Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits des services financiers constituent les moyens d'action du ministère de l'économie et des finances.
Les hommes et les femmes de l'administration des finances font le plus souvent un travail remarquable au service de la République.
Or je constate, pour la quatrième année consécutive, l'année 1996 mise à part, une réduction significative des emplois au sein de ce ministère, puisqu'on nous annonce la suppression de 1 419 postes, tous services confondus. Cette baisse d'effectifs avait été, de 1991 à 1995, de 1 617 emplois.
Il est possible, monsieur le ministre, que la politique de réduction des dépenses publiques passe par quelques économies portant sur la baisse du nombre de fonctionnaires affectés au service de l'Etat. Encore faudrait-il pouvoir en comprendre le sens et s'assurer de la pertinence de ces réductions d'emplois en fonction de priorités politiques et économiques.
Je souhaiterais attirer l'attention de mes collègues, et la vôtre, monsieur le ministre, sur un problème d'une ampleur non négligeable : la fraude au budget communautaire.
Vous savez mieux que moi, monsieur le ministre, que la fraude fiscale est devenue un véritable sport de haut niveau. C'est un fléau qui nuit aussi bien à l'Union européenne qu'aux Etats qui en sont membres, et donc à notre pays.
En avril dernier, j'ai participé avec notre collègue Jacques Oudin, à Bruxelles, à une conférence interparlementaire, organisée par le Parlement européen, portant sur la lutte contre la fraude au budget communautaire.
Au cours des trois dernières années, le montant total des fraudes et des irrégularités enregistrées par Bruxelles a été multiplié par plus de cinq, passant de 204 millions d'écus en 1992 à 1,1 milliard d'écus en 1995, soit environ 1,4 % du budget de l'Union européenne.
La moitié de ces fraudes concerne les dépenses agricoles. Pour les fonds structurels, 306 irrégularités ont été relevées, correspondant à 67 millions d'écus. Mais la marge de tricherie est certainement plus vaste encore.
Je sais, monsieur le ministre, que la France s'est engagée dans des accords bilatéraux permettant d'intégrer, par exemple, des douaniers français au ciblage des conteneurs dans le port de Rotterdam. Des Hollandais viennent travailler sur le port de Marseille dans des conditions identiques. Mais est-ce bien suffisant, tant en moyens humains qu'en moyens de fonctionnement ? Chacun le sait bien pourtant : la lutte contre la criminalité organisée, contre les officines de recyclage de l'argent sale, contre les extorsions de fonds du fait de la petite ou de la grande délinquance, associées ou non au terrorisme international, ne peut être efficace que dans la mesure où elle s'appuie sur des services de police, de gendarmerie ou de douane de proximité.
L'obtention du renseignement est un long travail de fourmi ; il exige la multiplication des contrôles locaux, régionaux, nationaux. La réduction des effectifs de fonctionnaires affectés à ces tâches ne peut que nuire à une politique efficace de lutte contre ce type de criminalité.
Il ne sert à rien de renforcer les dispositifs bilatéraux si, par ailleurs, les effectifs de Bercy fondent comme neige au soleil.
Il faut au contraire renforcer ces effectifs et mettre à leur disposition tout un arsenal de moyens pratiques et juridiques susceptibles d'assurer la rapidité, la sécurité et l'efficacité des échanges de renseignements, puis d'intervention.
Jacques Oudin et moi-même le soulignions : en matière de lutte contre la fraude au budget européen, « l'efficacité de l'action implique en définitive un renforcement de la coopération intergouvernementale dotée de moyens effectifs d'intervention ».
Nous devons donner aux douanes françaises les moyens de contrôle qui peuvent assurer le succès de leurs missions. Ce n'est pas, monsieur le ministre, ce que vous faites dans le cadre de ce budget, avec la suppression de 1 419 postes dont 167 pour les seules douanes.
Si j'en crois l'excellent rapport de notre collègue Alain Richard, les dépenses d'intervention baissent de 8,9 % par rapport à 1996, après une baisse de 9,2 % l'an dernier. Les dépenses d'investissement régressent, quant à elles, de 29 %, après une chute de 23,4 % l'an dernier. En somme, vous faites l'inverse de ce que vous dites !
Nous sommes donc, une fois de plus, loin du compte entre une politique affichée et la réalité des moyens mis en oeuvre pour lutter contre la criminalité fiscale.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, est-il souhaitable, à un moment où le chômage ne cesse de progresser - c'est, vous l'avouerez, tout de même problématique alors que le budget de l'Etat est fortement mis à contribution au travers de la politique de l'emploi - de mettre en oeuvre une stratégie de réduction des effectifs budgétaires de plusieurs ministères ?
La réduction d'emplois publics a de multiples conséquences qui nous font nous interroger sur les raisons profondes de ces choix.
La première conséquence - et non la moindre - est qu'elle limite les possibilités d'emploi pour de nombreux jeunes sortant du système scolaire et susceptibles de trouver, grâce aux concours de la fonction publique, un débouché professionnel.
La suppression d'un certain nombre d'emplois budgétaire sa pour deuxième conséquence de bloquer pour partie les possibilités de mutation et de promotion des agents en exercice, ce qui ne peut manquer - vous vous en doutez, monsieur le ministre - d'engendrer quelques frustations supplémentaires.
Alors même que les salaires des agents du secteur public ont été gelés cette année, que la provision de hausse inscrite au budget 1997 correspond à une prime de moins de 1 000 francs par agent, cette situation risque fort de trouver un prolongement dans le mouvement revendicatif des agents du secteur public.
On ne peut oublier que France Télécom va, pour sa part, procéder de plus en plus par embauche de non-fonctionnaires. Il convient, monsieur le ministre, de bien mesurer les problèmes qui vont se poser.
Pour peu que l'on se souvienne également que la hausse de la contribution sociale généralisée sera supportée en totalité et sans compensation par les agents publics, on peut considérer que les données d'un conflit majeur sont presque réunies.
Mais l'une des conséquences les plus critiquables du choix gouvernemental réside dans le fait que ce sont non pas seulement les services centraux mais aussi les services déconcentrés des principales administrations qui vont subir une saignée.
M. le ministre délégué au budget s'est félicité d'avoir pu organiser la suppression de 1 400 emplois dans son administration, laquelle avait d'ailleurs déjà été mise à mal ces dernières années, puisque, au total, 8 000 postes de travail ont disparu dans les différentes administrations du ministère des finances.
Notons toutefois que, si l'essentiel semble aujourd'hui supporté par l'administration centrale, cela ne fait pas le compte pour les services extérieurs.
Ainsi, il est de notoriété publique que les moyens dont disposent les directions du Trésor, des impôts ou des douanes dans les régions et les départements sont largement insuffisants pour faire face aux besoins. Je vous donnerai un exemple parmi beaucoup d'autres.
Les agents des finances des Bouches-du-Rhône, que nous avions rencontrés fin septembre à Aubagne, nous avaient ainsi indiqué à quel point leurs différents services manquaient des moyens humains susceptibles de permettre un accomplissement normal des missions assignées.
Par exemple, les services des douanes ne pouvaient assurer un contrôle réel que de 1 % environ des marchandises transitant par le port de Marseille ou l'aéroport de Marignane.
Les mêmes observations valaient pour les services des impôts, confrontés, comme partout ailleurs, à la complexité croissante des tâches et à la croissance du nombre des démarches contentieuses, singulièrement en matière d'impôts directs locaux.
C'est ainsi que plusieurs dizaines de postes manquaient dans les centres des impôts comme dans les recettes locales du Trésor, causant des difficultés majeures de fonctionnement aux services concernés, dont l'intervention auprès des populations des administrations locales ou de leurs établissements publics est pourtant indispensable.
La même observation peut bien entendu être faite en bien d'autres points du territoire, et nous nous interrogeons en particulier sur le sens que l'on attache effectivement à la présence du service public dans les zones rurales en difficulté ou dans les quartiers urbains sensibles.
Un renforcement s'impose pour les services de douane en général ; mais il faut aussi tenir compte du rôle important et parfois déterminant joué par les douaniers dans la lutte contre le terrorisme.
Ne pouvant accepter ce mauvais choix qui frappe les services financiers, nous voterons bien sûr contre les crédits ouverts au titre III de ce projet de budget.
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le ministre, mon groupe, indépendamment de moi-même, votera votre projet de budget. Vous pouvez donc être tout à fait tranquille.
Je n'en suis que plus à mon aise pour vous dire que, si j'ai enregistré comme une bonne nouvelle l'idée selon laquelle les essais comparatifs pourraient trouver à l'avenir quelques moyens de financement complémentaires, pour le reste, votre argumentation m'a étonné et consterné.
Alors qu'il s'agit de missions de service public, vous n'hésitez pas à soutenir à ceux qui agissent assez souvent bénévolement - c'est le cas des organisations de consommateurs - qu'il leur suffit de rentabiliser leurs actions et qu'ils doivent s'estimer heureux de l'argent que leur laissent encore les pouvoirs publics ! Cela sous-entend qu'il y en aura peut-être encore moins l'année prochaine.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je n'ai pasdit cela !
M. Pierre Fauchon. C'est tout de même ce que j'ai entendu !
Monsieur le ministre, je voudrais bien que vous teniez compte du bénévolat des uns et du fait que l'INC ne peut pas diffuser n'importe quelle revue : la revue de l'INC se doit de diffuser des informations sur la consommation. Elle ne peut pas recourir aux procédés qui font en général vendre les journaux, et il est relativement difficile de trouver des lecteurs qui achètent ce genre de publications !
Encore une fois, l'INC ne peut pas appliquer n'importe quelle politique. Il est prisonnier des définitions du service public, et il fait ce qu'il peut. Mais il y a forcément des limites.
En outre, monsieur le ministre, comme il est regrettable que vous n'adoptiez pas le même type de raisonnement à l'égard de quantités de branches d'activité économique qui sont, elles, parfaitement en mesure de rentabiliser leurs activités et qui devraient d'ailleurs le faire ! Pourtant, ce n'est apparemment pas le langage qui est tenu à l'égard, par exemple, de l'agriculture ni, comme tout à l'heure, à l'égard du commerce et de l'artisanat : la Haute Assemblée a voté aujourd'hui une rallonge de 50 millions de francs pour permettre de faire la publicité du commerce et de l'artisanat. Pourquoi le Gouvernement ne s'est-il pas contenté de suggérer aux commerçants et aux artisans de s'occuper de financer eux-mêmes leurs programmes ? Je dois dire que, quand le Gouvernement tient ce langage, il me déçoit ! Je ne voterai donc pas ce projet de budget.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46:
Nombre de votants | 286 |
Nombre de suffrages exprimés | 285 |
Majorité absolue des suffrages | 143196 |
Contre | 89 |
« Titre IV : moins 28 907 265 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.