aussi que l'ANPE ne peut être présente partout et que c'est auprès de la mairie que, souvent, le demandeur d'emploi effectue sa première démarche.
Il est donc normal que les communes ou les groupements de communes s'intéressent aux problèmes de l'emploi. Une ordonnance de décembre 1986 a d'ailleurs prévu que des conventions de collaboration ou de placement peuvent être signées entre l'ANPE et les collectivités. Ces conventions n'ont pas eu un développement considérable, et c'est bien dommage.
Dans mon département, nous avons créé des maisons locales de l'emploi et d'information sur les formations, organisées en réseau avec l'ANPE et le CARIF, le centre d'animation et de ressources pour l'information sur la formation. Je souhaite, monsieur le ministre, que votre gouvernement encourage de telles initiatives.
Face à des situations économiques et sociales parfois difficiles, les collectivités locales sont contraintes d'agir et de réagir.
Vous l'avez dit à l'instant, le succès de l'intercommunalité montre que les communes ont pris la juste mesure de l'intérêt de cette formule pour aborder, ensemble, les problèmes d'aménagement du territoire, de développement économique, de solidarité ou d'environnement.
Cependant, les actions ne sont efficaces qu'en fonction de la qualité des hommes ou des femmes qui les mènent. La particularité de ces actions contraint les responsables des structures intercommunales à recourir à des contractuels, faute de pouvoir trouver les compétences nécessaires dans la fonction publique territoriale.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de précariser ces emplois, qui peuvent avoir des durées de trois, six, neuf ans ou plus. Il s'agit de s'adjoindre des compétences à la hauteur des enjeux de développement local.
Les textes autorisent ces recrutements. Il suffit de les appliquer avec discernement et de donner aux préfets les instructions correspondantes.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de celles que vous avez données ou que vous donnerez dans ce sens.
S'agissant de la gestion du personnel, je me permets d'attirer votre attention sur l'impérieuse nécessité qui s'attache à la mise en place d'une politique globale et vigoureuse de gestion des ressources humaines au niveau de l'Etat.
Il sera impossible de procéder aux profondes restructurations des services si une telle politique n'est pas mise en oeuvre. C'est vrai pour tous les secteurs mais plus particulièrement pour le secteur hospitalier, où une profonde réforme est engagée.
Les situations sont trop différentes d'un ministère à l'autre pour que les mesures de réduction d'effectifs puissent s'appliquer aveuglément. Il faut tenir compte des objectifs, des efforts déjà réalisés, des réformes engagées, des rapports existants entre les effectifs déconcentrés et les effectifs centraux.
La réforme de l'Etat est un problème récurrent dont chacun mesure la difficulté.
Vous avez engagé à ce sujet, monsieur le ministre, de nombreuses consultations et lancé d'innombrables études. Je les crois nécessaires et bien ciblées.
Je pense néanmoins qu'elles devront être suivies d'un vaste débat, qui devra s'ouvrir devant le Parlement avant d'être porté devant la nation.
L'Etat doit montrer l'exemple et faire la preuve de sa détermination. Il est impossible qu'il impose des réformes aux autres, qu'il s'agisse des entreprises publiques, du secteur hospitalier, voire des collectivités, sans se les imposer d'abord à lui-même.
Notre développement futur passe à l'évidence par une remise en ordre immédiate ; vous l'avez amorcée mais il faut qu'elle aboutisse à des résultats concrets rapidement.
N'oublions jamais ce que disait Edmund Burke : « Un Etat qui n'a pas les moyens d'effectuer des changements n'a pas les moyens de se maintenir ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois à la compréhension de mon ami Jacques Mahéas, qui présentera la position du groupe socialiste sur ce projet de budget, d'intervenir avant lui sur ce dossier. Ce faisant, nous interviendrons un peu dans le désordre, allant du particulier au général, mais nécessité fait loi et, en l'occurrence, pour moi, cette nécessité concerne les transports.
C'est donc une courte intervention que je ferai sur un domaine précis, celui des délocalisations de services publics et, notamment, sur un point singulier, celui du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.
Ce faisant, j'irai moi-même du général au particulier. Monsieur le ministre, je n'ai d'ailleurs pas le sentiment d'être hors sujet, puisque vous êtes en charge de la réforme de l'Etat et que, à l'évidence, cette réforme passe en particulier par une déconcentration des services publics, y compris éventuellement sous la forme de délocalisations.
Mme Cresson avait donné l'exemple ; elle fut critiquée sur la forme plus que sur le fond, puisque j'observe que, depuis lors, les gouvernements successifs ne sont pas revenus sur cette politique et que même le CIAT - comité interministériel pour l'aménagement du territoire - de septembre 1994 a décidé de procéder à 10 000 nouvelles délocalisations d'emplois publics.
Au total, et en prenant en compte la réduction de 2 000 emplois décidée au CIAT de juillet 1993, ce sont quelque 23 000 emplois dont la délocalisation a été décidée.
J'ai lu avec intérêt le rapport présenté à l'Assemblée nationale par M. de Courson constatant que 10 500 emplois sont à ce jour effectivement transférés et que 8 000 sont en cours de transfert, soit, d'après M. de Courson, 80 % de ce qui était prévu, ce qui est bien.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous exposiez les projets du Gouvernement dans ce domaine et que vous nous disiez s'il envisage la stabilisation, le ralentissement ou l'accélération de ces transferts d'emplois. C'est ma première question.
Ma seconde question est beaucoup plus précise : elle concerne le CNASEA. Vous le savez, cet établissement public national, placé sous la tutelle conjointe des ministères de l'agriculture et des finances, gère un budget de l'ordre de 16 milliards de francs.
Sa délocalisation a été décidée au CIAT de janvier 1992, officialisée par contrat du 5 janvier 1993 et confirmée par délibération du conseil d'administration du 28 juin 1994.
Cette délocalisation devait se faire à Limoges. Parallèlement, la région Limousin, le département de la Haute-Vienne et surtout la ville de Limoges se sont mobilisés. La ville a dégagé un terrain dans le centre-ville et décidé de le céder gratuitement, alors qu'il était estimé à 6 millions de francs.
Bref, tout semblait aller bien jusqu'au printemps de 1996. Il y avait bien un retard, qui était prévisible à la suite d'un différend entre la direction du CNASEA et l'architecte chargé du projet, mais, à toutes les questions que les élus posaient, les réponses, tant de la direction du CNASEA que du ministère concerné, étaient rassurantes. Depuis juin 1996, plus rien, silence quasi total.
Monsieur le ministre, de quoi s'agit-il ? Quelqu'un essaie-t-il d'allumer un feu pour l'éteindre à la veille des élections de 1998 ? Cela s'est déjà vu dans notre département ; ce serait un peu misérable mais, à la limite, ce serait un moindre mal. La disparition des crédits destinés à financer le début de l'opération au budget du ministère de l'agriculture est-elle imputable à un retard, ce que l'on comprendrait pour le budget de 1997 mais n'exclurait pas la réapparition de ces crédits, ou bien est-elle due à un effacement pur et simple de ceux-ci ?
Les responsables des exécutifs locaux sont inquiets ; le président de la région, le député-maire, moi-même, nous vous demandons de confirmer que cette délocalisation aura bien lieu - elle porte sur 350 emplois, soit 1 000 personnes environ - et, si possible, d'en fixer les dates. Vous rassureriez ainsi toute une ville, tout un département durement touchés par des pertes d'emplois importantes dans le secteur de l'armement, des machines-outils et du textile ; vous rassureriez également les personnels, dont un nombre important, depuis quatre ans, ont été recrutés sous la condition de venir s'installer à Limoges, à partir de 1997, croyaient-ils.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces questions.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la gestion des moyens humains n'est pas seulement la gestion du nombre, c'est aussi la recherche de gains de productivité dans les administrations.
« On peut explorer plusieurs pistes à cet égard.
« En premier lieu, il faut procéder à un examen approfondi des missions dévolues aux services publics, qui permettrait un recentrage des actions de l'Etat.
« En deuxième lieu, il faudrait tirer les conséquences tout à la fois de la décentralisation, de la déconcentration et des changements intervenus du fait de la construction européenne.
« Enfin, la prise en compte des évolutions technologiques doit permettre, au même titre que dans les entreprises privées, de faire des économies et de rationaliser le travail. »
C'est ainsi que s'exprimait M. de Courson, député UDF et rapporteur spécial du budget de la fonction publique, à l'Assemblée nationale.
Le décor est donc planté. L'on voit bien là le sort que réserve le Gouvernement aux fonctionnaires.
Mais cela est moins étonnant que révoltant, surtout lorsque l'on a en mémoire les formules fort désobligeantes du Gouvernement et de son Premier ministre, telles que « mauvaise graisse » ou « la feuille de paie des fonctionnaires est la feuille d'impôt des Français ».
Les fonctionnaires sont conscients du peu de considération que leur porte le Gouvernement.
Dans le même temps, ils sont conscients, et avec eux bon nombre de salariés du privé, qu'ils ne sont ni des nantis, ni des privilégiés, ni plus payés que dans le secteur privé, ni des incapables, comme tentent de le faire croire ceux qui souhaitent opposer les usagers aux fonctionnaires et agents de la fonction publique.
Les fonctionnaires n'échappent pas, en effet, au gel des rémunérations, ni aux attaques contre leur système de retraite, ni aux suppressions d'emplois qui s'élèveront à 5 600 dans la fonction publique en 1997.
A croire qu'en France il y a trop de service public !
Pensez-vous réellement qu'il y ait trop d'enseignants alors que l'on compte 800 000 heures supplémentaires effectuées dans l'enseignement secondaire public ?
Pensez-vous qu'il y ait trop de personnels hospitaliers quand ceux-ci ont des journées qui n'en finissent plus, sans compter les astreintes ?
Pensez-vous qu'il y ait trop de magistrats, trop de greffiers...
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. On crée des postes !
M. Robert Pagès. ... quand on connaît les lenteurs de la justice ?
Pensez-vous qu'il y ait trop de policiers quand on recrute des auxiliaires, des titulaires d'emplois précaires pour effectuer des missions de service public aussi délicates que les leurs ?
Je pourrais continuer longuement à faire le point sur le manque d'effectifs dans la fonction publique, lequel empêche la population de bénéficier d'un service public de qualité lui garantissant des droits aussi fondamentaux que le droit à la santé, le droit à l'éducation, le droit à la sécurité, le droit à la justice.
Si les choix en matière de politique économique et sociale étaient radicalement inversés, ce serait, en termes de réduction du chômage et de relance de la consommation et de l'économie, une avancée considérable, mais cela relève d'une volonté politique qui vous est étrangère, fixés que vous êtes sur la maîtrise des dépenses publiques façon Maastricht !
Nous considérons, par ailleurs, que ni votre projet de loi portant résorption de la précarité dans la fonction publique ni celui de la réforme de l'Etat ne vont apporter de réelles solutions au malaise que vivent non seulement les fonctionnaires, mais aussi les usagers du service public.
Telle n'est pas la priorité des priorités du Gouvernement, qui, à plus ou moins long terme, souhaite remettre en cause la conception française de la notion de service public, à laquelle nous sommes, pour notre part, très attachés.
Voilà, monsieur le ministre, ce que, au cours des cinq petites minutes qui sont imparties au groupe communiste républicain et citoyen, je voulais évoquer pour expliquer notre rejet de votre projet de budget pour 1997 pour la fonction publique et, au-delà, notre rejet pur et simple de votre politique d'austérité.
M. le président. Mes chers collègues, à ce stade du débat, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que nous examinons aujourd'hui est central, car rien n'est plus représentatif de la particularité française que la structure de l'Etat et sa fonction publique.
Avec près de 2 100 000 fonctionnaires de l'Etat, le budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est parmi les plus importants puisqu'il constitue plus de 40 % de l'ensemble du budget de l'Etat, 41,8 % exactement, si l'on tient compte des aides à l'enseignement privé et des pensions versées aux anciens combattants.
Certes, ce sont des dépenses quasi incompressibles, mais on constate, et ce à tous les échelons de la société, que l'Etat et la fonction publique, notions indissociables, ont besoin d'être réformés.
Le projet de loi de finances pour 1997 étant placé sous le signe de la maîtrise des dépenses publiques, l'enjeu pour la fonction publique est de cumuler plusieurs objectifs que je résumerai ainsi : une meilleure gestion et une plus grande efficacité à un coût qu'il faut absolument maîtriser.
Je dois dire, monsieur le ministre, que, malgré de fortes contraintes économiques, vous vous êtes déjà largement avancé sur la voie des réformes, et cela sans dépasser le cadre qui a été fixé pour la maîtrise des dépenses publiques.
Certes, les crédits de la fonction publique ont augmenté de 14,6 %, et il faut veiller à ce que la dérive ne se poursuive pas, mais nous devons tenir compte d'un certain nombre d'éléments - notre excellent rapporteur spécial, M. Marini, les a évoqués - concernant l'évolution des traitements de la fonction publique.
En ce qui concerne les effectifs et la masse salariale, le projet de loi relatif à l'emploi précaire dans la fonction publique, qui a été voté récemment par le Sénat et qui le sera prochainement par l'Assemblée nationale, permet, d'une part, de clarifier l'état des lieux, offrant une possibilité de titularisation à près de 150 000 personnes dans les trois fonctions publiques, et, d'autre part, de mener une politique d'emploi dynamique grâce au congé de fin d'activité. En libérant leur emploi à cinquante-huit ans, les bénéficiaires - environ 15 000 personnes - ajouteront des postes vacants aux traditionnels flux de recrutement et offriront ainsi à des jeunes des possibilités supplémentaires d'emploi.
Monsieur le ministre, se pose, à cet égard, le problème que l'on retrouve régulièrement lorsque des négociations ont lieu avec les syndicats de fonctionnaires : celui de l'association des autres employeurs publics que sont les collectivités locales et les hôpitaux à ces négociations. Bien souvent, en effet, les collectivités locales estiment qu'on leur impose les conclusions de négociations auxquelles elles n'ont aucunement pris part.
Il faudra donc trouver le moyen de faire en sorte que les collectivités locales soient effectivement associées aux négociations.
Pour ma part, contrairement à d'autres, je ne crois pas qu'on puisse envisager que les fonctions publiques territoriale et hospitalière ne bénéficient pas des conditions qui ont été consenties, après négociation, à la fonction publique de l'Etat. Je suis pour une certaine unité de la fonction publique, dans le respect, bien sûr, de certaines spécificités, car il serait illusoire de penser que nous pouvons disposer d'une fonction publique territoriale et d'une fonction publique hospitalière de qualité sans qu'un certain nombre de règles s'appliquent à tous.
Mais, j'en reviens au présent projet de budget.
Les dispositions que j'ai évoquées s'accompagnent d'une volonté de maîtriser les effectifs et la masse salariale : 5 599 emplois seront supprimés cette année.
Vous souhaitez, à l'avenir, monsieur le ministre, mettre en place une meilleure gestion prévisionnelle ; cela me semble indispensable. En effet, à l'examen de la pyramide des âges de la fonction publique, on ne peut être qu'inquiet des discordances qui risquent de se produire à brève échéance.
S'agissant des suppressions d'emplois, je suis toujours surpris qu'on se contente d'une analyse quantitative et qu'on oublie l'aspect qualitatif. Il est évident que, dans le domaine de l'éducation nationale, par exemple, nous avons besoin de nouveaux postes dans l'enseignement supérieur mais que la diminution des effectifs dans les maternelles ou dans le primaire ne justifie pas le maintien de tous les emplois, sauf à considérer que, quel que soit le nombre d'enfants, le nombre de maîtres doit rester le même : cela deviendrait vite complètement insupportable pour la collectivité publique.
Reste à savoir où se situe l'équilibre entre les suppressions d'emplois et les remplacements de ceux qui partent à la retraite, alors même que le dispositif du congé de fin d'activité va accroître le nombre de départs.
Quant à la masse salariale, son augmentation a été freinée et c'était d'autant plus nécessaire que l'écart de pouvoir d'achat entre le secteur public et le secteur privé, nous le savons bien, ne pourrait guère être compris par l'opinion publique.
Des améliorations ont été apportées, notamment par les accords Durafour, mais il faut maintenir une certaine homogéniété et, en tout état de cause, les rémunérations publiques ne doivent pas augmenter dans des proporitions telles que cela aggraverait le déficit.
J'en arrive à l'efficacité et à la qualité de la fonction publique.
S'il faut incontestablement maîtriser les coûts, cela ne doit pas se faire au détriment du souci de présenter à l'usager un meilleur service, ce qui suppose de disposer d'une fonction publique plus performante.
A ce propos, j'aimerais souligner les efforts engagés en termes de formation. Si les crédits inscrits à ce titre sont, apparemment, inférieurs à ce qu'ils étaient dans le budget précédent, il faut y ajouter ce qui sera intégré dans le fonds pour la réforme de l'Etat, et il me semble qu'un effort important sera fait à cet égard.
J'ai noté aussi une action particulière en faveur des jeunes et des futurs fonctionnaires : les subventions pour les écoles vont en effet être augmentées.
Est également prévue une réforme d'ensemble du système de notation. Celui-ci est, de fait, largement obsolète. Si nous parvenons à mettre au point un bon système d'évaluation - et cela concerne aussi bien les collectivités territoriales, qui connaissent les mêmes problèmes -, nous responsabiliserons beaucoup mieux les fonctionnaires, ce qui contribuera à l'amélioration de l'efficacité de la fonction publique.
J'aurais aimé évoquer la formation des personnels territoriaux. Vous le savez, monsieur le ministre, certaines personnes s'efforcent de redresser la situation du CNFPT, le Centre national de formation des personnels territoriaux, et de lui donner une pleine efficacité. C'est une oeuvre très complexe, mais nous faisons tout ce qui est possible pour que le CNFPT rende aux collectivités locales les services qu'elles peuvent en attendre.
M. Jean-Claude Peyronnet. Bon courage !
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis sensible à cet encouragement venant d'un ancien président du CNFPT.
Nous avons aussi essayé - et je parle sous le contrôle de M. Daniel Hoeffel - de donner au président et au conseil d'administration du CNFPT les moyens d'une meilleure efficacité. Peut-être n'aviez vous pas bénéficié, monsieur Peyronnet, des mêmes conditions.
Je dirai maintenant quelques mots de la réforme de l'Etat.
Personnellement, je n'aime pas beaucoup cette expression, « réforme de l'Etat », parce que, à mes yeux, l'Etat est une entité et qu'il s'agit non pas de le réformer, puisqu'il existe, mais de faire évoluer son fonctionnement et son administration.
Cette réforme de l'administration et du fonctionnement de l'Etat est sans doute l'un des plus grands dossiers que la France ait à mener à bien. Je me réjouis donc de la priorité que lui accorde le Gouvernement, notamment par le biais d'un fonds doté de 150 millions de francs.
Certains parlent de paradoxe parce qu'on veut faire des économies mais qu'on dépense des sommes importantes pour mettre en oeuvre la réforme. Ceux-là se trompent, à mon avis, car, de toute évidence, il n'y a pas de véritables économies sans modifications à long terme.
De plus, et tous les citoyens le sentent, c'est la pérennité même de l'Etat qui sera en jeu si l'on ne l'adapte pas en tenant compte des évolutions et des mutations de notre société.
Vous disiez à l'Assemblée nationale, il n'y a pas si longtemps, monsieur le ministre, que, « pas plus que les déficits publics, les cloisonnements et les complexités de l'Etat, de son organisation et de ses textes ne sont une fatalité ». Je partage entièrement votre analyse. Les mesures que vous avez déjà engagées en attestent d'ailleurs la justesse.
Ainsi, le Gouvernement a imposé la réalisation d'études d'impact destinées à accompagner certains projets ; c'est une excellente décision. Cela étant, les premières études d'impact dont j'ai pu prendre connaissance laissent apparaître qu'il reste des progrès à faire. En effet, elles ne sont pas toujours assez précises, surtout en ce qui concerne les coûts induits par un certain nombre de réformes. Croyez bien que nous serons exigeants quant aux études d'impact concernant les réformes à venir, et le membre de la commission des lois qui s'exprime en cet instant pense notamment à ce qui intéresse la justice.
Monsieur le ministre, vous avez prôné une gestion dynamique du service public. Ainsi, pour remédier à la complexité croissante des procédures, à l'enchevêtrement des compétences ou au manque de transparence, le Gouvernement a prévu, entre autres, trois cents mesures de simplification administrative, une procédure de paiement rapide des dettes de l'Etat, un délai de réponse obligatoire de deux mois, une multiplication des accords tacites, un renforcement du rôle du médiateur, la mise en place de contrats de service allant de pair avec une baisse des effectifs des administrations centrales.
Vous avez beaucoup insisté sur la déconcentration. On en parle depuis longtemps. Cette déconcentration devrait donc être une réalité depuis longtemps. En fait, c'est une oeuvre qu'il faut poursuivre, afin de redonner aux échelons déconcentrés de l'Etat tout leur rôle et toutes leurs responsabilités.
Enfin, monsieur le ministre, bien que cela ne relève pas de votre compétence, je me permets de souligner l'importance du problème de la gestion du parc immobilier de l'Etat. D'importants efforts de simplification devront être accomplis aussi dans ce domaine.
En conclusion, j'indiquerai que le groupe de l'Union centriste votera votre projet de budget, monsieur le ministre, mais je veux aussi saluer votre détermination à réaliser cette réforme de l'administration et du fonctionnement de l'Etat dont nous avons grandement besoin et que nous attendons tous. Bien entendu, cette réforme doit s'accompagner de la poursuite de la décentralisation, qui est indispensable pour redonner à la France son dynamisme et aussi rapprocher du terrain les décisions qui concernent nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la géographie ministérielle rapproche traditionnellement la fonction publique et les réformes administratives. Passer de celles-ci à la « réforme de l'Etat », c'est changer l'ordre de grandeur de l'ambition. Il n'est pas question, en cet instant, de vous demander comment vous avez atteint cette ambition, mais plutôt comment vous l'avez abordée tant il est vrai que des premiers pas dépend la suite de la trajectoire.
Vous n'avez certes pas chômé, monsieur le ministre. Je songe, notamment, à la circulaire sur la réforme de l'Etat, au commissariat à la réforme de l'Etat, à l'ouverture d'un fonds, pour lequel vous nous demandez 150 millions de francs en 1997, au projet de loi sur les relations entre l'administration et le public et aux futures maisons des services publics.
Dans ce fourmillement, les idées ingénieuses ne manquent pas. Je pense à l'accord tacite, à l'utilisation de la carte bancaire, aux chartes qualité. Qui n'applaudirait ?
Cependant, l'affichage d'un objectif aussi ambitieux que celui de la réforme de l'Etat nous invite à formuler un surcroît d'exigences.
Réformer l'Etat, c'est, au-delà des mesures concrètes, se poser le problème de la légitimité. Dans nos sociétés démocratiques, celle-ci découle, certes, des électeurs, mais l'exercice pratique en est partagé, et ce, de plus en plus, entre l'Etat et la société civile.
Suivant les époques et les cultures, la clé de répartition varie entre la périphérie et le centre. Les pays anglo-saxons privilégient la périphérie. Les cultures politiques issues du droit romain partaient du centre, c'est-à-dire de l'Etat, quitte à ce que celui-ci consente à une autolimitation de sa puissance. Aujourd'hui, il semble que la tradition anglo-saxonne ait déteint sur le pays des intendants et des préfets.
Avec une louable lucidité, le Gouvernement a lui-même posé le problème de la triple frontière, sur laquelle campe de plus en plus difficilement notre Etat moderne. La circulaire précitée du 26 juillet 1995 fait explicitement référence à ces trois frontières, à savoir la société civile, les collectivités locales et l'Europe. On pourrait y ajouter le nouvel ordre économique mondial. Vous êtes le garde-frontière de cet Etat, monsieur le ministre. Notre pauvre Etat-nation, qui bientôt aura perdu son attribut régalien, battre monnaie, a bien besoin en effet de se redéfinir et de se ressourcer. Cet Etat, dont il est de bon ton de dénoncer tour à tour l'arrogance, la boulimie et l'impuissance, est tout de même, il faut bien le dire, celui qui a fait la France ; ce ne sont ni les communes, ni les entreprises, ni les banques.
Pourtant, s'il ne meurt pas, comme l'annonçait jadis le sénateur Michel Debré, des vices de régime, il s'étiole par obsolescence juridique. On ne peut plus se satisfaire de la formule de Jacques Donnedieu de Vabres, selon laquelle la circonférence de l'Etat est partout et son centre nulle part, car justement, à l'heure actuelle, sa circonférence semble n'être nulle part et son centre partout.
MM. Philippe Marini, rapporteur spécial, et Jacques Oudin. Très juste.
M. Yann Gaillard. Certes, le Gouvernement ne commande pas au talent. Il est dommage que nous n'ayons pas eu en France - ce n'est pas votre faute, monsieur le ministre - depuis les temps lointains des Duguit et des Carré de Malberg, de grands théoriciens de l'Etat moderne, alors que les Américains, par exemple, ont su, avec la théorie de la justice de Rawls, repenser leur conception traditionnelle de l'Etat partagé.
Permettez-moi de formuler une suggestion farfelue. Et si vous ouvriez, monsieur le ministre, un concours national à ce sujet ? (Sourires.) La théorie politique de Jean-Jacques Rousseau est bien née d'un avis de concours lancé par l'Académie de Dijon. Peut-être quelque agrégatif inconnu vous offrirait-il, enfin, le socle d'une véritable réforme, tant il est vrai qu'il n'y a de solide que les idées...
En attendant cet éventuel grand événement, permettez-moi de revenir sur un plan plus opérationnel. Je souhaite vous poser une question, formuler une réflexion et présenter une suggestion sur trois des points que m'inspirent les documents, forts substantiels, diffusés par votre département ministériel.
Ma question porte sur les directions d'administration centrale. Parmi les annonces publiées dans les « dossiers relatifs à la réforme de l'Etat », en octobre de cette année, figure la mention selon laquelle les ministres auront effectivement remis au 30 novembre leur projet de réorganisation : 10 % des effectifs réels seraient transférés et 30 % des directions centrales supprimées.
Je rappelle que, voilà dix ans, la mission Belin-Gisserot avait prévu la suppression de trente directions d'administration centrale - trente et non pas 30 %, ce qui est beaucoup moins - et de trente-neuf organismes de « statut plus ou moins proche des administrations centrales ». Dix-huit de ces services devaient, en outre, être allégés.
Six ans après, en 1992, une réponse ministérielle à une question écrite de notre ancien collègue André Fosset faisait état de quinze suppressions. Peut-on vraiment croire que demain, comme à l'heure fatale de l'Apocalypse, un tiers des directions se verra consumé ? Faut-il l'espérer ? Faut-il le craindre ?
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Il suffit de le vouloir.
M. Yann Gaillard. L'optimiste pourrait toutefois se consoler à l'idée que, pour réduire le nombre des services administratifs, on a commencé par en créer un de plus : le commissariat à la réforme administrative. Mais je ne doute pas qu'il ait lui-même autoprogrammé sa suppression, quand sa tâche sera menée à bien, ce qui ne saurait tarder, comme d'ailleurs le laisse penser le très intéressant premier rapport annuel qu'il a publié.
Ma réflexion portera sur la question rémanente, obsédante, et un peu décevante, des simplifications administratives, que d'autres orateurs ont évoquées, en termes excellents, ce matin.
Comme vos prédécesseurs, vous avez brandi cette annonce, sous la forme de trois cents mesures. Celles qui ont une nature législative devront être soumises au Parlement en janvier.
Vous avez raison, monsieur le ministre, de commencer par les simplifications législatives. Je rêve d'un gouvernement qui, à son arrivée, déclarerait que, pendant les six premiers mois, ses projets de loi seraient de suppression. Mais qui peut y croire vraiment ? Et, nous-mêmes, l'accepterions-nous ?
Rien n'est plus ingrat que la chasse aux simplifications, comme le montre l'affaire des niches fiscales. Les mêmes qui protestent contre la paperasse sont les premiers à réclamer des exceptions, des régimes particuliers, des niches législatives ou réglementaires. Et qui inspire nos amendements si subtils, sinon le corps social ?
En revanche, nous ne tirons pas assez parti de la duplication à l'infini que permet l'informatique.
L'administration, au sens le plus général, qui comprend, comme le perçoit bien l'opinion publique, la sécurité sociale, est surinformée. Qu'a-t-elle besoin de réclamer toutes ces déclarations, tous ces bulletins de salaire, comme l'a justement souligné notre collègue - M. Oudin, ce matin, tous ces avis de situation ? Des progrès ont été enregistrés récemment, par exemple en matière de marchés publics. Il convient d'aller plus loin, et je ne doute pas que vous y soyez décidé.
Quant à ma suggestion - elle est fort modeste, mais je doute qu'elle recueille votre accord immédiat - elle porte sur une institution sensible et qui suscite de trop faciles polémiques. Quelle puissance peut avoir un mot ! Si, voilà près de trente ans, M. Chevènement et quelques-uns de ses amis n'avaient pas inventé le mot « énarchie », le problème de l'ENA se poserait-il dans les mêmes termes ? J'en doute. Mais il est vrai que cette école, vouée à former les cadres dirigeants de notre fonction publique, est devenue, au fil des ans, une grande école à la française, ce qu'elle n'était pas à l'origine, en tout cas pas dans l'esprit de son créateur, Michel Debré, et a perdu quelque peu de vue le rôle qui devait être le sien, c'est-à-dire celui d'une école d'application, susceptible de livrer à nos administrations des cadres directement utilisables, donc préspécialisés.
A cette fin, pourquoi ne pas se contenter d'un seul concours, celui d'entrée, en supprimant le superfétatoire concours de sortie ? Les affectations dépendraient du rang d'entrée, les candidats ayant la faculté de se représenter trois fois de suite à ce concours, si l'affectation à laquelle ils ont droit ne leur convient pas.
M. Paul Masson. Très bien !
M. Yann Gaillard. Dès lors, le tronc commun dans la scolarité serait réduit aux technique de base telles que l'informatique, les statistiques et les langues, et chacun serait formé pendant deux ans, de manière pratique, aux tâches qui devront être les siennes...
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Ils risquent de ne pas faire grand-chose.
M. Yann Gaillard. ... une simple validation de leur assiduité permettant l'accès définitif au corps ou au service auxquels ils étaient, dès l'origine, destinés.
Une telle réforme supprimerait, certes, une partie du romantisme propre à l'ENA, mais elle aurait le mérite de rompre avec cette légende du modèle français de management, modèle qui est en crise, comme chacun sait, et qu'on cherche aujourd'hui à réformer en même temps que l'Etat qui l'a produit.
M. Emmanuel Hamel. Il faut entretenir le romantisme et non le supprimer !
M. Yann Gaillard. Si limitée soit-elle, une telle modification irait dans le sens que vous souhaitez vous-même, monsieur le ministre, quand vous luttez pour rétablir plus d'unité et de mobilité dans la haute fonction publique. Notre Etat a besoin de serviteurs compétents, j'allais dire bien dressés, et peut-être un peu plus modestes. Contribuez, par des mesures de cet ordre, à les lui redonner, et à faire aimer de nouveau l'Etat par les Français ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter du tour de force que constitue la présentation de votre budget. Vous avez sans doute mis votre tenue de camouflage pour préparer celui-ci. (Sourires.) Vous allez nous vanter sa progression par rapport à la loi de finances initiale de 1996.
Permettez-moi, d'une façon générale, de regretter que le Parlement soit, depuis de nombreuses années, beaucoup mieux informé sur les intentions du Gouvernement, dont ce budget est le reflet, que sur la réalisation de celui-ci. Il est en effet connu mais n'est pratiquement jamais discuté plus d'un an après son exécution. La première réforme de l'Etat consisterait à éliminer cette opacité afin que nos concitoyens connaissent les dépenses réelles de l'Etat dans un délai comparable à celui qui existe pour nos communes.
Cependant, je tiens à attirer votre attention sur un certain nombre d'anomalies. Vous avez suivi la méthode du chef de l'Etat au cours de sa campagne électorale : vous promettez beaucoup, vous réalisez peu et votre souci premier est la diminution du nombre des fonctionnaires.
Je traiterai donc, tout d'abord, des tours de passe-passe, puis des contradictions en matière de politique de l'emploi et, enfin, de la façon dont le Gouvernement actuel traite ses fonctionnaires.
Commençons par vos tours de passe-passe.
Pour la première fois, le fonds pour la réforme de l'Etat est budgétisé. Il bénéficie d'une dotation de 150 millions de francs. On peut s'en féliciter. Mais, parallèlement, le chapitre relatif à la modernisation de l'administration est réduit de plus de 16 millions de francs, soit une diminution de près de 45 %.
Ces moyens sont-ils suffisants pour entreprendre un chantier aussi important ? J'en doute d'autant qu'une véritable réforme de l'Etat ne se résume pas à des modifications de nature technocratique. Il s'agirait plutôt de s'interroger sur le rôle de l'Etat, ainsi que sur les missions de régulation et de redistribution qui lui incombent.
Par ailleurs, vous souhaitez des fonctionnaires compétents. Or votre première action consiste à diminuer les crédits de formation. Ils subissent, en effet, une amputation de près de 30 %, passant de 57 millions de francs à 40 millions de francs. Ils diminuent donc pour la deuxième année consécutive. Avouez que cette réduction est en totale contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement de faire de la formation un vecteur essentiel de la modernisation de l'Etat.
Accessoirement, je vous signale que la subvention à l'Ecole nationale d'administration subit une diminution de 700 000 francs. Par ailleurs, les crédits mis à la disposition des instituts régionaux d'administration retrouvent seulement leur niveau de 1995. Enfin, l'augmentation des crédits consacrés à l'action sociale interministérielle ne compense pas la réduction de 42 millions de francs qu'ils avaient subie en 1996.
Voilà donc quelques exemples des artifices de présentation de votre budget.
Le deuxième point que j'aborderai concerne l'emploi.
Globalement, 9 283 postes de fonctionnaires civils sont supprimés alors que 3 684 sont crées. Ainsi, pour la première fois depuis 1988, 5 600 emplois sont supprimés.
M. Jacques Oudin. C'est une bonne chose !
M. Jacques Mahéas. Voilà la méthode « Chirac-Juppé » pour lutter contre le chômage !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Et vous, vous luttez pour l'impôt !
M. Jacques Mahéas. L'hémorragie la plus inquiétante concerne l'éducation nationale avec 5 000 suppressions d'emplois, sans compter les 15 000 maîtres auxiliaires qui restent sur le tapis.
Il est certain qu'en matière d'éducation c'est la fin d'une priorité. En effet, sont prévues 5 290 suppressions de postes pour 313 créations dans l'enseignement scolaire. Qui fait mieux en termes de solde négatif !
On justifie cette diminution par la baisse du nombre des élèves. Encore faudrait-il la relativiser. En attendant, elle conduit, tant elle est massive, à la réduction des taux d'encadrement et à la dégradation des conditions d'études et de travail des enseignants. Cette diminution des effectifs relève d'une gestion à très courte vue du personnel, au détriment de l'amélioration de la qualité de l'enseignement.
D'une manière générale, une telle compression des effectifs est tout à fait inadaptée à la situation et en totale contradiction avec la politique contractuelle menée avec les syndicats.
Elle est inadaptée, en effet, au regard des impératifs de modernisation et d'amélioration du fonctionnement des services.
De surcroît, cette réduction mécanique des effectifs est paradoxale alors que nous manquons de personnels hospitaliers, de magistrats, de policiers et d'enseignants dans les universités et, pour comble, 1 400 nouvelles suppressions de postes sont prévues dans les services financiers alors que l'on s'escrime à vouloir faire entrer de l'argent dans les caisses de l'Etat.
Enfin, cette politique est en totale contradiction avec les objectifs des deux protocoles d'accord que vous avez signés, monsieur le ministre, avec les syndicats : d'un côté, le projet de loi de finances programme la diminution des effectifs dans la fonction publique, de l'autre, le protocole d'accord conclu le 14 mai dernier prévoit la titularisation de contractuels, et celui du 16 juillet l'embauche de jeunes en contrepartie des départs en préretraite.
Est-ce à dire que le Gouvernement s'empresse de réduire les emplois précaires dans la fonction publique, en les faisant disparaître, pour éviter de les transformer en emplois stables quand le dispositif légal sera adopté ?
Décidément, les fonctionnaires sont dans la ligne de mire du Gouvernement !
Le troisième et dernier point de mon intervention concerne la façon dont le Gouvernement traite ses fonctionnaires.
Chacun sait que la politique salariale menée depuis 1988 a été mise en panne par le gel des salaires en 1996 et par le refus du Gouvernement de prendre en compte cette dernière année dans les futures négociations. Monsieur le ministre, comptez-vous rester sur ces positions ou pensez-vous procéder au rattrapage des salaires ?
Chacun connaît aussi la faible marge de manoeuvre budgétaire dont dispose le Gouvernement. L'extrême étroitesse des crédits prévus laisse planer des doutes quant aux revalorisations des traitements des fonctionnaires en 1997. Le ministre du budget a parlé de 2 milliards de francs. Une provision de 1,5 milliard de francs a été constituée dans le cadre du projet de budget pour 1997. Or le relèvement d'un point d'indice, soit 0,25 % d'augmentation, coûte plus de 6 milliards de francs. Une négociation sans grain à moudre annonce un dialogue difficile.
C'est pourquoi votre Gouvernement ne manque pas une occasion de rappeler qu'en 1996 la masse salariale a progressé de 3,1 %, que la hausse du pouvoir d'achat des fonctionnaires s'est élevée à 2,4 % et qu'elle serait, pour 1997, de l'ordre de 1,5 %, donc sans doute inférieure à l'inflation.
On se garde bien, il est vrai, de prendre en compte la hausse significative des cotisations sociales, ainsi que l'augmentation de la TVA. Les fonctionnaires ont subi, avec les autres salariés, des ponctions sur leur pouvoir d'achat qu'ils ne sont pas prêts d'oublier.
Cessez de faire passer les fonctionnaires pour des « nantis ». Ils subissent, eux aussi, de plein fouet la politique néfaste de votre Gouvernement.
Cessez d'opposer les agents de la fonction publique aux salariés du secteur privé afin de mieux imposer aux fonctionnaires un recul de leur situation.
Cessez d'énoncer, comme le faisait Alain Madelin, « les avantages acquis des fonctionnaires ».
Cessez de considérer, comme le chef de l'Etat, que « le salaire des fonctionnaires, c'est la feuille d'impôt des contribuables ».
Cessez de faire du fonctionnaire un bouc émissaire et de préférer, comme le Premier ministre, une fonction publique moins nombreuse à une fonction publique « qui fait de la mauvaise graisse ».
Cessez, vous-même, de prendre les fonctionnaires pour des incapables.
M. Emmanuel Hamel. Il n'a jamais dit ça ! Il ne le pense pas !
M. Jacques Mahéas. Ce jour, vous déclarez dans le journal Le Figaro : « Je constate que l'administration d'Etat, très centralisée, est incapable d'accompagner le changement ». Quel mépris !
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas le mépris des hommes, c'est l'analyse d'une situation !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. C'est vrai qu'on est trop centralisé !
M. Jacques Mahéas. J'attends d'ailleurs un certain nombre d'explications sur cet article qui, je le répète, a été publié aujourd'hui dans Le Figaro .
En fait, je vous demande simplement d'avoir un minimum de considération pour des fonctionnaires dévoués dans l'ensemble et qui mettent leurs compétences au service de la nation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je regrette profondément que vous ayez placé le débat à ce niveau, monsieur Mahéas. Rien ne vous permet de m'accuser de témoigner de quelque mépris que ce soit pour quelque fonctionnaire que ce soit ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Donnez-vous la peine de lire les déclarations !
M. Jacques Mahéas. J'ai lu l'article !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Ne vous faites pas moins intelligent que vous ne l'êtes ! Vous savez très bien ce que signifie cet article ! En fait, j'ai souhaité expliciter...
M. Jacques Mahéas. Publiez un rectificatif !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation... ce que j'ai évoqué tout à l'heure lors de l'examen du projet de budget relatif à la décentralisation, c'est-à-dire la nécessité pour l'administration de l'Etat d'être capable de se rendre capable d'assumer les forces de changement et d'initiative qui sont réelles dans ce pays et que nous connaissons tous dans nos départements et dans nos régions.
Tel est le sens de cette déclaration et vous l'avez proprement déformé, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jacques Mahéas. Vous suivez tout simplement la logique du Premier ministre !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous rappeler que, en me confiant voilà un an la charge de conduire, d'une part, la réforme de l'Etat dans ses structures et ses méthodes - ce sujet est tout à fait d'actualité et mérite effectivement d'être abordé - et, d'autre part, la modernisation de la gestion des personnels de la fonction publique, le Président de la République et le Premier ministre ont voulu réunir, sous une même autorité, les compétences propres à promouvoir un Etat plus proche des Français, en meilleure prise sur la société actuelle, sur ses difficultés et sur ses attentes.
Pour atteindre ces objectifs, une gestion dynamique du secteur public est nécessaire, sinon nous ne pourrons pas mener à bien cette réforme.
En conséquence, j'entends vous indiquer en quoi le projet de budget pour 1997 permettra une meilleure adaptation de l'administration aux attentes légitimes des fonctionnaires et des usagers.
Conscient qu'il ne constitue toutefois qu'un outil incitatif au regard de la politique générale de la fonction publique qu'il m'appartient de conduire, je m'efforcerai, plus largement, de vous préciser l'esprit qui guide ma démarche et l'état de réalisation des projets de mon département ministériel.
Tout d'abord, la réforme de l'Etat a pour objet de rendre l'administration à la fois plus efficace et plus respectueuse des exigences de service public. En effet, au cours des prochaines années, l'Etat devra tout à la fois préciser ses missions, mieux répondre aux besoins des usagers et tenir compte des évolutions technologiques.
Confrontée à une société en pleine mutation, à des exigences diverses selon que l'on se trouve en milieu rural ou en milieu urbain, l'administration se doit plus que jamais d'être attentive aux préoccupations de ses interlocuteurs. Elle doit, pour cela, faire preuve d'une efficacité accrue.
Les moyens de la fonction publique et du Commissariat à la réforme de l'Etat peuvent utilement concourir à cette adaptation, qui se réalise de manière pragmatique et dans la concertation.
L'administration se doit d'être toujours plus attentive aux préoccupations de ses interlocuteurs. Cela se traduira, en particulier, par le dépôt du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, que vous examinerez prochainement.
Celui-ci prévoit l'accélération du traitement des demandes des citoyens et la faculté, pour les présidents de conseil général ou régional, de transmettre les réclamations du public au médiateur de la République.
Enfin, dans le prolongement des expériences en cours de mise en place de points publics en milieu rural et de plates-formes de services publics dans les quartiers en difficulté, il institue, avec les maisons des services publics, le cadre juridique adapté au développement des services publics polyvalents de proximité.
Le même souci de réalisme et d'efficacité a guidé la rédaction de la circulaire du 21 novembre 1995 prévoyant - un certain nombre d'orateurs l'ont rappelé - la réalisation d'études d'impact préalablement à l'adoption de tout projet de loi ou de décret. Ces études permettront de mieux mesurer les conséquences financières des dispositifs proposés, tant pour l'Etat que pour les collectivités locales ; nous en avons parlé ce matin.
L'administration doit également se donner les moyens d'une efficacité accrue.
C'est l'objet, d'abord, de la réorganisation des administrations centrales et des services déconcentrés de l'Etat ; M. Gaillard vient notamment d'y faire allusion.
Le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 29 mai dernier a arrêté, dans ce domaine, un certain nombre d'orientations.
Tout d'abord, les administrations centrales devront se consacrer désormais aux tâches de conception et d'orientations qui sont les leurs, en déconcentrant les tâches de gestion à l'échelon local.
En conséquence, sur la demande du Premier ministre, chacun des membres du Gouvernement proposera une simplification de l'organisation centrale du ministère dont il a la charge. Je confirme à M. Gaillard que celle-ci sera mise en oeuvre en 1997 et permettra, par une réduction d'environ 30 % du nombre des directions, de parvenir en trois ans à une diminution de 10 % des effectifs d'administration centrale.
Pour répondre à M. Oudin, j'indiquerai que j'attends beaucoup également de la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat, qui permettra de transcender les clivages institutionnels entre administrations. Nous devons donner aux préfets les moyens de mieux faire travailler tous ces services ensemble autour de thèmes répondant aux besoins ressentis aujourd'hui à l'échelon local par nos concitoyens, en particulier dans les domaines de l'aménagement du territoire, du développement économique, de l'environnement et de la solidarité.
Une étude de faisabilité a été réalisée ces dernières semaines dans sept départements. Son exploitation devrait permettre au Gouvernement de lancer, au début de l'année 1997, à titre expérimental mais grandeur nature, une nouvelle organisation des services déconcentrés dans un certain nombre de départements, que nous serons conduits à choisir d'ici au mois de janvier prochain.
S'agissant, enfin, de la poursuite des délocalisations, monsieur Peyronnet, je peux vous indiquer que la délocalisation à Limoges du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, a subi divers retards du fait, d'abord, de problèmes archéologiques, ensuite, d'un conflit avec le maître d'oeuvre.
C'est dans ce contexte qu'interviennent les décisions concernant le budget du CNASEA, qui tiennent compte, bien évidemment, du décalage dans le temps de l'opération et de la nécessité d'en ajuster le calibrage, compte tenu de la situation budgétaire de l'heure. Mais ces décisions, je tiens à vous le préciser, ne remettent pas en cause le principe de la délocalisation de cet établissement.
M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Parallèlement, nous continuerons à développer, d'une part, l'autonomie des chefs de services deconcentrés en matière de gestion et, d'autre part, la déconcentration des concours de recrutement, déjà engagée pour les catégories B et C.
L'efficacité résultera, ensuite, vous l'imaginez bien, de la modernisation de la gestion des personnels, à commencer par l'effort pour la formation.
L'adaptation des compétences des agents grâce à la formation continue sera renforcée. L'Etat réserve actuellement plus de 10 milliards de francs par an pour la formation continue de ses agents. En application de l'accord-cadre du 22 février dernier, l'effort des ministères sera porté, fin 1998, à 3,8 % de la masse salariale, soit 0,6 % de plus que pendant la période 1993-1996.
Le Gouvernement porte également une attention spécifique à la formation et à la gestion des carrières des hauts fonctionnaires.
Les moyens des écoles de formation des cadres de la fonction publique sont également maintenus globalement dans le projet de loi de finances pour leur permettre de poursuivre leur mission.
Le retour à un rythme régulier de scolarité fondé sur l'année universitaire dans les instituts régionaux d'administration, les IRA, justifie l'augmentation de 16,7 millions de francs de leurs crédits en 1997, pour retrouver le montant annuel habituel de ces crédits.
En dépit d'une légère baisse de sa subvention de 161,7 millions de francs à 161 millions de francs, l'ENA disposera, me semble-t-il, des moyens nécessaires à son fonctionnement.
Le Gouvernement entend également accroître l'efficacité de l'administration par un développement de la mobilité.
Le souci de simplification et d'amélioration de la mobilité fonctionnelle des agents justifie l'important travail de rapprochement progressif des corps d'administration générale, d'ouvriers et de service que nous avons entrepris. Il s'agit d'un travail difficile, auquel je crois beaucoup. Je suis absolument convaincu, en effet, que le développement de la mobilité constitue un élément très important : les agents y verront des possibilités de carrière plus intéressantes et l'on pourra espérer une meilleure qualité de travail, d'imagination et d'innovation de l'administration.
Comme le suggère M. Marini, la notion de métier doit être le guide de ce type de travaux, que nous avons maintenant largement entrepris.
Les moyens inscrits pour 1997 permettront d'amplifier l'intervention incitative du fonds interministériel de la réforme pour l'Etat.
Le fonds concourra ainsi à financer les expérimentations indispensables aux adaptations attendues de l'administration comme la mise en place des maisons de services publics, de dispositifs de formation mobilité et un certain nombre de restructurations.
La deuxième grande orientation qui illustre le projet de loi de finances, c'est le souhait du Gouvernement de poursuivre le dialogue social dans la fonction publique et d'améliorer la situation des agents dans le respect des contraintes financières.
Chacun le sait bien, les contraintes qui pèsent sur le budget de l'Etat imposent un effort de maîtrise de la masse salariale de la fonction publique. Toutefois, cet objectif n'interdit ni de rechercher une amélioration de la situation des agents ni de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures de soutien de l'emploi.
S'agissant des effectifs, je crois qu'il est clair, en tout cas pour la plupart d'entre nous, qu'une meilleure gestion est indispensable. Le projet de loi de finances pour 1997 marque, à cet égard, un tournant.
Les dépenses induites de la fonction publique représentent une part très importante du budget de l'Etat, soit 38 %. En francs courants, ces dépenses se sont accrues, à champ constant, de 4 % par an depuis 1990.
Dans ces conditions, la maîtrise de la masse salariale est, compte tenu du pourcentage, une contribution indispensable à la stabilisation des dépenses publiques.
En prévoyant la suppression nette de 5 599 emplois dans les administrations civiles, le projet de loi de finances pour 1997 rompt avec la croissance continue enregistrée depuis 1988, marquée par un accroissement des effectifs de 72 300 emplois.
Je tiens, pourtant, à souligner que l'administration restera globalement pourvoyeuse d'emplois en 1997, en raison du nombre important de départs à la retraite, de l'ordre de 46 000. Cette évolution s'amplifiera d'ailleurs au cours des années suivantes.
Par ailleurs, et pour répondre à M. Pagès, je souligne que les réductions d'emplois ne seront pas effectuées de manière aveugle et dans un souci strictement budgétaire. Il s'agit, dans le cadre d'une démarche pluriannuelle, d'adapter l'organisation des services aux besoins, et d'organiser une plus grande souplesse dans la gestion des corps.
Aussi, les réductions d'effectifs décidées, pour 1997, dans le secteur de l'éducation nationale ne font que tirer les conséquences de la baisse des effectifs scolarisés dans l'enseignement primaire et secondaire. Mais elles préservent les secteurs prioritaires que sont l'enseignement supérieur et la sécurité dans les établissements scolaires, puisque 2 594 emplois sont créés dans l'enseignement supérieur et 250 emplois le sont au titre de la sécurité dans les établissements scolaires.
D'une manière plus générale, je suis convaincu qu'il faut favoriser et encourager une gestion plus dynamique de l'emploi.
Enfin, je vous confirme que l'effort de maîtrise des effectifs n'empêchera pas le Gouvernement d'engager dans les semaines à venir une négociation sur les revalorisations salariales. Le gel de la valeur du point de l'année 1996 ne se prolongera pas en 1997.
Pour répondre à la préoccupation exprimée par M. le rapporteur, je précise que, s'il ne paraît pas techniquement possible de scinder la négociation salariale par fonction publique - M. Hyest a également évoqué ce point - les associations représentatives de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière seront, bien entendu, consultées et tenues informées aux diverses étapes de la négociation. Nous devrons préciser les modalités de cette information et de cette concertation. En effet, une négociation, c'est quelque chose de vivant qui s'accélère à certains moments et qui ralentit à d'autres. Je veillerai à trouver un dispositif d'information réciproque, afin que nous puissions, à travers les associations d'élus en particulier, mener cette concertation tout au long de notre négociation.
Je voudrais évoquer rapidement un certain nombre d'éléments qui ont concouru à la fois à la promotion de l'emploi et à l'amélioration de la condition des agents. Ce sont les accords conclus dans la fonction publique, nous avons eu l'occasion d'en parler voilà quelques jours, puisque vous avez bien voulu adapter, d'une manière d'ailleurs très positive, le projet de texte que je vous soumettais et qui permettait d'intégrer dans la loi l'accord sur la résorption de l'emploi précaire et l'accord sur la cessation anticipée d'activité, qui sera également porteuse de possibilités d'emploi pour des jeunes au cours de l'année 1997.
Vous le voyez, à travers ces accords et ces perspectives de négociation, je crois pouvoir dire que le dialogue social a été largement restauré et se poursuit dans le secteur de la fonction publique. J'ai bien l'intention de poursuivre cet effort, en particulier dans deux directions.
La première concerne l'aménagement et la réduction du temps de travail : l'objectif serait de conclure un accord-cadre en 1997 - si possible d'ailleurs en début d'année - et de permettre ensuite au dialogue social de s'engager administration par administration pour y proposer des solutions adaptées. En effet, en matière d'aménagement du temps de travail, il faut coller de très près à l'exercice effectif d'un certain nombre de travaux et aux conditions d'exercice des différents métiers. En dehors d'un accord-cadre, il me paraît préférable que la négociation puisse se décliner administration par administration.
La seconde direction dans laquelle je souhaite avancer en termes de concertation et de discussion avec les organisations syndicales, c'est l'insertion des personnes handicapées : les syndicats de fonctionnaires seront prochainement réunis afin d'examiner les mesures à prendre pour parvenir à des progrès plus significatifs en faveur de l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. En effet, elle n'a pas toujours donné le meilleur exemple s'agissant de ce souci, ô combien important ! d'insertion des personnes handicapées dans notre société.
Ainsi, de manière pragmatique et concertée, le Gouvernement s'efforcera, chaque fois que cela sera possible, d'améliorer les dispositifs existants.
La progression des crédits de l'action sociale dans le budget pour 1997 concourra aussi à cette amélioration de la situation des agents de la fonction publique.
Les crédits consacrés à l'action sociale passent de 608,3 millions de francs en 1996 à 636,3 millions de francs, soit une progression de 4,61 %.
Je l'ai rappelé au début de mon propos, les crédits de la fonction publique qui sont en discussion aujourd'hui ne donnent qu'une vue très partielle de la politique d'ensemble mise en oeuvre par l'Etat pour la gestion de ses personnels, laquelle s'appuie, bien entendu, pour l'essentiel sur les budgets de chacun des ministères.
Il n'en reste pas moins que les crédits consacrés par le projet de budget pour 1997 à la part interministérielle de cette politique constituent un élément fédérateur du vaste corps social que représente la fonction publique.
Je sais que, au-delà des usagers, les fonctionnaires tiennent beaucoup à l'entreprise de réforme qui est lancée. Je sais aussi, pour avoir été un des leurs, l'attachement qu'ils démontrent pour leur fonction, consistant à oeuvrer dans le sens des grands intérêts collectifs.
Le Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, fait confiance à la fonction publique pour rénover l'administration française. Pour mener à bien cette mission, elle a besoin, aussi, de la confiance de toute la nation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Un sénateur du RPR. Elle l'aura !
M. le président. Je vous rappelle que les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix après l'examen, le samedi 7 décembre, des crédits relatifs à la communication.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 106 709 070 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV, moins 524 669 554 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisation de programme, 62 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 54 850 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.

5

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1997

Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 92, 1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte auquel est parvenue la commission mixte paritaire respecte l'économie du projet de loi présenté par le Gouvernement, tout en s'étant enrichi de l'apport des deux chambres du Parlement.
A l'Assemblée nationale, un point d'équilibre a en effet été trouvé sur un certain nombre de sujets sensibles, qu'il s'agisse de la contribution sociale généralisée prélevée sur les gains des jeux ou des droits sur les alcools, point éminemment sensible.
Sur ces sujets, l'Assemblée nationale a réalisé un excellent travail. Si le Sénat a pu éviter un long débat en la matière c'est parce que l'Assemblée nationale a réussi à trouver des compromis acceptables pour tous.
L'apport du Sénat est, lui aussi, loin d'être négligeable.
Sur le rapport visé à l'article 1er et annexé au projet de loi, le Sénat a introduit une disposition visant à permettre la prise en charge, dès 1997, des 2 000 places de services de soins infirmiers à domicile déjà autorisées mais qui, jusqu'à présent, n'avaient pas bénéficié des financements correspondants.
Par ailleurs, notre proposition visant à étendre les pouvoirs de contrôle des rapporteurs des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour suivre l'exécution des lois adoptées et se faire communiquer les documents utiles a été également retenue et permettra d'assurer tout au long de l'année un travail en profondeur au sein des commissions compétentes.
Le Sénat a également prévu - j'insiste sur ce point car il a été bien reçu par les médecins - une provision de 300 millions de francs destinée à faire face aux dépenses entraînées par des mesures de santé publique décidées en cours d'année par le Gouvernement ou par les partenaires conventionnels. Il nous paraît indispensable de restaurer le dialogue entre les médecins, les caisses nationales d'assurance maladie et l'Etat.
En adoptant cette mesure, le Sénat a introduit plus de souplesse et d'équité dans le dispositif initial. Il faut, en effet, que les professionnels de santé ne se voient opposer que les dépenses qu'ils auront eux-mêmes engagées.
Pour financer cette proposition, le Sénat n'ayant pas voulu aggraver le déficit issu des travaux de l'Assemblée nationale, nous avons proposé, et vous avez bien voulu nous suivre, de soumettre à cotisations sociales le montant des plus-values constatées au jour de la levée d'option correspondant aux opérations de souscription ou d'achat d'actions.
Dans le cadre de la commission mixte paritaire, nous sommes tombés d'accord pour limiter cet assujettissement aux plus-values réalisées par les détenteurs d'actions - les stock options - qui les cèdent avant un délai de cinq ans. L'objectif est, en effet, d'harmoniser les dispositions sociales avec le régime fiscal qui concerne ces opérations. Il est clair, et il faut bien le répéter, que notre intention est non pas de faire disparaître un mode de rémunération, d'ailleurs bien adapté et judicieux pour les cadres dirigeants les plus dynamiques des entreprises, mais d'intégrer dans l'assiette des revenus soumis à cotisation les éléments ayant un caractère spéculatif.
M. Philippe Marini. C'est raisonnable !
M. Charles Descours, rapporteur. Enfin, je relèverai deux autres apports significatifs de notre assemblée et qui ont été retenus par les membres de la commission mixte paritaire.
Il s'agit, d'une part, du plafonnement des versements de surcompensation afin de limiter les déséquilibres qu'ils occasionnent pour les régimes spéciaux d'assurance vieillesse et principalement pour l'un d'entre eux, la CNRACL, question qui a encore été évoquée ce matin lors de l'examen du projet de budget présenté par M. Perben.
Il s'agit, d'autre part, de la prise en compte prioritaire des besoins de financement de l'Etablissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans l'affectation du produit de « la taxe sur les grandes surfaces », appelée, à l'avenir, à financer également les régimes d'assurance vieillesse des commerçants et artisans. Nous n'avons pas voulu vider ce fonds avant qu'il n'ait contribué à ce pour quoi il avait été créé.
Avec ce texte, la réforme de la protection sociale, annoncée par M. le Premier ministre le 15 novembre dernier et mise en oeuvre tout au long de l'année 1996, notamment avec les ordonnances de janvier et d'avril derniers, est entrée dans une phase déterminante.
Je remercie M. Barrot et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous avoir adressé ces jours-ci un document de deux ou trois pages fondé sur le discours du Premier ministre du 15 novembre 1995 et montrant ce qui avait été fait. Si les journalistes, souvent mal intentionnés,...
M. Emmanuel Hamel, rapporteur. . Mais non, mais non !
M. Charles Descours, rapporteur. ... lisaient ces textes, ils constateraient que la réforme de la sécurité sociale n'est pas en panne, n'est pas enterrée, mais qu'elle a marché à un rythme assez fort.
Mis à part le débat sur les régimes spéciaux, bien entendu, la réforme de la sécurité sociale est donc entrée dans une phase déterminante. Il faudra régler le problème concernant ce qui est perçu comme une sanction par les médecins. C'est, je crois, le principal point de blocage entre les médecins et cette réforme. Il faudra peut-être faire preuve d'imagination sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le Parlement se trouve effectivement placé au coeur du système de sécurité sociale et est appelé à se prononcer pour la première fois sur les grandes orientations en matière de politique de santé, de famille et d'assurance vieillesse. C'était une très vieille revendication du Parlement, et nous nous réjouissons qu'il lui ait été donné satisfaction.
La commission des affaires sociales mesure l'importance des compétences qui sont désormais confiées au Parlement, mais également les responsabilités qui en découlent. Il nous appartient maintenant, en effet, de veiller aux équilibres financiers généraux et d'oeuvrer pour leur maintien. C'est une lourde responsabilité.
L'examen de la loi de financement de la sécurité sociale par le Parlement constitue - la preuve en est faite - le temps fort du grand débat annuel qui s'organisera désormais chaque année autour des orientations et des objectifs qui seront fixés en matière de santé et de sécurité sociale.
Certes, ce premier débat a bien montré que nous pouvions affiner les méthodes, que nous étions en période de rodage ; mais le train de la loi de financement de la sécurité sociale est lancé sur une voie qui nous semble raisonnable et qui devrait s'améliorer d'année en année.
Notre travail n'est donc pas achevé ! La commission des affaires sociales va maintenant suivre la mise en oeuvre des dispositions prévues dans ce texte, grâce, notamment, aux nouvelles compétences instituées par le présent texte.
Les travaux du Parlement sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale seront éclairés, en amont, par une série d'étapes extrêmement utiles, dont, notamment, la conférence nationale de santé.
Après les premiers balbutiements, cette année, liés à une mise en oeuvre trop rapide, cette conférence travaillera désormais tout au long de l'année et constituera des groupes de travail indispensables. L'audition de son président par la commission des affaires sociales nous permettra d'indiquer ce que nous attendons de cette conférence et de savoir ce qu'elle peut nous fournir. Nous pourrons ainsi éclairer utilement le Parlement sur la politique de santé.
Par ailleurs, les membres des conseils de surveillance des caisses vont être prochainement désignés - le décret est sorti - et leurs présidents seront choisis parmi les parlementaires, ce qui constitue une responsabilité éminente.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous suggère d'adopter le texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 et vous propose de poursuivre ensemble l'oeuvre entreprise, à savoir cette réforme qui est essentielle non seulement pour notre pays, mais aussi pour la défense de notre système de sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un mois, à un jour près - c'était le 29 octobre - commençait à l'Assemblée nationale l'examen en première lecture de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
C'est un texte d'un genre nouveau, comme l'a rappelé à l'instant M. Descours, selon lequel - et je reprends volontiers son expression - il s'agit peut-être d'un « rodage » pour nous tous. Mais je voudrais d'ores et déjà remercier la Haute Assemblée, tout particulièrement le président de la commission des affaires sociales, M. Fourcade, et les rapporteurs, MM. Descours, Machet et Vasselle, pour leur examen attentif et souvent passionné des orientations des politiques relatives à la santé, à la famille, aux personnes âgées et aux handicapés. Je voudrais également associer à ces remerciements le rapporteur de la commission saisie pour avis, M. Oudin, ainsi que toutes celles et tous ceux qui, au cours des discussions, ont contribué à l'amélioration et à l'enrichissement de ce texte. Le texte adopté par la commission mixte paritaire le 19 novembre est très proche de celui que le Sénat a voté voilà tout juste deux semaines.
L'objectif national des dépenses d'assurance maladie, dont le vote va nous permettre de donner le meilleur soin, le juste soin aux Français, n'a pas été modifié au cours de la discussion du Parlement.
Je voudrais ici saluer, comme nous l'avons fait avec Jacques Barrot, l'initiative qui a été celle du Sénat de proposer de constituer une provision de 300 millions de francs, complémentaire à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, pour faire face à des actions de santé publique exceptionnelles et éviter ainsi que les dépenses induites par ces actions soient imputées sur le montant des dépenses opposables aux professionnels.
Cette disposition concourt à la clarté et au bien-fondé de notre dispositif de régulation des dépenses. Le Gouvernement a donc accueilli cette initiative avec bienveillance. Jacques Barrot et moi-même sommes donc très satisfaits de l'accord obtenu en commission mixte paritaire sur cette disposition, ainsi que sur l'assujettissement partiel à cotisations des plus-values sur options afin, conformément à la volonté émise par le Sénat, de ne pas dégrader l'équilibre. C'est la preuve, s'il en était encore besoin, que ce débat au Parlement ne doit pas être - et qu'il n'est pas - une ratification des orientations et équilibres proposés par le Gouvernement, mais qu'il doit conduire - et qu'il conduit effectivement - à une participation active du Parlement aux décisions en matière de protection sociale.
Pour le reste, l'accord intervenu en première lecture sur les points essentiels de la loi a permis que le travail de la commission mixte paritaire soit relativement aisé et qu'il n'y ait pas de modifications majeures au projet de loi, sinon peut-être le retrait des dispositions ayant trait à l'opposabilité des dépenses du secteur médico-social.
C'est un sujet sur lequel nous avons beaucoup débattu au cours de l'examen en première lecture de ce texte, et je voudrais renouveler aujourd'hui, en son nom, l'engagement pris par M. Jacques Barrot devant la Haute Assemblée : la refonte de la tarification et de l'organisation du secteur médico-social vous sera proposée au cours de l'année 1997.
Voilà un important et indispensable chantier que nous avons ensemble à mener à bien.
J'en viens au seul point sur lequel les conclusions de la commission mixte paritaire peuvent poser problème.
Le Gouvernement a introduit au Sénat des dispositions visant à donner une base législative à l'accord intervenu entre la Caisse nationale d'assurance maladie et les représentants professionnels des transports sanitaires.
Le fait qu'une nouvelle profession entre dans le jeu conventionnel doit être salué. Je suis bien évidemment tout à fait satisfait de ce que la commission mixte paritaire ait retenu cet article bien que le calendrier des négociations ne nous ait pas permis de l'introduire en première lecture à l'Assemblée nationale.
Toutefois, permettez-moi d'émettre des réserves quant à l'amendement adopté en commission mixte paritaire, qui donne à l'Etat un pouvoir de substitution très important et qui va bien au-delà de l'esprit de l'accord intervenu entre les caisses et les professionnels du transport sanitaire.
En conséquence, je vous présenterai tout à l'heure un amendement - ce sera le seul amendement du Gouvernement à ce stade ultime des débats -afin de modifier le texte adopté par la commission mixte paritaire.
Sous réserve de cet amendement, je voudrais, monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames-messieurs les sénateurs, vous dire tout l'intérêt que M. Jacques Barrot, qui est actuellement retenu à l'Assemblée nationale pour l'examen en première lecture de la proposition de loi sénatoriale sur la prestation spécifique dépendance, et moi-même avons eu à travailler ensemble sur cette première loi de financement de la sécurité sociale.
Il est vrai, comme l'a dit M. le rapporteur tout à l'heure, que cette loi est perfectible et que nous sommes un peu en période de rodage. La conférence nationale de santé s'est déroulée au tout début du mois de septembre ; mais, l'année prochaine, compte tenu d'un calendrier moins chargé, nous pourrons peut-être avoir, au cours de nos débats, des développements sur la politique de santé et sur la politique sanitaire plus importants qu'ils ne l'ont été cette année.
Ce n'est pas rien que d'évoquer pour la première fois au Parlement une masse de dépenses bien supérieure au budget de l'Etat ! Je crois que, tous ensemble, dans les années qui viennent, nous aurons à adopter cette politique beaucoup plus précise en matière de santé publique.
Enfin, si un mot doit résumer la réforme de la protection sociale qui est mise en oeuvre, c'est celui de responsabilité ; en effet, nous devons introduire dans notre système de protection sociale la responsabilité à tous les niveaux : Parlement, Etat, assurance maladie, professions de santé et assurés sociaux.
C'est en introduisant cette responsabilité avec, comme outils, le contrat et le respect de la parole donnée que nous pourrons sauver notre système de protection sociale à la française, qui est le seul au monde à concilier une offre libérale et un financement collectif pour une bonne couverture sociale de nos compatriotes.
Tel est l'enjeu qui nous réunit cet après-midi au Sénat. Tel est le travail que nous avons commencé à faire ensemble.
Une dernière fois, je tiens à remercier la Haute Assemblée des améliorations substantielles qu'elle a apportées à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte que la Haute Assemblée avait adopté le 14 novembre dernier aura finalement été peu modifié par les travaux de la commission mixte paritaire.
Parmi les quelques modifications intervenues, je me réjouis de ce que la disposition prévoyant l'instauration d'une enveloppe fermée pour les centres médico-sociaux ait finalement été repoussée.
Mon ami Guy Fischer, lors du débat, avait expliqué pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen s'opposait à la mise en place d'un taux directeur des secteurs social et médico-social. Nous nous réjouissons donc de cette suppression.
Il ne faudrait pas, cependant, que cette disposition puisse être réintroduite à l'occasion du débat qui aura lieu tout à l'heure sur le budget des affaires sociales, ni lors de la révision de la loi de 1975, comme les diverses déclarations gouvernementales pourraient le laisser craindre.
Par ailleurs, la disposition taxant les stock options est maintenue, quoique légèrement modifiée, pour un rendement de 300 millions de francs.
Cette mesure correspondait à une demande de notre part. Cela va donc dans le bon sens, même si, pour nous, le compte n'y est pas.
En effet, à l'exception de ces quelques points, le groupe communiste républicain et citoyen ne peut que confirmer sa position de rejet de l'ensemble du texte.
Nous rejetons ce texte parce que, pour l'essentiel, il fait peser les charges sur les salaires. Il permet d'augmenter la CSG à laquelle nous nous étions opposés dès sa création.
Nous le rejetons, parce qu'il étend le champ d'application de la CSG aux personnes les plus modestes et les plus vulnérables, tels les malades, les femmes enceintes, les personnes licenciées.
Nous le rejetons, parce que, avec la fixation d'objectifs de dépenses, vous organisez le rationnement des soins remboursés par la sécurité sociale.
Nous le rejetons, parce qu'il accentue la dérive vers la fiscalisation des cotisations sociales, qui anticipe sur l'étatisation de la sécurité sociale.
Mais, surtout, nous le rejetons parce que, enfermé dans une logique purement comptable, il ne propose aucune solution pour améliorer l'accès aux soins et à la santé, droit qui est aujourd'hui remis en cause dans notre pays.
Aujourd'hui, la situation, dans le domaine de la santé, est catastrophique. On assiste à la recrudescence de la tuberculose, maladie liée, s'il en est, à la pauvreté, à l'apparition de cas de saturnisme, surtout chez les jeunes enfants, et - c'est incroyable ! - des cas de scorbut ont été déclarés à Paris.
Plus largement, les enquêtes nous annoncent qu'un Français sur cinq a renoncé, ou renonce à des consultations et à des soins pour des raisons économiques.
Pour notre part, nous aurions souhaité que le projet de loi de financement de la sécurité sociale permette d'apporter des réponses à ces problèmes.
Nous avions d'ailleurs fait de nombreuses propositions, comme celle de la gratuité des soins pour les enfants de moins de six ans, celle d'une meilleure prise en charge des allocataires du RMI ou celle du remboursement immédiat de l'amniocentèse pour les femmes à risque.
Nous avions fait également des propositions en matière de financement, notamment celle d'assujettir les revenus financiers au même taux que les salaires.
Aucune de ces propositions n'a été retenue.
Comme nous ne pouvons accepter de cautionner un texte qui ne répond en rien à nos préoccupations et à celles des Français en matière de santé et de protection sociale, notre groupe, comme lors de l'examen du projet de loi en première lecture votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
Je ne reviendrai pas sur les critiques de fond que j'ai pu développer lors de la première lecture ; je voudrais seulement dire quelques mots concernant le montant du déficit - au moins formel - tel qu'il a été fixé à l'Assemblée nationale et tel qu'il a été maintenu au Sénat, grâce aux efforts conjugués du président de la commission des affaires sociales et de notre rapporteur, pour un résultat finalement assez maigre.
Si je veux parler du déficit aujourd'hui, c'est parce que j'ai lu - comme la plupart d'entre vous, mes chers collègues, je n'en doute pas - l'excellent rapport de notre collègue Bernard Barbier, établi au nom de la délégation du Sénat pour la planification et intitulé 2001, perspectives macro-économiques.
Ce rapport est fondé sur les résultats d'une projection à moyen terme réalisée par l'OFCE à l'aide du modèle « mosaïque ». Qu'y trouve-t-on ? Que, selon ces experts en qui notre assemblée a placé sa confiance, le déficit de la sécurité sociale continuera de se situer à hauteur de 20 milliards de francs par an jusqu'en 2001, pourvu que le Gouvernement - et, au train où vont les choses, ce gouvernement ne sera pas celui que nous connaissons aujourd'hui -...
M. Charles Descours, rapporteur. Cela prouve donc que cela ne change rien !
M. François Autain. ... relève d'un point la contribution sociale généralisée en 1998 ! Sans cela, ajoutent ces remarquables experts, le déficit se situera à plus de 60 milliards de francs.
Si l'expertise sénatoriale est exacte - et l'on ne peut quand même pas mettre en doute des chiffres qui émanent de notre assemblée - comment pouvez-vous voter le texte qui vous est soumis sur la base des hypothèses défendues par le Gouvernement ?
M. Charles Descours, rapporteur. Les experts, on s'en méfie toujours !
M. François Autain. Et qu'on ne vienne pas me dire que les experts n'ont pas tenu compte de l'action volontariste des pouvoirs publics ! Car, si l'on reprend le rapport précédent de M. Barbier, toujours fondé sur une excellente étude du même OFCE, qu'y lit-on ? Que les dépenses de santé enregistrent depuis longtemps déjà une décroissance lente mais régulière de leur augmentation, que n'affectent en aucun cas les plans successifs arrêtés par les gouvernements pour les maîtriser et dont les effets n'ont jamais été que des effets de palier.
Donc, mes chers collègues, nous allons voter dans quelques instants un déficit prévisionnel de 30 milliards de francs, fondé sur une hypothèse de retour à l'équilibre en 1999 - cela figure dans le rapport annexé - hypothèse dont le Sénat, à travers ses instances les plus autorisées, a déjà dit qu'elle était irréaliste.
Vous comprendrez, chers collègues de la majorité sénatoriale, que, dans ces conditions, convaincus par la justesse des analyses de M. Barbier, les membres du groupe socialiste ne mêlent pas leurs voix aux vôtres. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours, rapporteur. Il n'y a que lorsqu'on parle de vin que les socialistes sont d'accord avec M. Barbier ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'ajouter quelques mots brefs en guise d'explication de vote au nom du groupe du RPR sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
Voilà un an que la procédure d'examen de la loi de financement de la sécurité sociale a été instituée par une révision constitutionnelle. Le Parlement exerce des droits nouveaux et, pour la première fois, des débats se sont déroulés dans nos deux assemblées pour définir les objectifs financiers et budgétaires de la politique des transferts sociaux dans ce pays.
C'est une innovation car, pendant de très longues années, ce fut un sujet de réflexion et une demande émanant de nombreux parlementaires. Grâce à la révision constitutionnelle de l'an dernier, nous avons donc abouti à cette réalité.
Le plan Juppé, qui a un an, commence à être appliqué. Chacun constate que les choses ne sont pas simples dans ce domaine et que la réforme de la sécurité sociale est un art extrêmement difficile. Non que les objectifs soient complexes à déterminer, mais parce qu'il s'agit, dans l'exécution, d'affiner les mesures à prendre et de mettre en oeuvre de la façon le plus équitable possible la politique de promotion du juste soin.
Je crois en effet que le maître mot qui doit guider nos préoccupations est bien la promotion du juste soin : ce n'est pas le rationnement, ce n'est pas un contingentement comptable, c'est la prise en compte de la réalité économique.
On ne peut pas, mes chers collègues, vouloir une politique économique cohérente et ne pas adopter, en matière budgétaire d'un côté et de transferts sociaux de l'autre, la même approche. Lorsque l'on raisonne sur les déficits publics, il faut avoir une vue globale et du budget de l'Etat et du budget social. Or, aujourd'hui, le Parlement est enfin en mesure de disposer de cette vue globale.
Certes, l'assurance maladie est un régime qu'il faut préserver avec grand soin ; certes, nous ne sommes pas encore revenus à l'équilibre ; mais, sans le plan Juppé, sans le courage avec lequel les vrais problèmes ont été affrontés voilà un an, quels seraient aujourd'hui les résultats du régime de l'assurance maladie ? Il est évident que l'on aurait dû renoncer à tout contrôle et laisser les choses « filer » au détriment de la position européenne et internationale de notre pays, de sa crédibilité.
La commission mixte paritaire, dont les conclusions ont été exposées tout à l'heure par notre collègues M. Descours, a fait un excellent travail et nous devons saluer la lucidité d'analyse de M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales.
En ce qui me concerne, je voudrais souligner en conclusion que, pour l'avenir, il me semble important de bien poursuivre cette double démarche : loi de finances d'une part, loi de financement de la sécurité sociale d'autre part. En effet, il y a une seule et même politique en matière de prélèvements obligatoires : l'impôt d'une part, les charges sociales de l'autre, et il est essentiel que nous poursuivions dans le sens d'une bonne coordination de ces approches entre les commissions compétentes afin d'aboutir, comme c'est le cas aujourd'hui, à des décisions raisonnables, à de bonnes décisions que nous puissions assumer devant l'opinion publique et devant tous les milieux concernés.
Voilà dans quel esprit le groupe du Rassemblement pour la République s'apprête à émettre un vote positif sur les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je me réjouis que le Gouvernement fasse siennes les conclusions de la commission mixte paritaire. C'était en effet, comme vient de le rappeler M. Marini, la première année que le Parlement examinait l'ensemble des comptes de tous nos régimes.
Le Parlement est donc chargé d'approuver les plafonds de dépenses pour l'année prochaine. Je rappelle, pour que tout soit bien clair, que nous devons approuver un total de 1 685 milliards de francs de dépenses, et cette somme comprend - c'est vrai, cher monsieur Autain - 30 milliards de francs de déficit. Mais, si vous comparez ces 30 milliards de francs de déficit aux 1 685 milliards de francs de dépenses qui sont en cause et si vous vous souvenez qu'à l'intérieur de ces 1 685 milliards de francs sont inclus de nombreux frais de gestion imputables à nos 144 régimes de prévoyance sociale, vous constatez que, au prix de quelques économies supplémentaires, nous pouvons, malgré l'avis des experts, qui travaillent avec des équations et pour lesquels la notion d'économie est tout à fait étrangère - mais, par définition, un expert ne sait pas ce que c'est qu'une économie de gestion : sinon, il ne serait pas expert ! (Sourires) - nous pouvons, dis-je, parvenir à réaliser l'équilibre. Peut-être pas l'année prochaine, peut-être pas l'année suivante, mais nous avons maintenant pris les moyens de parvenir à l'équilibre de l'ensemble de nos prestations de toute nature.
Je rappelle d'ailleurs, pour éviter de trop focaliser le débat sur l'assurance maladie, que, sur les 1 685 milliards de francs que nous allons approuver dans un instant, ladite assurance maladie ne représente que - si j'ose dire ! - 662 milliards de francs. C'est évidemment important, mais, à l'intérieur de cette masse énorme, il y a tout de même l'avenir de la santé de tous nos concitoyens.
Cela étant, monsieur le ministre, je n'ai demandé la parole que pour remercier M. Descours, rapporteur de la commission mixte paritaire et de la commission des affaires sociales, saisie au fond en première lecture, mais aussi M. Oudin, rapporteur de la commission des finances, saisie pour avis en première lecture, ainsi que l'ensemble de nos collègues d'avoir travaillé sur ce projet et pour vous présenter une supplique à laquelle je voudrais donner un caractère assez solennel, compte tenu de la période dans laquelle nous nous trouvons : je pense, en effet, que nous risquons d'aller à l'échec dans la réforme de notre protection sociale si nous ne savons pas rechercher au plus vite un large accord avec l'ensemble des professions médicales.
Pour cela, il nous faut sortir du très mauvais débat qui commence à s'envenimer entre les partisans des sanctions collectives et les partisans des sanctions individuelles. Il ne saurait évidemment y avoir de sanctions qu'individuelles, et celles-ci ne peuvent être appliquées avec justesse sans la mise en place d'instruments fins d'appréciation de l'activité individuelle des praticiens.
La création de ces instruments médicalisés, acceptée par les partenaires conventionnels dès 1993, se trouve désormais pleinement confirmée par les ordonnances, qu'il s'agisse de l'informatisation des cabinets médicaux, du codage des actes, du carnet de santé ou des références médicales opposables.
Parlant au nom de la très grande majorité des membres de la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, je souhaite vous dire qu'il est urgent de mettre en place ces différents instruments. Pourquoi, en effet, se doter chaque année de nouveaux instruments de mesure permettant de prendre des sanctions, si c'est pour ne pas les utiliser plus que les précédents ?
A l'évidence, il faut introduire dans le plafond de dépenses que nous votons un dispositif « prix-volume », mais ce dernier ne peut être accepté et reçu comme légitime que si des sanctions individuelles ont permis de faire le départ entre ceux qui jouent le jeu de l'assurance maladie et ceux qui passent un peu à côté.
De même que les professions de santé doivent accepter, à titre transitoire, des mécanismes de régulation collective, car, à défaut, il n'y aurait plus d'objectif de plafonnement de l'ensemble des dépenses, de même vous devez, en contrepartie, vous engager à mettre en oeuvre sans délai les instruments propres à éviter de faire porter par tous la responsabilité des écarts de comportement de quelques-uns. Les caisses locales d'assurance maladie comme la caisse nationale, d'ailleurs, peuvent identifier, dans la plupart des cas, les membres des professions médicales qui exagèrent. Malgré tout, pour des raisons qui tiennent à notre culture, à notre organisation administrative et, plus généralement, à une fuite devant les responsabilités, personne n'agit.
Puisque, dans notre pays, les généralistes sont aussi nombreux que les spécialistes, puisque l'originalité du système français de soins tient précisément à l'exercice libéral de la médecine, il faut mettre en oeuvre très rapidement les méthodes qui permettront localement, à l'échelon des caisses primaires d'assurance maladie, de détecter les excès de certains praticiens, et ils sont peu nombreux.
C'est dans la mesure où vous mettrez effectivement en oeuvre ces méthodes de détection rapide, monsieur le ministre, que vous pourrez faire accepter à la grande masse non seulement des généralistes et des spécialistes, mais aussi des membres des professions connexes, qu'il s'agisse des biologistes, des kinésithérapeutes, des pharmaciens ou des infirmiers, une discipline collective permettant de réguler l'ensemble de la dépense et de respecter les objectifs. Vous donnerez alors tort à M. Autain,...
M. François Autain. C'était M. Barbier !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... et vous assurerez le rééquilibrage de nos régimes d'assurance maladie et de retraite, notamment.
Monsieur Autain, je respecte beaucoup M. Barbier mais, de même qu'il y a parfois des divergences entre l'INSEE et le Gouvernement, de même il est parfaitement normal que, dans un pays libéral comme le nôtre, il y ait des divergences entre tel ou tel institut de statistitiques et la commission des affaires sociales.
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas la loi et les prophètes, tout de même !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. En effet, ce n'est pas la loi et les prophètes ! Dans ce pays, chacun peut dire ou écrire n'importe quoi. D'ailleurs, on le constate en ce moment même en matière de taux de change.
M. Philippe Marini. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Chacun peut dire n'importe quoi, tout est toujours justifié. Je vous renvoie donc à vos journaux habituels !
M. Philippe Marini. Il faudrait faire preuve d'un peu plus de bon sens, de discipline et d'intelligence !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Le vote de la première loi de financement de la sécurité sociale donne au Parlement une responsabilité particulière dans la détermination des plafonds. Il donne au Gouvernement une responsabilité particulière dans le respect des objectifs et dans la limitation du déficit.
Pour parvenir à atteindre sur le terrain l'ensemble de ces objectifs, il faut sortir d'une logique conflictuelle et se lancer dans une politique de concertation en utilisant des instruments de mesure objectifs. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Dans le prolongement de ce que vient de dire M. le président de la commission des affaires sociales, je souhaite attirer l'attention de la Haute Assemblée sur plusieurs points.
Madame Fraysse-Cazalis, cette réforme a précisément pour objet de pérenniser, de consolider la sécurité sociale qui est née en 1945 et à laquelle nous sommes tous très attachés. Il s'agit de cela, et seulement de cela, mais c'est déjà beaucoup, compte tenu de l'importance que la sécurité sociale a pour les Françaises et les Français.
Quant à vous,monsieur Autain, si l'on suivait votre raisonnement, on ne voterait pas non plus le budget de l'Etat, puisque, par définition, quand on vote un budget ou quand on vote un objectif de dépenses, on vote et on autorise les ressources et les dépenses. C'est, en effet, la définition du budget que vous trouverez dans la loi organique et dans la Constitution.
Je prendrai un exemple récent. A la fin de l'année 1992, l'Assemblée nationale et le Sénat ont voté pour 1993 une loi de finances de l'ordre de 160 milliards de francs, au printemps 1993, il a fallu recourir à un collectif budgétaire et les 160 milliards de francs sont devenus presque 360 milliards de francs. C'est bien la preuve que, si la vie évolue, les dépenses et les recettes également. Ainsi, l'ensemble des objectifs que l'on se fixe, que ce soit un déficit budgétaire classique ou l'objectif des dépenses d'assurance maladie, par nature, n'est pas intangible. Simplement tout est fait pour que l'on se rapproche le plus possible des prévisions.
M. Fourcade a abordé un sujet très important, sur lequel je voudrais apporter quelques éléments d'information. Je crois tout d'abord qu'avant d'en venir au dispositif précis que vous évoquez, monsieur Fourcade, il convient de rappeler l'originalité du système de protection sociale à la française. En réalité, il est profondément ambigu, et c'est pour cette raison que nous y tenons tant. Je m'explique. Nous avons une offre libérale, un exercice libéral de la médecine, et une « patientèle » solvable grâce aux impôts et aux cotisations sociales de tous les Français. C'est précisément cette coexistence, dans notre pays, de la diversité de l'offre et de la place éminente de la médecine libérale, d'une part, et de la solidarité, qui fait que l'ensemble des Françaises et des Français sont assurés contre la maladie, d'autre part, que nous tenons tant à notre système.
Regardons un peu à l'extérieur de nos frontières, aux Etats-Unis par exemple, encore que je ne souhaite pas que notre pays en arrive à la situation qui prévaut là-bas. Songez, en effet, qu'un citoyen sur cinq est exclu des soins et que, dans une logique libérale poussée à l'extrême, le profit guide les comportements des compagnies d'assurances privées, qui exercent un contrôle sur les médecins beaucoup plus tatillon que celui de nos caisses d'assurance maladie. Au surplus, au pays du libéralisme roi, le paiement à l'acte est en train de disparaître pour être remplacé par le salariat des médecins, notamment dans les managed care et les HMO. Le Royaume-Uni et les pays d'Europe du Nord connaissent des systèmes dans lesquels, le plus souvent, les médecins sont salariés, le patient n'ayant pas le choix de son médecin. En réalité, ce n'est pas de cela non plus dont nous voulons pour notre pays. Nous voulons maintenir la singularité de notre système.
Il est vrai que, depuis cinq décennies, il s'est installé, dans notre pays, une certaine méfiance entre les médecins libéraux, la sécurité sociale et l'Etat.
Cette réforme a d'ailleurs suscité non seulement un surcroît de méfiance mais aussi bien des malentendus et des irritations. Je crois comme vous, monsieur Fourcade, qu'à tout cela il faut répondre par l'écoute, la négociation et le contrat.
Quand on considère l'histoire de ces cinquante dernières années, on constate que les premières conventions entre les médecins et l'assurance maladie datent de 1960. Il s'agissait, à l'époque, de conventions départementales ; les conventions ne sont devenues nationales qu'en 1971. Or, à l'époque, une délégation de médecins, compagnons de la Libération, est allée trouver le général de Gaulle à l'Elysée pour l'alerter : on allait tuer la médecine libérale française en instituant des conventions médicales dans les départements.
Aussi, quand j'entends dire aujourd'hui que cette réforme est en train de mettre à bas la médecine libérale, je me tourne vers les médecins en leur disant : ne tirez pas sur nous, car nous portons vos enfants dans nos bras !
C'est précisément pour sauver cette médecine libérale à la française qu'il nous faut mettre en place des mécanismes de responsabilisation.
Les outils de la maîtrise médicalisée constituent le coeur de la réforme, et ne sont, d'ailleurs, que ceux qui figuraient dans la convention de 1993. Pour des raisons diverses, ils n'ont pas été utilisés. Aujourd'hui, nous voulons les faire entrer dans les faits. Il s'agit des références médicales opposables, du codage des actes, du développement de l'informatique médicale et de l'information de santé ainsi que de la révision périodique négociée et concertée de la nomenclature. C'est cela le coeur de la réforme et c'est cela que nous mettons en oeuvre. L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé verra le jour au début de l'année prochaine et prendra le relais de l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale, l'ANDEM. Le codage des actes va se poursuivre, M. Jacques Barrot et moi-même avons mis l'accent sur une accélération du programme d'informatisation médicale et des systèmes d'information de santé. Le coeur de la réforme, c'est cela.
Cependant, et même si nous allons aussi vite que possible, ces instruments ne produiront pas leurs pleins effets immédiatement. Nous avons donc besoin, dans l'intervalle, d'un mécanisme de responsabilisation. Cela a fait l'objet de nombreuses négociations et de larges consultations au moment de l'élaboration des ordonnances. Beaucoup d'idées circulaient. Nous en avons retenu une, simple - nous n'avons d'ailleurs rien inventé, car c'est comme cela depuis 1971 - en décidant de n'augmenter la valeur de la lettre clef que si les objectifs qui ont été fixés ont été respectés. En réalité, c'est une décision de bon sens. Si les objectifs sont respectés, on augmente le prix de la consultation, ce qui n'est pas un luxe dans un pays où l'acte intellectuel est insuffisamment rémunéré, chacun en convient, et où il faut précisément le réhabiliter et mieux le rémunérer.
Dans le cas contraire, si l'objectif est dépassé, nous avons prévu dans l'ordonnance ce que nous appelons, M. Jacques Barrot et moi-même, une corde de rappel ou un filet de sécurité pour bien mettre en évidence l'instauration d'un mécanisme de responsabilisation.
Actuellement, une étroite concertation est engagée avec les syndicats de médecins sur la question du reversement. Comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises M. Jacques Barrot et moi-même, ce reversement a été conçu, si j'ose dire, pour ne pas servir. Nous avons en effet la conviction que le système sera régulé par la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Pour cela, il faut bien évidemment avoir une approche non pas collective, mais individualisée. C'est pourquoi nous devons mettre en oeuvre l'information de santé et développer l'informatique médicale.
M. Jacques Machet. Il faut que cela se sache !
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Tel est l'objet de la réforme.
Convenons-en, ce sont là des questions extrêmement complexes. Nous évoluons dans une société où la rapidité de l'information et la pratique des slogans réducteurs entraînent souvent, de manière volontaire ou involontaire, une mauvaise information du public, voire sa désinformation.
M. Jacques Barrot et moi-même sommes quotidiennement dans les régions, sur le terrain, pour discuter avec les médecins et leurs organisations syndicales représentatives. Chacun a intérêt à la sauvegarde de notre système libéral. En tout cas, c'est ce pour quoi nous nous battons, et j'ai la conviction que ce système ne pourra être sauvé qu'à la condition qu'il y ait concertation, dialogue, j'irai même jusqu'à parler de cogestion avec des partenaires responsables et engagés, car c'est cela dont nous avons besoin. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsque le Sénat examine après l'Assemblée nationale un texte élaboré par une commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« TITRE Ier

« ORIENTATIONS ET OBJECTIFS
DE LA POLITIQUE DE SANTÉ
ET DE SÉCURITÉ SOCIALE

« Section Approbation du rapport

« Art. 1er. - Est approuvé le rapport annexé à la présente loi relatif aux orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et aux objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année 1997. »
Je donne lecture du rapport annexé :

« Rapport du Gouvernement présentant les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier.
« La loi organique du 22 juillet 1996 a prévu que la loi de financement de la sécurité sociale approuverait chaque année un rapport définissant les conditions générales de l'équilibre de la sécurité sociale et les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale.
« Maîtriser les dépenses tout en améliorant la qualité et l'efficacité de notre protection sociale, développer le juste soin, mettre en oeuvre la réforme en profondeur de l'assurance maladie, élargir l'assiette du financement de la protection sociale, et notamment de l'assurance maladie, permettre une avancée significative dans la voie du retour à l'équilibre, telles sont les ambitions de cette première loi de financement.
« La nécessité de préserver notre système de protection sociale et de le rendre plus juste et plus efficace exigeait une réforme en profondeur. La réforme annoncée le 15 novembre 1995 a fixé trois objectifs à la refondation du système de sécurité sociale. Il s'agissait tout d'abord de renforcer la démocratie en donnant au Parlement les compétences pour se prononcer sur les orientations de la sécurité sociale. Il fallait ensuite rénover le paritarisme afin de donner aux partenaires sociaux les moyens de la gérer plus efficacement. Il était enfin nécessaire d'engager la réforme de l'assurance maladie afin de placer le malade au coeur du fonctionnement du système de santé, d'améliorer la qualité des soins en offrant à chacun le juste soin et d'assurer l'égal accès aux soins par la mise en oeuvre de l'assurance maladie universelle.

« 1. Les orientations actuelles de la politique de sécurité sociale en faveur des familles et des personnes âgées seront maintenues.
« 1.1. La rénovation de la politique familiale engagée par la loi relative à la famille du 25 juillet 1994 sera poursuivie.
« La France mobilise chaque année environ 4,5 % de la richesse nationale pour sa politique familiale, sous forme de prestations sociales et d'aides sociales et fiscales. Cela correspond à un taux d'effort que très peu d'autres pays européens atteignent dans ce domaine.
« 1.1.1. La montée en charge plus forte que prévue de la loi famille du 25 juillet 1994 affecte durablement les comptes de la branche.
« La loi du 25 juillet 1994 relative à la famille a profondément renouvelé le cadre de la politique familiale en tenant compte des évolutions et des attentes des familles et en s'adaptant à la montée du taux d'activité des mères de famille. Le Gouvernement soutient une politique familiale ambitieuse ayant pour triple objectif d'améliorer l'accueil des jeunes enfants, d'aider les familles ayant de jeunes adultes à charge, de mieux prendre en compte les besoins spécifiques de certaines familles (familles adoptantes, familles qui connaissent des naissances multiples, familles dont l'état de santé de l'enfant demande une plus grande disponibilité).
« Ainsi, l'ensemble des mesures relatives à la prise en charge des jeunes enfants (APE, AGED, AFEAMA) ont connu une dynamique bien supérieure à ce qui avait été prévu en 1994. De 1994 à 1996, les prestations versées au titre de l'APE et de l'AGED ont plus que doublé. Le coût de ce premier volet de la loi est désormais évalué à 8,5 milliards de francs en 1996, 11,7 milliards en 1997 (contre 7,9 millards initialement prévus) et à 14 milliards de francs en régime de croisière (contre 10 milliards prévus).
« 1.1.2. Un nouvel élan sera donné à la politique familiale.
« Des recettes nouvelles seront apportées à la branche famille afin qu'elle dispose de moyens pour pouvoir faire face aux besoins des familles. En premier lieu, l'extension de l'assiette de la CSG, telle qu'elle est prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, apportera 3,1 milliards de francs supplémentaires pour la branche. En second lieu, les taux de cotisations de l'Etat et des entreprises publiques se rapprocheront de ceux appliqués à l'ensemble des entreprises (de 4,8 % actuellement à 5,2 %, le taux normal étant de 5,4 %). Le rendement en 1997 de ces deux mesures annoncées le 15 novembre 1995 a été pris en compte dans l'évaluation des perspectives financières de la branche soumises à la commission des comptes de la sécurité sociale.
« Le rééquilibrage de la branche permettra de dégager de nouvelles perspectives pour la politique familiale. D'ores et déjà, des mesures favorables aux familles ont été prises. Ainsi :
« - la loi du 5 juillet 1996 a étendu aux DOM le versement de l'allocation parentale d'éducation (APE) et de l'allocation pour jeune enfant (APJE) à compter du 1er janvier 1996 ;
« - la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption institue des mesures favorables pour les familles adoptantes en matière de prestations familiales ;
« - le Gouvernement propose des mesures destinées à rendre la fiscalité plus favorable aux familles, et plus particulièrement aux familles modestes (remplacement de la décote par une tranche d'imposition à taux zéro fortement élargie) : d'ici cinq à ans, 1,5 million de familles supplémentaires pourront ainsi être exonérées d'impôt sur le revenu ;
« - tenant compte des préoccupations exprimées par le mouvement familial, le Gouvernement a décidé de ne pas proposer au Parlement l'assujettissement des allocations familiales à l'impôt sur le revenu ou à la CSG.
« Dans le prolongement de la conférence de la famille réunie le 6 mai dernier, cinq groupes de travail doivent remettre avant la fin de l'année leurs conclusions destinées à accroître l'efficacité de la politique familiale, sur les points suivants : la famille aujourd'hui, la compensation des charges familiales et les aides aux familles, la famille avec enfant et son environnement, les relations intergénérations, la famille et le travail. Ces propositions serviront de base aux concertations qui devront avoir lieu en 1997 et éclaireront le Gouvernement dans ses choix.
« 1.2. Le rééquilibrage progressif des comptes de la branche vieillesse s'inscrit dans une politique d'amélioration de la prise en charge des personnes âgées.
« La réforme des retraites de 1993 et la poursuite de la prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse des dépenses de solidarité permettent d'engager le rééquilibrage des comptes de la CNAVTS malgré les tendances lourdes de la dégradation du rapport démographique. L'allongement de la durée d'assurance (150 à 160 trimestres) et la réforme du mode de calcul du salaire moyen (10 à 25 ans) devraient induire une économie de plus de 4 milliards de francs en l'an 2000 et de presque 28 milliards de francs en 2010.
« Le rythme d'évolution en valeur des prestations financées par le régime général s'infléchit depuis 1994, passant de 5,8 % en 1994 à 5,3 % en 1996. Il devrait être de 4 % en 1997. Toutefois, si la loi du 22 juillet 1993 garantit la pérennité de notre système de retraite par répartition, elle laisse subsister un déficit tendanciel. Ainsi, pour l'exercice 1996, le déficit devrait atteindre 5,7 milliards de francs.
« La situation financière du Fonds de solidarité vieillesse devrait permettre de procéder à une nouvelle étape dans le financement des avantages non contributifs prévu par la loi. Ainsi, le Gouvernement souhaite améliorer, par une mesure réglementaire, le taux de prise en charge par le FSV des périodes de validation pour les chômeurs non indemnisés. Cette mesure contribuerait à l'équilibre de la branche à hauteur de 1,5 milliard de francs dès 1997.
« Le Gouvernement entend franchir une première étape dans la mise en place de la prestation autonomie. La prestation spécifique de dépendance (PSD), prévue par une proposition de loi sénatoriale soutenue par le Gouvernement, répond à cet objectif.
« Dans l'attente de la mise en oeuvre de la réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées, le Gouvernement a décidé de proposer au Parlement que 14 000 lits de section de cure médicale, qui ont été autorisés mais qui n'ont pas été ouverts faute de financements correspondants, soient effectivement créés dans un délai de deux ans.
« Cette mesure permettra d'améliorer significativement la prise en charge des besoins de soins des personnes lourdement dépendantes en établissement.
« Elle conduira à prévoir une augmentation de 10 % en deux ans des dépenses d'assurance maladie pour les sections de cure médicale.
« Ces lits seront prioritairement attribués aux zones sous-équipées en tenant compte des autorisations déjà accordées, de l'évolution de la situation démographique desdites zones et des efforts qu'elles auront engagés dans l'adaptation de l'offre d'hospitalisation aux besoins telle qu'elle est organisée par l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée.
« En outre, dans un souci de cohérence avec la politique en faveur du maintien à domicile des personnes âgées menée depuis de nombreuses années, seront effectivement créées, dès 1997, 2 000 places de services de soins infirmiers à domicile qui ont été autorisées mais n'ont pas bénéficié des financements correspondants.
« 1.3. L'adaptation des modalités de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles sera poursuivie et la politique de prévention de ces risques renforcée.
« L'amélioration de la situation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles et de leurs ayants droit sera poursuivie en 1997. Ainsi, le taux d'incapacité permanente partielle ouvrant droit à la mensualisation des rentes sera abaissé de 66,66 % à 50 % et la mensualisation des rentes d'ayants droit sera ensuite engagée. Le salaire pris en compte pour le calcul des rentes à la date de consolidation sera revalorisé, permettant ainsi une indemnisation d'un meilleur niveau pour les victimes. De même, les formalités pour les demandes de prise en charge d'un accident du travail après le décès de l'assuré seront allégées.
« Les tableaux de maladies professionnelles seront régulièrement remis à jour compte tenu des études épidémiologiques réalisées, permettant ainsi un meilleur accès des victimes à la réparation financière. L'extension du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles, mis en place en 1993 et fondé sur l'expertise d'un comité régional composé de trois médecins, sera poursuivi.
« Enfin, un nouveau plan pluriannuel de prévention sera mis en place pour les années 1997-1999. Ce plan définira les principales orientations dans le cadre desquelles les caisses devront inscrire leurs actions en matière de prévention des risques professionnels.

« 2. Les priorités retenues par la conférence nationale de santé seront mises en oeuvre.
« Prévue par l'ordonnance relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, la Conférence nationale de santé est notamment chargée de "proposer les priorités de la politique de santé publique et des orientations pour la prise en charge des soins". Elle s'est tenue à Paris du 2 au 4 septembre 1996. Son rapport est transmis au Parlement parallèlement au présent rapport. Les travaux de cette première conférence se sont appuyés sur le rapport du Haut comité de la santé publique, intitulé "La santé en France".
« 2.1. Globalement satisfaisant, l'état sanitaire de la population peut néanmoins être amélioré.
« L'espérance de vie des hommes se situe dans la moyenne des pays industrialisés, celle des femmes étant une des plus élevées au monde. Entre 1980 et 1992, l'espérance de vie au-delà de soixante-cinq ans a connu une augmentation régulière de 2,1 ans pour les hommes et 2,2 ans pour les femmes. La France bénéficie ainsi de l'allongement de l'espérance de vie le plus important au sein de l'Union européenne. Parallèlement, l'espérance de vie sans incapacité progresse, témoignant ainsi d'une réelle amélioration du bien-être de la population.
« Le rapport du Haut comité montre toutefois que les inégalités devant la maladie et la mort restent marquées, notamment entre groupes sociaux et surtout entre régions. La réduction de ces inégalités régionales nécessite une déclinaison régionale rapide des orientations proposées par la Conférence nationale de santé, notamment dans le cadre des conférences régionales prévues en 1997 ainsi qu'une répartition des moyens, notamment hospitaliers, qui différencie nettement les régions en fonction de leur niveau d'offre de soins et des inégalités de financement existantes.
« Le rapport souligne par ailleurs des points particuliers. Ainsi, la part des maladies virales (sida, hépatites) dans les pathologies infectieuses a sensiblement augmenté. Avec un taux de 90 cas de sida par million d'habitants, la France se situe au troisième rang des pays de l'Union européenne. Un effort particulier a été engagé en 1996 avec le développement des trithérapies dont plus de quinze mille malades ont pu bénficier. Il sera poursuivi en 1997.
« Les priorités reconnues par la Conférence nationale de santé seront favorisées :
« - donner des moyens à la promotion de la santé et à son évaluation ;
« - coordonner les actions en faveur de l'enfance pour mieux en assurer la continuité de la maternité à l'adolescence ;
« - renforcer immédiatement les actions et les programmes de prévention-éducation visant à éviter la dépendance chez l'adolescent (alcool, tabac, drogue, médicaments psychotropes) ;
« - maintenir en milieu de vie ordinaire les personnes âgées dépendantes qui en font librement le choix ;
« - améliorer les performances du système de lutte contre le cancer ;
« - prévenir les suicides ;
« - obtenir plus d'informations sur les morts accidentelles (hors accidents de la route et du travail) ;
« - réduire les accidents iatrogéniques évitables ;
« - garantir à tous l'accès à des soins de qualité ;
« - réduire les inégalités de santé intra et inter-régionales.
« 2.2. Les impératifs de prévention et d'évaluation sont au coeur des priorités de santé publique dégagées par la Conférence nationale de santé.
« La mise en oeuvre des priorités de santé publique.
« Les préoccupations de la conférence sur le renforcement de la prévention et de l'éducation en ce qui concerne les dépendances notamment chez les jeunes (alcool, tabac, drogue), la nécessité d'améliorer la coordination des soins, l'enjeu que constituent le développement et la généralisation d'une démarche d'évaluation, ainsi que la réduction de la mortalité prématurée (décès survenus avant l'âge de 65 ans), sont des préoccupations que le Gouvernement fait siennes.
« Dès 1997, la mise en oeuvre de la réforme hospitalière visera à corriger les inégalités inter-régionales face à la santé. Des mesures sont également proposées dans le projet de loi de financement afin de limiter la consommation de tabac et d'alcool. Enfin, en vue de garantir l'égal accès de tous aux soins, le projet de loi relatif à l'assurance maladie universelle sera présenté au début de l'année 1997.
« Les actions en faveur des populations les plus exposées.
« Conformément aux priorités dégagées par la Conférence nationale de santé, le Gouvernement renforcera le dispositif d'accès aux soins des personnes les plus démunies : schéma départemental obligatoire, accueil adapté dans les hôpitaux, accès assuré à la médecine préventive par un rôle accru des centres d'examen de santé de l'assurance maladie, lutte renforcée contre la tuberculose.
« Une politique déterminée de prévention des risques sanitaires.
« L'évolution au cours des dix dernières années des menaces sanitaires liées aux maladies infectieuses (notamment les nouveaux risques résultant des agents transmissibles non conventionnels ou prions) a rendu encore plus nécessaires le renforcement des mesures de surveillance et la capacité à déclencher des alertes et des interventions épidémiologiques rapides.
« Le développement du Réseau national de santé publique (RNSP) en 1992 répond à ce souci de surveillance et d'intervention rapide. Quatre cellules interrégionales d'épidémiologie d'intervention ont été créées depuis le début de l'année auprès des directions régionales des affaires sanitaires et sociales. Elles renforceront l'action des services déconcentrés de l'Etat et l'articulation entre le RNSP et ces services. D'ici à 1998, l'ensemble du territoire national sera couvert.
« Enfin, la sécurité sanitaire passe par une démarche d'amélioration de l'organisation administrative en matière d'expertise, de définition de mise en oeuvre des mesures à prendre, de délivrance des autorisations et de coordination des contrôles pour les produits industriels, biologiques, sanitaires ou alimentaires. Cette démarche débouchera en 1997.
« Les moyens budgétaires de l'Etat en 1997.
« Les programmes et dispositifs de l'Etat en faveur de la protection sanitaire de la population sont dotés de 430 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1997 contre 406 millions de francs en 1996, à structure constante. Cette progression de 6 % des crédits dans un contexte de stabilité en francs courants de l'ensemble des dépenses budgétaires témoigne de l'importance que le Gouvernement attache à l'amélioration de la santé publique.
« Par ailleurs, afin d'intensifier la lutte contre les grands fléaux, le Gouvernement prévoit de renforcer en 1997 les actions de lutte contre la toxicomanie et contre le sida, dont les crédits progresseront respectivement de 8,6 % et de 5,3 %.

« 3. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale met en oeuvre une réforme en profondeur du financement de la sécurité sociale.
« 3.1. La structure du financement de l'assurance maladie est inadaptée.
« L'assurance maladie était la seule des branches de la sécurité sociale à n'avoir pas fait l'objet, à ce jour, de réformes importantes quant à son mode de financement. Cela se traduit notamment dans la structure de ses ressources, qui sont encore composées à titre quasiment exclusif de cotisations sociales. Cette structure de financement conduit à faire peser l'essentiel du prélèvement sur les revenus d'activité.
« C'est une source d'iniquité : à revenu égal et pour des prestations identiques, l'effort demandé aux ménages peut s'avérer très variable selon la structure du revenu. Ceci est d'autant plus dommageable que la structure de revenus tend à évoluer au profit des revenus du patrimoine. Ainsi, de 1970 à 1993, la part des revenus du patrimoine dans le revenu des ménages est passée de 7 % à plus de 11 %. L'assiette des cotisations sociales n'a pas pris en compte ces évolutions.
« Par ailleurs, l'élargissement de l'assiette sur laquelle reposent les ressources de l'assurance maladie s'inscrit dans la perspective d'une assurance maladie universelle.
« 3.2. La réforme du financement de l'assurance maladie repose sur la contribution sociale généralisée.
« Le Gouvernement propose au Parlement, conformément aux engagements pris le 15 novembre 1995, une réforme du financement des différents régimes d'assurance maladie par un prélèvement assis sur l'ensemble des revenus. Ce prélèvement, identique pour l'ensemble des régimes, doit se substituer progressivement à une part des cotisations actuellement à la charge des assurés. La contribution sociale généralisée (CSG) a été retenue comme support de cette opération de transfert.
« 3.2.1. L'élargissement de l'assiette de la CSG.
L'utilisation de la CSG passe cependant par une adaptation de son assiette : de nombreux rapports, notamment ceux du Conseil des impôts, ont récemment souligné que ce prélèvement, pour être parfaitement équitable, devait subir quelques correctifs afin notamment de porter plus largement sur les revenus du capital.
« Aussi est-il proposé dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale que l'assiette de la CSG fasse l'objet d'un élargissement, comme l'avait annoncé le Premier ministre le 15 novembre 1995. Cette extension d'assiette conduit, pour les revenus d'activité, à une assiette identique à celle retenue pour la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) : cette harmonisation permet notamment de simplifier les opérations de précompte incombant aux entreprises.
« Pour les revenus de remplacement, et compte tenu de son taux, l'extension retenue est moins large que celle en vigueur pour la CRDS. Si les indemnités journalières de maladie, maternité, accidents du travail entrent, comme en matière de CRDS, dans l'assiette de la CSG, les prestations familiales et les aides au logement en demeurent exclues.
« Les règles applicables aux retraites, préretraites, allocations de chômage et pensions d'invalidité sont, quant à elles, adaptées par rapport à celles applicables actuellement aux cotisations. Ainsi, les pensions des personnes imposables mais non imposées du fait des réductions d'impôt seront soumises à la CSG. Cette nouvelle règle d'assujettissement est conforme à celle qui prévaut déjà en matière de taxe d'habitation.
« En ce qui concerne enfin les revenus du patrimoine, l'assiette retenue est, comme pour les revenus d'activité, identique à celle de la CRDS. Cette nouvelle définition de l'assiette permet de rééquilibrer le poids du prélèvement entre les différents revenus comme le montre le tableau ci-dessous :

Assiette de la cotisation étendue


COMPOSITION
du revenu
des ménages

(en %)

PRODUIT
de la
cotisation
maladie

(en %)


PRODUIT
de la CSG

(en %)

PRODUIT
de la CSG
étendue

(en %)

Revenus d'activité 62 81 74 71
Revenus de remplacement 27 19 19 18
Revenus du patrimoine 11 0 7 11


« Au total, la valeur du point de CSG était de 41,3 milliards de francs ; elle peut être désormais estimée à 44,2 milliards de francs. C'est sur les bases de la CSG ainsi modifiée que le Gouvernement propose d'opérer en 1997 une première étape du transfert entre la cotisation maladie et la CSG.
« 3.2.2. Le transfert entre la cotisation maladie et la CSG.
« La réforme du financement doit permettre une baisse des prélèvements pesant sur les revenus d'activité, contrepartie logique du rééquilibrage du prélèvement entre catégories de revenus. Le relèvement d'un point de la CSG proposé par le Gouvernement et affecté à l'assurance maladie s'accompagnera d'une diminution simultanée de 1,3 point de la cotisation maladie sur les revenus d'activié. Le Gouvernement propose que ce point supplémentaire de CSG soit déductible, puisqu'il se substitue à un prélèvement lui-même déductible de l'impôt sur le revenu.
« Les titulaires de revenus de remplacement assujettis en raison de la non-prise en compte des réductions d'impôt dans l'appréciation du critère d'exonération seront soumis à la fraction de la CSG affectée à l'assurance maladie (soit un prélèvement de 1 point).
« Il convient de souligner que l'extension d'assiette de la CSG n'a pas un impact sur la seule assurance maladie. Elle se traduit également par des recettes accrues pour la branche famille et pour le Fonds de solidarité vieillesse. Cet apport de ressources au FSV permet de transférer une partie des recettes de ce fonds (droit de consommation sur les alcools) vers les régimes d'assurance maladie. Au total, aucun régime ne sera pénalisé, la CNAMTS et la CANAM bénéficiant même d'un apport de financement supplémentaire. Cette opération constitue une première étape. Au vu de ses résultats, la substitution de la CSG à la cotisation maladie a vocation à se poursuivre dans les prochaines années.

« 4. Le projet de loi de financement pour 1997 marque une étape significative dans le redressement financier du régime général.
« Alors que le retour à une croissance économique plus ferme permet d'envisager, pour 1997, une évolution des recettes plus soutenue qu'en 1996, le mouvement d'inflexion des dépenses doit être conforté. La politique de maîtrise des dépenses de santé sera poursuivie sans que des mesures de déremboursement interviennent.
« 4.1. Malgré le ralentissement des dépenses d'ores et déjà engagé et une conjoncture économique plus favorable en 1997, la réduction spontanée du déficit n'est pas d'une ampleur suffisante.
« 4.1.1. Sur la base d'hypothèses prudentes en matière d'activité économique, les recettes du régime général accéléreraient progressivement en 1997.
« Après avoir marqué une pause à partir du printemps 1995, l'économie française a amorcé un redémarrage au premier semestre 1996. Dans ce contexte, le projet de loi de finances a retenu une hypothèse de croissance du PIB de 2,3 % en 1997 cohérente avec les prévisions retenues par nos partenaires européens, notamment l'Allemagne et avec celles des principaux instituts de prévision (par exemple : OCDE : 2,4 % ; OFCE : 2,2 %).
« La prévision de croissance des effectifs salariés de 0,8 % est conforme avec l'amélioration du contenu en emplois de la croissance. Le salaire moyen connaîtrait une légère accélération nominale de + 2,1 % à + 2,5 %. Au total, la masse salariale, principale assiette des ressources du régime général, augmenterait en valeur de 3,3 %.
« 4.1.2. L'inflexion des dépenses devrait se confirmer en 1997.
« La progression spontanée des prestations légales servies par le régime général toutes branches confondues poursuit son ralentissement. Elle devrait être de 2,6 % en 1997, soit 1,3 % en termes réels, hors mesures de redressement du projet de loi de financement.
« L'inflexion des dépenses d'assurance maladie a été très perceptible au cours de l'année 1996. La prolongation de cette tendance en 1997 permet à la Commission des comptes de la sécurité sociale de retenir un taux de croissance des dépenses d'assurance maladie inférieur à 2,5 % en 1997, des prestations vieillesse de moins de 4 % et des prestations familiales de 1,7 %.
« Toutes branches confondues, le processus de rééquilibrage est engagé : dans un contexte de croissance modérée, inférieure à la croissance potentielle de l'économie, la croissance spontanée des dépenses (+ 2,6 %) s'inscrit à un niveau inférieur à la croissance des recettes (+ 3,1 %). Ainsi, avant toute mesure supplémentaire de redressement, le déficit tendanciel s'établit à 47,2 milliards de francs en 1997 après un déficit de 51,5 milliards de francs en 1996.
« 4.2. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 propose d'amplifier le rééquilibrage sans déremboursement ni hausse des cotisations.
« 4.2.1. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale propose un ensemble de mesures spécifiques contribuant au rééquilibrage de la branche maladie, dans une logique de promotion du juste soin.
« Des outils au service du respect du juste soin.
« Selon l'OCDE, la France a consacré 9,9 % de sa richesse nationale en 1995 aux dépenses de santé. Ce niveau est supérieur à celui de nos principaux voisins (Allemagne : 9,6 %, Italie : 7,7 %, Royaume-Uni : 6,9 %). L'augmentation de ces dépenses ne garantit pas nécessairement l'amélioration de la qualité des soins ni un niveau élevé de prise en charge par l'assurance maladie. Les résultats de la France en matière d'indicateurs de santé publique ne sont d'ailleurs pas meilleurs que ceux de nos voisins.
« La réforme structurelle de l'assurance maladie aura notamment pour effet de renforcer en 1997 les outils de la maîtrise médicalisée des dépenses et la pratique du « juste soin » (respect des références médicales opposables, contrôle accru des arrêts de travail, des transports sanitaires et du respect des indications thérapeutiques des médicaments, formation médicale continue...). Elle prévoit également de diffuser à toute la population le carnet de santé qui sera un outil de responsabilisation des assurés et des professionnels.
« Par ailleurs, la répartition des moyens entre les régions et les hôpitaux devrait permettre de mieux ajuster les budgets aux besoins, aux coûts et à l'activité réelle des établissements, le développement accéléré des médicaments génériques va dégager des économies significatives et la cessation anticipée d'activité de médecins âgés de 56 à 65 ans devrait permettre de mieux maîtriser la démographie médicale.
« La mise en oeuvre de ces instruments permettra de dépenser mieux dès 1997. C'est pourquoi l'objectif national de dépenses d'asssurance maadie peut être fixé dans le projet de loi de financement à 600,2 milliards de francs, en augmentation de 10 milliards par rapport à 1996. Cet objectif est à comparer à ce qu'aurait été le niveau tendanciel des dépenses sans ces mesures, soit 604,5 milliards de francs pour l'ensemble des régimes.
« Les mécanismes de régulation existants, qui ont été renforcés, ainsi que les différentes sources d'économies citées plus haut permettent de considérer cet objectif comme réaliste. Il ne s'agit pas pour autant d'une enveloppe de crédits limitatifs, à la différence des lois de finances. Des droits sont ouverts et les prestations seront évidemment servies.
« La réforme du financement de la sécurité sociale contribue au redressement de la branche maladie.
« La substitution de la CSG à la cotisation sociale maladie entraîne une légère perte de recettes pour les différents régimes d'assurance maladie. Aussi, afin de ne pas accroître le besoin de financement de ces régimes, le Gouvernement propose de transférer aux régimes d'assurance maladie une partie des droits de consommation perçus par le FSV.
« Cette mesure ne pénalise par le FSV qui bénéficie dans le même temps de l'extension de l'assiette de la CSG (+ 3,8 milliards de francs). Elle permet ainsi de compenser pour tous les régimes d'assurance maladie les pertes éventuelles liées au transfert de la cotisation maladie sur la CSG, d'assurer la couverture du besoin de financement résiduel de la CANAM (à hauteur de 800 millions de francs en 1997), et d'apporter un complément de financement à la branche maladie du régime général à hauteur de 1,3 milliard de francs en 1997.
« Des recettes nouvelles répondant aux priorités de santé publique.
« Alors que la Conférence nationale de santé a souligné la nécessité de renforcer les actions visant à prévenir la dépendance, notamment des adolescents, vis-à-vis de l'alcool et du tabac, le Gouvernement envisage deux mesures destinées à soutenir ces priorités de santé publique.
« Afin de mettre en oeuvre une contribution des consommateurs de tabac à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie, le projet de loi de finances pour 1997 prévoit l'affectation d'une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs à la CNAMTS. Un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale reprend et intègre dans le code de la sécurité sociale l'apport de cette nouvelle recette à la CNAMTS et en pérennise l'affectation. Le montant de cette contribution est estimé à 3 milliards de francs en 1997.
« En ce qui concerne les alcools, il est proposé d'augmenter le droit de consommation sur l'alcool perçu par le FSV. Sont assujetties à ce droit les boissons dites "premix" dont les prix seront ainsi revalorisés pour réduire leur caractère incitatif à la consommation d'alcool, notamment auprès des jeunes. Le rendement de cette mesure devrait être de 850 millions de francs en 1997.
« Des mesures de clarification financière pour la branche maladie.
« La clarification financière de la branche maladie repose notamment sur deux mesures détaillées dans l'exposé des motifs des articles du projet de loi de financement : l'intégration financière du régime maladie des militaires dans le régime général et une participation accrue de la branche accidents du travail.
« Par alleurs, un troisième dispositif sera proposé prochainement au Parlement par le Gouvernement, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 1996 : il consistera en un versement par le budget de l'Etat d'une contribution exceptionnelle de 3 milliards de francs, liée au règlement des contentieux entre EDF-GDF et les URSSAF.
« Le rendement attendu de ces trois propositions s'élève à 5,2 milliards de francs en 1997.
L'objectif de dépenses, en 1997, pour la branche maladie-maternité-invalidité-décès (662,1 milliards de francs), qui recouvre la totalité des dépenses prévisionnelles (et non les seules dépenses directement liées au risque), intègre au demeurant une provision de 300 millions de francs destinée, le cas échéant, à faire face aux dépenses entraînées par des mesures de santé publique imprévues ou nées d'une volonté commune des pouvoirs publics, des organismes de sécurité sociale et des professions de santé.
« 4.2.2 La poursuite du rééquilibrage des branches famille et vieillesse.
« Pour la branche famille, le schéma de redressement financier proposé par le Gouvernement repose principalement sur l'extension d'assiette de la CSG, l'augmentation du taux de cotisations familiales pour l'Etat et les entreprises publiques.
« En matière de vieillesse, il est prévu comme il a déjà été mentionné d'améliorer le taux de prise en charge par le FSV des périodes de validation pour les chômeurs non indemnisés.
« 4.2.3. Des mesures ayant un impact financier sur les quatre branches du régime général.
« Une extension à la part salariale des cotisations sociales du régime de l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS) et la suppression du cumul sur un même emploi du bénéfice des conventions de préretraite progressive et de l'abattement de 30 % sur les cotisations patronales pour les emplois à temps partiel permettent de dégager des recettes nouvelles pour le régime général, à hauteur respectivement de 1 550 millions de francs et 200 millions de francs en 1997.
« Le projet de loi de financement fixe pour objectif de réduire le déficit du régime général à 30,4 milliards de francs en 1997. Il entend ainsi marquer une étape décisive dans le retour à l'équilibre des comptes qui doit, compte tenu des fluctuations de la croissance économique, être apprécié sur une période pluriannuelle. Ainsi, la poursuite de l'effort de maîtrise des dépenses dans la loi de financement des années ultérieures devrait, sur la base d'hypothèses économiques prudentes, permettre aux comptes sociaux de revenir à l'équilibre sur l'ensemble des deux exercices 1998 et 1999.
« Assurer le retour durable à l'équilibre financier dans le respect de l'impératif d'équité et d'égal accès aux soins qui sont des acquis fondamentaux de la sécurité sociale, c'est tout l'objectif de la réforme de la sécurité sociale qui s'est mise en place en 1996 et qui se poursuivra en 1997. Les effets structurels et les incidences financières de cette réforme se feront sentir progressivement, grâce à la réforme du financement qui permettra d'asseoir les ressources de la sécurité sociale sur une assiette élargie et grâce à une maîtrise accrue des dépenses respectueuse de la qualité des soins et des orientations de la politique de sécurité sociale. C'est la condition nécessaire de la préservation du système français de sécurité sociale. »
Je poursuis la lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« CONTRÔLE DU RESPECT DES OBJECTIFS

« Art. 1er bis A. - Les membres du Parlement qui ont la charge de présenter, au nom de la commisison compétente, le rapport sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale, suivent et contrôlent, sur pièces et sur place, l'application de ces lois auprès des administrations de l'Etat et des établissements publics compétents. Réserve faite des informations couvertes par le secret médical ou le secret de la défense nationale, tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce soit.
« Art. 1er bis . - Suppression maintenue.
« Art. 1er ter . - Suppression maintenue.
« Art. 1er quater . - Suppression maintenue.
« Art. 1er quinquies . - Pour l'information du Parlement, le Gouvernement lui présente chaque année un rapport rattaché à l'annexe visée au b du II de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale et comprenant les éléments suivants :
« - le bilan des contrôles médicaux effectués dans le secteur de l'hospitalisation ;
« - l'état de la réforme de la nomenclature générale des actes professionnels ;
« - l'exécution budgétaire de la loi de financement ;
« - le bilan des expérimentations des "filières et des réseaux de soins" ;
« - la mise en oeuvre des références médicales opposables ;
« - les restructurations hospitalières ;
« - le bilan de l'exécution du programme de médicalisation des systèmes d'information ;
« - le bilan des contrôles d'attribution des prestations familiales.

« TITRE II

« « DISPOSITIONS RELATIVES
AUX CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

« PRÉVISIONS DES RECETTES

« Art. 2. - Pour 1997, les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement sont fixées aux montants suivants :

« (En milliards de francs)
« Cotisations effectives 1 152,4
« Cotisations fictives 181,9
« Contributions publiques 63,9
« Impôts et taxes affectés 223,6
« Transferts reçus 4,7
« Revenus des capitaux 1,8
« Autres ressources 30,0
« Total des recettes 1 658,3

« OBJECTIFS DE DÉPENSES PAR BRANCHE

« Art. 3. - Pour 1997, les objectifs de dépenses par branche de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres sont fixés aux montants suivants :

« (En milliards de francs)
« Maladie-maternité-invalidité-décès 662,1
« Vieillesse-veuvage 726,7
« Accidents du travail 54,7
« Famille 241,7
« Total des dépenses 1 685,2

« OBJECTIF NATIONAL
DE DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

« PLAFONDS D'AVANCES DE TRÉSORERIE


« TITRE III

« DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

« Section 1

« Extension d'assiette de la contribution
sociale généralisée


« Art. 6 bis . - A l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "perçus à compter du 1er février 1991" sont supprimés.

« Art. 7 bis . - I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est modifié comme suit : les mots "lève cette option," sont remplacés par les mots : "ne remplit pas les conditions prévues au I de l'article 163 bis C du code général des impôts" ; après les mots : "comme une rémunération" sont insérés les mots : "le montant déterminé conformément au II du même article. Toutefois" et après les mots : "article 80 bis du même code" sont insérés les mots : "est considéré comme une rémunération lors de la levée de l'option".
« II. - Au paragraphe V de l'article 6 de la loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970 relative à l'ouverture d'options de souscription ou d'achat d'actions au bénéfice du personnel des sociétés, les mots : "et de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale" sont supprimés.
III. - Au deuxième alinéa du e du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et au 5° du I de l'article premier de la loi n° 87-516 du 10 juillet 1987 portant diverses mesures relatives au financement de la sécurité sociale, les mots : "le prix de souscription ou d'achat majoré le cas échéant de l'avantage visé au deuxième alinéa de l'article L. 242-1" sont remplacés par les mots : "la valeur réelle de l'action à la date de la levée de l'option".
« IV. - Les dispositions des I, II et III s'appliquent aux options levées à compter du 1er janvier 1997.
« Art. 8. - L'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa du I, au II, au 1° et aux premier et deuxième alinéas du 2° du V, les mots : "la date de la publication de la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993" sont remplacés par les mots : "la date de la publication de la dernière loi de financement de la sécurité sociale" ;
« 2° Au premier alinéa du I, les mots : "de l'article 128 ci-dessus" sont remplacés par les mots : "de l'article L. 136-2" ;
« 3° La première phrase du III est ainsi rédigée :
« La contribution due sur les pensions d'invalidité et sur les indemnités journalières ou allocations visées au 7° du II de l'article L. 136-2 est précomptée par l'organisme débiteur de ces prestations et versée à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, dans les conditions prévues aux articles L. 243-2 et L. 612-9 du présent code et à l'article 1031 du code rural. » ;
4° Au dernier alinéa du V, les mots : "aux articles 127 à 130" sont remplacés par les mots : "aux articles L. 136-1 à L. 136-4".

« Art. 10. - L'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au I, les mots : ", à compter du 1er janvier 1991," sont supprimés ;
« 2° Au I, après les mots : "sont assujettis à une contribution,", sont insérés les mots : "à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des 3° et 4° du II ci-après et" ;
« 3° Le II devient le V et est ainsi modifié : les mots : "au I" sont remplacés par les mots : "aux I, II et IV ci-dessus" ;
« 4° Il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. - Sont également assujettis à la contribution selon les modalités prévues au I, pour la part acquise à compter du 1er janvier 1997 et, le cas échéant, constatée à compter de cette même date en ce qui concerne les placements visés du 3° au 10° :
« 1° Les intérêts et primes d'épargne des comptes d'épargne-logement visés à l'article L. 315-1 du code de la construction et de l'habitation, respectivement lors de leur inscription en compte et de leur versement ;
« 2° Les intérêts et primes d'épargne des plans d'épargne-logement visés à l'article R. 315-24 du code de la construction et de l'habitation lors du dénouement du contrat ;
« 3° Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu'aux placements de même nature mentionnés à l'article 125-0A du code général des impôts quelle que soit leur date de souscription, lors de leur inscription au contrat ou lors du dénouement pour les bons et contrats en unités de compte visés au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances ;
« 4° Les produits des plans d'épargne populaire, ainsi que les rentes viagères et les primes d'épargne visés au premier alinéa du 22° de l'article 157 du code général des impôts, respectivement lors de leur inscription en compte et de leur versement ;
« 5° Le gain net réalisé ou la rente viagère versée lors d'un retrait de sommes ou valeurs ou de la clôture d'un plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D du code général des impôts dans les conditions ci-après :
« a) Avant l'expiration de la huitième année, le gain net est déterminé par différence entre, d'une part, la valeur liquidative du plan ou la valeur de rachat pour les contrats de capitalisation à la date du retrait ou du rachat, et, d'autre part, la valeur liquidative ou de rachat au 1er janvier 1997 majorée des versements effectués depuis cette date ;
« b) Après l'expiration de la huitième année, le gain net afférent à chaque retrait ou rachat est déterminé par différence entre, d'une part, le montant du retrait ou rachat et, d'autre part, une fraction de la valeur liquidative ou de rachat au 1er janvier 1997 augmentée des versements effectués sur le plan depuis cette date et diminuée du montant des sommes déjà retenues à ce titre lors des précédents retraits ou rachats ; cette fraction est égale au rapport du montant du retrait ou rachat effectué à la valeur liquidative totale du plan à la date du retrait ou du rachat ;
« 6° Lorsque les intéressés demandent la délivrance des droits constitués à leur profit au titre de la participation aux résultats de l'entreprise en application du chapitre II du titre IV du livre IV du code du travail, le revenu constitué par la différence entre le montant de ces droits et le montant des sommes résultant de la répartition de la réserve spéciale de participation dans les conditions prévues à l'article L. 442-4 du même code ;
« 7° Lorsque les intéressés demandent la délivrance des sommes ou valeurs provenant d'un plan d'épargne entreprise au sens du chapitre III du titre IV du livre IV du code du travail, le revenu constitué par la différence entre le montant de ces sommes ou valeurs et le montant des sommes versées dans le plan ;
« 8° Les répartitions de sommes ou valeurs effectuées par un fonds commun de placement à risques dans les conditions prévues aux I et II de l'article 163 quinquies B du code général des impôts, les gains nets mentionnés à l'article 92 G du même code ainsi que les distributions effectuées par les sociétés de capital-risque dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 163 quinquies C du même code, lors de leur versement ;
« 9° Les gains nets et les produits des placements en valeurs mobilières effectués en vertu d'un engagement d'épargne à long terme respectivement visés aux 5° de l'article 92 D et 16° de l'article 157 du code général des impôts, lors de l'expiration du contrat ;
« 10° Les revenus mentionnés au 5° de l'article 157 du code général des impôts procurés par les placements effectués dans le cadre d'un plan d'épargne en vue de la retraite, lors des retraits. » ;
« 5° Il est inséré un III ainsi rédigé :
« III. - Les dispositions du II ne sont pas applicables aux revenus visés au 3° dudit II s'agissant des seuls contrats en unités de compte, ni aux revenus mentionnés aux 5° à 10°, lorsque ces revenus entrent dans le champ d'application de l'article L. 136-6. » ;
« 6° Il est inséré un IV ainsi rédigé :
« IV. - 1. - La contribution sociale généralisée due par les établissements payeurs au titre des mois de décembre et janvier sur les revenus de placement visés aux 1° et 3° pour les contrats autres que les contrats en unités de compte et 4° du II du présent article fait l'objet d'un versement déterminé d'après les revenus des mêmes placements soumis l'année précédente à la contribution sociale généralisée au cours des mois de décembre et janvier et retenus à hauteur de 90 % de leur montant.
« Ce versement est égal au produit de l'assiette de référence ainsi déterminée par le taux de la contribution fixé à l'article L. 136-8 ; son paiement doit intervenir le 30 novembre au plus tard.
« 2. - Lors du dépôt en janvier et février des déclarations, l'établissement payeur procède à la liquidation de la contribution. Lorsque le versement effectué en application du 1 est supérieur à la contribution réellement due, le surplus est imputé sur la contribution sociale généralisée due à raison des autres produits de placement et, le cas échéant, sur les autres prélèvements ; l'excédent éventuel est restitué.
« 3. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

« Section 2

« Substitution de la contribution sociale généralisée
à la cotisation maladie

« Art. 13. - L'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 136-8. - I. - Le taux des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 est fixé à 3,40 %, sous réserve des taux fixés au III de l'article L. 136-7-1.
« II. - Par dérogation au I, sont assujettis à la contribution sociale au taux de 1 % les revenus visés aux 1° et 2° du III de l'article L. 136-2, perçus par les personnes dont la cotisation d'impôt sur le revenu de l'année précédente est inférieure au montant mentionné au 1 bis de l'article 1657 du code général des impôts et dont la cotisation de l'année précédente définie aux I et II de l'article 1417 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 1997 est supérieure à ce même montant.
« III. - Le produit des contributions mentionnés au I est versé à la caisse nationale des allocations familiales pour la part correspondant à un taux de 1,1 %, au fonds institué par l'article L. 135-1 pour la part correspondant à un taux de 1,3 % et, dans les conditions fixées à l'article L. 139-2, aux régimes obligatoires d'assurance maladie pour la part correspondant à un taux de 1 %, y compris dans le cas mentionné au II. Le produit des contributions visées au III de l'article L. 136-7-1 est réparti au prorata des taux visés dans le présent alinéa.
« Art. 14. - Le titre III du livre premier du code de la sécurité sociale est complété par un chapitre 9 intitulé : Répartition de ressources entre les régimes obligatoires d'assurance maladie, qui comprend les articles L. 139-1 et L. 139-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 139-1. - L'agence centrale des organismes de sécurité sociale reçoit et reverse aux régimes obligatoires d'assurance maladie une fraction fixée à 40 % du produit du droit de consommation prévu à l'article 403 du code général des impôts, à l'exception du produit de ce droit perçu dans les départements de la Corse et du prélèvement effectué au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles selon les dispositions de l'article 1615 bis du même code.
« Art. L. 139-2. - L'agence centrale des organismes de sécurité sociale centralise la part du produit des contributions visée au III de l'article L. 136-8 attribuée aux régimes obligatoires d'assurance maladie et le produit des droits visé à l'article L. 139-1 et les répartit comme suit :
« 1° En fonction de la perte des cotisations d'assurance maladie induite pour chacun des régimes par les diminutions des taux de cotisation d'assurance maladie destinées à compenser pour les assujettis le relèvement du taux de la contribution sociale généralisée ;
« 2° Pour la fraction restant après la répartition visée au 1° :
« a) En priorité, en fonction du déficit comptable, le cas échéant avant affectation de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, du régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles et du régime d'assurance maladie des travailleurs salariés ;
« b) Puis, le cas échéant, au prorata du déficit comptable des autres régimes obligatoires d'assurance maladie.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article, notamment celles des diminutions des taux de cotisation d'assurance maladie mentionnés au 1° ci-dessus qui sont prises en compte pour le calcul de la perte de cotisations d'assurance maladie supportée par chacun des régimes. Un arrêté pris après avis des régimes obligatoires d'assurance maladie fixe la répartition de la part des produits visés au premier alinéa du présent article entre lesdits régimes. »

« Art. 20. - A la section III du chapitre III-1 du titre II du livre VII du code rural, il est inséré un article 1106-6-3 ainsi rédigé :
« Art. 1106-6-3. - Les ressources des assurances maladie, maternité et invalidité garantissant les personnes visées du 1° au 5° du I de l'article 1106-1 sont notamment constituées par une fraction du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1. L. 136-6, L. 137-1 du code de la sécurité sociale, et une fraction du produit des droits visé à l'article L. 139-1 du même code, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2 de ce code ».
« Art. 21. - L'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Une fraction du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1, à concurrence d'un montant correspondant à l'application d'un taux de 1,3 % à l'assiette de ces contributions ; »
« 2° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Le produit des droits prévus aux articles 402 bis , 406 A, 438 et 520 A du code général des impôts ainsi qu'une fraction fixée à 60 % du produit du droit de consommation prévu à l'article 403 du même code, à l'exception du produit de ce droit de consommation perçu dans les départements de la Corse et du prélèvement effectué au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles selon les dispositions de l'article 1615 bis du même code. »

« TITRE IV

« AUTRES DISPOSITIONS FINANCIÈRES

« Chapitre Ier

« Branche maladie


« Art. 24 bis . - Les boissons obtenues par mélange préalable entre les boissons visées au 5° de l'article premier du code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme et des boissons sans alcool font l'objet d'une taxe perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
« Le montant de la taxe est fixé à 1,50 franc par décilitre.
« La taxe est due par les fabricants sur le territoire national, à défaut par les importateurs ou ceux qui réalisent l'acquisition intra-communautaire de ces boissons.
« La taxe est recouvrée et contrôlée comme le droit de consommation visé à l'article 403 du code général des impôts.
« Art. 25. - I. - L'article L. 176-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 176-1. - Il est institué à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, au profit de la branche maladie, maternité, invalidité, décès du régime général, un versement annuel pour tenir compte des dépenses supportées par cette dernière branche au titre des affections non prises en charge en application du livre IV.
« Le montant de ce versement est pris en compte dans la détermination des éléments de calcul de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il est revalorisé dans les conditions fixées à l'article L. 434-17.
« Un décret détermine les modalités de la participation au financement de ce versement forfaitaire des collectivités, établissements et entreprises mentionnés à l'article L. 413-13 et assumant directement la charge totale de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, en fonction des effectifs et des risques professionnels encourus dans les secteurs d'activité dont ils relèvent. »
« II. - Un décret pris après avis d'une commission présidée par un magistrat à la Cour des comptes et concertation avec la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles mentionnée à l'article L. 221-4 du code de la sécurité sociale fixe les modalités de calcul du versement prévu au I.
« Pour 1997 et à titre provisionnel, le versement prévu au I est fixé à un milliard de francs.

« Art. 27 bis. - Supprimé.
« Art. 27 ter. - I. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 322-5 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
« II. - Il est inséré dans le code de la sécurité sociale, après l'article L. 322-5, cinq articles L. 322-5-1 à L. 322-5-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 322-5-1. - L'assuré est dispensé de l'avance de ses frais pour la part garantie par les régimes obligatoires d'assurance maladie dès lors que le transport est réalisé par une entreprise de transports sanitaires conventionnée.
« La participation de l'assuré versée aux prestataires de transports sanitaires est calculée sur la base des tarifs mentionnés à l'article L. 322-5-3. »
« Art. L. 322-5-2. - Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les entreprises de transports sanitaires sont définis par une convention nationale conclue pour une durée au plus égale à cinq ans entre une ou plusieurs organisations syndicales nationales les plus représentatives des ambulanciers et au moins deux caisses nationales d'assurance maladie dont la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
« Cette convention détermine notamment :
« 1° Les obligations respectives des organismes qui servent les prestations d'assurance maladie et des entreprises de transports sanitaires ;
« 2° Les modalités du contrôle de l'exécution par les entreprises de transports sanitaires des obligations qui découlent pour elles de l'application de la convention ; « 3° Les conditions à remplir par les entreprises de transports sanitaires pour être conventionnées ;
« 4° Le financement des instances nécessaires à la mise en oeuvre de la convention et de ses annexes annuelles ;
« 5° Sans préjudice des compétences du pouvoir réglementaire, les modalités de détermination des sommes dues aux entreprises ainsi que les mécanismes par lesquels est assuré le respect de l'objectif prévu au 1° de l'article L. 322-5-3. »
« Art. L. 322-5-3. - Chaque année, une annexe à la convention prévue à l'article L. 322-5-2 fixe :
« 1° L'objectif prévisionnel national d'évolution des dépenses de transports sanitaires prises en charge par les régimes d'assurance maladie ;
« 2° Les tarifs applicables aux transports sanitaires et servant de base au calcul de la participation de l'assuré ;
« 3° Le cas échéant, l'adaptation en cohérence avec celui-ci de l'objectif mentionné au 1° ci-dessus, par zones géographiques et par périodes au cours de l'année, que l'annexe détermine. »
« Art. L. 322-5-4. - La convention, ses annexes et avenants n'entrent en vigueur qu'après approbation par arrêté interministériel.
« Dès son approbation, la convention est applicable à l'ensemble des entreprises de transports sanitaires. Toutefois, ses dispositions ne sont pas applicables :
« 1° Aux entreprises qui, dans des conditions déterminées par la convention, ont fait connaître à l'organisme servant les prestations d'assurance maladie qu'elles n'acceptent pas d'être régies par ladite convention ;
« 2° Aux entreprises dont l'organisme servant les prestations d'assurance maladie a constaté qu'elles se sont placées hors de la convention par violation des engagements qu'elle prévoit. Cette décision est prononcée dans les conditions prévues par la convention.
« Pour les entreprises non régies par la convention nationale, les tarifs servant de base au remboursement sont fixés par arrêté interministériel. »
« Art. L. 322-5-5. - A défaut de signature avant le 15 décembre de l'annexe conventionnelle visée à l'article L. 322-5-3, l'objectif et les tarifs visés au même article sont fixés par arrêté ministériel.
« A défaut de publication avant le 31 décembre de l'arrêté d'approbation de cette même annexe conventionnelle, l'objectif et les tarifs visés à l'article L. 322-5-3 sont prorogés pour une durée ne pouvant pas excéder un an. »
« Art. 27 quater. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les facturations des établissements de santé privés régis par l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale aux organismes d'assurance maladie et les versements y afférents, effectués au titre du complément afférent aux frais de salle d'opération visé à l'article R. 162-32 du code précité, sont validés en tant qu'ils résultent de l'application de l'arrêté du 13 mai 1991.

« Chapitre II

« Toutes branches


« Chapitre III

« Autres mesures


« Art. 30 bis. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les sommes effectivement versées par les régimes en application du deuxième alinéa et au-delà des versements effectués en application du premier alinéa ne peuvent être supérieures, pour chacun d'entre eux et chaque exercice comptable, à 25 % du total des prestations qu'ils servent.

« Art. 32. - I. - A la fin du premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social, les mots : "ainsi qu'à des opérations favorisant la transmission ou la restructuration d'entreprises commerciales ou artisanales" sont remplacés par les mots : ", à des opérations favorisant la transmission ou la restructuration d'entreprises commerciales ou artisanales ainsi qu'au financement des régimes d'assurance vieillesse de base des professions artisanales, industrielles et commerciales." ».
« II. - L'article L. 633-9 du code de la sécurité sociale est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Une fraction du produit de la taxe d'aide aux commerçants et artisans instituée par la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et d'artisans âgés ; son montant, réparti au prorata de leur déficit comptable, après financement de l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux et avant affectation de la contribution sociale de solidarité visée à l'article L. 651-1, entre la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales et la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales, est fixé chaque année par un arrêté interministériel. »
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à l'excédent de la taxe d'aide aux commerçants et artisans constaté au 31 décembre 1996.
« Art. 33. - I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces ressources prennent en compte un montant forfaitaire déterminé en pourcentage de la base mensuelle de calcul visée à l'article L. 551-1, variable selon le nombre d'enfants à charge, fixé par décret, représentatif soit du bénéfice d'une des aides personnelles au logement visées au 4° de l'article L. 511-1, aux articles L. 755-21 ou L. 831-1 du présent code ou à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation dans la limite du montant de l'aide due, soit de l'avantage en nature procuré par un hébergement au titre duquel aucune de ces aides n'est due. »
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux demandes d'allocation de parent isolé déposées à compter du 1er avril 1997.
III. - A l'article L. 351-10 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : "des prestations familiales", sont insérés les mots : "autres que l'allocation de parent isolé dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale.
« Art. 34. - Suppression maintenue. »
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
Nous allons maintenant examiner l'amendement déposé par le Gouvernement sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Article 27 ter

M. le président. Par amendement n° 1, le Gouvernement propose de rédiger ainsi le texte présenté par le paragraphe II de cet article pour l'article L. 322-5-5 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 322-5-5. - A défaut de conclusion de l'annexe mentionnée à l'article L. 322-5-3 dans les cinquante jours qui suivent la publication de la loi de financement de la sécurité sociale, ou d'approbation de cette annexe par arrêté ministériel dans les quinze jours après sa transmission par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, l'objectif et les tarifs en vigueur le 31 décembre de l'année précédente, sont prorogés pour une durée ne pouvant excéder un an. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Le texte initial présenté par le Gouvernement en première lecture au Sénat prévoyait que, si l'annexe annuelle à la convention liant les organisations les plus représentatives de transporteurs sanitaires aux caisses d'assurance maladie n'est pas conclue avant le 15 décembre, l'objectif et les tarifs en vigueur sont prorogés pour une durée ne pouvant dépasser un an.
La commission mixte paritaire propose qu'en cas d'absence de conclusion de l'annexe annuelle à la convention avant le 15 décembre, l'objectif et les tarifs de l'année suivante soient fixés par arrêté ministériel et qu'en cas d'absence de publication de cet arrêté avant le 31 décembre, l'objectif et les tarifs en vigueur soient prorogés pour une durée ne pouvant excéder un an.
Cependant, une telle rédaction, en prévoyant l'intervention éventuelle d'un arrêté substitutif à l'annexe annuelle en cas de carence des parties à la convention, va au-delà de l'esprit de l'accord intervenu à l'issue des discussions avec les syndicats représentatifs de transports sanitaires.
Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité modifier la rédaction initiale de son amendement : en effet, la rédaction initiale de l'amendement gouvernemental prévoyait que l'annexe devait être conclue avant le 15 décembre alors que la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale peut intervenir plus tardivement.
Il est en conséquence proposé de prévoir la conclusion de l'annexe conventionnelle dans un délai de cinquante jours après la publication de la loi de financement de la sécurité sociale, et de fixer à quinze jours à compter de la transmission de l'annexe ainsi conclue le délai d'intervention de l'arrêté interministériel d'approbation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Favorable.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du texte, je donne la parole à M. Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de cette première discussion sur la loi de financement de la sécurité sociale. Lorsque l'on en fait un bilan sommaire, c'est le scepticisme qui l'emporte sur tout autre sentiment.
Nous nous sommes tous accordés, mes chers collègues, pour constater, d'abord, que le débat comptable auquel nous a conduit la nature même du dispositif qui nous était soumis n'a malheureusement pas permis d'aborder les vraies questions : quelle politique de santé publique pour la France ? Quelle réforme de la protection sociale ?
Pis, l'Assemblée nationale n'a pas pu, ou plutôt n'a pas su sortir du piège qui lui a été tendu par les corporatismes les plus divers ; elle a ainsi offert aux acteurs du système de protection sociale ; en particulier aux professions de santé, un spectacle navrant.
Quant au Sénat, malgré les efforts de nos collègues, de M. le président de la commission des affaires sociales et de M. le rapporteur, le bilan est, somme toute, assez maigre : la fameuse « cagnotte » a été ramenée de 1 milliard de francs à 300 millions de francs et les débats au sein de la commission mixte paritaire ont montré qu'on ne savait pas trop qu'en faire. C'est là un gage dont on ne peut nier les aspects moralisateurs, mais dont on peut craindre qu'il ne se situe pas, loin s'en faut, à la hauteur de vos ambitions financières.
En ce qui concerne le déficit, effectivement, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit d'une loi de financement et non pas d'une loi de finances. La loi de finances prévoit un article d'équilibre. Il n'empêche que, quand on vote une loi de financement, on doit tout de même avoir une petite idée de la façon dont on va financer le déficit.
De plus, on doit s'assurer que les prévisions en ce qui concerne ce déficit, surtout lorsqu'elles sont faites à long terme, sont aussi réalistes que possible. Or, nous sommes bien obligés de constater, comme je le faisais remarquer tout à l'heure, que vos prévisions, monsieur le secrétaire d'Etat, sont loin d'être réalistes et que les experts qui conseillent notre Haute Assemblée sont arrivés à des chiffres totalement divergents.
Faut-il conseiller au Gouvernement et à la majorité sénatoriale de choisir ces experts-là, ou bien faut-il continuer de courir le risque de voir les prévisions du Gouvernement infirmées par les faits ? Je ne répondrai pas à cette question.
Quoi qu'il en soit, ces divergences entre les chiffres n'ont fait qu'aggraver le trouble qui règne dans les esprits.
C'est une raison supplémentaire pour que nous ne votions pas ce texte.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Puisque notre collègue est revenu sur le problème du choix des experts, je suis amené à faire de même, après M. Fourcade.
Je rappelle que, si les comptes de la sécurité sociale sont en déficit en 1996, c'est parce que les prévisions des experts quant à l'augmentation de la masse salariale pour 1996 étaient erronées, et pas de la largeur du trait !
Je rappelle aussi que tous les experts - non seulement ceux de l'Etat, mais aussi les experts privés - ont prévu pour 1996 une augmentation de la masse salariale de 5,3 %. En fait, elle a été de 2,3 %. L'écart entre les prévisions des experts et la réalité a donc dépassé les 40 milliards de francs.
Il est rare que je mette en cause les fonctionnaires, mais j'avais fait la même remarque à la commission des comptes de la sécurité sociale, et pour la première fois depuis dix ans que j'y siège, on a donné la parole aux experts du Plan pour qu'ils essaient de se justifier.
Cela dit, ils ne sont pas seuls en cause, puisque tout le monde s'est trompé.
En l'occurrence, excusez-moi de le dire, il s'agit d'expertise au « doigt mouillé », et les hommes politiques sont aussi experts que des experts officiels, surtout quand ces derniers font des erreurs pareilles.
De plus, s'il existe une volonté politique, on peut toujours trouver un chemin, même sans les conseils des experts. Je souhaire donc que le Gouvernement, celui-ci et les autres, ait la volonté politique d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale, et les experts s'aligneront !
J'ajoute, mon cher collègue, que, depuis vingt ans, toutes tendances politiques confondues, les parlementaires déposent des propositions de loi émanant de tous les groupes pour que le budget de la sécurité sociale soit débattu au Parlement. Aussi suis-je quelque peu étonné que vous contestiez la première loi de financement de la sécurité sociale et que vous votiez contre.
Enfin, j'ai cru comprendre, monsieur Autain, que vous estimiez que la provision pour les médecins était insuffisante. Les crédits, sont toujours insuffisants ! Mais, vous qui êtes médecin, vous savez combien un tel dispositif a été bien reçu par les médecins.
Nous avons finalement retenu 300 millions de francs.
Certes, il eut mieux valu un ou deux milliards de francs, mais nous verrons combien nous dépenserons, Pour ma part, j'estime que mieux vaut 300 millions de francs que rien du tout !
Heureusement que la majorité du Sénat ne va pas suivre votre avis et va voter le texte, sinon les médecins n'auraient même pas cette provision ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifiée par l'amendement n° 1.

(Le projet de loi est adpoté.)

6

LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. (N°s 85 et 86 [1996-1997].)

Travail et affaires sociales
II. - SANTÉ PUBLIQUE ET SERVICES COMMUNS

III. - ACTION SOCIALE ET SOLIDARITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le travail et les affaires sociales :
II. - Santé publique et service communs
III. - Action sociale et solidarité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en application de notre nouvelle procédure de discussion budgétaire, j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter le volet social du budget du travail et des affaires sociales.
Depuis l'exercice 1996, les crédits correspondants sont présentés en deux fascicules distinct : d'une part, celui de la santé publique et des services communs et, d'autre part, celui de l'action sociale et de la solidarité. Cette dichotomie ne paraît pas répondre à une nécessité très forte car les moyens matériels et humains des services sanitaires et sociaux sont communs aux deux fascicules. C'est bien d'ailleurs cet ensemble que M. Jacques Barrot a présenté dans son audition devant notre commission.
L'évolution de ce budget s'inscrit dans un contexte de stabilisation des dépenses de l'Etat et de réforme du sytème de protection sociale.
Les ordonnances du printemps dernier et la loi de financement de la sécurité sociale que nous venons de voter visent à redresser les comptes sociaux dans l'immédiat et à permettre la maîtrise de ceux-ci dans le futur. Cette grande réforme n'est pas sans incidence sur les crédits du ministère qui a la tutelle de la sécurité sociale.
L'évolution du budget des afffaires sociales et de la santé traduit donc bien la priorité que le Gouvernement accorde à la santé publique et à la cohésion sociale. L'augmentation des crédits n'est plus l'unique critère d'appréciation, une diminution pouvant être un signe de meilleure gestion, c'est d'ailleurs un signe des temps. Sous cette réserve, les crédits demandés en 1997 s'élèvent à 69,5 milliards de francs, soit une progression de 3 % par rapport au budget voté en 1996. Il s'agit donc de l'un des rares budgets présentés en augmentation cette année.
J'en arrive à la répartition par grandes masses de crédits.
Les crédits du fascicule de la santé publique et des services communs s'élèvent à 8,116 milliards de francs ; ils sont en diminution de 1,5 % par rapport à 1996 en raison du transfert au budget du Premier ministre des crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Les dépenses de l'administration générale sont stabilisées au niveau de 5,06 milliards de francs, tandis que les dépenses d'intervention sanitaire diminuent de 3,1 % pour s'établir à 3,054 milliards de francs. Toutefois, à structure constante, ces dépenses d'intervention sanitaire auraient augmenté de 8,5 %.
Les crédits consacrés aux personnes âgées et aux personnes handicapées progressent de 5,9 % - ils atteignent 28,7 milliards de francs - tandis que ceux qui sont consacrés à la lutte contre l'exclusion augmentent de 5,8 % - ils s'élèvent à 28,3 milliards de francs. Il s'agit donc de deux masses budgétaires à peu près comparables.
Les crédits consacrés au développement de la vie sociale sont simplement reconduits : 4,4 milliards de francs.
Ainsi, les postes les plus importants du budget des affaires sociales et de la santé sont présentés en augmentation pour 1997. J'estime toutefois, même si cela peut surprendre certains d'entre vous, qu'il n'y a pas lieu de s'en féliciter dans tous les cas. En effet, si certaines évolutions de crédits résultent de choix assumés par le Gouvernement, d'autres augmentations apparaissent comme largement subies.
Ainsi, de nombreuses mesures du budget de la santé publique et des services communs sont destinées à accompagner la réorganisation du système de soins décidée et mise en oeuvre avec détermination par le Gouvernement.
Les deux mesures les plus marquantes sont l'inscription, pour la première fois en 1997, de crédits consacrés à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, et aux agences régionales de l'hospitalisation, qui ont été créées par l'ordonnance du 24 avril 1996 et qui joueront, nous le savons, un rôle éminent dans la réforme de nos structures hospitalières.
Une dotation de 35 millions de francs est allouée à l'ANAES, une autre dotation de 98 millions de francs étant prévue pour les vingt-quatre agences régionales de l'hospitalisation.
Ces organismes nouveaux seront, je l'ai dit, des acteurs stratégiques de la politique de rationalisation des modes d'allocations des ressources aux hôpitaux.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, j'insiste sur la nécessité qu'il y a de réduire vigoureusement les inégalités qui existent entre les régions en matière de dotation hospitalière. Lors de la présentation du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, j'avais souligné que ces dotations variaient du simple au double, ce qui est évidemment excessif. Il ne faudrait pas hésiter à prévoir des taux d'évolution négatifs pour les enveloppes des régions actuellement surdotées et à engager les restructurations nécessaires sous l'égide, bien entendu, des agences régionales de l'hospitalisation.
De même, j'approuve la réduction du montant des subventions d'investissements hospitaliers. Abstraction faite de la poursuite de l'exécution des contrats de plan, la seule opération programmée pour 1997 est la mise en place d'unités hospitalières sécurisées destinées à la population carcérale. En effet, étant donné la situation actuelle de suréquipement, l'Etat n'a plus à subventionner d'autres investissements hospitaliers que ceux qui relèvent directement de ses missions régaliennes. D'autres mesures nouvelles participent également à l'accompagnement de la réforme du système de santé. Il s'agit notamment du renforcement des moyens consacrés au réseau national de santé publique, le RNSP, qui voit sa dotation augmenter de près de 50 % en 1997.
Toutefois, en dépit de cette forte progression, les crédits consacrés au RNSP restent modestes, puisqu'ils s'élèvent à 22 millions de francs.
La France accuse, nous le savons, un certain retard dans le domaine de la veille sanitaire. C'est pourquoi, par exception aux principes de rigueur, j'admettrais que ces crédits soient sensiblement accrus dans les années à venir. Il s'agit là, en effet, d'une dépense intelligente et de nature à contribuer efficacement à la détermination des priorités de santé publique et au pilotage de notre dispositif sanitaire.
A côté des dotations destinées à accompagner la réforme du système de soins, le ministère continue à intervenir directement en faveur de certaines priorités de santé publique.
Comme les années précédentes, les crédits consacrés à la lutte contre le sida et à la toxicomanie sont en augmentation sensible : ils progressent respectivement de 5,3 % et de 8,5 %, pour atteindre des montants de 474 millions de francs et de 694 millions de francs.
Concernant la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, il faut donner acte au Gouvernement d'avoir introduit un peu de logique dans l'intervention des pouvoirs publics en proposant, par l'article 30 du projet de loi de finances, d'affecter une fraction du droit sur les tabacs à la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, à hauteur de 3 milliards de francs. Ainsi, les fumeurs contribueront directement au financement de l'assurance maladie pour laquelle ils représentent une lourde charge.
Je m'interroge par ailleurs sur le montant des crédits affectés par l'Etat à la lutte contre le cancer. Ils ne sont pas à la mesure de la part de cette pathologie dans la mortalité d'ensemble de la population. En dehors des crédits consacrés au dépistage du cancer du sein, à hauteur de 17,7 millions de francs, et d'une fraction non identifiée des dotations inscrites au budget de la recherche, sauf informations complémentaires que vous pourriez fournir monsieur le ministre, l'essentiel de l'effort repose sur l'assurance maladie et sur la générosité publique.
Les derniers développements de l'affaire de l'ARC risquant de tarir cette source de financement essentielle, en décourageant les dons ; il est urgent de rétablir la confiance des Français sur ce point. Je remarque que, dans cette affaire, la Cour des comptes est intervenue de façon décisive et, vous m'en excuserez peut-être, monsieur le ministre, elle a fait preuve là d'une plus grande clairvoyance que l'administration de tutelle. Mais vous n'étiez pas en charge de votre ministère à l'époque ; la critique ne vous concerne donc pas.
La réforme en cours de la sécurité sociale suppose également une clarification de certaines relations financières entre le ministère des affaires sociales et les établissements sanitaires ou les organismes de sécurité sociale. La Cour des comptes a formulé des observations à ce sujet, notamment en ce qui concerne les personnels mis à disposition par les hôpitaux ou les caisses, qui représentent près de 10 % des effectifs des services centraux. Je ne suis pas certain que cette pratique soit tout à fait compatible avec les responsabilités de tutelle du ministère. La même observation est d'ailleurs valable pour sa situation de locataire de locaux appartenant aux caisses de sécurité sociale.
La deuxième grande orientation politique qui transparaît dans le budget des affaires sociales et de la santé est l'anticipation de la loi de cohésion sociale.
C'est ainsi que les crédits consacrés à l'intégration et à la lutte contre l'exclusion progressent de 10,8 % en 1997, pour atteindre 784,4 millions de francs.
De même, les crédits consacrés aux centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, progressent de 5,6 % pour s'établir, en 1997, à 2,348 milliards de francs. Une mesure nouvelle de 84 millions de francs est prévue afin de pérenniser 1 000 places d'hébergement d'urgence qui seront juridiquement requalifiées en CHRS.
De même, la capacité d'accueil des centres de formation des travailleurs sociaux sera accrue de 10 % en 1997 grâce à une mesure nouvelle de 34,5 millions de francs, qui porte leur dotation à 511,8 millions de francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je m'étonne toutefois que cette mesure nouvelle soit pour partie gagée par le transfert de 13 millions de francs en provenance des crédits consacrés à la formation des intervenants à domicile. Ce choix apparaît en effet contradictoire avec la création de la prestation spécifique dépendance, la PSD, voulue par le Sénat. Prestation en nature, la PSD aura pour effet d'accroître la demande d'aide à domicile de la part des personnes âgées dépendantes.
Enfin, je rappelle qu'une provision exceptionnelle de 470 millions de francs est inscrite pour 1997 au budget des charges communes au titre de la future loi de cohésion sociale.
La priorité affirmée par le Gouvernement a donc des conséquences budgétaires très nettes. Il est tout à fait spécieux de prétendre que la loi de cohésion sociale sera une loi d'affichage, sans financement à la clef.
Mais toutes les évolutions du budget des affaires sociales ne découlent pas de choix politiques. En 1997, comme les années précédentes, les augmentations de crédits les plus importantes résulteront d'évolutions subies.
Certaines de ces augmentations peuvent être considérées comme vertueuses dans la mesure où elles répondent à un souci de sincérité budgétaire.
Ainsi, les dépenses de télécommunications du ministère font l'objet d'une remise à niveau de 80 % en raison d'une dette de 45 millions de francs qui n'était pas honorée.
De même, les dépenses d'aide médicale de l'Etat font l'objet d'une remise à niveau de 16,8 %, qui les porte à 807 millions de francs pour 1997 face à une dette de 600 millions de francs envers l'assurance maladie.
Parlons aussi des efforts de sincérité budgétaire nécessaires pour les crédits de frais de justice et de réparation civile. Ces crédits sont reconduits en 1997, comme les années précédentes, au niveau de 10,9 millions de francs, alors que les dépenses effectivement constatées ont toujours été plus de dix fois supérieures.
Toutefois, les augmentations de crédits les plus importantes en volume correspondent non pas à un souci de sincérité budgétaire, mais à la dérive persistante de certaines dépenses sociales obligatoires.
Ainsi les crédits consacrés à l'allocation de RMI progresseront, en 1997, à un rythme de 5,3 %, pour atteindre 24,2 millions de francs. Ce taux de progression peut paraître modéré par rapport à celui des années précédentes, que je rappelle : 26,3 % en 1993, 15,5 % en 1994 et 14,6 % en 1995. Il est néanmoins supérieur à celui de 1996, qui devait être limité à 4,4 %. Le ralentissement du rythme de progression des dépenses du RMI est donc relatif.
Le RMI paraît avoir fini sa phase de montée en charge et s'être durablement installé dans le paysage de notre protection sociale. Certes, la fraude ou le laxime n'expliquent pas, à eux seuls, la vigueur de la progression du RMI. Mais je regrette que le débat sur l'obligation alimentaire qui a eu lieu à l'Assemblée nationale n'ait pu aboutir. En tout état de cause, je crois qu'il est opportun d'appliquer de façon plus rigoureuse les règles existantes en la matière.
A l'inverse des dépenses de RMI, les crédits consacrés à l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, ne montrent aucun signe d'infléchissement. Ils augmentent en 1997 de 7,2 %, pour atteindre 22,2 milliards de francs, soit un supplément de crédits de 1,5 milliard de francs par rapport à 1996.
Le nouveau barème d'invalidité, fixé en 1994 à la suite des observations de la Cour des comptes, n'a pas fondamentalement modifié les décisions des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP.
Plus d'un tiers des allocations sont encore attribuées au titre de l'inaptitude à exercer une activité professionnelle. Je constate que, pour 1997, aucune économie n'est prévue au titre de cette réforme. Les économies qui avaient été prévues pour 1995 et 1996 ne se sont pas concrétisées.
Les crédits consacrés aux centres d'aide par le travail, les CAT, constituent un troisième poste de dépenses important et en progression rapide ; ils augmentent de 4,5 %, pour atteindre 5,844 milliards de francs. Une mesure nouvelle de 254,6 millions de fancs est prévue pour la création de 2 000 places supplémentaires.
Les raisons de cet accroissement sont connues, mais elles mériteraient d'être analysées en détail : longévité accrue des personnes handicapées, difficultés sur le marché de l'emploi ordinaire, nécessité d'offir des débouchés aux jeunes adultes maintenus dans les établissements d'éducation spéciale en application de l'amendement Creton.
Ces évolutions budgétaires m'amènent à préconiser, pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, trois orientations : tout d'abord, une planification systématique des investissements dans le domaine des équipements sociaux, sur le modèle du programme d'humanisation des hospices, pour savoir où l'on va ; ensuite, une réduction des inégaliés dans la répartition géographique des équipements sanitaires et sociaux et de leurs dotations de fonctionnement, à commencer, bien entendu, par le secteur hospitalier ; enfin, un réexamen permanent des modalités d'attribution des prestations sociales au regard des objectifs recherchés et des résultats constatés.
Le projet de budget des affaires sociales et de la santé pour 1997 mérite une appréciation globalement favorable. Il porte la marque des réformes d'envergure qui sont engagées par le Gouvernement et qui témoignent d'une vision à long terme de l'intérêt supérieur du pays. C'est pourquoi votre commission des finances vous demande d'adopter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées de RDSE.)
M. le président. La parole et à M. Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'adoption de la réforme constitutionnelle qui a consacré un légitime droit de regard du Parlement sur les finances de la sécurité sociale et s'est traduite, dès cette annnée, par l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale nous a conduits à retenir, pour le présent rapport, une approche stricte de la notion de « crédits de la santé ».
Le budget de la santé publique et des services communs n'échappe pas au contexte de rigueur budgétaire qui imprègne l'ensemble du projet de loi de finances ; avec 8,116 milliards de francs en 1997, il est en effet en baisse de 1,5 % par rapport à l'an dernier.
Certes, les crédits relatifs aux interventions sanitaires, qui s'élèvent à 3,20 milliards de francs, sont épargnés par les restrictions budgétaires et progressent d'un peu plus de 4 % à sturucture constante.
En revanche, les crédits de fonctionnement du ministère des affaires sociales, qui s'établissent à 5,20 milliards de francs, ne progressent que de 0,40 % par rapport à ceux qui ont été ouverts en loi de finances initiale pour 1996 ; cette stabilisation se traduit par la suppression de 100 emplois, qui, pour les trois quarts d'entre eux, étaient vacants ou gelés.
Votre commission tient à mettre l'accent, dans ce bref rapport, sur les conséquences institutionnelles de l'ordonnance portant réforme hospitalière, la lutte contre les grands fléaux et les crédits de la veille et de la sécurité sanitaires.
J'évoquerai d'abord la politique hospitalière de l'Etat.
Le présent projet de budget prépare la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation et de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Ainsi, la ligne budgétaire du chapitre 47-11, qui correspondait à l'Agence nationale pour le développement de l'évolution médicale, l'ANDEM, est supprimée, alors qu'est créée une nouvelle ligne, dotée de 35 millions de francs, destinés à l'ANAES. Cela sous-entend que l'ANDEM serait supprimée au 31 décembre prochain et que l'ANAES serait créée au 1er janvier 1997.
Il est probable qu'il n'en sera pas ainsi. Lors de son audition budgétaire, M. Hervé Gaymard l'a reconnu et a promis qu'il serait procédé à un aménagement destiné à ménager une transition. Nous aimerions avoir des précisions sur la nature de cet aménagement ainsi que sur le volume de crédits de l'assurance maladie qui alimenteront, avec la subvention de l'Etat, le budget de l'ANAES.
Je voudrais formuler trois observations au sujet de la politique hospitalière de l'Etat.
Premièrement : depuis des années, on méconnaît trop souvent l'importance du nombre de postes de personnels non pourvus à l'hôpital en feignant d'ignorer qu'au niveau local les vacances de postes permettent de disposer de marges de manoeuvre budgétaire, mais occasionnent une surcharge de travail pour le personel qui débouche sur une diminution de la sécurité et de la qualité des soins.
Deuxièmement : il s'agit des vacances de postes de praticiens hospitaliers, dont l'importance conduit les hôpitaux à recruter des médecins étrangers, alors que l'on constate parallèlement une pléthore médicale nationale. Le statut et, surtout, les carrières des praticiens hospitaliers mériteraient d'être revalorisés afin de corriger cette situation.
La troisième et dernière observation concerne la grille de la fonction publique hospitalière. Toutes les décisions prises en matière de fonction publique sont automatiquement répercutées sur la fonction publique hospitalière et donc sur les budgets des hôpitaux. Cette année, alors que le taux directeur sera fixé à un niveau très rigoureux, il faudra que les hôpitaux subissent les conséquences des augmentations décidées pour la fonction publique par le Gouvernement.
En outre, la grille de la fonction publique hospitalière n'a pas évolué parallèlement aux changements qui ont affecté la nature des métiers de l'hôpital ; il conviendrait donc de la dépoussiérer, en concertation avec les personnels intéressés.
Je voudrais maintenant évoquer la lutte contre les grands fléaux.
Si la lutte contre le sida et la toxicomanie fait, cette année encore, l'objet d'un effort accru dont la commission se félicite, elle tient à mettre l'accent sur des causes qui semblent un peu laissées pour compte, à savoir la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme ainsiq que la lutte contre le cancer.
Les crédits destinés à lutter contre le sida progresseront de façon significative, avec une augmentation de 26 millions de francs, soit un taux de progression de 5,3 %. Ils représentent désormais près de 475 millions de francs.
Les crédits de la lutte contre la toxicomanie inscrits au budget du ministère, qui s'élèvent à 694 millions de francs, sont en progression de 8,5 % par rapport à la loi de finances pour 1996. Il faut y ajouter 230 millions de francs affectés à la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, qui est rattachée aux services du Premier ministre.
La commision des affaires sociales se félicite de la volonté du Gouvernement d'améliorer ainsi la prise en charge médicale, sociale et phychologique des personnes victimes de la toxicomanie ou du sida. Cependant, si les crédits de la lutte contre la toxicomanie et le sida progressent, d'autres actions semblent laissées pour compte, je le répète ; la politique de lutte contre le cancer et celle qui est engagée contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Dans le rapport du Haut Comité de la santé publique de 1994, l'importance de la mortalité prématurée liée au cancer est relevée. Cette maladie est en effet responsable de 140 000 décès par an. Etant à l'origine de 36 % des décès, c'est la première cause de mortalité avant l'âge de soixante-cinq ans.
Retenu comme thème prioritaire dans bon nombre de conférences régionales de santé, le cancer a également été reconnu parmi les dix priorités dégagées par la conférence nationale de santé.
La commision des affaires sociales regrette que la lutte contre le cancer ne fasse pas encore l'objet d'une individualisation budgétaire ni d'une véritable stratégie, avec des objectifs et des moyens associés.
Certes, un conseil national du cancer a été mis en place en 1995. Mais ses travaux ne sont pas véritablement connus à ce jour. Et l'on ne connaît pas de plan gouvernemental de lutte contre le cancer, même si un financement annuel de 5 millions de francs est dégagé pour cofinancer des actions de dépistage.
Autre parent pauvre de la politique de santé : la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme. Les crédits qui y sont affectés sont simplement reconduits en francs courants, ce qui veut dire qu'ils baissent en francs constants. Certes, M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé lors de son audition devant la commission, il faut ajouter à ces crédits ceux qui seront engagés par le comité français d'éducation pour la santé et ses comités régionaux et départementaux. Toutefois, ce comité agissait déjà au cours des années précédentes et on ne peut tirer argument de l'augmentation de ses crédits pour se convaincre d'une augmentation des crédits de la lutte contre l'alcoolisme.
Je voudrais enfin évoquer brièvement les crédits prévus en faveur de la santé des populations et de la veille sanitaire, dont votre commission estime la progression très satisfaisante.
Ainsi, les crédits inscrits en faveur de la santé des populations progressent de 8 %, ce qui est un taux particulièrement important dans le contexte budgétaire actuel. Les postes qui progressent le plus sont le programme d'accès à la santé des personnes défavorisées, la vaccination contre l'hépatite B en milieu carcéral et le renforcement du comité français d'éducation pour la santé.
A cet égard, je tiens à souligner l'importance de la lutte contre la tuberculose, dont sont pour l'instant chargés les départements : la résurgence de cette maladie est particulièrement inquiétante, d'autant qu'elle se traduit par des formes souvent résistantes aux thérapeutiques habituelles.
En ce qui concerne la veille sanitaire, il faut noter la reconduction des crédits destinés aux observatoires régionaux de la santé et aux instituts Pasteur, mais surtout la très forte progression - 50 % - des crédits du réseau national de santé publique, le RNSP. La commission des affaires sociales se félicite de l'importance de cette progression, justifiée à la fois par les besoins du RNSP, la qualité du travail accompli et la volonté du Gouvernement de mener une véritable politique de veille sanitaire.
Pour conclure, la commission estime que le budget de la santé est un bon budget, surtout dans le nécessaire contexte de rigueur dont le volume des crédits de l'Etat subit les effets. Aussi, elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé et des services communs pour 1997. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tirant les conséquences de la mise en place de la loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales émet cette année, pour la première fois, un avis sur les affaires sociales entendues au sens large, portant à la fois sur l'action sociale, la solidarité et les moyens du ministère, mon excellent collègue, M. Louis Boyer continuant, pour sa part, comme par le passé, à analyser les crédits consacrés à la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de votre ministère parce qu'ils témoignent du fait que la solidarité et la lutte contre l'exclusion sont aujourd'hui deux priorités essentielles de l'action du Gouvernement dans le cadre d'un budget qui se caractérise, pour la première fois, par une stabilisation des dépenses de l'Etat.
La commission s'est félicitée de la priorité accordée à la lutte contre l'exclusion avec la transformation de 1 000 places d'asiles de nuit en places de centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, qui permettront d'assurer un accompagnement social favorable à une insertion réussie.
S'agissant des handicapés, auxquels notre excellent collègue M. Jacques Machet a consacré de remarquables avis ces dernières années, la création de 2 000 places nouvelles en centres d'aide par le travail et de 500 places en ateliers protégés, d'une part, l'augmentation significative des crédits de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, et la revalorisation des moyens des équipes de suivi et de reclassement professionnel, d'autre part, sont des éléments très positifs.
Trois observations cependant doivent être faites.
La baisse de 13 millions de francs des crédits consacrés à la formation des intervenants à domicile est une économie en trompe-l'oeil puisque les besoins sont tels, notamment auprès des personnes âgées dépendantes, que cette mesure ne peut déboucher que sur un report de la charge sur les collectivités locales alors même qu'il est difficile d'évaluer les coûts à leur juste mesure.
Ensuite, au moment où vous décidez de réévaluer les crédits des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, il nous semble utile de rappeler que ces organismes devraient bénéficier d'un allégement de leur charge de travail du fait de l'instauration de la future prestation spécifique dépendance et que l'occasion est donc ainsi offerte de leur demander un effort supplémentaire pour réduire les délais de traitement des demandes.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Enfin, le transfert de la garantie de ressources des travailleurs handicapés à l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, nous est apparu conforme à la mission confiée à cet organisme par le législateur en 1987, lorsque avait été instituée l'obligation d'emploi, et compatible avec les moyens financiers de cet organisme ; en revanche, nous nous sommes demandés si ce transfert ne devrait pas se traduire par une révision du statut d'association de l'AGEFIPH afin d'éviter de démembrer ce que nous pouvons considérer comme un véritable service public.
Mais, dans cet hémicycle, en particulier, l'avis rendu sur votre budget, monsieur le ministre, ne prend son sens que s'il est mis en perspective avec les dépenses d'action sociale décentralisée.
Remarquons tout d'abord que, même si l'on additionne les crédits de l'Etat consacrés à l'action sociale et la solidarité, dont 24 milliards de francs consacrés au RMI, et les dépenses liées au fonctionnement du ministère, le montant total, soit 66,5 milliards de francs, est encore inférieur à celui des dépenses nettes d'aide sociale des départements en 1995, qui s'élève à 73 milliards de francs avant déduction du contingent communal d'aide sociale.
La seconde caractéristique de ces dépenses, c'est leur spectaculaire progression. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 9,5 % en 1993, 8 % en 1994, 7 % en 1995. La progression des dépenses d'aide sociale se situe toujours à un niveau trois fois plus élevé que l'inflation. Un tel rythme ne pourra indéfiniment être soutenu par des collectivités locales qui savent déjà que les marges de manoeuvre sur les ressources fiscales qui leur ont été transférées ne sont plus extensibles.
Enfin, grâce aux excellents travaux de l'observatoire départemental d'action sociale, l'ODAS, nous sommes en mesure de constater que, dans l'évolution de ces dépenses, l'effet volume dû à l'augmentation du nombre de personnes prises en charge ou secourues explique seulement un tiers de la hausse, tandis que les deux tiers sont dus à l'effet coût, qu'il s'agisse de la revalorisation des prestations ou des frais de fonctionnement des établissements.
La prise en chage de l'hébergement des personnes handicapées augmente ainsi de 8,5 % en 1995, mais trois quarts de cette hausse sont dus à l'effet coût. Plus étonnant encore, les dépenses de placement en établissement d'aide à l'enfance augmentent de 4 % en 1995 alors que le nombre de mineurs pris en charge n'a pas augmenté significativement.
Ce phénomène est d'abord dû à une augmentation très importante des rémunérations des agents des institutions sociales et médico-sociales, qui interviennent pour plus de la moitié dans les frais intégrés dans les prix de journée.
Ces agents, qui relèvent d'établissements privés gérés à titre principal par des associations, ont bénéficié de la tansposition des accords Durieux-Durafour sur l'amélioration de la fonction publique hospitalière, dans le cadre d'avenants agréés par décision du ministre en 1992.
Or la Cour des comptes a souligné que cette décision avait été prise sans que l'administration puisse mesurer son impact sur les finances départementales au regard des marges de manoeuvre budgétaires.
Il ne s'agit pas ici de revenir sur le passé, mais il est bon de souligner que le système actuel, qui aboutit à écarter complètement les collectivités locales du processus de décision sur la variable salariale, qui est pourtant une variable centrale des dépenses d'aide sociale, ne pourra pas être poursuivi à l'avenir car il est devenu insupportable.
Il en est de même de la seconde inquiétude qui tient au niveau élevé du glissement-vieillesse-technicité des agents-GVT.
Le GVT est en quelque sorte le thermomètre de l'effet coût induit par le déroulement individuel des avancements et des promotions des carrières nonobstant, je le rappelle, toute mesure salariale collective ; lorsque ce coût évolue plus vite que les prix à la consommation, sans doute est-ce le signe d'une fièvre due, pour partie, aux revalorisations d'indice mises en place par les protocoles Durafour, mais aussi à des facteurs plus généraux imputables au vieillissement démographique de la population des agents et à l'accroissement moyen de la qualification de ceux-ci.
Ce sont ces facteurs généraux qui expliquent que, même en tenant compte de l'effet de « noria », c'est-à-dire des économies dues au remplacement des agents partant à la retraite par des agents plus jeunes, le « GVT solde », qui avoisine 0,9 % actuellement, ne devrait pas descendre au-dessous de 1 % au cours des prochaines années, en particulier dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dont le recrutement est généralement plus récent.
Face à ces facteurs qui se trouvent ainsi à l'origine d'une hausse spontanée des dépenses, le mode de tarification des établissements sociaux et médico-sociaux amplifie à son tour les risques de dérive. En effet, une fois reconnu le caractère « justifié et non excessif » de leurs prévisions de dépenses et de recettes, les organismes disposent d'une sorte de droit de tirage sur le financeur public qui demeurera valable même si les prévisions initiales sont dépassées, et cela sans qu'aucune contrainte ne pèse sur les organismes qui ne respectent pas leurs objectifs puisque ces derniers ne sont pas reconnus comme opposables par la jurisprudence.
Afin de mettre fin à ce processus non maîtrisé, la commission des affaires sociales vous proposera, mes chers collègues, de rétablir l'article 98, supprimé par l'Assemblée nationale, qui visait justement à poser le principe d'enveloppes limitatives de financement pour les établissements dépendant de l'Etat.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Enfin, il nous est apparu qu'effectuer des contrôles serait utile pour éviter les dérives constatées pour certaines prestations.
D'une part, dans le cadre de la loi actuelle, il est nécessaire de contrôler les ressources des parents d'un bénéficiaire du RMI...
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. ... afin que ceux-ci soient amenés à prendre leurs responsabilités lorsque leurs revenus sont élevés et qu'ils n'ont pas d'autres membres de leur famille à charge.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. D'autre part, s'agissant toujours du RMI, le mécanisme actuel de prise en charge des non-affiliés à l'assurance personnelle apparaît appliqué par les caisses d'allocations familiales de manière tout à fait extensive, et ce au détriment des finances départementales puisque des contrôles sommaires ont montré qu'une proportion non négligeable des personnes dispose en fait de droits à prestation à l'assurance maladie du fait d'une activité antérieure ou de leur conjoint. Maintenir l'assurance personnelle dans ce cas, c'est faire payer deux fois l'assuré social et le contribuable local.
M. Charles Descours. Bravo !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. En conclusion, je suis persuadé que notre système d'action sociale peut être plus efficace face à l'exclusion sans nécessairement donner lieu à des dépenses supplémentaires.
En tout cas, il nous appartient à tous de cerner les dysfonctionnements et de procéder aux réformes nécessaires pour que, sans alourdir les prélèvements obligatoires, nous puissions maintenir l'action sociale à son niveau, tout en la renforçant sur les publics prioritaires.
Cet objectif doit guider ceux qui, avec la majorité de la commission des affaires sociales, voteront votre projet de budget pour 1997, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la santé pour 1997 est en diminution par rapport à l'an dernier, avec à peine plus de 8 milliards de francs, soit 0,52 % du budget de l'Etat. C'est bien peu par rapport aux besoins.
Or la situation est de plus en plus préoccupante.
On assiste en effet au retour de maladies d'un autre âge. C'est le résultat de carences qui affectent tant la prévention que le traitement, et qui sont d'autant plus dommageables qu'une part croissante de la population est désormais confrontée à des difficultés économiques.
La mise en oeuvre du plan Juppé aggravera considérablement cette situation. Elle a déjà commencé de le faire.
Le Haut Comité de la santé publique indique : « Il existe en France des écarts très importants de niveau d'état de santé selon les catégories sociales. Le risque de décès entre trente-cinq et soixante ans varie de 10 % pour les cadres à 20 % pour les ouvriers. »
Certes, ce n'est pas une nouveauté, mais cela montre que, à l'injustice sociale inacceptable qui caractérise votre politique de santé, s'ajoute l'inefficacité.
Une politique de prévention sérieuse et responsable permettrait d'éviter des gâchis financiers et humains. Vous lui tournez le dos.
La médecine scolaire ne dispose pas des moyens suffisants pour suivre correctement les enfants. Nombre d'établissements ne disposent même pas d'une infirmière. A Nanterre, quatre médecins scolaires devraient suivre 17 000 élèves ! Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
En ce qui concerne la santé au travail, l'exemple de l'amiante a malheureusement attesté que les moyens n'étaient pas à la hauteur des besoins.
On peut multiplier les exemples qui montrent qu'une meilleure prévention pourrait avoir des conséquences positives.
Si l'hypercholesterolémie était dépistée correctement, cela permettrait de prévenir bien des accidents cardio-vasculaires coûteux, tant sur le plan financier que sur le plan humain.
On peut estimer à 2 000 le nombre de femmes décédées d'un cancer du col de l'utérus en 1993 ; or un dépistage précoce, par un frottis cervicovaginal - qui devrait être systématiquement pris en charge - permettrait de guérir beaucoup de femmes affectées par cette maladie.
Le rapport pour avis de la commission des affaires sociales indique que « la politique de lutte contre le cancer et celle qui est engagée contre le tabagisme et l'alcoolisme semblent laissées pour compte ». Les crédits consacrés à cette dernière action sont, en effet, simplement reconduits depuis plusieurs années, ce qui signifie qu'ils sont en diminution sensible en francs constants.
Vous vous félicitez de quelques crédits en augmentation dans ce budget, tels ceux de la lutte contre le sida. La réalité, c'est une progression de 26 millions de francs pour 110 000 personnes atteintes par le virus. Il n'y aura pas de quoi faire face de manière décente aux nécessités de dépistage, de prévention, de traitement, d'accueil et de suivi de ces personnes.
La même remarque vaut pour la lutte contre les toxicomanies. Le rapport confirme que le manque de places en post-cure non seulement ne permet pas d'accueillir tous ceux qui en ont besoin mais induit un délai d'attente qui favorise les rechutes.
En ce qui concerne les hôpitaux, le niveau des autorisations de programme chute de 80 % par rapport à l'an dernier. Vous prévoyez des suppressions massives de personnel et de nouvelles suppressions de lits. Vous organisez le délabrement du système public hospitalier, dont notre pays pouvait être légitimement fier, tant pour la qualité des soins dispensés que pour celle de la formation offerte aux étudiants.
Y aurait-il trop de personnel dans les hôpitaux ? Selon le rapport, « on méconnaît l'importance du nombre de postes non pourvus, en feignant d'ignorer qu'au niveau local les vacances de postes permettent de disposer de marges de manoeuvre budgétaires, mais occasionneraient une surcharge de travail pour le personnel, débouchant sur une diminution de la sécurité et de la qualité des soins ».
Pour ne pas méconnaître tout cela, il faut écouter non seulement les médecins, les personnels et leurs organisations syndicales, mais aussi les élus, qui posent des questions sur le manque de personnel, comme je l'ai fait récemment à propos de l'hôpital Foch, par exemple, ou au sujet de Paris X.
Vous ne m'avez d'ailleurs pas répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les mesures que vous comptez prendre pour empêcher l'extension de la tuberculose, notamment à l'université de Paris X-Nanterre, dont le président se déclare complètement démuni face à cette maladie.
Votre souci premier est d'offrir au secteur financier l'important marché de la santé, comme vous voulez lui livrer celui des retraites et de la protection sociale. D'ailleurs, le rapport du Haut Comité de la santé publique montre que le secteur privé lucratif est en train d'accaparer les services les plus rentables.
C'est au regard de cette situation que doivent être appréciés les crédits du ministère de la santé. Vous les diminuez, au mépris des besoins réels, pour satisfaire à ce que le rapporteur nomme pudiquement le « contexte de rigueur budgétaire », autrement dit, en langage clair, la soumission aux critères de convergence imposés par l'Europe de Maastricht pour accéder à la monnaie unique.
Nous refusons d'y sacrifier le droit à la santé. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est proposé se présente un peu comme en suspens, dans l'attente de réformes que l'on nous dit à venir, qu'il s'agisse du projet de loi de renforcement de la cohésion sociale ou de la réforme des institutions sociales et médico-sociales.
L'article 98 a été supprimé à l'Assemblée nationale mais notre collègue M. Chérioux propose, au nom de la commission des affaires, d'introduire une disposition à peu près identique, même si la date de mise en oeuvre est repoussée d'un an.
Autant il faut s'inquiéter d'une dérive financière souvent excessive dans certains établissements, autant il me semble dangereux d'aborder la question de la gestion des CAT, les centres d'aide par le travail, et des CHRS, les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, sous le seul angle financier, la gestion étant une chose, l'efficacité en termes de travail et d'insertion en étant une autre.
Mais, surtout, le Gouvernement avait introduit cet article alors que, d'une part, il annonçait un texte pour l'année prochaine et que, d'autre part, il n'avait pas envisagé de négociations avec des associations qui ont dénoncé ce processus, le Gouvernement faisant une fois de plus la preuve de son goût pour les méthodes autoritaires en la matière.
Lancer une telle décision d'encadrement des crédits et d'opposabilité sans aucune négociation était une erreur ; lancer la même décision en amont d'une loi était une faute. L'Assemblée nationale et, d'ailleurs, le Gouvernement lui-même en ont tiré les conclusions. Dans ces conditions, relancer aujourd'hui une telle décision, même en en repoussant l'application d'un an, ne me paraît pas du tout souhaitable. Si la loi et la concertation doivent effectivement intervenir, l'amendement de M. Chérioux n'a pas réellement de sens.
Le débat sur le RMI est également un peu occulté par le projet de loi en chantier.
Tout à l'heure, M. Chérioux, lui aussi, a fait allusion aux discussions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale sur la fameuse condition de ressources et sur l'obligation alimentaire.
Effectivement, cette obligation alimentaire était prévue dans la loi de 1991, mais elle n'a pas été appliquée, et elle ne l'est toujours pas. Il est vrai qu'un certain nombre de cas de détournement de la loi nous sont régulièrement soumis, mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt : ces cas extrêmes ne doivent pas nous amener à prendre une décision ou à rendre aujourd'hui applicable cette obligation alimentaire.
En effet, cette obligation alimentaire, si elle était appliquée, frapperait essentiellement une classe d'âge, celle des quarante - soixante-cinq ans, qui a déjà souvent en charge des personnes de plus de quatre-vingts ans. Dans cette classe d'âge, on trouve évidemment des personnes très aisées, mais surtout des membres des couches moyennes, sur lesquelles pèsent déjà lourdement diverses charges, dont l'éducation des enfants jusqu'à vingt-cinq ans.
Cela m'apparaît donc comme une erreur de relancer ce débat et, à partir de quelques cas extrêmes, de faire supporter l'obligation alimentaire par toute une population dont les charges sont déjà lourdes.
Par ailleurs, pour beaucoup de jeunes, il est difficile de dépendre de leurs parents jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans ; or, aujourd'hui, c'est souvent le cas. Si, par le biais du RMI, on contraignait ces jeunes gens à dépendre encore de leurs parents, au nom de l'obligation alimentaire, on risquerait de provoquer des difficultés supplémentaires dans les relations entre parents et enfants.
En ce qui concerne les travailleurs handicapés, je salue la création de places supplémentaires dans les CAT, mais j'aimerais savoir, car le budget est parfois d'une lecture difficile, s'il y a eu une augmentation effective du financement pour les places de CAT existantes.
L'UNIOPSS, l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, évoque une augmentation d'environ 1,8 %,. Confirmez-vous ce taux, monsieur le ministre ?
Quant au transfert à l'AGEFIPH, l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, de l'insertion en milieu ouvert, il me paraît tout à fait scandaleux. Mais ce problème concernant davantage le budget du ministère du travail, j'interviendrai sur ce point lors de l'examen de ce budget.
De la même façon, je ne comprends pas - et je rejoins à cet égard les orateurs qui m'ont précédée, notamment les rapporteurs des commissions - la baisse des crédits concernant les intervenants d'aide à domicile. Ils passent de 16,4 millions de francs à 3,4 millions de francs.
Comme pour la prestation autonomie, à laquelle l'Etat devait à l'origine participer et qui est devenue une prestation dépendance uniquement payée par les départements, ce sont ces derniers qui vont, de surcroît, devoir assurer le financement de la formation des personnels.
M. Barrot a dit très nettement devant l'Assemblée nationale que les conseils généraux devaient gérer la prestation spécifique dépendance en ce qui concerne non seulement la prestation elle-même mais aussi la formation du personnel.
Nous venons tous de recevoir un intéressant rapport de l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, intitulé Action sociale : la décentralisation face à la crise. Il présente toute une série de chiffres, concernant notamment l'évolution des dépenses d'action sociale départementale. M. Fourcade a sûrement eu, lui aussi, l'oeil attiré par ce rapport.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. En effet !
Mme Joëlle Dusseau. Le total de ces dépenses d'action sociale des départements a augmenté de 61 % de 1989 à 1995 et de 92 % de 1984 à 1995. Les dépenses liées à la dépendance ont, quant à elles, augmenté de 17 % entre 1984 et 1989 et de 54 % entre 1989 et 1995.
S'agissant de la prestation spécifique dépendance, les départements devront, de surcroît, assurer la formation des personnels. Il en résultera une augmentation des dépenses départementales et donc des impôts locaux, qui sont, nous le savons bien, particulièrement injustes, ainsi que de nouvelles inégalités entre les départements plus « riches » ou plus « sociaux » et les autres. Les conséquences seront particulièrement importantes pour une partie extrêmement fragile de la population : je veux parler des personnes âgées dépendantes.
J'ai été également étonnée par la diminution des crédits affectés à la lutte contre l'alcoolisme. D'un côté, on augmente les taxes sur l'alcool pour financer la sécurité sociale et, de l'autre, on diminue les crédits affectés à la lutte contre ce fléau. Certains - mais je n'en connais pas - soutiennent que les taxes sur les alcools permettent de diminuer la consommation. En fait, elles permettent de mieux soigner les cirrhoses, les accidents de la route et les maladies cardio-vasculaires liées à l'alcoolisme. Ce n'est guère sérieux. Il faudrait tout de même mener une réflexion plus globale sur les dépenses de santé.
En commission, M. Fourcade a déclaré que nous n'avions pas les moyens de connaître le montant des crédits consacrés à la lutte contre le cancer.
Il en va de même pour l'alcoolisme. S'il est impossible de chiffrer les conséquences de l'alcoolisme sur la santé, nous savons toutefois que ce fléau coûte très cher à la société tant sur le plan de la santé que sur le plan humain. Il est tout à fait anormal de ne pas s'attaquer aux causes réelles de ce fléau dont les conséquences sont extrêmement lourdes pour le budget de la sécurité sociale et de la santé, sans parler des conséquences humaines qui sont bien connues.
Je suis particulièrement sensible à ce fléau lorsqu'il touche les femmes. En effet, il est bien souvent à l'origine de nombreux cas de femmes battues ou d'enfants torturés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la dernière partie de mon intervention sera précisément consacrée aux femmes. Je sais que ce domaine relève plutôt de la compétence de Mme Couderc.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Cette question relève même totalement de sa compétence !
Mme Joëlle Dusseau. Mais puisque les crédits relevant de cette question dépendent du budget que vous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est à vous que je m'adresse en attendant la réponse de Mme Couderc.
Je n'insisterai pas sur le taux de chômage des femmes, qui est largement supérieur à celui des hommes, sur leurs salaires qui, à qualification égale, sont inférieurs de 25 % à celui des hommes, sur la précarité du travail féminin - le travail à temps partiel, les emplois sous-qualifiés et sous-payés sont leur lot -, sur leur solitude compte tenu de la multiplication des familles monoparentales.
Que constate-t-on sur le plan budgétaire ? Voilà deux ans, le Gouvernement a supprimé les actions de formation professionnelle spécifique destinées aux femmes isolées, lorsque les actions d'insertion et de formation, les AIF, ont été remplacées par les stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE. Ces crédits, qui permettaient de monter des opérations spécifiques pour les femmes, n'existent plus. C'est une erreur, les femmes en grande difficulté étant un public vraiment spécifique. On ne peut même plus identifier les crédits qui leur sont affectés, puisque, dans les statistiques, la rubrique « femme isolée » a disparu.
Dans le budget pour 1997 qui nous est présenté, les crédits consacrés aux femmes baissent de manière significative. Les actions de communication disparaissent purement et simplement. Est-ce bien le moment alors que l'interruption volontaire de grossesse est remise en cause par les commandos anti-IVG et que se dessine, ici et là, une remise en cause, peut être encore plus grave, du droit à la contraception dans la mesure où certains pharmaciens refusent, au nom d'une certaine idéologie, de délivrer des contraceptifs ?
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. C'est une honte !
Mme Joëlle Dusseau. Est-ce le moment de diminuer les crédits affectés à la communication ou aux actions en faveur de l'emploi, de la formation et de l'égalité professionnelle ? Je fais allusion ici aux crédits figurant au chapitre 43-02-20, qui passent de 30 millions de francs en 1996 à 19 millions de francs en 1997.
En fait, ce chiffre de 19 millions de francs est faux, parce qu'il est truqué. Il résulte en partie du transfert de 5 million de francs du budget du travail à celui de l'action sociale. En conséquence, ce sont non pas 19 millions de francs qu'il faudrait rapporter aux 30 millions de francs de l'année dernière, mais, en réalité, 15 millions de francs. Les crédits se trouvent, en fait, diminués de moitié.
Voilà vingt-deux ans, M. Giscard d'Estaing, qui s'est exprimé hier sur un autre sujet à l'Assemblée nationale, créait le secrétariat d'Etat à la condition féminine. Voilà quinze ans, François Mitterrand instituait le ministère des droits de la femme ; en 1993, le gouvernement Balladur supprimait tout poste ministériel.
Voilà deux ans, l'allocation parentale d'éducation s'adressait en réalité uniquement aux femmes, qui devaient ainsi rejoindre leur foyer pour laisser leur place aux hommes. Aujourd'hui, les crédits spécifiques en faveur des femmes sont amputés comme jamais ils ne l'ont été.
Il n'y a, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que deux explications possibles : soit vous estimez qu'il faut revenir au bon vieux temps, lorsque les femmes étaient au foyer et qu'aux termes du code civil elles devaient obéissance aux hommes, soit vous estimez, au contraire, que la parité est parfaitement atteinte puisqu'il n'y a plus besoin ni de ministère ni d'actions spécifiques. Laquelle de ces explications vous convient le mieux, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, les sénateurs du groupe du RDSE représentant le parti radical socialiste voteront contre ce budget. (MM. Autain et Mazars applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, assurer la défense de la santé publique, de l'action sociale et de la solidarité dans une conjoncture économique difficile, alors que les besoins s'accroissent et que la gestion du budget de l'Etat est nécessairement rigoureuse, constitue un exercice particulièrement délicat. La lutte contre l'exclusion et la protection des personnes vulnérables restent néanmoins et, à juste titre, inscrites parmi les priorités du Gouvernement.
C'est pourquoi tant les crédits destinés à la santé publique queceux qui sont alloués à l'action sociale et à la solidarité sont en augmentation par rapport à 1996.
Le budget de la santé publique et des services communs s'élève ainsi, pour 1997, à quelque 8 milliards de francs, soit une progression de 4,5 % si l'on tient compte du transfert au budget des services du Premier ministre des crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Quant au budget de l'action sociale et de la solidarité, il progresse de 3,7 % par rapport à l'an dernier et s'élève à un peu plus de 61 milliards de francs.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, comment ne pas soutenir votre projet de budget ?
J'évoquerai, pour ma part, deux points qui me tiennent particulièrement à coeur.
Je commencerai par la politique en matière de lutte contre l'exclusion, que vous avez présentée, monsieur le secrétaire d'Etat, comme étant la première priorité assignée au budget de l'action sociale et de la solidarité. Le financement dont elle bénéficie le prouve : avec 28 milliards de francs, les crédits consacrés à la lutte contre l'exclusion progressent de près de 6 % et profitent principalement aux centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, dans lesquels seront créées l 000 places supplémentaires, et au revenu minimum d'insertion.
S'agissant plus particulièrement de celui-ci, les crédits consacrés à cette allocation augmentent de 1,2 milliard de francs par rapport à 1996 et atteignent 24,2 milliards de francs, soit une progression de 5,3 %. Ces moyens nouveaux tiennent compte de l'augmentation prévue du nombre des bénéficiaires et de la revalorisation de l'allocation.
En juin 1996, le nombre d'allocataires percevant le RMI avoisinait 994 000. Actuellement, si l'on prend en compte les membres du foyer de l'allocataire, ce sont plus de 1,8 million de personnes qui sont aidées par la prestation.
Depuis la création de celle-ci, le nombre de bénéficiaires a plus que doublé tandis que le montant de la dotation budgétaire de l'Etat a quadruplé, passant de 6 milliards de francs en 1989 à 24 milliards de francs aujourd'hui.
Néanmoins, la hausse des bénéficiaires du RMI s'est sensiblement ralentie à partir de 1995, ce qui explique la relative modération de l'évolution de la dotation prévue pour 1997.
Pour contenir plus efficacement l'augmentation des dépenses liées au revenu minimum d'insertion, il a été suggéré de refuser l'attribution de cette prestation aux demandeurs dont les parents ou le conjoint, voire le conjoint séparé ou l'ex-conjoint, ont des revenus « élevés » - cette notion reste à définir - afin de recourir à la solidarité familiale par la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire prévue par la loi du 1er décembre 1988.
Un amendement accepté par la commission des finances et visant à réformer le mode d'attribution de cette allocation a donc été déposé à l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, plusieurs parlementaires soutiennent l'introduction de l'obligation alimentaire dans le dispositif du RMI, certains l'assortissant d'une redéfinition de la notion de débiteur d'aliments.
Toutefois, les députés ont rejeté l'amendement et M. Alain Lamassoure, au nom du Gouvernement, s'est prononcé contre, jugeant préférable, comme M. Jacques Barrot, de ne pas réviser la loi.
J'adhère, pour ma part, entièrement à cette position du Gouvernement : s'il est vrai que des abus peuvent exister - on parle de certains parents fortunés laissant leurs enfants tributaires de la solidarité nationale - il est indispensable de garder à l'esprit que ces situations sont marginales et que l'adoption d'une telle mesure aurait pour seule conséquence d'accroître la précarité de certains allocataires. Celle-ci est d'ailleurs souvent due à une situation de rupture familiale et nombreux sont ceux qui renonceront à faire valoir leurs droits tant auprès de leur famille qu'auprès de l'Etat, se retrouvant encore plus démunis.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Bernard Seillier. Soit dit au passage, l'effectivité du versement des pensions alimentaires, pourtant judiciairement acquise, permettrait déjà de progresser vers une plus grande justice.
En outre, dans la pratique, l'obligation alimentaire ne joue que si une décision de justice a été rendue, ce qui pose incidemment le problème de la prise en charge des frais liés au procès et constitue une autre forme d'épreuve à surmonter.
Enfin, il paraît difficile de forcer la solidarité familiale si celle-ci ne s'exerce pas spontanément, car cela révèle une pathologie qui n'est que trop réelle.
Concrètement, la participation aux commissions locales d'insertion permet d'avoir une bonne connaissance des cas individuels et de les aider si on le souhaite. Mon expérience est, certes, liée à la réalité des départements ruraux, mais je crois que la véritable question réside dans la connaissance, l'accompagnement et le suivi personnalisé des bénéficiaires du RMI, et plus généralement de ceux qui sont en situation de grande pauvreté.
S'agissant d'un jeune, il est particulièrement important de connaître la qualité des relations qu'il entretient ou non avec sa famille ou son entourage social.
L'exclusion impose beaucoup plus, je le crois, un accompagnement personnalisé tel qu'il est pratiqué, par exemple, dans les missions locales qu'un arsenal juridique tendant à mettre en cause les familles qui sont, hélas ! plus souvent en situation de précarité que de prospérité. Des générations de bénéficiaires du RMI commencent à apparaître.
En outre, les familles ont une créance à l'égard de la société même lorsque certains de leurs enfants sont acculés à solliciter la solidarité nationale pour pouvoir vivre. La situation des familles nous conduit à mener plus une politique d'encouragement à exister, à se fonder, à se consolider qu'un rappel de ces charges même si elles sont appelées « obligations alimentaires ».
Je crains que cette idée d'une famille aisée qui enverrait son ou ses enfants émarger au RMI ne soit une vue de l'esprit qui conduise insidieusement une fois de plus, sans qu'on le cherche, à égratigner l'image de la famille dans la conscience collective.
Le RMI a été conçu comme un droit individuel conféré par l'Etat en contrepartie d'une démarche d'insertion, et il doit le rester.
Rien ne s'oppose, en revanche, à la recherche d'une meilleure gestion et d'une plus grande efficacité du dispositif, notamment en décentralisant son attribution et en mettant l'accent sur le volet insertion de son objectif. L'expérience des départements ruraux mérite d'être analysée de près parce qu'elle permet souvent de ne pas laisser le bénéficiaire du RMI seul avec lui-même.
Je souhaite mettre l'accent, en second lieu, sur la protection et la veille sanitaires.
La protection sanitaire participe, elle aussi, à la lutte contre l'exclusion. Elle comprend, en effet, les programmes et dispositifs en faveur de la santé des populations et vise à prendre en charge la santé des populations en situation précaire ou marginalisées.
Elle se traduit par des mesures nouvelles concernant, notamment, le programme d'accès à la santé des publics défavorisés, les programmes régionaux de santé, ainsi que la vaccination contre l'hépatite B de la population carcérale.
Ses crédits, d'un montant de 313 millions de francs, sont également en augmentation de 8 % par rapport à 1996.
Quant à la veille sanitaire, la progression inquiétante des maladies infectieuses, en particulier au cours de la dernière décennie, a rendu nécessaire le renforcement des mesures de surveillance et de la capacité à déclencher des alertes et des interventions épidémiologiques rapides, aussi bien en France qu'à l'échelon international.
Mais c'est surtout une véritable démarche globale engagée selon une méthodologie rigoureusement scientifique qui s'impose. La mission constituée au Sénat sur ce sujet devrait pouvoir apporter sa pierre à l'édifice que vous vous attachez vous-même à perfectionner, monsieur le secrétaire d'Etat.
La création, en 1992, du réseau national de santé publique répond à ce souci de surveillance et d'intervention rapide. Ce réseau constitue un support technique important de la politique de santé publique en matière de sécurité sanitaire et de prévention.
Les allocations budgétaires ont, à juste titre, pour objet d'accroître cet effort de vigilance.
L'effort engagé devra se poursuivre car, si la démarche est bonne, on est encore loin des moyens qui devront progressivement être ceux du réseau national de santé publique.
Bien que, globalement, les crédits consacrés aux programmes et dispositifs de veille sanitaire soient en très légère diminution de 0,1 % par rapport à 1996 - ils s'élèvent à presque 116 millions de francs - cette quasi-stabilité recouvre, en réalité, un redéploiement des moyens au profit du réseau national de santé publique, d'un montant de 7,3 millions de francs, ce qui représente une hausse avoisinant 50 %.
Pour conclure cette intervention, je souhaite rappeler que le budget des affaires sociales est l'un des volets de la politique de protection sanitaire et de lutte contre l'exclusion.
Celle-ci inclut plus globalement, d'une part, la première loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, l'intégration, sous une forme à préciser - assez rapidement, je l'espère - des institutions sociales et médico-sociales dans un dispositif cohérent avec les autres volets de la politique sanitaire et sociale. Le projet de loi sur la cohésion sociale, annoncé par le Gouvernement et pour lequel l'actuelle loi de finances prévoit des anticipations budgétaires, viendra compléter l'édifice. Bien que notre débat d'aujourd'hui ne concerne pas ce texte, je me permettrai de regretter, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'assurance maladie universelle ne soit pas intégrée à ce projet de loi et fasse l'objet d'un texte séparé.
Cela dit, le groupe des Républicains et Indépendants juge votre budget tout à fait positif et le votera en attendant le prochain projet de loi sur la cohésion sociale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Cantegrit est parti ce soir pour le Gabon, où il effectue une mission officielle de représentation du Sénat. Il est actuellement dans l'avion qui le conduit à Libreville...
M. le président. Monsieur de Villepin, vous ne pouvez pas intervenir au nom de M. Cantegrit ! Vous devez parler en votre nom propre.
M. Xavier de Villepin. J'interviens tout de même en son nom, en vous priant de m'en excuser, monsieur le président. (Rires.)
M. le président. Vous créez un précédent qui posera des problèmes.
M. Xavier de Villepin. Vous savez combien M. Cantegrit est plus compétent que moi sur le sujet ! (Nouveaux rires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez aujourd'hui d'examiner votre projet de budget pour 1997. Celui-ci nous est présenté dans un contexte particulier, puisqu'il s'inscrit dans le cadre du plan de réforme de la sécurité sociale engagé par le Premier ministre voilà un an, et dans celui d'une grande réflexion sur l'avenir de la couverture sociale en France.
Les choses évoluent : plusieurs textes nous sont soumis, ou le seront prochainement ; je pense, en particulier, au financement de la sécurité sociale, au fonds de pension, à l'universalité de l'assurance maladie.
En tant que représentant des Français de l'étranger, il me paraît nécessaire, à ce stade de la réforme, de faire le point sur l'état de la couverture sociale de nos compatriotes expatriés, dont vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, combien ils sont attachés au système français de sécurité sociale.
Près de 1 700 000 Français vivent actuellement à l'étranger. La majorité d'entre eux bénéficient d'une protection sociale française ou équivalente en qualité.
En effet, les 810 000 Français qui résident au sein de l'Union européenne ou de l'association européenne de libre-échange, l'AELE, sont soumis aux régimes obligatoires de leurs pays de résidence, régimes qui sont par ailleurs coordonnés avec le nôtre.
Par ailleurs, un nombre non négligeable d'expatriés ont, en fait, le statut de « détaché ». Cela signifie que les entreprises françaises qui les emploient hors du territoire national pour une durée limitée - de trois à six ans en général - maintiennent, pour eux et leur famille, le régime métropolitain. Leur nombre est difficile à cerner, mais l'on peut parler raisonnablement d'environ 125 000 à 130 000 personnes.
Enfin, un nombre équivalent de Français - 125 000 - sont couverts par la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
Beaucoup aussi ont pris les habitudes locales et bénéficient des systèmes locaux publics ou privés.
Seuls quelques milliers de nos compatriotes résidant à l'étranger, et non les deux tiers comme certains voudraient le faire croire, sont encore privés d'une couverture sociale à laquelle ils aspirent. Nous nous devons, monsieur le secrétaire d'Etat, de réfléchir aux moyens de leur donner satisfaction afin qu'aucun Français, quelque soit son lieu de résidence, n'en soit exclu.
Cette réflexion doit avoir pour cadre, me semble-t-il, la Caisse des Français de l'étranger, la CFE, que vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous l'aviez inaugurée voilà quelques années alors qu'elle n'était pas encore autonome et s'appelait la caisse des expatriés.
Depuis, nous avons beaucoup progressé et nous avons su mettre en place un système unique au monde, me semble-t-il, à l'égard de nos expatriés.
Depuis lors, vos prédécesseurs au ministère des affaires sociales se sont félicités du fonctionnement de la Caisse des Français de l'étranger, dont M. Cantegrit préside le conseil d'administration.
Il faut dire que la CFE est très attentive aux besoins de ses assurés et qu'elle s'efforce d'y répondre du mieux possible, tout en maintenant des comptes équilibrés. C'est d'ailleurs grâce à une gestion saine et rigoureuse qu'elle a pu accomplir un effort extrêmement important en matière de justice sociale : baisse des cotisations, création d'une troisième catégorie, aides ponctuelles comme, par exemple, au moment de la dévaluation du franc CFA.
Les Français expatriés à titre individuel, si j'ose dire, apprécient ces efforts et la qualité du service qui leur est ainsi rendu dans la reconnaissance de leur situation particulière au sein de la sécurité sociale française.
Mais la CFE ne s'intéresse pas qu'aux particuliers ; elle participe également avec les entreprises au renforcement de la présence française à l'étranger souhaité tant par le Président de la République que par le président du Sénat et le Gouvernement. Elle l'a démontré à plusieurs reprises en prenant des mesures de diminution, voire d'exonération de cotisations à l'égard de nos entreprises exportatrices et « expatriatrices ».
Elle est, en effet, l'un de leurs partenaires privilégiés et contribue, à sa mesure, au redressement du marché de l'emploi en permettant un allégement des charges sociales des entreprises pour tout emploi créé à l'étranger et occupé par un jeune Français de moins de trente ans. C'est une mesure que votre ministère et celui de Mme Couderc envisagent d'ailleurs d'élargir.
La caisse est prête, une nouvelle fois, à soutenir les projets gouvernementaux. Mais nous ne devons pas oublier que, contrairement aux organismes du régime général, elle se trouve dans une situation de concurrence totale avec les assureurs privés et ne doit donc pas être pénalisée par rapport à ceux-ci.
La Caisse des Français de l'étranger est une caisse d'assurances volontaires. Certes, elle n'a pas la prétention d'être en tout point comparable aux caisses du régime obligatoire, mais elle sait qu'elle est encore perfectible, qu'elle peut encore mieux répondre aux aspirations de nos compatriotes et de nos entreprises.
Le nouveau conseil d'administration élu le 4 septembre dernier, et qui prendra ses fonctions lors de sa première réunion les 6 et 7 janvier prochain, sera conduit à vous faire un certain nombre de propositions dans ce sens. Un séminaire de réflexion, auquel seront associés les anciens administrateurs, clôturera ce conseil d'administration.
Il sera orienté autour de trois axes principaux : comment être plus performant à l'égard des Français expatriés afin que tous ceux qui le souhaitent puissent adhérer à la Caisse des Français de l'étranger ? Comment être plus performant à l'égard des entreprises expatriatrices afin de faciliter l'emploi à l'international ? Comment être encore plus rapide et plus disponible, bien que le personnel assure déjà une qualité de service remarquable ?
Les Français de l'étranger, en particulier les administrateurs de la CFE, sont attentifs à la réforme qui, peu à peu, se met en place sous votre égide, monsieur le secrétaire d'Etat, et lui apportent leur soutien. Je souhaite qu'il en soit de même en ce qui concerne les propositions que nous serons amenés à vous faire.
Un second point retient également leur attention. Il est d'actualité, puisque nous serons très prochainement appelés à nous prononcer dessus : il s'agit de la création des fonds de pension.
Ce projet est très suivi pas nos compatriotes car la retraite reste souvent pour eux un problème, bien qu'ils puissent bénéficier de pensions de vieillesse françaises, fondées sur le principe de la répartition.
Ainsi, les détachés, réputés avoir leur domicile en France, cotisent obligatoirement aux régimes français. Les expatriés, quant à eux, sont soumis, dans un certain nombre de pays, au régime local obligatoire. Mais ils ont également la faculté de s'assurer, à titre volontaire, au régime de vieillesse français.
Des possibilités de rachat de cotisations vieillesse existent également pour nos compatriotes, mais le décret du 19 mai 1992 a rendu leurs conditions financières beaucoup plus onéreuses. Par conséquent, nombreux sont ceux qui ne peuvent donner suite à de tels projets, dont le coût est aujourd'hui excessif.
Par ailleurs, la France est liée avec un certain nombre de pays par des conventions bilatérales qui coordonnent les régimes en appliquant, dans la plupart des cas, la règle de la « totalisation-proratisation ».
L'expérience montre que ces accords ne sont réellement appliqués et respectés que lorsqu'ils sont conclus avec les pays de niveau équivalent au nôtre, comme par exemple les pays européens.
En revanche, lorsqu'il s'agit d'accords conclus avec les pays africains, nos compatriotes rencontrent les plus grandes difficultés, non seulement pour obtenir le versement de leurs pensions, mais aussi, parfois, pour obtenir un simple document administratif des caisses locales.
Cette situation ayant été amplifiée par la dévaluation du franc CFA, une mission de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, s'est rendue dans plusieurs de ces pays à la demande du Premier ministre. Composée de représentants du ministère du travail et des affaires sociales, du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération, elle a procédé à une évaluation de la protection vieillesse des Français expatriés dans les pays de la zone franc et a rendu son rapport au Premier ministre au mois de juillet 1996.
Il semble que, comme nous le pressentions déjà, la protection assurée par les régimes de retraite locaux soit très inégale et très incertaine. Dans l'état actuel de la réglementation, les expatriés éprouvent un certain nombre de difficultés à accéder à une protection complémentaire française. L'une des solutions préconisées serait alors le renforcement de la protection volontaire et complémentaire vieillesse offerte par le régime français.
Nous ne devrons pas perdre cette idée de vue au moment où vous nous présenterez le texte sur les fonds de pension.
Les Français de l'étranger sont intéressés par une structure qui leur proposerait des fonds de pension. Toutefois, il devra être tenu compte des contraintes inhérentes à leur situation particulière.
Je souhaite que, lorsque nous débattrons de la création des fonds de pension, les Français de l'étranger ne soient pas oubliés et que soient prévues dans les textes un certain nombre de mesures spécifiques. Cela nécessitera l'adaptation de certains articles, pour laquelle je me tiens à votre disposition.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques réflexions que je souhaitais formuler sur l'état actuel de la protection sociale de nos expatriés. Ils souhaitent, et j'appuie totalement leur volonté, ne pas être exclus de la réforme engagée par le Gouvernement, comme cela a souvent été le cas dans le passé. Ils veulent être considérés comme des Français « normaux » dont la seule spécificité est de vivre hors du territoire national. Il nous faut malgré tout tenir compte de cette spécificité si nous voulons, ainsi que l'a exprimé à plusieurs reprises le Président de la République, renforcer notre expatriation et, par là même, la place de la France dans le monde.
Je terminerai mes propos par une requête : je forme le voeu très vif, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans l'emploi du temps chargé qui est le vôtre, vous installiez le nouveau conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger qui prendra ses fonctions les 6 et 7 janvier prochain. Vos prédécesseurs l'avaient fait, et les administrateurs de la caisse, expatriés eux-mêmes, attachent la plus grande importance à ce contact privilégié qui leur permettra de vous exposer les grands axes de leurs projets.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous pouvez compter sur le soutien du groupe de l'Union centriste ainsi que sur celui des Français de l'étranger, que vous connaissez bien. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons examiné, voilà quelques instants, les conclusions de la commission mixte paritaire relatives au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997. Aussi, nous allons discuter du budget de la santé publique, de l'action sociale et de la solidarité et du budget des affaires sociales d'une façon beaucoup plus limitée que les années précédentes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez un bon budget pour 1997. Il s'élève à 69 milliards de francs et croît de plus de 2 milliards de francs, soit une progression supérieure à 3 %. C'est beaucoup. La progression est même plus importante sur quelques chapitres. En effet, certains d'entre eux augmentent de 6 %, voire plus, et je m'en réjouis. Il s'agit des crédits en faveur de la lutte contre l'exclusion et pour le renforcement de la cohésion sociale, et des crédits relatifs aux CHRS, les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, qui nous avaient tellement inquiétés les années précédentes et pour lesquels nous avions été si sollicités par les associations qui les gèrent. Il s'agit aussi des crédits pour les sans-abri.
Je me réjouis aussi de la progression de 10 % des effectifs des assistantes sociales et des éducateurs. Là encore, l'effort est important et il sera ressenti par les professionnels.
Enfin, s'agissant des crédits spécialement réservés à la santé publique, je voudrais insister tout particulièrement, pour m'en féliciter, sur le fait que les dotations consacrées au réseau national de la santé publique augmentent de 50 %. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, parallèlement à vous, le Sénat est engagé dans une mission de réflexion sur la veille sanitaire et, surtout, sur la mise en réseau des moyens existants. Ces moyens sont très nombreux et très compétents, mais sont très éparpillés et il n'y a aucun échange entre les uns et les autres. Nul doute que le réseau national de la santé publique, lorsqu'il aura atteint sa vitesse de croisière, aura, au sein de la veille sanitaire, une place primordiale. Je me réjouis que, petit à petit, on lui en donne les moyens.
Je formulerai cependant une remarque sur ce tableau quasi idyllique. Je me réjouis, bien sûr, des efforts importants engagés dans la lutte contre la toxicomanie et le sida. Toutefois, sans vouloir faire de comptabilité morbide, je voudrais tout de même rappeler que 60 000 décès sont dus au cancer et 60 000 aux maladies cardio-vasculaires ou pulmonaires, dans lesquelles le tabac et l'alcool jouent un rôle considérable.
M. Lucien Neuwirth. C'est vrai !
M. Charles Descours. S'agissant de la toxicomanie et du sida, nous avons fait des efforts, vous avez fait des efforts, monsieur le secrétaire d'Etat, et vos prédécesseurs en avaient faits aussi. Je m'en réjouis car ces deux fléaux frappent des jeunes et des personnes connues. Cependant, essayons de faire abstraction de l'effet de mode et préoccupons-nous des causes essentielles de mortalité que sont les cancers liés au tabagisme et à l'alcoolisme. Il faut augmenter les crédits consacrés à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme Michelle Demessine. Effectivement !
M. Charles Descours. Si cela n'est pas fait, je n'exclus pas, puisque nous pouvons désormais influer sur le budget de la sécurité sociale, que le Parlement inscrive dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 - d'ailleurs, au détriment des conseils d'administration - des montants significatifs pour lutter contre ces deux fléaux.
J'ai toujours approuvé les augmentations des prix du tabac et de l'alcool décidées par tous les gouvernements. J'ai fait approuver par le Sénat la loi Evin visant, notamment, à limiter la publicité sur le tabac et l'alcool. Il faut toujours appliquer la règle des trois « P » - les prix, la publicité et la prévention. Si on a fait beaucoup pour les prix et un peu pour la publicité, en revanche, on n'a rien fait ou on n'a pas fait grand-chose pour la prévention,...
M. François Autain. Voilà !
M. Charles Descours. ... et ce quel que soit le Gouvernement. Ce que j'affirme aujourd'hui, je l'avais déjà dit à M. Evin.
Nous devons donc faire un effort en ce qui concerne la prévention. L'alcoolisme et le tabagisme sont, en effet, deux fléaux touchant désormais de plus en plus de jeunes.
Mme Michelle Demessine. Et de femmes !
M. Charles Descours. Je ne sais pas si les femmes sont de plus en plus nombreuses à boire. En tout cas, elles sont de plus en plus nombreuses à fumer.
Nous avons donc sur un taux de tabagisme qui baisse très peu un transfert vers les populations les plus jeunes. La publicité doit être faite d'une manière positive : on doit apprendre aux gens quel danger ils courent quant ils boivent ou lorsqu'ils fument d'une façon excessive.
Je pense que ces remarques pourraient inspirer votre prochain projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat. Dans le cas contraire, nous serions obligés d'inscrire des crédits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
En tout cas, cette observation sur le financement de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme mise à part, je considère que, compte tenu de ce que j'ai dit auparavant et de l'augmentaiton globale qu'il connaît, ce budget reste un excellent budget et c'est pourquoi je le voterai sans état d'âme. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le secrétaire d'Etat, le temps qui m'est imparti pour évoquer votre action m'oblige, pour faire court, à faire fort. (Sourires.) Je vous prie de m'en excuser.
A vous regarder agir, en effet, je ne peux m'empêcher de penser à ce jeu télévisé intitulé Des chiffres et des Lettres . En effet, quand vous parlez de politique de santé publique, vous n'avez jamais de mots assez longs, et lorsque vous la financez, vous n'avez jamais de chiffrage assez court.
M. Alain Gournac. Oh !
M. François Autain. J'aimerais le démontrer par quelques exemples, qu'ils touchent à la réforme des structures de l'administration sanitaire, aux interventions publiques prévues au titre IV, à la lutte contre les grands fléaux, ou encore à l'amélioration de la protection et de la sécurité sanitaires.
S'agissant d'abord des réformes de structures, je reprendrai à mon compte les excellentes observations du rapporteur pour avis M. Louis Boyer en ce qui concerne les investissements hospitaliers. Vous avez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, reconnu, à l'Assemblée nationale, que le désengagement de l'Etat compromettrait la nécessaire modernisation des établissements, sans laquelle il n'y aura pas de restructuration hospitalière réussie, bien entendu dans le respect des objectifs de santé publique. Vous avez laissé entendre que l'assurance maladie devrait prendre le relais. Voulez-vous me dire, dans le contexte actuel, avec quels moyens ?
Je regrette également, et ce sera mon deuxième exemple, que les moyens accordés aux agences régionales de l'hospitalisation qui seront chargées de cette restructuration ne soient pas à la hauteur des objectifs qui leur sont assignés.
J'observe, enfin, que les moyens des services vont être réduits à la suite de la suppression de cent postes en 1997. Que sont devenues les ambitions affichées d'un renforcement sensible des postes d'encadrement pourtant si nécessaires à la mise en oeuvre des réformes ?
Quant aux interventions publiques, elles sont, elles aussi, en régression.
Le désengagement de l'Etat en matière de formation des professions paramédicales, qui ne s'est pas démenti depuis trois ans, va, hélas ! se poursuivre.
En effet, 46 millions de francs feront défaut aux écoles de formation des professions paramédicales par rapport à l'année dernière, alors que les besoins en personnel demeurent. Elles devront compenser cette réduction de crédits par une contribution financière demandée aux étudiants, pourtant peu fortunés et qui feront donc les frais de ce désengagement.
Il est paradoxal, par ailleurs, de constater la quasi-disparition des crédits destinés à la formation continue des professions paramédicales, alors que le plan « Juppé », très opportunément, la rend obligatoire pour les médecins.
S'agissant, ensuite, de la lutte contre les grands fléaux, les critiques, monsieur le secrétaire d'Etat, doivent se faire plus vives.
Je crois l'avoir déjà dit à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous ne pouvez pas faire croire à une vraie politique de santé publique quand, ayant augmenté très sensiblement les taxes sur les alcools et sur le tabac, les crédits consacrés à la prévention stagnent. Comme M. Charles Descours, je dirai qu'il ne s'agit pas d'une originalité du présent gouvernement.
Glaner quelques recettes supplémentaires pour la sécurité sociale, voilà donc, semble-t-il, votre seul objectif. La déception est encore plus grande quand on sait que, sur les 2 millions de francs consacrés à la prévention du tabagisme, la moitié va aux actions judiciaires entreprises par le bouillant conseil juridique du Comité national de lutte contre le tabagisme.
Comment ne pas évoquer, surtout, la navrante conclusion de l'affaire des « buvettes » ? Vous avez reçu au Sénat le soutien actif de notre groupe pour empêcher l'adoption de l'amendement des députés.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Nous n'avions pas le soutien du groupe socialiste à l'Assemblée nationale !
M. François Autain. Nous avons, une fois n'est pas coutume, fait front commun avec la majorité du Sénat contre les alliances contraires, mais de même nature, nouées à l'Assemblée nationale.
Tout cela pour aboutir à quoi ? A un décret, pris en plein mois d'août, qui n'honore pas ceux qui l'ont négocié puis signé.
S'agissant de la recherche contre le cancer, M. le rapporteur a excellement dit, reprenant à son compte les conclusions récentes d'un rapport de l'IGAS, que la multiplication des initiatives ne pouvait tenir lieu de politique globale de prévention et de prise en charge. Il faut absolument, monsieur le secrétaire d'Etat, fixer les objectifs et définir les moyens budgétaires permettant de les atteindre.
S'agissant des thérapies nouvelles offertes aux victimes du sida et qui, reconnaissons-le, donnent des résultats plutôt encourageants, je voudrais être sûr de la liberté de prescription des praticiens et de l'égalité du droit d'accès des patients.
Dans un autre domaine, dois-je vous rappeler les réactions très négatives que suscitent vos atermoiements dans le dépistage de la trisomie 21 dont vous voulez - contre toute logique - limiter la prise en charge aux femmes âgées de plus de trente-huit ans alors que l'on sait que la majorité des naissances présentant cette anomalie génétique survient chez les femmes plus jeunes ?
Signalons enfin qu'on ne trouve rien, dans votre projet de budget, en ce qui concerne la lutte contre la contamination par l'amiante, et plus généralement contre les pathologies évitables qu'avaient recensées dans son rapport le Haut Comité de la santé publique.
Le dernier volet de votre action, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est le renforcement de la sécurité sanitaire.
J'ai d'abord trouvé M. le rapporteur fort aimable pour juger de l'évolution des crédits attribués aux agences chargées du contrôle des produits. Les auditions auxquelles procède actuellement la mission sénatoriale montrent que les moyens de l'Agence du médicament, s'ils garantissent la sécurité sanitaire, méritent toutefois d'être encore renforcés pour permettre à cette agence d'être définitivement l'outil efficace, rapide dans ses interventions, que le Sénat avait voulu mettre en place. Comment ne pas souligner, en outre, la part croissante des taxes payées par l'industrie et le désengagement corrélatif de l'Etat qui, s'il se confirmait, pourrait faire peser à terme un soupçon sur l'indépendance de cette agence, compte tenu du fait que l'on pourrait lui reprocher d'avoir des liens financiers trop étroits avec l'industrie pharmaceutique ?
Quant aux crédits accordés à l'Agence du sang et à l'Etablissement français des greffes, force est de constater, au mieux, la stagnation et, au pire, compte tenu de l'évolution de leur mission, la diminution des moyens financiers qui leur sont alloués.
Je reprends, enfin, à mon compte les inquiétudes exprimées par le rapporteur en ce qui concerne l'avenir de l'Agence nationale d'évaluation, qui succédera bientôt à l'ANDEM : le montant des crédits qui lui sont alloués ne paraît pas, loin s'en faut, à la hauteur des missions qui lui sont confiées, d'autant que, si l'amendement que vous présentez à l'article 35 est adopté, les ressources vont être amputées de 25 %.
Décidément, si l'on mesure votre ambition réformatrice à l'aune des moyens dont disposent les instruments que vous avez créés pour la réaliser, c'est le scepticisme qui l'emporte.
Je relèverai un point de satisfaction cependant : l'augmentation sensible des crédits accordés au réseau national de santé publique de Saint-Maurice. Oserais-je toutefois rappeler que les CDC américains emploient 9 000 agents pour un budget de 10 milliards de dollars ? Avec quelques dizaines d'employés - très remarquables - on est loin du compte, vous en conviendrez.
D'une manière générale, monsieur le secrétaire d'Etat, le déplacement récent, auquel j'ai participé, de la mission sénatoriale aux Etats-Unis a fait apparaître la nécessité de fédérer les actions développées en vue de renforcer la veille sanitaire et la qualité du contrôle des produits destinés à l'homme. La mission sénatoriale, qui vous a auditionné mardi dernier, conclura prochainement ses travaux. Je sais que c'est un projet qui vous tient à coeur. Pourriez-vous cependant nous indiquer quelles sont vos intentions dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Telles sont, très rapidement exposées, les quelques réflexions que m'inspire la politique de santé du Gouvernement.
Vous me permettrez, pour conclure, d'observer qu'il est bien difficile de réfléchir sur une politique qui n'est pas définie, ou qui est tout au moins incomplètement définie.
Comme je l'ai déjà dit voilà quelques semaines, vous n'avez pas permis à la représentation nationale de débattre de cette définition.
La conférence nationale de santé doit être très rapidement le lieu privilégié de la préparation d'un tel débat. Le débat doit permettre d'exercer les choix et de définir les orientations.
Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, beaucoup de chemin reste à faire pour atteindre cet objectif.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles les membres du groupe socialiste ne voteront pas les crédits consacrés pour 1997 à la politique de santé publique. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Barrot déclarait, le 28 octobre dernier à l'Assemblée nationale, que les priorités de son budget en matière d'action sociale étaient « la lutte contre l'exclusion et l'accentuation de l'effort en faveur des handicapés ».
Nous aurons l'occasion, au cours de la discussion, d'aborder les crédits consacrés aux handicapés, et je concentrerai ma courte intervention sur la lutte contre l'exclusion.
Faut-il rappeler que la lutte contre la « fracture sociale » était le thème majeur de M. Jacques Chirac, candidat à l'élection présidentielle ?
Force nous est de constater que, en la matière, le bilan est catastrophique. Le nombre de bénéficiaires du RMI a augmenté de 5 % en un an, et il a doublé en huit ans.
Aujourd'hui, sans doute, 12 millions de personnes sont touchées par la pauvreté et une famille sur quatre est frappée par le chômage. Selon l'INSEE, le nombre de jeunes en situation de grande pauvreté a doublé en dix ans.
Tout l'éventail social est concerné. Ainsi, les jeunes de moins de trente ans sont de plus en plus nombreux à accéder au RMI : 43 % des nouveaux bénéficiaires ont moins de vingt-neuf ans, et parmi eux figurent des jeunes diplômés, voire très diplômés - 37 % ont un diplôme supérieur au bac - qu'un BTS, une maîtrise universitaire, un doctorat ou un diplôme d'ingénieur ne protègent plus du chômage.
Tous sont victimes d'une politique - votre politique et celle du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat - qui privilégie la finance au détriment de la production et des dépenses sociales, une politique qui étend la précarité, les inégalités sociales, qui casse les acquis et les droits sociaux.
Comment s'étonner de l'exclusion de l'accès aux soins d'un nombre toujours plus grand de personnes quand on impose une politique de rationnement des soins, comme vous le faites avec le plan Juppé ?
Comment s'étonner que l'accès au logement soit de plus en plus difficile quand on sacrifie la construction de logements sociaux, quand on baisse le pouvoir d'achat des aides au logement et qu'on relève les plafonds pour l'APL ?
Comment s'étonner que de plus en plus de personnes, notamment des jeunes, soient exclues du monde du travail quand on privilégie des formes d'activité qui déstabilisent l'emploi - je pense à la multiplication des emplois précaires type contrat emploi-solidarité, des contrats à durée déterminée et du temps partiel - quand de plus en plus de chômeurs ne touchent aucune allocation ?
Je parlais de l'augmentation du nombre de jeunes bénéficiaires du RMI : ils représentent aujourd'hui un quart des allocataires. Mais la situation est dramatique pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui, donc, ne peuvent en bénéficier. On estime ainsi que 300 000 jeunes de treize à vingt et un ans sont en réel danger d'exclusion, et que 80 000 d'entre eux sont proches de la marginalisation.
C'est pourquoi il est urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, de revaloriser significativement le montant du RMI et d'en ouvrir l'accès aux jeunes de moins de vingt-cinq ans connaissant des problèmes d'insertion particulièrement importants.
Toute personne à la recherche d'un emploi devrait bénéficier gratuitement de stages dispensés par des organismes compétents.
Si, donc, on ne peut se réjouir de l'augmentation d'un budget qui marque, en fait, la progression de la pauvreté, il ne faudrait pas oublier toutes les charges dont l'Etat laisse le poids aux collectivités locales, lesquelles se retrouvent frapppées de plein par l'accroissement de la pauvreté.
Faire reculer l'exclusion exigerait d'autres moyens que ceux qui sont dégagés. Mais ce n'est pas le choix que le Gouvernement fait, ainsi que les derniers débats sur le projet de loi de finances nous l'ont bien montré : il propose en effet l'allégement de l'impôt sur les grandes fortunes pour un millier de contribuables !
Quelle indécence alors que, selon le Secours catholique, une personne sur cinq, parmi celles que cette association a rencontrées, dispose de 30 francs ou moins par jour !
Nous approchons des fêtes de fin d'année. De partout vont scintiller les lumières et les paillettes d'un moment privilégié de joie et de retrouvailles dans les familles.
Les enfants des familles en difficulté ont droit aussi à leur part de rêve. C'est pourquoi le Gouvernement s'honorerait, comme l'a proposé Robert Hue en s'adressant à Alain Juppé, notre Premier ministre, d'attribuer, sous forme de prime de Noël, les 500 francs qui ont fait défaut à la prime de rentrée scolaire et qui continuent de manquer.
M. François Autain. Bonne idée !
Mme Michelle Demessine. Au contraire des orientations du projet de loi de finances pour 1997, un plan d'urgence pour la pauvreté exigerait un doublement de l'impôt sur la fortune.
Notre conception de la société est radicalement opposée à la vôtre, qui est celle d'une société où l'argent règne en maître.
C'est aussi parce que nous refusons la perspective d'une société toujours plus dure pour les faibles et toujours plus clémente pour les tenants du capital que nous rejetons vos orientations en matière d'action sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, chaque année, la discussion du rapport budgétaire concernant les crédits du ministère de la santé permettait d'évoquer les dépenses de l'assurance maladie et leur évolution, ainsi que les actions propres du ministère en matière de santé publique ou d'équipements hospitaliers, par exemple.
Désormais, c'est lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale que le Parlement doit se prononcer sur les « conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale et sur les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale ».
Voilà quelques semaines, à l'occasion de ce débat, à cette même tribune, j'avais regretté, comme plusieurs de nos collègues, que « les orientations de la politique de santé » soient à peine évoquées dans un texte essentiellement comptable. Et, comme les années passées, nous retrouvons dans ce projet de loi de finances l'exposé des orientations politiques que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nul doute qu'en recourant au « copié-collé », pour reprendre une expression d'informaticien, en inscrivant ces objectifs dans la loi de financement de la sécurité sociale, vous auriez amélioré « la lisibilité » des deux textes, vous auriez mieux satisfait à l'esprit de la réforme de la sécurité sociale et aux attentes du Parlement, et vous auriez prévenu les critiques, justifiées cette année - mais cette année seulement - de la commission des finances, exprimées par certains de ses membres dénonçant, à travers cette double démarche budgétaire, « un système ingérable ».
Comme l'a dit en réponse le ministre délégué au budget, « cette année, nous essuyons les plâtres ». Nul doute que le Gouvernement fera mieux l'an prochain !
Mon intervention portera sur les priorités sur lesquelles le Gouvernement propose de concentrer les moyens, sur la démographie médicale et les évolutions contradictoires qu'elle laisse apparaître, sur la sécurité et la veille sanitaire.
En matière de renforcement de la lutte contre les fléaux sanitaires et les dépendances, je suis amené à reprendre l'interrogation que plusieurs de nos collègues ont exprimée encore à l'instant et que j'avais formulée l'an dernier : sur quels critères de santé s'appuient les choix financiers que vous avez l'intention d'arrêter ?
Toutes les études épidémiologiques, les rapports du Haut comité de santé publique, les conclusions des conférences régionales et nationale de santé soulignent le fait que la France connaît la mortalité prématurée la plus élevée d'Europe. Le premier objectif devrait donc consister à rattraper notre retard, d'autant que les facteurs en sont parfaitement connus, à savoir, au premier chef, le tabac, l'alcool, les pathologies cardiovasculaires et le cancer.
Or il n'y a aucune corrélation entre les dotations financières et ces diverses pathologies. Plusieurs orateurs se sont exprimés sur ce point, et je ne souhaite pas m'y attarder plus longtemps.
Je n'irai pas non plus jusqu'à reprendre l'expression un peu cruelle du rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, qui a parlé de « hiérarchie de l'audimat ».
Beaucoup d'entre nous gardent le souvenir de la discussion épique qui s'est instaurée, lors du débat sur le dernier projet de loi portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire, le DMOSSS, dont j'étais le rapporteur devant la Haute assemblée, à propos de l'amendement « buvettes ».
Plusieurs orateurs étant intervenus pour regretter les conditions dans lesquelles un décret paru dans le courant de l'été avait permis de déroger et, par là même, d'aller à l'encontre de la volonté exprimée par la Haute Assemblée, je ne développerai pas mon argumentation sur ce point.
Cependant, je ne peux pas faire l'impasse sur la demande exprimée tout récemment par le Haut comité de santé publique quant à un plan national de lutte contre les comportements à risques liés à l'alcool. Quelles sont vos intentions à ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat ?
La démographie médicale, le développement de l'offre de soins sont considérés comme des facteurs d'accroissement des dépenses de santé et de disparités régionales, et les conclusions de la mission confiée à Dominique Coudreau seront très attendues.
Outre le fait qu'il ne faudra sans doute plus tarder à infléchir le numerus clausus pour l'entrée dans les facultés de médecine, car la « décrue » démographique s'amorcera avant dix ans, les mesures annoncées par le Premier ministre dans sa déclaration du 15 novembre tardent à se concrétiser : « Des incitations à la réorientation d'un nombre significatif de médecins de ville vers la médecine préventive en milieu scolaire ou au travail seront instituées », avait dit M. Juppé.
Cette intention est louable, compte tenu de la pénurie médicale régnant dans ces domaines. Mais comment expliquer alors que le projet de loi de finances pour 1997 ne comporte aucune mesure nouvelle pour la médecine scolaire ?
Comment expliquer aussi la sous-médicalisation des hôpitaux publics, dénoncée à juste titre par l'excellent rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Louis Boyer, et dont la seule réponse réside dans l'amélioration du statut des praticiens hospitaliers ?
Et comment expliquer enfin que la situation des médecins à diplôme étranger n'ait toujours pas été correctement réglée depuis la loi du 4 février 1995 ?
Plusieurs de mes collègues, dont M. Descours, se sont exprimés sur la question de la sécurité sanitaire. Ils ont notamment fait état de l'avancement des travaux de la mission sénatoriale, lesquels nous ont permis à la fois de constater le bon fonctionnement des structures existantes et de relever quelques lacunes. En liaison étroite avec vous-même et votre cabinet, monsieur le secrétaire d'Etat, il nous appartiendra d'étudier les conditions dans lesquelles ces dernières peuvent être comblées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, tenant compte du souci de rigueur qui marque le projet de loi de finances pour 1997, les membres du groupe de l'Union centriste considèrent que la santé « ne s'en tire pas trop mal ». C'est la raison pour laquelle ils voteront votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, deux ans après le début de nos travaux sur la prise en charge de la douleur, je pense nécessaire de dresser rapidement un premier bilan, et surtout de remercier M. le secrétaire d'Etat des mesures qu'il a annoncées le 21 novembre dernier.
En effet, tant qu'un enfant, une personne âgée, bref, un malade souffrira alors que sa souffrance aurait pu être évitée, notre travail ne sera pas achevé. Mes chers collègues, publier un rapport, faire des propositions au Gouvernement, voter une loi, dégager des crédits, c'est bien. Mais il nous faut voir si la loi est appliquée, si les propositions sont suivies d'effet et si l'argent a été bien employé.
Nous allons donc examiner point par point ces différents aspects.
Premier point : les mentalités ont évolué dans le bon sens.
Si la prise en charge de la douleur est longtemps restée insuffisante dans notre pays, c'est, en grande partie, en raison d'une insuffisante prise de conscience de la légitimité du combat contre la douleur. Celle-ci concernait non seulement les médecins et les équipes soignantes, mais aussi les malades et leur famille.
Les auditions publiques de la commission des affaires sociales et la publication du rapport ont eu un important retentissement médiatique, qui était indispensable pour faire évoluer le sujet. Grâce aux auditions publiques, la position des églises, notamment, est mieux connue de tous. On continue d'ailleurs à demander régulièrement le rapport, et ces demandes émanent principalement de médecins, d'hôpitaux, d'étudiants ou de journalistes qui préparent des articles.
Le code de déontologie médicale a été modifié.
Il est cependant important que nous continuions à travailler et à alimenter ainsi cette évolution des mentalités.
Deuxième point : la loi que nous avons votée couvre désormais l'ensemble des établissements de santé et des établissements médico-sociaux. Mais, à ce jour, monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'avons pas d'informations précises sur le degré d'application de la loi, même si nous savons que les choses ont bien progressé.
Il serait pourtant facile de mesurer cette application, au moins dans les hôpitaux, grâce aux directions départementales de l'action sanitaire et sociale et, désormais, aux agences régionales de l'hospitalisation, qui ont connaissance des projets d'établissement.
C'est pourquoi je voudrais vous formuler une première demande : il faudrait que les services déconcentrés de l'Etat recensent les hôpitaux qui ont fait quelque chose et ceux qui n'ont rien fait.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Lucien Neuwirth. Nous vous suggérons également de rédiger une circulaire d'application qui serait distribuée à tous les services déconcentrés et aux différents établissements. Cette circulaire préciserait les obligations légales et énumérerait des exemples de moyens pour les satisfaire.
D'ores et déjà - et nous nous en félicitons - les instructions ministérielles annuelles relatives à l'évolution des dépenses des établissements sanitaires sous compétence tarifaire de l'Etat ont retenu, en 1995 et 1996, le traitement de la douleur au titre des priorités en matière de santé et d'organisation des soins.
Troisième point : la mise en oeuvre de nos propositions concernant la formation des médecins et les durées de prescription des morphiniques a été rapide.
D'une part, la réforme du deuxième cycle des études médicales prévoit que les futurs médecins devront obligatoirement participer à un séminaire consacré à la douleur et aux soins palliatifs, ce qui est très important pour l'avenir, même si un problème demeure néanmoins concernant les concours d'internat.
D'autre part, la durée maximale de prescription de la morphine orale a été doublée, comme nous le souhaitions, ce qui constitue une source de plus grand confort pour les patients. Il reste à poursuivre l'entreprise pour d'autres morphiniques.
Quatrième point : les crédits que nous avions obtenus sur la réserve parlementaire, à titre exceptionnel et pour engager la réforme, ont été utilisés pour former les médecins : les 5 millions de francs que nous avions débloqués ont été distribués, à la suite d'un appel à candidature auprès des centres hospitaliers et universitaires, pour financer des actions de formation à la lutte contre la douleur ouvertes aux professionnels des établissements de santé, mais aussi aux praticiens libéraux de la zone d'attraction de l'établissement.
Il appartient maintenant à l'Etat de prendre le relais et je proposerai tout à l'heure un amendement destiné à dégager 2,5 millions de francs pour des actions de formation continue concernant le traitement de la douleur destinées aux médecins et aux personnels paramédicaux.
Cinquième point : le dossier « carnet à souches » était malheureusement bloqué, mais vous nous avez annoncé, le 21 novembre, une prochaine modernisation de ce carnet. Elle s'avérait indispensable.
Comme nous l'avions dit dans notre rapport, nous estimons que la généralisation des cartes d'assuré social permettra même de supprimer le carnet à souches.
Sixième point : les ordonnances du plan Juppé comprennent d'intéressantes dispositions.
Ainsi, l'ordonnance portant réforme hospitalière prévoit que la qualité des soins constitue un objectif pour tous les établissements de santé. Elle les oblige à évaluer cette qualité et indique qu'il est tenu compte de cette évaluation dans la procédure d'accréditation des établissements.
Dès que nous en aurons l'occasion, nous déposerons un amendement visant à préciser, dans le texte de l'ordonnance, que la prise en charge de la douleur des patients entre bien dans le champ de la qualité des soins, ce qui nous paraît constituer une évidence.
Si une telle disposition était adoptée, l'évaluation de la prise en charge de la douleur serait un élément d'appréciation pour l'accréditation, et aussi, je l'espère, pour l'inscription à la nomenclature dans l'avenir.
Septième et dernier point : il faudrait, monsieur le secrétaire d'Etat, affecter des postes de praticien hospitalier à la prise en charge de la douleur, car cela est particulièrement attendu.
En effet, vous le savez, des médecins se sont investis, dans les hôpitaux et en ville, afin d'améliorer la prise en charge de la douleur. Ces pionniers, qui ont tellement fait avancer les choses, nous ne devons pas les laisser seuls. Il faut leur faire comprendre que la lutte contre la douleur fait partie des priorités gouvernementales en matière de santé. Compte tenu de l'ampleur des besoins et malgré le contexte de rigueur budgétaire, j'estime qu'il est possible d'affecter à la lutte contre la douleur quelques postes de praticien hospitalier aujourd'hui vacants.
Au moment où notre ambition commune, mes chers collègues, est de faire entrer une dimension qualitative dans notre politique de la santé, serait-il possible un seul instant de laisser de côté le traitement de la douleur dans ses multiples expressions ?
J'ai eu l'occasion de le dire, un courant puissant s'est mis en mouvement dans notre pays en faveur de la prise en charge de la douleur et du développement des soins palliatifs ; cette évolution nécessaire dans les mentalités mérite le soutien du Gouvernement et du pays tout entier. Le Sénat unanime a montré la voie ; à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, d'en assurer la réussite ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mazars.
M. Georges Mazars. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, réduire la fracture sociale, tel était le fil conducteur de la campagne de M. Chirac, voilà un peu plus d'un an et demi. C'est donc à la lumière de cet objectif, que nous partageons tous, que nous devons examiner le projet de loi de finances pour 1997, et singulièrement les crédits que l'on nous propose d'affecter au ministère du travail et des affaires sociales, en particulier dans les domaines de la santé publique et de l'action sociale.
RMI, avenir des objecteurs de conscience, aide à domicile, financement de la loi d'orientation sur la cohésion sociale sont autant de domaines où les mesures qui nous sont proposées tendent plus, selon moi, à élargir la fracture qu'à la réduire.
Le RMI voit ses crédits augmenter de plus de 5 % par rapport au budget de 1996. Cela ne pose pas en soi problème puisque l'augmentation est fonction de celle du nombre des bénéficiaires.
Le Gouvernement donne cependant moins de publicité à sa volonté d'économiser 500 millions de francs en - je cite la lettre de cadrage adressée au ministre du travail et des affaires sociales - « renforçant les contrôles et en mettant en oeuvre l'obligation alimentaire et la récupération sur succession ».
La volonté du législateur, unanimement exprimée par la représentation nationale en 1988, a limité l'obligation alimentaire à quelques situations précaires. Prévoir que les ressources des descendants ou ascendants pourront être prises en compte pour l'attribution du RMI, c'est, à l'évidence, contribuer à une diminution purement artificielle du nombre des bénéficiaires. En effet, beaucoup de personnes en situation de rupture familiale et dont la famille ne connaît pas une situation précaire préféreront sans doute renoncer au bénéfice du RMI plutôt que de dépendre à nouveau de leur famille.
L'argent public économisé par ce biais ne me semble pas digne de notre responsabilité.
Les moins de trente ans constituent un quart des bénéficiaires du RMI ; la mise en oeuvre de cette mesure, qui les toucherait donc en priorité, ferait d'eux des mineurs économiques, et donc des citoyens de seconde zone, ce qui contribuerait à élargir la fracture sociale et son corollaire, la fracture civique.
La mesure envisagée suscite de ma part deux réflexions.
En premier lieu, comment se ferait le contrôle des revenus des ascendants ou descendants dans le respect de la législation « Informatique et libertés » ? Le RMI est assurément un dispositif perfectible, mais il semble clair que c'est plutôt sur le volet de l'insertion qu'il faudrait faire porter nos efforts.
En second lieu, on s'est peu préoccupé pour l'instant des effets qu'aurait la suppression du service national sur le fonctionnement des nombreuses associations qui vivent grâce aux objecteurs de conscience. Or le projet de loi de finances prévoit une baisse de 30 % des crédits consacrés aux appelés qui ont choisi cette forme de service national. Il est nécessaire que le Gouvernement nous apporte des éclaircissements sur cette question, car les prises de position de deux de ses membres me semblent pour le moins contradictoires. En effet, à l'Assemblée nationale, M. Barrot a déclaré que la baisse des crédits en question était justifiée par la fin de l'objection de conscience en 1997, tandis que M. Millon a annoncé récemment que cette possibilité resterait ouverte aux jeunes au-delà de la suppression du service national obligatoire.
Permettez-moi simplement de demander quel sens aura l'objection au fait de porter les armes pour des raisons liées aux convictions personnelles lorsque aura disparu la notion même de l'année due par les jeunes au service de la nation. Il est indispensable que nous ayons rapidement des précisions sur ce point et que, dans tous les cas de figure, les associations qui bénéficient actuellement de la compétence des objecteurs soient assurées de pouvoir continuer à fonctionner dans des conditions au moins aussi favorables que celles qui existent aujourd'hui. Cela a une importance toute particulière pour les associations qui participent, d'une manière ou d'une autre, à la lutte contre l'exclusion.
Les crédits pour la formation des intervenants de l'aide à domicile subissent une baisse de près de 80 %. En ce qui concerne la qualification de ces professionnels, cela contribue à la dévalorisation des diplômes reconnus et à l'éclosion de formations fantaisistes, qui n'offrent aucune garantie aux personnes bénéficiaires de cette aide. De plus, cette déqualification entraîne une précarisation des salariés qui contribuent à un service public. On se situe aux antipodes des recommandations du Conseil supérieur du travail social, qui tendaient à considérer désormais l'aide à domicile comme partie intégrante du travail social.
Par ailleurs, 470 millions de francs sont inscrits en mesures exceptionnelles pour la mise en oeuvre du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale. Mais cette somme provient des économies faites dans le budget du travail sur l'allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droits. Cette loi, faute de moyens financiers supplémentaires, risque de se réduire comme peau de chagrin et de n'être qu'un texte d'affichage d'une mesure qui serait de surcroît rendue possible par des économies faites au détriment des plus modestes.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre le projet de budget du ministère des affaires sociales.
Enfin, je voudrais profiter de cette discussion pour soulever un problème qu'il nous appartient à nous seuls, mes chers collègues, de régler.
Nous votons des mesures en faveur de l'accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées. Or j'ai pu constater concrètement, la semaine dernière, que le Palais du Luxembourg ne comportait aucun aménagement permettant une réelle accessibilité aux personnes handicapées. Ces dernières subissent, de ce fait, une discrimination que je trouve, pour ma part, intolérable. Il est indispensable et urgent que nous trouvions rapidement les crédits nécessaires aux travaux qui s'imposent.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je serai très bref, compte tenu du temps qui m'est imparti.
Je tiens, à l'occasion de l'examen du projet de budget consacré aux affaires sociales, à attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le niveau de la pauvreté dans les départements d'outre-mer, qui reste très élevé.
En effet, on recense aujourd'hui près de 109 000 bénéficiaires du RMI dans les DOM, dont 50 000 dans mon département, la Réunion ; si l'on compte également les familles, c'est-à-dire les personnes à la charge du RMIste, ce sont 16 % de la population des DOM qui sont concernés par le RMI.
Certes, votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, prévoit, par rapport à l'an dernier, une augmentation des crédits affectés au RMI de plus de 1,2 milliard de francs pour l'ensemble de la France, dont 10 % seulement, hélas ! seront consacrés à l'outre-mer. Cet effort remarquable mérite d'être souligné, même s'il reflète une réalité qui voit croître sans cesse le nombre des exclus.
Dans ces conditions, comment ne pas repenser le RMI pour en faire un véritable outil vers l'insertion, une véritable prestation d'activité ? Car, huit ans après son instauration, le bilan du RMI n'est pas satisfaisant en termes d'éradication de l'exclusion.
Force est de constater que les programmes d'action engagés outre-mer en faveur de l'insertion ne répondent pas à notre attente : ainsi, à ce jour, à peine 5 000 contrats d'insertion par l'activité ont été signés sur les quelques 109 000 allocataires du RMI que comptent les DOM, alors que l'objectif du Gouvernement était fixé à 10 400 contrats pour la fin de l'année 1996 !
Il est facile d'ironiser en disant que le RMI s'est, au fil des ans, transformé en RMG, c'est-à-dire en revenu minimum garanti.
Faisons en sorte qu'il devienne une aide et une incitation à l'emploi, pour donner une nouvelle dynamique à la politique d'insertion. Passons d'une logique d'assistance à une logique de remise au travail, en offrant au RMIste la possibilité d'obtenir un emploi dans tous les secteurs d'activité y compris le secteur privé.
Les modalités du dispositif que je suggère seront, certes, à étudier en détail, mais on pourrait envisager que l'employeur ne supporte que la différence entre l'allocation et le salaire, à charge pour lui, comme pour le RMIste, de payer les cotisations sociales afférentes, ce qui contribuerait à diminuer le déficit de la sécurité sociale. Le dispositif serait limité dans le temps et l'employeur serait encouragé à transformer ce contrat en un véritable contrat de travail.
Inciter davantage le RMIste à s'insérer dans le monde du travail pour retrouver sa dignité, inciter davantage l'entreprise ou l'association à faire appel à un RMIste, tels sont les objectifs d'une expérience qu'il faut tenter, car il est insupportable de voir une partie de la population - les jeunes surtout - oisive, sans occupation, ne sachant que faire pour passer le temps, et tentée par la délinquance.
Ce débat a d'ailleurs déjà été ouvert, notamment à l'occasion de la tenue des assises de l'égalité sociale et du développement de l'outre-mer au mois de février dernier, ainsi qu'à l'Assemblée nationale, par certains de nos collègues parlementaires.
Les départements d'outre-mer ayant déjà été le terrain d'expérimentation pour le contrat d'accès à l'emploi, qui a été, par la suite, institué en métropole sous le nom de contrat initiative - emploi, le CIE, pourquoi ne pas faire de même avec le RMI ?
Nous attendons, pour le début de l'an prochain, un projet de loi de cohésion sociale destiné à résorber la fracture sociale et à lutter contre l'exclusion. Ne serait-ce pas là une opportunité à saisir ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que vous êtes particulièrement attentif à la situation économique et sociale difficile des départements d'outre-mer. C'est pourquoi je vous renouvelle ma confiance en approuvant votre projet du budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai souhaité intervenir ce soir sur un sujet qui continue de me tenir à coeur, les personnes handicapées, même si je ne suis plus rapporteur pour avis, tâche enrichissante que j'ai assumée pendant quatre ans. Je remercie d'ailleurs notre collègue M. Jean Chérioux d'y avoir fait allusion.
Souhaitant porter un regard empreint d'humanité et d'espoir, j'ai articulé mon propos autour de quatre axes.
Il m'a semblé, d'abord, nécessaire de rappeler que l'insertion des enfants handicapés dans le milieu éducatif devait se faire le plus tôt possible, ce qui n'est pas facile. Or, à cet égard, les progrès accomplis semblent insuffisants car il n'y a pas assez d'instituteurs spécialisés, et je le regrette.
De plus, il m'a toujours semblé que la puissance publique devait mener de manière égale une politique en faveur de ceux qui peuvent travailler et de ceux qui ne peuvent le faire, même si cela est difficile aujourd'hui ; le ministre de la fonction publique en a d'ailleurs parlé tout à l'heure pour l'embauche de personnes handicapées.
Or, à cet égard, le transfert du financement de la garantie de ressources pour les personnes handicapées travaillant en milieu ordinaire du budget de l'Etat à l'AGEFIPH, par le biais de l'article 97 du présent projet de loi de finances, me conduit à poser une question : ne peut-on craindre, de ce point de vue, un certain désengagement de l'Etat ? J'aimerais, monsieur le ministre, que vous me rassuriez sur ce point ainsi que sur deux autres.
Tout d'abord, le temps n'est plus de la montée en charge de la loi de 1987, où l'AGEFIPH voyait croître ses excédents. Il ne faudrait pas que sa situation financière soit ménacée à terme par des transferts de charges. Ensuite, c'est le statut même de l'AGEFIPH - c'est une association - qui peut paraître désormais insuffisant dans la mesure où celle-ci est investie d'un rôle d'opérateur public.
Mais ces interrogations ne doivent pas faire oublier que, compte tenu du contexte budgétaire difficile - tout le monde l'a dit - les dispositions en faveur des handicapés qui figurent dans ce projet de budget s'avèrent, dans l'ensemble, favorables, avec la création de 500 places d'ateliers protégés et de 2 000 places de CAT.
Cet effort est d'autant plus notable que, s'agissant des CAT, est appliquée la vérité des prix. Ainsi, le coût d'une place est estimé à 67 500 francs au lieu de 55 000 francs l'an passé.
Parallèlement, les crédits de fonctionnement des CAT déjà existants - c'était également très important - sont accrus.
S'agissant des crédits de tutelle et de curatelle, ils enregistrent une croissance de plus de 17 %, ce qui est tout à fait significatif.
Enfin, l'allocation aux adultes handicapés augmente de 7,2 %, atteignant, pour 1997, 22,26 milliards de francs, ce qui prouve, une fois encore, que les dispositions de la loi de finances pour 1994, contre lesquelles je m'était élevé, ont eu un caractère inopérant.
Au-delà du strict plan budgétaire, 1996 a été une année notable pour les handicapés puisqu'une proposition de loi sur l'autisme - sujet très difficile - a été discutée et que des textes réglementaires fort importants sont intervenus, concrétisant ainsi les efforts des années passées. Il s'agit notamment de la circulaire du 4 juillet 1996 sur la prise en charge médico-sociale et la réinsertion sociale et professionnelle des traumatisés crâniens, et de la circulaire du 5 juillet 1996 relative au recensement des besoins des personnes qui peuvent relever de handicaps rares.
Nous avançons ainsi, comme je l'avais souhaité les années passées, sur le chemin d'une meilleure connaissance et d'une prise en charge mieux adaptée du handicap et des handicapés.
C'est donc sur cette note d'espoir, monsieur le secrétaire d'Etat, valeur qui manque tant à notre pays, que je voterai les crédits du budget des affaires sociales pour 1997 (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le secrétaire d'Etat, après ce long débat sur la santé, et avant que vous répondiez aux orateurs, je voudrais vous faire part de deux observations.
Premièrement, je constate avec satisfaction que la politique de santé publique qui est soutenue par ce budget est placée sous le signe de la réforme.
Pour la lutte contre les grands fléaux sanitaires, tous mes collègues vous ont demandé, monsieur le secrétaire d'Etat, de clarifier davantage chaque action, notamment de mieux chiffrer l'action en matière de cancer.
En ce qui concerne les produits alcooliques et le tabac, je considère que l'évolution que nous avons inaugurée voilà quelques années et qui consiste à affecter une partie de la taxe sur ces produits à la Caisse nationale d'assurance maladie est une bonne chose, et qu'il faudra poursuivre dans cette voie.
Sur le problème de la sécurité sanitaire, nous avons des vues communes, me semble-t-il, sur la réorganisation des structures et sur l'élargissement des missions de l'Agence du médicament.
Le Sénat fonde beaucoup d'espoirs sur la transformation de l'Agence nationale pour le dévoppement de l'évaluation médicale, l'ANDEM, en agence nationale d'accréditation et d'évaluation, car seule une agence solide pourra nous permettre de réaliser la réforme hospitalière dans de bonnes conditions.
C'est un outil essentiel pour que le pouvoir médical hospitalier soit un peu contraint de prendre en considération les chiffres objectifs, ce qui serait une bonne chose. Nous attendons donc de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous accélériez la mise en place de cette agence.
Par ailleurs, nous savons que vous souhaitez modifier l'organisation de l'administration centrale de votre ministère. Il me semble que vous devriez le faire autour de trois pôles essentiels, à savoir la définition de la santé publique, le contrôle de l'appareil de soins et la gestion financière de la protection sociale. Mais il est clair que la création et, je l'espère, le bon démarrage des agences régionales d'hospitalisation vont avoir quelques incidences sur la structure de l'administration centrale.
Je forme deux voeux : le premier, c'est qu'il y ait une meilleure osmose entre le réseau de centres anticancéreux et l'ensemble de l'appareil hospitalier. Instruit de l'expérience de l'Ile-de-France, je voudrais éviter les batailles permanentes entre les uns et les autres, chacun estimant être seul compétent pour s'occuper de cancérologie.
En outre, je souhaite que, dans les organisations chargées d'instruire les projets, notamment dans les comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale, les CROSS, au sein desquels, aujourd'hui, les élus occupent trois sièges sur trente-six, vous acceptiez, à l'occasion d'une réorganisation aussi importante de l'appareil hospitalier, d'augmenter leur nombre. Ainsi, les malheureux élus qui participent à ces réunions ne se sentiraient pas comme des étrangers au milieu d'une assemblée de fonctionnaires habitués à traiter entre eux des questions de santé publique et d'organisation hospitalière. (M. Machet applaudit.) Je formule ce souhait parce que les élus ne connaissent pas si mal les problèmes de terrain.
J'en viens à ma seconde observation, qui porte sur l'avenir.
J'espère que, au cours de l'année 1997, se dérouleront un certain nombre de discussions importantes qui sont toutes placées sous le signe d'une solidarité plus agissante.
Pour la loi relative à la cohésion sociale, j'espère que nos amis du Conseil économique et social réussiront à mener à bien leur examen et qu'ils parviendront à rendre un avis dûment motivé. Il serait dramatique qu'un texte de cette nature, soit enterré.
Malgré la complexité des dispositifs que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, il est clair que nous sommes prêts à les examiner à partir du premier trimestre de l'année prochaine. Il s'agit d'un projet de loi important en matière de lutte contre l'exclusion. Il reste certes un certain nombre de choix à faire et j'attends beaucoup de vous.
Par ailleurs, l'assurance maladie universelle pose de nombreux problèmes. Je ne crois pas que nous arriverons à les traiter sans remettre en cause l'existence des multiples régimes, sans essayer de créer quelques passerelles entre les différents mécanismes de protection sociale.
Si nous voulons vraiment que toutes les personnes qui habitent en France, qu'elles soient citoyens français ou résidents en situation régulière, bénéficient d'une prise en charge globale par l'assurance maladie, il faut élaborer des dispositifs extrêmement simples pour éviter de tomber dans le « corporatisme », le fractionnement entre différents régimes, comme c'est le cas actuellement.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que vous êtes attentif à la mise en place de l'allocation spécifique dépendance pour les personnes âgées. Je viens d'apprendre que l'Assemblée nationale est en train d'adopter ce texte dans des conditions satisfaisantes. Il faudra, bien entendu, que vous preniez les textes d'application rapidement pour assurer la mise en place de ces mécanismes.
Nous venons de voter, dans la loi de financement de la sécurité sociale, 7 000 places de cure médicale et 2 000 places de soins infirmiers. Par conséquent, tout est prêt dans les meilleures conditions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur vous car, avec ces trois textes relatifs respectivement à la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, à l'assurance maladie universelle et à la lutte contre l'exclusion, nous pourrons atteindre les objectifs de la grande politique de santé que vous venez de nous présenter.
Je crois que la discussion qui vient d'avoir lieu et les excellents rapports des trois rapporteurs montrent à l'évidence que les orientations de la politique de santé, renforcées par le débat approfondi sur la loi de financement de la sécurité sociale, sont désormais plus précises et commencent à être connues de tous.
Il reste encore à affiner un certain nombre de mécanismes, à faire entrer davantage d'élus dans les instances de décision, à mettre en place tous les outils de mesure et de contrôle de l'activité hospitalière ou de la médecine libérale. Mais je pense que, par les réponses que vous allez nous donner, vous allez nous apporter un certain nombre de garanties, et je vous en remercie à l'avance. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que vous examinez aujourd'hui est constitué de trois grandes masses d'importance inégale retracées dans deux sections budgétaires distinctes.
Le premier bloc comprend l'action sociale et la solidarité, de loin le plus important des trois, puisque ses crédits s'élèvent à 61,4 milliards de francs pour 1997, ce qui traduit une progression de 3,7 %.
Le deuxième bloc est celui de la santé publique. Les crédits qui y sont consacrés atteignent 3,05 milliards de francs ; ils sont essentiels, et c'est la raison pour laquelle ils augmentent de 4,5 % en 1997, à structure constante. Je dis cela pour M. Autain et Mme Fraysse-Cazalis, qui déploraient une diminution du budget. Il y a non pas diminution, mais augmentation, je le redis.
Le dernier bloc, enfin, est celui des services communs, dont les crédits s'élèvent à 5 milliards de francs, ce qui permettra à notre administration sanitaire et sociale de bien fonctionner.
Comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, les crédits que nous examinons aujourd'hui, et c'est notamment vrai pour la santé, ne représentent pas tout l'effort sanitaire de la nation. En réalité, on le voit bien avec les problèmes que nous avons évoqués à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il faut ajouter aux crédit budgétaires les crédits hors budgets, qui sont les crédits de l'assurance maladie et qui sont les plus importants. La logique profonde de l'institution de cette loi de financement de la sécurité sociale est bien que nous ayons un débat conjoint et une problématique conjointe entre les crédits, qu'ils soient budgétaires ou non budgétaires.
Je voudrais tout d'abord dégager les priorités qui marquent le budget « Action sociale ».
Elles sont au nombre de deux : la lutte contre l'exclusion et l'extension de l'effort en faveur des handicapés.
Le projet de loi tendant au renforcement de la cohésion sociale, que vous venez d'évoquer, monsieur le président Fourcade, est actuellement en cours d'examen par le Conseil économique et social. Il sera examiné par la Parlement le plus rapidement possible. Il constituera le cadre de référence de l'action publique en vue de la prévention des exclusions et de l'insertion de tous dans la communauté nationale.
Cela étant, s'agissant du budget, je voudrais d'ores et déjà illustrer certaines actions qui préfigurent la loi de cohésion sociale et qui sont inscrites dans le budget de 1997.
Les crédits consacrés aux centres d'herbergement et de réadaptation sociale augmentent de 5,6 %, avec 1 000 nouvelles place créées en 1997, ce qui représente un doublement de l'effort par rapport aux années précédentes. Le nombre total de places permanentes sera ainsi porté à 35 000, et cette extension permettra d'offrir aux populations les plus défavorisées des structures d'accueil plus nombreuses et rénovées, puique 25 millions de francs sont consacrés à des rénovations.
Les crédits relatifs au revenu minimum d'insertion s'élèvent à 24,23 milliards de francs, soit une progression de 5,3 %. Il s'agit là d'une prévision de dépense qui ne laisse pas place au laxisme, je le souligne, en pensant notamment aux propos de M. Jacques Oudin. En 1996, le prévision budgétaire sera donc tenue.
On assiste à une très nette décélération de la croissance des effectifs des bénéficiaires du RMI. En effet, alors que le nombre des allocataires s'était accru de 8,15 % entre juin 1994 et juin 1995, il a progressé de moins de 5 % entre juin 1995 et juin 1996. Cela correspond à ce que disait M. Oudin, qui parlait de la fin de la montée en charge d'un dispositif qu'il nous faut maintenant stabiliser.
La dotation inscrite pour 1997 appelle effectivement l'intensification des politiques de contrôle, mais aussi et surtout, comme l'ont souligné MM. Seillier et Chérioux, une relance des politiques d'insertion. La mise en oeuvre du projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale permettra ainsi aux allocataires de bénéficier d'une politique d'insertion professionnelle beaucoup plus vigoureuse, se traduisant notamment par l'attribution à 25 000 allocataires d'un contrat d'initiative locale. Cette dernière mesure s'ajoute aux moyens d'insertion existants, lesquels prolongent la réforme récente du contrat initiative-emploi.
L'obligation alimentaire, qui a été évoquée par M. Mazars, est prévue à l'article 23 de la loi du 1er décembre 1988 instituant le RMI.
Aucune disposition légale ne limite l'obligation des pères et mères de contribuer à proportion de leurs facultés à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants, même majeurs. Sur ce point, le Gouvernement n'entend modifier ni la lettre ni l'esprit de la loi. L'arsenal législatif existant est suffisant pour lutter contre les abus qui pourraient détourner le RMI de sa vocation.
Enfin, je voudrais, pour évoquer l'intervention de M. Lagourgue, reconnaître avec lui les difficultés particulières et la situation spécifique de l'outre-mer. Vous le savez, Jacques Barrot et moi-même sommes extrêmement attachés aux départements d'outre-mer, aux politiques sociale et de santé publique que l'Etat doit conduire. Par rapport aux propositions que vous faites, monsieur Lagourgue, il est bien évident qu'en liaison étroite avec M. le ministre délégué à l'outre-mer nous espérons pouvoir avancer sur ce sujet très important de la lutte contre l'exclusion et pour l'insertion sociale dans ces départements.
Enfin, les crédits des programmes d'action sociale de l'Etat, qui sont essentiellement consacrés à la lutte contre l'exclusion et à l'accueil d'urgence des sans-abri, progressent de près de 6 %, pour atteindre près de un milliard de francs.
Les seuls crédits déconcentrés destinés à la prise en charge de l'urgence sociale augmentent de 20 %, ce qui permettra, notamment pendant la période hivernale, de faire face aux besoins. Cette mesure participe du volet logement et hébergement d'urgence de la future loi de cohésion sociale.
Comme il n'y a évidemment pas d'action sociale de qualité sans formation des travailleuses et des travailleurs sociaux, il est prévu 13 millions de francs de mesures nouvelles pour accroître les capacités des centres de formation des travailleurs sociaux, et une progression de 10 % des effectifs d'éducateurs et d'assistantes sociales.
Comme l'a rappelé Jacques Barrot devant le Conseil supérieur du travail social, les bourses des étudiants en travail social seront désormais revalorisées dans les mêmes conditions que celles de l'enseignement supérieur.
Enfin, l'insertion par l'économique est un volet important de la politique de lutte contre l'exclusion. Sur le budget de l'action sociale et de la solidarité, elle représente 132,5 millions de francs en 1997, ce qui permettra de financer l'accueil de 20 000 personnes dans plus de 500 structures d'insertion. A cela s'ajoutent bien évidemment les crédits du budget du ministère du travail.
Voilà, en quelques mots, les grands axes retenus en matière de lutte contre l'exclusion, axes qui préfigurent en grande partie la future loi de cohésion sociale.
S'agissant maintenant des personnes handicapées, l'Etat leur consacre, toutes lignes budgétaires confondues, environ 28 milliards de francs sur le budget de l'action sociale et 5 milliards de francs sur le budget du travail, sans compter les crédits qui sont inscrits au titre de l'assurance maladie pour le financement des établissements et les crédits que mettent en place les conseils généraux dans le cadre des compétences qui leur sont imparties.
L'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, a été évaluée de façon réaliste, me semble-t-il, sans que l'on puisse parler, comme l'a fait M. Oudin, de dérive. Cette prestation coûtera 22,8 milliards de francs l'année prochaine, soit une progression de 7 %.
Je voudrais également souligner que la fixation d'un seuil d'incapacité minimal de 50 % et l'application d'un nouveau barème d'incapacité ont eu un impact limité sur l'évolution des dépenses de l'AAH, et cela pour deux raisons : d'abord, les recoupements entre la population concernée par le RMI et celle qui est visée par l'AAH sont moins nombreux que ce que l'on aurait pu penser initialement ; ensuite, comme l'a souligné M. Chérioux, les mesures en cause ne s'appliquaient qu'aux premières demandes et non pas aux personnes déjà bénéficiaires de l'AAH.
Je voudrais dire aussi, pour saluer la remarque de M. Jacques Oudin, que l'augmentation du nombre de compléments d'AAH traduit le succès de la politique visant à aider les personnes les plus gravement handicapées dans leur effort d'autonomie.
J'ajoute que nous créons, en 1997, 2 000 places en CAT, 500 places en atelier protégé qui sont financées sur le budget du ministère du travail que vous examinerez tout à l'heure.
Pour répondre à Mme Dusseau, je précise que, au-delà de la création de ces 2 000 places, il y aura, c'est vrai, une évolution entre 1997 et 1996 de 2,1 % des crédits affectés aux CAT hors création des 2 000 places nouvelles.
Enfin, pour terminer sur l'action sociale, je voudrais insister sur plusieurs sujets.
Nous avons une mesure nouvelle de 20 millions de francs - plus 18 % - pour financer les associations gérant les mesures de tutelle et de curatelle d'Etat.
Les crédits ouverts en 1997 pour l'aide médicale à la charge de l'Etat progressent de 17 % pour atteindre 807 millions de francs. Il s'agit bien d'une remise à niveau tangible, comme l'a souligné votre rapporteur spécial de la commission des finances. Grâce à cette mesure nouvelle, nous éviterons les effets de reports de charges qui entraînent des retards de paiement préjudiciables à tout le monde.
Enfin, s'agissant des moyens consacrés à la promotion des droits des femmes, madame Dusseau, on sait bien, depuis Aragon, que « la femme est l'avenir de l'homme » ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. On le savait déjà avant ! (Nouveaux sourires.)
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Par conséquent, c'est Mme Couderc qui vous répondra sur ce sujet dans quelques heures à la faveur de l'examen du budget du travail.
J'en viens maintenant aux subventions sociales, en particulier aux crédits consacrés à l'humanisation des hospices. Ceux-ci atteignent 388,4 millions de francs en 1997, soit une somme inférieure aux crédits de 1996. Cette réduction tient essentiellement à l'allongement d'un an de la durée de réalisation des contrats de plan entre l'Etat et les régions, qui est une mesure d'application générale.
Pour autant, en 1999, nous aurons achevé le vaste programme d'humanisation des 200 000 lits d'hospice environ lancé à la fin des années soixante-dix, l'Etat y ayant consacré 1,8 milliard de francs sur la période 1994-1999 et les collectivités territoriales environ 2 milliards de francs.
Je voudrais, enfin, en réponse aux questions de Mme Dusseau, de M. Oudin et de M. Chérioux, évoquer les crédits consacrés à la formation des intervenants de l'aide à domicile.
En réalité, les crédits permettant de financer le certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile, le CAFAD, sont redéployés sur les formations initiales des travailleurs sociaux, et cela pour plusieurs raisons.
Ces crédits ne représentaient que 13 millions de francs environ, c'est-à-dire à peine plus de 100 000 francs par département ; ils étaient affectés régulièrement par des procédures de régulation budgétaire. Ce type de formation continue n'était financé directement par le ministère qu'à titre d'exception et en complément d'autres formations. Enfin, le financement du CAFAD, comme l'a relevé M. Jacques Barrot, relève de la compétence des collectivités locales, en particulier des conseils régionaux, ainsi que des employeurs.
C'est dans cette voie que se sont lancées d'ores et déjà plusieurs régions - l'Ile-de-France, la Bretagne - où sont menés, notamment dans le département de l'Ille-et-Vilaine, des programmes qui mobilisent des crédits du secteur du travail et de la formation professionnelle ainsi que du Fonds social européen.
L'amendement Creton, évoqué par M. Chérioux, porte sur un sujet que nous suivons avec une attention particulière. La création de 2 000 nouvelles places en CAT n'est évidemment pas étrangère à cette préoccupation, même si l'on sait bien que cela ne suffira pas.
J'aborderai maintenant, après M. Chérioux, le problème de la politique salariale, qui provoque une augmentation des dépenses d'action sociale. La commission nationale d'agrément, qui comprend des représentants de l'Association permanente des présidents de conseils généraux, veille strictement à ce que les avenants aux conventions collectives du secteur ne favorisent pas les salariés au-delà des dispositions en vigueur dans la fonction publique hospitalière.
Telles sont les observations que je voulais faire, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le sujet important de la lutte contre l'exclusion.
S'agissant maintenant de la santé, les grandes priorités de notre action sont les suivantes : la sécurité sanitaire, la lutte contre les grands fléaux, la mise en oeuvre des réformes de l'hospitalisation publique et privée et du système de soins dans son ensemble.
Nos grands axes d'intervention sont au nombre de trois.
Le premier volet concerne l'amélioration de la protection sanitaire, c'est-à-dire le renforcement de la veille et de la sécurité sanitaires. Il s'agit là d'une compétence régalienne de l'Etat, dont tout nous montre que nous devons mieux l'organiser et mieux la renforcer.
Plusieurs d'entre vous ont salué l'augmentation des crédits destinés au réseau national de santé publique, le RNSP, qui a pour mission de surveiller l'émergence de maladies infectueuses et de problèmes de santé liés à l'environnement. La dotation augmente de 50 % : c'est important, même si c'est encore insuffisant.
Il reste que nous revenons de loin : nous avons trop longtemps pris du retard en la matière. Les comparaisons avec le CDC d'Atlanta sont quelque peu délicates dans la mesure où, aux Etats-Unis, on inclut les crédits de vaccination qui, en France, figurent dans le budget de l'assurance maladie. Cela étant, même à structures comparables, nous avons beaucoup de retard.
Dans l'année qui vient, nous voulons conduire une politique ambitieuse en matière épidémiologique - nous aurons l'occasion d'en reparler - au-delà même de l'augmentation des moyens du RNSP.
Je suis fermement convaincu qu'il nous faut mener une action européenne beaucoup plus soutenue. Je suis pour ma part assez déçu de la timidité de l'Union européenne en matière de réseaux de surveillance sanitaire et épidémiologique. Voilà, à l'évidence, un sujet qui mérite qu'on s'y attache.
Par ailleurs, nous renforçons les moyens de fonctionnement des missions de contrôle assurées par les DDASS et les DRASS.
Une mesure de 11,4 millions de francs est prévue pour la vaccination des détenus contre l'hépatite B.
Je citerai quelques autres mesures nouvelles : le financement d'actions dans le domaine des maladies génétiques et des maladies rares, le renforcement des moyens du comité français d'éducation pour la santé et l'amélioration de la prise en charge sanitaire des personnes les plus démunies.
Comme l'ont souligné MM. Huriet, Autain et Fourcade, nous avons devant nous le grand chantier de la remise en ordre des instruments de sécurité sanitaire. Nous aurons l'occasion de reparler de ce sujet dans les mois qui viennent, car chacun ici est bien conscient de la nécessité de disposer d'une organisation de contrôle sanitaire plus cohérente et mieux coordonnée qu'elle ne l'est actuellement.
S'agissant de la lutte contre les fléaux sanitaires, les crédits consacrés en 1997 à la lutte contre le sida s'élèveront à 474 millions de francs, contre 450 millions de francs en 1996 ; chacun d'entre vous a souligné cette progression.
Bien entendu, l'effort que consacre globalement la nation à la lutte contre le sida est bien plus important puisqu'il est d'environ 6 milliards de francs : 5 milliards de francs pour les hôpitaux, 500 millions de francs pour la politique de prévention et 500 millions de francs pour la recherche ; tels sont les ordres de grandeur.
J'ajouterai, en réponse à Mme Fraysse-Cazalis, que la France est le pays au monde qui a mis le plus rapidement les nouveaux traitements, les trithérapies, à la disposition des malades atteints du sida. Actuellement, 18 000 patients suivent ce type de traitement.
Il n'y a aucun refus de prescription pour des raisons budgétaires et nous nous sommes assurés que, dans tous les hôpitaux de France où les malades sont suivis, les crédits sont disponibles pour financer les nouveaux médicaments. Lorsqu'un médecin prescrit une trithérapie, le médicament est là, et cela me paraît extrêmement important, parce que nous avons pris les dispositions nécessaires. Je saisis cette occasion pour remercier l'ensemble des professionnels de santé et des agents du ministère qui se sont dépensés sans compter pour mettre rapidement en oeuvre ce programme.
Par ailleurs, les crédits de lutte contre la toxicomanie atteignent 694 millions de francs. Il faut y ajouter les crédits de la mission interministérielle inscrits sur le budget du Premier ministre. Cela représente une augmentation de près de 10 %, qui va nous permettre de mettre en place une politique ambitieuse en matière de lutte contre la toxicomanie.
Plusieurs d'entre vous, MM. Boyer, Autain et Huriet, ainsi que Mme Dusseau, ont évoqué la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme. Les crédits consacrés à la lutte contre ces deux fléaux dans le projet de loi de finances sont stabilisés mais l'effort de la nation à cet égard est évidemment plus important que ne le laissent apparaître les seuls crédits du budget de la santé.
Il faut également prendre en compte les crédits du comité français d'éducation pour la santé et les crédits qui seront inscrits sur les projets régionaux de santé, ainsi que la politique des prix - chacun sait que l'augmentation des prix est dissuasive - et la politique de réduction de la nocivité des produits.
Nous menons une politique globale en matière de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines.
Il est vrai que, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres en matière de santé publique, notamment en ce qui concerne la politique de prévention, il faut introduire de la cohérence entre les interventions de l'Etat, des collectivités locales et de la caisse nationale d'assurance maladie. Il importe désormais de développer une synergie des efforts qui sont déployés à ces différents niveaux.
M. Louis Boyer a parlé du cancer avec beaucoup de pertinence et d'humanité.
S'agissant du dépistage, trois localisations de cancer peuvent faire l'objet d'un dépistage organisé : le sein, le col de l'utérus et la sphère colo-rectale.
A ces cancers correspondent des programmes qui sont financés par des crédits du fonds de prévention de l'assurance maladie et des crédits inscrits au budget de l'Etat.
S'agissant du sein, 96 millions de francs ont été dégagés en 1996 pour assurer l'organisation du dépistage dans vingt départements. Je souhaite mettre en oeuvre très rapidement l'extension de ce programme dans les autres départements. Je m'exprimerai dans les prochaines semaines sur ce sujet.
En ce qui concerne le col de l'utérus, des programmes ont été lancés par le Conseil national du cancer et l'extension proposée par cet organisme sera réalisée l'année prochaine.
Enfin, le dépistage du cancer colo-rectal fait l'objet depuis plusieurs années, au sein de la communauté scientifique et médicale, d'études très détaillées, parfois légèrement contradictoires. Samedi prochain, doit paraître dans le Lancet , un article qui apporte des arguments en faveur du développement de ce dépistage.
J'avais, au printemps dernier, anticipé cette évolution en confiant à une commision scientifique le soin de me faire des recommandations. Dès qu'elles me seront transmises, nous ferons le nécessaire.
Il est évident que nous avons besoin de mettre en cohérence notre politique de lutte contre le cancer, car elle n'est pas lisible, qu'il s'agisse des soins ou de la recherche. J'ai été très sensible aux propos du président Fourcade quant à la nécessaire coordination entre le système hospitalier et les centres anticancéreux. Dans les semaines qui viennent, j'aurai l'occasion de m'exprimer globalement sur la politique de la nation relative au cancer.
Le troisième et dernier axe de ce projet de budget est la mise en oeuvre des réformes structurelles du système de santé.
Nous allons mettre en place l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES qui va reprendre les bases de l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale. Je peux rassurer à la fois M. Fourcade et M. Boyer : le Gouvernement a déposé un amendement tendant à bien organiser cette transition sur le plan budgétaire, de manière que l'ANAES, sur la base des recommandations du professeur Matillon, soit opérationnelle le plus rapidement possible.
Les vingt-quatre agences régionales de l'hospitalisation sont un outil majeur de la réforme. Elles sont en cours d'installation puisque les directeurs d'agence que nous avons nommés au début du mois de septembre sont en train de signer les conventions constituant les groupements d'intérêt public avec l'assurance maladie. La somme de 97,7 millions de francs inscrite au budget pour 1997 permettra de mettre en oeuvre cette réforme importante.
Jacques Barrot et moi signerons, dans les prochaines semaines, l'ensemble de ces conventions constitutives.
Je voudrais évoquer, à la suite des observations de M. Louis Boyer et de Mme Fraysse-Cazalis, la politique budgétaire de l'Etat en direction des hôpitaux.
Il faut d'abord rappeler que l'hôpital est une entité juridique particulière puisque c'est un établissement public local autonome, souverain, dont le personnel a un statut national mais est, pour partie, recruté nationalement et, pour une autre partie, recruté localement, le tout étant financé essentiellement par l'assurance maladie et, pour une moindre fraction, par l'Etat. Aussi la clarification est-elle nécessaire.
La logique profonde de la réforme, puisque nous sortons du budget global et des systèmes d'économie administrée, qui n'ont pas véritablement fait la preuve de leur efficacité, est précisément de définir, à travers un contrat passé entre chaque établissement de santé et l'agence régionale, les moyens sur une base pluriannuelle, c'est-à-dire sur trois ans. Je crois que nous sommes loin des grandes architectures de l'économie planifiée. Il faut faire confiance aux gens, et c'est cette logique contractuelle associant les gestionnaires et les financeurs qui permettra d'obtenir une meilleure qualité de soins pour tous les Français.
MM. Huriet et Autain ainsi que le président Fourcade ont évoqué l'organisation de notre administration sanitaire et sociale.
En cette fin de siècle, celle-ci est effectivement confrontée à des défis majeurs : problèmes de santé publique, de sécurité santaire, de lutte contre l'exclusion, de travail social. Mais elle est aussi confrontée à la logique profonde de la réforme de la protection sociale et des changements qu'elle induit tant du point de vue de l'organisation des soins qu'au regard du financement de la sécurité sociale.
Il va de soi que l'institution des lois de financement de la sécurité sociale ne peut qu'avoir un effet important sur l'organisation de notre ministère.
Nous avons donc beaucoup travaillé sur cette question depuis six mois. J'ai piloté un groupe de travail avec les directeurs du ministère et des agences et établissements publics sous tutelle. J'ai reçu de nombreux fonctionnaires du ministère afin qu'ils me parlent de leur travail, de leurs problèmes.
Nous allons, Jacques Barrot et moi-même, dans les semaines à venir, publier un document d'orientation, qui sera un outil de concertation, sur la réorganisation de notre administration centrale. Je ne peux évidemment vous en dire plus aujourd'hui puisque ce document n'est pas encore totalement rédigé, mais je serai, tout comme Jacques Barrot, à la disposition du Sénat pour évoquer cette question, qui concerne un aspect majeur de l'organisation de notre administration sanitaire et sociale.
Je voudrais enfin remercier Lucien Newirth d'avoir contribué au débat concernant la douleur, car son travail a beaucoup fait avancer les choses sur cette question. Je lui répondrai plus précisément tout à l'heure, à la faveur de l'examen de l'amendement qu'il a déposé.
Je terminerai en disant au président Fourcade que nous serons présents au rendez-vous sur les trois textes qu'il a évoqués et qui traiteront respectivement de la cohésion sociale, de la prestation spécifique dépendance et de l'assurance maladie universelle.
Deux groupes de travail viennent d'être constitués pour préparer le projet de loi sur l'assurance maladie universelle : l'un s'intéresse à l'accès au droit et l'autre aux questions liées au financement. Sur la base de leurs conclusions, nous aurons l'occasion, l'année prochaine, de débattre longuement.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments d'information que je voulais vous apporter à la suite de vos remarques, de vos critiques ou de vos approbations. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la santé publique, les services communs, l'action sociale et la solidarité inscrits à la ligne « Travail et affaires sociales » seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits affectés au travail.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je suis, bien sûr, avec intérêt le déroulement de nos travaux. Je rappelle que nous mettons en place une réforme de la discussion budgétaire. Je vous demande donc, mes chers collègues, d'être le plus concis possible, tout en restant bien évidemment précis, afin que nous puissions respecter l'ordre du jour tel qu'il a été établi par la conférence des présidents. Je vous en remercie à l'avance.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 89 265 222 francs. »

Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-17, M. Neuwirth propose de réduire les crédits figurant au titre III de 2 500 000 francs.
Par amendement n° II-16, M. Gournac propose de réduire les crédits figurant au titre III de 1 250 000 francs.
La parole est à M. Neuwirth, pour défendre l'amendement n° II-17. M. Lucien Neuwirth. Comme je l'ai souligné tout à l'heure, un puissant courant s'est dessiné dans notre pays en faveur de la prise en charge de la douleur et du développement des soins palliatifs.
Cette nécessaire évolution des mentalités mérite le soutien financier du Gouvernement. Je sais bien qu'il est difficile actuellement de trouver de l'argent, mais je crois que notre première mission est d'engager de nouvelles actions de formation des médecins et des équipes soignantes à la prise en charge de la douleur.
A cette fin, nous avons cherché dans le projet de budget sur quelle ligne nous pouvions dégager des crédits. Nous nous sommes aperçus qu'il est prévu de majorer de 2,5 millions de francs les crédits de fonctionnement des COTOREP afin de régler les retards de paiement sur des vacations médicales.
La prochaine mise en place de la prestation spécifique dépendance, due à l'initiative d'un certain nombre de nos collègues, entraînera un allégement indéniable des charges des COTOREP, qui doit permettre de dégager une économie suffisante pour acquitter ces retards de paiement dans le cadre de l'enveloppe actuelle.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de réduire les crédits du titre III de 2,5 millions de francs, et, croyez-moi, compte tenu des efforts qui doivent être accomplis en faveur de cette prise en charge de la douleur, cette somme constitue véritablement un minimum.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre l'amendement n° II-16.
M. Alain Gournac. Je m'étais déjà étonné, lors de la discussion du projet de loi sur la prestation spécifique dépendance, de la majoration de 2,5 millions de francs des crédits de fonctionnement des COTOREP, compte tenu d'un nombre moins important de dossiers à traiter.
Je propose donc de diminuer de moitié seulement l'augmentation des crédits prévue puisque M. Barrot m'a dit qu'il était nécessaire de régler les retards de paiement sur des vacations médicales.
J'ajouterai que l'on pourrait peut-être aussi tenter de trouver des solutions pour accélérer le traitement des dossiers par les COTOREP car nous nous étions engagés à ce qu'ils soient traités en trois mois. Or, on s'aperçoit que les délais sont beaucoup trop longs. En outre, l'accueil des personnes, souvent en difficulté, qui viennent demander des renseignements auprès des COTOREP, pourrait être amélioré.
Pour ma part, je propose d'abonder les crédits destinés à la formation des intervenants à domicile. La bonne volonté de ces derniers n'est pas suffisante, ils doivent aussi recevoir une formation. A cet effet, 1 250 000 francs, c'est-à-dire la moitié des crédits dégagés, devraient être transférés aux crédits consacrés à la formation des intervenants à domicile et qui sont en baisse de 80 % dans le présent projet de budget.
Ce transfert de crédits permettrait ainsi de résoudre ce problème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-17 et II-16 ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Ces deux amendements ont un peu la même philosophie, mais ils aboutissent à des conclusions légèrement différentes.
Dans le dispositif prévu pour la prestation spécifique dépendance, l'instruction des dossiers est confiée à des équipes médico-sociales. La charge des COTOREP sera donc allégée puisqu'elles n'auront plus à traiter de l'allocation compensatrice versée aux personnes âgées. A priori, il n'est donc pas illogique d'adapter les crédits de fonctionnement de ces organismes. Toutefois, leur réduction, dès 1997, semble peut-être un peu prématurée. Aussi, la commission souhaite-t-elle entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements, permettez-moi d'évoquer le gage.
L'objectif du Gouvernement est de réduire de 40 % les délais d'examen des dossiers par les COTOREP en augmentant de 10 % les crédits qui leur sont affectés.
Certes, l'institution de la prestation spécifique dépendance améliorera la situation des COTOREP, mais, dans un premier temps, l'effet ne sera que marginal.
Selon nos calculs, la tâche de ces commissions devrait être allégée de 100 000 dossiers, au plus, alors que 800 000 décisions sont prises tous les ans et qu'il existe un grand nombre de dossiers en attente. L'amendement, s'il était adopté avec ce gage, pourrait empêcher l'accélération des procédures que nous avons voulue par le biais de cette mesure nouvelle en faveur des handicapés. Je dis les choses telles qu'elles sont. Nous délibérons en toute transparence, mais je voulais attirer l'attention de la Haute Assemblée sur ce problème.
Venons-en maintenant au fond. S'agissant de l'amendement n° II-17, je tiens à préciser que, la suite des travaux menés par M. Neuwirth au Sénat et grâce aux efforts budgétaires consentis par la Haute Assemblée voilà quelque temps, la lutte contre la douleur est à l'ordre du jour. J'ajoute que, sur les points qu'il a évoqués, nous aurons l'occasion d'accomplir des progrès significatifs. Les mentalités ont évolué, ce qui est très important.
Il faut bien évidemment encourager la prescription des antalgiques majeurs. A cet égard, pas plus tard que ce matin, j'ai signé l'arrêté instituant un nouveau carnet pour éviter les erreurs qui avaient été commises avec l'ancien carnet à souches.
MM. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, et MM. Lucien Neuwirth. Très bien !
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Cette disposition très importante entrera très rapidement en vigueur.
Nous devons ensuite mener une politique résolue pour parvenir à une égalité d'accès dans le traitement de la douleur. A ce titre, deux séries de mesures importantes viennent d'être prises.
La première consiste à définir les structures de prise en charge de la douleur : d'abord, la consultation, au plus proche du terrain, puis l'unité de prise en charge qui devra comporter un bloc opératoire et, enfin, le centre de prise en charge, qui comporte des lits d'hébergement pour le traitement de fond de la douleur. A cet égard, l'ANAES jouera un rôle très important, puisque c'est elle qui labellisera en quelque sorte les différentes structures que je viens d'évoquer. Mais, bien évidemment, ce n'est pas suffisant.
Actuellement, la prise en charge de la douleur naît d'initiatives émanant de personnes, comme M. Neuwirth, qui se sont intéressées à ces questions. Si le maillage dans certaines régions ou dans certains départements est suffisant, il ne l'est pas dans d'autres.
Par conséquent, M. Jacques Barrot et moi-même avons fait part aux directeurs d'agence régionale de notre volonté de disposer, à la fin de 1997, d'un maillage cohérent et précis. En fonction de cette cartographie de la prise en charge de la douleur, nous dégagerons les moyens nécessaires et nous imputerons les postes budgétaires correspondants.
Il nous faut, enfin - et tel est l'objet de l'amendement n° II-17 - améliorer la formation des médecins, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation continue, car c'est une question essentielle.
S'agissant de la formation initiale, M. Neuwirth a d'ores et déjà rappelé les dispositions arrêtées dans le cadre de la réforme du deuxième cycle des études médicales, mais il faut aller plus loin. MM. François Bayrou, Jacques Barrot et moi-même avons confié à MM. Etienne et Mattéi une mission dont les conclusions serviront de fondement à un grand chantier sur la réforme de la formation initiale des médecins, chantier qui s'ouvrira l'année prochaine.
La formation continue devient, aux termes des ordonnances, une obligation. Elle n'est pas financée sur des crédits budgétaires mais il faut, bien évidemment, dans les programmes de formation médicale continue, consacrer une part significative à la lutte contre la douleur.
Sur le fond, monsieur Neuwirth, vous le savez, je partage complètement votre souci de prendre en charge la douleur et de former les médecins à cet effet, mais je ne suis pas certain que le dégagement des crédits budgétaires que vous proposez soit le bon moyen.
Je préférerais donc que vous retiriez votre amendement, à défaut, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat. Mais je souhaite que, sur cette question délicate, vous nous laissiez le temps de réfléchir sur les conséquences de la diminution des crédits affectés aux COTOREP et sur le montage budgétaire particulier que vous nous proposez.
J'en viens maintenant, sur le fond, à l'amendement n° II-16. M. Jacques Barrot a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur ce sujet. S'agissant des crédits consacrés à la formation, nous avions un système qui était un peu exorbitant du droit commun dans la mesure où l'Etat intervenait à titre exceptionnel.
La création d'une prestation spécifique dépendance dans le cadre de la politique globale de l'aide à domicile, et une concertation, avec les conseils régionaux, compte tenu de leurs attributions en matière de formation professionnelle, peuvent permettre de résoudre ce problème.
Je souhaite que M. Gournac prenne acte de l'engagement que M. Jacques Barrot et moi-même prenons sur cette question et retire donc son amendement. Il s'agit là d'un véritable problème qui sera résolu, je le répète, grâce à la prestation spécifique dépendance.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments d'information que je voulais apporter à la Haute Assemblée sur ce sujet important.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La commission rappelle qu'il existe un certain retard dans le paiement des vacations médicales, retard qui devrait être comblé par l'augmentation des crédits. Dans ces conditions, la commission s'en était remise à l'avis du Gouvernement qui, lui, s'en remet à la sagesse du Sénat ! Mais j'ai l'impression, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'amendement n° II-17 a votre préférence...
M. Alain Gournac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, je me rallie à l'amendement n° II-17 et je retire donc l'amendement n° II-16.
M. le président. L'amendement n° II-16 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-17.
M. Lucien Neuwirth. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Tout d'abord, je tiens à manifester ma satisfaction, monsieur le secrétaire d'Etat, et à vous remercier pour les dispositions que vous avez prises en ce qui concerne le remplacement du carnet à souches, ainsi que pour les efforts accomplis en matière de labellisation.
En revanche, je suis en désaccord lorsque vous posez le problème en termes d'accélération des procédures. Pour ma part, je me place sur un autre terrain : des gens souffrent et il faut, le plus rapidement possible, réunir les moyens, former et recycler les professions médicales et paramédicales, de façon à pouvoir soulager la souffrance des hommes. Il s'agit de tout autre chose que de problèmes de procédures !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-17, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° II-20, le Gouvernement propose de minorer les crédits figurant au titre III de 9 000 000 francs.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Le mouvement de crédits qui est proposé dans l'amendement n° II-20 et dans l'amendement n° II-21, que j'évoque parallèlement, a tout simplement pour objet de mieux « caler » le passage de l'ANDEM à l'ANAES.
Je m'étais déjà exprimé sur ce sujet. J'avais promis des études complémentaires. Par conséquent, après les études auxquelles nous avons procédé, nous avons conclu à ce mouvement de crédits de 9 millions de francs pour permettre à l'ANDEM de continuer à fonctionner avant que le relais soit pris par l'ANAES.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-20.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis. Je tiens à remercier M. le secrétaire d'Etat d'avoir déposé les amendements n°s II-20 et II-21 : ils permettront d'assurer le passage de l'ANDEM à l'ANAES dans des conditions satisfaisantes.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je m'interroge toujours quant à la façon dont ces 9 milliards de francs ont été estimés. Autant je comprends la nécessité d'assurer une transition, autant le chiffrage retenu me paraît relativement important par rapport au total annuel de 35 millions de francs.
Par conséquent, je m'abstiendrai sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-20, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV, 6 072 125 390 francs. »

Sur les crédits figurant au titre IV, la parole est à M. Mazars.
M. Georges Mazars. Mon collègue Roland Courteau m'a fait part de la situation très préoccupante des centres d'aide par le travail, les CAT, dans le département de l'Aude.
Après avoir examiné plus précisément cette question, il se révèle que cette situation est préoccupante sur l'ensemble du territoire national. En effet, les associations gestionnaires rencontrent de nombreuses difficultés en raison du non-respect par l'Etat des règles strictes qui fixent le calcul des budgets sociaux des CAT.
Ces centres sont aujourd'hui menacés si l'Etat ne prend pas part au financement des mesures salariales qu'il agréé et qui deviennent des obligations supplémentaires pour les CAT dans la mesure où elles ne sont pas compensées, comme prévu, par l'aide sociale d'Etat.
Cette situation est préoccupante depuis 1992, à tel point que les budgets reconduisent les déficits qui se cumulent, rendant le fonctionnement des CAT très délicat.
Les associations ont été conduites à réagir auprès des pouvoirs publics ; elles ont déposé et gagné des recours devant les juridictions compétentes. Aujourd'hui, le contentieux national s'évalue à plus de 80 millions de francs et le problème reste entier.
L'absence de mise à niveau des enveloppes accordées menace gravement la pérennité des structures.
C'est pourquoi, au nom de toutes ces associations, je vous demande encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous entendez prendre les mesures budgétaires nécessaires pour permettre à ces établissements de disposer des moyens financiers indispensables à leur fonctionnement, en réglant ce lancinant problème du contentieux et en leur allouant des crédits d'Etat.
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Ayant manqué de temps lors de la discussion générale, je saisirai cette occasion pour évoquer la politique conduite en faveur des handicapés et les crédits qui leur sont consacrés.
Avec 28 milliards de francs sur le budget de l'action sociale et 5 milliards de francs sur le budget du travail, les crédits consacrés aux handicapés enregistrent une augmentation de 5,23 % par rapport à 1996. Ce ne peut être un motif de satisfaction.
En effet, compte tenu de l'immensité des besoins, il faudrait une évolution autrement plus importante en matière de prise en charge du handicap.
On ne peut oublier, aujourd'hui, que les structures de prise en charge doivent faire face à une montée de la gravité des handicaps qui nécessiterait une augmentation beaucoup plus importante des moyens, notamment en personnel, que ce qui est proposé.
Les associations avec lesquelles nous avons de nombreux contacts regrettent que le projet de loi de finances pour 1997 ne traduise aucun effort budgétaire en ce qui concerne une amélioration des moyens nécessaires pour permettre aux personnes handicapées de vivre à domicile.
Ainsi, l'augmentation de 7,2 % du financement de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, ne correspond qu'au strict ajustement des besoins pour tenir compte de l'accroissement du nombre de bénéficiaires.
Je regrette qu'il n'y ait aucune avancée dans le budget qui permettrait d'aller vers une amélioration du niveau de vie des bénéficiaires de l'AAH qui, depuis de trop nombreuses années, stagne à environ 53 % du SMIC.
L'autre problème soulevé est celui du nombre insuffisant de services d'auxiliaires de vie. On ne compte actuellement que 1864 postes, aucun poste supplémentaire n'ayant été créé depuis 1983.
On nous annonce pour bientôt - l'an prochain peut-être - une révision des lois de 1975 : la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées et la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales. S'il s'agissait de tenir compte des évolutions - j'en ai évoqué quelques-unes au début de mon intervention - et de mieux répondre aux besoins nouveaux, je ne pourrais que m'en réjouir.
Mais je crains que l'objectif à terme ne soit sur le modèle de ce qui se fait en matière de soins avec la réforme de la sécurité sociale, et n'aboutisse à une réduction des dépenses.
Le rapport de M. Chérioux, rapporteur pour avis, me fait craindre le pire : il laisse entendre que des économies pourraient être réalisées sur le dos des personnels intervenant auprès des handicapés, considérés comme trop payés !
Quoi qu'il arrive, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen resteront vigilants pour défendre les intérêts des personnes handicapées et de leurs familles.
M. le président. Par amendement n° II-21, le Gouvernement propose de majorer les crédits figurant au titre IV de 9 000 000 francs.
Cet amendement a déjà été défendu, car il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° II-20.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-21, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 135 920 000 francs ;

« Crédits de paiement, 70 590 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 880 839 000 francs ;
« Crédits de paiement, 324 871 000 francs. »
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Une nouvelle fois, comme chaque année, je souhaite attirer l'attention sur l'extrême faiblesse de la manne financière accordée à la lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Point n'est besoin de dire ici que la situation est très préoccupante.
L'extension de la diffusion et de la consommation des drogues a atteint aujourd'hui l'ensemble du territoire, y compris les zones les plus rurales et les plus isolées.
Les conséquences sont terribles et multiples, et d'abord humaines, bien sûr.
Les grands sujets de préoccupations qui font l'objet de nombreux débats dans cet hémicycle - insécurité, délinquance, climat de violence dans les quartiers de nos villes et villages, à l'école - sont souvent liés ou en relation avec l'organisation du trafic et de la consommation de drogues.
Bien sûr, les moyens de lutte sont multiples et appellent à la mobilisation de toutes les structures de notre société.
D'ailleurs, de partout se manifestent des bonnes volontés : collectivité locales, associations, acteurs sociaux, acteurs de santé, citoyennes ou citoyens s'investissent de plus en plus pour, en quelque sorte, dresser un barrage humain contre ce fléau.
C'est pourquoi l'affichage du Gouvernement en termes de volonté politique au travers du budget soins et prévention n'est pas en rapport avec la volonté politique affichée dans les discours.
Nous en sommes toujours - ce projet de budget pour 1997 le confirme - avec notre pauvre petit milliard de francs qui ne permet pas de mettre en place une politique offensive de lutte contre la drogue au travers du volet soins et prévention, ce sur l'ensemble des lieux de notre pays où le problème se pose.
A peine 1 milliard de francs ! Même avec 9 % d'augmentation - il paraît que nous devons être contents parce que nous n'avons pas eu de diminution - cela représente toujours l'équivalent du budget d'un hôpital de province ou la valeur d'investissement d'un kilomètre d'autoroute.
L'exemple de ma région, que je connais bien, illustre parfaitement la difficulté d'un investissement aussi faible.
Les associations d'aide et de soins ont d'ailleurs poussé l'an dernier un cri d'alarme, car leurs structures sont menacées par la faiblesse des moyens financiers accordés par l'Etat pour les faire fonctionner. Elles sont placées devant des choix impossibles : diminuer les personnels, donc limiter et refuser l'accueil. Pourtant, le nombre de prises en charge de jeunes toxicomanes a augmenté de 30 % par an.
En 1995, sur 911 demandes de postcure, à peine 20 % ont pu être acceptées faute de place.
Lundi prochain, M. Alain Juppé, Premier ministre, effectuera dans le Nord un voyage sur le thème de la lutte contre la toxicomanie.
A Tourcoing, à Lille, à Roubaix, il viendra constater le dynanisme des acteurs de terrain qui ont su coordonner leur énergie pour tenter d'apporter des réponses humaines en matière de soins et de prévention.
Mais tous réclament des moyens supplémentaires. Alors, pour pouvoir répondre partout et dans de bonnes conditions à la demande de soins qui ne cesse de croître, et si le Gouvernement souhaite vraiment concrétiser sa volonté politique, il faudrait, comme le demandent les acteurs de terrain, multiplier les moyens par dix.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.

Article 28

M. le président. J'appelle en discussion l'article 98, qui est rattaché pour son examen aux crédits de l'action sociale et de la solidarité.
Cet article a été supprimé par l'Assemblée nationale, mais, par amendement n° II-8, M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - De le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - Il est inséré, dans la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, un article 27-2 ainsi rédigé :
« Art. 27-2 . - Le montant total annuel des dépenses des établissements et services visés aux 6° et 8° de l'article 3 de la loi, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat et, corrélativement, le montant total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales de fonctionnement de ces établissements ou services, est déterminé par le montant inscrit à ce titre dans la loi de finances initiale de l'exercice considéré.
« Ce montant total annuel est constitué en dotations régionales limitatives. Le montant de ces dotations régionales est fixé par le ministre chargé de l'action sociale, en fonction des priorités en matière de politique sociale, compte tenu des besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou services, et d'un objectif de réduction progressive des inégalités dans l'allocation des ressources entre régions.
« Chaque dotation régionale est répartie par le représentant de l'Etat dans la région, après avis du représentant de l'Etat dans le département, pour chaque département de ladite région, en dotations départementales, dont le montant tient compte des priorités locales, des orientations des schémas prévus à l'article 2-2 de la présente loi, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou services, et d'un objectif de réduction des inégalités d'allocation des ressources entre départements et établissements ou services.
« Pour chaque établissement ou service, le représentant de l'Etat dans le département compétent peut modifier le montant global des recettes et dépenses prévisionnelles visées au 5° de l'article 26-1 de la présente loi, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat, compte tenu du montant des dotations régionales ou départementales définies ci-dessus : la même procédure s'applique en cas de révision, au titre du même exercice, des dotations régionales ou départementales initiales.
« Le représentant de l'Etat dans le département peut également supprimer ou diminuer les prévisions de dépenses qu'il estime injustifiées ou excessives compte tenu, d'une part des conditions de satisfaction des besoins de la population, telles qu'elles résultent notamment des orientations des schémas prévus à l'article 2-2 de la présente loi, d'autre part, de l'évolution de l'activité des coûts des établissements et services appréciés par rapport au fonctionnement des autres équipements comparables dans le département ou la région.
« Des conventions conclues entre le représentant de l'Etat dans la région, les représentants de l'Etat dans le département, les gestionnaires d'établissement ou service et, le cas échéant, les groupements constitués dans les conditions prévues à l'article 2 de la présente loi, précisent, dans une perspective pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères d'évaluation de l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide sociale de l'Etat dans les établissements et services concernés. »
« II. - Les dispositions du I ci-dessus sont applicables à compter du 1er janvier 1998.
B. - En conséquence, avant cet article, de rétablir la division III et son intitulé dans la rédaction suivante :
« III. - Action sociale et solidarité. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° II-15 rectifié bis, présenté par Mme Bocandé, MM. Mercier, Lorrain, Chérioux, Huriet et Machet, et tendant à compléter le texte proposé par le paragraphe A de l'amendement n° II-8 par deux paragraphes ainsi rédigés :
« III. - Le deuxième alinéa de l'article 26-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'autorité compétente peut augmenter les prévisions de recettes et de dépenses visées au 5° de l'article 26-1 qui lui paraîtraient insuffisantes. Elle peut également supprimer ou diminuer les prévisions de dépenses si elle estime celles-ci injustifiées ou excessives compte tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas visés à l'article 2-2 de la présente loi.
« Des conventions conclues entre le président du conseil général, les gestionnaires d'établissement ou service et, le cas échéant, les groupements constitués dans les conditions prévues à l'article 2 de la présente loi, précisent, dans une perspective pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères d'évaluation de l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide sociale du département dans les établissements et services concernés. »
« IV. - Les dispositions du III ci-dessus sont applicables à compter du 1er janvier 1998. »
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-8.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de rétablir l'article 98 du projet de loi de finances, qui porte sur les modalités de financement et de tarification des établissements sociaux et médico-sociaux.
Le financement repose sur la connaissance par l'autorité tarifaire des recettes et dépenses prévisionnelles « justifiées et non excessives » présentées par les organismes concernés.
Cette reconnaissance ouvre alors droit pour les organismes à ce que l'on pourrait appeler un droit de tirage, qui leur permet d'assurer leur financement, sous forme soit de prix de journée, soit de dotations mensuelles forfaitisées.
Aujourd'hui, ce droit de tirage reste valable même si les prévisions initiales sont dépassées, et cela sans qu'aucune contrainte ne pèse sur les organismes pour les inciter à maîtriser leurs dépenses.
S'agissant des structures financées par l'Etat, une incohérence se révèle depuis plusieurs années entre la limitation de fait du montant de l'enveloppe de financement nationale et le caractère inflationniste d'une procédure budgétaire fondée sur la garantie, sous le contrôle du juge, de ce que l'on pourrait appeler des « droits acquis ».
La fragilité de la situation a été notamment révélée en 1994 du fait de l'existence d'un décalage entre le taux de progression des crédits votés au titre de la loi de finances et le taux directeur médico-social, qui a entraîné une recrudescence des contentieux au titre desquels l'Etat doit actuellement près de 100 millions de francs pour les seuls centres d'aide par le travail. Dans une conjoncture de pression structurelle à la hausse des dépenses, cette situation est évidemment très dangereuse.
Afin d'assurer une prévision et un contrôle plus stricts de l'allocation de ressources publiques, l'article 98 du projet de loi de finances rattaché à ce projet de budget prévoyait de légaliser, pour les institutions sociales et médico-sociales relevant de l'Etat, le principe d'enveloppes limitatives de financement arrêtées par le préfet.
L'Assemblée nationale a supprimé cet article, dont l'examen du principe qu'il énonce serait repoussé à la prochaine révision de la loi du 30 juin 1975, afin de laisser à l'administration un délai pour affiner les critères d'évaluation de l'activité des établissements.
Il semble pourtant que l'affichage d'objectifs clairs soit la meilleure des incitations possibles à l'élaboration d'instruments d'évaluation pertinents.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a adopté un amendement tendant à rétablir l'article 98, en repoussant toutefois la date de son entrée en vigueur au 1er janvier 1998, afin de tenir compte de la mise en place de la réforme de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales, et médico-sociales qui est annoncée pour le printemps 1997.
De cette manière, lorsque la réforme de la loi de 1975, qui pourrait être votée au printemps ou à l'automne 1997, entrera en vigueur, les organismes sociaux et médico-sociaux seraient prêts à intégrer des objectifs opposables de financement puisqu'ils se seraient préparés à cette perspective dès la publication du présent projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour défendre le sous-amendement n° II-15 rectifié bis.
M. Jacques Machet. L'article 98 du projet de loi de finances initial, que la commission des affaires sociales propose de rétablir, a pour objet d'encadrer les dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux relevant de l'aide sociale de l'Etat, dans le cadre d'enveloppes régionales de financement, à caractère limitatif et opposable, qui seraient fixées en fonction des besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des établissements ainsi que d'un objectif de réduction progressive des inégalités territoriales.
Cette disposition n'entrera en vigeur qu'au 1er janvier 1998 afin de permettre, d'ici là, la mise au point des instruments d'évaluation dans la perspective de la prochaine réforme de la loi de 1975.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-8 et sur le sous-amendement n° II-15 rectifié bis ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. D'une façon générale, nous sommes favorables à l'existence d'enveloppes limitatives, qui permettent d'encadrer la gestion de certains secteurs.
Cela étant dit, il nous semble prématuré de rétablir les dispositions de l'article 98, avec une application au 1er janvier 1998, dans le présent projet de loi de finances. Aussi, nous nous en remettons à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-8 et sur le sous-amendement n° II-15 rectifié bis ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'est engagé à donner une base légale au caractère limitatif et opposable des enveloppes de crédits destinées au financement des établissements sociaux et médico-sociaux. M. Chérioux a souligné la nécessité de cette démarche, nécessité qui ressortait aussi des discussions à l'Assemblée nationale.
Toutefois, chacun sait que nous avons un gros chantier sur la table l'année prochaine - un de plus, monsieur Fourcade ! - qui est celui de la réforme de la deuxième loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et il nous faut traiter de manière homogène les établissements, qu'ils relèvent d'un financement en provenance du budget de l'Etat, d'une collectivité locale - en l'occurrence le département - ou de l'assurance maladie.
C'est dans le cadre de cette révision que seront discutées, notamment avec les représentants du monde associatif, les modalités de cette réforme dont le principe n'est pas contestable.
Je demande donc aux auteurs de l'amendement et du sous-amendement de les retirer, dans la mesure où nous aurons ce débat l'année prochaine dans le cadre de la réforme de la loi de 1975.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-8 est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'entends, bien sûr, votre appel.
Je préciserai simplement que la commission des affaires sociales avait été animée par un souci de cohérence avec la position qu'elle avait adoptée lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cet amendement est une invitation au Gouvernement à ouvrir le chantier de la réforme de la loi de 1975 et à le mener à son terme.
Là aussi, par cohérence avec la position qui a été prise par la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, je retire cet amendement. Toutefois, j'indique de façon très nette, comme cela a d'ailleurs été précisé dans les rapports de la commission mixte paritaire, que si le Gouvernement ne parvenait pas à achever le chantier de la réforme de la loi de 1975, la commission des affaires sociales du Sénat serait amenée, l'année prochaine, à présenter de nouveau cette disposition.
M. le président. L'amendement n° II-8 est retiré.
M. Jacques Machet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Dans le même esprit que M. Chérioux, je retire mon sous-amendement, monsieur le président.
Je souhaite simplement que la commission des affaires sociales soit associée très en amont aux travaux concernant la réforme de la loi de 1975, pour que nous puissions en discuter au fond.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. le président. Le sous-amendement n° II-15 rectifié bis est retiré. D'ailleurs, il n'avait plus d'objet après le retrait de l'amendement n° II-8.
Le Sénat a achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la santé publique et les services communs, l'action sociale et la solidarité.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1997.

Travail et affaires sociales (suite)

I. - TRAVAIL

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le travail et les affaires sociales : I. - Travail.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial de la commision des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'aggravation du chômage n'a pas encore été enrayée. A la fin du mois de septembre dernier, le nombre de demandeurs d'emploi était de 3 112 800, en progression de 0,9 % sur un mois et de 5,8 % sur un an.
Depuis un an, les inscriptions à l'Agence nationale pour l'emploi, via les licenciements économiques, ont progressé de plus de 7 %.
Autre donnée préoccupante, les reprises d'emploi justifiant les sorties de l'ANPE ont diminué de 7,2 % en un an.
Certes, 125 000 emplois nets ont été créés l'an dernier, mais le chômage a continué de progresser, notamment parmi les moins de vingt-cinq ans.
L'ensemble de ces évolutions justifie pleinement la progression importante des crédits pour l'emploi prévue pour 1997. En effet, l'an prochain, les crédits du travail s'élèveront à 103 milliards de francs, en progression de 3,5 %. Compte tenu des dotations inscrites en faveur de l'emploi au budget des charges communes - 47,3 milliards de francs - le total des crédits destinés à l'emploi s'élève à 150,3 milliards de francs, en progression de 8 % par raport à 1996. Cette progression est dix fois supérieure à celle de l'ensemble des budgets civils.
L'ensemble des crédits pour l'emploi représentent ainsi en 1997, près de 10 % des dépenses de l'Etat.
Cette progression des crédits pour l'emploi - de 139 milliards de francs en 1996 à plus de 150 milliards de francs en 1997 - va de pair avec une révision des services votés permettant 13,5 milliards de francs d'économies, guidées par l'évaluation objective de l'efficacité des multiples aides à l'emploi.
Cinq agrégats peuvent être distingués dans la présentation des crédits pour l'emploi : la gestion de la politique du travail, avec une augmentation de 2 % ; la participation de l'Etat à la formation et à l'adaptation des ressources en main-d'oeuvre des entreprises, qui augmente de 16 % ; la participation de l'Etat au financement du retrait d'activité et des revenus de remplacement ; l'action de l'Etat en faveur des publics prioritaires - 63 milliards de francs, en augmentation de 10 % - et, enfin, l'augmentation du coût du travail, 42 milliards de francs, en augmentation de 15 %.
Premier des cinq agrégats que je viens d'évoquer, les crédits de la gestion de la politique de l'emploi s'élèvent à 13,6 milliards de francs en 1997, en progression de 2 %.
Les crédits du personnel de l'administration générale s'établissent à 2 milliards de francs. Cinquante emplois sont supprimés, sur un total de 9 900 postes budgétaires.
Les moyens alloués à l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, s'établissent à 5 200 millions de francs.
Le deuxième contrat de progrès de l'Agence, conclu en 1994 et actuellement en cours d'exécution, visait quatre objectifs : satisfaire beaucoup plus d'offres d'emplois, mieux aider les personnes à chercher et à trouver un emploi, développer le partenariat et moderniser l'Agence. Le volume des offres d'emploi recueillies par l'ANPE est passé de 1 595 000 en 1994 à plus de 2 millions en 1995.
Pour 1996, année en cours, l'ANPE s'était fixé un objectif de 2 400 000 emplois. Au 31 août, elle avait déjà recueilli 1 581 000 offres.
Pour la même année, l'objectif est de 2 millions d'offres d'emploi satisfaites en fin d'année. Au 31 août, déjà 1 321 000 offres avaient été satisfaites.
Au 1er juillet 1996, l'effectif de l'ANPE était de 15 363 agents. En 1997, les crédits qui leur seront affectés augmenteront de 54 millions de francs.
Pensez-vous, madame le ministre, qu'avec les moyens dont elle va disposer en 1997 l'ANPE sera en mesure d'assumer les missions qui lui sont assignées par le contrat de progrès ?
La subvention de fonctionnement à l'association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, s'élève à 3 900 millions de francs, en progression d'un peu moins de 1 %.
Le contrat de progrès signé entre l'Etat et l'AFPA, le 7 mars 1994, avait fixé pour cinq ans des objectifs à l'association. Par ailleurs, le directeur général de l'AFPA s'est engagé, par l'accord signé le 4 juillet 1996 avec les organisations syndicales, dans un processus de modernisation de la gestion du personnel.
Depuis des années, madame le ministre, le Sénat exprime le souhait que cette modernisation soit menée à bien. Pouvez-vous nous informer de l'évolution de cette négociation importante entre le directeur général de l'AFPA et les syndicats de cette institution, dont la mission est si importante ?
Prévue dans la loi quinquennale pour l'emploi et intégrée dans le contrat de progrès Etat-AFPA, la conclusion de conventions tripartites d'application de ce contrat au niveau régional a pour objet de mettre en cohérence le programme d'activité de l'AFPA en direction des jeunes et les plans régionaux de développement des formations professionnelles des jeunes élaborés par les conseils régionaux.
Au milieu de l'année 1996, treize régions sur vingt-six étaient dotées de leur plan et trois conventions tripartites étaient conclues. On peut envisager, pour la fin de l'année 1996, la conclusion de conventions tripartites dans sept autres régions.
L'AFPA a fortement développé le volume de ses activités dans le cadre des conventions passées avec les conseils régionaux.
Les autres dépenses de gestion de la politique de l'emploi s'élèveront, en 1997, à 980 millions de francs, en progression de 92 %.
Deuxième agrégat des crédits pour l'emploi, l'action publique pour la formation et l'adaptation des ressources en main-d'oeuvre pour les entreprises.
Cette action comprend trois volets : le soutien aux actions de formation professionnelle, auxquelles sont consacrés 7 400 millions de francs, soit une progression de 16 % par rapport à 1996 ; la prévention et l'accompagnement des restructurations, pour lesquels sont prévus 4 300 millions de francs ; enfin, la participation de l'Etat à la formation et à l'adaptation des ressources en faveur des entreprises, à laquelle le projet de loi de finances consacre 3 100 millions de francs.
En 1997, l'Etat diminuera sa participation aux actions de formation continue alors qu'il renforcera son soutien aux plans sociaux accompagnant les licenciements économiques.
Regroupant des actions spécifiques, le programme national de formation professionnelle voit ses crédits s'établir à 302 millions de francs.
Les crédits de la politique contractuelle menée par l'Etat avec les branches professionnelles et les entreprises s'établissent à 400 millions de francs, et reviennent ainsi au niveau de 1995.
La dotation des contrats de plan Etat-région diminue de 34 % et s'établit à 433 millions de francs. En effet, vous le savez, les crédits prévus pour les deux dernières années de la période 1994-1998 ont été étalés sur trois ans.
La dotation de décentralisation, issue de la loi du 7 janvier 1983, évolue selon la norme d'indexation de la dotation globale de fonctionnement, soit 1,36 % en 1997. Elle atteindra 3 090 millions de francs.
Les crédits d'accompagnement des licenciements économiques progressent de 68 %, tandis que la dotation du chômage partiel enregistre une très forte progression de 82 %, atteignant 748 millions de francs.
Le temps réduit indemnisé de longue durée - le TRILD, système expérimental institué par la loi quinquennale pour l'emploi - ne sera pas reconduit en 1997.
Les crédits de la dotation de restructuration, déconcentrée aux directeurs départementaux du travail, progressent de 44 %, atteignant 624 millions de francs.
Les congés de conversion passent de 203 millions de francs en 1996 à 294 millions de francs en 1997.
Les crédits des conventions de conversion reprennent leur progression en 1997, sous l'effet d'une progression de 20 000 du nombre des bénéficiaires attendus, et atteindront au total 882 millions de francs.
Pour financer le dispositif de l'aide à la réduction du temps de travail, prévu par la loi du 11 juin 1996, dite loi Robien, tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnelle du temps de travail, les crédits prévus par le projet de loi de finances atteignent 815 millions de francs pour 1997.
Ces crédits vont-ils, madame le ministre, s'avérer suffisants l'an prochain compte tenu du succès possible du dispositif ? Pouvez-vous nous confier votre sentiment sur la manière dont les chefs d'entreprises accueillent ce dispositif ?
Troisième agrégat des crédits pour l'emploi, le retrait d'activité et les revenus de remplacement.
L'ensemble des dépenses d'encouragement au retrait d'activité s'établit à 15 540 millions de francs, en très légère réduction par rapport à 1996.
Les allocations spéciales du fonds national de l'emploi, qui sont une aide conventionnelle à la préretraite négociée entre l'entreprise et l'administration, seront financées en 1997 par une dotation de 9,8 milliards de francs.
Les conventions de préretraite progressive conclues entre l'Etat et l'entreprise favorisent le passage à mi-temps des salariés âgés d'au moins cinquante-cinq ans sur la base du volontariat, afin d'éviter des licenciements ou de permettre des embauches. Pour 1997, 25 000 entrées sont prévues. La progression du stock moyen d'allocataires justifie une augmentation de crédits de plus de 49 % : ceux-ci atteindront 3,6 milliards de francs pour 1997.
Les dépenses du fonds de solidarité sont estimées à 13,4 milliards de francs, pour un nombre d'allocataires passant de 490 000 à 470 000. Cette légère baisse proviendrait de la modification du plafond de ressources pour les couples bénéficiaires. Si nous comprenons le souci d'économie du Gouvernement, nous nous demandons, madame le ministre, si les conséquences sociales de cet abaissement ont bien été mesurées.
Quatrième agrégat du budget de l'emploi, l'action de l'Etat en faveur des publics prioritaires se renforcera encore très nettement en 1997, puisque ces crédits progresseront de plus de 10 % et atteindront 63 829 millions de francs.
L'essentiel de ces crédits concernent les jeunes et les demandeurs d'emplois. Ainsi, les crédits consacrés à l'insertion professionnelle des jeunes progressent de 19 % et atteignent 17 660 millions de francs, notamment sous l'effet de l'accent mis sur l'apprentissage.
La formation préqualifiante sera progressivement décentralisée, dans le cadre des conventions signées entre l'Etat et les régions, jusqu'au 31 décembre 1998. A cette date, les régions auront compétence sur l'ensemble du dispositif de formation des jeunes.
En 1997, vingt-trois régions auront conclu de telles conventions, et les crédits consacrés à la formation préqualifiante s'établiront à 2 670 millions de francs.
Depuis le 1er juillet 1994, la décentralisation des actions de type qualifiant pour les jeunes est effective. Elle est financée par la dotation de décentralisation et évolue donc comme la DGF.
Madame le ministre, la quasi-totalité de la formation des jeunes étant maintenant décentralisée, peut-on déjà établir un premier bilan de ce transfert aux régions d'un élément essentiel de la politique de l'emploi ?
Les moyens affectés aux missions locales et aux permanences d'accueil et d'orientation progressent de 4,7 % et s'élèvent à 356 millions de francs.
Pour 1997, les crédits consacrés aux exonérations de charges sociales et aux primes liées aux contrats d'apprentissage progressent de 47,5 % et s'établissent à 9,5 milliards de francs.
La progression de l'apprentissage, favorisée depuis 1993 par une politique très volontariste, est très encourageante.
Les crédits consacrés aux demandeurs d'emplois progresseront en 1997 de 8,9 % et atteindront 40 milliards de francs : 14,787 milliards de francs seront affectés à l'aide à l'insertion dans le secteur non marchand et 22,134 milliards de francs financeront les programmes d'insertion dans le secteur marchand.
Ne pensez-vous pas, madame le ministre, qu'en 1997, comme on l'a déjà constaté en 1996, la demande de contrats emploi-solidarité dépassera le chiffre inscrit dans le projet de loi de finances, et qu'il faudra donc vraisemblablement majorer en cours d'année les crédits de l'Etat pour le financement de ses contrats emploi-solidarité ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. J'en termine, monsieur le président.
Au total, les crédits destinés au financement des contrats emploi-solidarité progresseraient de 10,6 % et atteindraient environ 12 milliards de francs en 1997.
Le dispositif des contrats emploi consolidé, les CEC, est destiné à offrir une solution d'insertion durable aux titulaires de CES les plus en difficulté au terme de leur contrat. Leur nombre a vivement progressé depuis 1993, pour atteindre, en juillet 1996, 44 000.
Les contrats initiative-emploi ont été réaménagés par décret en septembre 1996. Pour 1997, 280 000 entrées dans ce dispositif sont prévues, compte tenu du recentrage de celui-ci.
Les crédits de fonctionnement s'élèvent à 7 milliards de francs, et ceux qui sont destinés à financer les exonérations de charges sociales atteignent 10,8 milliards de francs, soit une progression de 54 %.
Pour les chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises...
M. le président. Il vous faut maintenant conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Je n'aurai donc le temps de parler ni du programme destiné aux chômeurs de longue durée, ni du programme national de formation professionnelle, ni de l'allocation formation-reclassement, ni de la lutte contre l'exclusion, ni de l'aide apportée aux travailleurs handicapés.
Je ne pourrai pas non plus, par manque de temps, évoquer le cinquième agrégat, qui concerne la poursuite de l'allégement du coût du travail, auquel seront consacrés en 1997, au titre des exonérations de charges sociales ne visant pas spécifiquement les publics prioritaires, plus de 42 milliards de francs, soit une progression de 15,2 %.
En conclusion, compte tenu de la situation de l'emploi et de l'analyse des crédits du ministère du travail, la commission des finances a décidé de recommander au Sénat l'adoption des crédits du ministère du travail pour 1997 et des articles 94, 95, 96 et 97 qui lui sont rattachés. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi, et, en remplacement de M. Jean Madelain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord préciser que le rapport pour avis que je vous présente ce soir concerne non seulement les crédits du travail et de l'emploi, mais aussi ceux de la formation professionnelle. Notre collègue Jean Madelain, empêché, m'a en effet demandé de le remplacer, et je voudrais lui souhaiter une meilleure santé.
Le projet de budget pour 1997 consacré au travail, à l'emploi et la formation professionnelle s'articule autour des trois objectifs suivants : préparer l'avenir en développant le lien « croissance-emploi » et en favorisant les politiques de formation et d'insertion des jeunes, réaffirmer la solidarité en faveur des publics les plus défavorisés et participer à la maîtrise de la progression budgétaire.
La réalisation de ces objectifs justifie que les crédits du travail et de l'emploi continuent à progresser de 8 % par rapport à 1996, quand l'ensemble du projet de budget, témoignant de la volonté de respecter les critères de Maastricht, reste à un niveau sensiblement identique à celui de 1996.
Le contexte dans lequel se situe la politique de l'emploi est difficile. La croissance attendue n'est pas au rendez-vous. Il est cependant encourageant de constater que les trois derniers trimestres montrent une stabilité du niveau de l'emploi, les créations d'emplois dans le secteur tertiaire équilibrant les pertes dans la construction et l'industrie. A la fin de l'année 1995, les effectifs salariés dans le secteur privé et concurrentiel, hors secteur agricole et administration, s'élevaient à 13 354 000, ce qui correspond à une augmentation de 0,1 % sur un an. Mais au 30 septembre de cette année, ils sont redescendus à 13 345 000, soit un peu en dessous de ce qu'ils étaient un an auparavant.
A la fin du mois de septembre 1996, pour le deuxième mois consécutif, une hausse du nombre des demandeurs d'emploi a été enregistrée, portant leur nombre à 3 112 800. Cela correspond à une augmentation de 0,9 % sur un mois et de 5,8 % en un an. Le taux de chômage passe à 12,6 %, après avoir atteint 12,5 % en août dernier.
Il faut donc s'attendre à une certaine progression du chômage en 1996. Mais l'atonie économique n'explique pas tout : la forte croissance de la population active, soit 160 000 personnes par an, phénomène particulier à la France, est en effet une des causes principales de cette situation. Le phénomène est, en outre, accentué par la diminution des entrées dans les dispositifs spécifiques de la politique de l'emploi ; le nombre des bénéficiaires a ainsi baissé de 7,6 % entre le deuxième trimestre 1995 et le deuxième trimestre 1996. Seuls sont épargnés l'apprentissage, les contrats initiative-emploi et les emplois consolidés. On estime néanmoins que 140 000 emplois auront été créés en 1996, en grande partie dans le secteur tertiaire.
La synthèse de ces chiffres laisse penser qu'aujourd'hui la France peut créer des emplois avec une croissance modeste, suffisante pour absorber une partie de l'augmentation de la population, mais encore trop réduite pour diminuer le chômage.
La croissance escomptée de plus de 2 % en 1997 devrait donc favoriser davantage de créations d'emplois - peut-être 200 000 dans le tertiaire - et entraîner une diminution du chômage. Les conditions sont donc réunies pour inverser la tendance et la commission des affaires sociales s'en félicite. Il faudra cependant veiller à ce que les réductions du nombre de contrats relevant du traitement social du chômage ne laissent pas au bord de la route une partie de ceux qui n'y auront plus accès.
Ces analyses et ces préoccupations se retrouvent naturellement dans le projet de budget.
Au total, les crédits consacrés au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle sont de 150,34 milliards de francs contre 139,18 milliards de francs en 1996. L'augmentation de 11 milliards de francs concerne essentiellement la compensation des exonérations des charges sociales. Elle illustre la poursuite de la politique d'allégement des charges sociales sur les bas salaires et l'inflexion donnée au budget en direction d'une réforme structurelle des prélèvements obligatoires visant à davantage lier les emplois à la croissance.
Les dispositifs traditionnels de la politique de l'emploi - notamment le traitement social - voient leur importance relative se réduire au profit d'une seule mesure : l'allégement du coût de travail. Celui-ci, de conjoncturel, devient structurel. Il ne concerne cependant que les bas salaires, sauf dans le cadre du temps partiel et des dispositifs d'aménagement-réduction du temps de travail, qui ont vocation à s'appliquer à tout l'éventail des rémunérations, dispositifs qui constituent peut-être les prémices d'une réforme portant sur la réduction du temps de travail.
L'allégement du coût du travail est donc la mesure prioritaire du budget pour 1997. Hors contrat d'insertion ou de formation, ces crédits représentent 28,48 % du total des crédits consacrés, en 1997, à la politique du travail et de l'emploi.
Ainsi, 38,3 milliards de francs inscrits au budget des charges communes sont consacrés à la ristourne dégressive sur les bas salaires, fusionnée depuis le 1er octobre 1996 avec « l'abattement famille ». Cette ristourne allège le coût du travail de 13 % au niveau du SMIC. Elle concerne 5 millions de salariés.
En outre, 2 milliards de francs sont consacrés au secteur du textile, du cuir et de l'habillement. Cette aide a permis, d'après une étude du ministère de l'industrie, de diviser par deux le rythme des suppressions d'emplois dans ce secteur.
Il faut signaler que la ristourne dégressive s'applique au temps partiel, proportionnellement au salaire versé mensuellement et non en se référant au salaire horaire : le temps partiel, déjà bénéficiaire d'un allégement de charges sociale de 30 %, est donc particulièrement encouragé. Désormais, 16,2 % des salariés, contre 12,9 % en 1992, travaillent à temps partiel. Vous nous avez d'ailleurs dit en commission, madame le ministre, que vous inciteriez à la signature d'une charte du travail à temps partiel, afin que les conditions de travail des salariés, le plus souvent des femmes, ne se dégradent pas. C'est nécessaire, car, il faut le reconnaître, pour une part, ce temps partiel est plus subi que voulu.
D'autres exonérations ou aides diverses existent, comme l'exonération pour l'embauche d'un premier salarié ou l'aide fiscale pour les emplois familiaux dont le succès, qui se conjugue avec celui du chèque emploi-service, est grand. Cela montre d'ailleurs, mais nous le savions, que les contraintes administratives sont un frein à l'emploi. Essayons donc de les rendre encore moins pesantes.
Par ailleurs, le budget prend en compte la mise en oeuvre de la loi du 11 juin 1996, dite « de Robien », qui, sur le fondement de l'article 39 de la loi quinquennale, propose des aides à l'aménagement et à la réduction du temps de travail en contrepartie d'embauches ou, dans le cadre de plans sociaux, de maintien de l'emploi : plus de 800 millions de francs y sont consacrés. Actuellement, quarante accords ont été signés, un tiers d'« offensifs », deux tiers de « défensifs », et 100 sont en cours de négociation.
L'envers du succès de ce dispositif, c'est son coût, surtout si les entreprises ne jouent pas véritablement le jeu et ne maintiennent pas l'emploi créé pendant les sept ans de l'exonération, c'est aussi l'influence qu'il pourrait exercer sur les négociations en cours en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail.
Mais je crois savoir que, conscient de ces risques, le ministre du travail a annoncé la mise en place de cellules de suivi des accords dans les directions départementales du travail.
Le recrutement et la formation des jeunes constituent la deuxième grande priorité.
Le taux de chômage chez les moins de vingt-cinq ans atteint presque 25 %, avec une hausse de 1,5 point en un an.
Parallèlement, on constate - selon une enquête de l'INSEE - une baisse de leur niveau de vie de 15 % entre 1989 et 1994. Parmi les causes majeures de cette situation, il faut bien sûr citer le chômage, mais aussi la précarité et la dévalorisation des diplômes.
Les mesures récentes en faveur de leur insertion n'ont malheureusement pas donné les résultats escomptés.
Cela a conduit le Gouvernement à supprimer l'aide au premier emploi des jeunes, l'APEJ, et le complément d'aide à l'emploi, le CAE, au 31 août 1996, et à ouvrir le contrat initiative-emploi aux jeunes les plus en difficulté. Par ailleurs, l'article 10 du projet de loi de cohésion sociale, dont l'avenir est encore très incertain - mais vous nous en direz peut-être un mot, madame le ministre - institue des programmes régionaux pour l'emploi des jeunes.
Mais, surtout, les crédits liés à l'insertion professionnelle des jeunes augmentent de 18,86 %, pour passer à 17,664 milliards de francs.
En outre, 9,531 milliards de francs sont consacrés à l'apprentissage, dont 4,23 milliards de francs d'exonération de charges sociales et 5,27 milliards de primes à l'embauche et à la formation, en application de la loi du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage. Cela correspond à une hausse de 8 % permettant de financer 220 000 contrats nouveaux, soit 20 000 de plus qu'en 1996. J'ajoute, à cette occasion, que j'ai déposé aujourd'hui-même une proposition de loi afin de lever certains obstacles au développement de l'apprentissage dans le secteur public, notamment en lui étendant les primes. Mais nous aurons l'occasion en reparler.
Les contrats de qualification reçoivent une dotation de 2,8 milliards de francs, permettant de financer, sous forme d'exonération de charges, 5 000 contrats supplémentaires, soit un total de 130 000. Toutefois, à partir du 1er janvier 1997, les contrats de qualification ne bénéficient plus du versement d'une prime. Il a été dit que le prélèvement de 1 milliard de francs - devenu depuis 1,6 milliard de francs - opéré sur les fonds de l'association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, par l'article 24 quater de la loi de finances servirait à financer une reconduction de ces primes. Or cela ne semble pas être le cas.
Cependant, le ministre délégué au budget nous a assuré hier que, en cas d'insuffisance, l'Etat abonderait les moyens financiers consacrés aux dispositifs d'insertion des jeunes, car il se sentait tenu par une obligation de résultat. Je précise, madame le ministre, qu'il vous appartiendra d'en déterminer les conditions.
Pour clore ce chapitre, j'évoquerai encore les moyens affectés au réseau d'accueil - missions locales et permanences d'accueil - qui s'élèvent à 356 millions de francs, en augmentation de 4,7 %, et ce afin de poursuivre le développement des espaces-jeunes.
J'en arrive au deuxième objectif du budget pour 1997 : la solidarité. Celle-ci est non seulement réaffirmée, mais aussi réorganisée.
Les actions en faveur des publics prioritaires, y compris les jeunes, passent de 41,4 % des « crédits 1996 » à 42,5 % en projet de loi de finances pour 1997, et l'augmentation d'une année sur l'autre est de 10,88 %. Cette augmentation aurait été beaucoup plus importante si un recadrage du CIE n'avait pas été opéré au profit des personnes connaissant les plus graves difficultés et si les conditions de prise en charge par l'Etat des contrats emploi-solidarité n'avaient pas été modifiées.
Une somme de 17,9 milliards de francs est inscrite au profit des CIE afin de financer les contrats en cours - 476 000 à la fin de l'année 1996 - et de permettre 280 000 nouvelles entrées. Le succès de ce dispositif est évident : il a permis - il faut le souligner - de faire diminuer de 1,9 % en un an le nombre des chômeurs de longue durée, ce qui a réduit l'ancienneté moyenne des demandes.
Toutefois, le dispositif était coûteux et concurrençait parfois d'autres mesures. C'est pourquoi, depuis le 1er september 1996, la prime a été réservée aux publics prioritaires et aux jeunes.
Par ailleurs, 500 000 contrats emploi-solidarité sont inscrits dans le projet de loi de finances pour un coût de 11,991 milliards de francs, 20 000 emplois consolidés à l'issue d'un CES et 25 000 emplois de ville, soit au total 14,8 milliards de francs.
Le troisième objectif du Gouvernement est de maîtriser la progression du budget du travail. Bien qu'en augmentation, celui-ci subit, lui aussi, les contraintes de la maîtrise des dépenses, au même titre que le budget global. La reconduction, à structure et règles identiques à celles de 1996, aurait conduit à une augmentation de plus de 26 milliards de francs. Or la progression n'est que de 11 milliards de francs. Comme, en outre, des dispositifs tels que le CIE ou la ristourne dégressive sont désormais appliqués en année pleine et nécessitent des majorations importantes de crédits, l'endiguement des dépenses suppose que d'autres actions voient leurs crédits diminués.
Ainsi, à la suppression de l'aide au premier emploi des jeunes, dont j'ai déjà parlé, il faut ajouter la baisse des moyens consacrés au retrait d'activité de 2,58 % en raison de la diminution du nombre de bénéficiaires de la convention sociale de la sidérurgie, d'une part, et surtout de la poursuite de la réduction du nombre d'entrées en préretraite, d'autre part : l'effectif moyen devrait passer en 1996 à 143 300 contre 155 300 en 1997, ce qui ramènera les crédits à 9,8 milliards de francs. Les entrées en préretraite progressive devraient également baisser à 25 000 au lieu de 30 000, avec le dessein de réserver ce dispositif aux entreprises en restructuration alors qu'il est souvent utilisé comme mode de gestion et de rajeunissement du personnel. Toutefois, par effet de stock, les crédits affectés à la PRP continuent d'augmenter : 3,624 milliards de francs en 1997, contre 2,43 milliards de francs en 1996.
Autre mesure : l'instauration d'un ticket modérateur pour les CES. Celle-ci avait été décidée en 1996, mais non encore mise en application ; le taux de prise en charge maximum de l'Etat sera fixé à 95 %, et l'accès au fonds de compensation, qu'il avait été question de supprimer, sera plus restrictif.
L'annonce de cette réforme remontant à plus d'un an, les employeurs de CES, en particulier les établissements publics, auront pu prendre les mesures d'adaptation nécessaires. Mais il n'est pas sûr que ces établissements, notamment dans le secteur de l'éducation, aient les moyens de remplacer les CES par des emplois de droit commun.
Je rappelle en outre que la Cour des comptes a formulé de nombreuses critiques à l'encontre de ce dispositif, critiques qui justifient amplement une réforme de celui-ci.
Néanmoins, là encore, par effet de stock, les crédits consacrés aux CES sont ajustés à la hausse - plus 1,739 milliard de francs - alors que le nombre des nouveaux contrats, comme je l'ai déjà dit, est ramené à 500 000.
Enfin, les conditions de versement de l'allocation de solidarité spécifique sont modifiées pour ne plus assimiler les périodes chômées à des périodes de travail et pour abaisser le plafond de ressources opposable aux couples. En outre, le projet de loi de cohésion sociale prévoit, au titre de l'activation des dépenses passives, que le RMI et l'ASS serviront partiellement à financer les contrats d'initiative locale.
Les stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE collectifs, voient leur nombre réduit de 160 000 à 100 000, ce qui correspond à une économie de un milliard de francs. Ces stages se sont, en effet, révélés peu efficaces en terme de réinsertion. L'article 95 du projet de loi de finances les réserve aux chômeurs rencontrant les plus graves difficultés d'accès à l'emploi, au chômage partiel, aux mesures de soutien à la formation professionnelle des adultes et aux mesures d'insertion des jeunes non qualifiés.
En revanche, la dotation de décentralisation qui accompagne la décentralisation des formations qualifiantes évolue comme la DGF.
D'une façon générale, on constate que les crédits consacrés à la formation professionnelle par l'Etat, hors apprentissage, sont en baisse, la responsabilité étant reportée sur les collectivités locales et les partenaires sociaux. Mais le système de formation professionnelle est encore très instable, en particulier la réforme de la collecte des fonds de la formation professionnelle qui reste inachevée ; elle ne concerne notamment pas la taxe d'apprentissage. De plus, elle est loin de répondre aux attentes du législateur. Quant à la réforme des formations en alternance, dont le rapport de M. Michel de Virville devrait être le point de départ, elle reste à l'ordre du jour, mais les échéances paraissent bien lointaines. Je ne peux donc que redire ce que notre collègue M. Jean Madelain répète depuis plusieurs années : il faudrait sortir de cette période transitoire peu propice à un travail de qualité.
Enfin, l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprises, l'ACCRE, est une nouvelle fois modifiée, la prime étant supprimée par l'article 94 du projet de loi de finances. En revanche, les exonérations sont maintenues, de même que le chèque conseil, mais celui-ci est réservé aux bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique, qui continuent, en outre, à percevoir leur allocation pendant six mois, ce qui devrait être un moyen efficace de les encourager à créer leur entreprise.
J'ajouterai que la suppression de la prime doit être interprétée par rapport à la volonté du Gouvernement d'instituer un dispositif global d'aide à la création d'entreprise, dont le ministre des petites et moyennes industries est chargé. Il est dommage, cependant, que cette suppression précède la mise en place du système de financement de proximité.
M. Gérard Delfau. Oh oui !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Pour maîtriser la progression budgétaire, il est également recouru aux tranferts de responsabilités et de charges. Cela n'est pas nouveau. Depuis plusieurs années, l'Etat confie à d'autres, collectivités locales ou partenaires sociaux, le soin de gérer certaines actions, afin, notamment, d'intervenir au plus près des besoins. Les contraintes budgétaires sont une raison supplémentaire de transférer ces actions.
Ainsi en est-il de l'allocation de formation reclassement, l'AFR, financée en grande partie par un versement de l'Etat à l'UNEDIC. Ce versement est diminué de 2,66 milliards de francs, mis à la charge de l'UNEDIC. Cela ne me semble pas justifié dans la mesure où les AFR, qui ne donnent pas de très bons résultats, seront dans ces conditions utilisées avec plus de parcimonie. Des discussions avec l'UNEDIC sont prévues pour mettre en oeuvre les nouvelles conditions de prise en charge des chômeurs en formation. On notera que la part de l'Etat dans cette prise en charge est actuellement de 82,5 %. Elle passerait à 40 %.
En revanche, pour assurer le financement du transfert de l'inscription des demandeurs d'emploi de l'ANPE à l'UNEDIC, 250 millions de francs sont inscrits au budget du ministère. Le transfert doit être terminé fin 1997 et semble donner satisfaction tant à l'UNEDIC et à l'ANPE qu'aux demandeurs d'emploi eux-mêmes.
La commission tient aussi à souligner le succès des dispositifs d'activation des dépenses passives mis en place par les partenaires sociaux, les conventions de coopération et l'allocation de remplacement pour l'emploi. Elle espère que les partenaires sociaux les reconduiront.
Il convient de rappeler par ailleurs le transfert à l'association nationale pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, du financement de la garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu ouvert.
Enfin, le service public de l'emploi participe lui aussi à la rigueur budgétaire commune. La progression des crédits n'est que de 1,91 %.
L'ANPE voit ses crédits diminués de 2,42 % : ils s'élèvent désormais à 5,241 milliards de francs. Cette baisse concerne les crédits de fonctionnement. Ceux de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, diminuent de 0,85 % pour se chiffrer à 4,35 milliards de francs ; la baisse porte sur les crédits d'investissement. Les auditions auxquelles M. Jean Madelain et moi-même avons procédé nous ont convaincus que ces deux organismes avaient poursuivi avec succès leur réforme. Il aurait été dommage qu'ils souffrent, l'AFPA notamment, de restrictions budgétaires, comme certains de nos collègues députés l'avaient envisagé, alors qu'ils ont entièrement réalisé les objectifs prévus aux contrats de progrès signés avec l'Etat.
En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, je dirai, comme l'année dernière, que le budget du travail et de l'emploi constitue une exception dans le cadre restrictif du projet de loi de finances. Toutefois, il n'échappe pas aux impératifs de rigueur et d'économies.
Mais l'approche nouvelle de la politique de l'emploi conduit à réduire son champ d'action puisque la plus grosse part des crédits, une quarantaine de milliards à titre structurel - ristourne, apprentissage - et une vingtaine à titre conjoncturel - CIE - porte sur la réduction du coût du travail. A terme, hors exonérations, la politique de l'emploi devrait jouer un rôle subsidiaire dans la vie économique ; du moins, peut-on l'espérer.
Bien que certaines incertitudes entourent la mise en oeuvre de ce budget, ne serait-ce que parce que l'emploi dépend avant tout du volume d'activité des entreprises, et que celui-ci ne se décrète pas, les choix gouvernementaux sont clairs : c'est l'allégement du coût du travail et le partage du travail - même si ce second objectif n'est pas fixé aussi nettement - et la majorité de la commission les a approuvés. Pour elle, les conditions d'une reprise durable de l'emploi, en accompagnement de la croissance, sont remplies.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 6 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 22 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Madame le ministre, le budget que vous soumettez à notre examen s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile : 12,6 % de la population active est au chômage, soit une augmentation de 5,8 % sur un an, avec, en parallèle, une forte accélération des licenciements économiques et un recul sensible des offres d'emplois pour toutes les catégories de travailleurs.
Cette hausse du chômage frappe de plein fouet les jeunes de moins de vingt-cinq ans avec un taux de 24,8 %, en augmentation de plus de 6,8 % sur un an et un dépassement de plus de 4 % de la moyenne des pays européens.
Telle est la situation, alarmante, qui doit être omniprésente dans notre réflexion et qui doit orienter notre action.
Face à cette situation, vous nous proposez un budget, certes en augmentation de 8 %, ce qui est notable dans un contexte général de réduction des dépenses publiques, qui privilégie fortement la politique de l'emploi en maintenant et en accentuant les orientations qui ont déjà été adoptées en 1996, favorisant essentiellement la baisse du coût du travail et l'exonération de charges sociales : 67,6 milliards de francs d'exonérations de charges professionnelles, dont plus de 38 milliards de francs au titre de la ristourne unique dégressive mis en place pour les bas salaires jusqu'à 1,33 fois le SMIC.
Un tel effort ne peut qu'améliorer la rentabilité des entreprises et devrait avoir un impact fort sur l'évolution et l'offre d'emplois. Or n'est-on pas amené à constater de plus en plus le recours prioritaire à une main-d'oeuvre peu qualifiée et donc moins bien rémunérée ?
En clair, ce système d'exonération n'a-t-il pas un effet pervers sur l'évolution des salaires, les entreprises étant tentées fort légitimement de recruter au niveau du SMIC ? Cette dérive n'est-elle pas, hélas ! trop souvent constatée ?
Vous avez souhaité faire du contrat initiative-emploi, le CIE, un outil majeur de la bataille de l'emploi. Créé en août 1995, modifié le 1er septembre 1996 pour être réservé aux publics prioritaires et aux jeunes sans qualification, force est de constater que, malgré les sommes importantes qui lui ont été consacrées, il n'a pas contribué à une création nette d'emplois dans notre économie depuis plus d'un an.
Vous proposez d'en augmenter fortement les crédits - près de 54 % - en espérant atteindre 280 000 contrats en 1997, ce qui resterait cependant très loin des objectifs affichés lors de la création de la mesure qui prévoyait un rythme de 350 000 contrats en année pleine.
Vous aviez alors réduit d'une manière forte les aides aux chômeurs - réduction du nombre des CES, des SIFE et des stages pour chômeurs de longue durée - pour réorienter les concours financiers vers les employeurs par le biais des primes et exonérations.
Le contrat initiative-emploi peut-il véritablement avoir l'impact que vous escomptez, notamment s'il s'adresse à des publics en difficulté, chômeurs de longue durée pour qui le retour dans le monde du travail ne se fait pas toujours selon les conditions optimales voulues par les employeurs ?
Le problème majeur de notre pays est celui de l'emploi des jeunes. Les chiffres sont alarmants : 24,8 % de chômage de moins de vingt-cinq ans. Le monde du travail leur est largement fermé. L'élévation du niveau de formation constaté amène parallèlement dans les entreprises une élévation des critères de sélection sur un marché de plus en plus étroit. La lecture des offres d'emploi me conduit à constater trop généralement à la fois une exigence en matière de formation et de diplôme et un nombre, de plus en plus élevé d'ailleurs, d'années d'expérience que les jeunes ne peuvent pas avoir.
C'est un véritable carcan qui, dans un climat général de méfiance ou de peu d'intérêt des employeurs à l'égard des jeunes, conduit nécessairement les moins formés à rencontrer les plus grandes difficultés d'insertion professionnelle et, quand celle-ci s'ouvre à eux, elle se fait dans des secteurs misant essentiellement sur la flexibilité et leur offrant au départ de faibles perspectives de carrière.
C'est là un enjeu majeur de notre société et il convient qu'un changement rapide des comportements intervienne.
La voie de la formation par l'alternance, notamment l'apprentissage qui vient d'être réformé par la loi du 6 mai 1996, répond-elle aux besoins ?
Nous constatons une quasi-stabilité du nombre des apprentis malgré les efforts financiers consentis en faveur des employeurs soit, pour 1997, 4,2 milliards de francs d'exonérations de charges et 5,3 milliards de francs d'indemnités compensatoires, au total 9,5 milliards de francs, dépenses d'ailleurs appelées à augmenter mécaniquement en 1998.
Une étude particulièrement intéressante de votre ministère, madame le ministre, nous montre que 25 % des contrats sont rompus avant leur terme pour des motifs qui nous amènent à nous interroger : 44 % d'entre eux pour mésentente avec l'employeur, mais aussi 32 % pour tutorat insuffisant.
Enfin, 43 % à 47 % des apprentis dont le contrat est allé à son terme sont embauchés dans l'entreprise, ce qui reste beaucoup trop faible étant donné la dépense consentie par l'Etat et les régions dans le cadre de ce type de stage.
Ces pourcentages conduisent à s'interroger sur l'optimisation de l'apprentissage.
De plus, le peu d'intérêt actuel pour la relance de la mesure provient non pas des jeunes mais plutôt des entreprises.
Pensez-vous, madame le ministre, atteindre l'objectif que vous vous êtes assigné, soit 350 000 contrats, et quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour une véritable relance de l'apprentissage ?
D'une manière plus générale, il importe que les entreprises puissent se mobiliser sur un accompagnement de formation en faveur des jeunes en contrat de travail.
Je voudrais maintenant aborder le problème des contrats emploi-solidarité, les CES, et des emplois consolidés.
Lors de l'examen de la loi de finances pour 1996, vous avez envisagé une réduction des crédits pour ce type de contrats au profit des contrats initiative-emploi, les CIE, réduction qu'il vous a fallu corriger à hauteur de 3,4 milliards de francs pour financer 70 000 contrats supplémentaires.
Pour 1997, vous proposez un rétablissement de la dotation à près de 12 milliards de francs.
Considérés comme des outils essentiels de lutte contre l'exclusion sociale, les CES sont même devenus incontournables dans le fonctionnement des établissements hospitaliers et des établissements d'enseignement, à tel point qu'ils sont même exonérés du ticket modérateur qui va devenir effectif au 1er janvier 1997.
Chacun d'entre nous, dans sa ville ou dans son département, se mobilise pour accueillir les contrats emploi-solidarité en leur offrant une formation qui leur permette de préparer les concours d'accès à la fonction publique territoriale, même pour ceux qui sont en très grande difficulté. Des associations renforcent également l'action en ce sens, en contrepartie des tâches d'utilité sociale que les bénéficiaires exécutent.
Trop souvent, hélas ! ce contrat est banalisé et la formation ignorée par l'employeur, le CES devient alors un temps d'activité plus ou moins long, peu rémunéré, s'inscrivant dans un parcours d'attente du revenu minimum d'insertion ou en complément de celui-ci.
Vous allez, madame le ministre, aggraver ce tableau peu engageant. Ne craignez-vous pas que le ticket modérateur n'ait un effet néfaste tant sur le nombre de contrats mobilisables que sur l'effort de formation, indépendamment de la part pouvant être prise en charge par l'Etat, notamment pour les associations qui demeurent à la base du lien social dans notre pays et dont les ressources sont de plus en plus précaires ?
Je voudrais aborder rapidement le problème du financement du chômage de longue durée.
Les personnes de plus de quarante ans qui perdent leur emploi sont de plus en plus vouées à grossir la masse grandissante des chômeurs de longue durée.
La décision que vous prenez de réduire votre participation au dispositif de l'allocation formation reclassement, l'AFR, en diminuant de près de 55 % votre contribution à ce dispositif cofinancé par l'assurance chômage, me semble particulièrement lourd de conséquences.
L'activation des excédents actuels de l'UNEDIC constitue un enjeu qui donne actuellement lieu à fort débat.
En transférant à l'UNEDIC une part plus importante du financement de l'AFR, vous pesez sur la négociation relative à l'utilisation des excédents de trésorerie, vous réduisez les marges de manoeuvre et les initiatives des partenaires sociaux, déjà appelés au renouvellement de l'ARPE et des conventions de coopération.
Votre démarche s'inscrit dans une longue logique de transfert de charges qui touche également l'AGEFIPH ou l'AGEFAL et qui tend à masquer le recul de votre budget sur les dépenses d'intervention.
Vous avez également décidé de supprimer la prime en faveur de la création d'entreprise par les personnes privées d'emploi, en maintenant toutefois l'exonération de charges mais en limitant le montant global à 1,3 milliard de francs, non compensé auprès de la sécurité sociale, et en maintenant également pendant six mois l'aide aux bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique.
Je ne suis pas sûr que vous ayez fait là un bon choix, car la création était, dans la majorité des cas, le fait de chômeurs récents, très bien implantés dans le monde économique et susceptibles d'y trouver des relais ainsi que la clientèle nécessaire à leur projet. C'était aussi un des outils pour la reprise d'une entreprise en difficulté par ses salariés, qui pouvaient être rapidement mobilisés pour éviter la perte de commandes et de la clientèle.
Ce dispositif était onéreux, c'est vrai, mais vous avez pris là une mesure d'économie définitive qui aura, à mon avis, un impact non négligeable sur le chômage des plus de quarante ans ayant une bonne expérience, qui trouvaient ainsi un apport complémentaire auprès des banques pour un projet artisanal ou commercial. Je ne pense pas que les mesures annoncées par M. Raffarin en faveur de la jeune entreprise auront le même effet pour ce type de créateurs. Plus on a d'apport personnel, plus on peut mobiliser le réseau bancaire, et cela reste valable même dans le cas des prêts bonifiés par l'Etat.
L'autre axe fort de votre politique budgétaire est orienté vers l'aménagement et la réduction du temps de travail, là encore au moyen non seulement d'exonérations de charges - ristournes dégressives ou exonérations sur les bas salaires - mais aussi du dispositif de la loi de Robien.
Cette loi, dont la promotion est actuellement très largement assurée par vos services territoriaux, est un dispositif très incitatif, mais très coûteux, et donc très attractif pour les entreprises.
Y aura-t-il, dès lors, encore une place pour une véritable négociation, telle qu'elle était prévue par l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995, les discussions étant dramatiquement mises en sommeil et aucun accord de branche n'ayant d'ailleurs été signé depuis la publication de la loi ? Je m'interroge.
Par ailleurs, madame le ministre, ce dispositif très avantageux pour les chefs d'entreprise ne risque-t-il pas de donner lieu à des abus, sur lesquels vos services des directions du travail et de l'emploi auront à se montrer particulièrement vigilants, notamment dans le cadre du volet « préservation de l'emploi », lors des restructurations et de l'élaboration des plans sociaux ?
J'aurais aimé évoquer le volet de la formation, mais M. Souvet, remplaçant M. Madelain, rapporteur pour avis pour la formation professionnelle, a très bien décrit les difficultés qu'on rencontre dans ce domaine, et je crois qu'il n'est pas utile d'y revenir.
Aussi, en guise de conclusion, madame le ministre, je veux vous indiquer...
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Que vous votez les crédits ! (Sourires.)
M. Roland Huguet. Pas tout à fait, mon cher collègue ! J'ai dit en commission que j'étais d'accord avec votre rapport, mais cela ne voulait pas dire que j'approuvais les crédits.
Madame le ministre, je ressens profondément votre projet de budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle comme un budget de désengagement, qui poursuit l'orientation déjà arrêtée en 1996 et que j'avais dénoncée à cette même tribune.
Seuls les exonérations et l'allégement du coût du travail connaissent une forte augmentation mais l'expérience nous a montré, hélas ! qu'ils ne sont pas massivement créateurs d'emplois. Or c'est cela qui est absolument nécessaire pour le rétablissement de notre économie.
Les dépenses d'intervention sont en réduction et trop facilement renvoyées à des projets ultérieurs, notamment le texte sur la cohésion sociale, ou vers des transferts de charges tant en direction des collectivités territoriales, qui vont être fortement sollicitées avec les emplois de ville et les contrats d'initiative locale, de l'UNEDIC, de l'AGEFIPH, de l'AGEFAL ou d'autres organismes encore.
Ce désengagement est d'ailleurs un principe qui vaut pour l'ensemble de ce projet de loi de finances.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Huguet.
M. Roland Huguet. J'en suis à ma conclusion, monsieur le président.
Je ne citerai qu'un autre exemple, qui aura un impact important sur l'emploi et qui relève du domaine de compétences de votre collègue le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications : il s'agit des crédits alloués aux sociétés de conversion industrielle.
Celles-ci interviennent par le biais d'aides directes aux entreprises sous forme de bonifications de prêts.
Dans ma région, deux sociétés de ce type , la SODIE, filiale d'Usinor-Sacilor, et la Financière Nord - Pas-de-Calais, plus connue sous le nom de FINORPA, qui est la société de conversion Charbonnages de France, jouent un rôle essentiel auprès des entreprises qui s'implantent ou se développent, mais également auprès de celles qui sont engagées dans une restructuration. Elles ont ainsi soutenu la création ou le maintien de 7 286 emplois en 1995.
Or, dans le projet de budget de l'industrie, les crédits de reconversion diminuent très sensiblement : la FINORPA et la SODIE ne pourront plus agir comme elles le faisaient. C'est dommage, c'est un peu du gâchis. C'est dommage aussi pour vous, en définitive, car une telle mesure handicape également l'efficacité de votre action, madame le ministre, et vous le savez bien.
Pour en revenir à votre projet de budget, celui-ci me semble dépourvu de véritables initiatives, dans un climat national qui voit les acteurs sociaux se décourager et l'envie d'entreprendre s'émousser très fortement.
M. le président. Monsieur Huguet, vous amputez maintenant le temps de votre collègue M. Delfau.
M. Roland Huguet. Il est en complet décalage avec le plaidoyer en faveur de l'initiative et de l'esprit d'entreprise prononcé par M. le Président de la République lors de son voyage dans mon département du Pas-de-Calais, voilà quelques semaines.
Bien sûr, chacun doit se sentir responsable face aux problèmes de l'emploi, mais l'Etat doit susciter les initiatives, les soutenir et les accompagner, afin que l'emploi redevienne véritablement un facteur d'intégration sociale.
Cette orientation ne me semble pas avoir été prioritaire lors de l'élaboration de ce projet de budget. C'est pourquoi le groupe socialiste ne pourra se prononcer en faveur de l'adoption des crédits du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, faute de temps, mon propos ne pourra malheureusement que rester général voire caricatural.
M. le ministre des affaires sociales, M. Jacques Barrot déclarait devant nos collègues de l'Assemblée nationale, le 8 novembre dernier, que le montant des crédits consacrés au budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle attestait que, pour le Gouvernement, l'emploi restait la priorité des priorités.
En effet, les crédits qui y sont consacrés progressent de 11 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 8 % par rapport à l'an dernier, pour atteindre plus de 150 milliards de francs en 1997.
Contrairement aux apparences, plus que la force d'une volonté, ce projet de budget marque plutôt, madame le ministre, l'échec flagrant de votre politique et de celle du Gouvernement.
Comment pouvez-vous ne pas vous interroger sur ce paradoxe qui fait que plus les fonds consacrés à la lutte pour l'emploi augmentent, plus le chômage explose ?
Les chiffres à cet égard sont cruels : plus de 3 100 000 personnes sont atteintes officiellement ; encore faut-il y ajouter les plus de 300 000 personnes disparues des statistiques du fait du mode de calcul adopté en 1994.
Si l'on fait le compte de l'ensemble des personnes en recherche d'emploi ou en situation de précarité ou d'exclusion, ce sont en fait 5 millions de personnes, dont beaucoup de jeunes, qui sont frappées par ce fléau, par l'angoisse et la misère qu'il engendre.
J'ai parlé d'échec. Ainsi, la mise en place du contrat initiative-emploi, le CIE, principale mesure annoncée par M. Jacques Chirac durant sa campagne de 1995, aura été un échec patent.
Certes, grâce au CIE, les entreprises ont bénéficié de l'effet d'aubaine et de substitution, compte tenu de conditions financières et fiscales attractives. Mais tout cela, c'est de l'argent en moins pour la protection sociale.
Vous avez d'ailleurs vous-même reconnu votre échec puisque vous proposez de réorienter le CIE sur les chômeurs qui sont le plus en difficulté. Certes, 280 000 CIE sont prévus. Mais faudra-t-il dorénavant attendre d'être en difficulté pour retrouver un emploi ?
Ces mécanismes, je les avais déjà dénoncés l'année dernière, à l'occasion de la discussion budgétaire. Vous auriez dû écouter alors les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
Au-delà de la redéfinition ou de la suppression de telle ou telle mesure, force est de constater que c'est toujours la même politique que, malgré vos échecs, vous continuez à mettre en oeuvre, à savoir une politique d'exonération, d'allégement des cotisations et de déréglementation sociale, dans la continuité de la loi quinquennale pour l'emploi.
Le but, selon M. Barrot, serait de rendre « la croissance plus riche en emplois en allégeant le coût du travail et en aménageant le temps de travail ». Il a certes ajouté par ailleurs qu'il « fallait desserrer la ceinture », mais, plus récemment, M. le Premier ministre a confirmé qu'il fallait aller à la recherche d'une plus grande flexibilité, objectif qu'a, je crois, repris M. Barrot, même s'il a utilisé une formulation différente.
Réduire le coût du travail ? Cette politique est mise en place depuis plusieurs années, avec l'efficacité que l'on sait.
Obnubilés par les critères de convergence imposés par Maastricht dans la course à la monnaie unique, vous écrasez la consommation et donc, inexorablement, l'emploi.
La pression sur les salaires se manifeste par un record historique, vers le bas, de la part des salaires dans la valeur ajoutée. C'est ce qui conduit à la faiblesse actuelle de la croissance par insuffisance de la demande et à tous les enchaînements pervers qui en découlent, y compris la surévaluation du franc par la faiblesse des importations. Tout cela contribue à augmenter encore le chômage.
Le rapport du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts sur l'effet de l'allégement des charges sur les bas salaires est, même si c'est exprimé dans un langage fort mesuré, extrêmement sévère sur cette politique.
Ce rapport note que la plupart des secteurs bénéficiaires sont ceux des services et du commerce, pourtant les moins exposés à la concurrence internationale, et qu'ils constituent un frein puissant à la progression des salaires au bas de l'échelle.
Selon ce même rapport, le fait de rendre les cotisations sociales fortement progressives nuit même au développement de la formation et de la qualification des jeunes dans l'entreprise, dans la mesure où le coût de toute promotion apparaît, pour le patronat, fortement accru du fait de la progression du taux de cotisation.

Deuxième axe de votre politique : la déréglementation du droit protecteur du travail.
Ce que les salariés ont mis un siècle de combats à gagner, vous essayez de le remettre en cause, morceau après morceau.
Depuis un an, nous avons examiné la généralisation des chèques emploi-service, l'extension des possibilités ouvertes en matière d'aménagement du temps de travail, le projet de loi qui casse l'édifice actuel des négociations collectives.
Et voilà que M. Juppé propose, au nom de la création d'emplois, de permettre au patronat de licencier plus facilement. On parle d'étendre la possibilité de passer des CDD, de remettre en cause les seuils sociaux en matière de comité d'entreprise ou de délégué du personnel. Quant à M. Barre, toujours prêt à faire de la surenchère contre les droits des salariés, il propose, ni plus ni moins, de supprimer le code du travail !
Croyez-vous que l'avenir peut consister à aligner le sort des salariés français sur celui des salariés américains, alors qu'aux Etat-Unis, outre que 40 millions de personnes sont exclues de toute couverture sociale, le fait même de toucher un salaire ne garantit pas contre l'extrême misère ? Ce phénomène commence à toucher la France.
J'en viens au troisième axe de votre politique de l'emploi, qui est l'aménagement du temps de travail.
Aujourd'hui, la loi de Robien est présentée comme une solution au chômage : cette loi, qui allège de 40 % à 50 % les cotisations patronales, s'applique s'il y a réduction du temps de travail de 10 %, assortie d'embauches correspondant à 10 % des effectifs.
Mais alors que les exonérations courent sur dix ans, les salariés n'auront aucune garantie de ne pas être licenciés au bout de deux ans.
En outre, la loi de Robien permet aux grandes entreprises présentant des plans de réduction des effectifs - je songe à Moulinex - de gonfler, le cas échéant, le nombre des suppressions d'emplois envisagées afin de bénéficier des exonérations prévues par la loi au titre des licenciements « évités » ou des emplois « maintenus ».
Nous sommes bien loin des trente-cinq heures hebdomadaires sans diminution de salaire, qui permettraient de créer des dizaines de milliers d'emplois.
On voit bien que tous ces dispositifs relatifs à l'aménagement du temps de travail, liés à la déréglementation, aboutissent, au bout du compte, à écraser encore plus le pouvoir d'achat, à peser sur les comptes sociaux et sont sans réel effet sur le chômage.
Votre politique n'apporte, en réalité, aucune solution au défi que constitue la poursuite de l'élévation du niveau d'adaptation et de formation des travailleurs aux bouleversements technologiques.
Pis encore, vous tournez le dos à ces objectifs. Les crédits consacrés à la formation diminuent en raison de prélèvements inacceptables, que ce soit sur l'AGEFAL ou l'AGEFIPH, ou de redéploiements qui remettent en cause les minima sociaux, tels que le RMI et l'ASS, ce qui permettra de financer le contrat initiative-emploi tout comme la réduction du nombre des CES avait permis de financer les emplois de ville. En fait, il s'agit bien de transferts de charges qui correspondent à un véritable désengagement.
Vous déclarez que l'UNEDIC sera mise à contribution pour compenser cette baisse. Il est inacceptable que l'Etat abandonne ses responsabilités en la matière aux dépens de l'argent des chômeurs.
A mon sens, une nouvelle politique en matière d'emploi est indispensable. Or force est de constater que la précarité et le travail à temps partiel gagnent inexorablement du terrain.
En fait, il faudrait accorder de véritables droits et des pouvoirs nouveaux aux salariés et aux comités d'entreprise pour leur permettre de s'opposer aux licenciements et d'élaborer des propositions nouvelles. Il faudrait faire reculer les exigences de rentabilité financière, l'argent pour l'argent, au profit de l'investissement matériel pour les hommes. Pour notre part, nous proposons des choix politiques nouveaux qui rompent avec la généralisation de la précarité.
Nous proposons de mettre en place des contrats sécurité-emploi-formation qui garantiraient à chacun le droit à l'emploi et à une formation rémunérée longue et diplômante.
Nous proposons un relèvement urgent des salaires et l'augmentation massive des dépenses de formation. Ces mesures seraient alimentées par des prélèvements sur la croissance et les accumulations financières.
On pourrait rompre avec la baisse des charges sociales patronales en leur substituant des baisses sélectives de charges financières.
On le voit, toutes ces mesures que nous soumettons au débat s'opposent résolument à la politique qui a été mise en place par le Gouvernement et dont j'ai démontré la nocivité.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra donc, dans ces conditions, que s'opposer fermement au projet de budget du ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, mais nous aurons certainement l'occasion de développer tous ces points au cours de l'examen des différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, « le budget de l'emploi donne la priorité à la baisse du coût du travail ». Ce titre récent d'un quotidien traduit l'essentiel du budget du travail. Tous les crédits sont en baisse, à l'exception de l'allégement des charges des entreprises et des primes qui leur sont accordées.
Un tel budget résume l'entêtement d'une politique dont on voit pourtant, depuis des années, s'accumuler les effets négatifs.
De loi quinquennale sur l'emploi en cadeaux budgétaires, de Balladur à Juppé, on entend la même litanie : il faut alléger les charges des entreprises ; on perçoit la même obsession : il faut flexibiliser et déréglementer ; on obtient le même résultat, à savoir l'aggravation de la précarité et l'augmentation du nombre des chômeurs.
Le dernier rapport de l'ODAS estime que, sur 25 millions d'actifs, plus de 5 millions peuvent être considérés comme exclus du marché du travail.
En juin 1993, la nouvelle majorité qui arrivait au pouvoir allait enfin, disait-on, en allégeant les charges et en multipliant les aides aux entreprises, créer des emplois. On voit le résultat ! Tous les indicateurs du chômage sont en hausse, qu'il s'agisse, de la durée moyenne du chômage, du nombre de chômeurs, y compris de longue durée, du chômage des jeunes, y compris diplômés, et des femmes.
Mais aussi, combien de mesures sous-estimées dans leur coût mais surestimées dans leurs effets ont été prises !
L'allocation parentale d'éducation ? J'y suis opposée mais la question n'est pas là. Elle avait un coût qui a été sous-estimé. Elle avait un objectif, celui de créer des emplois, mais nul n'est capable d'estimer aujourd'hui combien d'emplois a créés cette mesure.
La loi de Robien ? Voilà une loi qui a été présentée comme une loi offensive, du moins à l'origine, il y a cinq mois. Au cours des débats, rappelez-vous, on disait qu'il fallait une loi à 50 % offensive et à 50 % défensive. Aujourd'hui, elle devrait plutôt être à 70 % offensive et à 30 % défensive. Qu'en sera-t-il demain ?
Vous auriez pu, au bout de quelques années, constater les effets non seulement nuls mais négatifs de cette politique systématique de cadeaux sans contrepartie aux entreprises et changer de direction. Et pourtant, madame le ministre, vous persévérez. Si ce budget augmente, c'est exclusivement dû à l'augmentation des aides aux entreprises, et, en particulier, à la ristourne sur les charges sociales sur les bas salaires.
Je ne méconnais pas l'importance du débat sur les charges salariales. Je pense aussi qu'elles pèsent lourdement sur les petites entreprises ainsi que sur les ménages quand ils sont employeurs. Je pense aux emplois familiaux. Il vaudrait mieux des charges moins lourdes et des salaires plus élevés.
C'est vous dire que je ne balaie pas cette question d'un revers de main. Mais il est anormal d'avoir sous-estimé les effets pervers des charges dégressives jusqu'à 1,33 fois le SMIC sans voir que cette mesure inciterait, au contraire, les entreprises soit à offrir de très bas salaires, soit à imposer, et non à proposer, un travail à temps partiel, ce temps partiel prétendument offert et si souvent imposé à un public qui est, dans notre pays, essentiellement féminin.
Quant au reste du budget, comment justifier le transfert à l'UNEDIC d'une partie du financement de l'allocation de formation-reclassement destinée aux chômeurs ? Comment accepter le transfert à l'AGEFIPH du financement du complément de rémunération des travailleurs handicapés travaillant en milieu ordinaire ?
Il est impensable qu'une association assure une telle gestion de service public et qu'une telle décision ait été prise sans aucune concertation. Cela devient vraiment une habitude !
Vous savez que l'ensemble des associations de handicapés s'oppose à cette mesure. L'insertion professionnelle des handicapés en milieu ordinaire piétine et le manque d'appartements thérapeutiques se fait cruellement sentir.
Il est donc à la fois maladroit et malheureux que l'Etat se désengage ainsi, alors qu'au contraire il devrait témoigner une ferme volonté en s'engageant financièrement et en menant une politique d'embauche des handicapés dans ses services, ce qu'il ne fait pas, ou très peu, comme, d'ailleurs, nombre de collectivités locales, qui sont, comme lui, extrêmement en retard dans ce domaine.
Je ne peux pas ne pas citer également la limitation du nombre de CES et le ticket modérateur, qui frappe ces mêmes CES ou, plutôt, ceux qui y ont recours. Comment la plupart des associations, qui en emploient 37 %, comment l'éducation nationale, dont on connaît la pauvreté et qui en emploie 10 %, vont-elles payer ?
Je suis extrêmement choquée par la baisse des crédits transférés aux régions pour les formations non qualifiantes pour les jeunes, c'est-à-dire ceux qui sont en très grande difficulté. C'est pour ceux-là, notamment, que vous baissez les crédits. Une fois de plus, ce sont les collectivités locales qui paieront, si elles veulent ou si elles peuvent.
Vous « tordez le cou » à l'aide aux chômeurs pour la création d'entreprise. De janvier 1995 à septembre 1995, 68 000 aides ont été accordées à ce titre. Le budget de 1996 prévoit les premières mesures restrictives. Le résultat ne se fait pas attendre. De janvier 1996 à septembre 1996, 29 000 aides ont été dénombrées. Aujourd'hui, ces primes sont totalement supprimées. Cela signifie que, concrètement, on bloque cette possibilité alors que le taux de réussite n'a pas diminué et qu'il se situe, comme pour les autres créateurs d'entreprise, aux alentours de 50 %.
Madame le ministre, l'an dernier, les fonctionnaires, ces privilégiés dont parlait voilà vingt ans Raymond Barre, étaient dans la rue. Aujourd'hui, ce sont les routiers qui reprennent des revendications semblables sur bien des points.
Les cheminots se battaient pour garder la retraite à cinquante-cinq ans. Les routiers se battent pour l'avoir et ils viennent de l'obtenir. Ils se battent contre les horaires, les conditions de travail et des heures de présence non payées. S'agit-il de relations sociales passées ? Non. Il s'agit de relations sociales qui se mettent en place aujourd'hui et qui sont fondées sur l'adaptation, l'efficacité et la flexibilité. L'opinion découvre ainsi le problème des heures passées loin du domicile et non payées.
C'est vrai pour les routiers, mais aussi dans de nombreux métiers, notamment dans le secteur tertiaire, pour les femmes à qui l'on impose des horaires, le matin et l'après-midi, avec de grandes périodes creuses pendant lesquelles elles ne peuvent pas retourner à leur domicile et qui ne sont pas payées. Elles sont bloquées, exactement comme les routiers, pendant des heures.
Précisément, concernant les femmes, madame le ministre, dans le budget du travail figurent les crédits consacrés aux centres d'information sur les droits des femmes ; ils sont en hausse et, en tant qu'ancienne présidente d'un CIDF, je m'en réjouis. Mais, et je l'ai dit tout à l'heure à M. Gaymard, si ces crédits sont inscrits dans le budget de l'action sociale et de la solidarité, ils relèvent quand même de votre responsabilité.
Les actions de communication disparaissent. Est-ce bien le moment ?
Les crédits en faveur de l'emploi et de l'égalité professionnelle diminuent fortement. Est-ce le bon moment ? Même si vous allez consacrer 6 millions de francs à des actions en faveur de l'égalité professionnelle, le chapitre 43-02-20 passe de 30 millions de francs à 19 millions de francs. Cette baisse est encore plus forte en réalité puisqu'elle est en partie masquée par un transfert de votre budget à celui de l'emploi de 5,8 millions de francs qui transitent ainsi, sans doute en partie, pour dissimuler l'effondrement de ces crédits.
Madame le ministre, je ne mets en cause ici ni vos convictions ni votre volonté. Je ne doute pas que votre situation, au sein d'un gouvernement qu'un premier remaniement ministériel a voulu rendre plus efficace en mettant à la porte la plupart des femmes qui s'y trouvaient, ne soit pas forcément simple.
Je mets en cause non vos convictions, mais les moyens que ce budget vous donne, nous donne, pour faire avancer la situation des femmes dans ce pays.
Madame le ministre, les sénateurs du groupe du RDSE membres du parti radical-socialiste voteront contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame le ministre, permettez-moi de saluer l'action courageuse que M. Jacques Barrot et vous-même menez dans un secteur particulièrement difficile, celui du travail et de la formation professionnelle, et ce, dans une période tout aussi difficile marquée par le chômage. Ce véritable fléau de cette fin de siècle touche l'ensemble de notre société, et tout particulièrement nos jeunes : le taux de chômage des jeunes atteint plus de 24 % et 35 % des jeunes inscrits à l'ANPE ont moins de vingt-deux ans.
Pourtant, les aides à l'emploi dépassent les 150 milliards de francs, soit le dixième du budget de la nation.
La France est le pays du monde qui consacre le plus d'argent à la formation de ses enfants : 9 700 francs pas an et par habitant.
Notre pays est celui qui compte le plus de grandes écoles. Jamais la durée des études n'a été aussi longue et, dans le même temps, jamais le nombre de déclassements, à tous les niveaux de diplômes, n'a été aussi élevé.
La part des surdiplômés est globalement passée de 16,4 % en 1986 à 23,1 % en 1995.
Jamais aussi les emplois précaires n'ont été aussi élevés : ces formes particulières d'emploi concernent 20 % des moins de trente ans, contre 8 % au début des années quatre-vingt.
Voilà quelques exemples concernant le demandeur. La situation est identique pour l'offreur, c'est-à-dire l'entreprise, puisque l'on recense quelque 2 133 aides diverses et variées.
A l'exception de celles qui sont fondées sur l'exonération des charges sociales, leur efficacité est extrêmement limitée.
Il est temps, madame le ministre, que l'Etat retrouve son rôle, qui est d'agir non pas sur l'entreprise, mais sur son environnement.
Il doit le faire aux côtés des collectivités locales en créant les conditions favorables à l'accueil et au développement des entreprises : c'est vrai pour les infrastructures de communication, la formation, le logement ou la qualité de vie.
Osons, madame le ministre, sortir de cette complexité qui, si elle fait les délices de l'administration, cause très souvent la perte du politique et, surtout, décourage les plus entreprenants. Un chef d'entreprise, vous le savez, mes chers collègues, passe quarante jours par an à se perdre dans le maquis administratif.
Mais le chiffre, madame le ministre, qui aujourd'hui m'interpelle - et j'ose dire m'obsède - est celui qui émane d'une enquête de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions, l'ONISEP et qui révèle qu'un jeune lycéen sur trois veut être enseignant ou faire carrière dans l'administration.
Nous sommes face à un véritable problème de société qui risque, si nous ne réagissons pas, de devenir un problème génétique.
Le repli, la frilosité, le découragement sont les pires ennemis de la croissance. Or, vous le savez mieux que moi, une croissance inférieure à 3 % ne crée pas ou peu d'emplois au sens économique du terme. Par ailleurs, l'utilisation d'artifices tels l'inflation, la dévaluation et, surtout, le déficit, qui nous ont permis durant une décennie de prolonger les effets des Trente Glorieuses, nous sont aujourd'hui interdits.
De même, il est démagogique et illusoire de laisser croire aux Françaises et aux Français que l'on peut diminuer le chômage par la création massive de milliers d'emplois publics. Le secteur public pèse déjà lourdement sur nos finances. Il n'a de réalité que par celle que lui donne notre économie, en particulier notre tissu productif. Et c'est bien sur le développement du secteur productif que doivent porter nos efforts, car il n'est pas de grande nation sans un tissu productif fort.
Ce retour à un taux de croissance suffisant nécessite de la volonté et du temps. Dans cette attente, des mesures d'accompagnement doivent être maintenues, voire développées.
Tel est l'objet du projet de budget que vous nous soumettez, madame le ministre, dont je relèverai trois caractéristiques majeures et deux grands types de mesures.
La première caractéristique, c'est votre souhait d'éviter toute inflation budgétaire. En effet, si ce budget est en augmentation de 8 %, soit 11 milliards de francs, l'évolution sur les bases de 1996 vous aurait conduite à une augmentation de 26 milliards de francs. L'économie s'élève donc à 15 milliards de francs.
La deuxième caractéristique, c'est votre volonté de solidarité afin de faire en sorte que de moins en moins de nos concitoyens soient privés de ce droit élémentaire qu'est celui de l'emploi.
Enfin, la troisième caractéristique, c'est votre souci d'efficacité à travers les différentes actions, mesures ou aides. Permettez-moi de prendre trois exemples.
Le premier concerne les contrats emploi-solidarité ; vous avez eu le courage de diminuer leur nombre de 700 000 à 500 000. L'utilisation massive de ce type de contrats dérogatoires génère des effets pervers. Les juridictions compétentes ont d'ailleurs rappelé à l'ordre certains services de l'Etat qui avaient dévoyé les objets de ces contrats.
Je vous proposerai d'ailleurs, madame le ministre, un amendement qui va dans ce sens et qui n'altère en rien l'effort de solidarité ; bien au contraire, il vise à le rendre plus efficace et plus durable.
Le deuxième exemple d'efficacité, c'est votre souci de clarification et d'optimisation de l'apprentissage, au travers du texte que vous nous avez présenté voilà quelques mois. Je souhaite qu'il constitue un point de départ vers d'autres mesures allant dans ce sens.
Enfin, le troisième exemple a trait à la déconcentration du crédit-formation individualisé, le CFI, et des services de l'AFPA. Chaque fois que l'on rapproche une décision de l'action, on y gagne en efficacité, même si l'élu local que je suis regrette que les transferts financiers ne soient pas en rapport. La gestion du CFI par les régions est très lourde et nous n'avons pas les moyens humains de l'Etat.
J'en viens aux mesures ; elles sont de deux types.
Les premières mesures sont curatives et à court terme, et ont pour objet de faire face à l'urgence. Il s'agit des exonérations de charges, qui atteignent 50 milliards de francs, et de tous les contrats dérogatoires que j'ai évoqués.
Les secondes mesures sont préventives ; nous en vérifierons les résultats à moyen et long terme. Il s'agit de l'action, sans précédent, que vous menez en faveur de la formation professionnelle, et tout particulièrement de votre souci de développer l'alternance, voie la plus sûre pour l'insertion professionnelle.
Les chiffres que j'ai cités au début de mon propos confirment le bien-fondé de votre politique. Nous devons, en effet, en matière de formation passer d'une logique de moyens à une logique de besoins, intégrant simultanément le souhait du jeune et les besoins de l'économie. La réussite passe par un partenariat entre le système éducatif, dispensateur de la pédagogie, les professions, qui doivent s'engager sur des contrats d'objectifs et sur une gestion de plans de carrière, et enfin la famille car, malheureusement, si beaucoup reconnaissent aujourd'hui les vertus de l'apprentissage, c'est bien sûr pour le fils du voisin.
La clé de l'apprentissage reste le tuteur. Ce dernier doit répondre à deux critères : la disponibilité et la pédagogie. Des mesures incitatives peuvent être mises en place à partir, pourquoi pas ? des fonds de collectes disponibles et non mobilisés.
Maîtrise budgétaire, solidarité, efficacité marquent votre projet de budget, madame le ministre. Le groupe des Républicains et Indépendants vous apporte son soutien et votera ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au mois de février dernier, mon excellent collègue et ami Jean Madelain, malheureusement absent pour raison de santé - cela nous montre notre disponibilité relative - rapportait le projet de loi portant réforme du financement de l'apprentissage, je remercie M. Souvet qui l'a très bien suppléé.
Ce projet de loi provisoire visait à régler le problème du financement de l'apprentissage.
Son caractère provisoire tient surtout au fait que la mission de réflexion, qui avait été confiée à M. de Virville, pouvait déboucher sur une réforme plus ambitieuse, touchant toutes les formations en alternance et tendant à simplifier le système.
Jean Madelain avait tenu à rappeler que le processus de la collecte rendait fragile le dispositif du financement de l'apprentissage et qu'il était nécessaire de mettre en oeuvre un processus de rationalisation de ce système.
La loi quinquennale pour l'emploi de 1993, ainsi que diverses dispositions d'ordre budgétaire, financières et comptables ont déjà substantiellement modifié le cours des choses.
Mais le changement doit impérativement être poursuivi si l'on veut conjuguer une plus grande efficacité en termes d'insertion professionnelle et, surtout, une plus grande rigueur financière.
Compte tenu notamment des propositions formulées dans le récent rapport de M. de Virville intitulé : « Donner un nouvel élan à la formation », rapport publié en octobre dernier, vous envisagez, madame le ministre, avec M. Jacques Barrot, de poursuivre les réformes engagées et de présenter un projet de loi, très attendu, sur la réforme de l'alternance. Quand ce texte viendra-t-il en discussion ?
J'ose espérer, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, qu'il s'agit bien là de cette réforme ambitieuse touchant toutes les formations en alternance.
Dans cette perspective, je vous demande, madame le ministre, de bien vouloir nous confirmer aujourd'hui que le budget pour 1997 réservé à la formation professionnelle ne risque pas de n'être qu'un budget de transition, comme le fut celui de 1996 à cause de la loi portant réforme du financement de l'apprentissage.
Le groupe de l'Union centriste vous apportera son soutien, puisque les crédits pour 1997 correspondent à une première étape de la réforme de la formation professionnelle, qui doit être complètée par un prochain texte.
Je souhaite ensuite rappeler l'excellente initiative que M. Jacques Barrot avait prise le 5 octobre 1993, en proposant, conjointement avec M. Claude Goasguen et les membres du groupe de l'UDF de l'Assemblée nationale, la création d'une commission d'enquête sur la nature et l'utilisation des fonds affectés à la formation professionnelle, dont le rapport fut très sévère.
En effet, la commission dénonçait tout autant la confusion des buts assignés à la formation professionnelle, l'opacité des circuits de financement, la défaillance de l'Etat dans le contrôle des organismes de collecte et de formation, que l'absence d'une exigence suffisante quant à la qualité des formations dispensées.
Madame le ministre, qu'en est-il aujourd'hui de ces conclusions si sévères ?
J'ose espérer que le projet de loi annoncé pour le début de 1997 sur la formation en alternance apportera également des solutions à tous les problèmes soulevés.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'enjeu est très important : 47 % des moins de vingt et un ans sont toujours scolarisés pour se prémunir d'un chômage qui frappe un quart des jeunes actifs. Le grand besoin de changement dans ce domaine est la clé pour l'emploi et l'avenir de nos jeunes.
En conclusion, je citerai M. le président Monory : il a indiqué dans un article que la formation en entreprise était une priorité, le taux de chômage des jeunes en France représentant le double du taux de chômage moyen de la population, ce qui n'est pas le cas en Allemagne où les entreprises forment 1 200 000 apprentis, qui sont en fait des salariés étudiants, contre 200 000 en France, et qu'il fallait redonner à l'entreprise une vocation formatrice.
Pour terminer, je tiens à souligner, madame le ministre, que c'est dans cet esprit de confiance que les membres du groupe de l'Union centriste, comme moi-même, voteront votre budget.
Le président René Monory déclarait récemment - ce sera ma phrase de conclusion - qu'« il nous faut désormais considérer la formation comme l'un des biens les plus précieux des années à venir ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et indépendants et du RPR.)
M le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à souligner la progression remarquable des crédits consacrés au travail et à l'emploi.
En effet, ce projet de budget augmente de 8 % par rapport à 1996, tandis que la progression des dépenses inscrites dans le projet de loi de finances est limitée à 0,8 % : ces chiffres traduisent votre volonté, madame le ministre, ainsi que celle du Gouvernement d'accorder la priorité absolue à la politique de l'emploi.
L'élément dominant de ce projet de budget est l'allégement du coût du travail, constitué par la ristourne unique de 1 160 francs par mois au niveau du SMIC et qui est dégressive jusqu'à 1,33 SMIC.
Ainsi, 38,34 milliards de francs sont inscrits au titre du financement de ce dispositif, qui ne manquera pas d'avoir un effet incitatif sur les emplois peu qualifiés. En effet, selon la Direction de la prévision, une baisse des charges de 10 milliards de francs entraîne la création de 55 000 emplois sur cinq ans, avec un retour sur finances publiques estimé entre 50 % et 70 %.
Les entreprises ont ainsi la possibilité d'avoir recours à une main-d'oeuvre certes peu qualifiée, dont le coût du travail est allégé de 13 % pour un SMIC à temps plein et de 19 % pour un SMIC à temps partiel.
Par ailleurs, certaines activités peu rentables jusqu'ici pourront désormais trouver des débouchés.
A cet égard, les exonérations de charges prévues pour les zones de revitalisation rurales dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire constituent, elles aussi, un appel d'air très apprécié des entreprises. Cependant, la mise en oeuvre de ce dispositif aurait gagné à être plus claire.
En effet, ces exonérations auraient dû être applicables, selon la loi, à partir du 1er janvier 1995 ; c'est du reste ce qui s'est passé dans mon département du Jura. Or un décret, ou une circulaire, est venu contredire la loi non seulement en modifiant la date d'entrée en vigueur, mais aussi en retardant l'application de cette mesure au 17 février 1996.
L'URSSAF a donc remboursé aux entreprises concernées ces exonérations, pour ensuite leur demander de les restituer.
Madame le ministre, j'aimerais avoir quelques explications sur ce dysfonctionnement qui a fait perdre beaucoup de temps et d'argent aux entreprises. En outre, cette affaire a jeté un certain discrédit sur une mesure qui était pourtant très positive.
Au-delà de quelques critiques, je me réjouis que ce projet de budget puisse répondre à un double objectif : il simplifie les dispositifs de la politique de l'emploi et les recentre sur les publics les plus en difficulté.
La prime du CIE est désormais réservée, entre autres, aux demandeurs d'emploi de très longue durée, ainsi qu'aux bénéficiaires du RMI et aux chômeurs de plus de cinquante ans. Ce « recentrage » me paraît tout à fait pertinent dans la mesure où le CIE demeure un moyen efficace pour lutter contre l'exclusion.
D'autres contrats, tels que les contrats emploi de ville ou le futur contrat d'initiative locale, poursuivent le même objectif, sans toutefois présenter les mêmes avantages. En effet, ces dispositifs se révèlent être très coûteux pour les collectivités locales sans créer d'emplois pérennes.
Je crois qu'il serait donc préférable de privilégier l'insertion économique en milieu de travail « ordinaire », si je puis m'exprimer ainsi.
Par ailleurs, il faut également souligner que les différents contrats « aidés » n'apportent pas de solution pour les jeunes diplômés de l'université ou des écoles. Or, ceux-ci éprouvent des difficultés considérables pour s'insérer dans la vie active. Il faudrait, par conséquent, substituer un nouveau dispositif à l'APEJ, l'aide au premier emploi des jeunes.
Cette mesure était effectivement trop coûteuse et n'a pas apporté les résultats que l'on pouvait en attendre. Les jeunes diplômés ont aujourd'hui besoin d'un dispositif qui leur permette réellement d'accéder au premier emploi, car des compétences qui ne sont pas utilisées sont peu à peu perdues.
La nécessité d'ajuster à la réalité le coût de certains dispositifs se traduit également par la modification des aides aux chômeurs créateurs d'entreprise. Si l'ACCRE, l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, est supprimée, les chômeurs créateurs d'entreprise n'auront plus cependant à justifier de six mois de chômage pour bénéficier des exonérations.
En outre, les bénéficiaires du RMI et de l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, qui créeront une entreprise continueront à percevoir leurs allocations pendant six mois.
A cet égard, je regrette qu'il n'en soit pas de même pour les chômeurs indemnisés qui, eux, perdront leurs droits à indemnisation dès lors qu'ils créeront leur entreprise.
Il faudrait donc interroger les partenaires sociaux membres de l'UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, sur ce point qui pourrait d'ailleurs être intégré aux mesures d'activation des dépenses passives.
Outre ces quelques réflexions, je voudrais maintenant évoquer les conclusions du groupe de travail sur l'emploi qui a été créé au sein du RPR.
Par ces travaux, nous répondions à l'appel, lancé par M. le Premier ministre, à la mobilisation des élus locaux en matière d'emploi.
Notre groupe s'est donc attaché à rechercher les moyens d'une politique territoriale de l'emploi. Trois principes ont guidé nos réflexions : une responsabilité politique décentralisée, une démarche fondée sur la proximité et l'expérimentation, enfin, la volonté de privilégier la logique de la rémunération sur celle de l'assistance.
Ayant constaté la multiplicité des intervenants locaux en matière d'emploi, nous proposons la création d'une agence territoriale pour l'emploi, placée sous l'autorité conjointe du préfet et des élus locaux.
Elle aurait pour mission de coordonner les différents services et structures intervenant dans ce domaine en étant un outil simple et centralisateur.
Je souhaiterais, madame le ministre, connaître votre opinion sur cette première proposition.
Par ailleurs, la succession de plans de lutte contre le chômage a démontré le manque d'efficacité des mesures généralisées et centralisées.
Pour cette raison, nous proposons également que soient développées les expérimentations sur le plan local, en particulier dans le domaine de l'activation des dépenses passives du chômage. Nous demandons pour cela que soit accepté un droit à la différence afin de rechercher des solutions adaptées à des contextes différents.
Un champ considérable pourrait être ainsi ouvert à l'expérimentation conduite à l'échelon local et soutenue par l'agence territoriale de l'emploi.
Sur ce point aussi, j'aimerais connaître votre sentiment, madame le ministre : l'expérimentation n'est-elle pas un moyen efficace pour trouver de nouvelles solutions ?
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. André Jourdain. La troisième piste de réflexion de notre groupe de travail concerne le rôle des emplois de proximité comme moyen de lutter contre l'esprit d'assistance.
Les collectivités territoriales peuvent en effet accomplir une mission importante dans ce domaine, en structurant et en développant le marché des emplois de proximité.
Plusieurs collectivités locales ont lancé des expériences dans ce domaine, mais, pour des raisons financières, elles ont été conduites à des échelons limités.
Les élus souhaitent privilégier l'insertion par l'économique et répondre au devoir national d'insertion, mais il faut qu'ils en aient les moyens.
Compte tenu des contraintes financières, pourrez-vous apporter votre soutien, madame le ministre, à la mobilisation et à la capacité d'innovation des collectivités territoriales ?
Je terminerai en abordant le volet formation de ce projet de budget.
Promouvoir et développer la formation en alternance constitue un moyen efficace pour lutter contre le chômage. Les crédits prévus à cet effet montrent l'importance que vous accordez à l'apprentissage notamment. Ils montrent également votre volonté de simplifier et de recentrer les différents dispositifs afin de les orienter prioritairement sur les populations les plus en difficulté.
Cependant, l'effort de simplification qui a été entrepris récemment par la loi sur la réforme du financement de l'apprentissage apparaît comme insuffisant. Le rapport de M. de Virville suggère à cet égard une réforme de l'ensemble du dispositif de la formation afin d'en accroître la lisibilité.
Je souhaiterais donc savoir, madame le ministre, quelle suite vous entendez donner aux conclusions du rapport de Virville.
Enfin, vous seriez surprise si je n'évoquais pas ma proposition consistant à transformer l'assurance chômage en nouveaux emplois.
Si, sur l'ensemble des travées de la Haute Assemblée, nous partageons le souci commun de lutter contre le chômage, bien souvent nous divergeons, nous nous opposons, sur les moyens à utiliser pour atteindre ce but. Or le dispositif que je préconise, qui ne coûte rien à l'Etat, a suscité un intérêt unanime des membres de la commission des affaires sociales.
Devant un tel consensus, si rare, surtout sur un sujet aussi sensible, le Gouvernement va-t-il prendre position ? Va-t-il donner une suite à ce dispositif ?
Telles sont, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les réflexions et les interrogations que je voulais formuler. Bien entendu, madame le ministre, le groupe du RPR votera votre projet de budget, qui traduit la détermination du Gouvernement et la nôtre dans la lutte contre le chômage. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au moment où s'ouvre le débat sur le budget du travail, le pays connaît le plus dur des conflits sociaux dans le secteur privé depuis de longues années. Plus de deux cent cinquante barrages sont disséminés sur l'ensemble du territoire national, des centaines de chauffeurs routiers expriment leur refus devant des conditions de travail dignes du XIXe siècle et s'indignent d'un niveau de salaire qui est sans commune mesure avec la pénibilité de l'emploi et avec l'amplitude des horaires. Or nous sommes ce soir dans l'impasse après quinze jours de grève, et l'Europe, prise en otage, assiste médusée à cette explosion de colère.
Certes, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts depuis une semaine. Ce qui est frappant, c'est qu'il est apparu sans cesse comme le seul interlocuteur des grévistes.
Ce conflit, quelle qu'en soit l'issue, fera date. Il montre le renouveau de combativité du monde du travail et la capacité des organisations syndicales à canaliser l'expression de ce mécontentement. En revanche, où sont passés les chefs d'entreprise de ce secteur ? Aucune des cinq ou six fédérations assises à la table des négociations n'a, à ma connaissance, osé venir devant l'opinion publique pour s'expliquer. Il semble que leur principal effort ait consisté à faire pression sur Matignon pour que l'Etat, c'est-à-dire le contribuable, prenne à sa charge la majeure partie des concessions faites.
Si j'ai voulu évoquer en préambule cette actualité sociale, c'est parce que l'on n'aurait pas compris que je parle du budget du travail en ignorant les salariés qui, au même moment, dans le froid et sous la pluie, mènent un combat exemplaire, mais c'est aussi parce que la principale leçon de ce conflit illustre l'impasse dans laquelle s'enferme la politique que vous nous présentez, madame le ministre.
Pour faire vite, puisqu'il faut faire vite, trop vite sur un tel sujet, je dirai que le traitement social du chômage, inventé par M. Boulin et poursuivi par les gouvernements socialistes, s'efface progressivement, depuis 1993, au profit du traitement tout-entreprise. Or, l'échec est tout aussi patent.
Budget après budget, vous transformez les crédits d'intervention et de promotion de l'emploi en exonérations de charges, en primes et en subventions. Mais c'est en pure perte, comme le montrent les chiffres du chômage et comme l'a analysé sans complaisance la commission Péricard-Novelli à l'Assemblée nationale, au printemps dernier.
Effets de substitution, effets d'aubaine et même détournements de fonds publics, les créations ou maintiens d'emplois sont infimes au regard des sommes colossales dépensées. Est-ce en raison du climat de récession qui fragilise les entreprises et décourage l'embauche ? Sans doute, mais c'est aussi parce que les chefs d'entreprise n'ont pas une organisation collective susceptible de prendre en charge les intérêts à moyen terme de leurs mandants et, plus généralement, ceux de la société française. Le conflit des routiers en fournit, hélas ! la démonstration.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau. Il est urgent, madame le ministre, de changer de logique et comme je n'ai pas le temps d'expliquer ce soir ce que je voulais dire, puisque j'ai simplement posé le cadre de mon intervention, j'expliquerai, lors de l'examen des crédits, ce que pourrait être, venant de toutes les travées de cette assemblée et prise en charge par vous-même, madame le ministre, une autre façon d'aborder enfin la politique de l'emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie de votre compréhension, mon cher collègue.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, l'évolution des crédits du budget du travail témoigne de la priorité nationale que constitue l'emploi. On est loin de l'époque où le qualificatif de « travailleur » attaché à l'homme situait l'individu par le choix de l'exercice d'une valeur dont les fondements se trouvent dans les textes les plus anciens. Aujourd'hui, la solidarité s'exerce à l'égard de ceux qui ne peuvent avoir accès à ce droit et leur dignité ne devrait pas pour autant en être atteinte en raison de l'absence d'alternative.
Il est particulièrement pénible de constater que la majeure partie des actifs ont entre vingt-cinq ans et quarante-neuf ans. Le ciblage des efforts porte, en conséquence, et cela a été compris, sur les jeunes en quête, le plus souvent, de leur premier emploi et sur les plus âgés, victimes, dans la plupart des cas, de l'évolution de la technologie.
Le chômage des jeunes dépasse aujourd'hui 24 %, ce qui, rapporté à une classe d'âge, est de l'ordre de 9 %. On est donc en droit de s'interroger sur l'adéquation des formations avec les besoins du monde du travail. Si les filières professionnelles répondent à des profils bien définis, à des compétences précises, les cursus plus généraux sont contestables quant à leur finalité. A certains moments, on frise l'absurde en multipliant les unités en complète lévitation, les cycles suivis ne se justifiant que par une sortie des effectifs de l'ANPE, les formateurs formant des formateurs. Ne pourrait-on pas mettre de l'ordre dans tous les circuits de formation lorsqu'on constate une telle opacité et une telle multiplicité dans les conseils régionaux ?
Je serais plutôt partisan d'une formation en entreprise fondée sur un partenariat dont l'Etat serait l'un des contractants. Les acquis seraient validés et organisés pour composer des qualifications reconnues à l'échelon national. On peut supposer que l'implication des entreprises serait sous-tendue par une démarche réaliste visant à se doter de personnel opérationnel.
Or il n'est pas rare, malgré le taux de chômage que nous connaissons, d'entendre des responsables se plaindre de ne pas pouvoir recruter comme ils le souhaitent.
En ce qui concerne l'autre extrémité de la courbe de Gauss, les adultes de plus de cinquante ans, il faut poursuivre les dispositifs de retrait d'activité. Ainsi, il convient d'encourager la reconduction des accords mis en place par les partenaires sociaux portant sur l'allocation de remplacement pour l'emploi en contrepartie de l'embauche de chômeurs de longue durée ou de personnes dépassant l'âge de cinquante-cinq ans. Il est souhaitable, également, de favoriser les préretraites associées aux plans sociaux.
Précisément, sur l'application de ces dispositions, je regrette, madame le ministre, que M. Jacques Barrot ne soit pas présent au banc du Gouvernement, car je m'étonne de son silence, dont, bien sûr, je ne peux vous faire grief. Voilà six mois, je l'entretenais des difficultés de mise en place d'une convention de préretraite progressive du Fonds national de l'emploi au sein d'un établissement bancaire. Le déblocage de la situation générerait immédiatement le recrutement de 175 personnes, venant s'ajouter aux 200 personnes ayant fait l'objet de demandes de contrats de qualification, qui seraient alors - et seulement alors - convertis en contrats à durée indéterminée.
La situation exige que toute possibilité présentant une amélioration soit examinée. Dire qu'il y a urgence est un euphémisme.
La politique de l'emploi est d'autant plus importante que la croissance conjoncturelle est insuffisante pour équilibrer le marché. Près de la moitié des crédits que nous examinons en ce moment sont consacrés à des exonérations de charges. Si l'on estime que l'Etat doit moins intervenir dans la vie économique, on ne peut être critique sur ce point. La question est de savoir si les limites sont atteintes ou s'il reste de la marge. Ne pourrait-on envisager une remise de la part patronale des cotisations ASSEDIC assortie d'une obligation d'embauche ? Un calcul réalisé sur trente salariés autorise une augmentation d'effectif de trois personnes.
Je ne pense pas que l'équilibre de l'UNEDIC puisse être menacé. De plus, si, au regard de la remise de cotisations, on inscrit l'arrêt du versement des indemnités chômage et les rentrées générées par toute activité salariée, le solde est positif.
Enfin - et ce n'est pas là l'aspect le moins important - on doit considérer l'élément psychologique qui contribue à modifier un climat ambiant délétère. La société française subit, comme toutes les nations, les conséquences du ralentissement de la croissance économique, mais elle enregistre aussi les effets psychosomatiques de discours anémiants. Beaucoup de nos concitoyens ne croient plus en rien ; il faut réinsuffler la capacité à l'espoir.
Je suis également convaincu que l'allégement du coût du travail n'est pas un cadeau aux entreprises, comme certains le prétendent, mais bien la réponse à apporter aux nouvelles donnes du monde économique. Les candidats à la délocalisation n'ont plus besoin d'aller très loin pour échapper aux exigences d'une couverture sociale à laquelle nous ne renoncerons pas mais qui pèse sur les coûts de production. L'approche que nous en avons est la bonne.
Les articles rattachés aux crédits du budget du travail me permettent de dire mes regrets face à la suppression de l'aide aux créateurs ou repreneurs d'entreprise. Certes, l'exonération des cotisations sociales pendant un an est maintenue, ainsi que la participation de l'Etat dans les formations de gestion. Toutefois, ce financement était apprécié pour la contribution qu'il apportait au démarrage d'activité, particulièrement délicat la première année. Relativement aux dispositions restantes, je continue à penser qu'il faut pratiquer la confiance plutôt que la suspicion et accorder le bénéfice du dispositif prévu, quitte à rencontrer quelques écueils. Ainsi, l'obligation de six mois d'inscription à l'ANPE dans les dix-huit mois qui précédent le dépôt du dossier s'est révélée pénalisante pour les candidats dont le projet était recevable sur le fond. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
L'inquiétude face à l'avenir reste la préoccupation majeure des Français. L'entrée dans la vie active et sociale autonome est repoussée le plus possible. Quand elle existe, la cellule familiale constitue le meilleur rempart contre un système social où l'individu a peur de se faire broyer. Dans la mesure du possible, nous devons anticiper les mutations plutôt que d'avoir à en pallier les conséquences dommageables.
Dans cette perspective et au regard des efforts réels d'approche économique de la politique de l'emploi, la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera les crédits du budget du travail. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, le budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle s'élève à 150,3 milliards de francs, contre 138,3 milliards de francs en 1996, soit une augmentation de 8,6 % ; 28 milliards de francs de crédits sont inscrits au budget du travail au titre de la formation professionnelle, soit 12,5 % de moins que l'année dernière.
A la lecture de votre budget, je constate que tous les efforts sont concentrés sur l'apprentissage et la formation en alternance, ce qui, bien entendu, reste une très bonne voie. Mais je souhaitais attirer votre attention sur les dispositifs mis en place à l'attention des demandeurs d'emploi, tant il est vrai que la formation a un rôle essentiel à jouer pour rompre la spirale de l'exclusion.
Les orientations annoncées dans ce projet de budget soulèvent cependant quelques questions.
Ainsi, la baisse constatée des crédits pour la formation professionnelle concerne en tout premier lieu les programmes nationaux de formation en faveur des chômeurs de longue durée au titre de l'allocation pour la formation et le reclassement et des stages d'insertion et de formation dans l'emploi, les SIFE.
S'agissant de ces stages, par exemple, dont les principaux bénéficiaires sont les chômeurs de longue durée, les allocataires du RMI et les femmes isolées, 160 000 entrées en stage étaient offertes en 1996 contre 100 000 pour 1997.
Cette baisse des crédits pout 1997 va donc toucher de façon importante les demandeurs d'emplois, pour lesquels, me semble-t-il, il n'est pas prévu de politique de retour à l'emploi effective.
Pourtant, la recomposition des métiers et l'évolution constante des compétences nécessaires pour occuper un poste de travail sont des facteurs qui concourent à l'exclusion de ceux qui n'ont pu faire évoluer leurs capacités. La formation permet d'acquérir, de restaurer ou de maintenir ces compétences, en réduisant ainsi la distance à l'emploi.
Si l'on admet aujourd'hui qu'il faut redistribuer les temps sociaux, si l'on met en place une organisation sociale pour y parvenir s'agissant des salariés, il serait à mon sens paradoxal de laisser sur le bord du chemin les exclus du travail. Se former, c'est aussi nécessaire que travailler, même et surtout pour ceux qui sont sans travail !
Ma première question sera donc la suivante, madame le ministre : quel est l'éventail des dispositifs qui peuvent être proposés aux demandeurs d'emploi, sachant que la formation professionnelle joue un rôle essentiel pour permettre à un chômeur de se réinsérer dans le monde du travail ?
Parmi les dispositions qui pourraient être mises en place pour pallier cette baisse d'offre de stages, je m'interroge sur la sélectivité opérée par les organismes producteurs de formation. Ne peut-on envisager, par exemple, que le Conservatoire national des arts et métiers, qui consacre quasi exclusivement ses formations aux actifs occupés, ouvre ses portes à un public plus large ? Je pense notamment aux jeunes à la recherche d'un premier emploi, ou aux demandeurs d'emploi.
Le deuxième point sur lequel je souhaite appeler votre attention, madame le ministre, a trait à la nécessité de s'orienter vers une simplification et une évaluation des coûts des systèmes d'aide à la formation.
Ces systèmes d'aide à la formation professionnelle et à l'emploi sont, mes collègues l'ont rappelé, coûteux et compliqués. De nombreuses études ont été réalisées sur ce sujet et il paraît indispensable, d'une part, d'améliorer la lisibilité et l'efficacité du système d'aide à l'emploi et, d'autre part, d'évaluer ces aides en chiffrant les effets d'efficacité au regard des objectifs que l'on s'était fixés.
Aujourd'hui, on constate une nette insuffisance des moyens d'évaluation. Or ces évaluations devraient permettre de mieux orienter la dépense vers les personnes qui en ont le plus besoin.
Comme le propose dans son rapport le président de la commission d'enquête sur les aides à l'emploi, il serait souhaitable que l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques puisse être saisi du problème de l'évaluation de la politique de l'emploi et des aides à l'emploi.
Avant de conclure, madame le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur un dernier point. Il s'agit de la nécessité de préserver un équilibre entre les branches professionnelles et l'interprofession.
La réorganisation des collectes de fonds de la formation professionnelle, voulue et organisée par la loi quinquennale sur l'emploi et la formation, comporte un risque important : celui d'oublier les petites entreprises et de priver les organismes interprofessionnels qui ont en charge l'information et la formation de ces entreprises des moyens nécessaires et suffisants à leur action.
Je me permets d'insister sur ce point car nous savons que ces petites entreprises sont créatrices d'emploi, à condition que l'information utile leur parvienne en temps et en heure. Or leur taille et leur nombre constituent autant de handicaps et les moyens à mettre en oeuvre par les structures interprofessionnelles sont, de ce fait, particulièrement lourds et onéreux.
Il convient donc, d'une part, de veiller à ce que la redistribution des fonds prévue par la loi s'exécute dans les meilleurs délais entre les organismes de branche et ceux de l'interprofession et, d'autre part, de prévoir un dispositif d'équilibrage général des fonds collectés qui pourrait, par exemple, utiliser une pondération liée au poids économique de chaque secteur.
Il me semble urgent de faciliter l'accès des PME et des très petites entreprises à la formation et de doter les organismes interprofessionnels, chargés de cette mission, des moyens nécessaires à leur efficacité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Madame le ministre, mes chers collègues, la conférence des présidents avait prévu que nous interrompions nos travaux à zéro heure trente. Je vous propose cependant de les poursuivre jusqu'à une heure, afin de permettre à M. le président de la commission des affaires sociales d'intervenir et à Mme le ministre de répondre aux différents orateurs. (Assentiment.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à cette heure tardive, je concentrerai mon propos sur ma principale préoccupation, le chômage des jeunes.
Il est clair que, dans notre société, nous ne pourrons revenir à plus de confiance et à un meilleur développement que si nous apportons au chômage des jeunes un certain nombre de réponses. Or je me demande si la multiplication des stages ne contribue pas indirectement à rendre cette insertion plus difficile, tout simplement parce que le stage chasse l'emploi : nombreux sont les jeunes qualifiés - et même très qualifiés - qui sont engagés comme stagiaire pour exécuter un travail très « pointu » en rapport avec leurs connaissances, puis qui sont renvoyés par l'entreprise à l'issue de leur stage et qui vont d'entreprise en entreprise en étant toujours en situation précaire.
Plutôt que de favoriser cette recherche désespérée de stages, je crois que nous pourrions essayer de consolider l'insertion et d'utiliser une partie des 150 milliards de francs que nous avons évoqués ce soir à des mesures plus précises.
Je voudrais, pour ma part, vous en proposer trois.
Premièrement, pour les jeunes sans qualification qui, malgré les efforts réalisés par le ministère de l'éducation nationale, sont toujours assez nombreux, il faudrait sans doute, en s'inspirant de ce que fut le plan Exo-jeunes - système certes coûteux mais qui a donné des résultats assez bons - ...
M. Gérard Delfau. Tiens tiens tiens ! Il n'est jamais trop tard !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... envisager une modulation des actuels contrats d'insertion afin d'inciter à la transformation du contrat à durée déterminée, qui est le cas le plus fréquent, en un contrat à durée indéterminée assorti d'une formation.
Je crois que la modulation portant sur le niveau de la prime ou sur la durée de l'exonération, notamment dans le cadre des CIE réservés aux jeunes en difficulté, nous permettrait d'atteindre ces résultats et apporterait une solution plus durable pour les jeunes qui sont à l'heure actuelle en grande difficulté et qui n'ont aucune qualification. Tentons l'expérience et, pour reprendre ce que proposait tout à l'heure notre ami M. Jourdain, lançons quelques expérimentations.
La deuxième mesure que je souhaite proposer, c'est la mise en place, par modification du contrat à durée déterminée, d'un système de contrat tel que l'a proposé le président Monory et qui permettrait d'envoyer des jeunes travailler sur les marchés extérieurs pour se faire une idée concrète de la mondialisation. Au terme de six mois de formation dans une entreprise sur le territoire métropolitain, le jeune exécuterait ainsi pendant deux ans un travail à l'étranger. Il s'agirait donc de contrats de deux ans et demi.
Je suis persuadé que de nombreux jeunes diplômés pourraient, grâce à ce type de contrat, envisager une formation de longue durée. A leur retour, des entreprises à la recherche de personnes prêtes à se rendre à l'étranger pourraient faire appel à eux pour leurs connaissances professionnelles et linguistiques.
Enfin, j'en arrive à la troisième mesure, qui concerne un dispositif que nous avons inauguré ensemble : la décentralisation des aides à l'emploi.
Il faut faire sauter un certain nombre de clivages administratifs ou faire cesser les batailles incessantes entre l'ANPE, les municipalités, les organismes professionnels. En effet, on perd un temps fou à essayer de coordonner ce qu'il est impossible de coordonner, parce que nous sommes en France où chacun adore sa spécificité.
Je suis persuadé qu'il faudrait accorder des crédits directement à l'échelon des départements, ou, mieux, des bassins d'emplois. Ainsi, comme l'a proposé M. Jourdain, des opérations pourraient être lancées sans avoir à remonter au niveau administratif régional ou national, ce qui permettrait de gagner beaucoup de temps. Ces initiatives pourraient donner des résultats significatifs, notamment en faveur de jeunes en difficulté.
Madame le ministre, ce sont trois propositions concrètes que je vous soumets.
Je suis persuadé qu'il faudrait les mettre en oeuvre dans plusieurs départements, notamment les contrats d'expatriation.
Ces opérations permettraient de montrer à de nombreux jeunes ce que sont effectivement la compétition internationale et les méthodes de travail des entreprises avec lesquelles nous allons être en compétition.
Ainsi, nous redonnerions l'espoir à des dizaines de milliers de jeunes, et nous apporterions rapidement la démonstration qu'en dépit de nos catégories juridiques, de notre amour immodéré des textes, des circulaires et des structures administratives, nous sommes capables, face à la difficulté, de trouver des solutions rationnelles, expérimentales, précises, débouchant sur de vrais emplois. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais tout d'abord remercier M. le président Fourcade et les deux rapporteurs, MM. Hamel et Souvet. J'ai également apprécié l'intérêt des propos qui ont été tenus par les différents intervenants, ainsi que la qualité des travaux qui ont été menés par la Haute Assemblée.
Je m'exprime en mon nom personnel, mais Jacques Barrot, s'il avait pu être présent ce soir, aurait pu prononcer les mêmes paroles.
Les crédits du projet de budget du travail pour 1997 s'élèvent, comme vous le savez, à 103 milliards de francs, contre 99 milliards de francs en 1996. Il faut compléter ce montant par 47,3 milliards de francs de crédits inscrits au budget des charges communes.
Le total des crédits mis à notre disposition s'élève donc à 150,3 milliards de francs et progresse de 11 milliards de francs, c'est-à-dire de 8 % par rapport à 1996.
Dans la conjoncture actuelle, ces chiffres témoignent bien, monsieur Fischer, du fait que l'emploi reste la préoccupation première du Gouvernement, ainsi que l'a rappelé M. Jacques Barrot devant l'Assemblée nationale.
Vous savez cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons limité la progression des crédits. Les rapports de vos commissions donnent d'ailleurs d'excellentes descriptions des économies réalisées. Ainsi, certains dispositifs qui étaient trop coûteux, comme l'a montré la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, ont été modifiés afin d'améliorer leur efficacité.
Si ce projet de budget est bon, c'est donc non pas parce qu'il progresse, mais parce qu'il correspond à une stratégie que vous connaissez, et dont vous avez rappelé la teneur : il s'agit d'un effort pour l'avenir qui tend à développer l'emploi à moyen terme par des réformes structurelles, et qui se double pour l'immédiat de dispositions en faveur du maintien de la cohésion sociale.
Je vais traiter ces deux points.
Préparer l'avenir, c'est d'abord redynamiser la France pour que les énergies actuellement inutilisées trouvent à s'employer.
Mais la croissance ne suffit pas, il faut la rendre plus riche en emplois, et il faut en assurer la pérennisation, notamment grâce à la formation.
En ce qui concerne l'enrichissement en emplois de la croissance, vous avez rappelé les uns et les autres, mais j'aimerais le souligner à nouveau, que des résultats ont été obtenus notamment grâce à l'allégement des charges sur les bas salaires et l'aménagement du temps de travail.
Alors qu'il fallait 2,5 % de croissance pour conserver le nombre d'emplois dans les années quatre-vingt, il en faut environ 1,5 % maintenant. Or 100 000 emplois supplémentaires auront été créés à la fin de 1997 par l'effet cumulé des baisses de charges. Ce n'est pas négligeable, monsieur Fischer, car il s'agit de créations nettes.
Vous savez cependant que l'effet se fera sentir surtout à moyen terme, en créant un nouvel environnement stable, plus favorable à l'embauche, sur lequel les entreprises pourront fonder des prévisions durables. Nous devons donc poursuivre ces actions.
Il s'agit bien, monsieur Huguet, madame Dusseau, d'une politique nouvelle par rapport à ce que vous avez fait durant dix ans, car cette croissance plus riche en emplois, c'est dans les entreprises qu'elle se manifeste.
Nous sortons d'une logique qui, en créant toujours plus d'emplois publics, augmente les charges des contribuables, mais aussi des entreprises, ce qui les conduit à supprimer des emplois.
Vous avez raison, monsieur Carle, le rôle de l'Etat est bien d'agir sur l'environnement des entreprises. C'est dans cette logique que notre projet de budget a été conçu.
L'un des premiers axes vise à alléger le coût du travail.
La ristourne de cotisations sur les bas salaires est inscrite dans le budget des charges communes pour un montant de 40,3 milliards de francs.
A compter du 1er octobre 1996, la ristourne dégressive créée en 1995 et l'abattement sur les cotisations familiales instauré en 1993 ont été fusionnés sous la forme d'une ristourne unique dégressive. Je ne reviendrai pas sur ce point, mais j'aimerais simplement dire à M. Huguet que la dégressivité a bien pour objectif d'éviter les effets de seuil.
Par ailleurs, dans les secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure, la ristourne dégressive atteint, ne l'oublions pas, 1 900 francs au lieu des 1 163 francs précédemment au niveau du SMIC pour cesser à 1,5 fois et non pas à 1,33 fois le SMIC.
Indépendamment de la ristourne, 1,5 milliard de francs de compensation d'exonérations supplémentaires sont prévus pour l'aménagement du territoire. Il est exact, monsieur Jourdain, que le décret d'application a beaucoup tardé, mais il était difficile de le prendre avant que ne soient délimitées les zones concernées. Des URSSAF, qui avaient anticipé le décret, ont procédé à des rappels. Nous avons donné - je le confirme - des consignes inverses. Si des problèmes subsistent, nous demanderons une validation législative, ce que je tiens également à vous confirmer.
Avant d'abandonner le sujet des exonérations, je répondrai à M. Jourdain sur sa proposition de loi visant à autoriser la déduction des salaires correspondant aux emplois créés du montant des cotisations d'assurance chômage. Elle est incontestablement très intéressante et nous la faisons étudier, mais nous devons examiner les inconvénients qu'elle peut présenter. Elle risque d'entraîner un effet d'aubaine important, car il y a 2 000 000 de créations d'emplois en France dans les entreprises qui augmentent leurs effectifs. Elle risque donc de coûter cher à l'UNEDIC, et donc aux autres entreprises. Il s'agit cependant d'un projet qu'il convient d'examiner attentivement.
Le deuxième moyen pour enrichir la croissance en emplois est l'aménagement et la réduction du temps de travail.
L'aménagement et la réduction du temps de travail doivent être envisagés selon une logique que M. Jacques Barrot qualifie du « triple gagnant » : la productivité ne doit pas être affectée, les salariés doivent y trouver des avantages, l'emploi doit progresser. Ils passent donc par le dialogue dans les branches et les entreprises.
Quatre mois après le sommet social, des progrès ont été réalisés.Près de la moitié des 8 millions de salariés des 128 principales branches sont désormais couverts par un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail. Contrairement à ce que vous craigniez, monsieur Huguet, une vingtaine d'accords ont été signés depuis la publication de la loi de Robien.
Pour autant, ces négociations pourraient aller plus vite.
Je constate, et je le regrette, madame Dusseau, que l'on n'a pas ouvert de négociations interprofessionnelles sur les heures supplémentaires et le travail à temps partiel, même si les accords de branche contiennent, le plus souvent, un volet sur ces questions. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ce point.
A l'appui de la politique menée par le Gouvernement, le projet de budget nous offre deux nouveaux instruments.
Le premier est l'incitation au développement du temps partiel par la réforme du mécanisme de la ristourne.
Un nouveau mécanisme favorable au temps partiel est en effet mis en place à compter du 1er octobre 1996, grâce d'ailleurs au concours actif apporté par le Sénat l'an dernier : la ristourne est calculée en fonction non plus du salaire horaire, mais du salaire mensuel. Le temps partiel est ainsi fortement avantagé : pour un salarié travaillant à mi-temps sur la base du SMIC, l'allégement du coût du travail peut atteindre 19 %, contre 14,5 % en 1996. Cela n'exclut pas d'étudier l'application de ces dispositions dans la pratique.
Le second instrument offert par le projet de budget est l'incitation à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.
Les crédits prévus pour financer l'application de la loi du 11 juin 1996 s'inscrivent dans la démarche engagée par les partenaires sociaux ; ils s'élèvent à 800 millions de francs.
Pour l'instant, des accords ont été passés par quarante entreprises et couvrent 6 500 salariés. Les deux tiers de ces accords correspondent, c'est vrai, à une utilisation du dispositif en cas de plan social. Dans l'autre tiers, la moyenne de création d'emplois a été de 14 %, ce qui est tout à fait significatif. Une centaine d'accords supplémentaires sont en cours de finalisation.
Je sais qu'à peine votée cette loi suscite des interrogations. Dans leurs rapports, d'ailleurs, MM. Souvet et Madelain ont montré que le coût d'un emploi créé variait fortement selon les hypothèses.
Cependant, du coût apparent, il faut déduire les économies réalisées sur l'indemnisation du chômage ou sur les aides sociales et les recettes de sécurité sociale.
Le volet offensif est, parmi les outils de la politique de l'emploi, l'un des plus contraignants sur le plan des contreparties, puisqu'il exige l'augmentation, puis le maintien, après la période d'embauche qui dure un an, de l'effectif de l'entreprise pendant deux ans. Ce n'est donc pas le pousse au crime que vous avez décrit, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Ce n'est pas moi qui ai employé l'expression « pousse au crime », c'est Maxime Gremetz à l'Assemblée nationale !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. C'est juste monsieur Fischer, pardonnez-moi.
Bien entendu, plus les emplois dureront, plus la mesure sera efficace.
En ce qui concerne le dispositif prévu en cas de plan social - c'est le volet défensif - il faut le comparer aux autres instruments mis à la disposition des entreprises. Dès lors que la compensation salariale est supérieure à 50 %, le coût de son utilisation est inférieur pour la collectivité à celui des préretraites du FNE.
Je crois qu'il sera utile de faire un bilan dans quelques mois, mais rien ne permet de penser, monsieur Hamel, que la dotation budgétaire sera insuffisante.
Le deuxième axe de préparation à l'avenir, c'est la formation.
M. Jacques Barrot et moi-même attachons une extrême importance à la formation. Le développement de la formation tout au long de la vie est, à mon avis, la pierre de touche d'une véritable solidarité nationale.
Vingt-cinq ans après la loi de 1971, la formation professionnelle existe pleinement, mais elle a besoin d'un nouvel élan. M. Jacques Barrot a demandé un rapport à M. de Virville, à partir duquel s'engage une vaste concertation.
Ce rapport propose trois orientations importantes : d'abord, un dispositif puissant de formation des jeunes sous contrat de travail ; ensuite, un accès équitable et large aux formations qualifiantes en cours de vie, en instituant un compte épargne temps-formation mobilisable par le salarié ; enfin, un système de validation des acquis de la formation continue et de l'expérience professionnelle, qui conférerait aux salariés un « passeport de compétences ».
Notre objectif est double : éviter que tout soit joué avant même la vie active et assurer par la suite la mobilité des compétences.
Certains se sont inquiétés que le budget ne soit pas à la hauteur de ces ambitions. On a parlé d'une baisse des crédits de la formation professionnelle.
Les crédits gérés par le ministère sur son budget et celui des charges communes passent de 21,3 milliards de francs à 24,3 milliards de francs. Cet accroissement est dû au fait qu'en 1996 les primes d'apprentissage, dont le coût serait de 3 milliards de francs, n'étaient pas inscrites dans le projet de loi de finances alors qu'elles le sont en 1997. On voit donc que, globalement, les dépenses resteront au même niveau.
A s'en tenir au seul budget du travail, on enregistre une baisse. Elle tient surtout à la réduction de 2,6 milliards de francs de la participation de l'Etat à l'allocation de formation-reclassement. Le système actuel amenait l'Etat à prendre en charge 82 % de l'indemnisation des chômeurs. Cette situation remonte à une époque où l'UNEDIC avait des besoins de financement, elle n'avait pas d'autre justification, monsieur Huguet.
Concernant les jeunes, je suis convaincue, comme vous, monsieur Joly, que la formation en entreprise est très certainement la meilleure réponse pour accélérer la stabilisation dans l'emploi.
Toutefois, contrairement à ce qu'en pense M. Huguet, la progression de l'apprentissage s'est poursuivie en 1996 à un rythme satisfaisant de 3 % par an et elle a atteint, depuis la relance, 15 % en octobre dernier.
Quant aux contrats de qualification, je reconnais qu'ils nous ont donné quelques soucis pendant les huit premiers mois de l'année. Cependant, le nombre de contrats signés en septembre a augmenté de 17 % par rapport à celui que l'on avait observé en septembre 1995 et, en octobre, la progression par rapport à l'année précédente a été de 15 %.
C'est le signe que les choses redémarrent grâce à la montée en régime de nouveaux organismes paritaires collecteurs agréés, à la réforme de l'apprentissage et aux programmes régionaux pour l'emploi des jeunes qui ont été à l'origine d'une forte mobilisation. Les objectifs ambitieux affichés dans ce budget doivent donc normalement être atteints.
J'aimerais ici dire un mot du prélèvement opéré sur les fonds de l'AGEFAL. M. Barrot et moi-même ne pouvons évidemment nous en réjouir. Il est vrai qu'il n'est pas normal que l'argent prélevé par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, ne profitent pas directement et rapidement à l'emploi des jeunes.
Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux pour le développement de l'apprentissage et de l'alternance en 1997. Le débat qui s'est déroulé ici même, hier, et auquel un certain nombre de sénateurs ont participé très activement, en particulier le président Fourcade et le rapporteur M. Souvet, a très certainement permis au Gouvernement de confirmer d'une manière forte qu'il mobiliserait les moyens nécessaires pour que ses objectifs soient atteints. Pour ma part, je dresse le même constat et nous en prenons l'engagement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Pour 1997, l'effort en faveur de l'apprentissage est, je le répète, considérable : il passe de 6,5 milliards à 9,5 milliards de francs, grâce auxquels 220 000 nouveaux contrats pourront être souscrits. Nous avons également prévu de compenser l'exonération de 130 000 contrats de qualification.
M. Machet a exprimé son inquiétude en ce qui concerne la collecte. En matière d'alternance et de formation professionnelle, nous avons beaucoup travaillé. Un contrôle est désormais assuré par les inspecteurs de la formation professionnelle. La loi du 4 août 1995 oblige les organismes de branche à reverser 35 % de la collecte aux OPCA interprofessionnels sauf en cas de fongibilité avec l'apprentissage.
Dans le même esprit, M. le président Fourcade m'a fait part de son souhait de voir clarifier les conditions de la collecte destinée au financement de l'apprentissage.
Il est vrai que les organismes collecteurs sont plus de 500,...
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Et oui !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. ... de tailles très diverses. La réglementation qui leur est applicable est incontestablement rudimentaire. Il faudra mettre de l'ordre, mais sans bouleverser le système. Après la loi quinquennale et la réforme du financement de l'apprentissage, il serait sage de procéder à une pause législative pour ne pas casser une dynamique qui est maintenant bien engagée.
Plus généralement, il faut que le recrutement des jeunes et leur formation soient, partout, la priorité.
Il est vrai que nous avons décidé de supprimer l'aide au premier emploi des jeunes - APEJ -, puisque tout nous indiquait qu'elle ne créait pas d'emplois. Mais, parallèlement, permettez-moi de le rappeler, nous avons étendu le bénéfice du contrat initiative-emploi aux jeunes sans qualification en leur attribuant l'aide maximale, et nous avons créé les emplois de ville afin d'apporter une réponse adaptée à la spécificité des quartiers en difficulté. Enfin, les moyens consacrés aux missions locales et aux PAIO augmenteront en 1997.
Au total, ce sont plus de 700 000 jeunes qui pourront accéder à l'emploi grâce aux aides publiques en 1997, soit près de 10 % de plus qu'en 1996.
D'autres pistes doivent encore être explorées ; elles recoupent celles que vous avez évoquées, monsieur le président Fourcade.
Monsieur Jourdain, nous travaillons très activement avec le ministère de l'éducation nationale pour que les jeunes diplômés puissent acquérir une véritable expérience professionnelle dans le cadre de leurs études, et cela n'ira pas sans une certaine moralisation des stages.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Merci !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Nous avons également demandé aux partenaires sociaux d'examiner la possibilité d'utiliser le contrat d'adaptation pour favoriser l'emploi des jeunes à l'étranger. C'est un projet important, qui correspond à une nécessité pour notre activité économique, mais également pour les jeunes qui doivent aller à la découverte du monde.
Je constate que ces orientations sont aussi celles du président de votre Haute Assemblée, M. René Monory, de MM. Machet et Fourcade.
M. Hamel rappelait également le problème de la décentralisation de la formation professionnelle. Une évaluation a été réalisée par le comité de coordination, comme cela était prévu par la loi quinquennale. Elle montre que les régions remplissent bien la mission qui leur a été confiée. Il faut cependant rester vigilant sur la prise en charge des jeunes les plus fragiles. Cette décentralisation s'accompagne, par ailleurs, madame Dusseau, du transfert des financements correspondants.
J'en viens maintenant à l'autre branche de notre stratégie qui est d'assurer la cohésion de notre société dans la période de mutation qu'elle connaît.
Pour lutter contre le chômage et l'exclusion, il vous faut avant tout privilégier le maintien ou le retour à l'entreprise chaque fois que cela est possible.
En premier lieu, je puis vous assurer que l'Etat continuera à accompagner les salariés des entreprises en difficulté, même s'il a pris quelques mesures pour éviter les abus.
En l'absence de M. Jacques Barrot, j'aimerais répondre à M. Joly au sujet de l'établissement bancaire qu'il évoquait.
Un plan d'adaptation a été mis en place pour les années 1995 à 1997 dans le cadre d'une procédure de licenciement économique. Il a été jugé préférable d'attendre la fin de l'application de ce plan avant d'envisager une nouvelle aide de l'Etat. Je pense que M. Jacques Barrot aura à coeur de répondre personnellement à M. Joly sur ce point.
Il faut ensuite donner la priorité au retour à l'emploi dans le secteur marchand.
Le contrat initiative-emploi reste le principal instrument de lutte contre le chômage de longue durée par la réinsertion dans le secteur marchand.
Il aura bénéficié à plus de 450 000 salariés à la fin de 1996. Il s'est avéré puissant et efficace, contrairement à ce que pense M. Fisher.
Il a néanmoins été jugé nécessaire d'en améliorer l'efficacité dans le domaine de la lutte contre l'exclusion, en en concentrant l'action au profit des personnes connaissant les plus graves difficultés d'accès à l'emploi.
Alors que l'exonération des cotisations patronales est maintenue pour tous les bénéficiaires du CIE, notamment les femmes isolées, la prime est désormais réservée à ceux qui embauchent les personnes en difficulté : 1 000 francs par mois pour un demandeur d'emploi inscrit depuis plus de vingt-quatre mois, 2 000 francs par mois pour un demandeur inscrit depuis plus de trente-six mois, ainsi que pour les bénéficiaires du RMI et de l'ASS, les handicapés, les chômeurs âgés de plus de cinquante ans, les jeunes de niveau de qualification VI ou V bis.
Dois-je préciser, monsieur Fischer, que l'exonération liée au CIE est compensée par le budget de l'Etat et ne pèse donc pas sur le financement de la protection sociale ?
En troisième lieu, je vous expliquerai la mesure qui a été prévue en faveur des chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprises. Plusieurs d'entre vous ont exprimé leur inquiétude sur ce sujet.
M. Raffarin a présenté des dispositions générales qui visent à mieux mobilier les circuits financiers existants et à davantage accompagner les créateurs dans les premières années d'existence de leur entreprise. Il s'agit là d'une vraie politique de création nationale d'entreprise.
En ce qui concerne les demandeurs d'emploi, la prime est supprimée, mais l'exonération de charges est maintenue et constitue une aide au compte d'exploitation. Par ailleurs, deux mesures ont été prises pour améliorer l'efficacité de l'aide. Les reprises d'entreprises, monsieur Huguet, sont facilitées par la suppression du délai de six mois de chômage pour les demandeurs d'emploi indemnisés.
Les chômeurs les plus en difficulté, bénéficiant du RMI ou de l'ASS, ne voudraient pas se risquer à créer leur propre activité s'ils perdaient le bénéfice de leur allocation. Leurs droits seront donc maintenus pendant six mois après l'obtention de l'ACCRE.
Enfin, nous jugeons nécessaire de contingenter officiellement le nombre d'exonérations accordées. La prime étant supprimée, il y a un danger de voir se multiplier des exonérations qui ne sont pas compensées, mais coûtent plus de un milliard de francs. Nous reviendrons sur ces différents sujets lors de l'examen des amendements.
Cependant, tous les chômeurs ne peuvent retrouver directement un emploi dans le secteur marchand ; nous devons donc maintenir nos aides au secteur non marchand tout en sachant en maîtriser le développement.
Comme en 1996, le nombre des entrées en contrats emploi-solidarité prévu dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élève à 500 000 en métropole.
Comme vous l'avez relevé, monsieur Carle, la Cour des comptes a noté, dans son dernier rapport public, que le succès du CES s'est retourné contre l'emploi. Je la cite : ...
M. Emmanuel Hamel. Vous avez raison de la citer, madame le ministre !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Absolument !
La Cour précise donc : « Des emplois durables ont ainsi été remplacés par des emplois précaires à la faveur d'une gratuité souvent totale pour l'employeur ». Dans l'intérêt même des bénéficiaires, il est nécessaire de réduire l'entrée en CES et d'en réduire la prise en charge par l'Etat. Cette démarche est cohérente avec une réduction progressive et maîtrisée du nombre de CES.
Désormais, l'employeur devra acquitter au moins 5 % du coût du contrat, alors qu'actuellement la moitié des contrats sont pris en charge à 100 % par l'Etat. Ce ticket modérateur représente une charge d'environ 175 francs par mois. Il nous semble que l'employeur peut assurer cette rémunération. Des discussions sont en cours avec l'éducation nationale pour régler le problème des établissements publics d'enseignements utilisateurs de CES.
Parallèlement, nous favorisons la stabilisation dans l'emploi en augmentant de 20 000 le nombre de postes occupés en emplois consolidés qui intéressent déjà 70 000 personnes et nous avons prévu 25 000 emplois de ville. Le coût des CES et de ces divers emplois atteint 14,8 milliards de francs.
En complément de toutes ces mesures, d'autres dispositions seront prises dans le projet de loi de cohésion sociale au profit des titulaires de minima sociaux pour permettre leur retour à l'emploi.
D'une part, 25 000 contrats d'initiative locale seront offerts en 1997 aux bénéficiaires du RMI et de l'ASS, ce qui conduira à activer des dépenses passives.
D'autre part, en ce qui concerne les nouveaux bénéficiaires de l'ASS, l'assimilation des périodes chômées aux périodes oeuvrées, qui résultait d'une simple circulaire, sera supprimée et le plafond de ressources opposable aux couples passera de 10 360 francs à 8 140 francs par mois. Il reste ainsi très supérieur aux minima sociaux. Les crédits dégagés, 470 millions de francs, seront intégralement réutilisés pour soutenir les politiques locales de lutte contre l'exclusion et d'insertion professionnelle.
Dès lors que nous donnions priorité à l'emploi, il nous a paru légitime de réduire la part des instruments du traitement social du chômage. Il s'agit donc, non de réduire la solidarité de l'Etat en faveur des demandeurs d'emploi, monsieur Gérard, mais de concentrer nos moyens sur les dispositifs les plus efficaces.
Le nombre de stages SIFE collectifs est ainsi réduit de 160 000 à 100 000, ce qui permet de réaliser une économie de un milliard de francs. Ils seront réservés à ceux qui en ont vraiment besoin : les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires du RMI et de l'ASS, ainsi que les handicapés, grâce à une initiative heureuse de l'Assemblée nationale que j'ai personnellement appuyée.
Je voudrais maintenant insister sur les modalités de mise en oeuvre de cette politique.
Comme vous, monsieur Jourdain, je suis convaincue que l'implication des acteurs locaux est un facteur déterminant pour la réussite de notre politique.
C'est cette conviction qui nous a conduits à mettre en place les programmes régionaux pour l'emploi des jeunes. Nous démontrons ainsi, monsieur Carle, que c'est bien dans une logique de proximité que les mesures pour l'emploi des jeunes trouvent leur efficacité.
C'est dans cette même logique que le projet de loi sur la cohésion sociale prévoit d'organiser dans chaque département une concertation sur l'utilisation des emplois aidés dans le secteur non marchand. C'est en associant les élus locaux que nous ferons en sorte que ces emplois correspondent à de vrais besoins.
C'est l'une des fonctions que vous avez assignées aux agences territoriales pour l'emploi qui sera ainsi assurée, monsieur Jourdain.
C'est dans ce cadre, monsieur Huguet, que nous pourrons encourager les efforts de formation en faveur des bénéficiaires de CES.
Nous souhaitons enfin pouvoir expérimenter, dès l'année prochaine, une plus grande déconcentration des aides à l'emploi, afin que le préfet puisse développer les partenariats et favoriser les initiatives. Je sais, monsieur Delfau, que vous êtes très sensible à cette démarche, et je tenais à vous l'indiquer.
Je souhaite maintenant répondre à Mme Dusseau. Je ne pourrai malheureusement, compte tenu de l'heure, le faire que très brièvement.
Madame Dusseau, vous avez dit ne pas douter de mes convictions et de ma volonté. C'est vrai que l'égalité entre hommes et femmes est acquise en droit mais qu'elle n'est pas totalement appliquée dans les faits. Il nous faut faire évoluer les mentalités, briser des résistances, des conservatismes.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Quel beau programme !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Certes, monsieur le sénateur.
Notre action s'articule autour de trois priorités : l'emploi, l'égalité professionnelle et la parité ; la promotion sociale ; conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.
Notre projet de budget, s'il est en baisse de 5 % par rapport à 1996, et de 13 % en tenant compte du transfert en provenance de la section « Travail », reflète ces priorités. Il permettra aux associations engagées dans ce sens de maintenir leurs actions.
Vous connaissez les actions principales qui seront développées en 1997. Il s'agit du maintien des subventions au CIDF, de l'ouverture de vingt-cinq nouveaux BAIE, de la création de deux bureaux de ressources juridiques, du développement des interventions relatives à l'emploi, à la formation professionnelle et à l'égalité professionnelle et de l'extension des structures d'accueil, d'écoute et de suivi pour les femmes victimes de violences.
Tout cela n'est peut-être pas intégralement réalisable, j'en suis consciente, mais l'essentiel est bien de favoriser l'emploi et la promotion sociale des femmes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai présenté notre stratégie. Je ne voudrais pas que vous en concluiez que nous nous désintéressons des conditions de travail des Français. Bien au contraire, le budget que vous examinez en témoigne. Je rappellerai l'effort qui est consenti en faveur des élections prud'homales qui se dérouleront en décembre 1997.
Avant de terminer, je voudrais vous dire quelques mots du service public de l'emploi.
Je pense que nous lui demandons beaucoup.
Les moyens du ministère, hors dépenses de personnel, baissent de 1,6 % ; cette diminution est de 4,8 % pour l'administration centrale, soit plus de 20 millions de francs. En revanche, les efforts de gestion ménagent les moyens des services déconcentrés.
La subvention de l'ANPE, fixée à 5,2 milliards de francs, est diminuée de 2,3 %. Cette diminution n'est supportable qu'en raison du transfert de la charge des inscriptions de demandeurs d'emploi à l'ASSEDIC, que nous finançons à hauteur de 250 millions de francs.
Bien entendu, les effectifs resteront stables, car le placement des chômeurs en dépend.
M. Hamel a montré les progrès de l'ANPE, que traduisent l'augmentation de 19 % des entretiens en 1996 et l'objectif de satisfaire 2 millions d'offres d'emploi en 1996.
Les crédits de l'AFPA sont stabilisés. Ils n'ont augmenté que de 1,42 % de 1993 à 1997. La masse salariale n'augmente pas. Ces résultats sont possibles notamment grâce à la signature, le 4 juillet, d'un accord paritaire avec la majorité des organisations syndicales.
Pour répondre à M. Hamel, je précise que cet important accord paritaire a bien pour objet d'assurer la maîtrise de la masse salariale et une gestion modernisée des ressources humaines.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Merci de vos réponses, madame le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Un effort important a été également réalisé avec, en 1995, une augmentation de 7 % du nombre des bénéficiaires de formation, et cela sans accroissement de la masse salariale, je le répète.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est vrai que la nécessaire rigueur des finances publiques nous a conduits à faire des choix. La priorité est clairement le retour à l'emploi. Les restrictions budgétaires ne compromettent pas cette priorité.
L'augmentation du chômage que peut entraîner la diminution de certains emplois aidés - je pense aux SIFE, aux CES - est compensée par les ouvertures de contrats d'emploi consolidé, d'emploi ville, de contrats d'initiative locale, et surtout par les effets attendus des exonérations de charges sociales.
Je comprends qu'on discute certains aspects de ce budget, mais je suis sûre qu'il emportera votre approbation, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.7

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, signé à Bayonne le 10 mars 1995.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 106, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Louis Souvet, Michel Alloncle, Jean Bernard, Roger Besse, Jean Bizet, Paul Blanc, Gérard Braun, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Gérard César, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Yann Gaillard, Alain Gérard, François Gerbaud, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Roger Husson, André Jourdain, Alain Joyandet, Edmond Lauret, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Maurice Lombard, Philippe Marini, Paul Masson, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Alain Pluchet, Victor Reux, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Michel Rufin, Maurice Schumann, Martial Taugourdeau, Jacques Valade, Alain Vasselle et Serge Vinçon une proposition de loi relative au développement de l'apprentissage dans le secteur public et modifiant la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 107, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution évenuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 29 novembre 1996, à dix heures, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 85 et 86, 1996-1997).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
- Travail et affaires sociales.
I. - Travail et articles 94 à 97 (suite).
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 38) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (Travail et emploi, avis n° 90, tome IV) ;
M. Jean Madelain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (Formation professionnelle, avis n° 90, tome IV).
Anciens combattants et victimes de guerre et articles 85 et 86 :
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 6) ;
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 90, tome VI).
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à l'audiovisuel, à la presse et à la fonction publique).
M. Henri Torre, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 34).
II. - Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 35).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 36).
IV. - Plan :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 37) ;
M. Jean Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 88, tome XII) ;
M. Bernard Barbier, président de la délégation du Sénat pour la planification.
Budget annexe des Journaux officiels :
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 40).
Environnement :
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 16) ;
M. Bernard Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 88, tome XVII) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 87, tome III).
Intérieur et décentralisation :
Sécurité :
M. Guy Cabanel, rapporteur spécial (Sécurité, rapport n° 86, annexe n° 28) ;
M. Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (Police et sécurité, avis n° 91, tome II) ;
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (Sécurité civile, avis n° 91, tome III).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1997

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1997 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?....
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 29 novembre 1996, à une heure.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON