LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLÉGAL
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 152, 1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, relatif au renforcement de la lutte contre le
travail illégal [rapport n° 157 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, nous allons examiner à partir d'aujourd'hui le projet
de loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal. Ce texte
répond à une nécessité, car cette forme de délinquance particulièrement
pernicieuse pour la société française est malheureusement en développement.
Je souhaite tout d'abord exprimer mes remerciements à MM. Souvet et Masson,
rapporteurs respectivement de la commission des affaires économiques et de la
commission des lois. Les travaux menés au sein de ces dernières nous
permettront d'enrichir le texte, et nombre d'amendements déposés pourront
notamment améliorer la rédaction du projet de loi. Nous y reviendrons lors de
l'examen des articles de ce projet de loi.
Mais, auparavant, je voudrais vous exposer les enjeux de la lutte contre le
travail illégal, vous rappeler brièvement les principaux éléments de ce projet
de loi, et, surtout, replacer ce dernier dans le cadre de la stratégie globale
que nous conduisons, avec Jacques Barrot et l'ensemble du Gouvernement.
J'examinerai, en premier lieu, les enjeux de la lutte contre le travail
illégal.
Je voudrais tout d'abord affirmer avec solennité que le Gouvernement entend
faire de la lutte contre le travail illégal une priorité nationale. En effet -
je sais que vous en êtes persuadés - le travail illégal joue contre l'emploi,
contre les salariés, contre les entreprises, en un mot contre la collectivité
nationale tout entière.
Le travail illégal exclut les salariés de leurs droits sociaux et les met en
situation précaire. Conditions de travail déplorables, absence de couverture
maladie, absence de retraite, tout se conjugue au détriment des salariés :
qu'ils soient Français ou étrangers, ils sont toujours les premières victimes,
parfois, hélas ! consentantes, par manque d'information.
Le travail illégal est également une source de concurrence déloyale pour les
entreprises qui respectent leurs obligations. En effet, comment peut-on lutter
à armes égales contre des concurrents qui échappent à leurs charges et aux
dispositions qui protègent les salariés ?
Le travail illégal est, ensuite, la cause d'une évasion massive de recettes
fiscales et sociales. Je ne me risquerai pas à quantifier devant vous un
phénomène qui est, par nature, difficilement quantifiable.
Néanmoins, nous savons tous que la lutte contre le travail illégal est une
composante importante de notre combat pour réduire les déficits.
Enfin, le travail illégal encourage, au moins de façon indirecte,
l'immigration irrégulière sur le territoire national. Je pense en particulier à
ces véritables filières d'introduction d'étrangers sans titre de séjour ni
travail, qui existent dans notre pays, comme d'ailleurs dans les autres pays de
l'Union européenne.
Je profite néanmoins de cette occasion pour réaffirmer qu'il ne faut pas
confondre le travail illégal et l'immigration irrégulière. Je vous rappelle,
mesdames, messieurs les sénateurs, que l'emploi d'étrangers sans titre
représente à ce jour moins de 10 % des infractions constatées.
Il faut aujourd'hui incontestablement renforcer nos moyens d'action. En effet,
les efforts réalisés jusqu'à présent n'ont pas suffi à enrayer le phénomène que
nous connaissons.
Il est vrai que beaucoup de progrès ont été faits depuis la création de
l'infraction de travail clandestin voilà plus de cinquante ans.
Ainsi, le dispositif législatif s'est beaucoup enrichi, notamment dans les dix
dernières années.
Le législateur a peu à peu étendu le champ de l'infraction.
Il a également prévu des peines de plus en plus sévères, en correctionnalisant
notamment l'infraction et en introduisant de nombreuses peines complémentaires
très lourdes.
Il a également introduit une disposition essentielle, la solidarité financière
des donneurs d'ordre. Il a enfin étendu les pouvoirs des agents de contrôle.
Dans un autre ordre d'idées, la création d'une mission interministérielle en
1976, devenue ultérieurement la MILUTMO, rattachée au ministère du travail, a
également eu un impact très positif, en sensibilisant des administrations peu
habituées à rencontrer sur le terrain ce type d'infractions et en apportant son
expertise technique aux différents corps de contrôle.
Ainsi, comme le souligne M. le rapporteur, le nombre d'infractions constatées
a crû considérablement au cours des dernières années ; de même, le nombre de
condamnations prononcées a progressé, comme d'ailleurs la sévérité des
tribunaux : sur dix personnes condamnées pour travail illégal en 1993, quatre
l'ont été à des peines d'emprisonnement.
Malgré tout, le dispositif existant que je viens de vous présenter très
rapidement ne suffit plus, et il faut résolument aller au-delà, pour plusieurs
raisons.
Première raison : le nombre d'infractions constatées par les services de
contrôles n'est toujours pas à la hauteur du phénomène du travail illégal en
France.
Pensez que seulement 18 870 infractions ont été constatées en 1994, soit, en
moyenne, moins d'une infraction par jour ouvrable et par département français,
alors qu'il y a 1,5 million d'établissements possédant des salariés et près de
14 millions de salariés.
Deuxième raison : les formes de travail illégal évoluent rapidement.
Les exemples de fraude organisée se multiplient. Ceux-ci mettent en jeu des
relations entre sociétés mères et filiales, donneurs d'ordres et
sous-traitants, sur le territoire national, voire à l'étranger.
Je pense au marchandage, aux réseaux d'introduction d'étrangers en vue de
travail clandestin que j'évoquais à l'instant.
Nos instruments législatifs et notre dispositif administratif de lutte contre
le travail illégal doivent donc évoluer pour mieux contrer ces nouvelles formes
de fraude.
Troisième raison : les obstacles existants à l'action des corps de contrôle
sur le terrain sont encore trop nombreux. Ces obstacles sont d'abord d'ordre
juridique. Ainsi, il n'est pas aujourd'hui possible de mobiliser tous les corps
de contrôle dans la lutte contre le travail illégal, car les règles de
procédure qui s'appliquent à certains d'entre eux - je pense aux douaniers, aux
agents des impôts, aux contrôleurs des transports terrestres ou aux
fonctionnaires techniques de l'aviation civile, qui, d'ailleurs, n'ont pas
échappé à la vigilance de la commission - leur interdisent de s'investir
pleinement et de conduire tous les contrôles qu'ils pourraient et devraient
engager.
C'est pourquoi, sur ce point comme sur d'autres encore, le projet de loi
propose d'harmoniser très largement les compétences et les prérogatives des
agents des différentes administrations.
J'en viens à la dernière raison, qui n'est pas la moindre : comme vous le
savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la première ambition du Gouvernement
est de conduire une politique de développement de l'emploi. Or, le travail
illégal est incontestablement destructeur d'emploi.s
Le projet de loi que nous vous proposons aujourd'hui est un projet qui se veut
ambitieux.
Il doit se comprendre dans le cadre de notre politique d'enrichissement de la
croissance en emplois, et c'est bien pour cette raison que ce sont le ministre
du travail et le ministre délégué pour l'emploi qui vous le présentent. C'est
également pourquoi le Premier ministre m'a demandé de piloter sa mise en oeuvre
sur le terrain.
Je serai brève sur les dispositions du texte, car nous y reviendrons
longuement à l'occasion de l'examen des articles et des amendements que vous
avez déposés.
Ce texte s'inscrit évidemment dans la continuité de l'action du Gouvernement,
mais il constitue également, par de nombreux aspects, une rupture par rapport à
ce qui s'est fait jusqu'à présent. Il s'agit, comme l'a justement souligné M.
le rapporteur, de clarifier et d'adapter la définition du délit, de mieux
contrôler, de dissuader et d'informer.
S'agissant de la clarification et de l'adaptation de la définition du délit,
le projet de loi vise à permettre de lutter contre le travail dissimulé, et ce,
que l'employeur exerce une activité à but lucratif - c'est déjà le cas
aujourd'hui - ou qu'il dissimule cette activité sous une apparence associative,
ce qui est nouveau.
En ce qui concerne le contrôle, le projet de loi donne à tous les agents des
nombreux corps de contrôle compétents - je les ai évoqués tout à l'heure - la
mission de « rechercher » l'infraction de travail illégal et non plus
uniquement de la « constater ». Au-delà de la question de vocabulaire, cette
modification aura un effet concret : grâce à cela, les milliers d'agents des
impôts et des douanes pourront désormais s'impliquer entièrement et activement
dans la lutte contre le travail illégal, eux qui n'ont pu dresser, en 1994, que
233 procès-verbaux sur un total de 9 150, soit 2,5 % seulement.
Le projet de loi permet aussi aux agents de ces corps de se faire présenter
les documents commerciaux, afin d'identifier les donneurs d'ordre. Il s'agit
évidemment d'une mesure importante.
La mise en cause des donneurs d'ordre doit devenir l'un des axes majeurs de
notre politique de lutte contre le travail illégal. Il est inacceptable, en
effet, que les véritables bénéficiaires des fraudes, et souvent même leurs
instigateurs, échappent à la répression. Il est donc parfaitement logique que
les agents de contrôle puissent avoir accès à des documents commerciaux dès
qu'une situation de travail illégal a été détectée.
Le projet de loi prévoit, en outre, la levée du secret professionnel qui
existe entre les corps de contrôle et les différents organismes de protection
sociale. Cette disposition permettra de supprimer certains freins à
l'efficacité des contrôles, dont trop de fraudeurs profitaient, et d'améliorer
ainsi le recouvrement des cotisations.
Pour ce qui est de la dissuasion, l'administration ne peut refuser, à l'heure
actuelle, au seul motif de recours au travail illégal, d'accorder des aides à
l'emploi ou à la formation professionnelle. Cela n'est incontestablement pas
normal, et le projet de loi vise à autoriser désormais l'administration à
refuser, le cas échéant, le bénéfice de ces aides aux personnes physiques ou
morales qui ont fait l'objet d'un procès-verbal constatant des faits de travail
illégal. C'est là aussi un outil de dissuasion très puissant.
En revanche - et, sur ce point, le Gouvernement est favorable à l'amendement
présenté par la commission, comme je le dirai tout à l'heure - la suspension du
bénéfice d'aides déjà accordées n'est pas souhaitable. En effet, cette mesure
risquerait de pénaliser les salariés, et non pas ceux qui ont voulu frauder, et
contrarierait le principe de non-cumul des peines.
Le projet de loi fait par ailleurs obligation aux candidats à un marché public
et à ses sous-traitants de justifier qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une
condamnation prononcée depuis moins de cinq ans pour une infraction à la
législation sur le travail dissimulé ou pour l'emploi d'un étranger dépourvu
d'autorisation de travail. Cette disposition contribuera également à la
moralisation des procédures d'attribution des marchés publics.
Le projet de loi vise à ouvrir au bénéfice des salariés l'accès aux
informations qui prouvent l'accomplissement, par leur employeur, des formalités
déclaratives les concernant. Ainsi, les salariés pourront désormais faire
procéder au rétablissement de leurs droits.
Afin de mieux signifier la réprobation entourant le délit de travail dissimulé
et d'emploi d'étrangers dépourvus de titre de travail, le projet de loi vise à
ajouter aux sanctions les réprimant la peine complémentaire d'interdiction des
droits civiques et civils. Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat,
s'agissant de la possibilité d'interdire les droits de famille, disposition qui
a été supprimée par l'Assemblée nationale.
Je voudrais évoquer également deux dispositions importantes qui ne figurent
pas dans le texte qui vous est soumis et qui viennent le compléter.
La première est incluse dans la loi sur le commerce et l'artisanat, que vous
avez adoptée récemment. Elle prévoit l'obligation, pour les auteurs de
publicités ou de petites annonces comportant des offres de services, de faire
apparaître clairement leurs références professionnelles. Cette mesure permettra
de rendre le marché plus transparent et rendra la tâche un peu plus difficile
aux fraudeurs.
La seconde disposition figure dans le projet de loi portant diverses
dispositions relatives à l'immigration, que vous allez bientôt examiner :
l'instauration d'un droit d'entrée des officiers de police judiciaire sur les
lieux de travail, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, est bien une
mesure de lutte contre le travail dissimulé. Si elle figure dans le projet de
loi présenté par Jean-Louis Debré, c'est pour des motifs juridiques, car elle
modifie le code de procédure pénale et non le code du travail, comme
l'essentiel des dispositions dont nous allons débattre.
Revenons maintenant à la stratégie du Gouvernement.
Les dispositions qui vous sont soumises, mesdames, messieurs les sénateurs,
permettront de disposer d'instruments législatifs plus efficaces au service
d'une stratégie d'ensemble.
Celle-ci comporte deux volets : la prévention doit être une priorité absolue
et notre effort doit s'appuyer sur une mobilisation de tous les moyens de lutte
contre le travail illégal.
La prévention doit être une priorité absolue, c'est-à-dire qu'avant de
réprimer il faut prévenir, et d'abord informer les Français sur la perversité
du travail illégal, les informer sur leurs droits ainsi que sur les risques
qu'ils prennent en y recourant, même s'il est parfois tentant de faire
repeindre sa cuisine par ce que l'on appelle un « ami ».
Nous devons aussi informer clairement les plus petites entreprises qui ont
parfois recours au « coup de main » non déclaré parce que c'est plus rapide et
qu'il n'y a pas de papiers à faire avant de développer la répression. Il ne
s'agit pas, comme l'a justement souligné M. le rapporteur, de développer une
législation trop inquisitoriale vis-à-vis des entreprises, qui ne nous ferait
pas gagner en efficacité contre le travail illégal et aurait un effet néfaste
sur le développement économique.
La prévention, par ailleurs, consiste d'abord à rendre le travail illégal
moins tentateur pour ceux qui seraient prêts à y recourir.
Je sais que, comme beaucoup - et comme moi - vous regrettez que les réformes
ne soient pas plus rapides. Cependant, nous avons fait incontestablement
beaucoup de progrès dans les trois domaines qui jouent un rôle important dans
la prévention du travail illégal : les simplifications administratives, les
dispositifs d'exonération de charges sociales, la réforme fiscale.
Les simplifications administratives sont importantes sur le plan de la
prévention, et il convient de les avoir présentes à l'esprit.
Il en est ainsi du chèque emploi-service, généralisé par la loi de janvier
1996 et qui permet de simplifier de manière drastique les formalités d'embauche
et d'abaisser le coût des salariés pour les employeurs. Plus de 830 000
chéquiers ont été distribués et plus de 600 000 particuliers employeurs ont
adhéré au système depuis sa création. En octobre 1996, 280 000 d'entre eux
l'ont utilisé, ce qui correspond à 32 000 emplois en équivalent temps plein.
N'oublions pas le chèque saisonnier agricole, auquel, je le sais, un certain
nombre d'entre vous sont particulièrement attachés, à juste titre.
M. Alain Gournac.
Très bien !
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué.
Cette mesure facilitera l'embauche dans un secteur
souvent frappé par le travail dissimulé. Nous allons, en outre, en transposer
les principes aux extras de l'hôtellerie.
Quant à la déclaration unique d'embauche, elle remplace onze documents par un
seul. Il faut savoir que 850 000 déclarations sont reçues chaque mois par les
URSSAF !
Par ailleurs, le contrat unique d'apprentissage, disponible depuis le mois de
juillet dernier, a permis de remplacer par une liasse de trois feuillets trois
liasses de onze feuillets, et il offre l'avantage d'un interlocuteur unique.
Toujours dans l'ordre des simplifications, la déclaration unique de
cotisations sociales, qui pourra être mise en oeuvre dès le mois de juin de
manière expérimentale, sera généralisée très vraisemblablement dans le courant
du second semestre, de manière progressive.
De même, le chèque « premier salarié », qui facilitera le travail des très
petites entreprises, connaît actuellement la fin de sa première phase
d'expérimentation. Le bilan que nous en tirerons sera, je pense, riche
d'enseignements qui nous permettront de définir la suite à lui donner.
Enfin, la simplification du bulletin de salaire concerne 1,5 million
d'employeurs. M. Turbot a remis en décembre dernier à M. Jacques Barrot les
propositions de la commission qu'il préside ; elles seront, pour beaucoup,
rapidement mises en oeuvre : notamment, depuis le 1er janvier 1997, le plafond
de sécurité sociale est fixé pour toute l'année et non plus pour six mois.
Je tenais à vous rappeler ces différents éléments de simplification, qui
doivent contribuer à prévenir le travail illégal.
J'en viens maintenant aux dispositifs d'exonérations de charges sociales
patronales. En abaissant le coût du travail, ils diminuent, en effet, la
tentation de frauder.
Amorcée en 1993, confirmée en septembre 1995, la réduction des charges
patronales sur les bas salaires a été amplifiée, simplifiée et pérennisée.
Depuis le 1er octobre 1996, cette réduction permet de diviser par deux les
charges patronales au niveau du SMIC, et même par trois lorsqu'il s'agit de
temps partiel. Ce dispositif concerne 4,5 millions de salariés, dont les trois
quarts sont employés dans les petites et moyennes entreprises.
J'en arrive à la réforme fiscale.
La réduction de l'impôt sur le revenu - au terme de la réforme, un million de
Français supplémentaires parmi les plus modestes ne paieront pas d'impôts - et
la réduction de l'impôt pour travaux dans la résidence principale doivent aussi
contribuer à réduire l'intérêt du travailillégal.
Je reste persuadé qu'il faut, en insistant sur la prévention, laisser se
développer l'initiative de nos concitoyens et faire confiance à leur sens de la
responsabilité.
Les simplifications administratives et la maîtrise des déficits et des
prélèvements obligatoires encouragent l'initiative et favorisent le
développement économique. Si l'on se donne la peine de bien les informer sur la
nocivité du travail illégal et sur les simplifications qui sont mises en oeuvre
aujourd'hui, les Français doivent pouvoir prendre leurs responsabilités.
Notre effort doit s'appuyer sur une mobilisation de tous les moyens de lutte
contre le travail illégal.
Les dispositions que vous allez adopter seront mises en oeuvre dès la
promulgation de la loi et cette mise en oeuvre s'organisera autour de trois
idées-forces.
Première idée-force : il faut lutter en priorité contre les formes les plus
scandaleuses de délinquance en matière de travail illégal telles que réseaux
organisés ou montages juridiques complexes.
Deuxième idée-force : la lutte contre le travail illégal se fera avec les
professions, qui y sont tout autant intéressées que les salariés, et non contre
elles, bien entendu.
Troisième idée-force : tous les moyens à la disposition du Gouvernement seront
mobilisés. Ce sera l'objet d'un dispositif interministériel, opérationnel dès
le mois de février. Il permettra de combiner les compétences, notamment de
l'inspection du travail, des services des douanes et des impôts, les moyens de
police et de gendarmerie, et de mieux articuler la recherche, la constatation
et la poursuite des infractions.
Le Premier ministre fixera les priorités de notre action dans le cadre du
comité interministériel.
Pour les mettre en oeuvre, il a souhaité qu'un membre du Gouvernement pilote
le dispositif afin de disposer de l'autorité politique indispensable. En
conséquence, je présiderai, chaque mois, une commission réunissant le
représentant du garde des sceaux et les responsables des corps de contrôle.
L'action de terrain sera conduite à deux niveaux.
Au plan national, un délégué interministériel se verra confier la
responsabilité du dispositif de la coordination. Il veillera à la constante
mobilisation des administrations et pourra donner toutes les instructions
nécessaires aux préfets pour conduire des opérations de contrôle. Il disposera
d'une équipe opérationnelle de haut niveau, qui pourra intervenir sur toutes
les affaires complexes dépassant le cadre départemental, voire national.
Au niveau départemental, le préfet sera responsable de l'action
administrative, en étroite coordination avec le procureur de la République. Il
élaborera un plan d'action départemental, en y associant les représentants des
professions.
C'est ainsi un dispositif d'ensemble, global et cohérent, qui vous est
proposé, mesdames, messieurs les sénateurs.
Il m'a paru essentiel de restituer les dispositions que nous examinons
aujourd'hui dans leur cadre politique, économique et institutionnel afin que
vous puissiez bien en appréhender les tenants et les aboutissants. Cette
réforme législative ainsi que les dispositifs opérationnels qui suivront nous
permettront, je le crois, d'être efficaces dans la lutte contre le travail
illégal.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
mes chers collègues, je voudrais tout d'abord prier le Sénat de bien vouloir
excuser les répétitions qu'il trouvera dans mon propos après celui de Mme le
ministre : elle a été à ce point exhaustive qu'il faut faire preuve de beaucoup
d'imagination pour ne pas dire à nouveau ce qu'elle a excellemment
développé.
Le projet de loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail
clandestin a été examiné par l'Assemblée nationale les 11 et 12 décembre
dernier.
De dix articles, le texte est passé à trente-deux. Il n'a cependant pas changé
de nature, puisque la plupart des amendements relatifs à l'immigration
clandestine ont été renvoyés au projet de loi portant diverses dispositions
relatives à l'immigration, que nous examinerons prochainement.
Les ajouts de l'Assemblée nationale ont permis de clarifier un peu plus la
notion de travail clandestin, d'ailleurs devenu travail « dissimulé », et de
renforcer les moyens de lutte contre ce type de travail.
Je vous rappelle par ailleurs, mes chers collègues, que l'article 4 du présent
projet de loi reprend une proposition de loi de nos collègues MM. Plasait et de
Raincourt.
Ce projet de loi vient donc compléter un arsenal juridique abondant. Dix
textes, depuis dix ans, ont été consacrés, partiellement ou totalement, à
lutter contre le travail clandestin, car les raisons de lutter contre ce type
de travail sont nombreuses.
Il y a d'abord, bien sûr, des raisons humaines : le travailleur employé
clandestinement est d'abord une victime. Mal rémunéré et sans protection
sociale, il connaît des conditions de travail souvent déplorables, voire
dangereuses, la précarité et l'exclusion.
Ensuite, le travail dissimulé génère des distorsions de concurrence qui
conduisent à fragiliser des secteurs entiers de l'économie avec, pour
conséquence, la destruction de l'emploi et la montée du chômage.
Il y a aussi les pertes de recettes pour l'Etat et pour les organismes de
protection sociale : c'est ainsi que l'on évoque le chiffre moyen de 130
milliards de francs de pertes de recettes, qu'il faut comparer avec le montant
de nos déficits publics.
Enfin, la lutte contre le travail clandestin est un moyen de lutter contre
l'immigration clandestine, non pas parce que les travailleurs clandestins
seraient des étrangers en situation irrégulière - 10 % seulement relèvent de
cette catégorie - mais parce que cela peut constituer un moyen de dissuader
l'immigration clandestine en rendant moins attractive la perspective de trouver
un emploi en France.
Toutefois, si l'on mesure assez bien les effets négatifs du travail
clandestin, on constate aussi très vite que les moyens consacrés à la lutte
contre celui-ci ne sont pas en rapport avec l'ampleur du phénomène : ainsi, en
1994, malgré une forte augmentation depuis 1992 - vous l'avez soulignée, madame
le ministre - seules 18 877 infractions ont été relevées, à comparer avec le «
chiffre d'affaires » de l'économie souterraine estimé - la fourchette est large
- entre 80 et 270 milliards de francs.
L'insuffisante efficacité de cette lutte a plusieurs raisons, liées à la
faiblesse des moyens humains, sans doute, mais aussi à l'inadaptation des
moyens juridiques.
Cette inadaptation juridique tient d'abord aux règles de procédure qui
s'imposent aux agents susceptibles de déceler des infractions et les empêchent
de transmettre les informations recueillies ou de poursuivre leurs
investigations en dehors de leur champ de compétence. Elle tient aussi à
l'évolution des pratiques ; dès qu'un nouveau texte est adopté, les employeurs
mal intentionnés s'adaptent et contournent l'obstacle : ainsi en est-il de la
déclaration préalable à l'embauche, qui a entraîné une sous-déclaration du
nombre d'heures travaillées.
La lutte contre le travail clandestin ou le travail dissimulé doit donc
constituer une priorité ; elle est un complément indispensable du développement
économique, de la politique de l'emploi et de la politique d'assainissement des
déficits publics.
C'est tout le mérite du Gouvernement de s'y attaquer avec détermination et
clarté, en évitant les amalgames qui ne pourraient que nuire à l'efficacité des
dispositifs.
Le projet de loi vient donc compléter un arsenal juridique qui figure, pour
l'essentiel, dans le code du travail et qui remonte à un décret-loi du 11
octobre 1940. Depuis cette date, tous les textes promulgués dans ce domaine ont
eu pour effet d'étendre la population d'employeurs susceptible d'être mise en
cause dans une procédure de travail clandestin, afin de responsabiliser
davantage l'ensemble des acteurs économiques.
Je ne m'étendrai pas sur l'historique de la législation destinée à lutter
contre le travail clandestin, que vous trouverez résumé dans mon rapport. Je me
bornerai à souligner que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui
s'inscrit directement dans la continuité de cette législation.
Le projet de loi s'articule autour de trois grandes orientations, que je
résumerai en indiquant les principaux apports de l'Assemblée nationale et les
principales positions de la commission.
La première de ces orientations vise à clarifier et à adapter la définition du
délit de travail clandestin. Il est ainsi précisé que ce délit est caractérisé
soit par la dissimulation d'activité, soit par la dissimulation de salarié.
Si les conditions de l'infraction de dissimulation d'activité ne sont pas
nouvelles, en revanche, le délit de dissimulation d'emploi de salariés est
désormais parfaitement défini par l'absence de l'une des formalités requises.
Surtout, ce délit ne suppose plus une activité lucrative. Il sera ainsi
possible de lutter contre la pratique de certains employeurs qui cachent leur
véritable activité économique derrière des façades associatives.
L'Assemblée nationale a remplacé la notion de travail clandestin par celle de
travail dissimulé afin, d'une part, de mettre l'accent sur la responsabilité de
l'employeur, car celui qui commet le délit est toujours l'employeur, et d'autre
part, d'éviter l'amalgame avec l'immigration clandestine. La commission partage
ces analyses et propose de conserver cette notion de travail dissimulé.
En outre, pour lutter contre le recours indirect au travail clandestin et pour
ne pas avoir de preuve difficile à établir, l'Assemblée nationale a supprimé le
caractère intentionnel du recours d'un donneur d'ordre aux services d'une
personne pratiquant elle-même le travail clandestin. Cette suppression, alors
que le nouveau code pénal a posé le principe du caractère nécessairement
intentionnel des délits, et après vingt-cinq ans d'usage, pourrait conduire à
une interprétation ambiguë de la volonté du législateur. Il a donc semblé
préférable à la commission de conserver la mention du caractère
intentionnel.
Parmi les ajouts de l'Assemblée nationale, il faut aussi signaler la mention
de la sous-évaluation des heures faites par le salarié comme éléments
constitutifs du délit.
L'Assemblée nationale a aussi ramené à deux, en supprimant tout caractère
cumulatif, les présomptions de dissimulation de salarié : il y a emploi
dissimulé en l'absence de déclaration préalable à l'embauche ou en l'absence de
bulletin de paye.
La deuxième grande série de dispositions a pour objet de renforcer les
pouvoirs des agents de contrôle et d'améliorer la coordination de leurs
actions.
Cette partie du texte vise à mettre fin à la relative impuissance de certains
corps de contrôle, tels que la police, la gendarmerie et les douanes, lorsque
leurs agents découvraient des indices de travail clandestin à l'occasion de
leur mission principale.
Concrètement, tous les agents de contrôle pourront désormais non seulement
constater les infractions au travail clandestin, mais également les rechercher.
Tous pourront se faire communiquer les documents nécessaires à leurs
investigations. Quant à leurs procès-verbaux, ils auront valeur probante
jusqu'à preuve contraire. En fait, l'alignement se fait sur les pouvoirs de
l'inspection du travail. Enfin, comme les autres agents, les agents des
organismes de sécurité sociale et des impôts pourront entendre les salariés
hors de l'entreprise, avec leur consentement. On rejoint là la préoccupation
des auteurs de la proposition de loi, qui concerne exclusivement ce point et
dont je reparlerai lors de l'examen des articles.
A cela s'ajoutent la levée du secret professionnel entre les différents corps
de contrôle et avec les organismes de sécurité sociale, et l'habilitation des
agents des douanes à contrôler l'emploi d'étrangers sans titre de travail, la
levée du secret professionnel, les échanges d'informations relatives aux
travailleurs étrangers. Il faudra cependant que tous ces corps que vous avez
cités tout à l'heure, madame le ministre, apprennent à travailler ensemble et
acceptent de travailler ensemble, ce qui n'est pas toujours le cas.
Enfin, les salariés pourront obtenir des agents de contrôle les informations
relatives à leur situation au regard de la législation sur le travail
dissimulé..
L'Assemblée nationale a développé assez nettement ce dispositif en en étendant
le champ et l'objet, et en renforçant les moyens d'investigation.
C'est ainsi que les agents de contrôle auront désormais accès aux documents
commerciaux et que la Cour des comptes se verra confier une mission annexe de
lutte contre le travail clandestin dans la fonction publique. Très réservée sur
ce dernier point, la commission des affaires sociales a laissé à la commission
des lois le soin de se prononcer sur cette question, qui ne concerne pas le
code du travail.
Les pouvoirs d'investigation des agents de contrôle des douanes et des impôts
sont également étendus au délit de marchandage - vous l'avez dit tout à
l'heure, madame le ministre - c'est-à-dire à la fourniture illégale de
main-d'oeuvre, tandis que le secret professionnel est levé pour leur permettre
de communiquer leurs informations aux autres corps de contrôle
Les juridictions seront, en outre, habilitées à communiquer aux caisses de
sécurité sociale et de congés payés les informations nécessaires au
recouvrement des cotisations éludées.
Sur tous ces points, la commission des affaires sociales n'a pas de remarque
particulière à formuler, sachant qu'elle a laissé à la commission des lois le
soin de se prononcer sur les nouveaux pouvoirs d'investigation confiés aux
conseillers rapporteurs des conseils de prud'hommes.
J'en arrive au troisième volet du projet de loi, qui renforce les moyens
visant à dissuader de recourir directement ou indirectement au travail
clandestin ou dissimulé.
D'abord, le projet de loi ajoutait aux sanctions relatives au travail
clandestin ou dissimulé et à l'emploi d'étrangers dépourvus de titre de travail
la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de
famille. Sur ce point, l'Assemblée nationale a supprimé la mention des droits
de famille, considérant que la famille n'avait rien à voir avec le travail
clandestin. La commission est réservée sur cette analyse et proposera un
amendement de rétablissement.
Ensuite, le projet ouvre la possibilité à l'administration de refuser pendant
cinq ans aux personnes physiques ou morales qui auraient fait l'objet d'un
procès-verbal constatant des faits de travail dissimulé l'accès aux aides à
l'emploi ou à la formation professionnelle.
L'Assemblée nationale a étendu ces sanctions au délit de marchandage et a
prévu que les aides déjà octroyées puissent être suspendues si un procès-verbal
était dressé ultérieurement. La commission est réservée sur cette disposition,
qui pourrait avoir notamment pour conséquence l'arrêt d'un contrat de
qualification ou d'apprentissage ; elle en propose donc la suppression.
Enfin, un candidat à un marché public ainsi que ses éventuels sous-traitants
devront faire la preuve qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation
définitive, prononcée depuis moins de cinq ans, pour infraction à la
législation sur le travail clandestin ou sur l'emploi d'un étranger sans
autorisation de travail.
Le dispositif a été renforcé par l'Assemblée nationale sur deux points : la
preuve de la non-condamnation a été étendue aux « contrats » passés par les
collectivités publiques et ces dernières devront insérer une clause dans les
contrats et marchés supérieurs à une somme fixée par décret en Conseil d'Etat
leur permettant de s'assurer que le cocontractant n'a pas recours au travail
illégal, et pas seulement dissimulé.
Cette disposition a cependant un inconvénient en ce sens qu'elle pourrait
engager la responsabilité de la collectivité territoriale si un accident
survenait ; on pourrait lui reprocher son manque de vigilance. Pour y remédier,
tout en conservant le caractère préventif du dispostif, la commission proposera
de supprimer la référence au travail illégal pour ne mentionner que le travail
clandestin, l'emploi d'étrangers sans titre de travail et le marchandage.
Au titre du renforcement des mesures prévues par le projet de loi, l'Assemblée
nationale a ajouté d'autres sanctions portant sur des dispositifs variés. Elle
a voulu sanctionner plus durement et plus rapidement le non-respect de la
déclaration préalable à l'embauche, en en faisant une sanction administrative
automatique. Cela risque de poser des problèmes dans la mesure où un tiers des
déclarations préalables à l'embauche ne sont pas faites dans les délais, non
par volonté de fraude, mais par manque de temps ou par négligence. C'est la
raison pour laquelle la commission proposera, en accord, d'ailleurs, avec la
commission des lois, une autre procédure, celle de l'ordonnance pénale.
L'Assemblée nationale a également fait passer de un mois à six mois
l'indemnité que l'employeur verse au salarié non déclaré dont il se sépare.
Elle a institué une responsabilité solidaire de celui qui ne s'est pas assuré
que son cocontractant n'employait pas d'étrangers sans titre de travail, délit
sanctionné par une contribution spéciale due à l'office des migrations
internationales. Elle a élargi le champ de la solidarité des bénéficiaires et
intermédiaires, dans le cas de recours au travail clandestin ou lorsque toutes
les vérifications prévues par la loi n'ont pas été faites, aux pénalités et
majorations de cotisations ainsi qu'aux indemnités versées aux salariés.
Sur l'ensemble de ce dispositif, qu'elle propose au Sénat d'approuver, la
commission ne présentera que des amendements rédactionnels.
En revanche, elle est très réservée sur une autre disposition, qui consiste à
mettre à la charge des employeurs les frais d'éloignement des travailleurs
étrangers sans autorisation de travail. Là encore, elle a laissé à la
commission des lois le soin de se prononcer sur l'article en cause, car cette
question est liée au texte sur l'immigration.
En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, il n'a pas semblé
nécessaire à la commission d'aller au-delà de ce qu'avait fait l'Assemblée
nationale, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, la commission n'est pas tellement sûre qu'une législation très
détaillée soit particulièrement efficace, d'autant qu'une telle législation
risquerait d'être trop inquisitoriale vis-à-vis des entreprises.
Mais, surtout, la lutte contre le travail clandestin ne repose pas uniquement
sur la multiplication des textes législatifs ou réglementaires. Il faut
commencer par appliquer les textes existants, recenser les informations,
coordonner les actions : il existe déjà - vous l'avez rappelé tout à l'heure,
madame le ministre - la mission de liaison interministérielle pour la lutte
contre le travail clandestin, l'emploi non déclaré et les trafics de
main-d'oeuvre, la MILUTMO, les commissions départementales et les structures
qui lui sont associées.
Ces moyens devraient être prochainement renforcés par la mise en place, par
voie réglementaire, d'un nouveau dispositif de coordination interministérielle
au plan national de lutte contre le travail illégal, qui comprendrait un comité
interministériel pour la lutte contre le travail illégal, présidé par le
Premier ministre, et une commission nationale de lutte contre le travail
illégal, présidée par vous-même, madame le ministre.
Enfin, le dispositif devrait être complété par une délégation
interministérielle à la lutte contre le travail illégal. Une commission de
lutte contre le travail illégal sera également créée dans chaque département,
ainsi qu'un comité opérationnel de lutte contre le travail illégal. L'ensemble
de ces structures devrait permettre de mener des actions de grande ampleur,
notamment pour démanteler les réseaux existants.
Le texte de loi et le dispositif réglementaire devraient donc permettre de
renforcer efficacement la lutte contre le travail clandestin, le travail
dissimulé ou d'autres formes de travail illégal.
La commission des affaires sociales tient toutefois à souligner qu'il y a un
autre moyen de lutter contre le travail dissimulé : le prévenir. Là encore,
vous vous y employez, madame le ministre.
Ces moyens de prévention sont la simplification des formalités administratives
- elle est en bonne voie ; je pense au chèque emploi-service, à ses extensions
envisagées et aux déclarations uniques - l'allégement des charges des
employeurs - là encore, le processus est bien engagé - et aussi l'allégement du
coût de certains services ou de certains contrats. L'abaissement de la TVA
serait donc le bienvenu, de même que les déductions fiscales pour certains
travaux, qui conforteraient certainement le secteur de l'artisanat. Il faut
donc poursuivre dans cette voie, et c'est là que mon propos se distingue un peu
du vôtre, madame le ministre.
Naturellement, vous l'avez compris, mes chers collègues, la commission des
affaires sociales vous invite à adopter le présent projet de loi, sous réserve
des quelques amendements qu'elle vous proposera demain et de ceux que
présentera la commission des lois, qui a su opportunément compléter l'examen de
ce texte.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, mes chers collègues, je ne vais pas
redire de manière forcément moins complète que ne l'ont fait il y a un instant
Mme le ministre ou notre excellent rapporteur, M. Souvet, l'importance de ce
texte et surtout la difficulté dans laquelle se trouve l'économie nationale
face à ce phénomène du travail illégal. C'est un fléau social, on l'a
souligné.
Le travail illégal, c'est la négation des dispositions concernant la
protection sociale des travailleurs de ce pays.
Le travail illégal a un coût financier considérable. Pour 1 500 000 personnes
illégalement employées, estime-t-on, ce coût atteindrait chaque année au moins
156 milliards de francs - c'est la moitié du déficit budgétaire - soit au titre
des moins-values fiscales, soit au titre des moins-values sur les cotisations
sociales.
Enfin, le travail illégal, c'est une source de distorsion de concurrence, dont
pâtissent les employeurs respectueux de la législation.
Je ne reviens pas sur ces différents points.
Je ne rappellerai pas non plus ce que viennent de dire excellemment Mme le
ministre et M. le rapporteur au fond sur ce qui est entrepris dans le texte,
amendé par la commission des affaires sociales, et sur ce qui sera évoqué à
l'occasion de l'examen de chacun des articles.
Il y a, à cet égard, une évolution inquiétante du travail clandestin, et M.
Souvet a eu raison de le souligner : les dispositifs de lutte contre ce travail
clandestin ne sont plus en rapport avec l'ampleur du phénomène.
Par ailleurs, s'il y a une évolution quantitative alarmante du travail
clandestin, il y a aussi une évolution qualitative, qui est liée à la
prépondérance acquise par le secteur tertiaire, et à laquelle il faut
réfléchir. C'est un fait de société ; cette mutation incontournable, que nous
vivons par ailleurs tous les jours, rend plus difficile encore le contrôle du
travail clandestin.
Comment, par exemple, prévenir avec efficacité le recours au travail illégal à
domicile, étant donné ce que chacun connaît du domicile, dont l'inviolabilité
est un principe sacré, de valeur constitutionnelle ? C'est l'une des nombreuses
questions qui se posent aujourd'hui au Sénat.
Le projet de loi apporte donc intelligemment, me semble-t-il, trois séries de
réponses : étendre le champ d'application, améliorer le contrôle et la
prévention, renforcer les sanctions.
Je n'entrerai pas pour l'heure dans le détail des amendements qui vous seront
proposés ; nous les examinerons lors de la discussion des articles. Je dirai
simplement que, en ce qui concerne la commission des lois, ces amendements sont
d'ordre purement juridique.
D'abord, ils visent à assurer le respect des principes fondamentaux de notre
droit pénal, tels que la nécessité et la proportionnalité des peines ; ensuite,
ils tendent à préserver les principes essentiels de notre procédure pénale ;
enfin, ils tiennent compte des règles régissant notre procédure civile.
Comme vous le constaterez, madame le ministre, ces amendements ne remettent
aucunement en cause l'architecture générale du projet de loi. Nous nous sommes
contentés, comme nous en avions le mandat, de rester strictement dans le cadre
des compétences de la commission des lois, pour déposer les amendements qui
seront soumis demain à cette assemblée.
A ce stade du débat, je me permettrai, dans cette discussion générale, de
présenter trois observations qui ne sont pas traduites par un amendement mais
qui peuvent nourrir la réflexion de chacun. Ces observations ont d'ailleurs
donné lieu ce matin, en commission des lois, à certains débats qui n'étaient
pas sans intérêt.
La première observation concerne l'appellation même du texte.
La formulation « travail clandestin » était ce qu'elle était. Pour des raisons
d'opportunité ou par un souci d'affichage, on croit devoir changer
l'appellation de la loi, ce qui donne lieu à un certain nombre d'amendements,
dix ou douze, que vous avez rappelés, cher Louis Souvet. Ce texte va donc
s'appeler maintenant : « projet de loi relatif au renforcement de la lutte
contre le travail dissimulé ».
L'appellation que nous avons sécrétée, que l'Assemblée nationale a sécrétée et
que, si je comprends bien, la commission saisie au fond a confirmée est-elle
meilleure que celle de « travail clandestin » ? Je n'en suis pas si sûr. Je ne
sais pas si tous seront satisfaits de cette modification de forme. J'ai le
sentiment que, parfois, quand on ne sait pas comment aborder un problème au
fond, on change l'étiquette, on change le flacon, on change l'emballage, et
l'on est satisfait de l'oeuvre accomplie !
Je me souviens d'un autre débat, le terme « inculpation » semblait quelque peu
pénalisant : alors, on a utilisé les mots « mis en examen ». Voilà justement ce
qui fait que votre fille est muette !
(Sourires.)
On procède un peu, je crois, de ce même état d'esprit ici,
parce que l'on va parler de travail dissimulé et l'on dira donc que le travail
dissimulé, c'est la dissimulation d'activité, la dissimulation de salariés. Un
travail dissimulé qui dissimule ? Un travail dissimulé qui organise la
dissimulation ?...
(Nouveaux sourires.)
Madame le ministre, voilà qui n'est pas parfaitement
ajusté, surtout dans un pays qui, comme le nôtre, se réclame à la fois de
Descartes et de Montesquieu !
Mais soit ! La commission des lois n'est pas saisie au fond et, par
conséquent, nous suivrons, à cet égard, la commission des affaires sociales.
Mais si l'on pouvait inventer autre chose que cet intitulé, si l'on pouvait, en
définitive, en revenir à l'expression : « travail clandestin », dont on sait au
moins ce qu'elle recouvre à coup sûr à la fois d'ambiguïtés, je vous l'accorde,
mais aussi de réalités, nous ne porterions pas le deuil. C'est ma première
observation.
Ma deuxième observation concerne l'immigration clandestine. Là, effectivement,
un amalgame peut être fait dans cette affaire. Trop souvent, on considère que
la lutte contre le travail clandestin - peut-être est-ce là où la connotation
des mots qui cotoie dangereusement une appréciation me paraît injuste - c'est
la lutte contre l'immigration clandestine. Il est inconstestable qu'un certain
nombre de travailleurs clandestins sont des travailleurs qui sont venus
clandestinement dans notre pays. Mais il n'y a pas que cela.
Précisément pour éviter cet amalgame, la commission des lois proposera de
retirer du texte ce qui pourrait prêter à ambiguïté. Nous défendrons donc un
amendement supprimant une disposition relative aux entreprises ayant employé
des travailleurs d'origine étrangère qui ne sont pas régulièrement inscrits
dans le dispositif normatif national ; cette sanction, si elle doit être prise,
le sera mieux dans le cadre du texte sur l'immigration clandestine dont nous
aurons à débattre dans trois semaines environ.
Ma troisième et dernière observation concerne le travail clandestin des agents
publics, madame le ministre.
C'est un sujet, non pas tabou, mais c'est un sujet qu'on aborde toujours avec
un certain nombre de précautions. Nombre d'entre nous sont maires et gèrent à
ce titre des corps d'agents publics. Je ne cite pas les sapeurs-pompiers, ni
les agents de police, ni d'autres corps encore, car ce serait peut-être les
désigner directement alors qu'il y en a tant d'autres.
Il y a là, madame le ministre, un vrai problème. Il faut le dire et je me
permets, à cet égard, d'interroger le Gouvernement. Je le fais, vous le voyez,
dans le cadre de la discussion générale et non pas à l'occasion de la
discussion d'amendements parce que c'est un sujet épineux, c'est un sujet qu'il
faut manier avec précaution et psychologie.
Nous sommes tous conscients, madame le ministre, du fait que, du côté des
salariés, on est davantage victime que contrevenant lorsque l'on est employé
illégalement : absence du bénéfice des dispositifs de protection sociale, de la
garantie d'un salaire minimum, de congés, de la sécurité des conditions de
travail, etc. Cette absence de garanties est évidemment pénalisante pour celui
qui s'engage dans ce processus.
Mais, disons-le honnêtement, sans langue de bois : parmi les personnes
employées illégalement, toutes ne sont pas à la limite de l'indigence, et je
pratique la litote en disant cela. Il en est, tout particulièrement dans le
secteur public - l'un de nous l'a dit ce matin en commission avec force et je
le redis après lui - qui disposent d'un emploi fixe et souvent bien rémunéré,
et qui profitent du temps libre, souvent substantiel, qui leur est accordé par
leur statut pour se livrer à de menus travaux rémunérés.
L'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 est précis : il exige des
fonctionnaires qu'ils consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle
aux tâches qui leur sont confiées. La loi leur interdit, sauf dérogation prévue
par décret en Conseil d'Etat, d'exercer à titre professionnel une activité
lucrative.
L'article 6 du décret-loi du 29 octobre 1936 prévoit des sanctions
disciplinaires et des retenues sur traitement à l'encontre des personnels
civils et militaires qui ont méconnu la réglementation sur le cumul d'emplois
et de rémunérations.
La commission des lois s'est demandée, ce matin, s'il ne fallait pas aller
plus loin, par exemple en prévoyant une véritable sanction pénale.
Bien entendu, il faudrait tenir compte de certaines pratiques, de certaines
tolérances, par exemple à l'égard des enseignants et peut-être d'autres
personnels, mais, cela étant, ne serait-il pas possible d'envisager au moins
une contravention pour cumul d'emplois ?
A tout le moins, ne serait-il pas souhaitable de prononcer effectivement les
sanctions disciplinaires et financières d'ores et déjà prévues dans les textes
mais qui ne sont jamais appliquées ?
Compte tenu de cette pratique courante - c'est vrai, il s'agit d'une pratique
courante, chacun le sait - et de ses conséquences - combien de nos concitoyens
disent : vous êtes vraiment des citoyens surprotégés, vous, les personnels de
la fonction publique, puisque non seulement vous avez un statut garantissant
votre emploi, non seulement vous avez un salaire, mais, de plus, vous pouvez
vous permettre des entorses à la législation que nous ne pouvons pas risquer,
nous, sans être poursuivis - la commission des lois m'a demandé, madame le
ministre, de vous interroger sur les intentions du Gouvernement quant à la
prévention du cumul d'emplois par les agents publics.
Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais me permettre d'ajouter dans ce
débat général sans répéter ce qui a été excellemment dit mais en vous demandant
une réflexion supplémentaire sur cet aspect un peu particulier, mais
profondément irritant, que, comme nos concitoyens, nous constatons
quotidiennement.
Après cette dernière réflexion, qui se situe peut-être un peu en marge de
notre débat, je vous assure, madame le ministre, de l'avis favorable de la
commission des lois sur ce projet de loi, qui sera demain examiné dans le
détail ; les quelques amendements que j'ajouterai à la réflexion commune
n'apporteront pas de modifications structurelles à l'ensemble d'un dispositif
que nous ratifierons.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, beaucoup,
sinon tout, a été dit et excellemment dit. Aussi, me contenterai-je, pour
l'essentiel, de quelques redites avec mes propres mots en insistant sur les
points qui me paraissent les plus importants et en formulant, madame le
ministre, puisque la période est propre, trois voeux.
L'article L. 324-9 du code du travail définit le travail clandestin. C'est,
dit-il « la dissimulation de tout ou partie de l'une des activités mentionnées
à l'article L. 324-10, et exercée dans les conditions prévues par cet article
».
L'article L. 324-10, quant à lui, dans sa rédaction issue de la loi du 24
janvier 1987, dispose qu'« est réputé clandestin l'exercice à but lucratif
d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation
de services, ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne
physique ou morale qui se soustrait intentionnellement à l'une quelconque des
obligations suivantes : requérir son immatriculation au répertoire des métiers
ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire ;
procéder aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et
par l'administration fiscale ; en cas d'emploi salarié, effectuer au moins deux
formalités prévues aux articles L. 343-3, L. 343-5 et L. 633 du code du travail
- c'est-à-dire déclaration préalable d'embauche, inscription unique au registre
unique du personnel, remise d'un bulletin de paye ou tenue d'un livre de paye.
»
Si, d'un point de vue juridique, la notion de travail clandestin, telle que je
viens d'en rappeler la définition légale, caractérise un type particulier
d'infraction, son utilisation dans le langage courant fait référence à une
multiplicité d'infractions très différentes par leur nature et qui dépassent la
notion juridique
stricto sensu
.
Ces autres infractions, associées au travail clandestin peuvent être
regroupées sous le terme générique de « travail illégal ».
La sémantique ayant une importance particulière en la matière, je salue la
perspicacité de nos collègues députés qui, après un long débat, ont modifié
l'intitulé du projet de loi afin de mieux prendre en compte l'ensemble des
infractions dont il est questin.
Néanmoins, les formes de travail illégal peuvent être rassemblées dans deux
catégories principales : le travail et l'emploi irréguliers, parmi lesquels se
trouvent le travail clandestin, et les trafics de main-d'oeuvre.
S'agissant de la première catégorie, celle du travail et de l'emploi
irréguliers, les manifestations en sont diverses et d'importance variable.
En effet, dans certains cas, le travail clandestin prend naissance dans
l'exercice d'activités de production ou de commerce mineures. Mais elles se
propagent sous la forme de « petits boulots ».
C'est l'exemple classique d'une personne qui aide ses proches, éventuellement
à titre gratuit pendant son temps libre ou pendant une période de chômage.
Progressivement, elle demande une rémunération et accroît le volume de ses
prestations. Puis elle structure son activité par l'acquisition de matériel et
organise la recherche de sa clientèle. L'aboutissement naturel de cette
pratique est trop souvent le renoncement à avoir une activité déclarée ou à
rechercher un emploi.
Dans d'autres cas, le travail clandestin procède d'une volonté -
a
priori
- de créer une activité organisée de production et de service non
déclarée. C'est l'exemple bien connu des ateliers clandestins, particulièrement
répandus dans le textile ou la réparation automobile.
Plus insidieuses encore sont les nouvelles formes vers lesquelles évolue la
pratique du travail clandestin, qu'il s'agisse des prestations directement
reçues à domicile, du non-respect du but non lucratif de certaines
associations, de la sous-traitance en cascade ou de la sous-déclaration du
travail à temps partiel.
Par la similitude de leurs effets, on peut encore citer dans cette catégorie
les cumuls d'emploi ou l'emploi non déclaré.
Tout aussi pernicieux sont les trafics de main-d'oeuvre, qu'il s'agisse des
infractions spécifiques à la main-d'oeuvre étrangère, des infractions à la
législation sur le travail temporaire, le prêt de main-d'oeuvre et le
marchandage ou encore du faux travail indépendant et des fraudes liées aux
entreprises domiciliées ou établies à l'étranger.
Quelles que soient les manifestations du travail illégal, ses conséquences
économiques, sociales et humaines sont, je le crois, inacceptables.
En effet, le travail illégal représente de 3 % à 5 % du produit intérieur
brut, c'est-à-dire entre 250 milliards et 400 milliards de francs. On estime
que les pertes de recettes fiscales et sociales qui lui sont liées sont de
l'ordre de 110 milliards à 180 milliards de francs : de 50 milliards à 75
milliards de francs perdus sur les cotisations sociales et de 60 milliards à
105 milliards de francs, soit entre le quart et le tiers du déficit du budget
de l'Etat, perdus sur les recettes fiscales.
De plus, le travail illégal rompt l'égalité économique entre les entreprises.
Comme chef d'entreprise, je suis particulièrement inquiet des atteintes
permanentes portées à la loyauté de la concurrence. Souvent, de l'inquiétude à
la colère il n'y a qu'un pas quand on songe que les impôts et les cotisations
sociales payés par ceux dont le « tort » serait de respecter la loi sont
d'autant plus élevés que d'autres n'en paient pas.
En outre, la banalisation de la pratique et le sentiment d'impunité qui
entoure le travail illégal, et particulièrement le travail clandestin, sont le
véritable terreau de son expansion. A cet égard, je voudrais souligner une
conséquence très préoccupante du développement de ce phénomène : c'est le
sentiment grandissant chez les consommateurs que les prix pratiqués par les
entreprises qui travaillent régulièrement sont trop élevés. On ne saurait donc
accepter plus longtemps le développement d'une économie parallèle sous peine de
se résigner à voir une fracture économique s'ajouter à la fracture sociale.
Enfin, le coût humain est tout aussi inacceptable. Le travail clandestin
engendre l'exclusion et la précarisation des personnes non déclarées.
Dépourvues de la moindre protection sociale, elles sont les premières victimes
de ces pratiques. Dans les ateliers clandestins, qui emploient seulement des
immigrés clandestins, les rémunérations sont dérisoires et les droits
élémentaires de la personne humaine sont bafoués.
C'est pour cela que le texte que vous nous présentez, madame le ministre,
revêt une réelle importance. La lutte contre le travail illégal doit être
classée parmi les priorités, tant à cause de l'ampleur que celui-ci a pris dans
notre pays que des conséquences qu'il engendre. Je tiens donc à saluer la
détermination du Gouvernement, particulièrement la vôtre, madame le ministre, à
conduire une action efficace en ce domaine.
Largement inspiré des propositions du rapport de MM. Léonard et de Courson, ce
projet de loi démontre, si besoin était, qu'un rapport parlementaire ne reste
pas toujours lettre morte, et je vous en félicite !
Le présent projet de loi s'inscrit dans le prolongement de la législation
relative au travail clandestin. Comme l'indiquait le rapporteur de la
commission saisie au fond, notre collègue Louis Souvet - dont je salue le
travail de qualité, accompli dans des délais bien trop courts - l'origine de
cette législation remonte au décret-loi du 11 octobre 1940. Depuis plus d'une
dizaine d'années, dix textes ont été consacrés, partiellement ou totalement, au
renforcement de l'arsenal législatif destiné à lutter contre le travail
clandestin.
Il n'empêche que, le travail clandestin s'adaptant aux règles en vigueur et
l'ingéniosité de ceux qui s'y livrent ayant peu de limites, il convient de
légiférer de nouveau, avec fermeté.
Tel est le sens de ce projet de loi, qui vise à clarifier des notions
confuses, à renforcer les moyens juridiques pour mieux contrôler et à dissuader
les éventuels contrevenants.
Au vu des faits, mieux définir la notion de travail clandestin devenait une
priorité. C'est l'objet des articles 1er et 2 du texte.
Le délit de travail clandestin est désormais caractérisé soit par la
dissimulation d'activité, soit par la dissimulation de salarié. Le remplacement
de la notion de travail clandestin par celle de travail dissimulé permet de
mettre l'accent sur la responsabilité de l'employeur et d'éviter tout amalgame
avec l'immigration clandestine. En outre, le caractère lucratif de l'activité
n'étant plus mentionné au nombre des éléments constitutifs de la dissimulation
d'emploi de salariés, l'article 2 permet de réintroduire les associations parmi
les employeurs susceptibles d'être poursuivis. Cette solution me paraît
particulièrement bienvenue.
Enfin, je partage la position de la commission des affaires sociales quant à
la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 324-9 du code de travail pour
lequel l'adverbe « sciemment » doit être maintenu sous peine, notamment, de
méconnaître le principe du caractère nécessairement intentionnel des délits
posé par le nouveau code pénal. De même, je suis favorable à la suppression de
l'article 1er
bis
relatif à la présomption du recours du donneur d'ordre
au travail dissimulé tant l'automaticité qu'il pose serait, à l'évidence,
lourde de conséquences.
Ensuite, il s'agit de renforcer les pouvoirs des agents de contrôle et
d'améliorer la coordination de leurs actions.
On ne peut en effet plus durablement se satisfaire de l'impuissance de
certaines catégories d'agents de contrôle confrontés à des indices de travail
clandestin à l'occasion de leur mission principale.
C'est d'ailleurs l'impuissance de certains services qui m'avait conduit à
déposer la proposition de loi jointe à l'examen du présent texte et pour
laquelle je remercie ici mes collègues cosignataires et M. Fourcade, président
de la commission des affaires sociales, qui a oeuvré pour qu'il en soit ainsi.
Cette proposition de loi trouvant globalement satisfaction dans la rédaction de
l'article 4, j'interviendrai lors de la discussion de cet article.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Absolument !
M. Bernard Plasait.
Il est en effet essentiel que les agents de contrôle puissent non seulement
constater les infractions au travail clandestin, mais également les rechercher,
ainsi que se faire communiquer les documents nécessaires à leurs
investigations.
Il est ainsi procédé à un alignement sur les pouvoirs de l'inspection du
travail, ce qui contribuera à renforcer l'efficacité des services concernés,
d'autant que la circulation de l'information entre les différents corps ou
organes de contrôle, mais aussi avec les salariés, sera considérablement
facilitée.
Tout aussi importantes que la répression sont la prévention et la dissuasion -
cela a été souligné. C'est le troisième volet de ce projet de loi. Il faut en
effet rendre le travail clandestin moins attractif et faire peser une lourde
épée de Damoclès sur la tête de ceux qui seraient tentés de s'y livrer.
Ainsi, l'article 8 du projet de loi ajoute aux sanctions relatives au travail
clandestin ou dissimulé et à l'emploi d'étrangers sans titre de travail la
peine complémentaire de privation des droits civiques et civils, peine à
laquelle il me paraît justifié d'ajouter la privation des droits dits « de
famille » ; puisque ceux-ci concernant la tutelle et la curatelle, ils
s'apparentent à une délégation de justice.
De même, la possibilité de refuser pendant cinq ans l'attribution des aides à
l'emploi ou à la formation professionnelle en cas de verbalisation pour travail
clandestin ou pour marchandage, ouverte par l'article 9, et l'obligation
d'attester de la non-condamnation au titre du travail illégal pour les
candidats à un marché public et les sous-traitants, posée par l'article 10,
sont de nature dissuasive.
Par ailleurs, la prise en charge des frais d'éloignement par l'employeur d'un
travailleur étranger dépourvu d'autorisation de travail relevant plus
directement du projet de loi relatif à l'immigration que la Haute Assemblée
examinera dans quelques jours, il me paraît opportun d'extraire cette
disposition du présent texte.
En outre, quelques autres dispositions de ce texte viennent renforcer les
sanctions existantes.
Ainsi, la sanction du non-respect de l'obligation de déclaration préalable à
l'embauche sera renforcée par l'adoption de la procédure de l'ordonnance pénale
proposée par la commission des affaires sociales de préférence à une sanction
administrative automatique.
Tout aussi dissuasive sera l'indemnité de six mois de salaire que le
travailleur clandestin devra verser au salarié non déclaré dont il se
sépare.
Sans examiner avec exhaustivité l'ensemble des dispositions, il me paraît donc
incontestable que ce texte constitue une réelle avancée que viendra couronner
le nouveau dispositif de coordination interministérielle qui sera mis en place
par voie réglementaire dans les prochaines semaines.
Cependant, madame le ministre, je conclurai par trois observations.
La première sera en forme de voeu puisqu'elle a trait aux moyens des services.
En effet, nous savons tous qu'il ne suffit pas d'avoir de bonnes lois. Encore
faut-il avoir les moyens de les appliquer, donc de les faire respecter.
Il ne s'agit pas dans mon esprit, bien évidemment, de la question récurrente
des effectifs puisque, en la matière, plus de 90 000 agents sont habilités à
constater des infractions de travail clandestin ou illégal ; il s'agit plutôt
de leur formation, de leur implication, pour tout dire de leur motivation.
J'ai noté avec intérêt les observations de M. Léonard, qui relève dans son
rapport l'inégale efficacité des commissions départementales de lutte contre le
travail clandestin, l'emploi non déclaré et les trafics de main-d'oeuvre,
instituées et organisées par les décrets des 25 juillet 1990 et du 30 octobre
1991.
Fort des statistiques fournies par la mission de liaison interministérielle
pour la lutte contre le travail clandestin, l'emploi non déclaré et les trafics
de main-d'oeuvre, la MILUTMO, sur la fréquence des réunions de ces commissions,
notre collègue juge indispensable de mobiliser le corps préfectoral. Dans le
droit-fil de l'importance accordée par le Président de la République au travail
préfectoral dans le domaine de l'emploi, il suggère que l'action contre le
travail illégal en soit un élément déterminant.
Mon voeu, madame le ministre, c'est donc que la nouvelle organisation
interministérielle de lutte contre le travail illégal, par sa détermination et
sa constance, permette une implication croissante de tous les agents concernés
dans les départements, au plus près des réalités du terrain.
Ma deuxième observation concerne la prévention du travail illégal. Le
Gouvernement s'y emploie. Cependant, il faut aller plus vite et plus loin. La
simplification des formalités administratives, déjà engagée, y contribue. J'en
veux pour preuve le succès souligné tout à l'heure du chèque emploi-service,
qui rend le travail au noir domestique beaucoup moins attractif. L'économie
rejoignant ici le social, je regrette qu'il n'ait pas été pour l'heure possible
de revenir sur la hausse de deux points du taux de TVA décidée durant l'été
1995.
Les consommateurs considèrent en effet que le poids de l'impôt représentant
plus de 20 % est excessif et difficilement supportable. C'est ainsi que se
développent des comportements de fuite devant l'impôt et les pratiques de
travail illégal.
Je crois vraiment que seul un grand mouvement de diminution des prélèvements
obligatoires constituerait un levier très puissant pour supprimer une
incitation au travail illégal et une « désincitation » au travail légal.
Enfin, ma dernière observation sera l'expression d'une crainte. Cette crainte,
c'est celle d'une dérive qui tiendrait à se généraliser. En effet, d'après les
services de contrôle, 60 % des entreprises clandestines sont dirigées par des
personnes salariées par ailleurs qui dégagent suffisamment de temps libre pour
exercer une activité complémentaire non salariée.
Le développement de l'aménagement du temps de travail paraît avoir facilité
ces situations ; le mi-temps, les horaires atypiques permettent aux salariés de
trouver du temps libre pour exercer une seconde activité. Or cette forme de
travail, perçue comme un phénomène « naturel », représentant un coût marginal
pour la société et susceptible d'arrondir les fins de mois de ceux qui s'y
livrent, est trop souvent considérée avec indulgence.
C'est pourquoi, n'étant pas un farouche partisan de la réduction du temps de
travail, j'attire votre attention, madame le ministre, sur ce remède qui serait
pire que le mal et sur la nécessité de combattre les pratiques constatées, déjà
trop fréquentes, sous peine d'en faire un nouveau sport national. Il faut, vous
l'avez dit tout à l'heure dans votre propos liminaire, expliquer aux Français
toute l'importance de ce combat afin qu'ils en aient pleinement conscience.
Madame le ministre, après la loi relative à la loyauté et à l'équilibre des
relations commerciales et la loi sur le développement et la promotion du
commerce et de l'artisanat adoptées par le Parlement au printemps dernier, ce
projet de loi, que j'approuve, vient à point nommé pour encourager les «
entreprenants » soucieux de la légalité et prévenir ainsi une fracture
économique qui nous guette.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le premier
texte qui nous est soumis cette année concerne un sujet important et difficile.
Comme cela a été dit, le Parlement a déjà légiféré à de nombreuses reprises sur
ce sujet, ce qui montre bien l'ampleur de la tâche qu'ont à accomplir les
services publics chargés de réprimer le travail clandestin.
Je dois dire que le rapprochement entre le nombre des travailleurs
clandestins, fixé à 1,4 million, et celui des infractions constatées, qui est
de 20 000, me gêne un peu. Peut-être ferait-on mieux d'amoindrir la portée du
phénomène car je ne suis pas sûr que ces chiffres correspondent à la réalité.
Certains éléments auraient tendance à prouver que le phénomène n'atteint pas
l'ampleur annoncée.
Bien entendu, madame le ministre, comme nombre de nos collègues l'ont relevé -
on a pu le constater dans d'autres pays d'Europe - les complications
administratives de tout ordre, l'aggravation de la fiscalité amènent
inévitablement une économie souterraine.
Aussi, tout ce qui va dans le sens de la simplification administrative pour
les entreprises et de la diminution de la taxation du travail entraîne
systématiquement une régression du travail clandestin ou souterrain.
Il est certain que le développement de formules telles que le chèque
emploi-service, au moins pour les emplois familiaux, est tout à fait positif.
Auparavant, la plupart de ces emplois étaient clandestins. Pour une personne de
quatre-vingts ans, les déclarations à l'URSSAF représentaient une telle
difficulté qu'elle y renonçait ou avait recours à des intermédiaires coûteux ;
je pense, notamment, à certaines associations spécialisées dans ce domaine.
Partant de la constatation de l'inefficacité de certains dispositifs, le
projet de loi vise à assurer une meilleure coordination des services chargés du
contrôle. Chaque service en effet préfère travailler dans son domaine :
l'URSSAF n'aime pas dialoguer avec la justice, la police n'aime pas forcément
dialoguer avec l'inspecteur du travail. Chaque service est attaché à ses
spécificités. C'est le problème général de la difficulté à faire agir ensemble
la police générale et les polices spéciales, et l'inspection du travail est une
police spéciale en termes de droit administratif.
Les objectifs de votre projet de loi, madame le ministre, sont tout à fait
louables.
Il commence par une définition du travail clandestin. Sur ce point, j'aurais
aimé dire ce qu'a excellemment dit M. le rapporteur pour avis de la commission
des lois s'agissant du travail clandestin et de la dissimulation.
Je ne sais pas si, sur le plan de la sémantique, l'expression « travail
dissimulé » est préférable à celle de « travail clandestin », mais, ce qui est
sûr, c'est qu'avant c'était clair ! Pour cette définition, il est fait
référence à l'article L. 324-10 du code du travail, qui est précisé.
Pour ma part, je pense qu'il serait bon de fusionner les articles 1er et 2 au
lieu de proposer une définition générale qui n'a plus de sens puisqu'y est
utilisé le même concept de dissimulation que dans l'article suivant.
Compte tenu des conditions d'examen un peu rapides de ce texte, nous n'avons
pas eu le temps d'approfondir ce point, mais la rédaction qui nous est soumise
risque de ne pas être bien comprise par l'opinion publique.
L'opinion publique comprenait très bien l'idée de travail clandestin ou, plus
simplement, de travail « au noir » ; mais, bien évidemment, nous ne pouvons pas
faire figurer cette expression dans un texte de loi.
Quoi qu'il en soit, je pense que tout ce qui nous a été proposé initialement
doit rencontrer l'adhésion de nos collègues ; je pense à la suppression de la
mention du caractère lucratif de l'activité dans la définition du travail
clandestin par dissimulation d'emploi de salariés, à la possibilité donnée au
salarié d'avoir accès à la déclaration de son employeur - c'est indispensable
par ce que, quelquefois, les salariés ne savent pas que leur emploi n'a pas été
déclaré - à l'extension de la mission des services de contrôle à la recherche
des infractions de travail clandestin, à la levée du secret professionnel et à
la possibilité de refuser l'attribution des aides à l'emploi, à la formation
professionnelle en cas de verbalisation - j'aurais préféré « en cas de
condamnation », parce que le fait de dresser un procès-verbal ne signifie pas
qu'une sanction sera prononcée - enfin à l'obligation d'attester de la
non-condamnation au titre du travail illégal faite aux candidats à un marché
public. Toutes ces mesures vont dans le bon sens.
Toutefois, et je reprends les propos de M. Paul Masson, ce projet de loi n'a
pas d'autre objet que de lutter contre toute forme de travail clandestin. Nous
savons bien que certains ont tendance à dire - ce n'est pas prouvé - que le
travail clandestin est le fait d'étrangers en situation irrégulière. Certes, il
existe des entreprises qui emploient ce type de travailleurs. Les services
publics les pourchassent Le ministre de l'intérieur et celui des affaires
sociales nous ont fait part de la découverte d'ateliers clandestins
effectivement composés de véritables esclaves. Ceux-ci ne pouvaient se défendre
n'étant pas en possession de papiers en règle. Ils étaient à la merci de leur
employeur, qui était souvent d'ailleurs de leur propre nationalité, et les
exploitait lamentablement. Nous aurons ultérieurement à examiner des
dispositions tendant à améliorer la lutte contre l'immigration clandestine.
Mais ne c'est pas notre propos aujourd'hui.
Quand on légifère, il faut veiller à préserver la cohérence du droit,
notamment en matière pénale : ainsi, je pense que supprimer d'un trait de
plume, sans réfléchir, la référence au caractère intentionnel de l'infraction
détruirait totalement l'équilibre du droit pénal. Je rappelle que l'un des
principes de base de notre droit pénal - sauf si la loi en dispose autrement -
est le caractère intentionnel de l'infraction. Récemment, dans un certain
nombre de textes, nous avons rétabli le mot « sciemment » pour bien affirmer ce
caractère intentionnel. La suppression de ce mot serait donc tout à fait mal
venue.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a ajouté au texte quelques éléments
curieux, comme l'intervention des chambres régionales des comptes et de la Cour
des comptes. Je ne vois vraiment pas pourquoi - sauf très indirectement - la
Cour des comptes interviendrait. Pourquoi pas le tribunal administratif,
puisque des organes administratifs peuvent être concernés ? Bien entendu, si
les magistrats de la Cour constatent des infractions, ils doivent renvoyer le
cas devant les instances judiciaires de la même manière que le fonctionnaire
est tenu de signaler toute infraction dont il a connaissance.
Voilà quelques points sur lesquels nous pourrons revenir pour redonner au
texte toute sa cohérence.
Bien entendu, je ne reprendrai pas toutes les dispositions du texte, ce n'est
pas le lieu dans la discussion générale ; ce n'est d'ailleurs pas nécessaire
après votre intervention, madame le ministre, et les excellents rapports de MM.
Souvet et Masson.
Il est vrai que le Parlement comme le Gouvernement, devant les difficultés qui
se multiplient, ont tendance à multiplier les textes. Si la qualité d'un texte
tient à sa longueur, on peut dire en l'occurrence que l'on a considérablement
progressé puisque des douze articles que vous aviez proposés, madame le
ministre, on est passé à trente-deux. Je ne suis pas sûr que cela contribue à
la lisibilité et à l'efficacité du dispositif. En tout état de cause, à
compliquer et à multiplier les procédures, on ne fait que multiplier les
contentieux, nous le savons bien, alors que nous devons - c'est l'objectif qui
nous a été assigné par le Président de la République - simplifier, rendre la
loi plus lisible pour chacun, notamment pour ceux qui l'appliquent ; je pense
aux magistrats. Chaque fois que l'on modifie les textes, on risque de rendre
encore plus compliquées les procédures sans aboutir à une meilleure
efficacité.
Au demeurant, le projet de loi - c'est un apport considérable - devrait
aboutir à une meilleure coordination des services chargés des contrôles. Bien
entendu, je déplore que les corps de contrôle du ministère du travail ne soient
pas toujours en mesure, dans les grandes agglomérations, de faire face à
l'ensemble de leurs missions.
Mais il s'agit là d'une réflexion générale sur le service public et ce n'est
pas le moment de s'y engager.
En tout état de cause, je souhaite que ce projet de loi contribue à lutter
efficacement contre le travail - j'accepte l'épithète - dissimulé en améliorant
la prévention et la répression de ces comportements qui sont nuisibles sur les
plans économique et social.
C'est dans cet espoir que le groupe de l'Union centriste votera ce texte,
madame de ministre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail clandestin témoigne
de la détermination du Gouvernement à réprimer des pratiques qui sont à
l'origine de graves désordres à la fois sociaux et économiques : précarisation
des salariés, encouragement à l'immigration clandestine, concurrence déloyale
pour les entreprises.
Ce projet de loi, comme nous l'ont montré en détail nos collègues Louis Souvet
et Paul Masson dans leurs excellents rapports, vise à donner des infractions en
cause une définition juridique plus précise, à conférer aux corps de contrôle
les moyens de leur efficacité et à développer la prévention et la sanction du
travail illégal.
Après l'Assemblée nationale, la commission des affaires sociales de notre
assemblée a proposé qu'à l'expression de « travail clandestin » soit préférée
celle de « travail dissimulé ». Je souscris, moi aussi, à cette substitution.
Même si les deux termes ont des sens très voisins, il n'en reste pas moins que
l'expression « travail clandestin » prête à confusion.
Je le rappelle, ce texte est destiné à renforcer le contrôle de la légalité de
l'emploi des salariés quelle que soit leur nationalité, non à lutter contre
l'immigration irrégulière ou l'immigration clandestine. Or le pas est vite
franchi entre travail clandestin et immigration clandestine, ce qui n'est pas
normal. Voilà pourquoi je soutiens la proposition de l'Assemblée nationale, qui
est reprise par la commission des affaires sociales.
Un projet de loi relatif à la question de l'immigration nous sera présenté
prochainement. Il est bon que ces deux textes se suivent, mais il est bon
également qu'ils soient distincts. En effet, ce que nous recherchons aussi, me
semble-t-il, en renforçant la lutte contre le travail dissimulé et contre
l'immigration clandestine,...
M. Guy Fischer.
Et voilà l'amalgame !
M. Alain Gournac.
... c'est l'intégration, en lui donnant des chances de réussir.
La France est une terre d'accueil pour ceux qui, étrangers, ont compris qu'on
ne peut vivre sur son territoire sans vivre sous ses lois.
M. Robert Pagès.
Dans quel débat sommes-nous ?
M. René-Pierre Signé.
Vous vous trempez de sujet !
M. Alain Gournac.
Elle doit être une terre d'écueils pour les réseaux qui organisent
l'immigration clandestine et pour ceux qui, profitant d'une main-d'oeuvre à bas
prix, ont recours à l'emploi dissimulé.
On voit bien que ce qui est également en jeu dans cette lutte contre le
travail clandestin, c'est la sauvegarde de la protection sociale du
travailleur.
On est, en effet, insensiblement arrivé, dans ce domaine, à une banalisation,
qu'il s'agit d'enrayer avant qu'elle ne débouche sur une normalisation.
Le travail clandestin représente entre 3 % et 5 % du produit intérieur brut,
soit, pour l'année 1996, de 250 milliards à 400 milliards de francs.
Quant aux pertes de recettes fiscales et sociales liées à ce travail illégal,
elles sont de l'ordre de 110 milliards à 180 milliards de francs, dont 50
milliards à 75 milliards de francs au titre des cotisations sociales. Rapportés
aux 45 milliards de francs de déficit de la sécurité sociale, de tels chiffres,
j'allais dire : « nous laissent rêveur », mais non : nous obligent à agir de
toute urgence parce que ce détournement de la loi, ce manque à gagner très
important pour les caisses d'assurance et cette exploitation de l'homme par
l'homme, qui n'a rien à envier à celle qu'a décrite et dénoncée Zola, sont
inadmissibles.
Défendre notre système de protection sociale, c'est, certes, prendre la mesure
des manques à gagner et y porter remède par des contrôles accrus et plus
efficaces, mais c'est aussi protéger nos emplois légaux, notamment dans les
secteurs de l'industrie et de l'artisanat. Or cela ne sera possible que si nous
avons la ferme volonté de mettre un terme à ces pratiques illégales.
Les sanctions contre cette délinquance existent, mais l'augmentation du nombre
des infractions relevées montre que les capacités d'intervention des corps de
contrôle doivent être renforcées et les sanctions à l'encontre des employeurs
rendues plus dissuasives.
Il est également urgent, madame le ministre, que les entreprises qui
dissimulent leurs activités en les exerçant dans un cadre associatif puissent
être sanctionnées. Le statut associatif ne peut, en effet, en aucun cas les
dispenser de s'acquitter de leurs obligations fiscales et sociales.
L'élargissement et le renforcement du contrôle suppose que les officiers de
police judiciaire soient autorisés par la loi à pénétrer dans l'enceinte des
entreprises afin de contrôler le caractère légal de l'emploi. Il est bon que
cette disposition figure dans ce projet de loi, de manière qu'il soit mis en
évidence que ce contrôle s'exerce quelle que soit la nationalité du salarié.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Robert Pagès.
On y revient !
M. Alain Gournac.
Si le renforcement du contrôle et l'aggravation des sanctions encourues
constituent des mesures répressives donnant une réelle portée à la loi, il est
en outre nécessaire de mettre en place un certain nombre de mesures
incitatives. Nous devons en effet considérer le travail dissimulé non seulement
comme un mal qui mine notre société, comme un fléau qui l'atteint dans ses
principes et dans son économie, mais également comme le symptôme de réelles
difficultés pour les employeurs dans certains secteurs.
L'extension de l'utilisation du chèque emploi-service, en apportant une
solution administrative simplifiée,...
M. René-Pierre Signé.
C'est trop compliqué et ça ne marche pas !
M. Alain Gournac.
... permettrait de lutter efficacement contre l'embauche clandestine de
personnes dans des secteurs comme ceux de la restauration et de l'agriculture,
par exemple. Mais il existe d'autres applications possibles : je pense
notamment à tous les emplois qui relèvent des activités saisonnières liées aux
vacances, aux sports d'hiver, en particulier.
Dans ces secteurs, les tracasseries et les exigences tant réglementaires
qu'administratives sont indéniablement à l'origine des détournements de la loi
; les taxes et les charges patronales, en grevant la capacité d'embauche des
employeurs, sont aussi des freins à l'embauche légale.
Certes, ces raisons ne peuvent être mises sur le même plan. Néanmoins, elles
interpellent le politique et doivent le conduire à imaginer des solutions
incitatives.
Le politique doit aussi savoir anticiper, prévoir l'évolution de notre
société. Il est clair que les emplois de proximité sont appelés à se développer
de façon importante. Ne conviendrait-il pas, dès lors, par exemple, de créer, à
titre expérimental, un institut des métiers qui ont trait à l'action sociale :
emplois familiaux, emplois d'assistante maternelle, emplois relatifs à la
dépendance des personnes âgées ou à l'accompagnement des personnes
handicapées.
Cet institut serait à la fois un observatoire, un centre de ressources, où
l'offre serait mise en réseau, et surtout un centre de formation délivrant un
diplôme correspondant à une qualification aujourd'hui nécessaire pour prétendre
assumer des responsabilités dans ce secteur.
En conclusion, j'apporte mon entier soutien aux dispositions de ce projet de
loi. Elles vont dans le bon sens et traduisent parfaitement la volonté
gouvernementale de lutter contre le travail clandestin et, de façon plus
générale, contre l'illégalité. Si celle-ci est parfois explicable, elle n'est
jamais tolérable.
La discussion sur les termes « travail clandestin » ou « travail dissimulé »
avait pour objet de dissiper une confusion. Mais celle-ci trouve pour une part
son origine dans la perception d'un phénomène commun aux réalités que nous
avons distinguées. Le travail clandestin et l'immigration clandestine ne se
recouvrent pas mais se recoupent, a-t-on dit avec raison.
M. René-Pierre Signé.
Nous y voilà !
M. Alain Gournac.
Permettez-moi d'ajouter qu'ils s'apparentent parce qu'ils s'enracinent dans un
même mépris de la loi et, à terme, insidieusement, de ce qui fait l'essence de
notre République.
M. René-Pierre Signé.
Triste république !
M. Alain Gournac.
J'approuve totalement ce projet de loi, madame le ministre, parce qu'il ouvre
la voie tant à la fermeté contre les abus qu'à la compréhension des situations
et parce qu'il sera suivi d'un projet de loi relatif à l'immigration.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
C'est de l'amalgame !
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
M. René-Pierre Signé.
On va entendre autre chose !
(Sourires.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte qui
nous est soumis ce soir, vidé de la substance du texte d'origine, ce qui
explique peut-être sa pauvreté, prétend malgré tout régler un véritable
problème de société, qu'on désigne habituellement, sans doute improprement, par
l'expression de « travail clandestin ».
Ce débat aurait dû créer un consensus ; en tout cas, le groupe socialiste y
était prêt. Il apparaît en effet que cette délinquance autour du travail
dissimulé s'aggrave, avec les effets désastreux que l'INSEE et certains de nos
collègues ont tenté d'évaluer : qu'il s'agisse des ressources fiscales et des
comptes sociaux - là, les estimations sont nécessairement approximatives, mais
on évoque un chiffre de 156 milliards de francs - qu'il s'agisse des ravages
constatés chez les salariés victimes de ces pratiques illicites, qu'il
s'agisse, enfin, des situations de concurrence déloyale auxquelles se trouvent
ainsi confrontées les entreprises vertueuses, qui respectent la loi.
Nous étions prêts à compléter, accentuer, voire réorienter, avec la majorité
actuelle, les mesures contenues dans les différents textes législatifs - il y
en eut dix au cours de ces dernières années - que nous avions nous-mêmes fait
adopter, en 1981, 1985 et surtout en 1991. Chacun s'accorde à reconnaître que
ces textes ont fait la preuve de leur efficacité ; cependant, nous le
reconnaissons volontiers, ils se révèlent aujourd'hui très largement
insuffisants.
Nous sommes en effet conscients que l'évolution et la complexification de
l'organisation du travail et des relations entre employeur et salariés
expliquent, pour une large part, l'augmentation du travail illégal. Elles sont
le résultat de la flexibilité, qui s'intensifie sans cesse, de la précarité des
situations de travail, de la fragilisation de notre législation.
Vous escomptiez, de cette stratégie de flexibilité, madame le ministre, des
retombées positives en termes de lutte contre le chômage et de création
d'emplois. Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler les derniers chiffres
enregistrés ni les prévisions du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et
des coûts, le CSERC.
Madame le ministre, que nous proposez-vous pour remédier aux graves
dysfonctionnements soulignés par vous-même et par les différents orateurs qui
m'ont précédée à cette tribune ? Un texte pauvre, sans véritable portée, voire
dangereux pour les salariés puisqu'il fait sauter le verrou de sécurité que
représente pour eux la prédominance, en termes de contrôle, de l'inspection du
travail, dont l'une des deux missions est celle, extrêmement importante, de la
protection du travailleur.
M. Robert Pagès.
Eh oui !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Madame le ministre, sur ce texte, nous devions ensemble faire preuve de
courage pour lutter contre des gens malhonnêtes, fussent-ils des employeurs :
courage dans la définition de sanctions suffisamment significatives pour être
véritablement dissuasives ; courage et perspicacité dans un repérage et une
mise à plat complets et exhaustifs de tous les modes de trafics d'activités et
de personnels, non déclarés ou partiellement déclarés, tels que la
sous-traitance en cascade, le télétravail et tout autre mode nouveau de travail
dissimulé ; courage et détermination afin d'obtenir des budgets suffisants,
nous permettant de mener à bien une telle action.
A qui fera-t-on croire, en effet, que des crédits revus à la baisse - ce qui
va tout de même se traduire en 1997 par une diminution de soixante-douze
fonctionnaires dans les effectifs du ministère du travail - démontrent une
volonté d'efficacité et une détermination à mener une véritable action à
l'encontre de profiteurs habiles ?
Il s'agit pourtant là d'une question d'une extrême importance, tant pour les
milliers d'êtres humains qui sont privés de la plus élémentaire protection
qu'au regard de la santé et de l'équilibre de notre économie.
J'en viens maintenant aux articles de ce projet de loi.
Il faut tout d'abord souligner que celui-ci a suscité bon nombre de
commentaires et de discussions animées parmi nos collègues de l'Assemblée
nationale, à cause d'une disposition qui, ironie du sort ! a été supprimée
suite aux recommandations du Conseil d'Etat.
Mon propos n'est pas ici de relancer la discussion sur l'opportunité ou non
d'autoriser les officiers de police judiciaire à pénétrer plus facilement dans
les locaux professionnels afin d'y procéder à des vérifications d'identité sous
couvert de lutte contre le travail clandestin, mais le Conseil d'Etat a
parfaitement compris quel était l'objet premier de cette disposition : il a en
effet estimé qu'un texte sur le travail clandestin ne pouvait fournir
l'occasion de modifier le champ des compétences des agents du ministère de
l'intérieur.
Je reste toutefois perplexe face à une contradiction tout aussi flagrante :
que vient faire dans un texte sur l'immigration une disposition relative à
l'habilitation de certains agents de l'Etat à rechercher, puis à constater une
infraction qui constitue avant tout une violation de la législation du travail
?
Tout au long des débats, des parlementaires responsables ont souhaité éviter
que ne se perpétue cet amalgame dangereux entre travail clandestin et
travailleurs étrangers clandestins. Des discussions, peut-être un peu vaines,
longues en tout cas, ont porté sur la recherche d'un vocable idéologiquement
plus neutre et juridiquement mieux fondé, et c'est ainsi que nous avons abouti
à l'expression hybride de « travail dissimulé ».
Mais en laissant à votre collègue, M. Debré, le soin de traiter cette
question, vous entretenez, madame le ministre, cette confusion abusive.
Ce mélange des genres ne nous étonne d'ailleurs pas, car il correspond à une
stratégie habilement orchestrée tendant à donner un « coup de projecteur » sur
l'existence de réseaux d'immigration clandestine qui répondent à la demande
d'employeurs, nouveaux négriers du xxe siècle - l'expression n'est pas de moi -
et de donneurs d'ordre tout aussi coupables. Je parle ici de « coup de
projecteur » au sens propre du terme, puisqu'il arrive que l'on convie la
télévision à filmer ces opérations « coup de poing ».
En procédant ainsi, vous prenez le risque de conforter l'idée fausse selon
laquelle la lutte contre l'immigration clandestine s'impose afin d'éradiquer le
travail clandestin. Les chiffres, mêmes approximatifs, que vous avez évoqués
tout à l'heure, madame le ministre, parlent pourtant d'eux-mêmes : entre 6 % et
10 % des infractions constatées concernent l'emploi d'étrangers sans titre de
travail.
Ce n'est certainement pas une coïncidence si le dépôt de ce projet de loi fait
suite à la création récente, au sein du ministère de l'intérieur, de
l'OCRIIEEST...
M. Guy Fischer.
Eh oui !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
... l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de
l'emploi d'étrangers sans titre - dont la définition de la mission est fondée
sur l'existence supposée d'un lien entre immigration clandestine et travail
clandestin.
Or la lutte contre le travail illégal sous toutes ses formes ne se conçoit que
par le biais d'une politique globale. Il y a consensus sur ce point, et nous
souscrivons au souhait du Gouvernement d'en faire une priorité nationale.
Attardons-nous donc sur le texte finalement présenté aux parlementaires, qui
repose, nous dit-on, sur trois grands axes : une définition mieux adaptée de
l'infraction, une meilleure coordination de l'action des nombreux acteurs de la
lutte contre le travail clandestin et un renforcement des sanctions.
Le travail clandestin se manifeste par la dissimulation d'activités ou de
salariés, cette dissimulation se caractérisant par l'omission de formalités
légales dont je ne reprendrai pas ici l'énumération.
La principale innovation du texte réside dans la possibilité d'atteindre -
j'ai envie de dire « enfin » - les structures associatives qui peuvent - on
sait bien que c'est fréquemment le cas - se rendre coupables de dissimulation
de salariés. Je souligne toutefois que la question délicate des associations
intermédiaires reste posée.
Face à cette priorité nationale, le Gouvernement tente de relever le défi
suivant : mobiliser un maximum d'agents de l'Etat sans augmenter les effectifs,
notamment ceux des services de l'inspection du travail, lesquels sont chargés
de faire respecter la législation. Pour cela, il étend à la marge les
compétences des agents des transports terrestres et de la douane. C'est une
décision qui reste bien en deçà, nous semble-t-il, de l'ambition affichée dans
les discours.
Plus fondamentalement, je me demande s'il ne faut pas déceler ici
l'accélération d'un mouvement qui tendrait à gommer la spécificité des rôles
des fonctionnaires de l'administration du travail,...
M. Guy Fischer.
Voilà !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
... chargés de faire régner l'ordre public, mais aussi de garantir le respect
des droits des salariés.
Par ailleurs, en ce qui concerne les moyens dont disposent les agents de
contrôle, le projet de loi énumère les pièces que ceux-ci peuvent se faire
communiquer au cours de leurs missions. Nous verrons que ne sont pas cités
certains documents essentiels, tels que les pièces comptables qui permettraient
d'identifier les donneurs d'ordre qui ont recours à des sociétés écrans ou
d'établir, par exemple, des comparaisons entre le nombre de salariés déclarés
et les rémunérations effectivement portées sur les bulletins de salaire.
S'agissant du volet relatif à la communication et à l'information, j'ai été
choquée par les discussions qui se sont engagées, au sujet de ces articles, à
propos de la nécessité de ne pas créer un climat inquisitorial autour des
employeurs. J'ai également été choquée par les termes dans lesquels ont été
évoquées les relations entre ceux-ci et les administrations de contrôle, mais
aussi - et c'est sans doute plus grave - par les limites posées au droit à
l'information des salariés.
Dans un souci apparemment louable de faciliter les recoupements d'informations
entre les administrations, le texte qui nous est présenté tend à revenir sur
une faculté importante laissée aux inspecteurs et aux contrôleurs du travail, à
savoir le libre choix de communiquer ou non une information relative à une
procédure en cours, souvent engagée à la suite du témoignage d'un employé.
Certes, la convention n° 17 de l'Organisation internationale du travail
prévoyait elle-même la possibilité, pour la législation nationale, de
contourner cette règle déontologique. Toutefois, l'aménagement que vous
suggérez, qui tend à rendre automatique cette communication, peut entraîner de
graves conséquences pour les salariés.
A cet égard, il serait intéressant, madame le ministre, que vous nous
indiquiez les raisons qui ont motivé une telle restriction apportée au libre
arbitre des inspecteurs du travail pour ce qui concerne le travail clandestin,
alors que l'expression « seront habilités » est conservée dans le texte de la
disposition introduite par les députés socialistes et relative au marchandage
et aux prêts de main-d'oeuvre illicites. Il s'agit pourtant là aussi
d'infractions graves, voire plus fréquentes, mais plus difficiles à prouver, et
il arrive même que les parquets renoncent à poursuivre, tant les procédures
sont complexes et longues.
En ce qui concerne les sanctions, l'article 9 relatif à la suspension ou au
refus des aides à l'emploi et à la formation professionnelle confirme une
disposition de la loi de 1991, qui prévoyait déjà le remboursement des aides
publiques en cas de condamnation pour recours au travail clandestin.
Il devrait également permettre de rectifier les orientations surprenantes
proposées au début de l'année 1996, selon lesquelles il semblerait que l'on ne
trouve pas opportun de lier aide publique et respect du code du travail.
Enfin, il est prévu une mesure spécifique concernant les marchés publics, afin
que les collectivités s'assurent que leurs partenaires directs ou indirects
n'ont pas été condamnés pour cette infraction. Nous ne pouvons que nous
féliciter de ce souci de moralisation, mais on peut toutefois s'étonner qu'il
soit nécessaire de légiférer sur un point aussi élémentaire,
a fortiori
en matière de marchés publics, bien que quelques affaires récentes, notamment
dans la région parisienne, nous démontrent que le manque de vigilance du maître
d'ouvrage, voire sa complaisance, est tout aussi grave...
Madame le ministre, la mise en évidence des apports du Gouvernement à la
législation actuelle souligne malheureusement la modestie de ceux-ci.
Il est certes de bon ton, dans certaines sphères, de se lamenter sur le nombre
impressionnant des dispositions introduites progressivement dans le code du
travail et sur la difficulté de les mettre en application. Nul doute que ce
projet de loi ne pourra susciter un tel grief !
Compte tenu de la disparition des mesures clés relatives aux opérations de
police judiciaire, le projet de loi apparaît squelettique. Il procède par
légères retouches et ne s'attaque pas aux nouvelles modalités de travail
dissimulé induites par les nouvelles formes d'aménagement du temps de travail,
le télétravail et l'activité des artisans de fait, et la frontière de plus en
plus floue entre travail intérimaire et marchandage complique encore les
choses. Il s'agit pourtant de phénomènes qui se développent corrélativement à
l'aggravation du chômage et de la précarité, et qu'il est très difficile
d'identifier, donc de réprimer.
Certains aménagements proposés à l'Assemblée nationale ont toutefois permis
d'améliorer le texte du Gouvernement dans trois directions, à partir de la
définition des éléments constitutifs du travail clandestin, de la
responsabilité des différents protagonistes dans la chaîne du travail
clandestin et des droits des salariés victimes de cette infraction.
Remarquons avec regret que les recommandations émises par la commission des
affaires sociales du Sénat constituent assez souvent une régression par rapport
à ces quelques améliorations apportées par l'Assemblée nationale.
Ainsi, est présumé se livrer à un travail clandestin celui qui n'a pas
accompli certaines formalités obligatoires. Je note avec satisfaction que nos
deux assemblées ont souhaité faciliter la constitution de l'infraction dans
l'hypotèse de la dissimulation d'emplois salariés : il est en effet proposé que
l'absence de l'accomplissement d'une seule formalité suffise désormais à
constater le travail clandestin, alors que le texte gouvernemental exigeait
l'absence cumulée d'accomplissement de deux formalités. Malheureusement, cette
apparente « bonne volonté » du législateur est à atténuer fortement, puisqu'en
maintenant la notion d'intentionnalité dans cette disposition il permet aux
employeurs d'invoquer un oubli ou un simple retard dans l'accomplissement des
formalités, que les aller-retour entre le lieu de travail où interviennent les
différents agents habilités à contrôler et le siège où se trouvent les
différents registres permettent très souvent aux employeurs de « rattraper
».
Par ailleurs, la réécriture de l'article L. 324-10 du code du travail aboutit
à une nouvelle définition du travail dissimulé, qui inclut désormais, sur
proposition du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, la dissimulation des
heures travaillées sur le bulletin de paie.
Mais le Sénat propose d'introduire une dérogation de taille à cette
reconnaissance législative d'une jurisprudence de la Cour de cassation : il
s'agit des conventions d'annualisation du temps de travail qui, selon notre
rapporteur, peuvent donner lieu à des inscriptions fictives, dans la mesure où
les bulletins de salaires ne transcrivent plus obligatoirement un nombre
d'heures effectivement travaillées correspondant à un salaire dû. Nous
reviendrons certainement sur ce point au cours du débat.
Par ailleurs, le projet de loi tend à compléter les mesures visant l'ensemble
des protagonistes de la chaîne du travail clandestin.
Afin de faciliter la mise en cause et l'engagement de la responsabilité des
donneurs d'ordre, qui sont en fait les véritables bénéficiaires du travail
clandestin, les députés socialistes ont proposé de supprimer la mention «
sciemment » dans l'article L. 349-9 du code du travail.
En effet, si la démonstration de l'intentionnalité des actes de celui qui
recourt au travail clandestin ne soulève pas de difficultés insurmontables, en
revanche les agents de contrôle rencontrent beaucoup plus d'obstacles pour
apporter les preuves de cette intentionnalité pour ce qui concerne les donneurs
d'ordre.
Or notre rapporteur nous suggère de revenir à la version initiale du texte,
sous prétexte que le caractère intentionnel est constitutif du délit. Mais ne
croyez-vous pas, mes chers collègues, que, dans ce cas, l'intention du donneur
d'ordre se déduit inéluctablement du fait d'avoir, par exemple, passé des
commandes à un fournisseur à des prix anormalement bas ?
Cette hypothèse existe d'ailleurs juridiquement : on parle en effet de délit à
dol implicite. Il est notamment invoqué en matière de sécurité du travail, où
le fait de ne pas avoir protégé une machine, par exemple, peut entraîner une
inculpation.
Il ne suffit pas d'affirmer notre détermination à poursuivre les véritables
responsables ; donnons les moyens aux agents de l'Etat qui remplissent cette
mission dans des conditions difficiles de sanctionner ceux qui s'entendent
parfaitement à utiliser les lacunes ou les imprécisions de la loi pour parvenir
à leurs fins.
On peut également saluer la volonté d'impliquer « à titre préventif » les
maîtres d'ouvrage, publics ou privés, dans la moralisation de la
sous-traitance, leur absence de vigilance constituant en effet une présomption
de responsabilité. On retrouve cette préoccupation à l'article 1er
bis,
visant l'agrément des sous-traitants dans le BTP, et à l'article 10 modifé
pour les contrats passés par les collectivités publiques.
J'estime que ces dispositions préservent l'intérêt général, qui doit être au
centre de toute lutte contre le travail clandestin, mais aussi l'intérêt du
maître d'ouvrage qui, notamment dans le BTP, a beaucoup à perdre en recourant à
des personnels peu ou pas qualifiés.
C'est pourquoi, une fois encore, je ne comprends pas les positions de notre
rapporteur, qui sont devenues celles de la commission des affaires sociales,
sur ces deux articles. La pratique démontre que l'agrément des sous-traitants
est de plus en plus fréquent, qu'il offre des graranties réciproques. Quant à
vos inquiétudes exprimées sur l'article 10, monsieur le rapporteur, votre
argumentation n'est pas convaincante et j'y reviendrai ultérieurement.
Une amélioration a été également apportée sur le volet de la solidarité
financière des maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre puisque, désormais, ils
seront conjointement tenus de contribuer au paiement des pénalités et des
majorations de cotisation obligatoires, et au paiement des indemnités dues aux
salariés dissimulés en cas de rupture de la relation de travail.
Le projet de loi amendé par l'Assemblée nationale apporte quelques
améliorations au point de vue des droits des employés, qui sont les véritables
victimes du travail clandestin. L'indemnité versée en cas de ruptre de la
relation de travail est portée à six mois de salaire, grâce à un amendement
voté à l'unanimité par la commission des affaires sociales de l'Assemblée
nationale.
Par ailleurs, dans des termes qui, selon moi, demeurent encore beaucoup trop
limités, le salarié peut obtenir les informations relatives à l'accomplissement
ou non par son employeur des formalités requises au moment de son embauche.
Pourquoi avoir limité le droit d'information à la seule déclaration préalable à
l'embauche ou au registre unique du personnel ?
A l'Assemblée nationale, M. Salle a évoqué dans son rapport le risque de voir
des salariés « trop curieux » ! Madame le ministre, vous semblez partager cet
avis car, selon vous, certaines formalités, comme celles qui sont relatives à
la fiscalité, ne regardent pas l'employé. Vous avez raison, mais ce n'est pas
tant le contenu de ces formalités qui regarde l'employé que leur existence ou
leur absence.
Nous déposerons des amendements afin de faire accéder l'ensemble des salariés
à ce droit légitime de l'information sur la situation et l'identification de
l'employeur direct, mais aussi sur l'identité des donneurs d'ordres. Cela me
paraît être un droit élémentaire, indispensable, si ces derniers doivent faire
valoir des droits.
Les autres amendements que nous soumettrons à l'approbation du Sénat doivent
permettre de compléter les dispositions relatives à d'autres formes de travail
illégal.
Ils visent les infractions de marchandage et de prêt de main-d'oeuvre
illicite. Nous souhaitons que soient requalifiées les relations de travail où,
sous couvert d'artisanat, de professions indépendantes, les personnes employées
sont en fait subordonnées à celui qui leur fournit le travail ; les exemples
fourmillent, qu'il s'agisse des routiers, des coursiers ou d'autres
professions. Tous les jours, nous découvrons de nouveaux cas dramatiques
d'absence de couverture sociale.
Nous avons également déposé des amendements tendant à améliorer les conditions
dans lesquelles le corps d'inspecteurs et de contrôleurs du travail exécute sa
mission. Ils concernent essentiellement les documents qu'ils peuvent se faire
communiquer.
La proposition visant à interdire les aides publiques aux employeurs se
rendant coupables de travail clandestin nous paraît fort judicieuse. C'est la
raison pour laquelle nous vous proposerons, mes chers collègues, de
conditionner l'octroi de ces aides à l'absence de condamnation pour des délits
commis dans le cadre de la réglementation du travail. Je ne doute pas que vous
partagerez notre souci de défendre le droit des salariés et notre préoccupation
d'assurer une bonne utilisation des fonds publics.
Votre accord sur ces amendements conditionnera notre vote final. Pour nous,
socialistes, il ne peut être question, je le réaffirme solennellement, de
cautionner en quoi que ce soit le travail illégal, sous aucune de ses formes.
Mais nous ne voulons pas nous en tenir à des discours ou à des déclarations
d'intention. Nos propositions d'amendements sont de nature, me semble-t-il, à
donner du corps au présent projet de loi, qui doit être mieux charpenté si nous
voulons qu'il soit efficace. Le groupe socialiste se déterminera donc en
fonction du débat qui va s'instaurer et des avancées qui en découleront.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, notre société
est malade, malade d'une économie libérale qui n'en finit plus de produire ses
effets dévastateurs. Le développement du travail illégal en est un exemple
alarmant, qui révèle les profonds dysfonctionnements de notre système
économique.
Les causes et les mécanismes qui alimentent le travail illégal sont connus.
C'est d'abord la misère. La France compte plus de trois millions de chômeurs et
plus de un million de RMIstes. Autant de personnes qui sont prêtes à
travailler, même dans les pires conditions, pour survivre. C'est aussi, du côté
patronal, la course au profit, la recherche de la rentabilité coûte que coûte,
même si cela doit passer par le non-respect des obligations légales.
Le travail illégal cause de graves désordres économiques et sociaux. Il
représente pour l'Etat et les organismes de protection sociale une perte de
recettes qui s'élèverait à plus de 150 milliards de francs selon les
estimations du rapport parlementaire sur les fraudes et les pratiques abusives.
Il est une concurrence déloyale faite aux entreprises respectueuses de leurs
obligations. Enfin, et surtout, il place les salariés, premières victimes de
ces pratiques, dans une situation d'extrême précarité, ceux-ci échappant à
toute législation sociale protectrice : ils n'ont droit à aucune couverture
sociale, qu'il s'agisse de l'assurance maladie ou de l'assurance vieillesse ;
ils travaillent dans des conditions déplorables, les normes de sécurité et
d'hygiène n'étant que très rarement respectées, et cela pour un salaire
généralement dérisoire. Pour le plus grand profit de l'employeur, ou plutôt des
donneurs d'ordres, ils sont taillables et corvéables à merci.
Ce fléau social et économique, cette forme moderne d'esclavage qui ne cesse de
se développer, ne saurait être tolérée et doit être efficacement combattue.
Face à cette situation, le Gouvernement déclare vouloir faire de la lutte
contre le travail illégal une « priorité nationale ». Nous ne devrions que
pouvoir acquiescer. Mais, hélas ! à examiner de près la politique préconisée,
il semble que le Gouvernement fasse fausse route. Pour montrer sa
détermination, il nous présente en effet une « stratégie globale » associant
traitement économique en amont et traitement pénal en aval, c'est-à-dire le
présent projet de loi.
Je dirai tout d'abord quelques mots de la situation économique dans laquelle
celui-ci vient s'inscrire.
De quoi s'agit-il ? D'une politique qui vise à réduire le coût du travail par
un système d'exonération des charges et de réduction des cotisations sociales,
d'une politique de zones franches et de défiscalisation, d'une flexibilité
accrue à travers l'augmentation du travail précaire, de la flexibilité, des
projets d'annualisation du temps de travail. Nous en discuterons certainement
de nouveau dans quelques semaines.
N'est-il pas paradoxal, pour le Gouvernement, de prétendre s'attaquer aux
causes profondes du travail illégal, alors même que toute sa politique
économique consiste, au contraire, à organiser une harmonisation vers le bas, à
donner son aval à une précarisation accrue des conditions de travail ?
Non, je ne pense pas que ce soit cela s'attaquer aux causes profondes du
travail illégal qui, comme je l'ai indiqué au début de mon propos, sont, d'une
part, le chômage et la précarité et, d'autre part, la concurrence généralisée
et la course effrénée aux gains de productivité.
Après ce rappel, j'en viens au projet de loi proprement dit.
La lutte contre le travail illégal a fait l'objet de nombreuses réformes au
cours des dernières années, avec la présentation de dix textes. Des adaptations
utiles ont été apportées : élargissement du champ de l'infraction, peines plus
sévères, création de certaines peines complémentaires, ou encore début d'une
mise en cause des donneurs d'ordres. Cependant, force est de constater que le
phénomène n'a pas été enrayé, bien au contraire.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose de nouvelles mesures afin de donner une
impulsion décisive à cette lutte. Nous ne sommes pas opposés, bien au
contraire, au principe d'une nouvelle réforme. Le dispositif existant, qui doit
être appliqué, est loin d'être négligeable, mais certains points peuvent être
améliorés, notamment en ce qui concerne les donneurs d'ordres et les maîtres
d'ouvrage, principaux responsables et bénéficiaires de cette économie
parallèle, qui restent encore trop souvent impunis.
Il faut reconnaître que certaines dispositions du projet de loi clarifient et
améliorent la définition de travail dissimulé.
Ainsi en est-il de la distinction entre dissimulation d'activité et
dissimulation de salarié. Ainsi en est-il aussi de l'élargissement du champ
d'application du délit, qui fait de l'absence de déclaration préalable à
l'embauche un élément constitutif du délit de travail dissimulé.
S'agissant, enfin, du dernier volet du texte, relatif aux sanctions, nous
approuvons la peine complémentaire de privation des droits civiques et civils,
la suppression des aides publiques à l'emploi et à la formation
professionnelle, ainsi que la disposition obligeant un candidat à un marché
public et ses éventuels sous-traitants à apporter la preuve qu'ils n'ont pas
fait l'objet d'une condamnation définitive pour infraction à la législation sur
le travail illégal.
Mais cela suffit-il à justifier un nouveau projet de loi ? Notre réponse est :
non, d'autant que ce texte se limite à une forme de travail illégal : le
travail dissimulé, c'est-à-dire la dissimulation d'activité et d'emploi.
Pourquoi une telle restriction ? Certes, le travail dissimulé semble, selon
les statistiques, être la forme la plus importante de travail illégal,
puisqu'il représente 67 % des infractions relevées par les services de
contrôle. Cependant, sur un tel sujet qui, par définition, ne peut être connu
avec exactitude, la prudence est de rigueur. Les statistiques se fondent sur
les infractions relevées, qui ne représentent qu'une petite partie de
l'iceberg, et rien ne permet de dire que ce chiffre soit représentatif. Quand
bien même il serait exact, faudrait-il pour autant négliger les 33 % restants
?
La fausse sous-traitance et les fraudes concernant l'ASSEDIC participent
également au déséquilibre des comptes de la nation, au commerce déloyal et à la
précarisation des salariés. Il est donc impératif de lutter aussi contre ces
formes de travail illégal.
Comment pouvez-vous, madame le ministre, prétendre faire du travail illégal
une priorité en omettant ces infractions ? Je souhaite obtenir une réponse de
votre part.
En ce qui concerne les dispositions relatives à la compétence et à la
procédure, le projet de loi tend à harmoniser les pouvoirs des différents
agents de contrôle en les alignant sur ceux de l'inspection du travail, portant
ainsi atteinte au respect de la spécificité de ses compétences, à son
indépendance par rapport à la police et à la gendarmerie, à sa mission de
contrôle de l'ensemble de la législation sociale, à sa mission protectrice des
droits des travailleurs, à ses moyens et à ses prérogatives.
Par ailleurs, le texte élargit la mission légale des corps de contrôle
compétents en leur donnant, au-delà de leur mission traditionnelle, la mission
de « rechercher ». Cette notion est pour le moins floue et elle permet toutes
les interrogations sur l'utilisation qui pourra en être faite.
Nous touchons là à un paradoxe d'importance : avant de modifier la
législation, ne conviendrait-il pas de se donner les moyens d'appliquer
pleinement les dispositions en vigueur ?
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Comment se fait-il que la majorité des procès-verbaux de constat
d'irrégularité soient, pour la plupart, classés sans suite ? Comment expliquer
qu'on ne remonte que très rarement jusqu'aux commanditaires lors du
démantèlement d'un atelier clandestin ? Les sanctions existantes sont déjà
rarement appliquées. Qu'est-ce qui garantit que les nouvelles sanctions le
seront ?
Le problème semble donc bien dépasser la seule adéquation des règles
juridiques.
Si l'efficacité de la lutte contre le travail illégal est insuffisante, c'est
d'abord par manque de moyens humains, ce qui est largement confirmé par les
inspecteurs et contrôleurs du travail que nous avons pu rencontrer.
Alors que le présent projet de loi comporte de nouvelles missions, il ne
prévoit aucun renforcement des effectifs de l'inspection du travail, dont les
agents ont pourtant vocation à être les principaux acteurs de la lutte contre
le travail illégal. La loi de finances pour 1997 supprime même un certain
nombre de postes.
Enfin, les voies choisies par le Gouvernement pour renforcer la lutte contre
le travail illégal, loin d'être à la hauteur d'une priorité nationale,
sous-tendent de plus des dérives inquiétantes.
L'esprit qui anime le Gouvernement et la majorité me fait sérieusement
m'interroger. Permettez-moi, en effet, de vous faire part de mes vives
inquiétudes quant aux dangereuses dérives que portent en germe certaines
dispositions du texte, qui tendent à orienter le contrôle plus vers les
salariés que vers les entreprises - bien que l'on s'en défende - plus vers la
chasse aux travailleurs étrangers en situation irrégulière que vers la défense
des droits des victimes du travail illégal.
Prenons l'exemple le plus révélateur et le plus intolérable : je parle, bien
sûr, de la disposition sur les pouvoirs des officiers de police judiciaire.
A la suite de l'avis du Conseil d'Etat, cette mesure a été retirée de ce texte
et introduite dans le projet de loi portant diverses mesures relatives à
l'immigration, qui fera l'objet d'un prochain débat. N'est-ce pas implicitement
reconnaître que ce sont les immigrés qui sont les cibles privilégiées de cette
mesure ? Bien sûr, vous vous en défendez !
Pour faire « bonne mesure », nombre de parlementaires de la majorité
aujourd'hui silencieux souhaiteraient la voir réintroduite dans le projet de
loi relatif au travail illégal.
Pour la première fois, hors les grèves et certaines périodes noires de
l'histoire, la police et la gendarmerie seront peut-être autorisées à entrer à
l'intérieur des entreprises. Elles pourraient contrôler l'identité des
salariés, vérifier leur inscription sur le registre du personnel et leur
déclaration préalable à l'embauche. Cette intrusion des forces de l'ordre dans
les lieux professionnels, en dehors des contrôles judiciaires normaux et alors
même qu'aucun délit n'a été commis et qu'il s'agit d'une propriété privée, est
extrêmement choquante.
Ce champ n'est pas le leur. Il y a là une grave confusion des rôles et une
véritable atteinte aux libertés.
Ce droit revient et doit continuer à revenir aux seuls inspecteurs et
contrôleurs du travail, sauf si une commission rogatoire a été délivrée par le
juge ou en cas de flagrant délit. Les salariés ont toujours été considérés
comme des victimes qu'il fallait protéger et non sanctionner. La recherche des
infractions au droit du travail relève principalement du corps de l'inspection
du travail. Remettre en cause ce point serait une erreur impardonnable.
M. Robert Pagès.
Très juste !
M. Guy Fischer.
Dès lors, il est permis de penser que l'irruption des forces de l'ordre dans
les entreprises servirait essentiellement à renforcer la traque aux immigrés
irréguliers. Je ne pense pas qu'on en soit là, mais il faut le dire aujourd'hui
! Les immigrés irréguliers sont, certes, en infraction avec les lois sur
l'entrée et le séjour, mais ils ne sont en aucun cas auteurs du délit de
travail dissimulé, dont ils sont des victimes au même titre que les autres
salariés.
Une telle disposition, qui contribuerait à l'instauration d'un Etat policier,
est aussi scandaleuse dans ce projet de loi que dans le projet de loi sur
l'immigration. De plus, il confirme l'amalgame selon lequel l'immigration
clandestine et le travail illégal sont une seule et même chose ; il alimente la
xénophobie, en faisant croire que les immigrés sont responsables de la
situation de l'emploi.
Tel est d'ailleurs l'esprit, à mon sens édifiant, madame le ministre, d'un
tract récemment publié par l'une des composantes de la majorité
gouvernementale, qui assimile clairement l'immigration clandestine et le
travail illégal :
« Halte à l'immigration clandestine !
« Poursuivons sur la voie de la fermeté ! C'est en ce sens que le Gouvernement
va présenter deux projets de loi, l'un contre l'immigration clandestine,
l'autre afin de mieux lutter contre le travail clandestin. »
M. Robert Pagès.
Amalgame !
M. Guy Fischer.
La boucle est bouclée ! L'amalgame est dénoncé !
Cette confusion est, au demeurant, dénuée de tout fondement. En effet, les
statistiques montrent que, en 1994, l'emploi d'étrangers sans titre de travail
représentait 6 % des verbalisations pour travail dissimulé. Même si ces
chiffres sont à considérer avec circonspection, il semble incontestable que le
travail au noir touche majoritairement des Français.
Le texte se trompe donc de cible. Cela paraît d'autant plus flagrant que les
dispositions visant à remonter jusqu'aux entrepreneurs donneurs d'ordre et
maîtres d'ouvrage restent bien timides. Or l'efficacité de la lutte dépend de
cette possibilité. Le constat se trouve d'ailleurs dans l'exposé des motifs du
projet de loi, selon lequel « la mise en oeuvre des dispositions existantes sur
ce point reste encore limitée ».
Mais que proposez-vous pour y remédier, pour permettre aux agents de contrôle
de remonter l'écheveau souvent complexe des relations de sous-traitance ?
La communication des documents aux corps de contrôle est un élément essentiel,
car c'est par ce droit qu'ils peuvent démêler les filières de sous-traitance. A
cet égard, les propositions gouvernementales sont notoirement insuffisantes.
Ce droit a été à juste titre élargi aux documents commerciaux par un
amendement déposé à l'Assemblée nationale par M. Rudy Salles, rapporteur.
Cependant, il n'a pas été étendu aux documents comptables, qui sont pourtant
des pièces essentielles pour remonter les filières financières souvent fort
sophistiquées. Le Gouvernement préfère limiter ce droit à la communication,
afin qu'il ne soit pas vécu comme un droit d'inquisition par les employeurs.
Les éléments positifs de ce projet de loi sont donc bien faibles, comparés aux
effets néfastes de certaines mesures. La volonté du Gouvernement de lutter
contre le travail illégal n'est guère convaincante.
Vous avez choisi de légiférer, soit ! Mais faites en sorte que ce texte soit
non pas une énième réforme, un texte en trompe-l'oeil, mais un dispositif
complet et adapté. Ce projet de loi est trop timide dès lors qu'il s'agit de
s'attaquer aux donneurs d'ordre, aux intérêts économiques et à la partie du
patronat qui couvre ces pratiques.
Par ailleurs, plusieurs amendements allant dans le bon sens ont été adoptés
par l'Assemblée nationale : amende administrative en cas de non-respect de
l'obligation de déclaration préalable à l'embauche, renversement de la charge
de la preuve, élargissement du délit au cas où la rémunération figurant sur le
bulletin de paie ne correspond qu'à une partie des heures travaillées,
suppression du caractère intentionnel du recours d'un donneur d'ordre aux
services d'une personne pratiquant le travail illégal. Hélas ! les amendements
les plus intéressants risquent d'être supprimés, ceux-ci ayant été adoptés
contre l'avis du Gouvernement et rejetés par la commission du Sénat.
Dans ces conditions, ce projet de loi ne peut nous satisfaire. Le véritable
défi à relever nous semble être de maîtriser une dérive mondiale dans le
domaine des lois régissant l'organisation du travail, et non d'y céder une fois
de plus, ainsi que la majorité du Sénat l'a fait lors de l'adoption du projet
de loi relatif à la consultation des salariés et à la négociation
collective.
Si la lutte contre le travail illégal doit certes s'insérer dans un cadre plus
large que la simple répression, ce n'est certainement pas dans celui qui est
choisi par le Gouvernement.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront donc contre
ce texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est avec
beaucoup de satisfaction que j'interviens aujourd'hui à cette tribune, le
dépôt, par le Gouvernement, du projet de loi soumis à notre examen répondant
entièrement à une demande que j'avais formulée voilà presque un an.
En effet, en mars 1996, au cours d'une séance de questions orales sans débat,
j'avais souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur les conséquences
particulièrement néfastes du travail illégal, tant sur le plan économique ou
social qu'en matière d'immigration clandestine.
J'avais, à cette époque, essentiellement axé mon propos sur la trop grande
importance de l'emploi d'étrangers sans titre, signalant à cet effet qu'aucune
politique de lutte contre l'immigration clandestine ne saurait aboutir tant
qu'il ne serait pas mis fin aux agissements d'employeurs dénués de tout
scrupule.
En effet, si je suis favorable à l'adoption de mesures permettant le retour
dans leur pays d'étrangers séjournant en France en violation des dispositions
législatives - nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en débattre prochainement -
je souhaite en premier lieu qu'il soit mis fin aux agissements d'individus qui,
en toute impunité, attirent dans les filets des policiers et magistrats
français ceux qui, confrontés à la misère quotidienne que leur pays connaît,
cherchent meilleure fortune dans le nôtre.
En réponse à ma question orale du 19 mars dernier, vous m'aviez indiqué,
madame le ministre, qu'un projet de loi était en cours d'élaboration. Aussi, je
me félicite de constater que les travaux de votre ministère ont abouti, en
permettant l'adoption d'un texte que j'espère plus approprié à la lutte contre
le travail clandestin. En écho à plusieurs observations qui ont été formulées
cet après-midi à cette tribune, je me permettrai de dire que ce projet de loi
aurait pu s'intituler simplement : « Renforcement de la lutte contre l'emploi
illégal ».
En dehors du caractère purement immoral que constitue l'emploi illégal de
travailleurs, il faut insister, comme vous le faites, sur le fait que le
travail clandestin a des conséquences désastreuses sur le plan économique.
Ces chiffres, que l'on trouve dans le rapport remis au Premier ministre par
nos collègues de l'Assemblée nationale, MM. Charles de Courson et Gérard
Léonard, m'ont stupéfié : les travailleurs clandestins, dont le nombre est
estimé à 1,5 million, sont responsables d'une perte annuelle de 156 milliards
de francs, soit 10 % du budget de l'Etat !
Alors que nous devons faire face à des difficultés financières au niveau
national et qu'il est demandé à chacun d'apporter sa contribution à la réforme,
une telle situation est inacceptable !
Madame le ministre, grâce au projet de loi que vous nous présentez
aujourd'hui, les agents concernés par la lutte contre le travail illégal
devraient être en mesure d'assurer au mieux les missions qui leur sont
dévolues.
Ce projet de loi regroupe trois orientations majeures, que je m'efforcerai de
développer dans l'ordre dans lequel elles ont été présentées lors de la réunion
de la commission des affaires sociales.
Je ne reviendrai pas sur les problèmes purement juridiques liés à la
définition du délit de travail dissimulé. Le compte rendu des débats de
l'Assemblée nationale a permis à la commission des affaires sociales et à son
rapporteur de tirer toutes les conséquences des différentes rédactions
proposées ; c'est dans ces conditions qu'elle a présenté plusieurs amendements
visant à ce qu'une formulation juridique adéquate soit adoptée.
Ainsi que M. le rapporteur le proposait, j'ai approuvé les amendements visant
à la suppression du principe d'une présomption de travail clandestin en cas de
non-agrément du sous-traitant par le maître d'ouvrage, dans la mesure où, pour
combattre cette présomption, il conviendrait pour le maître d'ouvrage de bonne
foi d'apporter des preuves négatives afin d'établir son honnêteté. Un tel
système semble difficilement acceptable, d'autant plus que le texte concerné a
des répercussions sur le plan pénal.
Toutefois, je souhaiterais que le cas de la sous-traitance ne soit pas
complètement écarté de nos débats dans la mesure où ce mode de recrutement
semble constituer un vecteur important du travail clandestin.
En effet, les entreprises opérant dans le secteur du bâtiment et des travaux
publics, qui regroupait à lui seul 27 % des infractions de travail illégal
relevées en 1994, recourent de façon quasi systématique à la sous-traitance.
Au vu de ce chiffre, il n'est pas déraisonnable de penser que la
sous-traitance favorise le travail illégal. Dès lors, s'il nous est imposible
de faire peser une lourde présomption de culpabilité sur l'ensemble des maîtres
d'ouvrage, il semble cependant nécessaire de trouver un système intermédiaire
qui permettrait d'atteindre l'objectif que s'étaient fixé nos collègues de
l'Assemblée nationale.
Madame le ministre, lors du débat intervenu au Palais-Bourbon, vous vous êtes
prononcée, ainsi que la commission des affaires sociales, en faveur de
l'amendement de M. Le Déaut, ce qui a conduit à l'adoption d'un article 1er
bis.
Pour les raisons que je vous ai exposées, je partage l'avis de la
commission des affaires sociales quant à la nécessité de supprimer cet article,
mais je souhaiterais vivement que le Gouvernement, en accord avec le Parlement,
réfléchisse à d'éventuelles dispositions en ce sens.
Le système de l'obligation de déclaration préalable à l'embauche a permis,
pour une grande part, de jeter les bases d'une lutte efficace contre le travail
illégal. C'est la raison pour laquelle il faut poursuivre dans la voie de la
répression en cas de non-respect de cette obligation.
La commission a émis quelques réserves quant aux modifications adoptées par
l'Assemblée nationale et aurait préféré, en conséquence, une nouvelle
rédaction. Quoi qu'il en soit, l'économie de la mesure n'en est pas
fondamentalement modifiée, et c'est pourquoi j'y adhère pleinement.
Le deuxième volet du projet de loi soumis à notre examen a pour objectif de
renforcer les pouvoirs des agents de contrôle et d'améliorer la coordination de
leurs actions.
Je ne peux que me féliciter de ces mesures, car elles permettront de mettre
fin à un système qui, en raison de la faiblesse des moyens qui lui étaient
consacrés, assurait malgré lui une certaine impunité à des employeurs peu
scrupuleux.
Comment prétendre, en effet, relever des infractions à la législation sur le
travail en vue de les réprimer lorsque ni le nombre d'agents nécessaires ni
leurs pouvoirs d'investigation ne sont suffisants ?
Aujourd'hui, en effet, seuls les inspecteurs et les contrôleurs du travail
disposent du pouvoir de rechercher les infractions, sans qu'ils soient pour
autant spécialisés dans ce type d'action.
De leur côté, douaniers ou officiers de police judiciaire ont des pouvoirs
étendus de recherche des infractions ainsi que d'importants moyens pour y
parvenir, mais ils ne peuvent en faire usage sans qu'une décision de justice
ait été prononcée.
Dès lors, il est évident qu'il convient de donner à tous ces acteurs les mêmes
prérogatives, en les étendant, d'ailleurs, pour certains. C'est la raison pour
laquelle je me félicite de la présence, dans ce projet de loi, de l'article 4,
qui semble pleinement répondre à cet objectif.
Je constate aussi avec satisfaction que nous ne nous cantonnons pas à cet
accroissement des prérogatives des agents de contrôle, que le cadre dans lequel
elles devront s'exercer a également fait l'objet d'une restructuration
approfondie. Je veux parler ici de la coordination des différents services.
En effet, il est inconcevable que, dans un Etat moderne comme le nôtre - mon
propos concerne la lutte contre le travail clandestin, mais il pourrait viser
bien d'autres domaines - l'action des pouvoirs publics puisse être amoindrie
par les pouvoirs publics eux-mêmes.
Je n'admets pas l'idée que, jusqu'alors, des poursuites aient pu être
abandonnées ou sérieusement mises en cause du fait de l'absence d'échange
d'informations entre les différents services concernés par la lutte contre le
travail illégal.
En conséquence, l'article 6 du projet de loi, qui autorise la levée du secret
professionnel entre les différents corps de contrôle et les organismes de
protection sociale, me semble être l'indispensable accessoire des modifications
qu'apporte l'article 4, que j'évoquais précédemment.
Pour en terminer avec le rôle des agents de contrôle, j'exprimerai toutefois
une crainte quant aux effectifs. Je souhaite en effet, madame le ministre,
avoir l'assurance que le nombre d'agents affectés à la recherche des
infractions de travail illégal soit suffisant pour qu'il soit permis de mener à
bien les nouvelles missions que ce texte leur confie. Si tel n'était pas le
cas, je craindrais, en effet, que nos efforts de ce jour ne soient vains.
La troisième orientation du projet de loi dont nous débattons concerne la
dissuasion.
Les mesures qui nous sont proposées à cette fin ont des incidences que je
qualifierai d'« économiques ». En effet, il s'agit le plus souvent de prendre à
l'encontre des employeurs sans scrupule des dispositions visant à les priver
des aides à l'emploi ou à la formation professionnelle, ou à rejeter leur
candidature dans le cas de marchés publics.
Parmi elles, l'une des plus efficaces est l'extension de la solidarité
financière des donneurs d'ouvrage ou des maîtres d'ouvrage, prévue aux articles
6
quater
et 6
quinquies.
En effet, une telle disposition
encouragera immanquablement ces derniers à faire preuve d'une certaine
vigilance, permettant ainsi d'assurer une meilleure prévention du travail
illégal.
Pour indispensables que soient ces mesures, elles ne doivent pourtant pas être
considérées comme étant les seuls outils d'une répression efficace.
En effet, je souhaiterais, pour ma part, qu'il soit fait plus souvent
application de l'article L. 362-3 du code du travail, aux termes duquel les
personnes ayant recours au travail clandestin peuvent faire l'objet d'une peine
allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 200 000 francs d'amende.
Dans le même esprit, vous me permettez de trouver quelque peu timide la portée
de l'article 8 du projet de loi, relatif au prononcé de certaines peines
complémentaires. Je me contenterai de rappeler les termes du rapport déposé à
l'Assemblée nationale par notre collègue Gérard Léonard, au nom de la
commission des lois : « Cette mesure a une portée davantage symbolique que
pratique ou dissuasive. »
Malgré cela, je partage l'opinion selon laquelle cette disposition permettra
de mettre l'accent sur le caractère incivique du travail illégal.
En effet, je conclurai l'ensemble de mon propos en rappelant, hélas ! que le
travail clandestin, s'il concerne, il est vrai, bon nombre d'entreprises, ainsi
que le texte proposé le souligne, concerne également nombre de nos concitoyens,
qui, sans pour autant être des délinquants, participent activement à
l'accentuation de ce phénomène.
Qui n'a pas rencontré autour de lui - on l'a dit cet après-midi - des
personnes ayant recours aux services d'une femme de ménage que l'on paye « en
liquide » ?
A travers ce seul exemple, nous sommes à même de prendre la mesure des
difficultés qui nous attendent pour mettre fin à ces agissements qui, pris
indépendamment les uns des autres, ne sont pas d'une nature exceptionnellement
grave, mais qui, cumulés à l'échelon national, handicapent sérieusement notre
économie ainsi que notre système de protection sociale.
Des efforts ont été déployés en ce domaine avec, par exemple, le développement
des chèques emploi-service. Il faut poursuivre dans la voie de la
responsabilisation des citoyens, car cette orientation constitue, à défaut
d'une impossible répression, le seul chemin praticable.
Madame le ministre, la majorité des membres du groupe du Rassemblement
démocratique et social européen et moi-même, convaincus que ce projet permettra
d'enrayer le phénomène du travail illégal, vous apporterons notre soutien.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je suis
heureux de pouvoir débattre aujourd'hui d'un sujet aussi sensible et primordial
que le travail illégal, et ce d'autant plus que j'ai déposé, voilà quelques
mois, une proposition de loi sur ce même sujet.
Le travail illégal constitue une pratique dangereuse tant économiquement que
socialement : d'abord, parce qu'elle contribue à créer une société parallèle
définissant ses propres règles de fonctionnement ; ensuite, parce qu'elle
accroît le coût de la redistribution sociale et augmente indirectement la
pression fiscale qui s'exerce sur les entreprises et les salariés qui
respectent la légalité, et, plus largement, sur la collectivité nationale tout
entière.
Elle est aussi politiquement insupportable ; elle tend à priver le salarié de
la reconnaissance de sa qualité et des droits qui y sont attachés - droit au
salaire, à la formation, aux allocations chômage, etc.
Elle porte atteinte à la libre concurrence entre les entreprises, dans le
domaine de l'artisanat notamment.
Elle contrarie, enfin, les prérogatives de l'Etat en matière de politique
d'immigration et de soutien à l'emploi.
La lutte contre le travail clandestin se situe donc aujourd'hui à la
conjonction de quatre priorités de notre pays : premièrement, la lutte pour
l'emploi ; deuxièmement, la défense des entreprises contre toutes les formes de
concurrence déloyale ; troisièmement, le rétablissement des équilibres
financiers des organismes de protection sociale ; quatrièmement, enfin, une
meilleure maîtrise des flux migratoires.
En outre, l'excellent rapport de MM. de Courson et Léonard procède à une
estimation alarmante du coût du travail illégal pour la collectivité
nationale.
Ainsi, il évalue à 156 milliards de francs au moins le coût fiscal et social
du travail irrégulier, qui est la première cause de fraude sur les prélèvements
obligatoires.
Face à un tel enjeu, il est primordial de renforcer et d'améliorer sans cesse
notre arsenal législatif.
Le présent projet de loi constitue, de ce point de vue, une avancée
significative.
Il s'inscrit dans le cadre d'une politique globale, alliant prévention et
répression, menée depuis un an et demi par le Gouvernement.
Permettez-moi d'ailleurs, madame le ministre, de saluer dans son ensemble la
politique économique et de l'emploi menée par le Gouvernement. Elle vise à
favoriser l'activité et l'emploi déclarés grâce non seulement à une réduction
du coût du travail et à un allégement de la fiscalité, mais aussi et surtout à
une simplification des formalités administratives tant pour les entreprises,
avec le plan PME, que pour les particuliers, avec le chèque emploi-service.
Il conviendrait également d'étendre la formule du chèque emploi-service au
secteur de l'hôtellerie et de la restauration, très touché par l'emploi illégal
de travailleurs occasionnels.
Le présent projet de loi, madame le ministre, vient renforcer
significativement notre arsenal législatif grâce à trois séries de
dispositions.
La première vise à clarifier et à apporter des adaptations nécessaires et
attendues à la définition du travail clandestin ou dissimulé. J'avoue
d'ailleurs préférer l'adjectif « clandestin » à celui de « dissimulé ».
L'extension du délit de travail clandestin me semble être, sur ce point, une
excellente mesure.
La deuxième tend à développer la prévention et la sanction du travail illégal
grâce, entre autres, à l'introduction d'une peine complémentaire d'interdiction
des droits civiques, civils et de famille. Cette disposition témoigne de la
volonté du Gouvernement de faire du travail illégal une priorité nationale.
Toutefois, pour aller plus loin dans cette voie, ne conviendrait-il pas,
madame le ministre, de rendre plus dissuasives les peines et amendes existantes
? Je vous soumettrai un amendement allant dans ce sens.
Enfin, pour en terminer avec le problème de la sanction, je souhaite attirer
votre attention sur la question de la culpabilité. En effet, le code du
travail, tel qu'il est conçu, considère que seul l'employeur peut être reconnu
coupable d'un délit de travail clandestin, alors que le travailleur n'en est
que la victime.
Or, aujourd'hui, cette conception est dépassée, car certaines personnes - le
fait est connu - ne souhaitent pas se faire déclarer, entre autres parce
qu'elles ne possèdent pas de permis de travail ou parce qu'elles souhaitent
continuer à percevoir les ASSEDIC. Ne conviendrait-il donc pas d'adapter notre
législation pour tenir compte de ce type de situation ?
Le troisième axe du projet de loi vise à renforcer la mobilisation de
l'ensemble des corps de contrôle grâce à une série de mesures appropriées.
Je citerai, au nombre de ces mesures, l'association des contrôleurs des
transports terrestres aux actions de recherche et de constatation des
infractions de travail clandestin.
Je citerai encore l'harmonisation des dispositions relatives à la force
probante qui s'attache aux procès-verbaux dressés par les agents des différents
corps de contrôle.
Je citerai, enfin, l'incitation à la transmission d'informations entre les
différentes administrations et la levée du secret professionnel.
Une telle communication entre administrations est certes nécessaire, mais elle
est actuellement très difficile, chaque administration fonctionnant de façon
très verticale, très cloisonnée.
Cette inertie est regrettable, car certains services constituent de véritables
mines de renseignements.
Enfin, en ce qui concerne la coordination des différents agents de contrôle,
il me semble que la mesure proposée par l'article 10 du projet de loi sur
l'immigration, qui prévoit que policiers et gendarmes pourront entrer librement
dans les locaux professionnels ou les chantiers pour constater des faits de
travail clandestin sous le contrôle de l'autorité judiciaire, constitue certes
une avancée, mais qu'elle est perfectible.
Je soumettrai, à cet effet, un amendement qui reprend la proposition de loi
que j'ai récemment déposée. Il vise à permettre la création, dans chaque
département, sous la responsabilité directe du préfet, d'une structure
spécialement chargée de lutter contre le travail clandestin.
Cette brigade de lutte contre le travail clandestin serait composée
d'inspecteurs du travail, d'une part, de gendarmes et de policiers, d'autre
part, qui appliqueraient conjointement les dispositions du code du travail, du
code pénal et du code de procédure pénale.
Elle interviendrait sur simple demande afin de constater immédiatement
l'infraction de travail clandestin ou dissimulé et d'engager les poursuites à
l'encontre des contrevenants.
Cette formule alternative à celle que propose le Gouvernement permettrait,
j'en suis convaincu, de parvenir à un certain consensus, et ce pour plusieurs
raisons.
J'en évoque quelques-unes. Tout d'abord, la création d'une telle structure
aurait l'immense avantage d'allier les compétences des inspecteurs du travail
et des policiers et permettrait ainsi aux premiers de ne pas avoir le sentiment
d'être privés d'une partie de leurs prérogatives, sentiment qu'ils ont exprimé
à l'égard de la mesure introduite par le Gouvernement.
Ensuite, la disposition proposée s'inscrit dans le cadre du code du travail et
non dans celui du code de procédure pénale, levant ainsi toute ambiguïté quant
à l'opportunité d'une telle mesure dans un texte modifiant essentiellement le
code du travail.
En outre, l'argument invoqué lors du débat à l'Assemblée nationale, selon
lequel il ne faut pas faire d'amalgame entre travail clandestin et immigration
clandestine, est peu convaincant.
Gardons-nous de toute hypocrisie : lutte contre le travail illégal et lutte
contre l'immigration clandestine sont liées même si, comme chacun le sait, les
immigrés en situation irrégulière ne représentent que 10 % des infractions.
En effet, il serait illusoire de penser pouvoir résoudre le problème de
l'immigration clandestine sans agir sur l'effet d'appel produit par le travail
clandestin. De plus, un chapitre entier du code du travail lui-même est
consacré à la main-d'oeuvre étrangère.
Enfin, précisons que les contrôles d'identité qu'effectueraient les policiers
s'adresseraient à tous les travailleurs et non exclusivement aux immigrés en
situation irrégulière ; ni plus de droit aux uns, ni moins de droit aux autres.
C'est précisément la raison pour laquelle introduire une telle disposition dans
un texte sur l'immigration en réduit considérablement la portée et pourrait
conduire à un amalgame, contrairement à l'effet souhaité.
Le troisième argument militant en faveur de mon amendement, c'est la souplesse
et l'efficacité.
Une telle structure éviterait d'attendre la réquisition du procureur,
réquisition qui ferait perdre un temps précieux aux policiers et aux gendarmes
pour constater les infractions notamment pour démanteler les ateliers
clandestins, qui sont, comme chacun le sait, très mobiles.
Enfin, dernier argument, la constitution de telles structures permettrait de
compléter, à l'échelon local, le travail de coordination de la future
commission nationale de lutte contre le travail clandestin.
Je conclurai mon intervention en attirant l'attention sur les dérives
qu'entraîneraient certaines mesures proposées lors du débat à l'Assemblée
nationale.
En effet, certains de nos collègues députés ont tenté de substituer au
caractère intentionnel le critère matériel de recours au travail clandestin.
De telles dispositions seraient difficilement acceptables ; elles généreraient
un sentiment généralisé de suspicion à l'égard des entreprises, qui auraient
ainsi constamment à prouver leur bonne foi.
La lutte contre le travail clandestin ne doit pas se faire contre les
entreprises mais avec elles et, surtout, pour elles. Ce n'est pas en les
accablant qu'on les incitera à créer des emplois. C'est pourquoi je vous
inviterai, lors de l'examen des articles, à supprimer un amendement adopté par
l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement.
Convaincu comme vous, madame le ministre, que la lutte contre le travail
clansdestin doit être considérée comme une priorité nationale, je reste, avec
mes collègues du groupe du RPR, favorable à ce projet de loi, en souhaitant que
l'examen des articles nous permette encore d'en améliorer le contenu.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, étant le
dernier orateur inscrit, je vous prie par avance de m'excuser pour certaines
redites.
En dépit des nombreuses dispositions prises depuis un certain nombre d'années,
il semblerait que le travail clandestin ne soit pas en régression. Il continue
à représenter une part importante du marché du travail, avec tous les effets
négatifs que cela entraîne : absence de couverture sociale, concurrence
déloyale, cotisations sociales et rentrées fiscales inexistantes. Tout cela a
déjà été dit.
Pour en réduire les conséquences désastreuses, vous nous proposez, madame le
ministre, un nouveau texte aussi important que complexe.
Important, il l'est par l'objet qui lui est fixé : renforcer la lutte contre
ce travail que l'Assemblée nationale a appelé, à juste raison, « dissimulé ».
Il s'agit bien, en effet, de dissimulation, par exemple, lorsqu'une personne se
présente comme artisan et qu'elle ne l'est pas, ou bien lorsqu'une entreprise
ne déclare pas certains de ses employés.
Dans ces cas précis, les choses sont claires : lors de contrôles, elles sont
facilement indentifiables donc sanctionnables. Elles le seront encore davantage
avec la coordination de tous les intervenants en matière de recherche du
travail dissimulé que prévoit votre projet de loi. C'est d'ailleurs
certainement l'une des mesures les plus importantes qu'il contient avec
l'extension aux associations du travail dissimulé.
Cependant, ce texte demeure, sur certains points, complexe, voire ambigu. En
effet, comment partager les responsabilités entre celui qui commande et celui
qui exécute en matière de dissimulation ? Celui qui commande et qui sait «
sciemment » que celui qui exécute pratique du travail dissimulé n'est-il pas
aussi coupable que lui ? C'est ce que prévoit d'ailleurs l'article L. 324-9 du
code du travail. Mais cette disposition vise-t-elle également le particulier
donneur d'ordres ?
Celui qui accepte, soit à l'intérieur d'une entreprise, soit pour un
particulier, d'effectuer « sciemment » un travail dissimulé n'est-il pas, lui
aussi, coupable ? Il ne faudrait donc surtout pas, par exemple, lui donner une
prime sous forme d'indemnisation, comme le prévoit l'article 3 modifié par
l'Assemblée nationale, s'il a accepté sciemment, voire demandé, à travailler
sans être déclaré par l'employeur. Il faudrait, au contraire, pouvoir le
sanctionner. Mais comment ? M. le rapporteur pour avis a évoqué tout à l'heure
quelques pistes en ce domaine.
Si nous avançons dans la définition du travail dissimulé, grâce à M. Souvet,
les choses sont moins claires en ce qui concerne la part de responsabilité de
ceux qui pratiquent cette dissimulation. Est-ce une volonté de votre part,
madame le ministre ? Avez-vous écarté délibérément le travail clandestin qui
peut être pratiqué par des particuliers ? Certes, si chacun est très satisfait
par l'article 10 du projet de loi initial qui permettra d'interdire aux
fraudeurs l'accès aux marchés publics, on peut cependant s'interroger sur le
deuxième alinéa introduit par l'Assemblée nationale. En effet, cet alinéa
octroie un pouvoir de contrôle qui, à mon avis, outrepasse la mission des
collectivités publiques et, surtout, qui risque de rendre responsables
celles-ci dans le cas d'un contrôle défaillant. Quel est votre sentiment à cet
égard ?
Par ailleurs, tout en admettant ce renforcement dans les moyens de lutte
contre le travail dissimulé, je voudrais m'assurer, madame le ministre, qu'on
ne tombe pas dans l'inquisition à l'égard des entreprises.
On répète sans cesse qu'il faut éviter les tracasseries à leur égard. Ne
va-t-on pas ouvrir par ce texte des possibilités nouvelles de contrôles
tatillons qui iraient à l'encontre de cette volonté ? Les contrôles envisagés
seront-ils systématiques et envers n'importe quelle entreprise, ou seront-ils
diligentés suivant des présomptions de délits ? Et à partir de quelle situation
peut-il y avoir présomption ? Qui ne connaît des exemples d'artisans, de
petites entreprises ou de petits restaurateurs qui, au moment d'un coup de «
bourre » - cela arrive heureusement - font appel, parfois seulement pour
quelques heures, à une personne pour assurer ce surcroît très momentané de
travail ? Il y a bien alors « travail au noir ». Mais est-ce comparable au
travail clandestin que nous voulons justement sanctionner ? Le coupable, dans
ce cas, sera-t-il pénalisé de la même façon que celui qui en fait un usage
courant ? Une procédure d'avertissement n'est-elle pas envisageable ?
Certes, il y a eu « sciemment » une dissimulation, mais est-ce une véritable
volonté de tricher ? Je ne le crois pas.
Ne peut-on remédier à cet état de fait en envisageant - cela a d'ailleurs été
demandé - pour des petites entreprises, la possibilité d'utiliser des chèques
emploi-service comme pour les particuliers ? On en parle mais on ne voit rien
venir. L'illégalité et ses conséquences demeurent. Avez-vous, madame le
ministre, un projet de ce type en préparation ?
En conclusion, ce texte va certainement dans le bon sens. Cependant, j'espère
que le débat permettra d'obtenir des précisions sur les personnes publiques ou
privées visées par ce projet. Les entreprises sont-elles visées ? C'est
évident. Les associations - c'est nouveau - le sont également. Concerne-t-il
les particuliers qui veulent donner ou effectuer volontairement du travail
dissimulé ? Cela est moins clair. Intéresse-t-il, indirectement, les
collectivités publiques, dans le cadre de l'article 10 ?
Des précisions me paraissent également nécessaires sur le risque d'un
alourdissement des tracasseries administratives à l'égard des entreprises, pour
ne pas parler d'inquisition, sur la possibilité d'avertissement avant sanction,
sur la recherche d'autres actions à engager, plus positives, plus actives, pour
réduire le travail dissimulé. Je pense par exemple aux chèques emploi-service
utilisables par de petites entreprises, à la simplification des formalités à
l'embauche, sans parler de la baisse de la TVA dans certains secteurs
d'activité.
Madame le ministre, vous avez par avance répondu à un certain nombre de ces
questions. Grâce à vos réponses, le projet de loi que je jugeais
essentiellement répressif laisse entrevoir des perspectives de solutions qui
vont dans le sens que je souhaite. J'aimerais cependant qu'on aille au-delà
dans cette recherche de solutions.
Dans l'attente de telles mesures, monsieur le président, madame le ministre,
mes chers collègues, l'intention fondamentale de ce texte étant bonne mais
encore perfectible avec l'adoption de quelques amendements, en particulier ceux
qui seront proposés par la commission des affaires sociales, avec les membres
de mon groupe, je voterai ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
15