TRANSPOSITION DANS LE CODE
DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DE DIRECTIVES EUROPÉENNES

Adoption d'un projet de loi
en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi n° 28 (1996-1997), modifié par l'Assemblée nationale portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n°s 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993. [Rapport n° 146 (1996-1997).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi transposant dans le code de la propriété intellectuelle les directives du Conseil des Communautés européennes n°s 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993 revient en deuxième lecture devant la Haute Assemblée, qui l'avait adopté le 5 mars dernier.
L'Assemblée nationale n'a que légèrement modifié, le 10 octobre dernier, le texte que le Sénat avait substantiellement amélioré. Ces améliorations ont d'ailleurs été maintenues. Je m'en félicite, et je me joins à la commission des affaires culturelles et à son rapporteur, M. Pierre Laffitte, pour saluer cette convergence d'analyses.
Dans ces conditions, mon propos liminaire sera bref, et ce d'autant plus que, sous réserve de quelques nuances rédactionnelles, la communauté de vues entre les deux assemblées est parfaite en ce qui concerne la transposition proprement dite des deux directives, qui fait l'objet principal de ce texte.
Je puis donc me borner à évoquer les dispositions diverses qui ont été ajoutées à ce projet de loi. Je comprends naturellement que M. le rapporteur regrette, sur le principe, l'ajout de telles dispositions, mais vous me permettrez de me placer non sur le terrain de la procédure, mais sur celui de l'opportunité juridique et politique.
A l'article 16 bis, un amendement de l'Assemblée nationale a étendu le régime des privilèges dont les auteurs bénéficient en cas de défaillance de l'exploitant de leurs oeuvres. Le Gouvernement en avait approuvé le principe.
Il apparaît, à la lecture du rapport de la commission, qui est très détaillé sur ce point, que cette disposition soulève de sérieuses objections juridiques et appelle une réflexion complémentaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, sensible à l'analyse de la commission, vous proposera de supprimer l'article 16 bis et d'en rester au texte de l'article L. 131-8 du code de la propriété intellectuelle tel que le Sénat l'avait voté en 1957 et dont l'application n'a pas, à ce jour, soulevé de difficultés insurmontables.
Une situation inverse se présente à l'article 16 ter, dont la commission a souhaité la suppression pour des raisons de principe que je comprends. Mais cet article de validation a pour objet de permettre l'exercice effectif d'un droit reconnu par le législateur en 1985.
Force doit rester à la loi, et c'est dans cet esprit que le Gouvernement souhaite faire obstacle aux procédures sans nombre engagées devant les tribunaux par les groupes d'intérêts économiques qui n'ont jamais accepté ce droit reconnu aux artistes.
Aussi vous demanderai-je de maintenir l'article 16 ter. Le Gouvernement a présenté un amendement qui, en répondant à l'une des critiques tout à fait fondées du rapporteur, devrait, je l'espère, vous conduire à le suivre sur ce point.
Je reviens, en concluant, à l'objet essentiel de notre débat pour vous demander, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de confirmer votre approbation sur ce projet de loi. Son objet est, vous le savez, de renforcer l'harmonisation européenne de la protection juridique des créateurs.
Cette harmonisation est, à mes yeux, indispensable pour assurer l'un des fondements d'un développement culturel de notre pays dans la diversité et surtout dans l'indépendance. Face aux pressions qui s'exercent pour une culture standardisée, pour un « prêt-à-porter » culturel, l'union des pays européens pour la défense des créateurs apparaît de plus en plus nécessaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Laffitte, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Je voudrais, tout d'abord, remercier M. le ministre des propos aimables qu'il a tenus sur les travaux effectués par le Sénat en première lecture et concernant la transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives européennes n°s 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993.
Je dissocierai, dans ma présentation, le dispositif de transposition et les quatre articles qui ont été introduits à l'issue de la première lecture. L'Assemblée nationale a encore amélioré le texte adopté par le Sénat. Comme nous, elle a voulu éviter de trop calquer le texte sur les directives, dont la limpidité et la qualité linguistique laissaient à désirer, et de porter atteinte aux principes ou à la terminologie du droit national de la propriété littéraire et artistique.
Vous avez apporté votre contribution, monsieur le ministre, et je suis heureux de constater que l'Assemblée nationale, suivant le rapporteur de la commission des lois, Mme Nicole Ameline, a partagé notre souci et a poursuivi dans la même voie que nous en complétant et en améliorant notre travail.
Outre des améliorations et des précisions rédactionnelles, qui sont judicieuses, l'Assemblée nationale a apporté des améliorations de fond.
Elle a, tout d'abord, simplifié la rédaction des articles relatifs à la procédure de médiation, prévue pour résoudre un éventuel conflit en matière de redistribution câblée. Par ailleurs, elle a prévu, conformément à la directive n° 93/98, l'institution d'un « droit de publication » pour les propriétaires d'oeuvres anonymes ou collectives qui ne seraient plus protégées. Elle a, en outre, aménagé les dispositions transitoires applicables aux oeuvres dérivées d'une oeuvre ou d'un élément protégé rappelés à la protection.
Je vous propose donc, mes chers collègues, au nom de la commission, d'adopter toutes ces modifications, qu'elles soient de fond ou de forme. J'en viens maintenant aux dispositions qui pourraient être qualifées de « cavaliers » puisqu'elles n'ont pas de lien direct avec la transposition des directives. Elles tendent toutefois à démontrer que se pose le problème de la gestion collective des droits, problème qui concerne directement la commission qui en a débattu.
Nous vous proposons d'ailleurs d'entamer une réflexion par le biais soit d'un groupe de travail, soit d'une mission d'information, en liaison étroite avec les auteurs et les sociétés de gestion des droits. Nous pourrons ainsi mettre à plat les nouvelles formes de mise à disposition du public que laissent entrevoir les nouvelles technologies en matière d'information et de communication et qui, pour certaines d'entre elles, commencent à apparaître, et les nouvelles formes d'oeuvres de type multimédia, tels les CD-ROM.
Compte tenu de la complexité de la question - et, sur ce point, je partage l'opinion de M. le ministre - il est urgent non pas de légiférer, mais de réfléchir sur les initiatives que nous pouvons prendre dans un futur proche, tant à l'échelon national qu'à l'échelon communautaire afin de parvenir à une harmonisation qui ne soit pas préjudiciable à notre conception du droit d'auteur. Il s'agit d'une impérieuse nécessité car il existe, dans certains cas, des risques de délocalisation de certaines productions. La France mais aussi l'Europe ont exprimé leur ferme volonté de maintenir ces créations intellectuelles, qui sont des oeuvres de l'esprit, sur leurs territoires.
Nous devons pouvoir aborder à loisir ce problème et pas forcément à l'occasion d'amendements de circonstance. C'est pourquoi j'approuve les amendements déposés par le Gouvernement aux articles 16 bis et 16 ter .
Monsieur le ministre, j'ai une question à vous poser à propos de l'article 16, qui permet aux commissaires-priseurs de reproduire en franchise de droits des oeuvres d'art dans les catalogues mis à la disposition du public avant les ventes aux enchères. L'Assemblée nationale a amélioré la rédaction de cet article, dont le champ d'application devrait se restreindre, à partir du 1er janvier 1998, aux ventes judiciaires.
Je vous proposerai d'adopter l'article 16 dans le texte de l'Assemblée nationale. Mais nous vous demandons, monsieur le ministre, de nous confirmer que ces catalogues ne pourront être vendus qu'à prix coûtant. Il s'agit, en ce domaine, d'une question de principe.
L'article 5 bis traite d'un sujet important puisqu'il s'agit du délai de prescription de l'action des titulaires de droits à l'égard des sociétés de perception et de répartition des droits.
Le texte de l'Assemblée nationale propose de fixer un délai de prescription de dix ans, ce qui paraît raisonnable, et d'élargir l'obligation d'affectation des droits non répartis à des actions d'intérêt collectif, c'est-à-dire à l'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, à la formation des artistes. Il vise, enfin, à améliorer l'information sur les actions d'intérêt collectif soutenues par les sociétés de perception et de répartition des droits.
La commission vous proposera de réécrire cet article, qui, ayant été rédigé un peu rapidement, comporte certaines ambiguïtés. Cependant, elle a considéré que le système proposé était équilibré et en a donc accepté le principe.
Cela dit, je regrette, là aussi, que cette question n'ait pas fait l'objet d'un examen plus approfondi. Ce type d'examen fait d'ailleurs partie des suggestions que nous essayerons de mettre en place, avec l'appui de vos services, je l'espère, monsieur le ministre, et en tout cas dans le cadre d'une concertation aussi large que possible sur ces problèmes tout à fait essentiels.
Je constate, en outre, que la totalité des amendements que nous examinerons concernent non pas l'ensemble du texte, mais précisément ce problème des droits, auquel le Sénat est spécialement attentif, cette question étant importante à la fois sur le plan culturel et sur le plan économique.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires culturelles vous propose, mes chers collègues, d'adopter, en deuxième lecture, le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, je m'étais exprimée longuement sur notre attachement à la protection des droits d'auteur et des droits voisins dans notre système français fondé non pas sur le droit patrimonial mais sur le droit moral. L'adhésion du groupe socialiste au projet de loi est justifiée par ce souci.
Nous souhaitons, par ailleurs, la construction d'un dispositif juridique à un niveau transnational, en l'occurrence européen.
Comme vous l'avez dit voilà quelques minutes, monsieur le ministre, le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale n'est pas très différent de celui que nous avons voté en première lecture.
Je ne dirai donc aujourd'hui que quelques mots sur le sujet qui nous retient pour le replacer dans un contexte plus général et dans des perspectives d'avenir.
L'existence d'un arsenal juridique européen devient effectivement une nécessité première, compte tenu des enjeux actuels liés à l'apparition des nouvelles technologies qui permettront la transmission de données et d'informations sans limitation de frontières.
Tout d'abord, je tiens à signaler qu'en France le droit de la propriété intellectuelle et artistique et le droit de l'audiovisuel sont séparés de façon trop hermétique, alors que les interférences entre ces deux secteurs se multiplient.
Aucune logique commune ne semble avoir guidé le législateur dans l'élaboration des dispositifs s'appliquant à ces deux secteurs. Il existe un code de la propriété intellectuelle depuis quelques années et nous aurons bientôt un code de la communication. N'aurait-on pas pu envisager un livre regroupant la communication, au sens propre actuel et futur du terme, et les droits d'auteurs, appelés également à évoluer ? En effet, ces deux matières présentent davantage de similitudes, me semble-t-il, que le droit de l'audiovisuel avec le statut de la Bibliothèque nationale de France et le prix du livre, qui figureront pourtant dans le même code !
Mes propos sont inspirés par les craintes que je nourris quant au vide juridique qui entoure, à l'heure actuelle, l'utilisation du multimédia et des nouvelles technologies, notamment par rapport au respect des droits d'auteur.
Je sais que le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui a pour unique objet de transposer deux directives. Cela constitue, certes, une mise à jour de notre législation. Mais si nous nous acquittons ainsi de nos obligations européennes, nous n'avons en aucun cas fait progresser le droit des nouvelles technologies.
Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos : il est maintenant possible de consulter, par le biais d'Internet, une multitude d'ouvrages chez soi et, ensuite, d'imprimer tout le contenu des publications consultées. Dans ce cas, comment se trouvent respectés les droits d'auteur ? Il serait souhaitable, à l'heure où l'on inaugure la bibliothèque François-Mitterrand, d'étudier cette question.
Comme je le disais précédemment, les deux matières étant intimement liées, nous reviendrons sans doute d'ici peu sur ces questions, lors du débat sur le projet de loi relatif à audiovisuel. Je souhaiterais savoir si telle est votre intention, monsieur le ministre.
Je constate que, partout, le sujet est à l'ordre du jour : protection des utilisateurs, protection des droits d'auteur et voisins ; le monde virtuel des signaux électroniques ne doit pas échapper à toute réglementation.
Ainsi, l'Allemagne légifère sur le multimédia afin de protéger efficacement les utilisateurs. La conférence diplomatique de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle l'OMPI, qui s'est tenue au début du mois de décembre dernier, portait sur l'actualisation des anciennes conventions protégeant le droit d'auteur, notamment afin d'étendre la notion de propriété intellectuelle aux différents signes électroniques qui se traduisent sous les formes les plus variées sur les terminaux d'ordinateurs. Les Etats-Unis ont fait pression afin de ne pas être soumis à une réglementation trop contraignante. Les conventions actuelles n'appréhendent toujours que le livre et le cinéma. Notre droit est à peine plus avancé.
Nous devons très vite réfléchir pour que le nouveau monde du multimédia tienne compte du droit des auteurs, de celui des interprètes, des diffuseurs ou des distributeurs, des producteurs et des consommateurs. Il n'est pas certain que nous devrions adopter une législation spécifique plutôt que d'étendre le champ d'application de la législation actuelle. En tout état de cause, les choses ne peuvent rester en l'état.
Pour revenir au texte qui nous est soumis, le groupe socialiste souhaiterait que soit mieux protégé le droit des producteurs de phonogrammes sur les nouveaux services. Il faudrait pour cela les placer hors du champ d'application de la licence légale, lors de la diffusion de leurs programmes musicaux par des bouquets satellitaires pour des publics déterminés.
Nous espérons que, même s'il s'agit d'un cavalier, le Sénat adoptera l'amendement que nous avons déposé et qui a pour objet de combler un vide juridique et de garantir le respect des droits voisins dans le cadre du développement des nouvelles technologies.
Monsieur le ministre, nous espérons que nous serons entendus de la même façon que vous l'êtes par nous, puisque le groupe socialiste votera le texte amendé par la commission des affaires culturelles du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture de ce projet de loi, j'ai voulu, au travers d'une abstention, marquer notre volonté de mettre en état d'alerte celles et ceux qui sont attachés au droit d'auteur et aux droits voisins. Je déclarais : « Une sorte de goutte-à-goutte est en train de se distiller ; si l'on ne met pas en garde contre les gouttes, un jour, on se retrouvera noyé. »
Aujourd'hui, le texte nous revient pour une deuxième lecture « avec quelques modifications. Mais, surtout, notre discussion a lieu dans un contexte de destabilisation du droit d'auteur : le goutte-à-goutte ressemble à de la pluie.
Il me suffit d'évoquer ce qui s'est passé à Strasbourg, notamment au travers du contenu de la directive « télévision sans frontière », la façon dont se déroule, en ce moment même, la conférence de l'OMPI, à Genève, qui se clôture demain, ce qui a eu lieu à Singapour, lors de la réunion de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, enfin, les négociations de l'OCDE relatives à un accord multilatéral sur les investissements.
Dans les quatre cas, le droit d'auteur et le droit voisin sont concernés. Soyons précis : dans tous ces cas, on perçoit bien la stratégie des Etats-Unis, qui n'ont pas fait leur deuil de « l'exception culturelle » issue des négociations du GATT ; Jack Valenti, le grand patron des majors compagnies du cinéma a déclaré : « le droit moral est un bacille qui doit être combattu comme une menace à la parfaite existence des compagnies de cinéma ».
Permettez-moi, au risque d'être un peu long, de déplisser ces dossiers succintement, mais rigoureusement.
Tout d'abord, à Strasbourg, à la Communauté européenne, j'ai eu connaissance d'un document américain sur la stratégie globale des Etats-Unis dans l'audiovisuel. Cette stratégie s'articule autour de sept démarches principales ; j'en retiendrai trois.
La première tend à éviter un renforcement des mesures restrictives, comme les quotas, et à veiller à ce que ces mesures ne s'étendent pas aux nouveaux services de communication. On a vu le résultat ! Ce point a été acquis par les Américains à l'assemblée de Strasbourg, malgré un vote de 65 % des parlementaires en faveur de la position des artistes.
La deuxième démarche a pour objet de lier les questions audiovisuelles et le développement des nouveaux services de communication et de télécommunication dans le sens de la déréglementation. Autrement dit, sous le prétexte que les technologies vont fusionner, il faudrait assurer la convergence des régimes applicables à l'audiovisuel et aux télécommunications.
On aurait pu, d'ailleurs, poser le problème inversement. Les Américains disent : les télécommunications se dérégulent, il faut déréguler l'audiovisuel. Et pourquoi pas : l'audivisuel est régulé, il faut donc de nouveau réguler les télécommunications ? Il y a donc un danger !
Jack Valenti a dit récemment : « Satellites, fibres optiques, numérisation créent une nouvelle situation donnant au consommateur le choix ultime des programmes qu'il souhaite voir ; il est donc raisonnable de suivre une politique de dérégulation. »
J'ajouterai que, malheureusement, la direction générale DG XIII de la Commission européenne a la même approche. Elle a fait réaliser une étude par un consultant anglais - KPMG - sur le thème « convergence entre audiovisuel et télécommunications ».
Je pourrais encore dire que la DG XIII a proposé un livre vert développant ce projet de convergence de l'audiovisuel et des télécommunications et invitant à en tirer les conséquences pour les systèmes de régulation existant dans l'Union européenne.
Bien évidemment, cette soumission au marché, qui signifierait qu'une oeuvre audiovisuelle est de même nature qu'un fax ou un appel téléphonique, est une mise en cause du droit d'auteur à la française et des droits voisins.
On comprend la troisième démarche de la stratégie américaine qui consiste à éviter des drames et des querelles inutiles sur les questions culturelles.
Je préfère, quant à moi, ce que déclarait au Parlement de Strasbourg, voilà quelques années, un représentant de l'association des réalisateurs américains, le cinéaste Elliot Silverstein : « Renforcez clairement vos lois sans compromission, en restant fidèles à vos traditions culturelles qui placent les droits humains au-dessus des droits de propriété ». Le droit moral, le droit d'auteur, les droits voisins ne sont pas une querelle culturelle ; ils sont le fond même de la culture, au travers des oeuvres et de leurs auteurs, de leurs interprètes, qu'ils protègent.
Cela est d'autant plus nécessaire que les auteurs sont souvent présentement mis en cause, au point qu'un écrivain français, Christian Prigent a pu écrire le livre intitulé A quoi bon encore des poètes ?
J'y lis ceci : « Questions : quel sens (et en particulier quel sens "social") a encore le fait d'écrire de la poésie ? A quoi servent ces formes inouïes ? Que signifie cette obstination apparemment hors champ ? De quoi témoigne-t-elle ? Qu'en attendre ? Quel usage en faire ? Ou, plus simplement : pourquoi y a-t-il quand même ça, ça plutôt que rien (plutôt que seulement le tout-venant qui occupe les boutiques et les tréteaux médiatiques) ? Voilà des questions grossières (forcément), déplacées (comme toujours), urgentes (plus que jamais). Défi : tenter de les recadrer, voire d'y proposer quelques réponses minimales. »
Face à cela, il me paraît nécessaire d'emprunter cette citation à l'ancien avocat de Touvier, distingué par le maire Front national de Toulon, qui bénéficie de la complicité du préfet de la République : « Notre siècle, en fait de catastrophes, n'a pas seulement connu la monstruosité de la guerre de 14, Hitler et Staline, Hiroshima et Nagasaki, Auschwitz et les boucheries de l'épuration. Il a connu aussi le surréalisme...
« ... les tyrans, Breton, Eluard, Desnos, Prévert et les bandes de prétentieux dont je n'ai pas envie de citer les noms mais dont les livres de littérature sont remplis - René Char, etc. - s'intitulaient "poètes". Les sectaires de la non-poésie avaient conquis les places, les honneurs, les maisons d'édition, les décorations, tout l'appareil bourgeois et financier qui se donnait à eux d'autant plus qu'ils les flagellaient. »
On voit bien que si l'attaque est économique, elle concerne aussi le sens.
Voyons maintenant la deuxième mise en cause du droit d'auteur.
Jusqu'à demain se tient la réunion de l'OMPI à Genève, afin d'examiner différentes propositions d'adaptation d'instruments internationaux en matière de droit d'auteur.
Au cours des travaux, les fournisseurs américains de sites Internet ainsi que des grandes sociétés de télécommunications américaines ont déclaré s'être adressés au président Clinton pour dire qu'ils n'ont aucun moyen de connaître le contenu des « paquets de signaux numériques véhiculés par millions sur leurs réseaux » et récusent l'un des articles soumis à la conférence et visant à étendre la notion d'auteur aux « reproductions d'oeuvres littéraires et artistiques, même si ces reproductions sont de caractère éphémère ou accessoire ».
Qu'il y ait un problème technique, après tout c'est possible, mais il ne sera pas durable. On résout toujours ces questions. Mais surtout, à chaque fois qu'il y a une avancée technologique, on nous « fait le coup », avec le secret désir de faire brèche, fissure dans la régulation, dans le droit d'auteur et dans les droits voisins. La technologie n'est plus utilisée comme une technique, mais devient alors idéologie.
En vérité, il y a actuellement des forces économiques et, surtout, financières qui tentent de réduire a minima les droits existants et à supprimer tous droits sur le futur.
La réunion de l'OMC qui a eu lieu à Singapour la semaine dernière, a déjà commencé la déconstruction, en sauvegardant, c'est vrai, les droits sur les CD-ROM - droits minima pour aujourd'hui - et en les annulant sur les fibres optiques - dérégulation maximale pour l'avenir - sous la houlette d'une personnalité bien connue pour sa frénésie déréglementaire, M. Brittan. Ce dernier a déclaré qu'il s'agissait là du « plus important accord commercial conclu depuis l' Uruguay Round en 1994 ». Je sais que le Gouvernement français s'est battu, mais en fin de parcours, M. Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, a accepté la dérégulation sur les fibres optiques.
De nombreux industriels se sont réunis au sein d'un groupement d'intérêt public - GIP - qui estime que « l'économie de marché est le modèle de choix pour Internet ».
Comme Octavio Paz a raison ! « Le marché est efficace, soit, mais il n'a ni conscience ni miséricorde. » Comme le juriste spécialiste des droits d'auteur André Lucas a raison : « Le droit moral est plus que jamais nécessaire pour bien marquer qu'au-delà de la technique et des enjeux économiques les oeuvres sont créées par des hommes. » Comme Georges Balandier a raison de nous appeler à « civiliser les nouveaux mondes issus de l'oeuvre civilisatrice ».
Nous avons là, chez ces trois hommes, des pensées qui peuvent et doivent nourrir une volonté politique aujourd'hui trop molle. Je ressens ici ou là de l'impuissance démissionnaire. Or, nous sommes comme à un tournant qui a besoin d'une nouvelle intelligence, de sauts de pensées, de se souvenir de l'avenir.
Je viens de prendre connaissance d'un petit ouvrage - petit par son volume - d'Anne Cauquelin intitulé Petit traité d'art contemporain. On n'est pas obligé d'adhérer à l'intégralité de son propos. Cependant, elle a le grand mérite de faire réfléchir. Elle écrit : « L'art contemporain semble craindre d'être mis en boîte, cherche à s'évader des catégories, déménage sans cesse de lieu, déjoue les ruses de la raison, les attentes d'un public et ce qu'on peut dire de lui. » Elle aborde la question des « machines à communiquer considérées comme un des beaux-arts ». Je sens intuitivement qu'il y a une réflexion en profondeur à mener. Le projet Métafort à Aubervilliers sur les nouvelles technologies vues d'un point de vue artistique, technologique et social - une fertilisation croisée ! - pose précisément ces questions et je ne cesserai de revenir sur ce projet d'intérêt national. Il faut l'aider, monsieur le ministre, au niveau suffisant, sauf à faire perdre des places à notre pays dans ce secteur décisif.
Eh bien, en complicité avec ce projet, je vais, avec les états généraux de la culture, prendre une initiative nationale : réunir des artistes, des juristes, des chercheurs, des industriels - producteurs afin d'appréhender ces mutations technologiques et de tendre à les maîtriser sans toucher aux droits de l'homme. Et le droit d'auteur est centralement un droit de l'homme, un droit de civilisation ! Oui, il faut une volonté politique plus informée du nouveau, plus forte alors, plus constructive, mais accompagnant bien sûr une démarche de maintien de ce droit d'auteur que j'ai appelé « de civilisation ».
A ce propos, j'aborde maintenant le quatrième front, si j'ose dire, à savoir les négociations qui se déroulent à l'OCDE en vue d'un accord multilatéral d'investissement qui concerne les investissements étrangers dans chaque pays. Jusqu'à présent, les accords étaient bilatéraux, mais en passant à la multilatéralité se pose précisément la question de l'identification de la propriété intellectuelle à l'investissement, avec pour conséquence que des clauses comme celle de « la nation la plus favorisée » ou celle du « traitement national » seraient applicables à tout investisseur du pays concerné. Cela veut dire, par exemple, que le fonds de soutien à l'industrie cinématographique serait ouvert aux producteurs américains, diminuant ainsi le financement des films français d'une importante partie et ajoutant au contraire au financement déjà si copieux des films américains. Cela veut dire aussi que les Américains auraient accès au plan média, pourtant déjà si parcimonieux.
Sans doute le Gouvernement français a-t-il déposé une motion sur l'exception culturelle, mais - je le dis parce que c'est la vérité - que d'interventions pour accéder à la transparence, pour obtenir cette motion ! Que diantre ! si le Gouvernement veut gagner, qu'il n'oublie pas cette remarque de Marc Bloch : « Notre peuple mérite qu'on se fie à lui et qu'on le mette dans la confidence. » Sur cette question, il n'y aura pas de succès si ce n'est pas l'affaire des citoyens eux-mêmes : artistes d'abord, et leurs partenaires de plaisir ensuite.
Ainsi, l'offensive est générale et concerne le droit d'auteur en tentant de substituer, à travers ces quatre démarches, au droit moral à la française le copyright à l'américaine, c'est-à-dire au droit d'une personne ayant créé le droit d'un industriel-producteur libéré de son auteur - sans qui, pourtant, il ne produirait rien ! - par un versement forfaitaire. C'est le volet civilisation que j'évoque là. Mais à tous les matamores des intérêts économiques qui veulent tout brader de l'homme et de la femme au nom d'un pragmatisme monétaire, je dirai : de combien était le déficit images Europe-USA en 1988 ? Il s'élevait à 2,1 milliards de dollars. De combien est ce déficit en 1995, alors que les intérêts économiques ont régné sans partage ? Il se monte à 6,3 milliards de dollars. Les comptables supérieurs, suffisants, narcissiques, totalitaires, fatalistes, sont pris la main dans le gousset. Ils veulent toucher aux droits des créateurs, ils ne protègent même pas les intérêts économiques du pays !
Si j'ai évoqué les droits voisins, c'est parce qu'ils sont concernés et aussi parce que je ne peux pas en parler - il s'agit des artistes-interprètes, qu'ils soient musiciens, techniciens, comédiens ou danseurs - sans dire d'un mot ma totale solidarité avec ces femmes et ces hommes qui manifestent encore aujourd'hui pour le maintien des annexes 8 et 10 de l'UNEDIC.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez obtenu, les rejoignant, qu'une négociation s'engage en vue d'une prolongation de ces annexes - qui n'est pas encore signée d'ailleurs - ce qui, je crois, est proche. Je sais que vous avez publié hier un communiqué avec votre collègue M. Barrot, et c'est un pas en avant que j'apprécie. Je sais aussi que vous allez nommer un modérateur - on ne dit plus médiateur, je ne sais pas pourquoi, mais peut-être allez-vous nous l'expliquer. Toutefois, une chose m'inquiète un peu dans le communiqué - je sais que les syndicats y sont sensibles ; je ne m'identifie pas à eux, mais je les écoute profondément. En effet, à la fin de ce communiqué, vous réaffirmez avec M. Barrot, et j'imagine que vous y avez joué un rôle, que le système doit garder sa spécificité, mais il n'y a pas les mots : « dans l'UNEDIC ». Or, vous savez que M. Gandois voudrait bien vous « repasser le bébé », et, une fois dans les crédits publics, cela perdrait d'abord son aspect professionnel mais risquerait aussi, un jour d'économies... nécessaires, de s'amenuiser. Il s'agit, là aussi, d'une bataille tout à fait importante. Cela rétrécirait, si M. Gandois l'emportait, le « vivier » de la famille artistique et technicienne de la création et de la production culturelles.
Allons donc ! Intraitabilité sur le droit moral et sur les droits voisins en France, en Europe, à l'OMPI, à l'OMC et à l'OCDE ! Initiatives pour faire se rencontrer artistes et nouvelles technologies ! Audace pour créer une grande industrie audiovisuelle européenne car, en vérité, sans industrie productrice et créatrice, nos défenses légitimes risqueraient de devenir vaines. Nous avons besoin du couple résistance-construction.
Tel est l'environnement du projet dont nous discutons aujourd'hui. Si je ne suis pas entré concrètement dans ce projet, je l'ai, en vérité, traité sur le fond parce qu'il n'est pas « découplable » de l'environnement préoccupant et grave que j'ai examiné. Mais le projet lui-même, par moment, laisse passer, selon moi, de petites touches allant dans le même sens que l'environnement.
Nous avons déposé deux amendements. L'un vise à faire part de notre désaccord avec la phrase par laquelle on permet à un auteur de céder ses droits a une société de communication audiovisuelle. Bien évidemment, étant donné ce qu'elles sont et comment elles travaillent, c'est l'éclatement de ce qui existe actuellement et une avance possible pour le copyright . Nous avons également présenté un autre amendement visant a ce que l'agrément soit obligatoire pour les sociétés d'auteurs comme pour les sociétés d'auteurs européennes nationales.
Je me souviens d'André Malraux disant : « Il n'y a d'hypothèse de culture spécifiquement américaine opposée à la nôtre que dans la mesure précise de la démission de l'Europe ». « Nous sommes la première génération d'héritiers de la terre entière ». « Que s'agit-il de faire ? Le maximum de liberté ! »
J'ajoute, et je conclus par ces mots : oui, je sonne, d'une certaine manière, le tocsin, mais pas seulement. Je me préoccupe dans un même mouvement des perspectives potentielles, ouvertes par les mutations technologiques, avec l'objectif d'élargir les libertés artistiques et de dégager de nouvelles possibilités d'émancipation générale.
C'est le sens de la réalité ! C'est le sens aussi et surtout des probabilités, et chacune, chacun devrait avoir à coeur d'en être une problématique vivante. J'ai parlé, au début de mon exposé, d'un goutte-à-goutte, puis d'une pluie. Cela me rappelle la phrase de Walter Benjamin : « Que cela suive ainsi son cours, voilà la catastrophe. » (Mme Pourtaud applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord féliciter M. Ralite de son vibrant exposé. J'ai d'ailleurs constaté qu'il s'adressait non seulement au Gouvernement français, mais aussi à l'Europe, et je salue cette attitude inhabituelle de la part d'un membre du groupe communiste républicain et citoyen. En effet, il faut tenir compte du fait que, face aux grandes forces internationales qui sont en jeu - et je partage les réserves que M. Ralite a fortement exprimées à l'égard de la politique américaine, notamment au sein de l'OMC et de l'OMPI - il est indiscutablement nécessaire de renforcer la cohésion européenne, car nous sommes dans l'Europe et nous ne voulons pas en sortir.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Pierre Laffitte. Il est vrai que l'on constate une forte offensive américaine, qui se traduit en particulier par l'adoption d'une base juridique de protection des droits sur le territoire américain dont l'efficacité serait très incertaine, car elle est fondée sur des accords collectifs syndicaux conclus à l'échelon national s'agissant des enregistremetns effectués aux Etats-Unis, et sur une hypothétique modification législative du Copyright Act pour les enregistrements réalisés à l'étranger. Vouloir nous forcer à accepter un dispositif qui aboutirait au transfert sans contrepartie réelle à l'industrie phonographique et audiovisuelle américaine de l'essentiel des droits collectés en Europe me paraît peu admissible.
Cela étant, il faut avouer que la complexité de notre système rend, d'une certaine façon, notre défense beaucoup plus délicate, et je salue ici la création récente de SESAM en ce qui concerne la gestion collective des droits multimédias, qui permettra de simplifier vis-à-vis des producteurs de produits multimédias la gestion de ces droits.
Par ailleurs, il me paraît souhaitable de prévoir une préparation plus collective des représentations nationales lorsqu'il s'agit de défendre des objectifs complexes intervenant à la fois dans le domaine culturel et dans le domaine économique.
En effet, la protection des logiciels, par exemple, est souvent très liée à la protection des droits d'auteur. Il est donc, à mon avis, indispensable de créer un groupement permanent qui associerait, aux côtés des différents ministères concernés, à la fois des auteurs, des gestionnaires, des producteurs et des éditeurs, afin de dégager une vision commune. Des industriels pourraient éventuellement être associés à des délégations - c'est d'ailleurs ce que font les Américains - afin de renforcer la présence de la France et d'appuyer les fonctionnaires français amenés à débattre de telle ou telle question.
Sur ce plan-là, la commission pourra éventuellement formuler des observations complémentaires.
Les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique social et européen voteront donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Douste-Blazy ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le rapporteur, vous venez d'exprimer des observations sur le fonctionnement de sociétés de perception et de répartition des droits et avez souhaité qu'une réflexion soit engagée à cet égard. Je suis très favorable à une concertation élargie sur le devenir de ces structures qui vont être confrontées aux nouvelles contraintes de l'exploitation numérique des oeuvres. Les négociations en cours sur la modernisation des conventions internationales et, sutout, sur l'harmonisation européenne nous y incitent.
Dans cette perspective des autoroutes de l'information, auxquelles, monsieur Laffitte, vous êtes particulièrement sensible, j'envisage d'associer le Parlement à la définition de ce que j'appellerai une « doctrine française de l'administration des droits intellectuels ».
C'est dans cet esprit que nous pourrions faire un bilan de la gestion collective des droits telle qu'elle a été pratiquée dans le contexte traditionnel de la diffusion des oeuvres.
Monsieur Laffitte, vous avez bien voulu m'interroger sur les conditions d'application de l'exception au droit de reproduction prévu à l'article 16. Je vous en remercie, car cette question me donne l'occasion de préciser devant la Haute Assemblée, comme je l'avais fait devant l'Assemblée nationale, que cette exception ne vaudra que pour les catalogues de vente vendus à perte ou à prix coûtant. C'est d'ailleurs le cas général et c'est, à mes yeux, une condition fondamentale pour admettre une exception au droit d'auteur dans ce domaine.
Madame Pourtaud, je ne suis pas insensible à votre argument sur l'intérêt de réunir en un même code, d'une part, la propriété littéraire et artistique et, d'autre part, l'audiovisuel.
Ce n'est cependant pas le parti retenu par le Gouvernement, qui vient de déposer sur le bureau du Sénat un projet de code de la communication et du cinéma. Je souhaite apporter quelques explications à cet égard.
Il convient tout d'abord de relever que la principale enceinte internationale dans le domaine des droits de l'auteur, l'Office mondial de la propriété intellectuelle, l'OMPI, auquel la France est d'ailleurs très attachée, réunit la propriété littéraire et artistique et la propriété industrielle. Le lien entre ces deux aspects du droit de la propriété intellectuelle mérite donc d'être maintenu afin, me semble-t-il, de ne pas affaiblir la cohérence de notre position internationale.
J'ajoute que notre conviction partagée - M. Laffitte le disait tout à l'heure - est que le droit d'auteur à la française est parfaitement capable de s'accommoder des évolutions technologiques.
Dans ces conditions, il n'est sans doute pas indispensable de lier les droits des auteurs et le droit des opérateurs économiques du secteur de la communication. Cela étant, madame le sénateur, je répète que je ne suis pas insensible à votre argument.
En réponse tant aux questions de M. Laffitte et de Mme Pourtaud qu'aux préoccupations exprimées par M. Ralite, je dirai que la maîtrise de la diffusion des oeuvres suppose l'identification technique des oeuvres mises en réseau. C'est possible grâce à l'initiative française, d'ailleurs soutenue par le ministère de l'industrie. Les dispositions de normalisation internationale sont aujourd'hui prêtes. La conférence diplomatique, actuellement réunie à l'OMPI, vient d'inviter les Etats à sanctionner ceux qui contourneront ces dispositifs techniques.
J'ajoute que la délégation française à l'OMPI a pris la tête de l'opposition aux initiatives d'outre-Atlantique. Vous n'en attendiez d'ailleurs pas moins de la France, monsieur Ralite ! La consultation européenne se poursuit aujourd'hui. Je connais les divergences entre les services de la Commission européenne. Ce qui compte, à mon avis, c'est le Livre vert sur le droit d'auteur face à la société de l'information, présenté par M. Monti, commissaire de la direction générale XV , qui retient d'ailleurs une grande part des propositions françaises.
Au sujet de la conférence de l'OMPI, je confirme, monsieur Ralite, que l'essentiel est sauvegardé pour les auteurs. Pour les artistes-interprètes, la France a obtenu le rejet d'une offre américaine imposant des conditions inacceptables aux acteurs dans l'audiovisuel.
Monsieur Ralite, comme lors de la première lecture de ce texte, je vous rejoins sur la nécessité de rechercher des solutions juridiques favorisant la création française. Mes représentants défendent fortement cette position, auprès de la Commission, à Bruxelles, et de l'OMPI, à Genève. Mais je constate que nous n'entraînons pas aisément la majorité des Etats européens avec nous.
Cependant, la détermination du Gouvernement ne faiblira pas. D'ores et déjà, mon collègue M. Jean Arthuis m'a soutenu dans mon opposition à l'inscription de l'audiovisuel et des droits d'auteur dans l'accord multinational sur l'investissement qui s'élabore à l'OCDE. Je puis vous dire que notre position a les plus grandes chances aujourd'hui de triompher.
Le ministre des affaires étrangères, quant à lui, est déterminé à préserver l'autonomie de la propriété intellectuelle, autonomie menacée par les procédures qu'envisage la Commission de Bruxelles en vue de l'élargissement de l'Union européenne.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Les créateurs, les interprètes, les producteurs savent que, dans ces combats, nous sommes aujourd'hui tous solidaires.
M. Pierre Laffitte, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. A Singapour, M. Galland a obtenu beaucoup de choses, notamment la reconnaissance de l'exception culturelle, en particulier pour les produits multimédia et, dont les CD-ROM.
La détermination du Gouvernement à défendre dans les enceintes internationales notre conception du droit des créateurs est non seulement entière, en dépit des assauts venus d'outre-Atlantique, mais aussi farouche. Cette détermination nous gagne chaque jour, en ce moment même, des points dans toutes les instances internationales où ces questions sont débattues. Nous continuerons à nous battre, car le combat, soyons-en conscients, ne cessera pas.
En conclusion, j'évoquerai la situation des intermittents du spectacle. Monsieur Ralite, il me paraît essentiel de reconnaître la spécificité des professions du spectacle, qu'il s'agisse des artistes ou des techniciens du spectacle.
Cette spécificité est importante pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, il s'agit de professions qui, structurellement, alternent des périodes de chômage et des périodes d'emploi.
En outre, les périodes d'emploi sont très courtes, allant d'un jour à quelques mois. D'ailleurs, le code du travail reconnaît cette spécificité, puisque le contrat à durée déterminée y est dit « d'usage » pour les professions du spectacle.
Enfin, en ce qui concerne le problème des heures travaillées pour pouvoir bénéficier des indemnités de chômage, il serait très grave que la moitié des intermittents du spectacle ne puissent pas y avoir droit, aujourd'hui.
Je souhaite donc, conformément au communiqué que j'ai publié hier avec M. le ministre du travail, que cette spécificité soit reconnue. J'ai très bien compris ce que vous avez dit sur l'UNEDIC, monsieur le sénateur ; c'est également mon avis. Nous devons tout faire aujourd'hui pour qu'une négociation spécifique, associant certes les ministères du travail et de la culture, s'ouvre entre les partenaires sociaux et les intermittents du spectacle, afin d'aboutir très rapidement à des mesures spécifiques. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er