M. le président. « Art. 11. - Le troisième alinéa de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 précitée est remplacé par les trois alinéas ainsi rédigés :
« Une même personne physique ou morale ne peut contrôler directement ou indirectement plus de la moitié de l'offre de services de radiodiffusion ou de télévision diffusés par satellite et mis à la disposition du public sur le territoire national.
« Toute personne physique ou morale mettant à disposition du public une offre commune de services de radiodiffusion sonore ou de télévision par satellite ou par câble ou utilisant les fréquences ou les bandes de fréquence visées à l'article 24 doit réserver au moins 20 % de la capacité qu'elle utilise pour la diffusion de cette offre à des services français ou relevant de la compétence d'un Etat membre de l'Union européenne qu'elle ne contrôle pas directement ou indirectement.
« Pour l'application du présent article, on entend par offre commune la totalité des services de radiodiffusion sonore ou de télévision proposés, y compris ceux qui font l'objet de conditions d'accès particulières. »
Par amendement n° 88, MM. Ralite et Renar, Mme Luc, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, au premier alinéa du texte présenté par cet article pour remplacer le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, de remplacer les mots : « plus de la moitié » par les mots : « plus du tiers ».
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Il s'agit là d'un point central dans le dispositif du projet de loi que nous examinons, lequel se contente, pour faire court, d'organiser la concurrence. Mais c'est une concurrence a minima , visant essentiellement, à notre sens, à la déstabilisation du service public de l'audiovisuel.
Laisser une même personne contrôler près de la moitié de l'offre de services de radiodiffusion ou de télévision diffusés par satellite, c'est éventuellement permettre à trois personnes morales de contrôler la totalité de l'offre de services de radiodiffusion ou de télévision diffusés par satellite sur le territoire national. C'est là une curieuse façon de limiter la concentration !
Quant à la place du secteur public dans l'offre de services satellitaires, elle est laissée sous silence, le service public devant se contenter, sur ce point, de conclure des accords avec des opérateurs privés. Nous ne pouvons l'accepter.
Le projet de loi qui nous est présenté organise de fait de nouveaux monopoles, mais privés. J'ai évoqué dans la discussion générale la construction, pilotée par la CGE, d'une « néo-ORTF » privée. L'Etat n'est plus l'Etat-providence, nous dit-on, mais là il devient la providence des grandes affaires et même, sur certains plans, des grandes affaires internationales dans le secteur audiovisuel, ce qui n'est guère conforme à la recherche d'un audiovisuel pluraliste et de qualité.
Notre amendement vise à un rééquilibrage de cette situation de fait, rééquilibrage laissant une plus large place à la création et à l'esprit.
Ainsi, nous proposons qu'une même personne morale ne puisse disposer de plus du tiers de l'offre de services de radiodiffusion ou de télévision diffusés par satellite.
Dans le même ordre d'idée, mais nous y reviendrons, un tiers de cette offre devrait être pris en charge par le secteur public de l'audiovisuel.
Cet amendement est, pour nous comme pour nombre d'acteurs du secteur audiovisuel, fondamental.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Le dispositif qu'elle a adopté lui paraît beaucoup plus efficace.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 16, M. Jean-Paul Hugot, au nom de la commission, propose, au premier alinéa du texte présenté par l'article 11 pour remplacer le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots : « services de radiodiffusion ou de télévision », d'insérer les mots : « en langue française ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. L'article 11 du projet de loi vise à adapter à l'évolution de la diffusion satellitaire les dispositions qui limitent la concentration dans le secteur de la télévision par satellite.
Cet amendement tend à limiter la portée de la disposition qui interdit à une même personne, physique ou morale, de contrôler plus de la moitié de l'offre satellitaire à la disposition du public sur le territoire national aux services en langue française.
Une position dominante sur le marché national de la diffusion de service par satellite ne peut en effet qu'être appréciée par rapport aux services rendus en langue française, les services en langue étrangère étant peu susceptibles d'attirer un large public et de contribuer au pluralisme de l'offre de services satellitaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Au risque de me rendre ridicule, je voudrais savoir pourquoi on parle, dans certains cas, de services de radiodiffusion et, dans d'autres, d'ailleurs plus nombreux, de services de radiodiffusion sonore. Existe-t-il une différence entre la radiodiffusion ordinaire, qui, pour moi, est sonore, et la radiodiffusion sonore ?
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. C'est en effet une bonne question !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 89, MM. Ralite et Renar, Mme Luc, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter le premier alinéa du texte présenté par l'article 11 pour remplacer le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, par une phrase ainsi rédigée :
« 50 % de l'offre de services de radiodiffusion ou de télévision diffusés par satellite mis à la disposition du public est mise en oeuvre par les sociétés publiques de l'audiovisuel françaises et européennes. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Cet amendement procède du même esprit que le précédent et soulève la même question, celle du pluralisme.
On a beaucoup critiqué dans nos assemblées le monopole public ; il n'existe plus. Le remplacer par des monopoles privés est une curieuse façon d'interpréter le mot « pluralisme » !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 89, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 90, MM. Ralite et Renar, Mme Luc, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit les deuxième et troisième alinéas du texte présenté par l'article 11 pour remplacer le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par les deux alinéas suivants :
« Toute personne physique ou morale mettant à la disposition du public une offre commune de services de radiodiffusion sonore ou de télévision par satellite ou par câble, doit réserver au moins 50 % de la capacité qu'elle utilise pour la diffusion de cette offre, à des services du secteur public, originaires de l'Union européenne et d'expression française qu'elle ne contrôle pas directement ou indirectement.
« Pour l'application du présent article, l'obligation devra être respectée séparément pour les services de radiodiffusion sonore, d'une part, et pour les services de télévision, d'autre part, y compris, dans chaque cas, ceux qui font l'objet de conditions d'accès particulières. »
Par amendement n° 117, M. Estier, Mme Pourtaud, MM. Weber et Sérusclat, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 11 pour le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, de remplacer le pourcentage : « 20 % » par le pourcentage : « 30 % ».
Par amendement n° 17, M. Jean-Paul Hugot, au nom de la commission, propose, après les mots : « pour la diffusion de cette offre » de remplacer la fin du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 11 pour remplacer le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par les dispositions suivantes :
« ... à des services qui ne sont pas contrôlés directement ou indirectement par elle-même, ni par une personne physique ou morale détenant plus de 5 % de son capital. Sous réserve des engagements internationaux de la France, ne sont pas pris en compte pour l'application du présent alinéa les services édités par une personne de nationalité étrangère au sens du second alinéa de l'article 40.
« Les personnes qui ne satisfont pas aux dispositions du précédent alinéa à la date d'entrée en vigueur de la loi n° ... du ... se mettent en conformité avec ces dispositions dans un délai de deux ans à compter de cette date. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 123, présenté par M. Estier, Mme Pourtaud, MM. Weber et Sérusclat, les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, au début du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17, après les mots : « à des services », à insérer les mots : « diffusés en langue française ».
Par amendement n° 118, M. Estier, Mme Pourtaud, MM. Weber et Sérusclat, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 11 pour remplacer le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, d'insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Aucune personne physique ou morale mettant à disposition du public une offre commune de services de radiodiffusion sonore ou de télévision par satellite ne peut détenir de droit exclusif de diffusion des programmes des sociétés mentionnées aux 2° et 3° de l'article 44 et à l'article 45-I de la loi précitée, modifiée par la présente loi.
« Les sociétés mentionnées aux 2° et 3° de l'article 44 et la société de l'article 45-I précité peuvent, à leur demande, bénéficier gratuitement de fréquences ou de bandes de fréquences sur toute offre commune de services de radiodiffusion sonore ou de télévision par satellite, pour la diffusion de leurs programmes.
« Ces services devront être accessibles sans abonnement. »
Par amendement n° 91, MM. Ralite et Renar, Mme Luc, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du troisième alinéa du texte présenté par l'article 11 pour remplacer le troisième alinéa de l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, d'insérer une phrase ainsi rédigée :
« Le réseau public de radio et télévision français et européen constituera dans les meilleurs délais son propre bouquet de programmes satellitaires tant pour ses actuelles chaînes généralistes que pour ses actuelles et futures chaînes thématiques. »
La parole est à M. Ralite, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Jack Ralite. C'est toujours le même esprit qui nous anime : tout doit être fait pour garantir et même développer le pluralisme. Il y a danger, et je trouve un peu fort que les avis de la commission et du Gouvernement se limitent toujours, sans autre commentaire, au mot « défavorable ! ».
Le grand problème est qu'il y aura une foule de chaînes et de plus en plus de produits - j'emploie le mot à dessein - mais ils se ressembleront tous. Pour notre part, nous sommes favorables à des créations diversifiées et pluralistes, et, pour les favoriser, il n'y a pas d'autre moyen que de multiplier les pilotes.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour présenter l'amendement n° 117.
Mme Danièle Pourtaud. L'article 11 vise à obliger les opérateurs à réserver 20 % de leur capacité à la diffusion de services français ou relevant d'un Etat membre de l'Union européenne qu'ils ne contrôlent pas directement ou indirectement.
Nous proposons de relever ce pourcentage, qui nous paraît tout à fait insuffisant, car on oublie trop facilement que réserver 20 % de la capacité de diffusion à la production indépendante, cela signifie, ipso facto, laisser les 80 % restants à la production contrôlée par les grands groupes, seuls capables aujourd'hui d'être opérateurs satellitaires.
Il faut au contraire souhaiter que les bouquets numériques constitueront un formidable appel pour l'offre de programmes. La production indépendante, étranglée par une demande hertzienne réduite et monopolistique, en a besoin. Or, nous pouvons trouver là le moyen de la stimuler et, par là même, de diversifier l'offre audiovisuelle.
Nous proposons donc de réserver un pourcentage de 30 % à la production indépendante. Nous espérons, par ailleurs, que vous accepterez de préciser qu'il devra s'agir de services francophones. Ainsi, nous nous donnerons les moyens de protéger la production française indépendante.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Cet amendement renforce le dispositif imposant à tout offreur de services câblés ou satellitaires de réserver 20 % de sa capacité de diffusion à des services indépendants.
D'une part, nous excluons de ce quota non seulement les services contrôlés par l'opérateur du bouquet, mais aussi les services que contrôlent ses actionnaires. Les chaînes du bouquet TPS, par exemple, sont contrôlées non pas par TPS, mais par ses actionnaires. Dans ce cas, le quota de 20 % de chaînes indépendantes de l'opérateur ne signifierait donc pas grand chose.
D'autre part, nous nous assurons que cette ouverture sera vraiment l'occasion du développement de chaînes nouvelles.
Il est donc proposé, par référence à l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986, de ne prendre en compte, pour « remplir » le quota de 20 %, que des chaînes éditées par des sociétés françaises ou européennes. Bien entendu, cela n'empêchera pas les bouquets d'inclure des chaînes étrangères non européennes, mais elles seront hors quota.
Enfin, il semble indispensable de laisser un délai aux opérateurs pour se mettre en règle avec l'obligation du « quota de chaînes indépendantes ».
Nous proposons donc également que ce délai soit de deux ans, pour permettre le développement de nouvelles chaînes susceptibles de bénéficier du quota prévu. Un délai trop bref contraindrait en effet les opérateurs à s'acquitter de l'obligation qui leur est faite en intégrant uniquement à leurs bouquets des chaînes déjà existantes.
Mes chers collègues, vous comprendrez que la commission ne peut donc qu'être défavorable aux autres amendements qui font l'objet de cette discussion commune, le sien permettant de satisfaire de façon plus complète à l'exigence de pluralisme.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre le sous-amendement n° 123 et l'amendement n° 118.
Mme Danièle Pourtaud. L'argumentaire que j'ai développé pour défendre l'amendement n° 117 s'applique au sous-amendement n° 123 : le quota de programmes réservés à la production indépendante doit l'être à des programmes francophones.
Quant à l'amendement n° 118, il vise à donner au secteur public la possibilité d'être accueilli sur l'ensemble des bouquets satellitaires.
Face aux bouleversements que promet le numérique dans le paysage audiovisuel, nous devons nous poser la question de la place du service public. En l'état, ce projet de loi ne permet pas de répondre de manière satisfaisante à cette inquiétude.
Je rappelle la double responsabilité du service public à l'égard des citoyens : garantir l'égal accès à tous, offrir des programmes diversifiés et de qualité.
Nous ne souhaitons pas que, dans l'ère du numérique, les télévisions publiques se comportent comme des entreprises commerciales soumises comme les autres à la concurrence. Les obligations qui pèsent sur elles, les missions dont elles ont la charge et le peu de ressources dont elles disposent impliquent des règles particulières.
La décision de participation de France Télévision au capital de TPS s'est faite en catimini, sans débat devant le Parlement, et, surtout, sans réflexion sur la stratégie du service public dans cet univers numérique. Il ne s'agissait pourtant pas d'une simple décision économique et financière prise par une entreprise publique : c'est la place même du service public dans la télévision numérique qui était en jeu. Par ailleurs, France Télévision a ainsi pris parti dans la concurrence que se font les bouquets numériques. Vous admettrez que ce n'est pas la rôle du service public.
France Télévision s'est liée les mains pour les deux chaînes généralistes mais également pour ses chaînes thématiques, et cela sans contrepartie. Aucun engagement de financement de ces chaînes n'a été pris.
Le législateur est placé devant le fait accompli.
Pour ne pas totalement hypothéquer l'avenir, il faut réfléchir à partir des objectifs et des principes qui doivent régir le comportement, fût-il parfois commercial, de la télévision publique. Il nous semble que deux principes doivent s'imposer : celui de la séparation entre l'éditeur et le diffuseur, d'une part, et, surtout, celui de l'accès de tous à la télévision publique, d'autre part. Notre amendement traduit ces deux principes.
Il n'y a aucune raison pour que le service public, qui n'en a guère les moyens, s'occupe de diffusion numérique, c'est-à-dire à la fois de diffusion et de gestion d'abonnement. A cet égard, la participation au capital de TPS constitue une erreur statégique.
L'avenir est aux programmes, nous l'avons assez dit, et je crois, monsieur le ministre, que vous en êtes vous-même convaincu. Le service public doit y jouer pleinement son rôle d'éditeur, notamment dans le marché des chaînes thématiques. Nous estimons qu'il n'est pas conforme à sa vocation de réserver ses programmes, qu'ils soient généralistes ou thématiques, à un seul opérateur.
Nous voulons que le service public ne se lie pas les mains avec l'un ou l'autre des opérateurs de bouquets numériques. C'est pourquoi nous proposons d'empêcher les opérateurs de détenir un droit exclusif de diffusion sur les programmes de France Télévision.
Enfin, nous voulons que le service public, financé par la redevance, ne dépende pas du bon vouloir des opérateurs pour sa diffusion en numérique. Pour qu'il soit accessible au plus grand nombre, nous voulons lui permettre de figurer dans les bouquets numériques qu'il choisira. Il ne nous a pas semblé, en revanche, opportun de lui imposer de monter sur tous les bouquets ; car cela pourrait l'amener à cautionner des programmes qui ne seraient pas conformes à sa vocation.
Pour rester fidèle à sa nature, il est essentiel que le service public puisse être diffusé gratuitement et capté sans abonnement. Il demeurerait ainsi fidèle au principe d'égal accès pour tous et pourrait néanmoins participer pleinement au développement du numérique en y jouant son rôle d'éditeur de programmes.
M. le président. La parole est à M. Ralite, pour défendre l'amendement n° 91.
M. Jack Ralite. Je ferai en préalable une brève remarque à propos de la notion d'« indépendant ».
Je m'interroge, car la CGE, de Babelsberg à Boulogne-Billancourt en passant par la SFP, qu'elle veut acheter, Havas et Canal Plus, est bien en train de devenir le géant que j'évoquais.
Quant à la quote-part que l'on veut, à juste titre, réserver aux indépendants, son calcul tiendra-t-il compte de la part de la CGE ou de celle qui reste encore au service public ? C'est une vraie question, et j'avoue que je reste dubitatif. Le silence du texte que nous examinons est éloquent à cet égard, aussi l'amendement n° 91 vise-t-il à redonner sa place au service public de l'audiovisuel, le seul qui soit réellement au service de tous nos concitoyens.
Pourquoi, en effet, attendre d'un opérateur satellitaire ou d'un câblo-opérateur qu'il offre à nos chaînes publiques une place dans l'offre des programmesproposés ?
Pourquoi ne pas donner au service public les moyens offensifs de diffuser plus largement ses programmes ?
Notre collègue M. Cluzel n'indiquait-il pas lui-même, dans son rapport sur l'audiovisuel, que le service public devait, dans l'intérêt même des cultures européennes, prendre toute sa place face aux attaques d'outre-Atlantique ?
C'est le sens de l'amendement que nous vous proposons d'adopter, lequel prévoit que « le réseau public de radio et télévision français et européen constituera dans les meilleurs délais son propre bouquet de programmes satellitaires tant pour ses actuelles chaînes généralistes que pour ses actuelles et futures chaînes thématiques ».
La défense de « l'exception culturelle » est à ce prix. Elle ne peut se payer de mots et impose une autre conception que celle que défendent ceux qui, toujours plus haut et fort, affirment que le service public coûte cher.
La teneur des enjeux culturels mais aussi économiques nous impose de doter notre pays d'un grand service public unifié de l'audiovisuel.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à bien vouloir adopter l'amendement que nous vous proposons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 90, 117, 118 et 91, ainsi que sur le sous-amendement n° 123 ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 90. Je l'ai indiqué tout à l'heure, l'amendement présenté par la commission comporte lui-même des mesures « anticoncentration » suffisamment efficaces.
Pour les mêmes raisons, la commission est également défavorable à l'amendement n° 117. Enfin, elle émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 123 ainsi que sur les amendements n°s 118 et 91.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Compte tenu du marché, il nous semble totalement irréaliste d'imposer un seuil de 50 % de chaînes publiques ou indépendantes. D'une part, cela constituerait une contrainte extrêmement forte sur les opérateurs de bouquets, qui seraient tentés de se délocaliser à l'étranger. D'autre part, il n'y a, me semble-t-il, pas suffisamment de chaînes existantes, voire de chaînes disponibles répondant aux critères de l'amendement n° 90. Aussi, le Gouvernement émet-il un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, il émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 117, qui prévoit un seuil de 30 % de chaînes indépendantes. Il s'agit, là encore, d'un objectif irréaliste par rapport au marché.
L'amendement n° 17 tend à préciser davantage les critères de contrôle tout en laissant aux opérateurs le délai pour respecter les règles. En raison de ce souci de pragmatisme et d'efficacité, le Gouvernement émet un avis favorable.
En revanche, il émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 123, car il cherche à atteindre le même objectif que l'amendement de la commission.
L'amendement n° 118 remettrait en cause la participation de France Télévision au bouquet satellite TPS.
M. Henri Weber. Exactement !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Le développeemnt de TPS en serait pénalisé et, par voie de conséquence, l'émergence d'une concurrence sur un marché jusqu'à présent très fermé serait plus difficile. Ainsi, France Télévision perdrait une occasion très importante d'approcher les métiers du numérique. J'émets donc un avis défavorable.
Cependant - un certain nombre d'entre vous diront peut-être que tel est le cas depuis le début, mais ce n'est pas vrai - je suis sensible à l'esprit de cette proposition, au-delà des incidences économiques, car je partage votre souci d'indépendance des chaînes publiques vis-à-vis des considérations commerciales et des intérêts privés. Aussi, je souhaite que la durée de l'exclusivité de France Télévision dans le bouquet TPS soit limitée dans le temps, et j'entends faire prévaloir ce point de vue dans le cadre des négociations en cours.
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 91, car celui-ci ne prend pas en compte les accords intervenus entre le secteur public et le secteur privé non seulement en France, mais aussi en Espagne ou en Italie, par exemple. De plus, le marché du satellite est davantage ciblé par bassins linguistiques, avec des offres spécifiques à chaque pays, plutôt que par la distinction entre secteur public et secteur privé.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 90.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je ferai une remarque plus générale sur l'ensemble des amendements qui viennent d'être présentés.
Finalement, la discussion avançant, on voit bien se développer le fil conducteur de ce projet de loi : pour tout ce qui existe, régulation a minima ; pour tout de qui est à venir, plus de régulation ! Tel est, je crois, le fondement de ce texte qui, je l'ai dit au début de la discussion, est d'apparence minuscule mais traite de questions majuscules.
Je reviens à la CGE. Nous assistons à la constitution d'un vrai monopole et ce groupe, lui, voit ses libertés financières grossir de plus en plus. J'ai évoqué tout ce qu'il possédait. J'ajoute que ce type de monopole est différent des monopoles que nous avons connus jadis dans le domaine des images. Je prends l'exemple américain du monopole piloté par Zanuck : bien sûr, celui-ci voulait de l'argent, mais il en gagnait sur une activité qu'il aimait car c'était un homme du cinéma. Mais la CGE, ce sont les ordures ménagères, l'eau ! Ses dirigeants n'aiment pas le cinéma, ils veulent faire de l'argent sur le cinéma et sur les images - et on les laisse s'épanouir !
M. Franck Sérusclat. Très bien !
M. Jack Ralite. Aussi, tous les mots sur la défense du service public deviennent des mots sans conséquence. Il y a là quelque chose de grave, et il convenait de le dire à cet instant.
De plus, à écouter tous les propos qui accompagnent la litanie des avis défavorables, je vois que l'on raisonne sur le réel réalisé. Mais quand on discute de l'innovation, on doit discuter du réel en mouvement, du réel en construction. Bien sûr qu'il y aura peut-être des délocalisations. Et alors, on cède ? Il ne faut pas céder ! Il faut être offensif !
M. Philippe Marini. Il faut respecter la loi !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je le dis d'une manière très forte : on ne peut pas dire que l'on est sur le réel réalisé ! En effet, aujourd'hui, le réel réalisé, c'est, par exemple, le fait que 100 % des chaînes sont dépendantes des actionnaires des bouquets. Aux termes de la disposition que nous examinons, 20 % des chaînes seront indépendantes des actionnaires des bouquets.
Vous évoquez les grands groupes et notamment la CGE, monsieur Ralite. A l'heure actuelle, nous sommes les premiers à voter une loi qui prévoit que 20 % des chaînes seront indépendantes des actionnaires des bouquets. C'est historique ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je suis défavorable à l'amendement n° 90, mais favorable à l'amendement n° 91. En effet, il sera nécessaire d'avoir un système satellitaire pour le service public, surtout lorsque se produira une montée en charge des services liés au développement de la société de l'information dans laquelle nous entrons. Actuellement, nous étudions à cet effet un satellite pour l'ensemble méditerranéen.
Il me paraît essentiel d'afficher notre volonté que le service public de la télévision et de la communication spécialisée - bien sûr, cela ne pourra être réalisé tout de suite car des problèmes financiers se posent - puisse disposer de systèmes satellitaires pour que la voix de la France, les services de la France puissent être définitivement présents.
En ce qui concerne l'amendement n° 118, je suis favorable à une partie des dispositions proposées, à savoir la non-fourniture de monopole à telle ou telle société privée. Pour le moment, il me paraît impossible d'aller plus loin. Cependant, comme nous l'avons dit au début de cette discussion, nous serons bientôt amenés à remettre l'ouvrage sur le métier et nous pourrons alors aller plus loin.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Les deux amendements n°s 91 et 118 sont complémentraires. En effet, on ne détruit que ce que l'on remplace. Si on considère qu'il est tout à fait anormal que les chaînes publiques soient exclusivement diffusées en numérique crypté sur TPS et qu'il faut mettre fin à cette anomalie, il convient de se demander ce que l'on va faire à la place.
Examinons ce qui se passe ailleurs, et notamment en Grande-Bretagne. On s'oriente là-bas vers un grand bouquet de chaînes publiques à l'échelon européen, et je crois que c'est cela l'alternative. Pourquoi ne reconstituerait-on pas au niveau des bouquets l'équilibre que nous avons voulu constituer dans le domaine des chaînes nationales et dont tout le monde se félicite en disant qu'il existe enfin un pôle public et un pôle privé et que la synergie entre les deux est éminemment féconde ?
L'option qui se dessine dans le monde anglo-saxon, et notamment en Grande-Bretagne, doit être opposée à l'actuel système de TPS, qui est scandaleux pour toute une série de raisons. Je rappelle - je ne l'ai pas dit suffisamment hier - que du point de vue du droit, TPS diffuse sous forme cryptée des programmes qui ont été produits et vendus pour être diffusés en clair. Au nom de quoi ? C'est absolument illégal ! Cela relève des tribunaux ! C'est une des nombreuses anomalies du système.
Je voterai l'amendement n° 118 et l'amendement n° 91, qui est complémentaire puisqu'il offre une alternative.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 90, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 117.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, je vous invite un instant à faire un petit calcul.
Le pourcentage de 30 % est totalement irréaliste, dites-vous. Admettons que Canal Satellite diffuse aujourd'hui trente chaînes - je ne sais pas si c'est le chiffre exact, mais il est plus pratique pour ma démonstration.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. On n'est pas loin !
Mme Danièle Pourtaud. Comme 20 % de trente chaînes, cela fait six chaînes, vous proposez que Canal Satellite accueille six chaînes indépendantes.
Si, comme vous semblez le souhaiter, nous allons vers un système dans lequel les chaînes publiques ne donnent pas leur programme en exclusivité à un seul opérateur, même si vous avez dit que cela interviendrait à terme, on peut considérer que les cinq chaînes publiques seront diffusées par Canal Satellite. Il restera donc une chaîne pour les éditeurs indépendants.
Nous considérons que pour défendre réellement la production indépendante française et lui donner sa juste place, il faut au moins prévoir 30 %, soit quatre chaînes indépendantes selon l'hypothèse que je viens de prendre, ce qui ne semble pas excessif.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Madame Pourtaud, tout va très vite. Aujourd'hui, le bouquet de Canal Satellite compte quasiment trente chaînes. Dans quelques mois, il en comptera cinquante, puis cent.
M. Henri Weber. Bien sûr !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Dans ces conditions, votre exemple avec trente chaînes, dont cinq chaînes publiques, n'a plus d'objet.
M. Franck Sérusclat. Un pourcentage de 30 %, c'est très peu !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je réponds au passage à M. Weber. Pourquoi ne pas faire un bouquet satellite numérique à partir du public ? Il faut simplement savoir que cela coûte 3 à 4 milliards de francs. Si vous avez cette somme, très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 123.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je voudrais attirer l'attention de M. le ministre sur le fait que notre sous-amendement n° 123 n'est pas identique à l'amendement n° 17 de la commission, même si les objectifs poursuivis semblent similaires. En effet, l'amendement de la commission ne vise que la première partie de l'article 11, qui traite de l'offre satellitaire. Nous approuvons la proposition de la commission, mais nous souhaitons que 20 % des services soient assurés en langue française, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Je vous demande, encore une fois, de bien vouloir étudier notre suggestion. Il est en effet assez facile, pour un opérateur français, de confier 20 % de sa capacité réservée à des éditeurs indépendants à des services relevant d'un autre pays de l'Union européenne, par exemple anglo-saxon ou allemand : les chaînes publiques allemandes ne sont-elles pas présentes en clair en ce moment sur Canal Satellite ?
Nous considérons, nous, qu'il faut privilégier les éditeurs de programmes français.
Je tenais à attirer votre attention sur ce point, monsieur le ministre, car, tout à l'heure, vous avez dit que notre sous-amendement tendait aux mêmes fins que l'amendement de la commission, ce qui n'est pas le cas.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Certains aspects des explications de notre collègue Danièle Pourtaud nous amènent à évoluer dans notre conviction et nous sommes prêts à faire une ouverture en nous en remettant à la sagesse du Sénat.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Le Gouvernement modifie lui aussi sa position et émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 123.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 123, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme Danièle Pourtaud. Unanimité ? Il va neiger ! (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je tiens d'abord à me réjouir de l'adoption du sous-amendement n° 123. Si M. le rapporteur s'en est remis à la sagesse du Sénat, c'est en effet parce que les explications de Mme Pourtaud sont allées tout à fait dans le sens de l'amendement de la commission.
Peut-être n'a-t-on pas suffisamment insisté tout à l'heure - mais ce n'est pas un reproche que j'adresse à M. le rapporteur : le débat est très foisonnant, très riche - et, au point où nous en sommes, je voudrais attirer votre attention sur l'importance de l'amendement de la commission.
M. Pierre Laffitte. Absolument !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Tout à l'heure, un débat s'est engagé sur les pourcentages. Faut-il retenir 20 % ou 30 % ? En commission, nous nous sommes posé la question, mais il nous a semblé que, plutôt que de débattre du pourcentage, il était essentiel de bien définir ce que l'on prend en compte dans le calcul desdits pourcentages.
Je vous demande de considérer que l'amendement de la commission - permettez-moi de le dire, monsieur le ministre - va nettement plus loin que le texte initial. Il restreint ainsi les services pris en compte pour le calcul de ces 20 %, en prévoyant une obligation anticoncentration et en ne prenant pas en compte les chaînes étrangères non européennes, qui ne pourront pas être incluses dans le quota. Bien entendu, elles pourront figurer dans le bouquet, mais elles ne compteront pas dans le quota, pas plus que ne compteront - c'est la première partie du dispositif - les services contrôlés par l'opérateur du bouquet ou par ses actionnaires.
C'est extrêmement important et, comme l'a dit M. le rapporteur, cet amendement est décisif, en ce qui concerne en particulier TPS. Monsieur Hugot en a fait une démonstration tout à fait claire !
La commission a donc pris là des dispositions extrêmement précises Monsieur Hugot sur l'importance desquelles je voulais insister.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 118.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je tiens à attirer votre attention, mes chers collègues, monsieur le ministre, sur le fait que cet amendement prévoit deux sortes de dispositions.
D'une part, le service public, à terme, si on le souhaite, ne pourra pas réserver son exclusivité à un bouquet ; d'autre part, il devra être accueilli gratuitement par les bouquets.
Il me semble important de le rappeler, compte tenu de la remarque qui a été faite tout à l'heure par M. le ministre sur l'amendement n° 90 : on peut parfaitement imposer aux opérateurs de bouquets satellitaires d'accueillir un bouquet de service public, auquel cas les objections avancées, qui étaient d'ordre financier, ne s'imposeraient plus.
Cet amendement vise donc à imposer aux bouquets satellitaires de reprendre gratuitement le service public, et, par ailleurs, de le reprendre dans la partie non cryptée. Comme l'a très bien fait remarquer à l'instant mon collègue Henri Weber, il est en effet anormal que le service public ne soit accessible dans les bouquets satellitaires que par abonnement. Je le répète, les chaînes allemandes de service public sont accessibles gratuitement sur les bouquets satellitaires français ! Il suffit que le téléspectateur ait une parabole et un décodeur pour pouvoir les capter. Il n'a pas besoin de souscrire un abonnement à Canal Satellite, à TPS ou à AB Sat.
Les différents aspects de cet amendement sont importants, et j'espère que le Sénat voudra bien l'adopter.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. En ce qui concerne la participation du service public à un bouquet, si la commission a exprimé un avis défavorable sur l'amendement n° 118, c'est parce qu'elle est convaincue qu'il est légitime que le service public valorise ses propres investissements, notamment ceux qu'il a réalisés au sein de TPS, et cherche donc en particulier à développer le bouquet auquel il participe, surtout s'il souhaite promouvoir ses propres chaînes thématiques : cela pourra se faire de manière plus souple dans le cadre des engagements qu'il a ainsi contractés.
Enfin, il faut bien admettre que l'intérêt public, en matière d'accessibilité des téléspectateurs français à des bouquets, réside dans le fait qu'il y a une diversification de l'offre de bouquets et la participation du service public à TPS favorise, dans l'état actuel du paysage audiovisuel, la promotion de cette multiplicité culturelle.
Voilà pourquoi, tout en saluant le fait que M. le ministre ait souhaité réduire, en temps voulu et en prenant en compte l'intérêt à terme du service public, l'exclusivité, je considère qu'aujourd'hui cette exclusivité est parfaitement légitime au regard de la diversification de l'offre aux téléspectateurs.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 118, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 91.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas compris, et il n'y a rien de plus cruel que l'incompréhension d'un ministre ! (Sourires.) Je vais donc mettre les points sur les « i » !
Dans les bouquets, il y a les fleurs... et le vase. Ce que nous préconisons, ce n'est pas que le service public s'occupe du vase ! Autrement dit, nous ne souhaitons pas - et je crois avoir été assez clair hier à la tribune - que les chaînes de service public deviennent opérateurs de bouquet et s'occupent de décodeurs et de gestion d'abonnements. Nous souhaitons qu'elles développent des programmes, mais elles peuvent très bien proposer un bouquet de programmes, qui plus est européen avec d'autres chaînes publiques telles que la BBC et quelques autres dont la RAI, et, avec le principe du must carry, que nous défendons par ailleurs, obtenir de surcroît la diffusion obligatoire en clair par les trois supports existants. Les 4 milliards de francs dont vous me parlez n'existent donc que dans votre imagination !
L'investissement, il faut le faire dans les programmes. La quincaillerie existe, et elle se développe. De plus - et c'est pourquoi le débat sur les 20 ou 30 % est un peu vain - les distributeurs de bouquets sont ravis d'accueillir des chaînes supplémentaires ! Plus ils en ont, plus ils sont satisfaits. Ainsi Canal Plus, qui faisait la fine bouche pour obtenir sur Canal satellite des chaînes publiques qui au début monnayaient leur place, se traîne aujourd'hui aux pieds de tout le monde pour les obtenir. Plus l'offre est foisonnante, mieux cela vaut ! Il n'y a donc pas véritablement de problème de diffusion, mais de volonté politique : on a mis des chaînes publiques comme produit d'appel pour lancer un groupe privé dirigé aujourd'hui par TF 1.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur Weber, qu'arrive-t-il aux fleurs lorsque le vase ne veut pas d'elles ?
M. Henri Weber. Cela ne dépend pas du vase !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Si l'on décide que les fleurs n'ont pas à entrer dans le vase, celles-ci n'iront pas ! On ne peut pas être sans arrêt dépendant d'opérateurs, parce que cela peut être très dangereux. C'est d'ailleurs ce que pensent les Espagnols et les Italiens, qui ont fait comme nous. Je sais qu'il existe d'autres exemples, avec les Anglais par exemple, mais, si l'on veut être à la fois opérateur et éditeur, cela coûte 4 milliards de francs.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Depuis le début de ce débat, j'ai le sentiment confus - et peut-être diffus - que tout le monde se déclare favorable au service public. Quand il s'agit ensuite de présenter des positions claires pour assurer au service public la place qui doit être la sienne, on fait cependant appel à une multitude d'arguments pour se défausser, dont, notamment, le coût excessif.
On se retrouve alors dans la situation que j'évoquais hier : en considérant que le culturel est trop cher, que la mise à disposition des informations est trop chère, l'Etat abandonne effectivement sa fonction première en direction du citoyen d'une société démocratique. Comme le disait tout à l'heure M. Ralite, il laisse ainsi le pouvoir d'ordonner et de commander à des gens dont la fonction essentielle est de ramasser des ordures ménagères ou de distribuer de l'eau et qui ne placent sûrement pas la vie démocratique au centre de leurs préoccupations.
C'est ce qui m'inquiète dans les réponses que nous a données encore aujourd'hui M. le ministre qui, sans nier l'intérêt de la vie culturelle, a toujours considéré qu'elle revenait trop cher et qu'il manquait de moyens.
Alors, les vases, les fleurs... qui entrent, qui n'entrent pas, qui sortent, qui tombent... pour le moment ce n'est pas le sujet important !
On nous dit que 20 % de 100 % d'une chaîne, cela fera beaucoup. Non ! Le rapport sera toujours le même, à savoir 20 %, et il est nettement insuffisant.
Prétendre que l'on défend le service public et dire dans le même temps qu'on n'a pas les moyens de le faire n'est pas une démarche très claire. Cela conduira à voir le service public écrasé par le lourd poids de l'argent, dans un contexte de concurrence où - je le disais tout à l'heure, dans un autre débat, à propos des fonds de retraite - il n'est d'autre loi que celle du plus fort, du plus malin, du plus sournois.
La concurrence n'est pas la compétition. La compétition a ses règles : quand on donne un mauvais coup, on perd son droit. Rien de tel dans la concurrence !
Cet amendement est important en ce qu'il permet de bien distinguer ceux pour qui les services publics sont une exigence, une nécessité, et ceux qui s'en servent de paravent pour masquer d'autres activités. Voilà pourquoi je le voterai.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Bien que beaucoup ait déjà été dit, je souhaite ajouter quelques mots sur le problème financier.
Les finances, cela existe, mais les choix politiques précèdent les finances, et je ne vois pas pourquoi, si l'on fait le choix du pluralisme, puisque dans le pluralisme il y a forcément place pour le service public, on ne déciderait pas de prévoir les finances nécessaires.
J'observe surtout que les Français non seulement acceptent, mais souhaitent que l'on consacre des fonds à la culture.
Dans le cadre des travaux de la commission Rigaud, créée par M. le ministre, le service de recherches et d'études du ministère a posé aux Français la question suivante : est-il normal que l'Etat et les responsables publics investissent de l'argent dans la culture ? A 90 %, les Français ont répondu par l'affirmative.
M. Alain Gournac. Heureusement !
M. Jack Ralite. Deuxième question : en temps de crise - c'est-à-dire en ce moment ! - souhaitez-vous que ces dépenses restent à leur niveau actuel, qu'elles augmentent ou qu'elles diminuent ? Réponses : qu'elles restent à leur niveau, 46 % ; qu'elles augmentent, 14 % ; qu'elles diminuent, 36 %, 4 % n'ayant pas d'avis.
Si l'on additionne les deux premières catégories de sondés, on obtient 60 %. Autrement dit, la place de la culture dans ce pays est devenue un phénomène de société ! On peut donc consacrer de l'argent à la culture avec l'aquiescement des publics.
On a parlé de fleurs, on a parlé de vase ; il faut aussi de l'eau.
M. Henri Weber. La Générale ! (Sourires.)
M. Nicolas About. Quelle dialectique !
M. Jack Ralite. Si cela continue, l'eau de la Générale va nous noyer. (Nouveaux sourires.)
M. Hilaire Flandre. Il fait même de l'esprit !
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, vous vous demandez comment on fera si les opérateurs ne veulent pas transporter les chaînes de service public. Je suis désolée de vous dire que la solution se trouvait dans notre amendement n° 188 ; il suffit d'avoir une volonté politique ; il suffit d'obliger par la loi - c'est fort possible - tous les opérateurs à le faire.
En l'instant, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous précisiez votre position sur une question concernant deux chaînes de service public, La Cinquième et la SEPT, qui bientôt peut-être, à la fin de ce débat, n'en formeront plus qu'une.
Actuellement, La Cinquième et la SEPT ne sont pas reçues sur 15 % de notre territoire. Or, la diffusion par satellite les rendrait accessibles sur l'ensemble du territoire. Comme on l'a dit dans la discussion générale, il s'agit, précisément, de chaînes qui devraient être reçues dans les régions qui ne sont pas accessibles au réseau hertzien.
Par conséquent, ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, que ces chaînes soient transportées par tous les bouquets gratuitement ? Nous pouvons décider aujourd'hui que les bouquets doivent accueillir les chaînes publiques, La Cinquième et la SEPT, et que celle-ci doivent être distribuées gratuitement, c'est-à-dire sans abonnement, à tous les téléspectateurs de France. Il suffit, pour cela, que vous donniez votre accord, monsieur le ministre.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. J'ai déjà souligné mon intérêt pour l'amendement n° 91. Je tiens cependant à apporter quelques précisions.
Que dit cet amendement : « Le réseau public de radio et télévision français et européen constituera dans les meilleurs délais » - ce n'est donc pas tout de suite ! - « son propre bouquet de programmes satellitaires... » - il ne s'agit donc pas nécessairement de lancer un satellite.
Dans la mesure où l'on sait que des centaines et des centaines de canaux supplémentaires seront disponibles, il me paraît bon d'afficher la volonté politique - cela n'engage pas les finances de l'Etat en 1997 - de développer des chaînes thématiques nombreuses et, éventuellement, des produits et des services qui conforteront la présence de la télémédecine française et des programmes éducatifs français dans toute une série de domaines qui me paraissent fondamentaux.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Madame Pourtaud, La Cinquième et Arte - peut-être ne le savez-vous pas ! - sont déjà diffusées sur satellites anologiques, Eutelsat et Télécom.
Par ailleurs, nous poursuivons actuellement des discussions avec le président de la chaîne Arte et celui de La Cinquième sur les différents bouquets satellitaires.
Je note également que les autres pays européens ont pris exactement la même décision que nous. Espagnols, Italiens et, aujourd'hui, Allemands tiennent le même raisonnement : on ne peut pas faire l'impasse du numérique pour l'audiovisuel public. Donc, mieux vaut entrer dans un bouquet numérique, même s'il est privé, mais au moins tenter l'expérience, tenter l'aventure, qui, à mon avis, sera fondamentale.
Enfin, sachez que le must carry, s'il peut éventuellement s'appliquer aux chaînes généralistes, ne peut pas s'appliquer aux chaînes thématiques.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je souhaite donner mon sentiment sur le lien qui existe entre l'audiovisuel public et les bouquets.
A mon sens, l'intérêt public, en la matière, n'est pas tellement que l'audiovisuel public constitue un programme qui lui soit propre et qu'il augmente ainsi la programmation librement accessible.
L'enjeu me paraît beaucoup plus industriel que purement culturel. Il s'agit, en fait, de favoriser le développement du numérique et l'émergence de nouveaux services et, par là même, de rechercher stratégiquement les partenariats qui permettent de jouer cette carte de développement.
Nous ne sommes pas du tout dans le cadre d'une économie planifiée dans laquelle l'Etat aurait une mission parfaitement circonscrite et délimitée en termes de programmes ; nous sommes dans le cadre d'un développement dynamique exigeant des choix stratégiques et non des choix de partenariat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12