M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères qui, je le sais, se trouve actuellement au côté de M. le Président de la République, en Afrique, au Burkina, pour le 18e sommet franco-africain. Elle concerne la création d'un tribunal pénal international permanent.
Depuis quelques années, la question de la création de ce tribunal est revenue de manière insistante. Les violations des droits de l'homme, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, de l'ex-Yougoslavie au Rwanda pour ne citer que ces deux pays, y sont pour beaucoup.
La réponse jusqu'à présent apportée par la communauté internationale a été le tribunal ad hoc, par nature éventuel et postérieur au crime. Un tribunal permanent est plus facilement saisissable et, dans la mesure où il est préexistant au crime, il peut avoir un effet dissuasif.
L'idée a donc cheminé, et un comité préparatoire a été mis en place par l'ONU. Il devait demander en novembre à cet organisme un délai supplémentaire afin de mettre en place la conférence instituant ce tribunal permanent en décembre 1998.
Par ailleurs, un vote unanime est intervenu au Parlement européen en septembre dernier, préconisant de soutenir les recommandations de ce comité et de provoquer un vote sur ce point à l'ONU au mois de novembre.
Or, la France, qui a longtemps soutenu l'idée de la création de ce tribunal, a changé de position voilà environ six mois. Pour quelles raisons ? La France freine visiblement les travaux du comité préparatoire, puisqu'elle est allée jusqu'à présenter récemment un contre-projet de statut inattendu. Pourquoi ?
Notre pays, qui est celui des droits de l'homme, peut-il prendre le risque de freiner la mise en place de ce tribunal permanent ?
Je vous demande de me faire grâce dans votre réponse, madame le secrétaire d'Etat, des arguments relatifs à la défense des spécificités du droit des pays européens continentaux par rapport aux règles du droit anglo-saxon, arguments qui nous ont été opposés précédemment. Ces disparités ne posaient pas problème voilà un an. Pourquoi en poseraient-elles aujourd'hui ?
Il y a là des raisons politiques - et sans doute de politique africaine - qu'il est nécessaire de préciser, ce qui n'a jamais été fait jusqu'à présent. Si ce n'est pas le cas, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour que ce tribunal pénal permanent chargé de juger les atteintes aux droits de l'homme soit effectivement créé en décembre 1998 ? Par ailleurs, pouvez-vous préciser les étapes du calendrier que vous entendez respecter ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les négociations en vue d'élaborer un projet de statut d'une cour criminelle internationale permanente sont entrées dans une phase active cette année.
Conformément à nos voeux, la 51e assemblée générale des Nations unies devrait recommander, dans les prochains jours, que le comité préparatoire se réunisse pour trois sessions supplémentaires en 1997 et intensifie ainsi ses travaux, en vue de la conférence diplomatique qui se tiendra en 1998. Je puis vous confirmer que la France et ses partenaires de l'Union européenne soutiennent sans ambiguïté ce projet.
La France est favorable à un statut détaillé. Il n'y a pas de place pour l'improvisation. L'expérience quotidienne du fonctionnement des tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda est, en effet, riche d'enseignement. Elle démontre que le travail de la future juridiction doit être entouré de toutes les garanties de procédure lui permettant de rendre la justice avec efficacité et équité.
C'est dans cet esprit que la France a soumis un ensemble de propositions, sous la forme d'un projet de statut complet, qui constitue, par sa rigueur et sa cohérence, l'un des principaux instruments de travail des délégations.
Notre projet reflète naturellement les spécificités du droit romain, dans un domaine, celui du droit pénal international, dans lequel le droit anglo-saxon a tendance à prédominer.
Nous avons aussi convaincu nos partenaires de nous en tenir aux crimes les plus graves, tels que les génocides, les crimes contre l'humanité, les crimes d'agression, les violations des lois et coutumes de la guerre, et les infractions graves aux conventions de Genève. Il faut assurer à cette juridiction sa spécificité. Elle en sera d'autant mieux acceptée par nombre d'Etats.
Nous nous efforçons aussi de défendre le principe d'un jugement par contumace pour les individus qui se sont soustraits volontairement à la justice.
Les objectifs poursuivis par la France sont très clairs : il s'agit de mettre en place une cour qui soit efficace, crédible et universelle. C'est sans doute ce dernier point qui peut susciter actuellement nos inquiétudes. Trop peu d'Etats participent aux négociations au côté des Européens et des autres Occidentaux.
Je crois que nous devons encourager tous nos partenaires, y compris dans d'autres régions du monde, à s'impliquer dans ce processus de négociation. Pour sa part, la France continuera à être présente, conformément à sa vocation de pays défenseur des droits de l'homme. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SOLIDARITÉ AVEC LES CHO^MEURS