M. le président. Je suis saisi, par M. Estier et les membres du groupe socialiste et apparentés, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'épargne retraite (n° 100, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Mélenchon, auteur de la motion.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes amis du groupe socialiste et ceux de la gauche en général ont, je crois, bien décortiqué le contenu des mesures qui nous sont proposées aujourd'hui.
Mais, puisque nous avons été régalés par les récitants de la pensée unique des principaux articles du catéchisme libéral, maintenant bien connu des Français, car ils en subissent tous les jours les effets, le moment est venu aussi de montrer - c'est l'objet de ma question préalable - les conséquences macroéconomiques de l'institution des fonds de retraite dans notre pays.
« Fonds de retraite » : cette expression est la version française de la formule d'origine anglo-saxonne « fonds de pension ». C'est d'ailleurs à cette dernière que, dans mon propos, j'aurai recours, afin que chacun sache plus exactement de quoi l'on parle.
Certes, l'aspect macroéconomique a été dissimulé par le prétexte des retraites et de l'angoisse qui entoure leur avenir. Mais je considère que c'est là le coeur de la question, tout en sachant fort bien que les retraites seront gravement affectées par ce que l'on nous prépare. En effet, ce qui est en cause, une fois de plus, c'est la restructuration libérale de l'organisation générale de notre pays telle qu'elle est entreprise avec opiniâtreté par le Gouvernement. Je vous en fais le compliment car nous, les socialistes, nous ne croyons pas, en dépit de tous les désordres auxquels vous vous livrez dans la gestion quotidienne de l'action gouvernementale, que celle-ci ait jamais perdu le fil et le sens de ses objectifs politiques.
Il y a une cohérence dans les mesures que vous proposez et l'actualité, par la succession des décisions que nous sommes amenés à prendre, nous le confirme.
La loi de financement de la sécurité sociale, qui concrétise le projet annoncé à cette tribune en novembre 1995 par le Premier ministre, nous a montré comment s'articulait progressivement l'assurance minimum universelle qui ouvrirait la voie aux assurances privées. Nous en avons la confirmation - c'est sans doute un hasard - avec les déclarations du patron d'AXA-UAP, quelque quarante-huit heures après qu'il eut constitué le plus grand groupe financier de ce pays, en faveur de l'instauration d'une sécurité sociale privée.
Or voici maintenant le volet retraite, qui était également contenu, d'ailleurs, dans le projet d'Alain Juppé. A cet égard, je note que, sans barguigner, les uns après les autres, sous prétexte de solution à apporter, vous annoncez sans autre précaution que le régime actuel est condamné au-delà de l'an 2000. C'est bien la raison pour laquelle vous voulez créer ce troisième étage.
Par conséquent, on peut dire que vous prenez date. La tentation de M. le rapporteur d'exonérer de cotisations sociales les abondements patronaux aux fonds de pension - notons ici la petite divergence qui l'oppose à M. Fourcade ; nous verrons comment elle sera réglée - montre que, ce qui est en cause, c'est l'équilibre général de notre système de protection sociale essentiellement fondé sur la répartition, notamment dans le domaine des retraites.
Bien évidemment, cette question de l'exonération nous permettra de savoir jusqu'à quel point vous êtes capables aujourd'hui d'oeuvrer contre le bon sens - mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agit d'une affaire d'appréciation politique - et, surtout, contre le mouvement social, puisque l'ensemble des organisations syndicales gestionnaires ou cogestionnaires de ces fonds ont manifesté leur totale opposition à cette mesure.
Cette politique est aussi en cohérence avec une politique économique. Parce qu'on a centré le modèle de développement sur l'offre plutôt que sur la demande, on a reporté sur les ménages les charges dont on a soulagé les entreprises. Ainsi, les déficits publics se creusent faute de croissance et, partant, les besoins de financement de la dette ont imposé une pratique de taux réels élevés. Ces faits nous sont bien connus. Dès lors, ceux-ci ont à la fois aggravé dans une proportion croissante le déficit - il suffit de voir le poids du service de la dette dans le budget - et pérennisé l'étouffement de la croissance, ce qui a, bien sûr, amplifié du coup les déficits.
Voilà le cercle vicieux qui se cache derrière les discours vertueux concernant les prétendues politiques d'assainissement. Les courbes qui retracent ces corrélations sont incontestables et, pour le coup, monsieur Marini, il s'agit non pas d'idéologie mais de faits. A la sortie de ce cercle, ne demeure qu'un renforcement constant de la dépendance à l'égard des fonds de placement, qui ont de moins en moins de mal à imposer leurs exigences, du point de vue de la logique qui est la leur et des besoins pour lesquels ils ont été fondés, c'est-à-dire des taux réels élevés, une stabilité des prix à n'importe quel prix social et la maximisation des profits des fonds placés qui, dès lors, ne peuvent plus se réaliser que sur une seule et unique variable d'ajustement, l'emploi et les salaires.
Cet environnement, nous le connaissons. Tel qu'il est constitué, il ne favorise qu'une seule créature économique, les fonds d'investissement, dont les fonds de pension ont fourni à l'échelle universelle la matrice et demeurent les poids lourds. Ils sont d'ailleurs si lourds que, chaque jour, ils peuvent se donner les moyens de pérenniser sans fin cet environnement ; ce sont eux - et voilà ce que j'estime être la face cachée de la discussion que nous n'avons pas - qui, au cours des années soixante et soixante-dix, ont donné l'impulsion décisive qui a conduit à la financiarisation globale de l'économie mondiale, dont nous souffrons sans cesse à présent.
En une dizaine d'années - car il s'agit de mesurer leur puissance - de 1980 à 1993, les avoirs des fonds de pension sont passés de 903 milliards de dollars à 4 320 milliards de dollars. La « main invisible » du marché, dont nous entendons si souvent parler, qui se lève parfois au-dessus de la tête des chefs d'entreprise, mais surtout au-dessus de celle des gouvernants et qui tend à leur indiquer de quel côté il faut tourner leur regard et quelle poche il faut vider, ce sont eux qui en tirent les ficelles, ce sont eux qui sont le coeur battant de ce que, au parti socialiste, nous appelons le « nouvel âge du capitalisme », qui soumet le monde à sa loi et à ses normes.
Leur croissance et la part prédominante qu'ils ont prise dans l'économie mondiale caractérise une nouvelle période. En sommes-nous conscients au moment où nous allons installer, au coeur de la République française, cette « superféodalité financière » qui, demain, à son tour, nous dictera sa loi comme elle le fait déjà, ainsi que vous le savez, par-delà les frontières ?
C'est à leurs normes que se trouvent désormais soumis tous les compartiments de l'activité économique, soit parce qu'ils les dominent et les contrôlent, soit parce qu'ils se sont eux-mêmes insérés dans le dispositif.
Au bout du compte, les politiques économiques et sociales des Etats-nations sont, elles-mêmes, dominées et contrôlées pour l'essentiel.
Le rapport de forces tient en quelques chiffres. Notre assemblée en a-t-elle été saisie ? Au début des années quatre-vingt, 60 % des avoirs en devises étrangères étaient aux mains des banques centrales, et 40 % aux mains des banques privées. C'est plus que l'inverse aujourd'hui. L'arme du taux de change est privatisée.
Je vous citerai une seconde série de chiffres. Les avoirs des fonds de pension étrangers- il faut bien aller chercher les exemples là où le système est arrivé à pleine maturité - correspondaient, en 1993, à 73 % de la valeur du produit intérieur brut britannique, et à 68 % de cette même valeur aux Etats-Unis. Et cette proportion ne cesse de s'accroître.
Voilà le cancer de la financiarisation de toutes les activités économiques ; voilà son origine, voilà son organisateur et son bénéficiaire ultime !
C'est donc, au total, de l'institutionnalisation de l'économie rentière, frileuse, « court termiste », le contraire, monsieur le rapporteur, de l'initiative et du risque - je le démontrerai dans un instant - dont vous vous prévalez pour recommander l'introduction de ce système en France. Les chiens de garde de cette politique sont bien connus. Il s'agit des banques centrales indépendantes, vouées à enfermer les nations, privées, comme nous le savons, des armes monétaire et budgétaire. Voilà ce qui sera répété à Dublin où va se rendre M. Arthuis, qui vient de quitter l'hémicycle. Ça ne pouvait pas mieux tomber !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Ce n'est pas une bonne critique !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne lui en fais pas le reproche !
Quelles en sont les conséquences ? Il faut bien les évaluer en cet instant. Je les aborderai à partir des questions que vous posez et de certaines autres que vous ne posez pas.
Vous répétez sans cesse qu'il faudra mettre ces fonds essentiellement à disposition des entreprises. Comment et à quel prix ? Voilà la question !
A l'article 20, vous fixez des ratios de détention d'obligations à concurrence de 65 % ; nous en déduisons que 35 % devraient être réservés aux actions des sociétés.
M. Philippe Marini, rapporteur. Au minimum !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous verrez qu'ils seront rapidement alignés sur le minimum, monsieur le rapporteur !
Vous vous interrogez : est-ce trop ? Est-ce trop peu ? Est-ce trop directif ? D'abord, il s'agit d'un faux débat...
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous pouvons en discuter !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... car on fixera les normes qu'on voudra. Dans le mesure où ces fonds de placement devront réaliser les meilleurs résultats possibles, ils choisiront, en toute hypothèse, les placements les plus liquides et les plus rapidement rentables. Au demeurant, l'Europe va bientôt nous mettre tous d'accord puisqu'une directive, actuellement en préparation ; interdira la fixation de tels ratios et prônera la totale liberté de gestion et de placement de ces fonds.
Par ailleurs, vous n'avez aucune garantie que lesdits fonds viendront abonder les ressources des entreprises car nous vivons, en ce domaine, dans un monde sans frontières. On peut parfaitement imaginer que 80 % de l'épargne ainsi collectée, voire plus, se porteront là où le profit sera le plus élevé, c'est-à-dire ailleurs. On aura ainsi réussi à enlever à l'Etat une partie de ses moyens d'intervention économique pour les confier à des intérêts privés, lesquels concourront à l'essor d'autres économies. Cela peut se concevoir mais telle ne doit pas être la première préoccupation de la République française.
Voilà ce qui n'est pas dit sur les fonds de pension et ce qui se cache derrière.
M. François Autain. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. De plus, vous ne faites que renforcer le risque et supprimer les garde-fous. C'est bien le Sénat qui propose l'interdiction des contrats à prestations définies en n'acceptant que ceux qui seraient fondés sur des cotisations définies ! Il n'est proposé aucune garantie quant à la stabilité des placements qui seraient opérés. De plus, l'adhérent, comme vous l'appelez, supportera la totalité du risque puisque celui-ci sera maximum au moment où il encaissera sa pension. Personne n'a encore inventé la machine à voyager dans le temps qui permet de transférer la richesse accumulée aujourd'hui pour la consommer demain ! Par conséquent, c'est la voie la moins sûre et la plus volatile qui est choisie.
Vous vous opposez à l'utilisation des actifs dans les batailles boursières. Chers collègues, vous que j'ai si souvent entendus sur ces travées (L'orateur désigne la droite de l'hémicycle) défendre les vertus du capital familial - et encore voilà peu à propos de l'allégement de l'ISF - savez-vous bien ce qui se prépare à ce sujet ?
Mais au nom de quoi un fonds de placement ne participerait-il pas à ce que vous appelez une bataille boursière ? Les batailles boursières sont toujours justifiées, au moins par ceux qui les engagent, par de bonnes raisons économiques, par la volonté de développer les actifs de telle entreprise par rapport à telle autre, par la conquête de marchés. Les gestionnaires des fonds de placement, qui posséderont des actions - et donc des pouvoirs de vote - interviendront dans la détermination des objectifs de ces entreprises...
M. Philippe Marini, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ils seront d'ailleurs souvent en contradiction. Devront-ils raisonner à partir de leur qualité d'actionnaire, en fonction de l'intérêt de l'investisseur ou de celui des bénéficiaires ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Des bénéficiaires !
M. Jean-Luc Mélenchon. Bref, je mets cette question de côté.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous en reparlerons !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il ne reste plus qu'à le souhaiter et à demander le concours de la religion et de la bonne volonté...
M. Philippe Marini, rapporteur. Non !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... pour que les hommes et les femmes qui seront à la tête de moyens pareils y renoncent par grandeur d'âme, car tout le monde sait à quel point le capitalisme financier, depuis des années, s'est distingué par son souci et son respect du droit des individus...
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est à la loi de fixer le bon cadre. Cela relève de notre responsabilité !
M. Jean-Luc Mélenchon. La question est posée. En attendant, les fonds de pension américains, qui sont si puissants, sont vivement encouragés à exercer leur droit de vote dans les entreprises dans lesquelles ils détiennent des actions.
Dès lors qu'une entreprise a eu besoin de collecter des fonds de toutes parts et qu'aucun actionnaire n'est suffisamment majoritaire pour empêcher les risques que génère une dispersion des fonds, ce sont les 10 % ou 20 % des fonds de pension qui font la loi.
C'est exactement ce qui s'est passé aux Etats-Unis et dans plusieurs régions du monde où les gestionnaires de fonds de placement ont été jusqu'à choisir les dirigeants de l'entreprise, et on compte déjà cinq ou six grands présidents-directeurs généraux qui ont été licenciés par ces mêmes gestionnaires.
Je n'aurai pas une larme pour eux ! Je veux seulement souligner le pouvoir accumulé qui va ainsi se déposer sur la structure du capitalisme français.
Si vous adhérez à cette idée - et, après tout, pourquoi ne le feriez-vous pas ? - nous sommes très inquiets sur les conséquences qui peuvent en résulter sur la capacité pour notre pays, nos assemblées et notre République de maîtriser le développement économique de notre patrie.
Mes chers collègues, trouverez-vous demain plus conforme à vos goûts la face anonyme du gestionnaire du fonds de pension ? Cette situation vous tirera-t-elle moins de larmes que les prétendues ingérences de l'Etat républicain dans l'économie ?
Au demeurant, d'après quelles normes prendraient-ils des décisions ? Vous le dites vous-même et vous en aggravez la conséquence : il est prévu d'afficher obligatoirement la performance annuelle. A priori, il n'y a rien à dire contre cette mesure : autant savoir ce que font les gens. Mais vous en connaissez la conséquence et on la constate déjà à l'étranger.
Vous aurez donc des gestionnaires de fonds de placement l'oeil rivé sur les résultats trimestriels des entreprises et qui exigeront, parce que c'est leur métier, que la performance financière soit trimestrielle, faute de quoi les fonds de pension plieront armes et bagages et s'en iront un peu plus loin.
La meilleure preuve est que la durée moyenne de la détention d'une action possédée par un fonds de pension est de sept mois, mes chers collègues. Voilà le « court termisme » dans toute sa splendeur instauré au rang d'institution dont nous allons conforter l'influence sur l'action et la gestion économique de notre pays !
Il me reste quelques instants pour poser les questions que vous ne posez pas.
Tout d'abord, quelle est la justification morale et politique de cette dépossession de l'Etat, car, en vérité, c'est de cela qu'il s'agit ? Quand on prend des mesures d'allégement fiscal en faveur d'un fonds de pension, c'est de l'épargne disponible - on va l'appeler ainsi ! - de l'Etat que l'on transfère à la société privée.
Quelle est la justification morale de telles dispositions ?
La préservation du système des retraites ? Personne ici n'est capable de démontrer que, à coup sûr, le système de retraite serait ruiné par la proportion inactifs-actifs. En effet, si nous connaissons la proportion des inactifs qui s'annonce, personne ne peut dire, en termes économiques, que la proportion des actifs ne va pas s'accroître ! Or c'est l'unique raison qui est invoquée ! En attendant, au nom de quoi procéderait-on à cette dépossession de l'Etat ?
Tout à l'heure, mon collègue M. Autain a bien précisé ce que nous ferons si les Français nous confient de nouveau le destin du pays. Nous connaissons la manière sûre d'assassiner ces fonds de pension ; nous ferons comme les Néo-Zélandais : nous supprimerons l'avantage fiscal et, tout aussitôt, ils s'effondreront. C'est bien la preuve que ces fonds n'ont aucun autre moteur que ce transfert de l'Etat à la société privée !
M. Claude Estier. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. En effet, dès que l'on supprime l'avantage fiscal, adieu les beaux discours et tout ce que nous avons entendu sur l'épargne de précaution et le reste ! C'est ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande, dès que l'on a commencé à taxer les bénéfices et les transferts...
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous demande de conclure !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je conclus, monsieur le président.
Il me reste à vous demander, simplement pour l'anecdote, quelle peut bien être la justification morale du prélèvement que vous allez autoriser, au profit des sociétés financières, des compagnies d'assurance et des banques, sur l'épargne retraite que constitueront les gens, fort laborieusement, toute leur vie : 3 % au moins, 5 % à 15 %, parfois 20 % pour les cotisations et 0,5 % à 2 % sur les épargnes accumulées. Quelle est la justification de cet enrichissement ?
Le Premier ministre Harold Wilson a été le premier à percevoir la puissance des fonds de pension. Il disait fort justement, en 1979 : « Le développement des caisses de retraite au cours et depuis le milieu de l'année 1970 a engendré la plus grande révolution de la sphère financière britannique au cours du XXe siècle ». D'une manière tout à fait surprenante, ce fait est passé presque inaperçu des commentateurs politiques et financiers.
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous prie de conclure sur cette citation !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nos collègues ont compris qu'un fait tout à fait fondateur est à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
Quant à nous, vous savez pourquoi nous nous opposons à cette proposition de loi. Vous saurez, demain, pourquoi nous changerons tout ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai, comme chacun ici, mon petit recueil de citations.
M. Jean-Luc Mélenchon. Pas moi !
M. Philippe Marini, rapporteur. Ces citations varient au fil des années, selon que leurs auteurs se trouvent dans l'opposition ou au gouvernement. Je reconnais que certains ont de la constance dans leur attitude et qu'ils suivent une ligne idéologique. Il ne s'agit pas de ma part d'une critique, croyez-le bien !
L'orateur qui s'est exprimé voilà un instant à la tribune a déclaré tout récemment, sur une radio, que le Sénat était « le cul-de-basse-fosse de la réaction ». Je ne sais pas s'il se considérait comme sénateur en disant cela, mais, lorsqu'on en arrive à de tels excès, les autres sont conduits à pondérer quelque peu les propos qui sont tenus à la tribune.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je prépare ma retraite !
M. Philippe Marini, rapporteur. A cet effet, j'ai sous les yeux quelques citations d'autres socialistes quand ils étaient au gouvernement.
Tout à l'heure, notre collègue M. Massion pensait que j'allais évoquer Pierre Bérégovoy lorsque, au début de l'année 1993, il évoquait, de façon intéressante, un système « gagé sur les actifs publics ». Il s'agissait d'une démarche concevable dans l'esprit de l'époque, mais les citations que je ferai sont bien antérieures.
En janvier 1991, sur Europe 1, Pierre Bérégovoy avait déclaré : « La retraite par capitalisation, je suis pour », en s'empressant d'ajouter : « s'il s'agit d'un complément ».
Quelques jours après, le Premier ministre de l'époque, M. Michel Rocard, avait reconnu que le ministre de l'économie « avait eu raison de soulever ce point, puisque ce serait là un moyen de développer l'épargne longue dont notre économie a besoin ».
Notre excellent collègue Alain Richard, alors rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, avait par ailleurs ajouté qu'il n'était pas opposé aux fonds de pension, mais il avait préconisé qu'ils concernent « toute une branche et non une seule entreprise, pour ne pas pénaliser les PME ».
A la vérité, je vois beaucoup de ressemblance entre les propos qui étaient tenus par les gouvernants d'alors et la proposition qui nous est faite par la majorité de l'Assemblée nationale, soutenue par l'actuel gouvernement.
Il ne faut pas exagérer dans l'exacerbation des différences. Même M. François Hollande, qui est maintenant porte-parole du parti socialiste, «avait fait dans une interview à une revue professionnelle, si je ne me trompe probablement un peu capitaliste et intitulée Assurer, l'éloge, le 15 février 1993, de l'épargne à long terme et, dans une certaine mesure, du recours à la capitalisation.
M. Claude Estier. Il ne s'agissait pas de la même chose !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je cite ses propos : « Il nous faut impérativement encourager l'acte d'épargne en lui-même et non pas tel ou tel placement et proportionner les aides fiscales à la durée et à la stabilité de l'épargne. »
Que faisons-nous ici ? Effectivement, nous prenons des mesures d'incitation fiscale. Pour quelle raison ? Parce que nous demandons à des épargnants de renoncer à la liquidité pendant quinze à quarante ans. C'est exactement le cas de figure qui était visé par M. François Hollande, lequel raisonne bien de temps en temps, mais raisonne encore mieux quand il a l'esprit de responsabilité d'un membre de parti de gouvernement et quand il n'essaie pas de faire de la démagogie à tout bout de champ ! Naturellement je tiens ces citations à votre disposition, mes chers collègues.
Il faut éviter de trop exagérer dans ce débat. Ce que nous proposons, c'est un système « surcomplémentaire » : il diffère fonds de pension britanniques, qui couvrent l'ensemble de la protection du risque vieillesse. Ce n'est pas du tout le même gisement potentiel ! Certes, nous sommes dans une économie de marché, voire dans une économie de marché financier, dans une Europe - on peut le souhaiter ou le regretter selon sa position politique - qui se construit. Cette économie de marché financier est la seule réalité !
Je voudrais bien que l'on me montre un autre modèle ! Où existe-t-il un autre modèle que cette économie de marché financier ?
Certes, il y peut-être encore quelques adeptes attardés du Gosplan (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicains et citoyen.) mais, en dehors du système soviétique qui a été appliqué pendant soixante-dix ou quatre-vingts ans - certes, il avait sa cohérence intellectuellement parlant, mais il a conduit aux pires excès, chacun le sait - il n'existe pas autre chose que l'économie de marché, donc l'économie de marchés financier.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, bien entendu, la majorité de la commission des finances a conclu au rejet de la motion n° 1 qui a été présentée par M. Mélenchon.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. M. le rapporteur a très bien expliqué les raisons pour lesquelles cette motion tendant à opposer la question préalable ne se justifiait pas.
Je souhaite reprendre quelques points.
Tout à l'heure, M. Autain, puis M. Mélenchon, au travers de sa question préalable, ont affirmé qu'il n'y avait pas urgence à ce que le Sénat se saisisse d'un tel texte.
Nous savons, chacun en convient, que cette proposition de loi présente deux aspects : l'un est d'ordre financier, l'autre a trait à la retraite.
En ce qui concerne la retraite, est-ce à dire qu'aucun problème ne se pose en ce domaine et que nos régimes de retraite par répartition sont satisfaisants ? Sont-ils en mesure d'améliorer leurs prestations dans les cinq ou dix ans à venir ?
S'agissant de l'aspect financier de la proposition de loi, aujourd'hui, en pratique, qui finance les déficits de l'Etat français ? M. Mélenchon a répondu à la question : ce sont en grande partie des épargnants américains ou japonais, au travers des fonds de pension !
Qui finance les déficits passés de la sécurité sociale par le biais de la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, au moyens d'emprunts qui ont été placés sur le marché international la semaine dernière ? Les épargnants américains et japonais, au travers des fonds de pension !
Qui peut, du jour au lendemain, s'emparer de n'importe quelle grande entreprise française ? Les fonds de pension américains ou japonais !
M. Mélenchon désigne les fonds de pension comme le diable, l'horreur. Comme le disait très justement M. le rapporteur, nous baignons dans une économie internationale dominée par cette énorme sphère financière. Dès lors que ni nous ni personne n'avons les moyens de nous en extraire - d'ailleurs, aucuns pays n'imagine même comment s'en dégager - nous proposons de créer des fonds de pension français !
M. Mélenchon, vous êtes un patriote. Nous aussi ! Ce qui est surprenant, c'est que, nonobstant votre patrimoine, vous acceptiez - comment faire autrement ? - l'existence de fonds de pension américain et japonais. Comme nous, force vous est de constater le pouvoir dont ils peuvent disposer à l'égard de l'économie française. Pourtant, vous refusez de doter la France d'outils financiers comparables, outils qui seront d'ailleurs malheureusement bien modestes pendant les premières années. En effet, si nous parvenons à collecter ainsi quelques dizaines de milliards, voire quelques petites centaines de milliards de francs dans les cinq ans à venir, ce sera considérable ! Je rappelle que les seules compagnies d'assurances françaises gèrent aujourd'hui 2 500 milliards de francs d'actifs. Voilà qui ramène le problème à ses véritables dimensions !
En ce qui concerne les retraites, c'est M. Michel Rocard, alors Premier ministre, qui, en 1990, avait ouvert un certain nombre de « chantiers », comme il les appelait, et il avait eu raison de le faire. Il avait notamment ouvert le grand chantier de l'avenir des systèmes de retraite par répartition. Mais une fois qu'il l'a ouvert, il l'a refermé ! Où en sommes-nous ? En 1993, nous avons réformé le régime général de retraite de la sécurité sociale. Mais nous en sommes toujours au même point s'agissant des régimes spéciaux ! Ces derniers temps, nous avons constaté que l'avancement de l'âge de la retraite, de la préretraite ou de la cessation d'activité gagnait du terrain. Nous savons bien que, si nous continuons dans cette direction, nous nous engageons dans une voie suicidaire !
Tout à l'heure, M. Loridant ou M. Autain avaient bien raison de poser la question : qui peut prédire quel sera le cours de la Bourse en 2010 ? Personne, naturellement ! En revanche, il est une chose que l'on peut prédire très facilement - sauf, curieusement, M. Mélenchon -, c'est l'évolution démographique d'ici à 2010 et le rapport entre les cotisants et les bénéficiaires de retraites ; ces données chiffrées figuraient d'ailleurs dans le rapport de M. Rocard.
Nous serions gravement coupables à l'égard des prochaines générations si nous étions dans l'incapacité de mettre sur pied des mécanismes qui leur garantissent des niveaux de retraite au moins égaux à ceux dont bénéficient les retraités d'aujourd'hui.
Cela signifie qu'il faut, d'abord, sauver le régime de retraite par répartition. Nous sommes tous d'accord, sur l'ensemble de ces travées et dans toute la classe politique française, pour considérer que la retraite par répartition doit demeurer la base de notre système de retraite - c'est la priorité des priorités ! - avec un régime de base obligatoire et des régimes complémentaires obligatoires.
Toutefois, cela restera insuffisant en raison de l'évolution démographique. Par conséquent, nous nous devons de proposer à tous les Français, en commerçant par tous les salariés, de façon facultative - ce n'est pas une obligation ! - un troisième étage de retraite « surcomplémentaire ». Tel est l'esprit de cette proposition de loi.
Bien sûr, on peut faire comme M. Rocard en 1990 et dire, après avoir ouvert le dossier : après tout, cela ne concerne que nos enfants ou nos petits-enfants ; je m'en lave les mains ! Eh bien non ! le Gouvernement, la majorité de l'Assemblée nationale et la majorité du Sénat n'ont pas l'intention de s'en laver les mains ! Ils considèrent que les décisions doivent être prises maintenant. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Une motion tendant à opposer la question préalable vise à demander à la Haute Assemblée de décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur un texte, au motif que le dossier n'a pas été étudié au fond, et donc que l'examen du texte n'est pas opportun.
Monsieur le ministre, vous avez conclu votre intervention en disant que nous étions tous d'accord pour sauver le système de retraite par répartition, qu'il s'agisse de la sécurité sociale ou des retraites complémentaires obligatoires, l'AGIRC et l'ARRCO. Vous avez donc, vous, l'assurance que cette proposition de loi relative à l'épargne retraite ne mettra pas en cause l'équilibre des finances de la sécurité sociale. Aussi pouvez-vous prendre de nouveau la parole pour dire : le groupe communiste républicain et citoyen a tort de voter cette motion tendant à opposer la question préalable car, moi, j'affirme devant la Haute Assemblée, et donc devant l'ensemble du pays, que cette proposition de loi ne viendra pas mettre en cause l'équilibre des finances de la sécurité sociale, ni réduire l'assiette des cotisations. Or vous savez bien que c'est faux...
M. François Autain. Absolument !
M. Paul Loridant. ... puisque, précisément, l'article 26 est en quelque sorte du « poil à gratter » pour nos collègues de la commission des affaires sociales.
M. François Autain. C'est vrai !
M. Paul Loridant. Par ailleurs, au printemps dernier, est intervenu, à la suite de discussions entre partenaires sociaux, un accord très important sur l'équilibre des caisses de retraite complémentaire obligatoire pour les cadres relevant de l'AGIRC et pour les non-cadres relevant de l'ARRCO.
Lors de ces discussions s'est posé le problème de l'équilibre de ces caisses de retraite par répartition, la nécessité de ne pas trop augmenter les cotisations et d'assurer des prestations aux retraités actuels ou futurs. Tout cela s'est traduit par l'annonce d'augmentations sensibles des cotisations, notamment pour les salariés nouvellement recrutés et affiliés à ces caisses.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que la présente proposition de loi ne mettra pas en cause l'équilibre de l'AGIRC et de l'ARRCO ? Je rappelle que ces deux organismes ont protesté vigoureusement. Ils ont affirmé que ce texte en son état actuel allait mettre en cause l'assiette des cotisations versées. Aussi, ils se sont prononcés contre cette proposition de loi.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire que ce texte n'est pas dangereux pour l'équilibre des finances de la sécurité sociale et pour les caisses de retraite ! Dans ces conditions, le groupe communiste républicain et citoyen votera la motion tendant à opposer la question préalable.
M. François Autain. Très bien !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je voudrais rassurer M. Loridant, sans prétendre changer son vote à ce point de la discussion.
En l'occurrence, M. Loridant pose de bonnes questions,...
M. François Autain. Ah !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est bien !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. ... des questions que nous devons nous poser à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi.
J'ai dit tout à l'heure que nous étions tous favorables au maintien, et donc au renforcement de la consolidation des régimes de retraite par répartition. Nous devons avoir l'assurance que le texte que nous examinons aujourd'hui améliore les systèmes de retraite en vigueur, et ne leur porte donc pas préjudice. C'est le débat. Mais, pour que celui-ci ait lieu, il faut examiner le texte. C'est pourquoi le Sénat doit rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.
Tout à l'heure, notamment lors de l'examen de l'article 26, nous pourrons rechercher des solutions peut-être plus satisfaisantes que celles qui émanent de l'Assemblée nationale, qui vont dans le sens des préoccupations que vous avez exprimées et des préoccupations exprimées et transformées en amendement par la commission des affaires sociales.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Sans vouloir prolonger un débat qui, de toute façon, va prendre sa place au moment de la discussion des articles et des amendements qui s'y rapportent, je voudrais juste dire un mot à notre collègue M. Marini qui, lui non plus, n'est pas avare de caricatures : cher monsieur Marini, entre le Gosplan et le Stock Exchange, il y a la République et la France.
M. Paul Loridant. Ça, c'est du Chevènement !
M. Jean-Luc Mélenchon. La République, c'est-à-dire la volonté de faire entrer dans l'arène économique la délibération collective citoyenne, et la France, c'est-à-dire les moyens de la puissance pour que nous ne soyons plus ou pas dans la situation qu'a décrite, avec une franchise que je veux saluer, M. Lamassoure voilà un instant. En effet, si la seule réplique que l'on peut opposer à l'idée de la mise en tutelle des principaux leviers économiques du pays, et même d'une partie de l'Etat, par les fonds de placement, c'est de concourir, à notre tour, à cette orgie universelle, j'estime que c'est bien peu et, en tout cas, que cela ne correspond pas à l'idéal républicain. Il faudrait rechercher d'autres voies. La réponse qu'a fournie M. le ministre à mon collègue et ami Paul Loridant ne règle aucun des problèmes posés. La discussion va, bien sûr, avoir lieu.
Toutefois, je voudrais souligner devant notre assemblée ce qui vient d'être dit une fois de plus : le régime par répartition que nous voulons tous sauver est en danger, donc on crée une retraite surcomplémentaire. Non ! le « donc » est de trop ; il ne permettra de répondre qu'à une partie des problèmes, à ceux que rencontrent certaines catégories sociales. Pour le reste, ce que vous êtes en train d'annoncer, et au nom de quoi vous demandez qu'il y ait une retraite surcomplémentaire, c'est que les prestations du régime de retraite par répartition en son état actuel sont, selon vous, condamnées à baisser. La réponse à apporter, c'est donc de savoir comment on peut faire pour qu'il n'en soit pas ainsi, et non pas de s'en accommoder...
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Il faut faire enfants, c'est la seule solution !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... et d'inventer des dispositifs pour venir couvrir, grâce à la sphère financière, la catastrophe de notre impuissance...
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. C'est le cas de le dire ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. ... à gérer l'avenir, parce que ce n'est que de cela qu'il s'agit : on s'en remet à la sphère financière du fait qu'on ne sait ni quoi dire ni quoi faire et on espère que la main invisible du marché voudra bien détrousser les uns au profit des autres, à la place du système que nous avions organisé jusqu'à présent.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Notre collègue M. Mélenchon vient de dire que la discussion devait commencer. Si j'en crois les documents qui nous ont été remis, les membres de son groupe et lui-même ont déposé un certain nombre d'amendements pour s'efforcer, ensemble, si je comprends bien, d'améliorer le texte. Le moment est venu d'engager le débat au fond. Il convient donc de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. Tel est le sentiment de notre groupe.
Nous n'avons pas eu droit à un plaidoyer flamboyant : c'était en fait une critique forcenée de toute la politique financière des gouvernements socialistes au cours des quinze dernières années,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ecoutez !
M. Jean-Philippe Lachenaud. ... c'était un extraordinaire tissu de contradictions entre leaders socialistes.
M. Jean-Luc Mélenchon. Laissez cela à d'autres !
M. Philippe Marini, rapporteur. La vérité blesse !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si vous voulez adhérer au parti socialiste de 1983, faites-le !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Cher collègue Mélenchon, je ne vous ai pas interrompu pendant votre discours !
Il s'agissait donc, comme l'a souligné tout à l'heure notre collègue M. Marini, de contradictions entre les leaders socialistes sur cette question fondamentale.
M. Claude Estier. Et vous, vous ne vous êtes jamais contredits ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. La vérité vous choquerait-elle ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Quelle vérité ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Les contradictions sont réelles, et les citations faires tout à l'heure par notre collègue M. Marini le montrent.
M. Jean-Luc Mélenchon. A treize ans de distance ! Enfin !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Une politique monétaire et fiscale ne se conduit pas par des effets de manche et de tribune, et tout particulièrement au Sénat.
Le dernier point que j'ai relevé dans l'exposé fait tout à l'heure par notre collègue Mélenchon, c'est l'éclairage jeté sur le programme socialiste et la politique financière, monétaire et fiscale qu'il annonce. Je crois que cela mérite réflexion !
C'est ce qui nous conduit aujourd'hui, reprenant ce que vous avez indiqué tout à l'heure, à dire : nous sommes la majorité dans cette assemblée. Au nom du groupe des Républicains et Indépendants, je confirme que nous voterons contre cette motion tendant à opposer la question préalable, et je demande pour cela un scrutin public. (M. le rapporteur applaudit.)
M. René Ballayer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ballayer.
M. René Ballayer. Je souhaiterais simplement faire remarquer que, lorsqu'on a créé la sécurité sociale, il y avait quatre actifs pour un retraité...
M. Philippe Marini, rapporteur. Oui !
M. René Ballayer. Dans quelques années - je dis bien dans quelques années, c'est-à-dire dans sept ou huit ans et peut-être même avant - il y aura un actif pour un retraité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si ça continue, il y aura surtout beaucoup de chômeurs !
M. René Ballayer. Alors, on peut dire : après nous le déluge ! C'est ce qui a été fait jusqu'à présent.
Je considère que le Gouvernement a beaucoup de mérite de soutenir une telle proposition de loi. Il s'agit d'une preuve de solidarité entre les générations. C'est pourquoi je ne comprends pas que ce texte ne fasse pas l'unanimité.
Pour ce qui le concerne, le groupe de l'Union centriste soutiendra sans état d'âme cette proposition de loi, et votera donc contre la motion.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Quelle retraite auront ceux qui ne pourront pas épargner ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission, l'autre, du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 56:
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 89 |
Contre | 227 |
Demande de renvoi à la commission