M. le président. Par amendement n° II-47 rectifié, M. Cluzel propose d'insérer, avant l'article 58, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, est ainsi rédigé :
« Chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Parlement, sur le rapport d'un membre de chacune des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ayant les pouvoirs de rapporteur spécial, autorise la perception de la taxe dénommée participation citoyenne au financement de l'audiovisuel public français, assise sur les appareils récepteurs de télévision, et approuve la répartition du produit attendu de cette contribution entre chacune des sociétés nationales de programme et l'Institut national de l'audiovisuel. Il approuve également le montant et la répartition du produit attendu des recettes provenant de la publicité de marques. »
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. Je ne reprendrai pas les idées que j'ai développées à la fin de mon intervention à la tribune.
J'ajouterai simplement que tous les pays d'Europe, aujourd'hui, connaissent mieux les images en provenance des Etats-Unis que celles de leurs voisins, tant il est vrai que, à défaut d'une dimension politique que nombre d'entre nous souhaitent, l'Union européenne, pour l'instant, applique, les lois du marché.
Mais, dans l'audiovisuel, la loi du marché n'est favorable qu'aux seuls Etats-Unis.
Les chaînes planétaires, en provenance, pour la plupart, de ce pays ou créées par ses ressortissants, en tout cas avec ses capitaux, bouleverseront les comportements, les moeurs et les cultures. Elles pourront même aller jusqu'à parasiter la parole et l'action des gouvernements.
C'est donc une affaire qui intéresse tous les citoyens de notre pays sans exception, et nous en sommes tous responsables, comme nous le sommes de la Constitution, de la politique étrangère, de la sécurité sociale ou de la monnaie.
Or, sous nos yeux, nous le disions tout à l'heure, disparaît la justification même de la redevance, à savoir l'utilisation de ce bien public rare qu'était la fréquence hertzienne. C'était un bien rare, il devient foisonnant et multiple ; c'était un bien national, il devient un bien international.
On ne peut toutefois accepter de voir disparaître, avec la redevance, les ressources fondamentales du secteur public de l'audiovisuel, tout en accroissant les difficultés d'autres secteurs. Il est donc indispensable me semble-t-il - c'est l'objet de cet amendement - de prendre la décision, pendant qu'il est temps encore, alors que disparaît la redevance, de remplacer cette dernière par une participation citoyenne au financement de l'audiovisuel public.
La redevance correspondait à un droit d'usage ; la participation que je propose correspond à un devoir de défense. Vous ne m'en voudrez pas d'employer de tels termes ; ils traduisent une conviction intime, étayée par une analyse des faits récents et par une prévision que je crois lucide de l'avenir.
M. le président. Monsieur Cluzel, pouvez-vous maintenant nous donner l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. La commission, monsieur le président, s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Si je comprends bien, M. Cluzel propose d'abandonner l'appellation « redevance pour droit d'usage » pour celle de « participation citoyenne au financement de l'audiovisuel public français ».
En fait, il s'agit comme pour la redevance, d'une taxe parafiscale, et le Parlement ne peut qu'en autoriser annuellement la perception et en approuver la répartition.
L'amendement, en ce qu'il ne fait que modifier l'intitulé de la taxe et qu'il n'affecte pas l'équilibre de la loi de finances initiale, pourrait, à mon avis, constituer un cavalier budgétaire et risquerait, à ce titre, d'être invalidé par le Conseil constitutionnel.
En ce qui concerne l'approbation par le Parlement de la répartition du produit attendu des recettes provenant de la publicité, il est à noter qu'aux montants des recettes de publicité approuvés par le Parlement est associé un « jaune » budgétaire qui établit la correspondance entre les montants prévus et la répartition de ces montants entre les sociétés.
Cet état de choses paraît justifié compte tenu du caractère évolutif des prévisions de ce type de recettes, comme en atteste la nécessaire adaptation des prévisions à la réalité qui intervient au cours de l'année dans les conseils d'administration des sociétés.
Cette disposition, en tant qu'elle n'affecte pas l'équilibre de la loi de finances, risque également d'être invalidée par le Conseil constitutionnel.
Enfin, il convient de s'interroger sur l'opportunité de modifier l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 alors même que le projet de loi portant codification des textes relatifs à la communication et au cinéma vient d'être déposé au Sénat.
Il conviendrait, me semble-t-il, d'attendre que ce projet de loi soit en discussion pour envisager ces modifications, d'autant que celui-ci prévoit d'ores et déjà le retrait de TDF au titre des sociétés bénéficiant de la redevance.
Je vous serais donc reconnaissant, monsieur Cluzel, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Cluzel ?
M. Jean Cluzel. Après les explications qui viennent de nous être données, me faisant violence, je vais le retirer, monsieur le président, mais je le fais uniquement par ce que M. le ministre a pris date.
Le Gouvernement aurait pu entendre mon appel et reprendre globalement ce que je proposais à son compte, car, vous l'avez bien compris, il ne s'agissait pas que d'une simple modification d'appellation, cela n'aurait eu aucun sens ; il s'agit de quelque chose qui doit correspondre et au présent et à l'avenir, alors que la redevance, c'est déjà du passé.
Actuellement, nous sommes donc au milieu du gué, la plus mauvaise situation pour le Parlement, pour le Gouvernement, pour le secteur public et pour l'ensemble de l'audiovisuel.
Le rendez-vous est proche puisque vous avez déjà déposé votre projet de loi, monsieur le ministre. Par ailleurs, M. Adrien Gouteyron a rappelé, tout à l'heure, qu'un certain nombre de collègues avaient déposé des propositions de loi.
Vous aurez ainsi le temps de réfléchir à la suggestion que je vous fais, monsieur le ministre, et nous reprendrons donc la discussion dans quelques semaines.
M. le président. L'amendement n° II-47 rectifié est retiré.
Articles additionnels après l'article 58