M. le président. « Art. 23. _ Les engagements réglementés des fonds d'épargne retraite peuvent être représentés, à concurrence de 10 pour cent et dans la limite de 1 pour cent par émetteur, par des actions, parts ou droits émis par une société commerciale et non admis à la négociation sur un marché réglementé ainsi que par des parts de fonds communs de placement à risques du chapitre IV de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et de fonds communs de placement dans l'innovation prévus par l'article 70 de la loi de finances pour 1997 (n° du ). »
Sur l'article, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet article 23 prévoit, pour les fonds de pension, la faculté de souscrire, à hauteur de 10 % de leurs actifs, des parts ou actions de sociétés non cotées et des parts de fonds commun de placement à risques. Nous sommes là au coeur du dispositif, car il s'agit bien de la sécurité, monsieur Chérioux. Souscrire des actions non cotées, c'est faire prendre des risques aux fonds de pension.
C'est, pour nous, une disposition à double tranchant. On pourrait presque souhaiter que les dispositions de l'article 23 soient scindées en deux : d'une part, les engagements auprès des sociétés non cotées et, d'autre part, les engagements auprès des sociétés de fonds communs de placement à risques.
Dans notre esprit, cet article peut créer des situations difficiles. On connaît le faible niveau de la capitalisation boursière dans notre pays, et favoriser les actions peut avoir comme contrepartie d'accroître le risque.
J'ajoute qu'en permettant l'acquisition d'actions de sociétés non cotées on ouvre vraisemblablement la possibilité - c'est ainsi que je lis cet article - pour les gestionnaires de souscrire des actions d'entreprises qui ont ouvert des plans d'épargne retraite. Aussi, quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre, afin que la sécurité des adhérents soit absolument garantie ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 96, MM. Massion, Autain, Mélenchon et Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer l'article 23.
Par amendement n° 31, M. Marini, au nom de la commission, propose, avant le texte de l'article 23, d'ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« Les engagements réglementés des fonds d'épargne retraite ne peuvent excéder 5 % pour l'ensemble des valeurs émises et des prêts obtenus par une même société, ou par des sociétés appartenant à un même groupe. Aucune dérogation à cette règle n'est admise. »
Par amendement n° 32, M. Marini, au nom de la commission, propose, au début de l'article 23, de remplacer le taux : « 1 % » par le taux : « 0,5 % ».
Par amendement n° 44, MM. Ostermann et Jourdain proposent de compléter in fine l'article 23 par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent également être représentés, à concurrence de 20 % au plus, par l'ensemble des valeurs mentionnées aux 10°, 11° et 12° du C de l'article R. 332-2 du code des assurances. »
La parole est à M. Massion, pour présenter l'amendement n° 96.
M. Marc Massion. Cet amendement vise à supprimer l'article 23. Il s'agit une fois encore de dispositions qui ne correspondent pas aux principes d'une gestion prudente. De plus, cet article est contraire aux directives communautaires relatives à l'assurance et il ne répond pas à notre souci constant de privilégier les intérêts des affiliés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 31 et 32.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit de deux amendements importants relatifs à la dispersion des risques et dont j'ai indiqué le principe lors de mon intervention dans la discussion générale. Le premier concerne les investissements en valeurs de sociétés cotées sur un marché et le second les investissements en valeurs de sociétés non cotées ou sociétés « fermées ».
A l'heure actuelle, le code des assurances, auquel on se réfère, prévoit une limite de 5 % au maximum par émetteur, c'est-à-dire un seul risque de signature, mais avec une possibilité de dérogation conduisant à monter à 10 %, cette dérogation étant susceptible d'être utilisée quatre fois, pour aboutir à 40 % du portefeuille.
En ce qui concerne les fonds des futurs retraités, la commission vous demande, mes chers collègues, de ne pas accorder cette dérogation, d'en exclure le principe pour des raisons de prudence, et de n'admettre en aucun cas qu'une valeur émise par un émetteur déterminé puisse représenter plus de 5 % des actifs.
Au sein du monde des entreprises, certains ne sont pas d'accord avec nous. Nous le comprenons, car ce sont les mêmes qui défendaient il n'y a pas si longtemps la gestion interne des fonds de pension sous forme de provisions dans le bilan de l'entreprise. Ils recherchent maintenant, par le moyen de cette dérogation, les mêmes effets, c'est-à-dire des financements supplémentaires de l'entreprise ou de son groupe grâce à l'épargne investie par les salariés.
Il ne faut pas confondre les genres : l'épargne des salariés est une épargne à long et à très long terme qui doit être gérée dans le respect de toutes les normes prudentielles. Nous ne pouvons en effet prendre le risque de défaillance de fonds de pension. Ce serait tout à fait désastreux et pour le climat social dans l'entreprise et pour l'image que ces fonds véhiculent dans notre pays.
C'est pourquoi la commission considère que la règle prudentielle doit être plus stricte qu'en matière d'assurance-vie et que l'on doit en rester au maximum de 5 % par émetteur.
Au demeurant, et c'est le dernier point, cette règle prudentielle est précisément celle qui a été adoptée par les Britanniques pour tirer les conséquences de l'affaire Maxwell, qui a déjà été évoquée par plusieurs de nos collègues.
L'amendement n° 32 n'est que l'image de l'amendement n° 31 en ce qui concerne le secteur non coté. Certes, nous sommes très favorables au financement des fonds propres des PME, au capital-développement, etc. Mais quelle est la situation du secteur non coté au regard du code des assurances ? Celui-ci prévoit que les titres de cette nature ne peuvent représenter plus de 5 % du portefeuille, dans la limite de 0,5 % par émetteur, ce qui signifie que l'on peut additionner dix lignes de 0,5 %.
Selon le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Thomas - et c'est le seul point sur lequel nous divergeons, je le précise pour que vous puissiez, mes chers collègues, vous déterminer en votre âme et conscience - une ligne peut représenter jusqu'à 1 % du portefeuille et on peut en avoir dix, ce qui représenterait 10 % du portefeuille, et non plus 5 %.
Pour essayer de trouver un dénominateur commun entre nos positions respectives, je propose par cet amendement une voie médiane : d'accord pour aller jusqu'à 10 % des actifs, mais redescendons à 0,5 % la limite s'appliquant à un seul émetteur.
Dans le rapport, nous indiquons que le capital-développement est par nature risqué. Il ne pourra vraiment trouver son financement dans les fonds de pension qu'à partir du moment où les actifs seront substantiellement importants.
En effet, un tout petit pourcentage sur une assiette considérable, cela représente beaucoup d'argent. Très souvent, on lit, dans la presse financière ou dans les commentaires concernant les Etats-Unis, que, grâce aux fonds de pension, les PME américaines se développent de façon extraordinaire. C'est vrai. Toutefois, le taux de placement des actifs en valeurs non cotées dans les fonds de pension aux Etats-Unis, ce sont 2 ou 3 % d'une énorme masse. Bien entendu, ces fonds de pension respectent la division des risques, la dispersion des actifs, et, en même temps, ils disposent d'un levier puissant pour le financement de l'économie. Nous, nous en sommes encore bien loin. Nous commençons tout a fait timidement. Soyons très vigilants à l'égard de ce qui pourrait constituer les maladies de jeunesse des fonds d'épargne retraite.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 96.
M. le président. L'amendement n° 44 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 96, 31 et 32 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 96.
S'agissant des amendements n°s 31 et 32, M. le rapporteur a expliqué les raisons pour lesquelles il lui paraissait nécessaire de prévoir en la matière des règles de prudence plus strictes que celles qui figurent dans le code des assurances.
L'amendement n° 31 vise à supprimer la dérogation à la règle de 5 % par ligne de titres côtés de la directive sur l'assurance. L'amendement n° 32 tend à réduire de 1 % à 0,5 % le montant maximal d'actifs admissibles par ligne de titres non côtés.
Cette seconde disposition aurait présenté l'inconvénient d'être relativement pénalisante pour les fonds propres des petites et moyennes entreprises. Mais, à partir du moment où M. le rapporteur maintient la possibilité d'aller jusqu'à 10 %, il trouve, à mon avis, un bon compromis entre le souci de préserver les intérêts des adhérents par les règles prudentielles et le souhait d'aider, à travers les fonds de pension, à améliorer les fonds propres des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises.
Par conséquent, le Gouvernement, comprenant la préoccupation exprimée par M. le rapporteur, s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 31 et 32.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 96, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)

CHAPITRE V

Dispositions financières

Article 24