M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l'épargne retraite, dont le Sénat vient d'achever l'examen, constitue, à l'évidence, un élément essentiel de la politique de réforme mise en place par le Gouvernement dans le cadre fixé par M. le Président de la République.
Les fonds d'épargne retraite créés par ce texte constituent, à n'en pas douter, comme l'a excellemment dit M. le rapporteur, un réel instrument de dialogue.
Nous tenons à féliciter le rapporteur de la commission des finances, M. Philippe Marini, de ses travaux, qui ont permis à notre assemblée d'examiner cette proposition de loi dans les meilleures conditions, pour qu'une réflexion approfondie soit menée.
Nous nous félicitons que le Sénat ait pu enfin examiner ce texte, qui répond à une attente importante de l'ensemble de nos concitoyens.
On peut d'ailleurs s'étonner de la réaction manifestée par le groupe socialiste lors du présent débat. Je tiens à rappeler quelques prises de position de personnes qui, c'est le moins que l'on puisse dire, sont loin de soutenir la politique du Gouvernement. Le porte-parole du parti socialiste ne déclarait-il pas que « l'épargne retraite est une idée à étudier et à développer » ? En 1991, dans le livre blanc, qui, décidément, est une véritable mine de tout ce qu'il fallait faire, mais que vous n'avez pas fait, chers collègues de gauche, M. Michel Rocard écrivait : « La mise en place de fonds d'épargne collective mérite probablement un examen plus attentif. »
Je rappellerai enfin qu'un ancien ministre socialiste des affaires sociales est aujourd'hui à la tête de la mutuelle-retraite des institutions et des fonctionnaires de l'éducation nationale, qui est l'un des deux systèmes de retraite par capitalisation existant actuellement, le second étant, bien entendu, la prévoyance des fonctionnaires.
Même si, pour ce dernier système de retraite par capitalisation, le nombre d'adhérents est peu important, il existe, et il n'y a aucune raison que des systèmes équivalents ne puissent pas être ouverts à l'ensemble de la population, afin que de tels systèmes ne soient pas réservés aux seuls fonctionnaires.
Mais, c'est la position inverse qui a été défendue par l'opposition depuis le début de ce débat.
Je tiens à appeler l'attention du Sénat sur un point très important qui rend la mise en place des fonds de pension plus nécessaire que jamais. Actuellement, le seul dispositif mis à la disposition de nos compatriotes pour épargner en vue de leur retraite est l'assurance-vie. Or - force est de constater que l'assurance vie ne procède d'aucune façon - et ne procédera jamais - d'une quelconque négociation collective.
Le texte de la proposition de loi tel qu'il résulte de nos travaux prend en compte toute la volonté de nos compatriotes de pouvoir s'assurer un complément de retraite, mais aussi la volonté unanime de la collectivité nationale de ne pas remettre en cause les régimes actuels de retraite, et en aucun cas de se substituer à eux. L'objectif est de compléter les régimes par répartition. Ceux qui veulent faire croire qu'il y a une volonté de remplacement des uns par les autres ne disent pas la vérité !
Le système par répartition, prolongé par les retraites complémentaires doit rester et restera le fondement de la solidarité entre les générations.
En fait, la mise en place des fonds de pension permettra à la France d'être l'un des pays les mieux lotis en matière de retraite. Par ailleurs, les entreprises verront leurs fonds propres se renforcer grâce à la réorientation de l'épargne. Ainsi seront mobilisés les fonds nécessaires aux entreprises pour créer des emplois.
Monsieur le ministre, nous n'oublions pas que l'équilibre des régimes de répartition ne sera possible que si les entreprises procèdent à des embauches.
Nous souscrivons sans réserve à la volonté manifestée par la commission des finances de mettre en place des dispositifs d'épargne retraite qui revêtent certaines qualités essentielles : l'équité, la prudence, la transparence, la concurrence et l'efficacité.
Le texte adopté par notre assemblée sur l'article 6 relatif aux modalités de souscription d'un plan d'épargne retraite a permis de trouver un parfait équilibre entre les préoccupations exprimées respectivement par la commission des finances et par la commission des affaires sociales.
Le mécanisme issu de cet article est clair, simple et stable, et l'équilibre financier de l'accord est respecté.
Enfin, s'agissant des débats que nous avons eus sur l'article 26, nous ne pouvons que nous féliciter de la solution retenue, sur la suggestion de la commission des affaires sociales, par notre assemblée, et qui précise utilement que l'abondement apporté par l'employeur au fonds d'épargne retraite est traité selon le droit commun. Ainsi, les légitimes préoccupations exprimées par la commission des finances et par la commission des affaires sociales ont été prises en compte.
Cette proposition de loi est donc un texte fort, mettant en place un dispositif novateur pour les salariés du secteur privé.
Mais c'est aussi la mise en place d'un lieu privilégié de la négociation collective qui se fait jour.
Parce qu'il considère que le mécanisme des plans d'épargne retraite est essentiel pour l'avenir de notre système de retraite, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la première conclusion que l'on peut tirer de ce débat, pour le situer dans l'actualité, c'est que les fonds de pension qui vont capitaliser l'épargne retraite des salariés ne seront pas gérés par les partenaires sociaux, contrairement au souhait exprimé hier soir par M. le Président de la République, lors de son intervention télévisée.
Notre collègue M. Chérioux a fait référence à Michel Rocard.
M. Jean Chérioux. Eh oui, j'ai de bons auteurs !
M. Marc Massion. Je lui dirai que, dans les propositions de Michel Rocard, il était toujours question de fonds d'épargne collectifs, et non pas facultatifs, comme le prévoit la présente proposition de loi. Il y a plus qu'une nuance !
Dans tous les débats qui ont eu lieu depuis hier, c'est cet aspect collectif que nous avons mis en avant.
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas, vous vous en doutez bien, sur les raisons de fond pour lesquelles le groupe socialiste s'est opposé à la logique de ce texte, raisons que nous avons largement exposées à l'occasion de la discussion générale et lors de l'examen des amendements.
La discussion de cette proposition de loi dans cet hémicycle n'a pas - et c'est ce que nous craignions - répondu à nos attentes.
Bien au contraire, en refusant la quasi-totalité de nos amendements qui visaient à préciser le texte au profit des affiliés, dans le sens d'une justice, d'une protection et d'une information plus grandes, vous avez confirmé les inquiétudes que ce texte provoque ennous. C'est très dommageable pour les futurs affiliés.
Je regrette d'ailleurs au passage que vous vous soyez contentés de réponses laconiques et que vous n'ayez pas expliqué pourquoi certains de nos amendements n'étaient pas retenus. J'aurais en particulier aimé avoir une explication sur les amendements concernant les problèmes de réversion, notamment pour les enfants majeurs de moins de vingt-six ans en apprentissage ou poursuivant des études et pour les conjoints divorcés. Nous avons dû nous contenter d'un bref avis de la part de M. le rapporteur et de M. le ministre : « Défavorable » !
En résumé, le Sénat se dispose malheureusement à voter la mise en place d'un nouveau produit de retraite complémentaire qui vient conforter le troisième pilier de notre système de sécurité sociale et qui, parallèlement et en conséquence, ne pourra que porter un coup très sévère aux deux autres.
Dans ses modalités et au vu des réponses données tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, nous avons la confirmation que ce texte permettra la mise en place d'un produit de retraite très risqué pour les Français qui voudront et surtout qui pourront y souscrire. Le rejet de notre amendement, qui visait à interdire toute possibilité de recours dans les plans d'épargne retraite à des contrats libellés en unités de compte, est là pour le démontrer.
Ainsi, le titulaire encourra le risque de voir son employeur arrêter comme il l'entendra ses abondements et donc d'avoir à se constituer seul une retraite complémentaire, ce qui est, je le rappelle, impossible dans les régimes de retraite supplémentaire collectifs. Plus grave encore, les plans pouvant être constitués au moyen d'unités de compte, il y aura un risque réel pour le titulaire d'assumer la perte d'une partie substantielle de son capital. Il est grave que M. le rapporteur ait même déclaré que les plans seraient essentiellement constitués de cette manière.
Le nouveau produit dit « de retraite » s'apparente en fait plus à un nouveau produit bancaire qu'à autre chose. Je ne m'étonne pas que le Gouvernement ait refusé cet amendement, car les unités de compte s'inscrivent dans la logique du texte. Il me semble pourtant que cette affaire ne pourra que soulever l'inquiétude de la commission de contrôle des assurances, qui a eu quelques différends à ce sujet avec certaines compagnies.
Cette logique bancaire se retrouve d'ailleurs dans ce qui a été dit par M. le ministre en matière de revalorisation des rentes, lesquelles suivront également l'évolution des marchés.
C'est pourquoi, sur le fond, comme sur les modalités d'application de la loi, nous ne pourrons que rejeter avec fermeté ce texte, qui ne répond absolument pas aux préoccupations et aux difficultés grandissantes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de la discussion de cette proposition de loi portant sur les plans d'épargne retraite, je constate, non sans amertume, que les ambiguïtés et les dangers que soulevait le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale sont loin d'être levés.
En effet, nous sommes convaincus que les dérives potentielles des fonds d'épargne retraite, les risques qu'ils font courir au devenir de la protection sociale de base ou de la protection sociale complémentaire, non seulement ne sont pas levés, mais sont confirmés par les termes mêmes de ce débat.
Soyons clairs, mes chers collègues : nous avons eu, tout au long de cette discussion, une divergence fondamentale. Alors que, pour nous, ce texte touche aux retraites et à la question sociale, la plupart d'entre vous ont considéré qu'il concernait essentiellement le financement des entreprises.
Cette ambiguïté n'a pas été levée : on ne sait toujours pas exactement qui sont les vrais bénéficiaires des fonds de pension, désormais appelés « plans d'épargne retraite ».
Ces fonds génèrent-ils des revenus entrant dans la catégorie des salaires différés, à l'égal des prestations vieillesse obligatoires du régime général et des régimes complémentaires ?
Génèrent-ils des revenus d'épargne, ce qui devrait naturellement nous conduire à les traiter, au moins fiscalement, comme tels ?
Sont-ils générateurs de flux financiers et d'encours indispensables au financement et au développement d'entreprises, singulièrement des grands groupes à vocation internationale ?
Sont-ils un moyen de trouver un nouveau marché pour des entreprises spécialisées dans le financement - je pense aux assurances et aux banques ?
Nous inclinons à penser, mes chers collègues, que ce sont plutôt les deux dernières hypothèses qui ont sous-tendu la logique de ce texte.
Il convient d'observer, en effet, que les prestations servies par les fonds de pension privilégient la rente sur le capital. C'est en quelque sorte faire assumer un risque aux salariés futurs retraités puisque, a priori, une rente n'est pas revalorisée. Le risque est donc pris non par les entreprises ou les employeurs, mais par les futurs retraités.
Ces prestations ont aussi la particularité de ne pas être définies - c'était l'un de nos points de désaccord - ce qui signifie qu'elles seront étroitement soumises aux aléas de la conjoncture boursière - ces titres seront en effet essentiellement placés en Bourse - et, qu'elles constitueront ce sont d'abord et avant tout des placements risqués puisqu'il y aura également des titres non cotés.
Nous avons souligné que l'absence de règles d'indexation et de définition des prestations porte en germe des pertes de pouvoir d'achat qui seront assumées, je le répète encore, par les futurs retraités et non par les entreprises ou par les employeurs.
Il est donc à craindre que les fonds de pension ne soient un peu des fonds perdus - l'histoire économique et sociale de notre pays nous prouve malheureusement que c'est déjà arrivé - et que leur faible rentabilité ne conduise naturellement à la fin des fins à se retourner vers le régime général ou la solidarité nationale pour bénéficier d'une véritable assurance vieillesse. C'est d'ailleurs la situation qui prévaut actuellement dans l'Etat de Californie, avec le départ massif d'un certain nombre de retraités des fonds de pension.
Nous refusons clairement cette perspective, qui entame la logique des garanties collectives et qui aboutit à une précarisation de la situation des retraités de demain. Nous allons tout droit, avec ce troisième étage, vers des retraites à deux vitesses. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, je crains fort, mes chers collègues, que, en l'an 2015, des petits vieux ne soient obligés de faire des petits boulots pour survivre !
Nous refusons la logique individualiste et inégalitaire portée par ce texte. Nous refusons donc résolument cette proposition de loi, et nous vous donnons rendez-vous dans une quinzaine d'années pour vérifier que ce texte, finalement, n'aura fait qu'aggraver les inégalités au lieu de les combler.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Monsieur le président, je voudrais à mon tour, comme l'a fait M. le rapporteur, ainsi que les orateurs de la majorité, me réjouir de l'heureux aboutissement de notre discussion.
Ce texte est une initiative parlementaire : en effet, MM. Philippe Marini et Jean-Pierre Thomas, notamment, y ont beaucoup travaillé, respectivement au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale était perfectible, et le mérite des travaux du Sénat a été double.
Tout d'abord, la Haute Assemblée a veillé à préserver les deux objectifs équilibrés de cette réforme très importante : d'une part, offrir un troisième étage de retraite à l'ensemble des salariés et, d'autre part, mettre en place un instrument financier susceptible de renforcer les fonds propres de nos entreprises.
Par ailleurs, le Sénat a amélioré le texte dans deux domaines en particulier.
Le Sénat a tout d'abord apporté au dispositif plus de sûreté, des garanties et des protections plus grandes, de meilleures règles prudentielles. C'est un point sur lequel M. le rapporteur, à juste titre, a proposé l'adoption de nombre d'amendements, s'agissant notamment des règles qui s'appliqueront aux fonds de répartition ou dont profiteront les adhérents et les souscripteurs.
Parallèlement, le Sénat a apporté une plus grande souplesse au dispositif, en particulier avec l'introduction de cette novation intéressante du report en avant des exonérations fiscales, disposition à partir de laquelle nous pourrons approfondir les problèmes des rachats de cotisations.
Nous disposons maintenant, avec ce texte, d'une bonne base pour cette réforme importante. Cette proposition de loi pourra être encore améliorée par la poursuite de la navette, mais elle aura reçu, je crois, sa physionomie définitive lors de son examen par le Sénat.
Je voudrais remercier et féliciter M. le rapporteur, ainsi que le président de la commission des affaires sociales ; ce dernier, par le dépôt d'un amendement très important à l'article 26, a trouvé le moyen de garantir que la création de cet élément de retraite supplémentaire ne porterait en aucun cas préjudice à la retraite par répartition, à laquelle nous sommes tous très attachés.
Mes remerciements vont également à l'ensemble de la majorité, qui a soutenu nos efforts au cours de ce long débat, aux différents présidents de séance et à nos collaborateurs respectifs. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 57:
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 218 |
Contre | 94 |
3