CONVENTION DES NATIONS UNIES
SUR LA LUTTECONTRE LA DÉSERTIFICATION
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 246, 1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention
des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays
gravement touchés par la sécheresse et la désertification, en particulier en
Afrique (ensemble quatre annexes). [Rapport n° 254 (1996-1997)].
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage,
ministre de l'environnement.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter
maintenant le projet de loi autorisant la ratification de la convention des
Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement
touchés par la sécheresse et la désertification, en particulier en Afrique.
La genèse de cette convention remonte à la conférence des Nations unies sur
l'environnement et le développement, qui s'est tenue à Rio en 1992.
La communauté internationale a, dans les vingt dernières années, pris une
conscience plus aiguë de l'importance de la désertification dans de nombreuses
régions du monde, mais plus particulièrement en Afrique, et de ses conséquences
humaines, environnementales et économiques.
En 1997, à l'occasion de la conférence des Nations unies sur la
désertification, un plan d'action pour combattre la désertification avait été
adopté, qui n'avait pas eu tous les effets escomptés. Le phénomène de
désertification a donc continué à s'aggraver.
C'est pourquoi la question a été de nouveau soulevée, sur l'initiative des
gouvernements africains, lors de la conférence de Rio. La France a alors appuyé
cette initiative des pays africains et obtenu le soutien de la Communauté
européenne. La conférence de Rio a validé l'idée d'une nouvelle approche plus
intégrée et codifiée par une convention internationale. Elle a invité
l'assemblée générale des Nations unies à établir un comité intergouvernemental
de négociation pour élaborer, avant la fin du mois de juin 1994, un texte de
convention de lutte contre la désertification. Se rangeant à cet avis,
l'assemblée générale a créé le comité par sa résolution n° 47-188 du 22
décembre 1992.
A l'issue de cinq sessions, le comité intergouvernemental de négociation a
adopté le 17 juin 1994, à Paris, le texte de la convention, qui a été signée
par plus de quatre-vingts pays, lors d'une cérémonie organisée sous la
présidence du ministre français de l'environnement à Paris, les 14 et 15
octobre 1994. Aujourd'hui, cent quinze pays ont signé cette convention et plus
de soixante l'ont ratifiée.
Notre pays avait tenu à ce que la dernière session de négociation et la
signature de la convention se déroulent en France à son invitation, de façon à
témoigner toute l'importance que notre pays attache à un phénomène qui affecte
au premier chef nombre de pays africains avec lesquels il entretient des liens
anciens et étroits.
La convention, qui est entrée en vigueur le 26 décembre 1996, comporte un
corps principal ainsi que quatre annexes régionales. Elles sont partie
intégrante de la convention et concernent l'Afrique, l'Amérique latine, l'Asie
et la Méditerranée septentrionale.
Prenant en compte les échecs antérieurs, la convention innove dans quatre
domaines principaux.
Elle envisage toutes les dimensions de la désertification, qu'il s'agisse des
aspects climatiques, physiques et, surtout, socio-économiques.
Elle donne aux populations locales l'initiative des actions à entreprendre et
privilégie une approche nouvelle du bas vers le haut, créant ainsi un cadre de
démocratie participative.
Elle prévoit un dispositif institutionnel de mise en oeuvre et de suivi à tous
les niveaux d'intervention qui conserve, aux pays concernés, le rôle
prépondérant dans l'application de la convention et encourage un partenariat
entre les différents niveaux, notamment en ce qui concerne l'élaboration des
plans d'actions nationaux.
Elle établit un mécanisme mondial, organe régulateur des programmes et de
leurs financements dont les modalités de fonctionnement seront déterminées par
la conférence des parties.
Cette convention comporte des engagements pour les pays affectés comme pour
les pays donateurs.
Premièrement, les pays en voie de développement s'engagent à accorder une
priorité absolue à la lutte contre la désertification et à y consacrer des
ressources suffisantes, en rapport, bien sûr, avec leur situation et leurs
moyens.
Deuxièmement, ils s'engagent à établir des stratégies et des priorités dans le
cadre des plans ou des politiques de développement durable pour lutter contre
la désertification.
Troisièmement, ils s'engagent à s'attaquer aux causes profondes de la
désertification et à accorder une attention particulière aux facteurs
socio-économiques qui contribuent à la propagation de ce phénomène.
Quatrièmement, ils s'engagent à sensibiliser les populations des régions
affectées avec l'appui des organisations non gouvernementales, en particulier
les femmes et les jeunes, sur leur rôle essentiel dans la lute contre la
désertification.
Cinquièmement, ils s'engagent à créer un environnement porteur en renforçant,
si cela est nécessaire, la législation existante ou, le cas échéant, en
adoptant de nouvelles lois.
Les pays développés s'engagent à appuyer activement, individuellement ou
conjointement, l'action menée par les pays en développement affectés, en
particulier en Afrique, et par les pays les moins avancés.
Ils s'engagent à fournir des ressources financières importantes et d'autres
formes d'appui pour aider les pays en développement affectés, en particulier en
Afrique, pour élaborer et mettre en oeuvre leurs plans d'action et leurs
stratégies à long terme.
Ils s'engagent à favoriser la mobilisation de ressources financières
adéquates, y compris par le biais du Fonds pour l'environnement mondial, dans
le cadre des quatre domaines d'intervention de ce fonds.
Ils s'engagent à encourager la mobilisation de fonds provenant du secteur
privé et d'autres sources non gouvernementales.
Enfin, ils s'engagent à promouvoir et à faciliter l'accès des pays affectés à
la technologie, aux connaissances et au savoir-faire appropriés.
L'idée fondamentale qui a présidé à la négociation de la convention et à
l'adoption des dispositions qui viennent d'être exposées est la suivante : dans
le passé, ce n'est pas tant le volume de l'aide que les conditions de son
utilisation et, surtout, le manque de coordination des programmes mis en oeuvre
qui ont conduit à l'échec des actions entreprises.
Aussi l'accent est-il mis sur la coordination au niveau des Etats, au niveau
global, sur le plan opérationnel comme sur celui de la mobilisation des
ressources existantes, notamment par l'intermédiaire du mécanisme mondial.
Les annexes régionales sont d'importance inégale. L'annexe africaine est, de
loin, et pour cause, la plus longue et la plus précise, ce qui traduit la
priorité accordée à l'Afrique. Par ailleurs, en dehors de la convention, des
mesures d'urgence en faveur de l'Afrique ont été adoptées très rapidement et
ont permis un début de mise en oeuvre de la convention avant même son entrée en
vigueur.
L'annexe pour la Méditerranée septentrionale, voulue par l'Espagne, diffère
des autres annexes en ce qu'elle prévoit expressément que les pays affectés de
la région concernée ne peuvent prétendre à aucune aide financière dans le cadre
de la convention.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention qui fait
l'objet du projet de loi proposé aujourd'hui à votre approbation, et qui a déjà
été approuvé le 6 mars dernier par l'Assemblée nationale.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait,
en remplacement de M. Pierre Biarnès, rapporteur de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées.
Monsieur le président,
madame le ministre, mes chers collègues, je vais vous présenter les conclusions
du rapporteur M. Biarnès, qui ne pouvait être parmi nous aujourd'hui. Je
m'acquitte d'autant plus volontiers de cette tâche qu'une expérience
professionnelle en Afrique m'a rendu particulièrement attentif au problème de
la désertification.
Le phénomène de la dégradation des terres touche, d'après les conclusions du
sommet qui s'est tenu à Rio en 1992, le quart de la surface émergée du globe et
près de 900 millions de personnes. L'Afrique est naturellement le premier
continent concerné puisque les deux tiers de sa superficie se composent de
déserts ou de zones sèches.
Le processus apparaît complexe et ne se réduit pas à l'image de la dune de
sable qui avance de façon inexorable. La désertification se révèle plutôt comme
l'accumulation de zones de destruction disséminées.
Les causes du phénomène sont aujourd'hui clairement identifiées, même si les
chercheurs ne s'accordent pas toujours sur leur importance respective. Certes,
on ne saurait tenir pour négligeables les changements climatiques et
l'augmentation de la température moyenne au cours des dernières années. La
sécheresse n'épargne même pas l'Afrique de l'Ouest subsaharienne : le régime
général des pluies y est très largement déficitaire depuis 1968. Cependant, la
responsabilité éminente incombe à l'activité de l'homme. M. Biarnès avait
souligné devant notre commission les conséquences de la croissance
démographique et de l'intensification des modes de culture sur l'équilibre
écologique des terres arides.
La complexité du phénomène de désertification ne se prête certes pas à des
solutions faciles. Une stratégie efficace requiert en effet une évolution des
méthodes agricoles ancestrales. Ainsi, elle peut entraîner une remise en cause
des pouvoirs traditionnels dans les zones rurales, et susciter à ce titre de
nombreuses résistances sociologiques.
La convention des Nations unies relative à la désertification, soumise
aujourd'hui à l'examen de notre assemblée, est-elle à la mesure des difficultés
et des enjeux soulevés par le problème de la dégradation des terres ? M.
Biarnès a exprimé à ce sujet un certain scepticisme.
Certes, il faut reconnaître à la convention des acquis indéniables. En premier
lieu, elle a le mérite de présenter dans un cadre contractuel, agréé par la
communauté internationale, des principes qui, jusqu'à présent, n'avaient guère
de valeur juridique. Ensuite, elle présente une méthodologie fondée sur la
consultation des populations concernées. Outre cette attention particulière aux
souhaits des intéressés, les références répétées à l'obligation de poursuivre
la décentralisation ne sont pas indifférentes au regard des orientations
politiques des pays concernés par la désertification. Ainsi, une lutte efficace
contre la désertification plaide en faveur du renforcement nécessaire de la
démocratie dans l'ensemble de ces pays.
Malgré ces acquis, la convention ne comprend guère d'engagements rigoureux, ni
pour les pays touchés par la désertification, ni pour les pays développés. En
particulier, elle ne prévoit aucune ressource financière nouvelle. Le mécanisme
financier qu'elle met en place n'a en effet d'autre vocation que de mobiliser
les instruments de financement existants bilatéraux ou multilatéraux.
En conclusion, si la convention des Nations unies manque peut-être d'ambition,
la volonté de pragmatisme qui l'inspire peut cependant, à terme, constituer la
clé du succès. Trop de plans ou de programmes présentés comme des remèdes
définitifs contre la désertification se sont heurtés aux réalités du terrain et
ont connu l'échec.
Au-delà même des seuls principes, la convention pose le cadre d'une
concertation régulière entre pays menacés par la désertification et bailleurs
de fonds. La première conférence des parties devrait se réunir à Rome en
septembre 1997 ; elle disposera d'un secrétariat permanent ainsi que d'un
comité des sciences et des technologies composé d'experts. Cette coopération
paraît indispensable : pays en développement et pays riches ont une
responsabilité partagée pour lutter contre un désastre écologique qui nous
concerne tous.
La France a joué un rôle moteur dans la négociation de cette convention. Elle
ne doit pas baisser la garde au moment même où la communauté internationale
semble se désintéresser de l'Afrique. Il lui faudra user de son influence pour
que les nobles intentions qu'exprime la convention trouvent leur traduction sur
le terrain. C'est en formulant ce voeu que je vous invite, mes chers collègues,
à approuver le présent projet de loi.
Je terminerai par une remarque d'ordre général puisque les Nations unies ont
été évoquées tant dans le présent rapport que dans le précédent rapport sur la
convention d'Helsinki. Il paraît de plus en plus urgent, même si des
financements nouveaux ne sont pas sollicités aujourd'hui, que les finances des
Nations unies soient éclaircies et que les Etats-Unis, pour ne parler que
d'eux, se mettent à jour de leurs dettes, ce qui constituera un progrès
sensible pour la marche de cette organisation internationale.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
_ Est autorisée la ratification de la convention des
Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement
touchés par la sécheresse et la désertification, en particulier en Afrique
(ensemble quatre annexes), adoptée le 17 juin 1994, signée par la France le 14
octobre 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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