M. le président. M. Jean Chérioux demande à M. le ministre de l'intérieur les raisons pour lesquelles un ressortissant tunisien vivant en France a été expulsé le vendredi 7 février 1997 bien qu'il ait été atteint du syndrome immunodéficitaire acquis. (N° 560.)
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi sur l'immigration, l'amendement n° 130 à l'article 4 visait à octroyer un titre de séjour temporaire « à l'étranger gravement malade, ayant entrepris un traitement auquel il ne peut avoir accès dans son pays d'origine et dont l'interruption entraînerait des conséquences préjudiciables à sa santé ».
J'étais intervenu dans le débat parce que je considérais que le texte proposé était beaucoup trop général. J'avais, s'agissant des malades atteints du sida, précisé que l'amendement n° 130 ne me paraissait pas indispensable compte tenu de l'attitude du Gouvernement français. J'ai en effet constaté, à l'occasion de responsabilités que j'exerce au sein d'une fondation qui prend en charge les victimes de cette maladie, que les pouvoirs publics n'avaient jamais procédé à l'expulsion d'étrangers se trouvant dans une telle situation.
Pour renforcer cette déclaration, j'avais demandé à M. le ministre de l'intérieur de donner l'assurance solennelle qu'il en serait toujours ainsi en France, car il y va de l'honneur de notre pays, et que la situation des étrangers en situation irrégulière atteints d'une maladie très grave serait examinée au cas par cas par les préfets.
Or, les médias se sont fait l'écho, voilà quelques jours, de l'expulsion d'un Tunisien séjournant en France et atteint du sida qui a été reconduit dans son pays.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que de fortes raisons ont présidé à cette décision. Je souhaiterais que vous expliquiez à la Haute Assemblée dans quelles conditions et pour quels motifs ce ressortissant tunisien a été éloigné de notre territoire, alors même que, pour des raisons humaines évidentes, les personnes malades doivent être assurées de pouvoir suivre sur notre territoire un traitement dont elles ne peuvent bénéficier dans leur pays d'origine.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le ressortissant tunisien dont vous évoquez le sort est entré une première fois en France illégalement en 1984, et a été expulsé une première fois à la suite d'une condamnation pénale pour coups et blessures volontaires.
Il revient en 1988, toujours dans l'illégalité. A partir de cette date, il va faire l'objet de quatre condamnations.
Le 16 juin 1989 : deux ans de prison et une interdiction du territoire de cinq ans pour infraction à la législation sur les stupéfiants et non-respect d'une assignation à résidence - jugement rendu par la cour d'appel de Paris.
Le 11 juin 1991 : un an et trois mois de prison pour infraction à la législation sur les stupéfiants et non-respect de l'assignation à résidence - peine prononcée par le tribunal correctionnel de Paris.
Le 21 avril 1992 : un an de prison et dix ans d'interdiction du territoire français infligés par la cour d'appel de Paris pour usage illicite de stupéfiants.
Le 13 juin 1995 : dix mois d'emprisonnement et interdiction du territoire français de dix ans pour des faits de vol et d'infraction à la législation sur les stupéfiants - jugement de la cour d'appel de Paris.
Au total, monsieur le sénateur, ces condamnations représentent près de cinq années de prison et sont assorties, à chaque fois, d'une peine accessoire d'interdiction du territoire.
Le préfet de l'Isère s'est donc borné à exécuter une décision de justice - la dernière d'une longue série - confirmée en appel, notamment par la cour d'appel de Paris, le 13 juin 1995.
Je souhaite, enfin, vous lire quelques extraits significatifs du procès-verbal dressé par l'officier de police judiciaire qui a interpellé, le 2 février, dans le train Paris-Grenoble, le ressortissant dont vous parlez.
Voici ce que ce dernier indique : « Je suis marié. Mon épouse se trouve en Tunisie. Je suis venu ici, à Grenoble, pour voir mon consulat afin de discuter sur mes problèmes. Je compte repartir dans mon pays dans les quinze jours qui viennent. Je reconnais que je suis en infraction à une assignation à résidence. »
Voilà, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. le ministre de l'intérieur m'a prié de vous transmettre.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse de M. le ministre de l'intérieur, qui, je le note, est en conformité avec les déclarations qu'il avait faites devant le Sénat lors de la discussion du projet de loi sur l'immigration.
Ainsi qu'en témoigne, notamment, le procès-verbal - vous l'avez cité - dressé lors de son arrestation dans le train, l'expulsé avait lui-même fait état de son intention de retourner dans son pays.
Cela permet de penser qu'il ne pouvait être considéré comme un étranger atteint du sida ayant entrepris un traitement auquel il ne pouvait avoir accès dans son pays d'origine et dont l'interruption aurait entraîné des conséquences préjudiciables pour sa santé.
Par conséquent, monsieur le ministre, vous me voyez rassuré, et j'espère que M. le ministre de l'intérieur continuera à agir conformément à l'engagement solennel qu'il a pris devant le Sénat.
M. le président. L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY