SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Rappel au règlement
(p.
1
).
MM. Emmanuel Hamel, le président, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de
la solidarité.
3.
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
(p.
2
).
4.
Emploi des jeunes.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
3
).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; MM. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires
sociales ; Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires
sociales ; Alain Gournac, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Guy Fischer, Mme
Joëlle Dusseau, MM. Philippe Darniche, Jean-Claude Carle, Louis Moinard, Jean
Chérioux.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
5.
Candidatures à des commissions
(p.
5
).
6.
Emploi des jeunes.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
6
).
Discussion générale (
suite
) : MM. Roland Huguet, Paul Vergès, Bernard
Joly, Bernard Plasait, Francis Grignon, Gérard Larcher, Michel Charasse, Yvon
Collin, Jean-Louis Lorrain, René Trégouët, Georges Mazars, Mme Annick Bocandé,
MM. André Jourdain, Gérard Roujas, Serge Franchis, Daniel Eckenspieller, Claude
Lise, Mmes Lucette Michaux-Chevry, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 7 )
MM. Adrien Gouteyron, Alain Vasselle, Joseph Ostermann, Alain Joyandet,
Jean-Paul Delevoye.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
MM. Christian Poncelet, Gérard Delfau, Philippe Adnot, Paul Girod.
7.
Nomination de membres de commissions
(p.
8
).
Suspension et reprise de la séance
(p.
9
)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
8. Emploi des jeunes. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 10 ).
Article 1er ( suite ) (p. 11 )
Amendement n° 30 de M. Carle. - M. Jean-Claude Carle. - Retrait.
Article L. 322-4-18 du code du travail (p. 12 )
Amendement n° 1 de la commission et sous-amendements n°s 95, 97, 98, 152, 99 de
M. Gournac, 31 rectifié de M. Carle, 68, 69 de Mme Dusseau, 144 rectifié de M.
Laffitte, 96 de M. Jourdain, 52 rectifié de M. Lauret, 89 de Mme Olin et 75 de
M. Joyandet ; amendements n°s 23 de M. Lorrain et 60 de Mme Dieulangard. - MM.
Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Alain
Gournac, Jean-Claude Carle, Mme Joëlle Dusseau, MM. Bernard Joly, André
Jourdain, Edmond Lauret, Mme Nelly Olin, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis
Lorrain, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, Martine Aubry, ministre de l'emploi
et de la solidarité ; MM. Ivan Renar, Philippe Marini, Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales ; Jean Chérioux, Paul Girod,
Claude Huriet, Alain Vasselle. - Retrait des sous-amendements n°s 97, 98 et 152
; rejet des sous-amendements n°s 68 et 69 ; adoption des sous-amendements n°s
95, 31 rectifié, 144 rectifié, 96, 52 rectifié, 99, 89, 75 et de l'amendement
n° 1 modifié, les amendements n°s 23 et 60 devenant sans objet.
Amendement n° 2 de la commission et sous-amendements n°s 70, 71 de Mme Dusseau,
100 de M. Gournac et 62 rectifié de Mme Dieulangard. - M. le rapporteur, Mme
Joëlle Dusseau, M. Alain Gournac, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre
M. le président de la commission, Mme Danielle Bidard-Reydet. - Rejet des
sous-amendements n°s 70 et 71 ; adoption des sous-amendements n°s100, 62
rectifié et de l'amendement n° 2 modifié.
Amendement n° 54 de M. Franchis. - MM. Serge Franchis, le rapporteur, Mme le
ministre. - Retrait.
Amendement n° 107 de M. Gournac. - MM. Alain Gournac, le rapporteur, Mme le
ministre. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission et sous-amendements n°s 32 rectifié de M.
Carle et 101 de M. Gournac ; amendements n°s 118 de M. Fischer et 63 de Mme
Dieulangard. - MM. le rapporteur, Jean-Claude Carle, Alain Gournac, Guy
Fischer, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre. - Adoption des
sous-amendements n°s 32 rectifié, 101 et de l'amendement n° 3 modifié, les
amendements n°s 118 et 63 devenant sans objet.
Amendement n° 43 rectifié
bis
de M. Trégouët. - MM. René Trégouët, le
rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 24 de M. Lorrain, et 44 de M. Trégouët. - MM. Jean-Louis
Lorrain, René Trégouët, le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait de
l'amendement n° 24 ; rejet de l'amendement n° 44.
Amendements n°s 33 de M. Carle, 4 de la commission et sous-amendements n°s 153
de M. Vasselle et 119 rectifié de M. Fischer ; amendement n° 145 de Mme
Dieulangard. - MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, Alain Vasselle, Guy
Fischer, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre, M. Philippe Marini. -
Adoption de l'amendement n° 33 ; retrait du sous-amendement n° 153 ; adoption
du sous-amendement n° 119 rectifié et de l'amendement n° 4 modifié,
l'amendement n° 145 devenant sans objet.
Amendements n°s 76 de M. Joyandet et 108 de M. Gournac. - MM. Alain Joyandet,
Alain Gournac, le rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement n°
76, l'amendement n° 108 devenant sans objet.
Amendement n° 61 rectifié de Mme Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben
Guiga, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Reprise de l'amendement n° 61 rectifié
bis
par M. Marini. - MM. Claude
Huriet, Philippe Marini, Mme le ministre, M. le président de la commission. -
Adoption.
Amendement n° 120 de M. Fischer. - MM. Jean Derian, le rapporteur, Mme le
ministre. - Rejet.
Amendements n°s 64 de Mme Dieulangard, 121 de M. Fischer et 109 de M. Gournac.
- MM. Roland Huguet, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Alain Gournac, le
rapporteur, Mme le ministre, M. Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement n°
64, les amendements n°s 121 et 109 devenant sans objet.
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Amendements n°s 6 de la commission et 122 de M. Fischer. - M. le rapporteur,
Mmes Odette Terrade, le ministre, Gisèle Printz. - Adoption de l'amendement n°
6, l'amendement n° 122 devenant sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
9.
Communication de l'adoption définitive d'une proposition d'acte
communautaire
(p.
13
).
10.
Transmission d'un projet de loi
(p.
14
).
11.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
15
).
12.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
16
).
13.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
17
).
14.
Clôture de la session
(p.
18
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Madame le ministre, mon rappel au règlement sera bref, mais - vous le
comprendrez certainement - exprimé avec gravité : depuis le 21 août dernier,
six ou sept descendants de harkis font la grève de la faim sur l'esplanade des
Invalides, ce haut lieu de notre histoire, interpellant à travers leur
souffrance et leur jeûne la France tout entière sur la manière dont elle s'est
comportée depuis trente-cinq ans face aux problèmes dramatiques qu'ont connus
les harkis.
Vous avez désigné un inspecteur général des affaires sociales pour que,
prenant contact avec eux, il tente de leur faire cesser leur grève de la
faim.
Une grève de la faim d'une durée d'un mois constitue déjà véritablement - les
médecins présents dans cette assemblée pourraient l'attester - un risque grave
de perturbation physique définitive. Mais peut-être même les descendants de
harkis, tendus dans l'espoir que la France reconnaisse enfin ce qu'ont fait
leurs pères pour la France et les traite autrement, risquent-ils de continuer
encore.
Madame le ministre, je vous demande donc instamment de faire en sorte que des
contacts soient pris avec ces descendants de harkis et qu'une attitude soit
définie afin que cesse cette grève, car si, par malheur, certains d'entre eux
devaient en mourir, nous en serions tous responsables par l'attente mise à
donner une réponse dont nous comprenons qu'elle doit être positive,
véritablement positive !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, croyez
bien que cette grève qui a commencé au milieu des vacances a retenu mon
attention depuis le début. En effet, tout comme vous, je suis très sensible au
problème des harkis et aux conditions parfois extrêmement difficiles, voire
déplorables, dans lesquelles ils ont été accueillis voilà maintenant des
dizaines d'années dans notre pays.
Je sais aussi les difficultés que connaissent leurs enfants pour trouver un
emploi, s'installer et se loger.
Je voudrais vous dire très simplement les choses : nous sommes en relation
permanente avec les harkis depuis le début de leur grève ; je les ai fait
recevoir trois fois par mon cabinet, et M. Bernard Kouchner est encore allé
voir, voilà quelques jours, ceux qui étaient hospitalisés.
Les descendants de harkis en grève posent deux types de revendications.
Les premières revendications résultent de la façon dont les fonds destinés aux
rapatriés et aux harkis ont été distribués au détriment des harkis ces
dernières années.
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La Cour des comptes a
d'ailleurs soulevé ce problème. Je prends actuellement des mesures pour qu'un
rétablissement des fonds soit opéré vers les harkis, ce qui n'a pas été le cas
- je dois le dire - au cours des derniers mois.
Les secondes revendications sont liées à l'embauche et aux emplois pérennes
que les harkis souhaitent obtenir. Vendredi soir, des propositions leur ont été
faites afin de les assurer que, avec notamment le sous-préfet d'Aix-en-Provence
qui travaille avec eux depuis le début de cette grève et avec M. Lagarrigue,
l'inspecteur général des affaires sociales que j'ai désigné pour traiter leurs
problèmes, nous déployons tous ensemble nos efforts pour trouver une solution à
chacun d'entre eux.
Compte tenu de ces engagements, nous leur avons demandé de suspendre leur
grève. Ils ne l'ont pas souhaité, ce que je regrette, croyez-le bien.
Aujourd'hui, j'ai pris des mesures complémentaires. J'ai notamment demandé la
mise en place d'un soutien médical auprès d'eux, c'est-à-dire la présence
éventuelle d'une ambulance dans l'hypothèse de nouvelles difficultés.
Je souhaitais donc vous dire ceci, monsieur le sénateur : non seulement je
suis sensible aux difficultés des harkis et de leurs enfants, mais je m'emploie
à suivre personnellement et très attentivement le problème de cette grève de la
faim. Je regrette que ces jeunes qui sont désespérés n'aient pas saisi la main
que nous leur tendions pour leur apporter des réponses personnelles afin de
mettre un terme à cette grève de la faim qui peut mettre en danger la vie de
certains.
En tout cas, nous suivons ce problème sur le plan tant des revendications que
du volet sanitaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Daunay
applaudit également.)
M. Emmanuel Hamel.
Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président.
M. le président a reçu de M. le président du Conseil supérieur de
l'audiovisuel, en application de l'article 18 de la loi du 30 septembre 1986
modifiée relative à la liberté de communication, le rapport annuel établi par
le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour l'année 1996.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
4
EMPLOI DES JEUNES
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 423, 1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes. [Rapport n° 433
(1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, est-il utile de vous rappeler avec quelle
acuité se pose le problème du chômage des jeunes dans notre pays ?
Six cent mille jeunes de moins de vingt-cinq ans et 800 000 jeunes de moins de
vingt-sept ans sont à la recherche d'un emploi. Cela correspond à un taux de
chômage de 26 %, qui place malheureusement la France en avant-dernière position
parmi les grands pays de l'OCDE.
Lutter contre le chômage des jeunes est, vous le savez, l'objectif majeur de
ce projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui au Sénat.
Les riches débats que nous avons pu avoir le 23 septembre dernier avec la
commission des affaires sociales illustrent, s'il en était besoin, le fait que
chacun ici ressente tout à la fois la nécessité et l'urgence d'une réponse
adaptée à l'inquiétude des jeunes et de leurs familles.
La discussion à l'Assemblée nationale a déjà permis de préciser et d'améliorer
le dispositif qui permettra à 350 000 jeunes d'entrer dans la vie active.
Le texte que vous allez examiner constitue, vous le savez, l'un des volets du
programme du Gouvernement en faveur de l'emploi.
Si nous devons tout faire pour que la croissance soit la plus forte possible,
nous ne pouvons tout en attendre, comme nous l'avons trop souvent fait, les uns
et les autres, ces dernières années. Avec une croissance de 3 %, ce que les
économistes prévoient pour les prochaines années, le taux de chômage resterait
malgré tout très élevé, c'est-à-dire autour de 11 ou 12 %.
Aussi le premier axe de notre politique vise-t-il à relancer la croissance,
qui passe prioritairement, aujourd'hui, par une augmentation de la
consommation. Il faut redonner du pouvoir d'achat, particulièrement à ceux qui
en ont besoin.
Nous avons commencé à le faire au mois de juin, avec la revalorisation du SMIC
de 4 %, avec le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, avec la
revalorisation de l'aide personnalisée au logement, l'APL. Nous poursuivons
cette action aujourd'hui avec le basculement des cotisations salariales vers la
contribution sociale généralisée, la CSG, qui va redonner plus de 1 % de
pouvoir d'achat aux salariés et à une grande majorité des actifs, et maintenir
celui des retraités, des fonctionnaires et des chômeurs.
Le deuxième axe de cette lutte contre le chômage sera abordé lors de la
conférence nationale sur l'emploi du 10 octobre. Il concerne principalement la
réduction de la durée du travail, mais aussi les embauches des jeunes dans le
secteur privé ; à cet égard, je pense particulièrement au système de formation
en alternance auquel certains d'entre vous sont très attachés.
Le troisième axe concerne la recherche des métiers de demain et leur
soutien.
Il s'agit tout d'abord des emplois dans les nouvelles technologies comme
celles de l'information, où la France a un retard certain qu'il va falloir
combler. Le prochain projet de loi de finances vise d'ailleurs à aider les
entreprises qui investissent dans ces nouvelles technologies.
Il s'agit bien sûr, également, du soutien aux petites et moyennes entreprises
qui, dans notre pays, plus que les grandes entreprises, créent des emplois.
Il s'agit encore de répondre à des besoins nouveaux et, dans le fond,
d'inventer ensemble les activités et les métiers de demain, donc les emplois de
demain.
Ce projet de loi vise justement à répondre à des besoins émergents ou non
satisfaits par la création d'activités d'utilité sociale, culturelle, sportive,
d'environnement et de proximité.
Il permettra à 350 000 jeunes d'entrer durablement dans la vie active en
faisant d'eux de véritables agents du développement économique.
Au vu des amendements adoptés par la commission et à la lecture du rapport de
M. Souvet, j'aborde ce débat avec la conviction que nous pouvons approfondir
notre réflexion et que nos échanges permettront de mieux cerner ce que doit
être ce projet de développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Si nous savons éviter entre nous les mauvaises querelles, nous pourrons nous
accorder sur la majorité des moyens à mettre en oeuvre pour servir une ambition
qui doit nous être commune.
En effet, chacun ici, je crois, s'accorde sur notre échec collectif à l'égard
du chômage et sur la nécessité d'innover pour réussir.
J'entends bien, ici ou là, l'évocation du coût du chômage pour tenter
d'expliquer nos échecs. Les études économiques réalisées aussi bien en France
que dans des pays qui ont effectué des expériences, comme la Grande-Bretagne,
n'ont jamais mis en évidence l'impact négatif que pourrait avoir le SMIC sur
l'emploi des jeunes. En revanche, il existe bien un problème lié aux charges
qui pèsent aujourd'hui sur les salaires.
Comme vous le savez, le Gouvernement ne compte pas revenir sur les réductions
de charges sociales qui ont été prévues notamment pour les bas salaires, ces
dernières années, mais il poursuivra les réductions de charges qui, en France,
pèsent beaucoup plus sur les salaires que sur les autres revenus. C'est ainsi
que nous prévoyons d'instaurer, dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, une nouvelle assiette pour les cotisations sociales :
dorénavant, celles-ci seront assises sur l'ensemble des revenus.
De la même manière, nous travaillons pour modifier, dès l'année prochaine, les
cotisations employeurs, afin que celles-ci ne soient pas assises uniquement sur
les salaires.
C'est avec le même objectif que nous entendons rééquilibrer - là aussi, le
projet de budget pour 1998 le montre - les prélèvements entre les revenus du
travail et ceux du capital.
Par conséquent, nous nous appliquons effectivement à réduire les charges
sociales qui pèsent aujourd'hui sur les salaires, notamment les plus bas, et
qui défavorisent l'emploi.
Faut-il, comme certains le font, se tourner vers le système de formation pour
apporter une explication au chômage des jeunes ? Y aurait-il pénurie de
main-d'oeuvre qualifiée dans notre pays ?
Très franchement, je ne le crois pas, à quelques exceptions près, pour des
qualifications très ciblées. Les moyens déployés depuis les années quatre-vingt
ont en effet permis de doubler en quinze ans la proportion d'une classe d'âge
parvenant au niveau du bac, alors même que la proportion des sans-diplômes a,
dans le même temps, été divisée par trois.
Il demeure néanmoins, il faut bien le dire, que 65 000 jeunes sortent
aujourd'hui chaque année de l'éducation nationale sans aucun diplôme. Mais ils
ne constituent que 8 % des jeunes qui sont aujourd'hui au chômage ou qui ont un
emploi aidé !
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas tout faire pour en réduire encore le
nombre et la proportion, mais il n'est donc pas possible de conclure à une
carence globale de main-d'oeuvre qualifiée.
Peut-on alors avancer, comme le font certains, que le chômage des jeunes a
pour cause une inadéquation entre la formation initiale et les besoins des
entreprises ?
Je crois ici que beaucoup de progrès ont été accomplis, notamment grâce à la
formation en alternance, même si nous devons encore avancer, peut-être pour en
simplifier les modalités et pour les rendre plus souples et plus proches de la
réalité des progrès techniques engagés dans les entreprises.
Si personne ne doit négliger la poursuite de notre réflexion pour améliorer
notre système éducatif, comme le fait M. Claude Allègre actuellement, nous
devons chercher d'autres moyens de lutter contre le chômage en ouvrant de
nouveaux horizons de croissance.
Je pense que nous sommes là au coeur du sujet qui nous intéresse aujourd'hui.
En effet, la France vit un curieux paradoxe : notre pays est riche, et même
très riche si on le compare à d'autres pays de la planète ; pourtant, des
besoins essentiels ne sont pas aujourd'hui satisfaits, ou le sont mal. Sans
doute est-ce parce que nos richesses sont mal réparties, ou parfois mal
utilisées, mais nous connaissons un taux de chômage massif.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, et principalement pendant les Trente
Glorieuses, notre croissance a été tirée très largement par la consommation des
ménages en biens individuels et durables : le logement, l'équipement de la
personne, de la maison, l'électroménager, l'acquisition de l'automobile et,
aujourd'hui, de l'audiovisuel dans la majorité des foyers, voilà qui a permis
d'asseoir une croissance forte que nous ne connaissons plus ces dernières
années.
Aujourd'hui, nous connaissons essentiellement des marchés de renouvellement
et, malheureusement, l'apparition de nouveaux produits dans les secteurs de la
micro-informatique ou du multimédia ne remplacera pas la forte demande de biens
durables que nous avons connue depuis la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd'hui, les besoins prioritaires sont ailleurs. Ils résident
principalement dans les services, dans des domaines aussi divers que les
services aux personnes, la protection de l'environnement, la qualité de la vie
ou l'épanouissement de la personne, secteurs où il faut bien reconnaître nos
difficultés à organiser l'offre et à solvabiliser la demande.
Les réponses à ces besoins doivent trouver leur traduction dans des
prestations identifiées, dans des prestations de qualité qui correspondent à de
vrais métiers.
La première étape, qui vise à l'organisation de cette offre, est coûteuse et
présente forcément des risques. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas
l'entamer. Il ne faut pas renoncer et, pour ce qui me concerne, je ne m'y
résous pas.
L'ambition du Gouvernement est bien de mener une politique volontariste,
inscrite dans la durée, afin de répondre à ces besoins et d'améliorer notre vie
collective et notre façon de vivre ensemble. Il s'agit bien évidemment - c'est
notre objectif - de créer des emplois durables, surtout pour les jeunes. Si les
entreprises et les marchés ne sont pas prêts à investir aujourd'hui dans ces
secteurs parce qu'ils ne sont pas directement solvables, il est donc du devoir
de la puissance publique d'engager une politique d'investissement pour préparer
la réalisation de ces activités qui rendront possible, un jour, la transition
vers le marché.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est le sens et la portée du
texte qui vous est soumis aujourd'hui. A cet égard, je voudrais revenir sur
certaines assertions que j'ai pu entendre parfois ou sur certaines discussions
que nous avons pu avoir, notamment en commission.
Que les choses soient claires ! Et je m'adresse ici en particulier à certains,
peu nombreux il est vrai, qui ont cru pouvoir détecter dans notre programme la
création de 350 000 nouveaux emplois dans la fonction publique. Rien dans ce
texte ne répond à cette logique. D'ailleurs, nous en reparlerons lorsque nous
discuterons d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, à l'article L.
322-4-8, qui précise que ces emplois ne peuvent en aucun cas se situer dans le
champ traditionnel des compétences du secteur public.
Nous n'avons pas l'intention de placer des jeunes comme « bouche-trous » dans
des administrations ou dans des petits boulots que des agents publics ne
voudraient pas remplir. Nous nous situons dans une démarche extrêmement
différente, qui vise à répondre à de nouveaux besoins qui sont aujourd'hui en
dehors du champ des collectivités locales et des services publics. Je le redis
devant vous, ces emplois, dans leur grande majorité, ont pour vocation d'être
pérennisés dans le secteur marchand ou associatif.
Ces emplois, par ailleurs, ne feront pas concurrence au secteur marchand
existant. Dans certains endroits, en effet, et pour certains publics, le marché
a déjà organisé certaines réponses parce que les financements existaient.
Il faudra donc examiner la concurrence, le climat, l'environnement économique
de chaque projet et ne pourront être retenus ceux qui, pour une catégorie
particulière, dans un lieu déterminé, feraient concurrence à des réponses qui
ont déjà été mises en place par le secteur marchand. Cela fait partie des
conditions
sine qua non
pour qu'un projet soit accepté.
D'autres estiment encore que, si ces emplois ne sont pas des emplois de
fonctionnaires, ils viendront s'ajouter à la longue liste des emplois aidés que
nous avons connus ces dernières années.
A ceux-là je réponds que ce projet de loi relève non pas du traitement social
du chômage, dont nous avons tous usé quand nous n'en avons pas, parfois, abusé,
mais bien d'une logique tout à fait nouvelle et originale qui vise, pour
l'Etat, à investir vers un nouveau modèle de développement susceptible de faire
émerger de nouvelles activités qui, demain, seront portées par le secteur
privé.
Nous sortons ainsi d'une logique d'insertion et d'accompagnement du chômage -
qui continue à rester essentielle pour ceux de nos concitoyens qui sont en
difficulté - pour entrer dans une logique de création d'emplois appelés à se
pérenniser.
Nous sortons ainsi d'une logique de guichet, pour promouvoir une action
publique qui valorise la notion de projet.
S'agissant des futurs employeurs, il ne leur suffira pas de demander l'aide de
l'Etat pour l'obtenir ! Les appels à projet seront encadrés par des cahiers des
charges qui, malgré leur simplicité et leur souplesse, exigeront d'eux une
vision réaliste de ce que pourra être l'avenir des métiers créés. Nous
vérifierons qu'il ne s'agit pas d'emplois publics ; nous vérifierons qu'ils ne
font pas concurrence aux emplois privés ; nous retiendrons les projets qui ont
une chance de pérennisation et de professionnalisation.
Voilà toute la démarche suivie au travers de ce projet de loi.
Quant aux bénéficiaires du dispositif, ils seront recrutés par l'employeur
sous réserve de l'adéquation de leur profil aux métiers envisagés.
Ainsi, à l'aide à la personne se substitue une aide au poste. Cette approche
est d'ailleurs sortie renforcée de l'examen du texte par l'Assemblée nationale,
qui a adopté un amendement précisant que, dans l'hypothèse où un jeune
sortirait du dispositif avant le terme de cinq ans, l'employeur ne
bénéficierait de l'aide de l'Etat que pour la durée restant à courir.
Je le répète, ces emplois ne se subsitueront en aucune manière à des emplois
de la fonction publique ou à des emplois similaires qui auraient été créés
localement dans le secteur marchand. Comme je l'ai dit devant de nombreux élus,
notamment devant les grandes associations qui regroupent les maires ou les
conseillers généraux, il n'est pas question ici de remplacer des agents qui
partiraient en retraite ou de conforter des services dans des mairies ou dans
des conseils généraux.
Pour définir ce que seront ces emplois de demain, le Gouvernement a privilégié
la voie de l'efficacité en adoptant une attitude de confiance vis-à-vis des
acteurs locaux, des collectivités locales ou des associations, qui, pour un
certain nombre d'entre eux, comme l'a fort justement relevé votre commission
des affaires sociales, ont déjà réalisé des expérimentations dans ces domaines.
Je pourrais ainsi - mais, rassurez-vous, je ne le ferai pas - décrire les
réalisations que M. Pierre Mauroy a mises en place à Lille, et peut-être M.
Souvet évoquera-t-il dans son intervention ses propres expériences à
Montbéliard. Quoi qu'il en soit, l'aide de l'Etat doit favoriser la
généralisation et la multiplication de telles innovations.
Loin de transférer vers les collectivités locales des contraintes budgétaires
et des responsabilités qu'il ne souhaiterait plus assumer, l'Etat réalise un
effort sans précédent en contribuant au financement de ces emplois à 80 % du
SMIC pendant cinq ans. Cet effort représente aujourd'hui 92 000 francs par an,
qui seront revalorisés chaque année au 1er juillet.
J'ajoute que le Premier ministre a été sensible aux demandes des élus visant à
ne pas accroître les contributions des collectivités locales cette année : vous
l'avez constaté, le projet de budget pour 1998 ne comporte pas de contribution
supplémentaire à cet égard. Ce budget était difficile à boucler, mais j'espère
que le retour de la croissance nous permettra de poursuivre dans cette voie
dans les quatre prochaines années.
L'Etat a entrepris un effort sans précédent en faveur des organismes et des
collectivités qui emploieront ces jeunes. Vous connaissez ces derniers : il
s'agit des jeunes de moins de vingt-six ans ou de ceux qui, âgés de moins de
trente ans, ne remplissent pas les conditions pour bénéficier du régime du
chômage.
Notre plan a en tout cas déjà remporté un premier succès, au moins dans les
esprits, car, alors qu'on nous disait, voilà quelques semaines, que 350 000
emplois c'était beaucoup trop, on nous dit aujourd'hui que ce n'est pas assez.
De même, alors qu'on nous disait, voilà quelques semaines, qu'il s'agissait de
petits boulots, on se demande aujourd'hui si ces emplois ne seraient pas trop
qualifiés et ne laisseraient pas sur le bord de la route les jeunes les moins
qualifiés. Je voudrais répondre très clairement sur ce point : tout d'abord, ce
n'est pas parce qu'on est jeune qu'on a besoin d'insertion, qu'on est malade ou
en difficulté. La plupart de nos jeunes aujourd'hui sont mieux formés que ne
l'étaient leurs parents.
M. Henri Weber.
Très juste !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nombre de ceux qui,
aujourd'hui, n'ont pas de qualification sont en pleine santé physique et
mentale pour occuper un emploi.
M. Josselin de Rohan.
Mais ils sont au chômage !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui, ils sont au chômage,
monsieur le sénateur, et c'est bien pourquoi nous essayons de les en sortir
!
Nombre de jeunes non qualifiés, en situation d'échec scolaire, manifestent la
volonté de trouver d'abord un emploi et nous espérons que, lorsqu'ils en auront
trouvé un, ils seront obligés d'intégrer un circuit de formation qui sera
nécessaire pour leur évolution future.
Il en va autrement des nombreux jeunes qui sont aujourd'hui en difficulté soit
parce qu'ils ont connu des situations familiales et sociales difficiles, soit
parce qu'ils sont au chômage depuis longtemps, soit parce qu'ils ont sombré,
souvent par désespérance, dans la délinquance ou même dans la drogue, sortant
peu à peu des marges de notre société. Pour ceux-là, les emplois-jeunes ne sont
pas la réponse, il faut la rechercher dans des emplois d'insertion, qu'ils
prennent la forme de contrats emploi-solidarité - qu'il faudra bien recadrer
vers ces publics en difficulté - ou qu'il s'agisse de l'insertion par
l'économique.
Je dis très clairement les choses, les emplois que nous vous proposons de
créer sont ouverts à tous les jeunes, qualifiés ou non, capables de travailler
et prêts à occuper un emploi à temps plein, car ce sera la règle. Et nous
continuerons à aider individuellement les autres par le biais de processus
d'insertion : il ne faut pas tout mélanger.
Pour favoriser la réinsertion des publics les plus en difficulté, l'Assemblée
nationale a admis le cumul d'un contrat emploi-solidarité avec un emploi
marchand pour une période qui reste à définir.
Par ailleurs, pour les jeunes qui souhaitent prendre des initiatives et créer
leur propre entreprise, l'un des apports essentiels du débat à l'Assemblée
nationale a été d'offrir une aide, qui prendra la forme d'une avance
remboursable mais aussi d'un accompagnement en matière technique et
administrative pendant les premières années.
Tel est donc le dispositif : une aide majeure, un public élargi. Il nous
restera l'essentiel à réaliser, c'est-à-dire imaginer, au terme des cinq ans
prévus pour la durée de ce plan, les moyens d'une pérennisation de ces
emplois.
Il faut dire les choses simplement : dès aujourd'hui, nous savons pertinemment
que certains coûts sociaux sont liés au fait que ces emplois ou ces activités
n'existent pas.
Si l'insécurité est si grande dans les quartiers, dans les transports, dans
les logements, c'est souvent parce que la présence humaine est insuffisante,
parce qu'il n'y a pas ce gardien, cet éducateur qui peut tendre la main au
jeune et l'empêcher de déraper. Nous qui avons des prisons remplies de jeunes,
nous savons le coût pour la collectivité de cette insécurité, qui pourrait être
mieux traitée par la prévention. Les emplois-jeunes y contribueront
abondamment.
Nous savons aussi combien les mutuelles, par exemple, sont intéressées par le
développement des services aux personnes à domicile. Si le service à domicile
proprement dit relève d'autres mécanismes, tout ce qui permet d'aider les
personnes âgées, les personnes handicapées à sortir de chez elles, à avoir
accès à la culture, à des loisirs et - pourquoi pas ? - à des actions
collectives pourra être mené par les associations.
Nous savons aujourd'hui combien l'hospitalisation de ces personnes non
seulement coûte cher, mais, de plus, ne correspond pas, dans bien des cas, à
leur souhait. Nous savons aussi combien le maintien à domicile est fortement
créateur d'emploi. Là encore, les mutuelles sont prêtes à aider le financement
des services complémentaires qui pourront être apportés aux personnes âgées et
aux handicapés.
Je pourrais multiplier les exemples. Je pourrais expliquer comment,
aujourd'hui, les bailleurs sociaux sont prêts à financer en partie les emplois
de gardiens d'immeuble ou de ceux qui vont aider les locataires à mieux traiter
leur budget, à mieux résoudre les problèmes de dégradation de leur immeuble, à
faire réaliser des petits travaux avant que ne se posent de graves problèmes de
dégradation. Nous savons que ces investissements rapportent et que ces emplois
permettent des économies considérables. C'est une première réponse à cette
solvabilisation.
Mais il y en a bien d'autres, car nous savons aussi que nombre de services
peuvent être financés par les usagers eux-mêmes, qui, aujourd'hui, ne les
financent pas, faute d'une offre qualifiée, structurée, organisée. Combien de
personnes âgées hésitent à appeler quelqu'un pour sortir ou les accompagner
dans leurs courses parce qu'elles ne sont pas sûres de l'association voisine ou
de la qualification de la personne qui va leur être envoyée ? Dans ce domaine,
comme dans d'autres, il existe des sources de financement.
Je donnerai un dernier exemple pour montrer que le secteur privé peut
également être une source de financement.
A Lille, nous avons créé des médiateurs de lecture dans les bibliothèques,
chargés d'apporter les livres à ceux qui ne peuvent se déplacer. Aujourd'hui,
certains clients particuliers, mais aussi des cliniques privées, des maisons
pour handicapés financent aux trois quarts ce service de médiateurs de
bibliothèque, qui, au départ, a été financé par la Ville de Lille, et ce parce
qu'ils y trouvent leur compte.
C'est donc de notre imagination et de notre capacité à trouver ces sources de
financement, forcément multiples, que dépendra le succès de ce programme.
C'est peut-être, là aussi, une innovation. Nous avons trop l'habitude, dans
notre pays, de considérer que l'on est dans un secteur public financé
totalement par le public ou dans un secteur privé financé totalement par le
privé. Nous devons trouver des circuits de financement croisés qui permettront
à ces emplois d'être solvables.
J'en arrive maintenant - j'en terminerai par là - à la mise en oeuvre du
dispositif.
Comme je l'ai dit devant la commission des affaires sociales, au-delà des
dispositions législatives et réglementaires, la réussite d'un tel programme
dépendra d'abord de l'esprit et des modalités qui présideront à sa mise en
oeuvre.
Nous souhaitons que le dispositif se mette en place au plus près des acteurs
locaux et qu'il soit le plus simple et le plus souple possible.
Il nous faut, bien sûr, recenser les besoins, faire émerger les projets,
envisager leur pérennisation, réfléchir à leur professionnalisation. Cette
démarche doit se faire d'abord avec les élus, puis avec les responsables
associatifs, les partenaires économiques, les responsables des services publics
impliqués directement dans la vie locale.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les appels à projet devront
être lancés au niveau du bassin d'emploi, c'est-à-dire au plus près des
habitants. C'est à ce niveau que nous connaissons véritablement les besoins,
que nous savons s'il y a déjà des réponses dans le secteur privé ou dans le
secteur de l'insertion, que nous pouvons innover en faisant se réunir autour de
la table l'ensemble des acteurs susceptibles d'organiser le service ou de le
financer.
Voilà pourquoi nous avons demandé aux préfets de désigner - en général, ils se
désigneront eux-mêmes - un pilote pour impulser le projet.
Il est bien clair dans notre esprit que, lorsqu'une commune constitue à elle
seule un bassin d'emploi, c'est le maire de la commune, s'il le souhaite, qui
est le leader dans le bassin d'emploi. C'est à lui de signer un contrat
d'objectif avec l'Etat, où il réservera en quelque sorte le nombre d'emplois
qu'il mobilisera autour de sa propre activité ou de celle que pourront soutenir
les acteurs économiques et sociaux de sa ville qu'il mettra autour de la
table.
Dans le cas où le bassin d'emploi est composé de petites communes, nous avons
demandé au préfet de voir qui sera le mieux à même de mobiliser les différents
acteurs. Cela pourra être un maire, là encore, reconnu par ses collègues, mais
aussi un président d'association, voire le sous-préfet. Dans tous les cas, il
faudra trouver la personne idoine, celle qui sera apte à entrer dans cette
logique à la fois innovante et souple.
Deuxième impératif, je l'ai dit, la simplicité qui devra présider à la mise en
oeuvre du dispositif.
Les appels à projet seront permanents ; les réponses devront faire l'objet
d'une demande sous la forme d'un cahier des charges général, qui répondra
d'abord aux objectifs que j'ai évoqués tout à l'heure : montrer que nous ne
sommes pas dans le secteur public, définir l'environnement économique, préciser
les grands axes de la pérennisation et de la professionnalisation.
Je souhaite que le Sénat confirme la volonté des députés de garder des
dispositifs souples et simples.
Je l'ai dit, les collectivités locales - communes conseils régionaux, conseils
généraux - pourront passer un contrat d'objectif avec l'Etat, contrat qui
définira le contingent d'emplois souhaitable.
J'ai salué tout à l'heure le président du conseil général du Pas-de-Calais,
avec qui nous avons déjà commencé à travailler en vue d'élaborer un contrat
d'objectif.
Les conseils généraux et régionaux pourront, bien sûr, élaborer eux-mêmes des
projets dans le cadre de leurs missions : activités nouvelles dans l'action
sociale pour les conseils généraux, par exemple ; activités nouvelles dans le
domaine de l'environnement pour les conseils régionaux.
Ils pourront, en outre, aider les communes qui ont des difficultés pour
financer les 20 % restants ; je pense aux communes rurales, aux communes les
plus pauvres, notamment parce qu'elles ont des quartiers en difficulté. Là
aussi, il m'apparaît qu'il serait souhaitable de substituer au guichet ouvert à
tous une sélection des communes qui ont besoin d'être aidées pour financer les
emplois-jeunes.
Enfin, il serait bon - l'Assemblée nationale l'a reconnu - que les conseils
régionaux, dans le cadre des missions qui leur ont été confiées par la
décentralisation, puissent aider au financement de la formation, voire à
l'évaluation, qui sera réalisée dans les différents métiers.
Je tiens, enfin, à préciser que le circuit de paiement sera aussi rapide que
possible. Une fois n'est pas coutume, l'Etat essaiera de payer non seulement à
temps mais en avance, au début de chaque mois.
C'est le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations
agricoles, le CNASEA, qui gérera le dispositif, dispositif que nous sommes
d'ailleurs en train de mettre en place puisque nous souhaitons pouvoir démarrer
dès le 15 octobre prochain.
De la même manière, nous avons déjà préparé un projet de décret, qui évolue au
fur et à mesure des débats parlementaires, et une circulaire, qui s'amplifie,
elle aussi, au fur et à mesure des questions qui nous sont posées, afin que
l'ensemble des textes puissent être publiés en même temps et aussi rapidement
que possible après le vote de la loi.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateures, je conclurai mon
propos en insistant sur le caractère novateur de ce projet.
Celui-ci innove dans le mode d'intervention de l'Etat. Vous l'avez vu, l'Etat
ne se contente pas d'accompagner socialement les chômeurs ; il investit dans
les emplois de demain. Cela me paraît important.
Il y a innovation, également, dans les rapports entre l'Etat, le secteur
public, le secteur associatif et le secteur privé. Nous devons nouer des
collaborations entre ces différents secteurs, et, pour ma part, je ne vois
aucun inconvénient à ce que les entreprises privées se joignent d'ores et déjà
au tour de table de certains projets en cours d'élaboration.
Il y a innovation, enfin, dans la démarche d'appel à projet. La mise en place
des projets n'a rien de bureaucratique, avec des documents à remplir, des
tampons à obtenir. La démarche est souple, innovante, on fait confiance aux
acteurs sur le terrain, en particulier aux élus.
Cette piste - je le dis comme je le pense - est sans doute parmi les plus
novatrices. Elle pourrait d'ailleurs - je vois que l'Europe commence à s'y
intéresser - constituer la base d'une réflexion au sein même de l'Europe
puisqu'il s'agit, au fond, de reconnaître que, si l'industrie doit évidemment
être défendue partout où elle existe, si elle doit être développée dans le
secteur des nouvelles technologies, où nous avons du retard, elle ne permettra
pas, à elle seule, de créer des emplois, qu'il convient donc d'accélérer le
passage vers une société de services nous permettant de mieux vivre tous
ensemble, avec une qualité de vie plus sûre dans une société plus ouverte, mais
apte aussi à redonner de l'espoir à nombre de nos concitoyens, notamment aux
jeunes, grâce aux emplois qui seront créés.
Il me paraît tout à fait essentiel de proposer à ces jeunes, qui depuis des
années ont des emplois précaires ou qui sont au chômage, de vrais métiers, qui
sont les métiers de demain et qui contribueront à ce que notre société soit
finalement moins dure et plus solidaire.
Et comment ne pas faire confiance à la jeunesse, à sa générosité, à ses
capacités de solidarité, pour nous aider à construire cette société ?
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons
aujourd'hui un signal fort à lancer à notre jeunesse. Elle l'attend ; on le
voit dans ses premières réactions. Nous ne pouvons la décevoir ; c'est notre
responsabilité.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau face à nos
responsabilités, face à un problème social majeur, celui du chômage des jeunes
et, finalement, celui de la confiance que nos concitoyens mettent en
l'avenir.
Les chiffres montrent que jusqu'à présent nous n'avons pas réussi à combattre
ce fléau, que notre pays, contrairement à d'autres, n'a pas su - nous y avons
notre part, hélas ! - trouver la voie d'une forte croissance en emplois.
Je me bornerai à rappeler trois chiffres : plus de 600 000 jeunes de moins de
vingt-six ans inscrits comme demandeurs d'emploi, ce qui représente 20 % des
chômeurs, et un taux de chômage des jeunes actifs de 25,1 %, taux qui ne tient
pas compte des jeunes poursuivant leurs études uniquement pour échapper au
chômage.
Alors, face à ces chiffres, nous comprenons tous l'immense espoir social que
suscite l'annonce d'un plan d'embauche de 700 000 jeunes sur trois ans. Cela
explique les demandes dont les maires ou les chefs d'établissement scolaire
sont assaillis.
Face à cet espoir qu'il a lui-même suscité, que nous propose le Gouvernement ?
Un projet de loi dont l'objectif est de créer 350 000 emplois-jeunes dans le
secteur public et associatif, emplois ayant un caractère d'utilité sociale. Je
ferai une remarque en passant : sur les 350 000 autres emplois-jeunes à créer
dans le secteur privé, nous n'avons guère d'informations !
Qu'il y ait des besoins nouveaux - on dit, plus savamment, « émergents » -
susceptibles de créer des emplois est chose possible. Les élus n'ont d'ailleurs
pas attendu le projet de loi actuel pour s'y intéresser : la liste de
vingt-deux métiers, publiée il y a quelque temps, n'est, me semble-t-il, que le
recensement de ce qui a été fait ici et là depuis des années. Pour ma part,
j'ai déjà créé, à Montbéliard, des emplois d'agent d'entretien ou de médiation
dans le domaine du logement, des agents de prévention et d'ambiance dans le
domaine des transports, des médiateurs de justice, des emplois d'aide aux
victimes, et je passe sur tous les emplois liés à l'environnement.
J'aimerais vous rappeler, madame le ministre, une tentative de la région
Franche-Comté, alors sous la présidence du regretté Edgar Faure, qui
s'intitulait: « Les emplois vocationnels ». A l'époque, les URSSAF nous
pénalisaient de 26 millions de francs, et c'est une certaine Martine Aubry,
déjà ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui
avait réglé le problème. Comme quoi votre souci de l'emploi des jeunes est
partagé depuis longtemps par les élus !
Cette démarche qui consiste à favoriser les initiatives locales, à susciter de
nouvelles activités, s'inscrit dans la logique de la politique de l'emploi
suivie ces dernières années. On constate en effet que l'Etat confie de plus en
plus souvent à d'autres collectivités locales ou partenaires sociaux le soin de
mettre en oeuvre et de gérer des actions qui relevaient jusqu'alors de sa
compétence. Je citerai le transfert de l'allocation formation reclassement,
l'AFR, ou de l'inscription des demandeurs d'emploi sur l'UNEDIC, le financement
par le secteur privé, au travers, là encore, de l'UNEDIC, des préretraites avec
l'allocation de remplacement pour l'emploi ou l'allégement du coût du travail
et l'assouplissement - timide, il est vrai - du cadre juridique de l'exécution
du contrat de travail.
Cette déconcentration, voire cette décentralisation, de la politique de
l'emploi a deux raisons essentielles : se rapprocher du terrain et des réalités
de l'emploi et alléger les contraintes pesant sur le budget de l'Etat en les
transférant à d'autres. Nous avons prêté la main à cette politique de
transfert, car elle a, bien évidemment, ses vertus.
Le projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes
s'inscrit donc dans cette logique et la pousse encore un peu plus loin. En
fait, si je résume à grands traits la philosophie du projet, l'Etat cherche à
inciter les collectivités locales, directement ou indirectement, par le biais
de leurs établissements publics ou du monde associatif, à se transformer en
pépinières sinon d'entreprises, du moins d'activités et d'idées nouvelles.
Cependant, comme ces activités ne sont pas rentables, que la demande
potentielle n'est pas solvable, l'Etat financera partiellement ces emplois
pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, soit 80 % d'un SMIC
avec ses charges sociales pendant cinq ans, le reste étant payé par qui pourra
ou par qui voudra. Cela n'est pas choquant, dans la mesure où l'on parvient à
la pérennisation. Quant aux jeunes concernés, ils doivent avoir entre dix-huit
et vingt-cinq ans, exceptionnellement moins de trente ans lorsqu'ils
connaissent de graves difficultés d'insertion. Les employeurs sont les mêmes
que pour les contrats emploi-solidarité. L'Etat et le secteur privé marchand ne
peuvent être employeurs, sinon, pour le premier, dans le cadre très spécifique
de l'article 2 du projet de loi concernant les missions d'adjoints de sécurité.
Autrement dit, mis à part quelques grands établissements publics, comme la SNCF
ou La Poste, les principaux employeurs devraient être les collectivités
territoriales ; c'est une donnée qu'il faut garder à l'esprit.
Ces emplois, Mme le ministre nous l'a dit, ont vocation à être pérennisés.
Aussi, pour professionnaliser ces activités, l'Etat s'engagera à apporter des
aides et des conseils. Enfin, pour composer avec les règles des fonctions
publiques, le projet de loi innove en instituant un contrat de droit privé à
durée déterminée de cinq ans susceptible d'être rompu chaque année. C'est un
bel exemple de flexibilité que les entreprises privées envieront sans doute,
surtout dans la version retenue par l'académie de Paris qui prévoit un CDD d'un
an « éventuellement renouvelable ». Le texte est dans mon rapport, vous l'avez
sans doute lu, madame le ministre.
Maintenant que j'ai rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait le projet de
loi et que j'en ai décrit à grands traits le dispositif, il convient de
l'analyser et de nous prononcer.
Une fois passé l'effet d'annonce portant sur les 350 000 créations d'emplois,
une analyse objective du dispositif qui nous est proposé révèle, selon nous, sa
grande ambiguïté - vos propos se voulaient plus rassurants, madame le ministre
- quant à la nature des activités qui seront mises en place et ainsi
subventionnées. S'agit-il d'activités relevant de la sphère privée, du secteur
marchand des services, ou s'agit-il d'activités relevant de la sphère publique,
voire d'un secteur mixte qui, bien que privé, ne peut survivre qu'avec des
aides publiques ? A cet égard, la liste non exhaustive des vingt-deux nouveaux
métiers révèle clairement le danger : nombre de métiers concernant
l'environnement, ou l'entretien et la maintenance des logements et de leurs
équipements, appartiennent à l'évidence à la sphère privée. Subventionner ces
emplois, c'est sans doute et surtout susciter une concurrence déloyale pour
nombre d'entreprises du secteur privé, notamment dans le cadre des gestions
déléguées, avec pour conséquence des menaces pour l'emploi. Cela entraînerait,
selon les sources, de 45 000 à 100 000 destructions d'emplois, et vous avez
insisté, madame le ministre, sur votre souci de ne pas concurrencer le secteur
marchand.
S'il peut paraître judicieux de faciliter la germination d'activités
nouvelles, pour reprendre l'image de la pépinière, encore faut-il, madame le
ministre, veiller à ce que ces activités n'étouffent évidemment pas celles qui
existent.
La liste de ces emplois, comme celle plus complète qui figure dans le rapport
Nouveaux services, nouveaux emplois,
recèle aussi de graves dangers
potentiels : d'abord, parce que certains de ces métiers nouveaux ne me semblent
pas faits pour des jeunes de moins de vingt-six ans, sans expérience
professionnelle et sans expérience humaine ; médiation familiale, réinsertion
des détenus, prévention de la violence, par exemple, sont autant d'activités
qui nécessitent une connaissance de la nature humaine que n'auront pas ces
jeunes. D'ailleurs, de façon plus générale, il semble à la commission des
affaires sociales que, quand on crée des activités nouvelles, il est préférable
de faire appel à des professionnels expérimentés ; inversement, l'insertion est
plus facile dans des activités déjà rodées. Dire que l'on va professionnaliser
ces métiers ne paraît pas suffisant, car le résultat de cette formation se fera
sentir trop tard : l'échec sera déjà survenu. La commission des affaires
sociales, madame le ministre, craint que nombre de ces métiers ne soient, hélas
! sans perspectives, et cela lui paraît grave au regard des espoirs
suscités.
Cette ambiguïté est encore accentuée par les annonces intempestives de
différents ministères visant à créer qui 3 000, qui 5 000, qui 40 000
emplois-jeunes. D'ailleurs, les organisations syndicales de la fonction
publique redoutent déjà la mise en place d'une fonction publique
bis
,
une fonction publique à l'économie, lourde de dangers de tous ordres pour les
années à venir.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Serge Vinçon.
Très juste remarque !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Que dire également des emplois envisagés à la SNCF ou à La
Poste, qui nous semblent, à l'évidence, être des « résurgences de métiers »,
autrefois assurés par ces organismes ?
Pour la commission des affaires sociales, madame le ministre, mes chers
collègues, ce texte va, dans certains secteurs et non des moindres, générer de
forts effets d'aubaine, qui se révéleront très vite désastreux, on le craint,
et contagieux : c'est ainsi que j'ai entendu hier, à la radio, que Renault,
anticipant sur la demande de printemps de sa clientèle, envisagerait l'embauche
de jeunes dans le cadre de ce dispositif. J'espère, bien évidemment, qu'on
l'arrêtera suffisamment tôt, pour autant que j'aie bien compris.
Autre faiblesse du projet de loi : il n'aborde pas les vrais problèmes de
l'exclusion des jeunes du marché du travail. Si, à l'évidence, la conjoncture
économique y est pour beaucoup, il existe d'autres raisons : la rigidité du
code du travail et aussi, et peut-être surtout, la médiocre qualité ou
l'inadaptation aux besoins des entreprises de la formation initiale. Sans aller
jusqu'à proposer une réforme du système éducatif, sans doute aurait-il été
opportun de coordonner la création de ces activités nouvelles avec des mesures
de formation professionnelle. Or, il n'y avait rien en ce sens dans le projet
de loi initial.
Il n'y a rien non plus qui permette de faire le lien avec la question de
l'exclusion générale du marché du travail. Or, je l'ai déjà dit, créer des
activités nouvelles suppose de l'expérience. Il est regrettable que le projet
de loi ne fasse pas appel à ceux qui ont cette expérience et qui, très souvent,
pour une part d'entre eux, se trouvent exclus du marché du travail par les
restructurations et autres effets de la compétition économique. De plus,
s'engager dans cette voie aurait permis de commencer à rationaliser et à
réduire le nombre des dispositifs emplois dont l'empilement atteint aujourd'hui
des proportions rédhibitoires. Cette simplification avait été annoncée, elle
n'a pas été faite. Pourtant, une vision plus globale de la politique de
l'emploi aurait très certainement un effet d'entraînement extrêmement
favorable.
Enfin, et ce n'est pas le moindre des dangers de ce projet de loi tel que nous
l'avons lu, il fait peser une lourde menace sur les finances des collectivités
locales et sur les finances de l'Etat. Le coût pour l'Etat est peut-être
supportable pendant les cinq ans prévus s'il est financé par des économies.
Mais qu'en sera-t-il pour les collectivités locales, qui seront au coeur du
dispositif, mes chers collègues, et qui, au bout des cinq ans, subiront une
pression sociale considérable pour maintenir ces emplois alors que l'aide de
l'Etat aura disparu ?
M. Serge Vinçon.
C'est vrai !
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La sortie du dispositif est la grande inconnue. Comment être
sûr que, dans quelques années, tout cela ne débouchera pas sur une pression
fiscale accrue, avec tous les effets négatifs que l'on sait sur l'emploi ? Nous
pensons en particulier aux emplois créés par l'éducation nationale.
M. Alain Gournac.
C'est la fuite en avant !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Autre danger pour les collectivités locales, celui d'une
perte d'autonomie, car elles se verront imposer des choix qu'elles n'auraient
peut-être pas faits spontanément, elles subiront des contraintes sans en avoir
la maîtrise. Les maires seront les principaux interlocuteurs de l'Etat. Mais
seront-ils entendus ?
De tout cela, me semble-t-il, l'Assemblée nationale a eu conscience : les
modifications apportées au texte en témoignent. Ainsi, a-t-elle posé le
principe d'une pérennisation, mais sans en préciser ni les modalités ni les
moyens, a-t-elle parlé de formation, mais là encore sans en définir les moyens,
a-t-elle prévu l'intervention d'autres collectivités territoriales que les
communes, mais de façon marginale. Et surtout, elle n'a pas su éviter les
risques de dérapage vers une fonction publique
bis.
En fait, nombre des
amendements adoptés à l'Assemblée nationale sont des ajustements techniques,
utiles certes, mais insuffisants pour corriger les défauts les plus criants du
texte, comme celui par exemple de la concurrence déloyale faite au secteur
privé ou celui du financement des emplois au-delà des cinq ans, question que
certains élus eux-mêmes pourraient négliger de traiter, puisqu'elle ne se
posera véritablement qu'après les prochaines élections municipales.
M. Alain Gournac.
Tiens, tiens !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Notre méconnaissance de ces métiers nouveaux donne naissance
à des doutes et à des hésitations. Risques et craintes de concurrence déloyale,
métiers apparemment inadaptés, effets d'aubaine, préparation insuffisante,
encadrement inexistant, menace pour l'autonomie des collectivités locales et
leur équilibre financier, tels sont donc les grands dangers que nous croyons
déceler dans ce texte.
A ce stade de l'analyse, que devons-nous faire, mes chers collègues ?
La commission des affaires sociales, pour des raisons évidentes, n'a pas
souhaité rejeter le texte, d'autant que nombre d'entre nous, maires ou
présidents de conseils généraux, ont déjà exploré la voie retenue par le projet
de loi et qu'il nous est difficile de le rejeter
a priori.
Pour avoir
entendu les présidents d'associations d'élus locaux à l'occasion des
consultations auxquelles j'ai procédé, je sais que nombre de maires et d'élus
locaux partagent ce point de vue.
Les maires ont créé ces activités après les avoir financées sur le long terme,
sans artifice, après s'être assurés de leur pérennité sur des fondements
solides, en collaboration avec d'autres partenaires ayant pris des engagements
fermes. Or, tel n'est pas le cas du projet de loi : certes, l'Etat s'est engagé
sur cinq ans, du moins peut-on l'espérer - car que penser de la remise en cause
des aides aux emplois familiaux, de la suppression de l'exonération d'impôt sur
les constructions neuves ou du changement de fiscalité sur certains produits de
l'épargne ? - mais qu'en sera-t-il au-delà de cette durée, alors que les
besoins seront toujours là, sans doute encore plus pressants puisqu'ils auront
pu être satisfaits pendant cette période ? Nous sommes dans l'inconnu le plus
total et cette sortie du dispositif constitue - j'y reviens - la crainte la
plus sérieuse pour le système.
Ayant formulé ce constat, la seule solution qui a semblé opportune à la
commission des affaires sociales était d'amender significativement le texte. En
témoignent les 127 amendements que vous avez déposés, mes chers collègues,
auxquels s'ajoutent les 22 amendements de la commission. Je puis affirmer ici
que vous avez suivi la même voie. Ces amendements contiennent toute une mine
d'idées nouvelles et de précisions certes utiles mais que nous ne pouvions pas
toutes incorporer dans le projet de loi.
Les amendements que la commission vous proposera ne répondront pas à toutes
les objections que j'ai formulées, simplement parce que c'est la politique
globale de l'emploi qu'il faudrait revoir, à commencer par la façon dont notre
système scolaire prépare les jeunes à l'emploi, Néanmoins, ces amendements
devraient permettre de corriger les défauts les plus criants du projet de
loi.
Tout d'abord, il convient de mieux cerner les activités afin d'éviter tout
risque de concurrence déloyale. Pour cela, la commission des affaires sociales
propose de confier un rôle de conseil et de suggestion au comité départemental
de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, le
CODEF, composé de représentants des pouvoirs publics et de parlementaire, et
qui est assisté, je vous le rappelle, d'un conseil départemental de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi où siègent -
et cela est d'importance - les partenaires sociaux.
Ces instances interviendront à trois moments, et, en premier lieu, avant la
signature de la convention par le préfet, pour lui donner un avis sur la
viabilité dans le temps et dans l'espace du projet et sur son articulation avec
les secteurs public ou privé. Le CODEF pourra d'ailleurs déléguer son rôle aux
missions locales pour l'emploi, plus proches du terrain.
Ces instances interviendront ensuite pour suivre l'application de la
convention dans le temps à la demande du préfet chargé de la contrôler, mais
surtout elles devront, chaque année, procéder à une évaluation des activités et
des emplois créés afin de déterminer les conditions de leur passage progressif
vers le secteur privé, ou de leur pérennisation dans le secteur public, ou
encore de leur abandon.
Pour la commission des affaires sociales, ce point est d'importance. Les
activités créées n'ont, pour leur plus grande part, pas vocation à rester dans
le secteur public : elles doivent migrer et être pérennisées au sein du secteur
marchand.
Le CODEF formulera donc ses recommandations à l'attention du préfet et de
l'employeur. Le préfet pourra alors décider de supprimer l'aide de l'Etat. Mais
il pourra, aussi, subventionner pour une durée limitée le passage au secteur
privé avec ce qui restera de l'enveloppe initiale. En outre, diverses
dispositions sont insérées dans le projet de loi, telles que la mention d'une
contribution des usagers aux services rendus, pour préparer ce transfert.
J'ajoute que, pour faciliter l'encadrement de l'activité et son glissement
éventuel vers le privé, il serait opportun que les partenaires sociaux
participent au dispositif par l'intermédiaire du fonds paritaire d'intervention
en faveur de l'emploi après avoir négocié un système d'aides qui s'inspirerait
de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, ou des conventions de
coopérations. Pour cela, il convient d'autoriser le fonds paritaire
d'intervention en faveur de l'emploi à affecter une partie de ses ressources au
financement de l'encadrement de ces nouvelles activités.
Ainsi, les collectivités territoriales n'auraient pas systématiquement la
charge de ces nouvelles activités, ce qui serait sans doute le cas à défaut
d'un tel mécanisme d'évaluation et de transfert. Une solution est donc ainsi
apportée au problème de la sortie du dispositif. Certes, elle ne sera pas
totale puisqu'une partie des activités nouvelles pourrait rester à la charge
des collectivités.
De plus, une passerelle serait ainsi jetée avec d'autres catégories de
personnes exclues du marché du travail, par exemple les cadres au chômage ou
susceptibles de partir en préretraite. Cette globalisation a semblé importante
à la commission pour redonner confiance. Mais c'est semble-t-il encore
insuffisant.
Pour faciliter cette migration vers le secteur marchand et éviter qu'elles ne
débouchent sur des désillusions, il faut professionnaliser ces activités
nouvelles. Pour cela, la commission des affaires sociales vous propose
d'adosser leur création au recours à l'apprentissage au sein des collectivités
locales et des entreprises partenaires, recours à l'apprentissage qui pourrait
être fortement encouragé en étant financé dans les mêmes conditions que les
emplois-jeunes.
MM. Alain Gournac et Emmanuel Hamel.
Très bonne idée !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission tient d'ailleurs à souligner que le recours à
l'apprentissage au sein des emplois-jeunes permettra de lutter contre l'effet
d'éviction que risque de susciter ces emplois à l'égard de l'apprentissage :
pourquoi, pourraient se dire certains jeunes, se fatiguer à suivre un
apprentissage peu rémunéré quand on peut être embauché pour cinq ans avec une
rémunération bien supérieure ?
Le dispositif que propose la commission des affaires sociales permet donc
d'aborder la question de fond de l'emploi des jeunes, même si cela n'est fait
que partiellement, à savoir leur qualification. Il permet aussi de ne pas
réserver les emplois-jeunes aux plus qualifiés, ce qui aurait pour conséquence
d'exclure encore davantage ceux qui le sont moins, ou ne le sont pas du
tout.
Enfin, pour éviter la confusion entre des activités de natures différentes, la
commission des affaires sociales a souhaité que les emplois relevant des
missions de l'Etat, comme ceux de l'éducation nationale, restent sous un régime
de droit public et soient financés à 100 % par l'Etat, ainsi que le projet de
loi le prévoit déjà pour les adjoints de sécurité. Cela lèvera l'ambiguïté
savamment entretenue sur la question de savoir qui financera ces emplois.
Ce point a donné lieu à de longs débats. Partant du constat largement partagé
au sein de la majorité sénatoriale, et même au-delà, m'a-t-il semblé, que les
emplois relevant des missions fondamentales de l'Etat - police, justice,
éducation, notamment - n'avaient pas à figurer dans un tel projet de loi et
que, s'il y avait des besoins, ceux-ci devaient être satisfaits dans le respect
des règles de la fonction publique, y compris budgétaires, la solution la plus
logique aurait été de supprimer les dispositions les concernant et d'interdire
aux ministères de profiter des effets d'aubaine générés par le projet de
loi.
Néanmoins, étant donné l'attente suscitée par ces propositions d'emplois
auprès des jeunes et de leur famille et tout en déplorant les effets
d'annonces, ainsi que la publication de fiches d'inscription par l'éducation
nationale - elles figurent en annexe du rapport - qui anticipe le vote de la
loi, la commission n'est pas allée jusqu'à supprimer les dispositifs qu'elle
réprouve. Elle les a cependant détachés du dispositif de l'article 1er du
projet de loi pour en faire une catégorie à part relevant du droit public.
Malheureusement, la question du sort de ces emplois au terme des cinq ans reste
en suspens et tout se passe comme si le Gouvernement d'aujourd'hui « repassait
» le problème à l'un de ses successeurs.
Naturellement, à côté de ces modifications lourdes ou d'importance, la
commission en proposera d'autres, qui en sont la conséquence, ou qui sont
d'ordre technique ou rédactionnel.
Voilà, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les
orientations que vous suggère la commission des affaires sociales. Ces
orientations s'apparentent, je le reconnais volontiers, à un changement de
philosophie du texte que je résumerai ainsi : le secteur public, les
collectivités locales en premier lieu, jouent, avec l'aide de l'Etat, un rôle
de pépinières d'activités nouvelles, mais la plupart de ces activités nouvelles
doivent migrer vers le secteur privé marchand, dès qu'elles sont suffisamment
consolidées, grâce au recours éventuel à l'apprentissage et à un encadrement
performant. Quant aux emplois relevant des missions de l'Etat, ils doivent être
cantonnés dans un dispositif spécifique relevant du droit public et ne pas
interférer avec ceux qui ont vocation à passer dans le privé.
C'est sous réserve de ces modifications fondamentales que la commission des
affaires sociales vous propose d'adopter le projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, dans notre société, le chômage des
jeunes est une question angoissante face à laquelle tous les gouvernements qui
se sont succédé depuis vingt ans n'ont pas su ou pas pu répondre de manière
efficace. De nombreuses initiatives ont été prises dans de nombreux endroits -
les collectivités locales ont fait de grands progrès dans ce domaine - mais les
statistiques sont formelles : en France, le chômage des jeunes est nettement
plus élevé que dans tous les autres pays de l'Union européenne.
C'est donc avec une certaine humilité que nous devons aborder le débat
d'aujourd'hui.
Nous ne l'entamons pas non plus sans un certain malaise. Indubitablement, le
projet de loi du Gouvernement, maintes et maintes fois annoncé, a fait naître
chez les jeunes une vague d'espoir. Pour que cet espoir ne se transforme pas en
déception, deux conditions devraient être réunies, à savoir que les jeunes ne
retrouvent pas au bout de cinq ans le chômage ou la précarité et que la
génération qui aura dix-huit ans dans cinq ans ne trouve pas alors porte
close.
En vous écoutant, madame la ministre, j'ai eu le sentiment que vous étiez
proche de notre analyse sur la détection de ces métiers émergents qui vont
progressivement remplacer des métiers anciens, mais les moyens que vous
proposez pour y parvenir sont critiquables. Si ce que je vous ai entendue dire
à la tribune allait dans le sens de notre analyse, le texte, quand on l'examine
mot après mot, s'en écarte très largement.
M. Claude Estier.
Mais non !
M. Jacques Mahéas.
Vous l'avez mal lu, monsieur Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Mes chers collègues, je le répète, ce texte
s'écarte de son objectif.
(Mme Joëlle Dusseau s'exclame.)
Pour fournir un emploi à 700 000 jeunes, le Gouvernement fait deux parts
égales : 350 000 jeunes seront embauchés dans le secteur public et parapublic
et vous essaierez de faire en sorte - plus tard - que 350 000 jeunes soient
également embauchés dans le secteur marchand.
Or la part de l'emploi public dans notre pays atteint déjà le quart de
l'emploi total.
C'est le taux le plus élevé des pays de l'Union européenne, si l'on excepte le
Danemark et la Suède où ce taux dépasse 30 %. La moyenne des emplois publics se
situe à moins de 18 % pour l'ensemble de l'Union européenne et à 15,5 % en
Allemagne, c'est-à-dire chez notre principal partenaire et concurrent.
Ce taux est donc très élevé, trop élevé même.
Simplement, pour le maintenir, c'est-à-dire pour ne pas accroître notre
divergence avec nos partenaires européens, le plan emplois-jeunes aurait dû
cantonner les emplois dans le secteur public et parapublic à 175 000 et viser
plus de 500 000 emplois dans le secteur marchand.
Par ailleurs, compte tenu des emplois-ville institués par le gouvernement
précédent, et qui seront repris dans l'ensemble du dispositif, l'ordre de
grandeur devrait être le recrutement de 150 000 jeunes d'ici à la fin de
l'année prochaine.
Or nous en sommes loin. Au surplus, le maintien du taux d'emploi public à
l'identique n'est pas, en soi, un objectif raisonnable ; il conviendrait de le
réduire.
Mes chers collègues, il existe en effet une corrélation évidente entre le
poids des emplois publics et celui des prélèvements obligatoires. La Suède et
le Danemark, qui détiennent le ruban bleu de l'emploi public en Europe, battent
également les records en matière de prélèvement obligatoire, avec des taux
nettement supérieurs à 50 %, à savoir 52 % pour le Danemark et 55 % pour la
Suède. La France n'en est encore - si l'on peut dire - qu'à 46 %. De plus, la
moyenne européenne est de 42 %.
M. Alain Gournac.
Triste record !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Les vingt dernières années ont été marquées
par une mondialisation spectaculaire de l'économie, l'ouverture de nos
frontières, une compétition internationale accrue, le développement
considérable de marchés et de produits nouveaux, notamment dans le domaine de
l'information et de la communication. Cela a déjà été dit et notre excellent
rapporteur, M. Louis Souvet, l'a indiqué. Mais, le constat le plus important
est, selon moi, que, depuis vingt ans, dans notre pays, les emplois du secteur
marchand n'ont augmenté que de 7 %, alors que les emplois du secteur non
marchand ont progressé de 40 %.
Une telle évolution est inquiétante.
Certes, la demande de biens de consommation durables ne tire plus la
croissance. Mais il y a d'autres marchés, d'autres besoins : nous sommes non
pas devant un monde qui finit, mais face à un monde qui change, et l'idée que
le secteur marchand ne créerait plus d'emplois - comme j'ai pu le lire sous
quelques plumes célèbres depuis quelques mois - est à l'évidence une idée
fausse.
(Très bien ! sur les travées du RPR).
Notre pays s'est-il tourné à temps vers les vrais gisements d'emplois
marchands ? Notre pays a-t-il fait les efforts suffisants d'adaptation de son
appareil productif, de son système de formation, de son mode d'organisation du
travail pour répondre efficacement à l'évolution tant de la demande intérieure
que des marchés à l'étranger ? Telles sont les vraies questions que tout
responsable politique doit se poser aujourd'hui.
Pour ma part, comme vient de le préciser M. le rapporteur - et nous sommes
d'accord sur ce constat - je ne crois pas que les marchés émergents et les
emplois correspondants soient nécessairement insolvables ni que le secteur des
services, dont l'importance ne cesse de croître dans les économies modernes,
doive coïncider avec le service public ou le secteur associatif.
Je ne considère pas pour autant que le développement d'emplois d'utilité
sociale soit une piste à négliger. Les élus locaux que nous sommes se sont
d'ailleurs largement engagés dans cette voie, et le bon démarrage des emplois
de ville en témoigne.
Mais face à ce constat, madame la ministre, le volet public du plan
emplois-jeunes que nous propose aujourd'hui le Gouvernement souffre de deux
contradictions.
Promouvoir le développement d'activités créatrices d'emplois présentant un
caractère d'utilité sociale, selon les termes du projet de loi, d'intérêt
général proposons-nous, est une démarche nécessairement très qualitative.
Or, et c'est la première contradiction du texte qui nous est présenté, cette
démarche a été immédiatement assortie d'un effet d'annonce et d'un objectif
quantitatif : créer 350 000 emplois dans les trois ans qui viennent. La
réussite politique du plan repose désormais sur la nécessité de « faire du
chiffre ».
Il en résulte, tout d'abord, que les premières annonces d'emplois vont, à
l'évidence, à rebours de la philosophie du dispositif telle que nous avons cru
la comprendre. Ainsi, 20 000 emplois sont annoncés dans la police nationale, 45
000 dans l'éducation nationale et 3 500 à la justice. Voilà donc déjà près de
70 000 emplois qui seront financés à 100 % par le budget général, et 20 % de
l'objectif des 350 000 emplois sont atteints.
Mais ces emplois relèvent à l'évidence de la fonction publique la plus
classique et des missions les plus traditionnelles de l'Etat. Ils ne donnent
pas une « image exacte » du dispositif annoncé et personne ne doute - beaucoup
d'amendements seront présentés dans ce sens - qu'ils seront, à terme, intégrés
dans la fonction publique.
Aussi, pour lever toute ambiguïté, la commission des affaires sociales, dans
sa majorité, a décidé de leur faire un sort à part et de dire nettement que ces
contrats seront de droit public. Dans les faits, c'est une nouvelle sorte de
fonction publique et il ne faut pas mélanger ces emplois avec les emplois
émergents qui répondent à des besoins nouveaux.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Mais un grand nombre d'entre nous sont
inquiets de cette démarche qui consiste à recruter massivement de nouveaux
futurs fonctionnaires, en marge des règles traditionnelles de la fonction
publique. De surcroît, il y a là, pour une classe d'âge, un effet d'aubaine
dont la génération suivante ne profitera pas, sauf à poursuivre ces
recrutements sur une longue période, ce qui reviendrait à s'orienter
délibérément vers un gonflement continu des fonctions publiques de notre
pays.
Il résulte ensuite de cet effet d'annonce et de cet objectif quantitatif que,
naturellement, on est peu « regardant » sur le caractère véritablement nouveau
des activités créées.
Les effets de substitution et d'éviction que comporte tout mécanisme
volontariste de création d'emplois s'en trouveront accrus : effet d'aubaine
pour les employeurs publics ou parapublics, mais également destruction
parallèle d'emplois dans le secteur marchand, notamment pour toutes les petites
entreprises qui s'étaient lancées dans ce secteur des métiers nouveaux.
La seconde contradiction du texte qui nous est présenté tient à l'ambition de
pérenniser dans le secteur marchand les « vrais » emplois d'utilité sociale et
à l'absence de mesures concrètes permettant de préparer cette évolution.
Madame la ministre, je ne mets pas en doute votre intention et celle du
Gouvernement de faire évoluer un certain nombre d'emplois financés sur fonds
publics vers de futurs métiers du secteur marchand - sur ce point, nous sommes
très largement d'accord avec vous - mais le texte va à l'encontre de cette
intention.
(M. Alain Gournac approuve.)
Tout d'abord, vous allez confronter des jeunes sans expérience
professionnelle à des activités nouvelles, parfois dans des domaines sensibles,
vous allez les mettre en présence de personnes isolées, âgées, en difficulté,
en bas âge.
En l'absence d'un dispositif renforcé d'encadrement et de formation, je ne
vois pas comment ces activités pourront être exercées correctement, voire sans
danger, pour les titulaires comme pour les usagers ; je ne vois pas comment
elles pourront être professionnalisées, c'est-à-dire transformées en métiers
susceptibles d'évoluer vers le secteur marchand.
Par ailleurs - et c'est le point le plus préoccupant du projet de loi - tout
est organisé pour faire évoluer ces jeunes pendant cinq ans dans le cadre
exclusif du secteur public, parapublic et associatif sans y associer, sinon
marginalement, les entreprises et les professionnels. Là encore, je doute que
les conditions dans lesquelles se déroulera cette expérience soient le prélude
à une bonne intégration dans le secteur marchand.
Enfin, comme l'a souligné M. Chérioux, aucune référence n'est faite quant à
une éventuelle participation de l'usager au financement des prestations
envisagées.
Il est vrai, madame le ministre, que nombre de métiers évoqués ne «
rencontrent » pas aujourd'hui un usager déterminé. Le dispositif s'inscrit donc
dans une stratégie d'offre publique gratuite.
Je suis sceptique sur la possibilité de demander dans cinq ans aux usagers ou
aux familles de financer un service dont, précédemment, ils auront bénéficié
gratuitement.
La pression sera à l'évidence forte sur nos collectivités locales, sur les
caisses d'allocations familiales, sur les associations subventionnées par des
fonds publics, pour qu'elles continuent de satisfaire les besoins qui auront «
émergé » sans avoir rencontré pour autant une demande « solvabilisée ».
M. Henri de Raincourt.
Evidemment !
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
MM. Alain Vasselle et Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Sur ces trois points, la majorité de la
commission des affaires sociales, comme l'a indiqué notre excellent rapporteur,
M. Louis Souvet, s'est efforcée de mettre le texte en harmonie avec vos
intentions et avec les nôtres...
M. Jacques Mahéas.
Vous êtes trop bons !
M. Henri Weber.
Quelle condescendance !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... et d'y insérer les mécanismes permettant,
d'une part, de favoriser la professionnalisation de ces métiers nouveaux,
l'encadrement et la formation des jeunes qui les occuperont et, d'autre part,
sinon de garantir - mais c'est impossible - du moins de donner une chance à ces
emplois d'évoluer dans les meilleurs délais vers le secteur marchand.
Il reste que, dans une économie moderne ouverte sur le monde et donc
confrontée à la concurrence, la création d'emplois publics pour résorber le
chômage - fût-il le chômage des jeunes - est un instrument inadéquat qui se
retourne rapidement contre l'objectif poursuivi.
Le projet dont nous allons débattre est évidemment marqué par cette idée. Mais
il faut reconnaître qu'il tente d'orienter les jeunes vers des métiers
émergents et des besoins non satisfaits ; il faut donc conjurer le risque de le
voir se transformer en un simple recrutement d'une fonction publique au
rabais.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales, dans sa
majorité, s'est efforcée de valoriser la partie du texte qui pourrait éviter la
déception, voire l'échec.
Déjà, nous constatons que la croissance que nous connaissons en ce moment est
plus riche en emplois qu'elle ne l'était il y a quelques années. C'est dans
cette voie qu'il faut poursuivre : l'adaptation du marché du travail,
l'allégement des charges des entreprises, la réforme du système de formation,
la décentralisation des aides au premier emploi, voilà les réformes qu'il
convient de poursuivre pour rejoindre le petit groupe des pays industrialisés
qui ont su réduire le chômage et favoriser l'insertion professionnelle des
jeunes.
Mes chers collègues, la France ne peut pas aller à l'encontre de ce que font
ses partenaires et ses concurrents. Au début de mon propos, j'ai fait référence
à l'esprit d'humilité qui doit nous imprégner dans ce débat difficile : je
conclus en disant que l'acceptation des réalités est toujours préférable à
l'affirmation de dogmes.
Nous n'avons pas le droit de décevoir les jeunes. Nous devons répondre
favorablement à leur demande, mais nous avons le devoir de ne pas les engager
dans des impasses. Mes chers collègues, c'est entre ces deux exigences que doit
s'inscrire notre débat.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 58 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 41 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gournac.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
Madame le ministre, je vous ai écoutée avec attention exposer votre plan de
création de 350 000 emplois-jeunes. Sachez que l'emploi est bien évidemment
notre préoccupation majeure, notamment celui des jeunes touchés par le chômage.
Cependant, nous refusons la politique de faux-semblants que vous nous proposez
de suivre.
(Rires sur les travées socialistes.)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Tout en nuances, M. Gournac !
M. Alain Gournac.
C'est pourquoi nous ne voterons pas en l'état votre projet de loi.
Quelle que soit la manière d'examiner votre texte et malgré vos nombreux
efforts pour tenter de le camoufler, cela reste de l'emploi public, de l'emploi
subventionné.
M. Guy Fischer.
Vous trouvez normal de subventionner les patrons !
M. Alain Gournac.
On peut aider à créer des emplois avec l'argent public, c'est vrai, mais à une
seule condition : que ces emplois soient créés dans le secteur marchand ou
susceptible d'y entrer, car ce sont les seuls qui génèrent de la richesse et
donc de la croissance.
M. André Vezinhet.
C'est dépassé !
M. Alain Gournac.
C'est la politique que nous avons menée.
Nous avons créé les emplois de ville, qui ont très bien fonctionné. Les
contrats initiative-emploi ont été étendus aux jeunes sortis du système
éducatif sans qualification...
M. Gérard Delfau.
Quelle réussite !
M. Claude Estier.
Oui, c'est une réussite !
M. le président.
Mes chers collègues, laissez M. Gournac s'exprimer !
M. Alain Gournac.
Cela les gêne !
... et nous avons aidé le développement de l'apprentissage, mais toujours dans
le secteur marchand.
Dans votre projet, vous avez choisi une autre voie. Vous nous présentez un
texte qui ne concerne que la sphère publique, avec une dépense, au minimum, de
35 milliards de francs en année pleine, sans qu'il y ait un véritable projet
pour les jeunes sans formation, sans issue, mais j'y reviendrai.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Cela s'adresse à des jeunes déjà formés, allons !
M. Jean Chérioux.
Voilà bien l'intolérance de la gauche !
M. Alain Gournac.
Ainsi, vous avez fait le choix de nous faire entrer dans ce cercle vicieux que
vous vous appliquez à nouveau à tracer : plus de dépenses, plus de déficits,
plus d'impôts, plus de charges, et donc moins de richesses créées, moins
d'emplois.
C'est une voie diamétralement opposée à celle qui est pratiquée par nos
partenaires européens depuis quelques années.
Je prends l'exemple hollandais. Les Pays-Bas sont, parmi les pays européens,
celui qui présente les meilleurs indicateurs, avec un taux de chômage
extrêmement bas et une excellente compétitivité.
Les cotisations patronales sur les bas salaires ont notamment baissé, avec le
résultat que l'on connaît : on réduit massivement le chômage tout en continuant
à créer de l'emploi public pour satisfaire les besoins sociaux ou ceux qui sont
liés à la protection de l'environnement, mais dans des proportions raisonnables
: de l'ordre de 40 000 de 1996 à 1998.
Mme Joëlle Dusseau.
Ils sont moins peuplés que la France !
M. Alain Gournac.
On connaît donc les recettes qui donnent de bons résultats. Elles ont été
expérimentées avec succès. Alors pourquoi nous proposer de faire le contraire
?
Madame le ministre, je voudrais néanmoins saluer chez vous une double
performance.
Dans votre texte, il est admis que la difficulté de créer de nouveaux emplois
réside, premièrement, dans la rigidité du code du travail et, deuxièmement,
dans des coûts salariaux trop élevés.
Or, lorsque les coûts salariaux sont trop élevés, vous, en bonne socialiste,
vous réagissez en créant de l'emploi subventionné, hors du secteur marchand,
et, qui plus est, sans organiser aucune passerelle vers le secteur privé. Il
serait donc bien plus efficace d'alléger les charges pesant sur les
salaires.
Quant à la rigidité du code du travail, quel ne fut pas mon étonnement lorsque
j'ai découvert ce CDD de cinq ans, contrat hybride empruntant les
caractéristiques du CDD comme du CDI ! Quelle ironie que ce soit vous, madame
le ministre, qui écorniez si fortement les garanties que le code du travail
offre aux salariés !
Je suis persuadé que beaucoup aimeraient voir étendre ce nouveau contrat à
l'ensemble des employeurs privés ou publics, sans aide publique, bien entendu.
Mais j'empiète peut-être sur votre second plan pour le secteur privé.
Ayant toujours considéré le problème du chômage des jeunes comme un problème
crucial, j'ai donc examiné votre texte avec le plus grand intérêt. Je vous
avoue être allé de surprises en indignation.
Première surprise : on ne connaît pas la nature des emplois créés. Ces emplois
sont très vaguement définis dans le texte. En gros, vous comptez sur des
besoins tout aussi peu clairement identifiés pour les préciser.
Ayant lu avec attention la liste de ces emplois, je vous avoue avoir mieux
compris pourquoi elle n'avait pas fait l'objet d'une large publicité dans la
presse !
Il y a dans
Alice au pays des merveilles
une forêt où les animaux, en y
entrant, perdent leur nom. Dans votre forêt, madame le ministre, parce qu'il y
a du conte de fée dans tout cela, les pseudo-emplois, eux, trouvent un nom : «
animateur de nature », « agent d'écoute », « promoteur des pays », « agent
d'aménagement des haies et des fossés », « assistant de convivialité à domicile
»...
D'autres emplois sont plus porteurs. Mais se pose alors le problème de la
formation des jeunes.
Puisque vous avez pour objectif l'absorption de ces emplois par le domaine
privé, comme je vous ai entendu l'affirmer ce matin, n'aurait-il pas mieux valu
aller chercher les nouveaux métiers ou les métiers à rénover, non encore
solvables, mais pouvant le devenir, auprès des entreprises ? Pourquoi ne rien
leur avoir demandé ?
On ne crée pourtant pas d'emplois sans employeur. Tout au plus crée-t-on un
poste. Mais celui-ci ne crée aucune richesse. Un gros travail d'imagination
doit donc être effectué avec les professionnels concernés.
La deuxième surprise a trait aux employeurs concernés. Ainsi que l'a affirmé
le Président de la République, « c'est l'entreprise qui crée la richesse et
l'emploi, c'est l'emploi privé qu'il convient de développer pour faire reculer
le chômage, tout le reste est fallacieux ».
C'est dans le secteur marchand qu'il aurait fallu créer ces emplois.
Mme Hélène Luc.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Alain Gournac.
Vous restez prisonnière, pardonnez-moi de vous le dire, madame le ministre,
d'une conception dépassée de l'entreprise faisant des profits au détriment de
ses salariés, et qu'il ne faut donc pas aider.
Mais, si on utilisait l'argent que vous voulez consacrer à ce plan pour créer
des emplois nouveaux, le résultat serait sans doute bien meilleur et
apporterait une solution au problème de la passerelle de l'emploi public à
l'emploi privé que notre pays rencontrera inéluctablement dans cinq ans.
En outre, êtes-vous consciente de la concurrence déloyale que vous risquez de
créer, malgré les contrôles que vous dites vouloir imposer, car j'imagine mal
que les autorités compétentes chargées de contrôler votre dispositif refusent
des créations d'emplois ?
Certains ont évalué cette destruction de l'emploi dans le secteur marchand à
près de 100 000.
Enfin, vous nous avez dit que c'est le particulier qui devra payer plus tard
quand les emplois seront solvables. Croyez-vous sincèrement que les usagers,
après en avoir pris l'habitude, accepteront de payer ce qui aura été gratuit
pendant cinq ans ? J'en doute. Sauf si le jeune a appris un vrai métier
correspondant à un vrai besoin. Or, cette vraie compétence, il ne peut pas
l'acquérir dans la plupart des emplois publics que vous proposez.
La troisième surprise a trait au public concerné par votre dispositif. Vous
avez choisi de centrer vos efforts sur les jeunes, sans autre critère que la
date couperet de leur 26e ou 30e anniversaire s'ils ne touchent pas
d'allocation chômage.
Et les autres, madame le ministre ?
Vous n'avez pas inscrit ce plan en faveur des jeunes dans une politique
globale de l'emploi. Et les chômeurs de plus de deux ans d'ancienneté, les
RMistes, les personnes handicapées ? J'en oublie !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il fallait vous en occuper !
M. Pierre Mauroy.
Qu'avez-vous fait, vous ? Vous exagérez ! Vous avez eu le pouvoir, quand même
!
M. Alain Gournac.
Vous, vous l'avez eu pendant quatorze ans !
M. le président.
Mes chers collègues, laissez parler l'orateur, s'il vous plaît.
M. Jean-Louis Carrère.
Parler, mais pas crier !
M. Alain Gournac.
Ne croyez-vous pas que vous allez les repousser encore un peu plus loin et
leur donner le sentiment que notre société aujourd'hui les rejette ?
Par ailleurs, vous allez assister arbitrairement une classe d'âge. Ceux qui
vont venir après, quand il n'y aura plus d'argent, pourquoi seraient-ils pas à
leur tour aidés ?
Vous allez créer la « génération Aubry », celle des assistés qui ne
connaîtront jamais l'économie de marché.
M. Pierre Mauroy.
C'est mieux que la « génération Juppé » !
M. Alain Gournac.
Pourquoi ne pas accepter un critère relatif à la qualification ? Je sais bien
que les jeunes diplômés ont eux aussi des difficultés à trouver des emplois
qualifiés, mais ils sont loin de connaître les mêmes difficultés que ceux qui
ont été exclus du système scolaire.
L'emploi des jeunes diplômés, c'est un problème d'emploi différent. Ce que
l'on constate, c'est l'inadéquation entre les diplômes et le monde du travail.
C'est donc là un problème qui touche notre système d'enseignement.
Ce sont donc surtout les exclus du système scolaire qu'il faut aider en
priorité afin de leur apporter la qualification nécessaire à une meilleure
insertion dans le monde du travail.
Par ailleurs, comment imaginer que certains emplois dont vous nous avez parlé
- médiateurs pénaux, agents d'ambiance dans les transports ou les cités - qui
réclament une grande maturité et une longue expérience puissent être occupés
par des jeunes de dix-huit à vingt-six ans, même diplômés ?
En revanche, certains emplois ne sont pas qualifiés. N'allez-vous pas décevoir
les jeunes qui, qualifiés, vont les occuper ?
M. Jean-Louis Carrère.
Moins que vous !
M. Alain Gournac.
Enfin, parmi tous ceux qui se proposent d'accueillir des emplois-jeunes, je
n'entends parler que de jeunes ayant bac + 2 ou + 4.
Les jeunes non diplômés auront-ils leur chance ? Vous allez nécessairement
créer une nouvelle discrimination envers eux.
Enfin, ce texte est particulièrement imprévoyant puisque, à aucun moment, vous
n'envisagez la sortie du contrat à l'issue des cinq ans. Or, il paraît, madame
le ministre, que gouverner, c'est prévoir.
Vous espérez, vous souhaitez, vous imaginez, mais rien de concret n'est venu
compléter votre texte. Les jeunes - il ne faut pas les tromper - sont l'avenir
de notre pays, or vous leur préparez un drôle d'avenir !
Ce que nous voulons, c'est que ces emplois débouchent sur une véritable
insertion dans le marché du travail par la pérennisation de l'emploi, qui doit
être transféré au secteur marchand.
Nous savons tous que la seule chance de ces jeunes, c'est d'être qualifiés
pour un métier, c'est d'être formés. Comment avez-vous pu présenter un projet
de loi initial sans prévoir cette formation ? C'est un mystère ! L'amendement
que vous avez fait adopter à l'Assemblée nationale demeure largement
insuffisant. La proposition de M. Louis Souvet d'appliquer le système de
l'apprentissage dans l'emploi des jeunes est excellente. J'espère que vous y
souscrirez, car cela permet notamment de sauver la filière de la formation par
alternance, dont la mort est programmée par ce texte.
Comment imaginez-vous qu'un jeune accepte d'être payé entre 50 % et 75 % du
SMIC, même si on le forme à un métier, alors qu'il pourrait être payé 100 % du
SMIC, sans faire l'effort de se former ?
Enfin, j'insiste sur la nécessité du tutorat, que nous avons exploité dans le
département des Yvelines avec le plan « Mille Emplois », dont on parle
beaucoup.
M. Pierre Mauroy.
Dans les Yvelines !
M. Alain Gournac.
C'est le seul moyen efficace d'assurer une formation qualifiante du jeune, et
j'applaudis à l'idée de notre rapporteur de créer un dispositif d'encadrement
par les demandeurs d'emplois sans condition d'âge afin que cesse enfin ce que
je dénonce depuis de nombreuses années comme la perte du savoir de ceux qui
sont exclus du marché du travail, notamment en raison de leur âge, alors même
qu'ils sont parfaitement aptes à remplir les missions d'encadrement
envisagées.
Enfin, se pose la question de la fonction publique territoriale
bis
qui
sera ainsi peu ou prou créée. Vous m'objecterez qu'il s'agit de contrats de
droit privé. Ce que je constate, c'est que ce seront des emplois peu onéreux
pour les collectivités. Les effets d'aubaine seront donc énormes.
Comment une collectivité territoriale ne serait-elle pas tentée de remplacer
les départs à la retraite par des emplois-jeunes ? Il suffit de créer de
nouveaux postes et de leur affecter des missions sociales ou liées à
l'environnement
Par ailleurs, je n'ose imaginer la pression qui va s'exercer sur les
collectivités territoriales et le clientélisme qui risque d'en découler.
Comment les communes vont-elles financer les 20 % restant à leur charge, voire
souvent bien plus en raison des coûts liés à l'équipement d'un poste de
travail, à l'encadrement, aux fournitures et à l'éventuel dépassement du SMIC
dans le cas où le jeune est qualifié ?
Les budgets des collectivités locales vont nécessairement augmenter, à moins
que les dépenses en investissement, déjà si rares, ne soient réduites, avec les
conséquences sur l'emploi privé que l'on sait. Certaines communes trop pauvres
ne pourront pas alourdir la fiscalité locale et n'auront donc pas la
possibilité d'embaucher des jeunes.
Dangereux et pervers, le système ouvre la porte à tous les abus. Je redoute
les conséquences qui en découleront.
Enfin, vous allez créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans la
police, l'éducation nationale et la justice.
Mise à part la dérogation prévue pour les adjoints de sécurité de la police,
ces jeunes n'auront aucun statut, aucune garantie de l'emploi et ne recevront
pas la rémunération correspondant à leur qualification. On se demande qui est
l'exploiteur ? Est-ce vraiment les entreprises ?
(Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau.
Tout de même !
M. Pierre Mauroy.
Comment peut-on tenir de tels propos ?
M. Alain Gournac.
Ces emplois seront pérennisés dans la fonction publique. En effet, comment
refuser de titulariser ceux qui auront bien travaillé pendand cinq ans et
acquis de l'expérience ?
Comment expliquerons-nous aux autres jeunes, qui n'auront pas eu la chance
d'être de la « génération Aubry », qu'ils doivent, eux, passer les concours de
la fonction publique ?
En outre, quel scandale que M. Allègre, avant le début des travaux du
Parlement, ait annoncé le recrutement de 40 000 personnes ! C'est très facile
de proposer Noël en septembre, c'est très populaire !
M. Pierre Mauroy.
Vous en savez quelque chose !
M. André Vezinhet.
Vous êtes expert, vous vous y connaissez !
M. Alain Gournac.
Mais prenez garde, l'enthousiasme que vous avez attisé ne va-t-il pas se
transformer en amertume chez tous ceux qui ne seront pas acceptés en raison du
trop grand nombre de candidats ou qui découvriront la nature fantaisiste de ces
emplois que vous leur proposez ?
(Brouhaha sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, laissez parler l'orateur !
M. Pierre Mauroy.
Ces propos sont renversants !
M. Alain Gournac.
De plus, je redoute que vous ne détourniez les jeunes de leurs études en leur
offrant une voie facile, mais médiocre.
Si je prends l'exemple de l'éducation nationale, je me demande qui va les
encadrer, les former. Les professeurs ne travaillant pas trente-neuf heures,
va-t-on appliquer à ces jeunes les horaires de l'éducation nationale et leur
octroyer les vacances scolaires ? De plus, quelle sera leur autorité de tutelle
?
Pour ce qui est du ministère de la justice, ces mêmes inquiétudes prévalent :
qui va encadrer ces jeunes ? Comment va-t-on assurer la confidentialité,
indispensable dans ce milieu ?
Voilà autant de questions sans réponse, qui ne doivent pas occulter le fond du
problème.
Avons-nous les moyens financiers de recruter des fonctionnaires pour effectuer
certaines missions qui pourraient peut-être améliorer les services publics,
mais qui demeurent secondaires ? A cette question, je réponds : non !
Les Français entretiennent un des Etats les plus chers du monde, a rappelé
tout à l'heure le président de la commission, et on ne peut indéfiniment
augmenter les prélèvements, bien qu'apparemment les premières annonces faites
sur le projet de loi de finances semblent montrer que vous souhaitiez relever
le défi.
Comme vous savez que vous n'en avez pas les moyens, vous créez cette fonction
publique au rabais. Mais les conséquences seront graves. Vous allez grever les
finances publiques pour de nombreuses années. Peut-être pensez-vous que vous ne
serez plus aux commandes quand cela explosera et qu'il importe peu !...
M. Jean-Louis Carrère.
Tout dépend quand le Président de la République décidera de dissoudre !
(Rires sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Parce que ces emplois sont un mirage que l'on fait scintiller devant les yeux
des jeunes, mais qui finira par s'évanouir et ne laissera que le désert, nous
sommes contre la création de ces emplois dans le secteur public.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Alain Gournac.
Puisque ces emplois - vos emplois, en l'état du projet - n'auront jamais
vocation à créer des richesses et à entrer dans le secteur marchand, nous
considérons qu'il ne peut s'agir de vrais emplois et qu'ils s'ajoutent aux 350
000 emplois que vous vous êtes engagée à créer. Il serait bien trop facile,
madame le ministre, de créer des emplois à coup de milliards. Tant qu'ils ne
seront pas solvables, ils ne pourront entrer dans vos comptes comme promesse
tenue.
Je voudrais, à présent, saluer le remarquable travail de réécriture du texte
auquel s'est livré notre excellent rapporteur, M. Souvet.
(Murmures ironiques sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère.
Cireur de pompes !
M. Alain Gournac.
Si la philosophie de ce nouveau texte ne correspond toujours pas à la nôtre -
un projet de loi visant à alléger les charges sociales aurait été préférable -
il n'a plus aucun point commun avec le projet de loi initial.
Pour conclure, je dirai que ce projet de loi tel qu'il nous a été présenté par
Mme le ministre va entraîner des discriminations intolérables au moment où il
faudrait resserrer le lien social. Toute une classe d'âge risque de se
considérer en dehors de l'économie de marché. C'est vouloir refaire le lit
d'une idéologie catastrophique.
Par ailleurs, comment pouvez-vous concilier ce nouveau plan d'aide avec la
réduction des avantages fiscaux pour les emplois à domicile, qui va alimenter
le chômage et le travail au noir ?
Il vaudrait mieux dépenser cet argent pour alléger la charge des artisans et
des petites entreprises, qui pourraient alors créer, en bien plus grand nombre,
des emplois durables et créateurs de vraies richesses.
Telle est notre philosophie ; c'est la seule possible pour un pays qui se veut
moderne et a grand besoin de rattraper ses retards.
Notre groupe ne votera pas le projet de loi du Gouvernement. Il votera le
contre-projet de la majorité sénatoriale, proposé par notre rapporteur, M.
Louis Souvet, complété par les amendements que le groupe du RPR a déposés.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc.
Allez le dire aux jeunes que vous ne voulez pas de ces emplois-jeunes !
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est donc dès
son installation que le gouvernement de Lionel Jospin a souhaité lancer son
ambitieux projet en faveur de l'emploi des jeunes.
Il en fait une priorité et entend mobiliser l'ensemble des acteurs pour livrer
cette bataille contre un chômage frappant désormais près d'un demi-million de
nos jeunes, qui représentent plus de 20 % des chômeurs, ce pourcentage étant
supérieur à 40 % dans certains départements d'outre-mer ; notre collègue Claude
Lise y reviendra.
Au-delà de ce chiffre dramatique, nous voyons tous les visages de femmes et
d'hommes jeunes qui démarrent leur vie d'adulte avec pour toute perspective des
refus polis en réponse à leurs innombrables lettres de candidature, au mieux,
une succession de petits contrats, une pénible course d'obstacles pour obtenir
un revenu qui leur permette de vivre décemment de façon autonome.
Voilà des jeunes qui, déjà, renoncent à former des projets d'avenir, qui
doutent désormais de l'utilité de poursuivre des études.
M. le rapporteur, vous avez fort justement souligné que nous étions placés
face à nos responsabilités. A nous donc de les assumer, en tant que
législateurs bien sûr, en tant qu'élus locaux aussi, puisque telle est notre
spécificité dans cette assemblée.
Le dispositif que nous propose le Gouvernement repose sur une démarche
audacieuse : initier des emplois d'une nouvelle génération, susceptibles de
satisfaire des besoins émergents et affectés notamment aux services aux
personnes et à l'amélioration de la qualité de vie.
Belle utopie, nous dirons certains !
Mais les attentes sont pressantes : je pense ici à l'allongement de la vie
qui, sans aide appropriée, se transforme trop souvent en drames, mais aussi à
des besoins qui résultent du temps libéré autour de la culture, du sport, des
loisirs ; je pense encore à tout ce qui ressort de la préservation et de la
requalification de notre environnement.
Ces emplois font parfois l'objet de railleries dans certains milieux réputés
sérieux.
Je ne pense pas qu'il y ait lieu de plaisanter lorsque l'on constate que ces
emplois auront justement pour cible les carences, les perversions que sécrète
notre société, qui génère l'exclusion sous toutes ses formes, la solitude et
met en danger notre environnement.
Ces préoccupations rencontrent justement les aspirations des plus jeunes de
nos concitoyens qui délaissent certaines formes traditionnelles d'engagement et
entendent s'investir dans des actions concrètes de solidarité et de
proximité.
Ces besoins nouveaux, ou non satisfaits, peu de collectivités ont déjà eu les
moyens d'y répondre, ou simplement l'audace de le faire.
Le monde associatif, bien que particulièrement imaginatif, ne peut seul
assumer cette responsabilité. Quant au secteur marchand, il ne s'est pas tourné
vers des activités qui ne sont pas encore solvables, et donc tout simplement
non rentables.
Il fallait donc la conviction et l'engagement massif de l'Etat pour créer une
dynamique nouvelle originale.
Nous savons que c'est principalement sur ce point que se cristallisent les
critiques. M. Gournac vient de nous présenter un joli couplet sur la question.
Ces critiques déplorent l'investissement de fonds publics dans une telle
opération ; il faudrait, paraît-il, limiter au seul secteur marchand la
création de richesses et d'emplois ; est dénoncée la création d'une fonction
publique
bis.
Nous estimons pour notre part que, sur des enjeux de cette taille, l'Etat doit
jouer un rôle indispensable de levier pour combattre une situation aussi
anachronique qu'injuste. En effet, la France est riche, vous l'avez rappelé,
madame la ministre, et nous relevons chaque jour des besoins non satisfaits
alors que, parallèlement, le nombre de chômeurs va croissant.
Sans reprendre de façon détaillée le dispositif qui nous est proposé, je
soulignerai quelques-unes des différences saillantes qu'il présente avec les
systèmes de lutte contre le chômage imaginés antérieurement.
Ce dispositif vise un large public quel que soit son parcours scolaire. Nos
collègues de l'Assemblée nationale ont, à juste titre, insisté sur la nécessité
d'assurer un équilibre des profils dans les procédures de recrutement.
En attachant au contrat de travail des garanties importantes, celles du code
du travail tout simplement, notamment en cas de conflit entre l'employé et son
employeur, on évitera certaines des dérives qui sont intervenues dans d'autres
dispositifs.
La création de ces 350 000 emplois devra se faire de façon décentralisée et
concertée puisque ce sont les futures structures d'accueil publiques,
parapubliques ou associatives qui seront à l'origine des projets soumis à
l'agrément du préfet. Je reviendrai sur cet aspect de la question un peu plus
tard.
Les travaux de l'Assemblée nationale ont permis d'identifier les écueils qu'il
convenait d'éviter à tout prix.
Il s'agit tout d'abord d'éviter que ces emplois ne se substituent à des
emplois déjà existants dans la fonction publique ou dans le secteur
marchand.
C'est une question complexe, qui porte en elle des germes de dévoiement du
dispositif. Le texte nous parvient donc amendé sur ce point.
En ce qui concerne les collectivités, nos collègues députés ont finalement
retenu la référence aux « compétences traditionnelles » pour exclure de ce
champ les nouveaux emplois et prévenir les dérives du dispositif.
Monsieur le rapporteur, vous nous proposez sur ce point une notion certes plus
précise mais également plus restrictive.
J'ai cru comprendre que, lors de l'instruction des dossiers, il serait demandé
au préfet d'apprécier les embauches au cas par cas, selon la spécificité de
chaque collectivité. Cette ligne directrice exige donc de la souplesse et, dès
lors, elle exclut un encadrement trop strict des critères de référence dans
l'appréciation de la substitution.
En ce qui concerne les associations, l'Assemblée nationale a précisé utilement
que la nouvelle embauche ne pouvait correspondre à la fin du contrat d'un
salarié, quel qu'en soit le motif : un licenciement, un départ en retraite,
etc.
Je relève que, sur cette question cruciale de l'évaluation du risque de
substitution, le rôle du représentant de l'Etat est primordial.
Le groupe socialiste suggérera, dans un amendement, la mise en place d'un
comité de proximité compétent pour aider le préfet dans sa mission.
Les débats à l'Assemblée nationale ont, par ailleurs, mis l'accent sur les
risques de voir les plus qualifiés des candidats être choisis au détriment de
ceux qui le sont moins ; c'est ce que l'on appelle, de façon un peu brutale,
l'effet d'éviction.
Deux remarques s'imposent d'emblée.
D'une part, la liste indicative des emplois à créer fait appel à des profils
totalement différents selon les secteurs d'intervention ; les formations
initiales requises seront de ce fait variées.
D'autre part, ces nouveaux emplois, vous l'avez rappelé, madame la ministre,
ne sont pas
a priori
des emplois d'insertion, pour lesquels il existe
normalement des dispositifs mieux adaptés, qu'il convient à l'évidence de
recentrer sur leurs objectifs originels, et je salue votre engagement sur ce
point.
Pour maintenir un équilibre et une certaine justice, il est précisé que les
procédures d'agrément devront tenir compte de l'exigence de recruter des jeunes
qu'il conviendra de former. Nous retrouvons ici l'importance primordiale
qu'aura cette procédure.
Il faudra également définir un cursus de formation adapté à ces nouveaux
métiers ainsi que les conditions du tutorat dans la structure d'accueil. Ce
sont des exigences fondamentales, sur lesquelles reposent le succès de ces
nouveaux métiers et qui ont trop souvent fait défaut dans le cas des CES.
Toutefois, il faut le dire, des imprécisions demeurent sur les contenus, les
lieux et le financement de cette formation. Sur toutes ces questions, il
conviendra d'apporter des réponses aussi précises que possible, madame la
ministre.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, apporté des aménagements afin de jeter
des passerelles entre les emplois-jeunes et d'autres dispositifs.
Elle a prévu le passage des CES, des emplois-ville, mais aussi des
allocataires du RMI vers les emplois-jeunes.
Une telle opportunité sera également offerte aux jeunes qui ont choisi une
formule de formation en alternance. Nous devrons nous assurer qu'un tel passage
se fera bien à l'issue du contrat de qualification ou d'apprentissage.
Les députés ont également prévu des passerelles vers le secteur marchand : en
rétablissant l'ACCRE, l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise,
au profit des jeunes qui aspirent à créer leur propre entreprise, d'une part ;
en autorisant la possibilité de cumuler un CES avec un emploi à mi-temps
rémunéré, d'autre part.
Les sénateurs socialistes approuvent ces options nouvelles, qui ouvrent d'ores
et déjà ce dispositif vers le secteur marchand et permettent d'en envisager la
consolidation.
En revanche, nous ne partageons pas la volonté de notre rapporteur et de la
majorité de la commission des affaires sociales de faire un amalgame entre,
d'une part, ce qui relève de l'initiative du Gouvernement et des structures
d'accueil visées dans ce projet de loi et, d'autre part, le deuxième volet du
programme « 700 000 emplois pour les jeunes », qui visera à intégrer des jeunes
dans les entreprises privées. Ce deuxième volet ressortira des négociations
avec les partenaires sociaux qui se dérouleront lors de la toute prochaine
conférence sur l'emploi et les salaires. C'est pourquoi nous estimons que ce
qui nous est proposé par la commission constitue un dévoiement du
dispositif.
Le groupe socialiste souscrit aux orientations inscrites dans le projet de loi
modifié par l'Assemblée nationale. Nous proposerons cependant de l'amender sur
les points qui nous semblent particulièrement sensibles.
Je me permettrai d'insister sur certains de ces points.
Nous pensons que la réussite de ce texte ambitieux repose sur la mobilisation
de l'ensemble des acteurs locaux, sur la viabilité des projets retenus et sur
le respect des objectifs définis dans les conventions, notamment en termes de
formation.
Madame la ministre, vous avez déjà indiqué que les services des directions
départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
seraient naturellement amenées à exercer un contrôle sur la réalisation des
conventions.
Il serait judicieux d'encourager la création de comités de pilotage de
proximité - à l'échelle d'un bassin d'emplois, par exemple - composés des
acteurs de terrain, tels que des intervenants dans les ANPE ou les missions
locales, des élus, des représentants des partenaires sociaux, des membres des
chambres consulaires. Ces différents acteurs, par leur connaissance des
réalités locales, sont mieux à même d'appréhender la pertinence d'un projet,
ses chances d'intégration dans le tissu économique local, le suivi du parcours
des jeunes, la sortie du dispositif à l'issue du contrat de travail. Ils sont
en outre susceptibles d'assurer - et ce n'est pas le moins important - une
veille permanente sur le non - dévoiement de ce dispositif, notamment en termes
de substitution.
Toujours dans le souci de favoriser la réussite de ces projets, et
singulièrement l'accueil des jeunes dans les structures publiques ou
parapubliques, nous estimons que la consultation des institutions
représentatives telles que les comités techniques paritaires devrait avoir lieu
préalablement à la signature de la convention. C'est une nuance importante que
nous souhaiterions voir figurer dans la loi.
Ce sont en effet ces agents qui assurent au quotidien l'exercice d'un service
auprès du public et qui, de ce fait, mesurent les demandes de ce public ainsi
que les carences existantes. Ce sont eux qui assureront l'accueil et le plus
souvent la formation de base de ces jeunes dont ils seront les collègues ; il
existe à cet égard une difficulté que nous ne devons pas sous-estimer : la
coexistence au sein d'un même service de plusieurs salariés sous statuts
différents.
De l'articulation entre leur travail et celui des nouveaux emplois dépendra
vraisemblablement la réussite du dispositif ; d'où la nécessité de solliciter
leur adhésion.
Madame la ministre, vous avez rappelé à plusieurs reprises que la liste des
vingt-deux métiers, largement médiatisée, n'était pas exhaustive.
Le groupe socialiste vous saisit donc de deux nouvelles propositions que nous
avons choisi de vous soumettre sous forme d'amendements. Je laisse à mes deux
collègues et amis, Monique Cerisier-ben Guiga et Georges Mazars, le soin d'en
présenter la philosophie. J'espère que la discussion que nous aurons à propos
de ces propositions portera ses fruits lors de l'entrée en vigueur de ce
texte.
L'ensemble des débats met en évidence le rôle primordial que joueront les
collectivités et leurs établissements, de même que les associations.
Les députés ont souhaité à juste titre que, dans une proportion des trois
quarts, les emplois ainsi créés résultent d'initiatives locales. Il est évident
que c'est à ce niveau que les acteurs sont le mieux à même de proposer des
projets correspondant à de nouveaux métiers, propres à satisfaire des besoins
émergents, et des activités nouvelles liées à l'évolution de notre société.
Plus que quiconque, ils ont la capacité d'inventorier une large panoplie des
emplois possibles entrant dans le champ du développement économique et marquant
ainsi une rupture avec des dispositifs anciens qui ont trop souvent une
connotation de « petits boulots ».
Les collectivités et les associations revendiquent une place en première ligne
sur les emplois-jeunes. Vous engagez très significativement l'Etat auprès
d'elles par une contribution financière importante et régulière durant cinq
ans.
Vous n'ignorez pas, cependant, que certaines parmi les plus pauvres - et qui
sont donc aussi parmi celles qui comptent le plus de chômeurs - rencontreront
d'énormes difficultés pour trouver les 20 % restant à leur charge.
Au-delà de la possibilité de constituer des groupements d'employeurs, le
projet de loi prévoit le recours au partenariat, notamment avec les régions et
départements. Mon collègue Roland Huguet évoquera cet aspect du dispositif.
D'autres partenariats sont possibles. Vous pourrez nous préciser, madame la
ministre, quelles pistes vous allez dégager pour aider les collectivités dans
leur recherche de fonds complémentaires.
Madame la ministre, nous avons la conviction que l'engagement des socialistes
concernant l'emploi des jeunes durant la dernière campagne électorale a été
déterminant dans le choix des Français. Nous savons que ce projet de loi ne
représente qu'un volet d'un dispositif d'ensemble, lequel comprend notamment
une importante négociation avec les partenaires sociaux, qui devrait aboutir à
la création d'autres emplois pour les jeunes dans les entreprises mais aussi à
une réduction du temps de travail suffisamment significative pour générer
d'autres emplois.
Votre détermination, l'engagement d'une majorité de parlementaires, des
collectivités et du monde associatif doivent assurer la réussite des
dispositions législatives que nous examinons aujourd'hui. Celles-ci sont
certainement perfectibles et demanderont un suivi sérieux, une évaluation que
nous ferons avec vigilance.
Nous savons que, au-delà des 350 000 jeunes qui vont pouvoir se projeter dans
l'avenir, ce sont de très nombreuses familles françaises qui vont sentir se
desserrer l'étau de l'angoisse du lendemain, et nous croyons que les nouvelles
portes ainsi ouvertes contribueront à redonner confiance et à provoquer un
élément déclencheur face à des comportements de consommation aujourd'hui très
frileux.
Madame la ministre, nous sommes collectivement soumis à l'obligation de
résultats. Nous considérons que ceux-ci ne sauraient être obtenus si l'on
suivait les propositions de notre rapporteur.
En revanche, sur vos propositions, vous pouvez être assurée du soutien des
socialistes.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi,
en introduction, de dire la satisfaction que j'éprouve à constater que le
premier texte d'origine gouvernementale dont la commission des affaires
sociales se trouve saisie depuis les dernières élections législatives est
relatif à l'emploi, en particulier à l'emploi des jeunes.
Avant la tenue de la Conférence sur l'emploi, la réduction du temps de travail
et les salaires, avec le futur texte sur l'emploi des jeunes dans les
entreprises, deuxième volet de la lutte contre le chômage des jeunes, le
présent projet de loi s'inscrit dans la mise en oeuvre des engagements que la
nouvelle majorité de gauche a pris devant les électeurs.
En fait, c'est bien sur la capacité de ce dispositif à apporter des solutions
durables au drame du chômage, à la montée de la précarité et de l'exclusion que
nous serons jugés.
La situation actuelle est catastrophique. Plus de cinq millions de personnes
sont, de fait, à la recherche d'un véritable emploi. Chez les jeunes de moins
de vingt-six ans, 630 000 chômeurs étaient officiellement comptabilisés par
l'ANPE en juillet dernier. Mais ce chiffre n'inclut pas les centaines de
milliers de jeunes qui alternent petits boulots, CES ou stages plus ou moins
qualifiants et périodes de chômage.
Ces jeunes connaissent un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne
du pays. Si 190 000 d'entre eux sont diplômés, titulaires du baccalauréat ou
d'un diplôme bac + 2, 340 000 n'ont pout tout bagage qu'un CAP ou un BEP et 65
000 sortent de l'école sans qualification aucune.
L'urgence est là et le manque d'emplois accessibles à cette génération se fait
chaque jour cruellement sentir. A preuve, l'incroyable ruée vers les guichets
des rectorats depuis l'annonce de la mise en place du plan emploi- jeunes dans
l'éducation nationale. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, les étudiants
et les hauts diplômés sont prêts à accepter des postes ne correspondant pas à
leur qualification, alors que les non-diplômés ressentent véritablement les
effets de l'exclusion.
Le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade,
a affirmé que l'échec des politiques de l'emploi menées jusqu'à présent était
un « échec collectif ».
Sans vouloir polémiquer, je crois pouvoir dire qu'il s'agit avant tout de
l'échec d'une logique, celle de la baisse du coût du travail par une subvention
directe à l'emploi et l'exonération des charges sociales. Cette logique conduit
à l'impasse.
Car, de loi quinquennale pour l'emploi en CES ou en CIP, toutes ces politiques
d'aide, qui ne sont assorties d'aucun contrôle quant à la baisse du coût du
travail, à défaut de faire baisser le chômage, auront largement contribué à
propager la précarité par simple effet de substitution et finalement participé
à la destruction d'emplois. Cette politique a abouti à tirer vers le bas toute
la structure des salaires, alimentant ainsi l'insuffisance de la demande et des
qualifications, favorisant la course vers les placements financiers au
détriment, en fin de compte, de la croissance réelle et de l'emploi.
Face à ce constat d'échec, je ne peux que me féliciter, madame la ministre,
que vous annonciez vouloir « inverser la logique ».
Votre projet de loi affiche en effet l'ambition de rompre avec le type d'aides
à l'emploi qui s'est développé jusqu'à présent avec les CES, les CEC et autres
emplois-ville, et d'aller vers une professionnalisation de l'emploi, avec une
réelle efficacité sociale.
Votre texte tend ainsi à favoriser l'essor de nouvelles activités
correspondant à des demandes dont l'émergence serait entravée par les
conditions actuelles du marché.
A cette fin, le Gouvernement s'engage à assurer la prise en charge sur cinq
ans, à hauteur de 80 % du SMIC, charges comprises, du financement de chaque
emploi répondant aux critères d'utilité sociale.
L'employeur, qui pourra être une collectivité territoriale, un établissement
public ou une association, devra verser les 20 % restants ou aller au-delà,
cette part pouvant faire l'objet d'un cofinancement.
Deux formes de contrat de droit privé sont prévues : il pourra s'agir soit
d'un CDI, soit d'un CDD de cinq ans, pouvant être rompu chaque année par
l'employeur en cas de motif « réel et sérieux », c'est-à-dire, je le rappelle,
de motif permettant le licenciement d'un salarié employé sous contrat à durée
indéterminée.
Pour ma part, je pense qu'il est nécessaire d'éviter certains écueils et de
lever certaines des ambiguïtés qui peuvent subsister dans un texte que, par
ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen soutient globalement.
Je crois que vous avez vous-même conscience, madame la ministre, de certaines
insuffisances, puisque vous avez souscrit à une amélioration déjà sensible du
texte lors de son examen par l'Assemblée nationale.
Je me félicite, en particulier, que nombre des propositions faites par mes
amis du groupe communiste de l'Assemblée nationale aient été adoptées. Je pense
notamment à des amendements permettant une meilleure prise en compte de la
dimension démocratique du dispositif. Ainsi, les conventions prévues à
l'article L. 322-4-18 du code du travail seront « établies en concertation avec
les partenaires sociaux », et les comités techniques paritaires en seront
informés.
Je pense encore à l'inscription, dans les conventions, des modalités de
qualification et de formation professionnelle. Il s'agit là d'une amélioration
importante.
La formation est en effet un élément essentiel de la pérennisation : répondre
à des besoins non satisfaits implique l'expérimentation, donc un travail de
construction et de définition des nouveaux emplois qui réclame, à l'évidence,
un effort important en termes de qualification et de formation. Nous pensons
d'ailleurs qu'il faut aller plus loin à cet égard.
Le projet de loi évoque ainsi des métiers nouveaux. Mais tant que l'on ne les
aura pas consolidés en assurant la qualité du service rendu, on ne pourra pas
faire en sorte que de vrais emplois durables apparaissent et que de nouvelles
entreprises se créent. Il faut donc que tous les jeunes concernés soient formés
et qualifiés : s'ils ne devaient être employés que durant cinq ans, sans
qu'aucune formation leur soit donnée, il ne s'agirait que d'emplois
d'insertion. Nous devons, par conséquent, privilégier la
professionnalisation.
Nous notons également avec satisfaction l'inscription dans le texte de la
possibilité de verser une rémunération supérieure au SMIC.
Il est nécessaire, à mon sens, pour offrir des débouchés d'avenir aux jeunes,
de tenir compte, en matière salariale, de leur qualification de départ et de
leur progression durant les cinq ans. C'est pourquoi nous nous réjouissons de
l'inclusion de ces contrats de travail dans les grilles de classification des
conventions collectives nationales.
Il s'agit, là encore, d'un aspect important de la réussite du dispositif. En
effet, l'institution de contrats de travail de cinq ans assortis d'une
rémunération égale au SMIC pourrait constituer un progrès pour ceux d'entre les
jeunes qui sont faiblement qualifiés, mais je crains que les emplois prévus par
le projet de loi ne soient inaccessibles à la plupart des 250 000 jeunes en
grande difficulté, parmi lesquels les plus pauvres, les très pauvres.
(M. Gournac approuve.)
La question est posée : ces jeunes peuvent-ils attendre une prochaine loi
contre l'exclusion ? A mon sens non, car il y a urgence.
En revanche, pour les plus qualifiés, il faut prendre garde que le contrat de
cinq ans au SMIC ne constitue une régression.
En effet, selon l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement
économiques, parmi les travailleurs ayant constamment été employés en France au
cours de la période 1986-1991, ceux dont le salaire était bas en début de
période étaient restés, en moyenne, pendant deux à trois ans dans cette
situation. Je me félicite qu'une disposition nouvelle essaie de répondre à ce
problème, en ouvrant la possibilité de suspendre le contrat, le temps pour le
jeune d'effectuer une période d'essai suite à une offre d'emploi. Peut-être
s'agit-il là d'une porte de sortie.
J'ai parlé des améliorations apportées au texte, mais il nous semble cependant
que certains ajouts, comme la possibilité de conclure des contrats « à temps
partiel sur dérogation accordée par le représentant de l'Etat », présentent des
aspects dangereux.
Ne risque-t-on pas, en effet, de retomber justement dans la précarité que vous
souhaitez combattre, madame la ministre ?
En outre, faut-il ouvrir la possibilité au préfet, ou à son représentant, de
déroger à une règle générale ? Ne risque-t-on pas de constater une application
du code du travail modulable selon les départements ?
Nous nous proposons de revenir sur ces innovations introduites par les
députés, peu opportunes à notre sens.
Par ailleurs, nous mettrons en débat plusieurs propositions destinées à
enrichir le texte et à permettre de lever certaines ambiguïtés qui, à mes yeux,
subsistent çà et là.
Nous pensons, en particulier, qu'il est nécessaire de clarifier les rapports
entre emplois-jeunes et fonction publique : la mise en place de ces emplois ne
doit freiner ni l'évolution et la rénovation nécessaires du service public - je
pense notamment au développement des nouvelles filières correspondant aux
besoins publics, qui évoluent sans cesse - ni le recrutement sous statut.
Ne pas aller dans ce sens risquerait, par le déploiement de toute activité
nouvelle correspondant à l'évolution des besoins vers les secteurs marchand ou
associatif, d'interdire toute modernisation du service public.
En effet, contrairement à ce qu'affirme, par exemple, M. le rapporteur, les
vrais emplois du futur se trouvent et dans le secteur marchand et dans le
secteur public.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Guy Fischer.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous proposons que, lorsque
l'employeur est une personne morale de droit public, les jeunes recrutés le
soient par la voie de contrats de droit public. Cela permettrait en outre aux
jeunes de bénéficier de l'ensemble des droits des contractuels, et de leur
ouvrir dans les mêmes conditions, par la voie interne, les concours
administratifs.
A ce propos, je voudrais évoquer certaines questions que soulèvent les
dispositions de l'article 2 concernant les missions d'adjoint de sécurité.
Certes, ceux-ci bénéficieront d'un contrat de droit public, mais je crains que
la période de formation de deux mois ne soit insuffisante, car ils devront
assurer des missions de surveillance, d'îlotage et de relations avec les
victimes, missions qui exigent une vraie formation et une réelle expérience
professionnelle. En outre, une formation de deux mois, est-ce suffisant et
raisonnable lorsque l'on nous annonce que certains de ces jeunes seront armés ?
Nous proposerons donc de porter cette période à six mois.
(Mme Luc
opine.)
S'agissant du dispositif général prévu à l'article 1er, nous souhaiterions
aller dans le sens d'une plus grande transparence favorisant l'intervention
démocratique, qui constitue l'une des conditions du succès du plan
emploi-jeunes.
Plus généralement, nous pensons que l'efficacité commande de rompre jusqu'au
bout avec les politiques précédemment suivies en matière d'emploi. Ne
pensez-vous pas, madame la ministre, qu'il serait nécessaire de réfléchir à des
propositions nouvelles visant à une meilleure efficacité des financements et,
par conséquent, à un abaissement des charges financières ?
D'ailleurs, le coût de la création de 350 000 emplois pour les jeunes
représente non pas seulement le paiement des salaires, mais également le
financement des investissements en matière de formation et d'encadrement.
Pour parvenir à une véritable pérennisation, il faudra donc dégager de
nouveaux financements. Une réforme de la fiscalité locale apportant des moyens
nouveaux aux collectivités territoriales s'impose, comme s'impose également une
relance économique.
Ne pourrait-on organiser, avec les institutions financières, une
solvabilisation et une pérennisation de nouvelles activités et de nouveaux
emplois ?
Il s'agirait de définir d'autres principes de financement, en s'appuyant sur
les fonds publics, afin de faire baisser les charges financières qui étranglent
bien souvent les collectivités locales et les offices d'HLM. Notre groupe fera
bien sûr d'autres propositions, que nous développerons au cours du débat
parlementaire.
Je voudrais, pour conclure - et j'espère que vous pourrez nous rassurer,
madame la ministre - insister sur les pièges dans lesquels certains voudraient
nous faire tomber.
M. Gournac, dans son intervention, nous a d'ailleurs montré le visage réel de
la droite la plus libérale.
(Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
M. Roland Huguet.
Très bien !
M. Alain Gournac.
Tant mieux !
M. Josselin de Rohan.
Vous n'imaginez tout de même pas que nous allons utiliser votre langage ?
M. Guy Fischer.
Je pense également, à ce propos, à plusieurs amendements de M. le
rapporteur.
Selon nous, la création d'un nouveau CDD de cinq ans ne doit pas servir de
prétexte au CNPF pour imposer, dans le privé, les « contrats de mission » ou «
contrats d'activité », comme certains les appellent, qu'il préconise, et qui
lui permettraient, d'une part, de faire du CDD la norme d'embauche et
d'introduire une nouvelle flexibilité, et, d'autre part, de vider ce contrat de
garanties que, du fait de son caractère précaire, il offre au salarié.
M. Nicolas About.
C'est Mme Aubry qui crée les emplois précaires, ce n'est pas le CNPF !
M. Guy Fischer.
Je pense en particulier à la difficulté de rompre avant terme ce type de
contrat.
Nous tenons à réaffirmer que, en ce qui nous concerne, nous refusons que le
dispositif prévu dans le secteur public puisse servir de base au système
destiné aux jeunes, qui devrait se mettre en place dans le secteur privé. Nous
comptons sur le Gouvernement pour faire preuve, dans ce domaine, de la plus
grande vigilance.
C'est pour ces raisons que nous refuserons de voter les amendements de la
commission des affaires sociales, qui prévoient le maintien de l'aide publique
aux emplois transférés dans le secteur marchand avant le terme du contrat de
cinq ans. Nous en reparlerons !
En conclusion, je crois que, avec ce texte, nous sommes tous placés devant une
grande responsabilité. Allons-nous pouvoir répondre aux espoirs exprimés par
les jeunes et par leurs familles ? Allons-nous permettre que s'ouvre enfin,
pour les jeunes, un avenir moins sombre que celui auquel ils croyaient être
promis ? A nos yeux, madame la ministre, le texte relatif aux emplois-jeunes
constitue une piste d'envol, et non une ligne d'arrivée.
Pour sa part, et tel est le sens de nos interventions et de nos propositions,
le groupe communiste républicain et citoyen est décidé à ne laisser passer
aucune chance.
C'est pourquoi nous agirons pour assurer la réussite du formidable pari engagé
au travers de ce texte : offrir un véritable emploi à tous les jeunes de notre
pays.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes. - Mme Joëlle Dusseau applaudit
également.)
Mme Hélène Luc et M. Ivan Renar.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Madame la ministre, c'est peu dire que votre initiative forte est la
bienvenue. Parmi nos 3 200 000 chômeurs, le nombre de jeunes de moins de
vingt-cinq ans est d'au moins 600 000, soit pratiquement un chômeur sur
cinq.
La France présente la triste caractéristique d'enregistrer un des plus fort
taux de chômage de jeunes au sein des pays membres de l'OCDE, malgré un nombre
record de jeunes en formation ou poursuivant des études. En outre, on sait à
quel point l'emploi des jeunes, quand il existe, est scandé par les contrats à
durée déterminée, par la crainte omniprésente de se retrouver au chômage et par
le « slalom » entre le CDD, le stage « bidon » et l'ANPE.
Oui, il faut lutter contre la désespérance, redonner aux jeunes le minimum de
stabilité, de confiance et d'espoir qui leur est nécessaire pour se lancer dans
la vie avec quelque chance d'y réussir. Aussi donné-je fortement mon
approbation à la création de ce que l'on appelle déjà les « emplois Aubry ».
Certes, dans ce premier volet visant à la création de 350 000 emplois sur
fonds publics que vous nous présentez en urgence, un certain nombre
d'interrogations subsistent. La plus importante concerne les emplois prévus par
votre texte dans l'éducation nationale et dans la police.
Sur le plan financier, tout d'abord, ces deux ministères se comportent comme
des collectivités territoriales, prenant sur leur budget le complément au
financement à 80 % que vous apportez, madame la ministre : l'Etat complète
l'Etat. Il y a déjà là une distorsion qui pose problème.
Mais, surtout, il est difficile de voir dans les emplois ainsi proposés des
métiers émergents. L'animateur scolaire, dans un collège ou un lycée où l'on
manquera de surveillants, aura du mal à ne pas faire de surveillance ; il sera
un surveillant recruté sans concours, payé au SMIC et travaillant trente-neuf
heures par semaine. Il y a là, pour aujourd'hui et pour demain, un vrai
problème.
Il en est de même pour les auxiliaires de police. L'importance du manque
d'effectifs dans ces deux secteurs ajoutée aux problèmes actuels des jeunes
justifie aujourd'hui cette démarche. Elle ouvre cependant, pour demain, en
termes de carrière, de pérennisation d'emplois, de menace de ce qu'il faut bien
appeler une fonction publique
bis,
des difficultés qui seront à résoudre
et qu'il ne faut pas sous-estimer. En ce qui concerne d'ailleurs la police, je
suis opposée à ce que les jeunes ainsi recrutés soient armés, car cela me
paraît à la fois dangereux pour les autres et pour eux-mêmes. Aussi ai-je
déposé un amendement visant à faire en sorte que le port d'armes leur soit en
tout état de cause interdit.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
Mme Joëlle Dusseau.
Je poserai aussi des questions et formulerai des remarques sur les métiers
émergents. J'ai bien compris qu'il ne faut pas prendre la liste au pied de la
lettre et qu'il s'agit bien plus ici de pistes de recherches que d'exemples
forcément à suivre. Il en est d'ailleurs d'autres, toute une série, qui sont
encore un champ à explorer et qui sont, j'en suis sûre, porteurs d'avenir,
qu'on puisse ou non envisager leur entière solvabilité future.
Mais il est tout aussi évident qu'un certain nombre de ces exemples, je pense
notamment à l'accompagnement des chômeurs de longue durée, de malades du sida
ou à d'autres activités de ce type, requièrent l'emploi de personnes qui ont à
la fois une expérience professionnelle et une expérience de vie que ne peut
avoir le public ciblé ici. Faut-il pour autant s'adresser à des personnes plus
âgées et ouvrir l'éventail au-delà de trente ans ? Je ne le crois pas. Une trop
grande dilution de la mesure la rendrait inefficace.
Il en serait de même si elle était ciblée trop exclusivement sur des publics
en difficulté. Pour autant, il ne faut pas oublier ces publics et il convient,
dans un avenir proche, de leur consacrer la même dose d'efforts financiers et
d'imagination. En effet, nombre de ces « nouveaux métiers » vont être occupés -
et c'est une bonne chose - par des jeunes ayant un niveau de diplômes élevé :
bac + 2 souvent, mais peut-être parfois bac + 3 ou bac + 4 et même plus. Ne
pourrait-on envisager dans ce dernier cas, c'est-à-dire lorsque les jeunes ont
un niveau supérieur à bac + 2, d'inciter fortement les collectivités et les
associations à majorer leur rémunération, soit financièrement, soit par une
réduction du temps de travail ? Un des amendements que j'ai déposés va dans ce
sens.
Je me trouve, madame la ministre, dans une situation particulière devant votre
projet de loi. En effet, y étant favorable, je serai peut-être dans
l'obligation de ne pas le voter si jamais les amendements de la commission des
affaires sociales étaient retenus par notre assemblée. J'espère, bien sûr, ne
pas être dans une telle situation.
Plusieurs sénateurs socialistes.
Nous aussi !
Mme Joëlle Dusseau.
Mais, je l'avoue, j'ai été un peu surprise par les arguments qui ont été
présentés au cours de nos longues heures de discussion en commission et par
certains aspects du rapport et certaines propositions de M. le rapporteur.
M. Alain Gournac.
Elles sont bonnes !
Mme Joëlle Dusseau.
Une partie des amendements qu'il propose détourne complètement la loi de son
sens.
Je ne comprends pas la volonté d'alourdissement tatillon qui semble convenir à
mes collègues de la commission. Je les ai connus en d'autres temps moins
administratifs. Le contrôle préalable des dossiers par le CODEF, dont on
connaît la lourdeur, ne peut que retarder des embauches. Nous sommes dans de
l'innovant. Il faut garder de la souplesse. Je ne suis pas sûre que ceux de mes
collègues qui voteraient cet amendement n'en sentiraient pas les premiers les
effets de ralentissement une fois revenus dans leur collectivité, quand ils
passeraient de l'état de législateur à celui d'usager de la loi.
M. Gérard Delfau.
C'est juste !
Mme Joëlle Dusseau.
Il en est de même du rapport annuel que préconise la commission. Je sais que
le bilan est à la mode et croyez bien que je ne sous-estime pas son importance.
Mais c'est parce que je trouve la notion de bilan importante que j'estime qu'on
ne doit pas en faire une tarte à la crème, le mettre dans toutes les lois, le
rendre annuel - et pourquoi pas semestriel tant qu'on y est ? - bref s'en
servir comme un habillage ou comme un obstacle.
Le fait d'imposer dans la convention initiale, celle que les associations, les
élus, nous-mêmes allons signer demain, une référence à la solvabilité de
l'emploi me paraît relever aussi de l'obstacle initial volontairement posé.
Certains de ces emplois pourront devenir parfois totalement ou partiellement
solvables, d'autres non. Faut-il les écarter pour autant comme vous le
proposeriez
a priori
? Je ne le crois pas.
Il y a surtout une confusion entre les deux volets des emplois-jeunes, d'une
part, le volet public et associations et, d'autre part, le volet privé. Le
volet création d'emplois dans le secteur privé doit venir, et nous l'étudierons
avec attention. Nous ne le connaissons pas encore mais ce n'est pas une raison
pour faire bénéficier des aides publiques, ou plus exactement des salaires
apportés par l'Etat, des entreprises privées. Rappelons d'ailleurs au passage
que la France a le record de l'OCDE des aides à la création d'emplois privés,
avec le plus fort pourcentage d'aide par rapport au PIB. Les piteux résultats
sont connus.
M. Gérard Delfau.
C'est du gaspillage !
Mme Joëlle Dusseau.
D'ailleurs cette proposition est totalement illogique au regard de votre
préoccupation de solvabilité des emplois, monsieur le rapporteur. D'un côté
vous exigez que l'on envisage la solvabilité de l'emploi dès la convention
initiale, de l'autre, vous proposez qu'après un certain temps l'aide de l'Etat
aille à l'entreprise privée. Cela me paraît relativement incohérent, surtout si
l'emploi est devenu solvable. De quelle garantie disposons-nous que, après
avoir payé pendant deux ou trois ans le jeune avec les deniers publics,
l'entreprise ne le jette pas purement et simplement à la rue, lorsque le
contrat de cinq ans sera achevé ?
Tout cela n'est pas sérieux, même si des pistes doivent être recherchées pour
le passage à l'autonomie financière et à l'entreprise, notamment individuelle,
des services que l'on aura ainsi créés. J'espère d'ailleurs que sur ce point, à
savoir les toutes petites entreprises à domicile, le deuxième volet que vous
nous présenterez sur le secteur privé, madame la ministre, apportera des
réponses et des innovations.
Il en est de même en ce qui concerne l'amendement relatif à l'apprentissage.
Il n'a pas sa place dans ce texte pour deux raisons. D'abord, il n'a avec lui
aucune articulation réelle. Vous en convenez d'ailleurs volontiers, monsieur le
rapporteur. Ensuite et surtout, les types d'emploi par nature émergents et
créatifs n'ont dans l'ensemble rien à voir avec l'apprentissage. Il s'agit ici
bien plus souvent de bac + 2, en tout cas d'hommes et de femmes ayant des
diplômes d'animateurs, de travailleurs sociaux, de savoirs humains dont la
technicité, nécessaire, ne relève en rien de l'apprentissage actuel. Je ne
crois pas que l'on serve l'apprentissage en le mettant, si vous me permettez
l'expression, monsieur le rapporteur, à toutes les sauces.
J'espère donc vivement que la sagesse des représentants des collectivités
locales que nous sommes, mes chers collègues, nous évitera de nous mettre en
porte à faux devant nos mandants, les élus et notamment les maires, tous
utilisateurs très prochains de ces dispositifs, quelle que soit leur couleur
politique.
M. Souvet a parlé, je crois le citer correctement, de changement de
philosophie du texte avec les amendements qu'il présente.
Gardons-nous, mes chers collègues, d'apparaître aux yeux de l'opinion publique
comme des opposants de principe à une loi qui répond, certes imparfaitement,
certes partiellement...
M. Alain Gournac.
Alors, il faut l'améliorer !
Mme Joëlle Dusseau.
...mais fortement à la préoccupation essentielle de nos concitoyens : l'avenir
de leurs enfants.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi sur lequel j'interviens aujourd'hui au nom de mes collègues sénateurs non
inscrits nous a, reconnaissons-le, laissés longuement perplexes.
L'équation n'est pas simple : il s'agit de créer, par la dépense, c'est-à-dire
l'impôt, 350 000 emplois permettant, selon vos propos, madame le ministre, à
des jeunes « d'entrer durablement dans la vie active en véritables agents de
développement économique » dans les secteurs public et associatif, et ce en
dépit de la logique qui veut que dans le reste du monde l'interventionnisme de
l'Etat en matière d'emplois et l'assistance étatique ne font plus recette
depuis longtemps !
Toutefois, malgré ces considérations politiques générales, je tiens ici à
souligner, à titre personnel, que, en tant que maire d'une petite commune de
moins de 5 000 habitants, et comme nombre de mes collègues ici présents, je
n'ai pas attendu ce texte de loi pour embaucher des jeunes en difficulté dans
ma municipalité.
Votre texte, madame le ministre, de toute apparence nécessaire et qui vise à
répondre à la demande pressante de notre jeunesse, est probablement pavé des
meilleures intentions mais il aboutit à une voie sans issue, celle de la
création de nouveaux emplois publics.
M. Alain Vasselle.
C'est vrai !
M. Philippe Darniche.
En effet, s'ils correspondent à une attente forte de nos jeunes concitoyens,
les emplois publics que vous prévoyez s'adressent en priorité aux personnes en
difficulté. Or le public visé dans le dispositif du texte de loi est à la fois
trop large et trop restreint.
Il est trop large parce qu'il s'adresse à l'ensemble des jeunes, sans
discrimination aucune. Mais les jeunes les plus qualifiés vont, de fait,
évincer ceux qui sont les moins diplômés, alors qu'ils n'ont pas besoin d'un
tel dispositif législatif. En effet, le taux de chômage des jeunes d'un niveau
bac + 2 est de 7 % dans notre pays, tandis que celui des jeunes non qualifiés
s'élève lui, à 47 %.
Au lieu d'enrichir de leurs compétences le secteur concurrentiel et privé, ces
jeunes diplômés vont alourdir notre secteur public déjà trop important.
Trop restreint, ce projet de loi joue contre son propre camp !
En effet, trop restrictif dans son article 1er, alinéa 7, il oublie les
adultes et fixe un seuil d'âge totalement arbitraire, à savoir trente ans. Or
les emplois d'utilité sociale que vous souhaitez voir créés pour des jeunes
uniquement demandent souvent maturité et expérience et doivent être ciblés en
priorité sur les personnes adultes.
Pour ma part, je suis sûr que l'avenir jugera qu'il s'agissait, dans les
faits, d'un texte coûteux, inadapté et injuste.
Le dispositif que vous proposez, madame le ministre, s'avère très coûteux dans
les faits. Il nécessite 35 milliards de francs - 2 milliards de francs en 1997
pour la création de 50 000 emplois et 10 milliards de francs en 1998 pour le
financement de 150 000 emplois supplémentaires - mais il s'affirme avant tout
comme une énième « recette administrative » au problème de l'emploi des jeunes
dans notre pays.
M. Alain Vasselle.
C'est exact !
M. Philippe Darniche.
Le mode de financement de ces nouveaux emplois publics pour les jeunes ne
procède, en réalité, d'aucun redéploiement de crédits, mais repose bel et bien
sur des dépenses supplémentaires.
Financer ces emplois par l'impôt va encore alourdir les charges des
entreprises, petites et grandes, et nuire à la création de « vrais emplois »
dans le secteur privé. Ce mode de financement menace donc, dans les faits, la
création d'emplois dans ce secteur privé et concurrentiel qui, lui, crée des
richesses.
D'où le sens de l'amendement que j'ai déposé à l'article 3, et qui a été
cosigné par l'ensemble de mes collègues sénateurs non inscrits. En effet, dans
les cinq prochaines années, il sera indispensable, selon moi, de dresser un
bilan rétrospectif et prospectif de ces mesures pour mieux apprécier leur
impact réel sur l'emploi, leur coût sur les finances publiques et leur
contribution à la satisfaction des besoins couverts.
Le projet de loi est inadapté, car il est source d'exclusion et profondément
catégoriel.
En instaurant des emplois uniquement publics, financés par l'impôt, ces jeunes
vont venir grossir les effectifs de notre fonction publique déjà si importante
et alourdir le poids de nos prélèvements obligatoires déjà prohibitifs.
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Philippe Darniche.
Pour ces emplois d'une durée de cinq années, sans formation aucune, sans
contenu sérieux bien souvent, rien, dans votre projet de loi, n'a été prévu
pour mettre en place un dispositif de transition vers un emploi solvable.
Ce projet de loi s'affirme par son injustice, car il exclut de l'aide que vous
tentez d'apporter deux types de catégories de personnes sans emploi.
Il exclut, d'une part, les adultes en difficulté, en les renvoyant à un
hypothétique texte sur l'exclusion dont on ne voit guère comment il serait
financé compte tenu des dépenses déjà engagées pour mettre en place le
dispositif du projet de loi que nous discutons aujourd'hui.
Il exclut, d'autre part, les jeunes en difficulté, en ne faisant aucune
distinction au sein même de cette population. En réalité, n'ayons pas peur de
l'affirmer, ce projet de loi conduit à l'éviction programmée des jeunes en
difficulté par les jeunes qualifiés. Ceux-ci, au lieu d'enrichir le secteur
concurrentiel et marchand, vont venir gonfler les effectifs de notre fonction
publique alors même que les emplois d'utilité sociale sont destinés aux
premiers.
Enfin, et malheureusement, ce texte me paraît injuste car il est
inévitablement source d'insatisfactions.
Votre projet de loi, madame le ministre, ne s'accompagne d'aucune réelle
formation, d'aucune perspective pour ces jeunes. Les conditions très favorables
de l'aide de l'Etat porteront fortement préjudice aux formations en alternance,
seules à même d'insérer durablement les jeunes dans un emploi stable.
Largement attirés par ce type d'emplois à courte vue, les jeunes diplômés
sacrifient, dans les faits et aux dépens de ceux qui se trouvent depuis
longtemps sans qualification, l'approfondissement de leur formation
d'apprentissage ou la prolongation de leur cursus, qui auraient très
certainement pu leur permettre de trouver un emploi à l'horizon des cinq
prochaines années, en priorité dans le secteur privé. Les propositions qu'a
faites la commission des affaires sociales vont d'ailleurs largement dans ce
sens !
Ce texte est injuste pour les fonctionnaires, qui découvrent d'autres moyens
d'accès à la fonction publique que le concours et qui se sentent à juste titre
menacés par le risque de nivellement par le bas de notre fonction publique
actuelle. Il va inévitablement en résulter une sous-fonction publique, source
de rancoeur pour les titulaires de ces emplois et germe de déstabilisation de
la fonction publique territoriale, puisque l'on aboutira probablement, à terme,
à des vagues de titularisations d'office pour que ces jeunes demeurent dans le
giron de la fonction publique.
Ce texte est également injuste pour ces jeunes qualifiés, dont la rémunération
sera identique à celle qui est perçue dans les emplois moins qualifiés. En
effet, en encourageant les jeunes à venir gonfler les effectifs de la fonction
publique, il risque fort malheureusement de dévaloriser l'effort de formation
tant par l'apprentissage que par la poursuite des études supérieures.
Ce texte est injuste, enfin, pour les communes pauvres où le nombre de
chômeurs peu qualifiés reste souvent élevé, car aucune péréquation financière
n'est prévue aujourd'hui entre elles et les communes riches. Un probable et
prévisible désengagement de l'Etat, au bout de cinq ans, risque par ailleurs de
contraindre les collectivités locales à payer l'intégralité des salaires de ces
emplois-jeunes, emplois qu'il faudra bien pérenniser d'une manière ou d'une
autre puisque beaucoup resteront insolvables.
Madame le ministre, plutôt que d'aider les jeunes les plus qualifiés à entrer
activement et durablement dans le secteur marchand, vous les encouragez à
prendre des emplois « protégés » non productifs, au terme desquels ils n'auront
plus les moyens de se réorienter dans les filières créatrices d'emplois. En
effet, rien n'a vraiment été prévu dans les dispositions que vous proposez pour
assurer la pérennisation de ces emplois au-delà de cinq ans ; aucune véritable
transition vers un emploi rentable dans le secteur privé n'est ici ni pensé ni
proposé.
C'est pourquoi, compte tenu des réserves que je viens d'évoquer devant vous,
le groupe des sénateurs non inscrits, dans sa grande majorité, s'abstiendra sur
ce texte. Si, bien entendu, les amendements proposés par la commission des
affaires sociales et défendus par le rapporteur, M. Louis Souvet, étaient
retenus, le projet de loi, profondément remanié, emporterait alors notre
adhésion.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque siècle
de notre histoire est jalonné de conquêtes et de progrès, mais aussi de grands
fléaux - guerres civiles ou religieuses, épidémies - générateurs de drames
individuels ou collectifs.
Notre siècle, malgré les avancées considérables des sciences, des techniques,
des acquis politiques et sociaux, s'achève sur le fléau du chômage.
Ce fléau est d'autant plus dramatique qu'il touche les jeunes, nos garçons et
nos filles, nos enfants, celles et ceux qui sont, comme l'a déclaré Jean-Paul
II, « l'espérance du monde ».
M. Gérard Delfau.
Oh !
M. Jean-Claude Carle.
Cette espérance est aujourd'hui ternie et assombrie par ce cancer qui
constitue la plus grande injustice de cette fin de millénaire.
Nombre de nos enfants n'ont pas cette dignité, cette utilité économique et
sociale que procurent un emploi, une feuille de salaire, qui plus est la
première feuille de paie.
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, toute initiative et toute
proposition visant à rétablir cette dignité méritent intérêt, quelle qu'en soit
l'origine.
Il n'est pas question pour moi de rejeter votre projet de loi pour la simple
raison que j'appartiens à l'opposition. Je sais votre souci, je connais votre
volonté de combattre ce fléau. Ce souci et cette volonté, madame la ministre,
l'ensemble de notre assemblée les partage.
Ce souci et cette volonté étaient également ceux de vos prédécesseurs.
Ce souci - je le reconnais volontiers - vous le vivez comme beaucoup d'entre
nous au quotidien dans votre mission d'élu local, ce qui - permettez-moi cette
digression - montre bien l'utilité pour un ministre ou un parlementaire d'avoir
les deux pieds dans la glaise.
Cette mobilisation pour permettre l'accès au premier emploi doit se garder de
faire naître chez les jeunes de fausses espérances, comme l'ont fait un certain
nombre d'initiatives, de propositions ou de plans précédents, dont j'assume une
partie de l'inventaire. En effet, aujourd'hui, la désespérance des jeunes,
l'angoisse des parents sont telles que la tentation de refuge vers les extrêmes
est réelle.
Je crains, madame la ministre, même si je ne le souhaite évidemment pas, que
votre projet de loi, comme les précédents, n'aille pas dans la bonne direction
: il est mal adapté tant sur le fond que sur la forme ou la méthode.
Vous poursuivez, en effet, simultanément deux objectifs : favoriser l'emploi
des jeunes et développer de nouveaux services. En réalité, c'est la création de
ces nouveaux services qui est pour vous prioritaire. Comme vous souhaitez
assurer leur développement, dans un cadre idéologique nouveau, celui du tiers
secteur, vous déguisez cette intention sous la question angoissante du chômage
des jeunes pour faire passer, en quelque sorte, votre projet de loi. Ce
faisant, vous empêchez qu'un véritable débat ait lieu sur la pertinence ou non
d'un secteur intermédiaire entre le secteur public et le secteur privé.
J'en viens au fond.
Depuis des années, notre pays consacre des sommes considérables à l'emploi :
76 milliards de francs ont été investis en 1990, le chômage atteignant alors 9
%, contre 150 milliards de francs cette année, alors que le chômage dépasse
12,5 %.
Or, madame la ministre, vous allez encore plus loin : vous décrétez -
promesses électorales obligent ! - la création de 700 000 emplois. C'est
stupéfiant ! Comment peut-on décréter l'emploi ? Qui plus est pour cinq ans ?
Permettez-moi de faire cette comparaison avec cette émission célèbre que sont
Les cinq dernières minutes
et cette phrase tout aussi fameuse : « Bon
sang, mais c'est bien sûr ! » Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ?
De surcroît, ces emplois concernent le secteur public. Pourtant, vous savez
mieux que moi que le secteur public n'a de réalité que celle que lui donne le
contribuable, qu'il soit personne physique ou personne morale.
Or, quelle est la réalité ? Nous sommes, parmi les pays modernisés, celui dont
le poids du secteur public pèse le plus sur les finances de la nation, comme M.
le président de la commission l'a rappelé tout à l'heure : sept points de plus
que l'Allemagne et vingt points de plus que les Etats-Unis. Ce n'est pas la
responsable d'entreprise que vous avez été qui peut ignorer que cela pèse dans
la compétitivité de nos entreprises, dans un marché aujourd'hui totalement
mondialisé. Or, qui crée les richesses, et donc l'emploi, si ce n'est le
secteur privé ?
C'est la raison pour laquelle votre projet de loi n'est pas cohérent sur la
méthode. Un second volet de votre plan sera consacré au secteur privé. Pourquoi
alors ne pas avoir commencé par ce dernier, où des avancées et des initiatives
sont souhaitables voire indispensables ?
Madame la ministre, j'affirme cela avec d'autant plus de force que j'ai tenu
ces propos à vos prédécesseurs à cette même tribune, voila quelques mois, car
je suis convaincu qu'il y a des logiques et des réalités incontournables.
Certes, nous traversons une période de faible croissance, et chacun sait
qu'au-dessous du seuil de 3 % de croissance, nous ne créons pas, au sens
économique du terme, d'emplois durables. En revanche, notre rôle est de créer
les conditions favorables au développement de l'entreprise et d'agir sur son
environnement. J'y reviendrai.
Permettez-moi d'ajouter que votre projet de loi risque d'aggraver la fracture
sociale et de laisser encore plus sur le bord du chemin, d'une part, les
chômeurs de longue durée et, d'autre part, les jeunes exclus très tôt du
système éducatif.
Si votre volonté de développer l'apprentissage dans le secteur public est une
mesure que je partage, je m'interroge toutefois sur certains aspects.
L'apprentissage s'étale généralement sur un ou deux ans. Quel sera le sort des
jeunes au terme de cette formation ? La fonction publique leur sera-t-elle
ouverte ? Et dans ce cas, pourquoi ne pas le faire par la voie du concours
interne et pas seulement par le tour extérieur ? Cela constituerait une
reconnaissance pour ces jeunes et une garantie de ne pas voir l'apprentissage
dévié de sa finalité, et ce d'autant plus que j'ai du mal à envisager leur
insertion massive dans le secteur privé.
Votre projet de loi, madame la ministre, est aussi la reconnaissance de la
faillite de notre système éducatif.
Ce système incite à l'allongement croissant des études et fait que,
aujourd'hui, au terme de son cursus, un jeune sur quatre pousse non pas la
porte d'une entreprise, mais celle de l'ANPE.
Ce système constate que 38 % des diplômés bac + 6 déclarent ne pas avoir de
projet professionnel. C'est là que réside notre différence avec la plupart des
autres pays qui, certes, sont confrontés aux même problèmes mais avec moins
d'ampleur. En effet, contrairement à d'autres pays, au fur et à mesure que la
durée des études s'allonge, l'entrée dans la vie active est non seulement
retardée, mais aussi rendue plus difficile. Ces jeunes s'éloignent petit à
petit de toute activité économique viable. Ils ne trouvent donc leur salut que
dans la fonction publique.
En France, en effet, pour des raisons d'origine culturelle, on ne reconnaît
que l'intelligence abstraite. Cependant, un CAP ou un baccalauréat
professionnel sont aussi porteurs d'avenir qu'un bac + 6.
Les chiffres le confirment : j'ai évoqué, voilà un instant, les 25 % de jeunes
qui poussent la porte de l'ANPE. La répartition de ces jeunes chômeurs n'est
pas homogène. Deux populations sont particulièrement exposées : d'une part, les
jeunes garçons et les jeunes filles qui, très tôt, sont exclus du système
éducatif et, d'autre part, ceux qui ont une formation longue, et même trop
longue, mais qui ne maîtrisent pas de métier.
M. Claude Allègre a parfaitement raison d'affirmer qu'une culture générale
sans formation professionnelle est un désastre et inversement. Il est donc
urgent d'opérer une mise en relation plus forte de la jeunesse avec le monde du
travail sous des modes très divers - celui de l'alternance, mais aussi celui
d'un assouplissement du statut de l'étudiant au regard du code du travail -
pour permettre des allers et retours et des coexistences entre études et
travail beaucoup plus fréquents qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Permettez-moi d'évoquer très rapidement vos propositions envers les
associations. Peut-être existe-t-il dans ce domaine des opportunités, à
condition que les actions se limitent à des emplois touchant l'ingénierie et
non pas l'objet même de l'association. En effet, le risque serait grand
d'hypothéquer un bénévolat ou un volontariat déjà précaire. Or la faiblesse des
corps intermédiaires est un handicap de notre pays.
J'en viens à la forme ou la méthode. Je le répète, madame la ministre, vous
inversez l'ordre des priorités dans l'élaboration de votre projet de loi.
Pourquoi ne pas avoir commencé par le secteur privé ? Il est vrai que vous
devez, d'une part, honorer des promesses électorales et, d'autre part, faire
face à l'urgence.
Pour ce qui concerne les promesses électorales, je ne dirai rien : les
Français jugeront.
Pour ce qui concerne l'urgence, je ne la conteste pas. J'ai volontairement
employé préliminairement le terme de fléau, car, malheureusement, c'en est un.
Or, madame la ministre, comment combattre efficacement une telle épidémie ?
Elle nécessite - tous les médecins vous le diraient - un double traitement : le
sérum pour pallier l'urgence, le vaccin sans lequel il n'est plus possible de
faire face à l'urgence.
Or, sur l'urgence, j'ai évoqué les risques, l'inadaptation et les effets
pervers de vos remèdes. C'est cette urgence qui vous a sans doute conduit à
demander cette même procédure devant le Parlement. C'est cette même urgence qui
amène certains de vos collègues à prendre des mesures d'ores et déjà, avant
même le vote de ce projet de loi, bien que, aujourd'hui, si j'en crois
certaines informations, les contraintes budgétaires auxquelles M. le ministre
de l'économie et des finances doit faire face tempèrent quelque peu les
ardeurs. Pour le long terme, vous ne proposez aucune piste, même si je
reconnais que cela n'est pas facile ou évident.
Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la ministre, votre projet de
loi ne nous paraît ni réaliste ni efficace.
C'est pourquoi je préfère commettre une erreur politicienne plutôt qu'une
faute politique vis-à-vis de nos enfants, et ce d'autant plus que, comme bon
nombre de mes collègues du groupe des Républicains et Indépendants, je n'ai
jamais varié dans mes convictions. C'est la raison pour laquelle je ne voterai
pas, en l'état actuel, votre projet de loi.
Je me permets toutefois, de vous soumettre une proposition en trois points.
Il s'agit, premièrement, face à l'urgence, d'inverser l'ordre des priorités et
de commencer par le secteur dans lequel se trouve l'emploi durable,
c'est-à-dire le secteur privé.
Il s'agit, deuxièmement, de s'inscrire dans le long terme, d'une part, avec
une réforme du secteur éducatif fondée sur la maîtrise simultanée, et le plus
tôt possible, d'une culture générale et d'une approche des métiers et, d'autre
part, avec une réforme de l'environnement de l'entreprise et de la législation
sociale, en adoptant, cette dernière aux entreprises qui, aujourd'hui, créent
plus de 70 % des emplois, c'est-à-dire les PME et les PMI. Il est urgent
d'alléger les formalités administratives, juridiques et fiscales qui les
assaillent. J'ai déjà cité très souvent à cette tribune un chiffre significatif
: un dirigeant de PME passe quarante jours de son temps à remplir des
formalités de ce type !
Il s'agit enfin de mettre en oeuvre un projet totalement décentralisé fondé
sur le partenariat et la proximité en conférant aux collectivités locales son
ingénierie.
Permettez-moi, dans ce domaine, de vous faire part des expériences menées dans
la région Rhône-Alpes. En partenariat avec vos services de l'Etat, les
entreprises et les élus locaux, nous avons mis en place le Plan d'accès à la
première expérience professionnelle, le PAPEP, en nous attachant tout
particulièrement aux petites choses qui sont autant de freins à l'emploi des
jeunes. Cela peut être l'achat d'une paire de chaussures de protection ou d'un
bleu de travail pour rendre possible une journée d'essai en entreprise. Sans
résoudre ce genre de détails, rien ne fonctionne.
Avec Charles Millon, nous avons ainsi mené des actions à court terme dans le
cadre du PAPEP, mais aussi des actions de partenariat et de proximité à long
terme dans le cadre du PRDF. Ce n'est donc pas seulement un hasard si, dans la
région Rhône-Alpes, les lycées professionnels et les centres d'apprentissage
sont en croissance continue. Ce n'est pas non plus un hasard - je le dis avec
beaucoup de prudence et de modestie - si le chômage des jeunes dans notre
région a baissé de 11,5 % d'une année sur l'autre.
C'est le sens des amendements que nous avons déposés. C'est à notre avis le
sens de l'Histoire, c'est-à-dire la voie choisie par la plupart des autres
pays. Toute autre voie, monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, pour reprendre les propos du Président de la République, nous semble
fallacieuse.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord,
permettez-moi de vous exprimer un sentiment partagé par bon nombre de
sénateurs.
En effet, alors que nous commençons la discussion du projet de loi relatif au
développement de l'activité pour l'emploi des jeunes, M. le ministre de
l'éducation nationale nous a fait parvenir, et ce avant l'ouverture de cette
session extraordinaire, un exemplaire du document d'information sur
l'application de la loi dite « emploi-jeunes » et diffusé par l'intermédiaire
des rectorats ; de plus, des réunions animées par vos collaborateurs ont été
organisées dans les préfectures de région et, enfin, les inspecteurs d'académie
ont annoncé par voie de presse, dès le 20 septembre dernier, la liste des
emplois créés au titre de l'éducation nationale dans chaque département.
Madame la ministre, votre devise me semble être : « Je décide d'abord,
j'annonce ensuite, et je discute enfin. »
Je comprends l'urgence quand il s'agit de l'emploi des jeunes. Néanmoins, rien
ne peut justifier que la règle démocratique ne soit pas respectée. Les élus
locaux que nous sommes ne se battent-ils pas au quotidien pour l'emploi ? Il ne
suffit pas de réduire le nombre de mandats des élus pour qu'ils soient
respectés !
Madame la ministre, ma question concerne uniquement la loi dite « Robien ». En
effet, j'aimerais avoir de votre part l'assurance que votre plan emploi-jeunes
n'aura aucun impact négatif sur les crédits et les conditions d'application de
cette loi.
Pouvez-vous nous assurer que les avantages liés à cette loi ne seront pas
remis en cause ?
Le 1er mars 1997, on dénombrait 33 000 salariés bénéficiant de la loi Robien
et 235 conventions étaient signées entre les entreprises et l'Etat. De
nouvelles conventions doivent être signées incessamment, notamment avec le
Crédit mutuel Océan.
La loi Robien prévoit une réduction des charges sociales en contrepratie
d'embauches pendant une duré de sept ans. Si cette durée doit permettre une
amélioration de la productivité pour assurer la sortie du dispositif sans
risque excessif, il ne faudrait pas, pour les entrepries qui auraient conclu
aujourd'hui une convention, que de nouvelles dispositions viennent contrecarrer
cette ambition. Or une réduction de la durée d'allégement des charges ne
pourrait avoir pour effet que de provoquer une diminution d'effectifs.
Les articles polémiques publiés dans la presse nationale, ces dernières
semaines, font craindre que ce risque ne soit pas illusoire.
En conséquence, pouvons-nous avoir la certitude que, même en cas de nouveau
dispositif, il n'y aura pas d'effet sur les conditions d'application de la loi
Robien ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis vingt
ans, tous les gouvernements se sont attaqués - hélas, sans succès décisif ! -
au dramatique fléau du chômage, qui ronge notre société française et condamne
notre jeunesse à une désespérante inactivité.
C'est pourquoi, certainement, le gouvernement auquel vous appartenez a décidé
de faire de son action en faveur de l'emploi des jeunes la priorité des
priorités et nous présente aujourd'hui un texte qui comporte de très
importantes dispositions. En effet, il nous est proposé la création d'une
première tranche de 350 000 emplois, lesquels représentent un coût annuel pour
l'Etat de 35 milliards de francs en année pleine.
Vous nous avez indiqué, madame la ministre, que, pour 1998, le coût de ces
mesures serait financé par un redéploiement des dépenses de 10 milliards de
francs. Mais que va-t-il se passer dans les années à venir ?
Proclamer que l'on crée 350 000 emplois est, à l'évidence, un geste
spectaculaire. Mais il convient de s'interroger sur l'efficacité des mesures
proposées, puisqu'il s'agit de favoriser la création d'emplois destinés à
satisfaire des « besoins émergents et non satisfaits » en faisant appel à des
acteurs locaux appartenant uniquement au secteur public ou associatif.
Tout d'abord, les emplois que vous créez vont se traduire par une intégration
dans la fonction publique, vous l'avez d'ailleurs admis, notamment dans
l'éducation nationale - il suffit de lire les déclarations de M. Allègre, et
notre collègue M. Moinard vient de nous faire part de son émotion à ce sujet -
et dans la police. Entre l'éducation nationale, la police et la justice, cela
fait 50 000 emplois qui vont alourdir la dépense publique.
Mais ce qui est au moins aussi inquiétant, c'est la nature même des emplois
que vous prévoyez. La liste qui en a été publiée est édifiante, mais il est
vrai que vous avez précisé vous-même en commission qu'elle n'était pas
exhaustive.
Il n'en demeure pas moins que nombre d'emplois ne pourront jamais déboucher
sur le secteur marchand. En effet, on voit mal des usagers accepter de payer un
service tel que celui d'« agent d'éveil sur les bruits » ou d'« animateur de
promotion de pays » !
De plus, certains autres emplois - je pense aux pseudomédiateurs pénaux et
sociaux, aux agents d'ambiance destinés à prévenir le vandalisme - exigent une
expérience, une formation, une autorité que seront loin de posséder les jeunes
visés par votre projet de loi. C'est ainsi que j'ai appris l'existence, au
cours d'une audition devant la commission des affaires sociales, d'agents
d'ambiance dans les transports en commun, qui possèdent un bac + 2 mais qui ont
suivi 900 heures de formation pour exercer leur métier. Ils perçoivent
d'ailleurs un salaire qui oscille entre douze mille et quatorze mille
francs.
En fait, ce projet de loi, si nous le votions tel qu'il a été adopté par
l'Assemblée nationale, aurait des conséquences graves. Il accroîtrait ainsi les
dépenses publiques par l'intégration dans cinq ans de plus de 60 000 emplois
dans la fonction publique et par la nécessité, pour les collectivités locales,
de subventionner les emplois qui n'auront pu être pris en compte par le secteur
marchand, à moins que ceux-ci aient été purement et simplement supprimés et
leurs titulaires renvoyés vers les guichets de l'ANPE. Imaginez un peu, mes
chers collègues, la déception, voire la colère de milliers de jeunes qui
auraient conscience alors d'avoir été attirés dans une impasse !
Je voudrais, en revanche, vous féliciter, madame la ministre, d'avoir
découvert enfin les vertus du contrat à durée déterminée. Mais ce contrat à
durée déterminée de cinq ans, renouvelable chaque année, que vous envisagez, ce
n'est pas seulement aux collectivités locales ou aux associations qu'il faut le
proposer, c'est aux entreprises elles-mêmes ! Il faut en faire une disposition
permanente du code du travail, parallèlement au contrat à durée déterminée
actuel. Il pourrait être proposé aux petites et moyennes entreprises, ce qui
leur permettrait de faire face au développement de leur activité sans risquer
de s'enfermer dans un cadre trop rigide, comme c'est le cas actuellement. J'ai
d'ailleurs déposé un amendement dans ce sens.
Enfin, il y a quelque chose de vraiment paradoxal à vouloir s'acharner comme
vous le faites à « inventer » des activités pour créer des emplois terriblement
coûteux pour le budget, alors qu'en même temps les dispositions que vous prenez
à l'encontre des familles dites aisées - plafonnement des ressources pour
l'obtention des allocations familiales, réduction de l'allocation pour garde
d'enfant à domicile et, en fait, réduction massive du financement des emplois
familiaux - vont se traduire par la suppression de milliers, pour ne pas dire
de dizaines de milliers d'emplois, tout au moins officiels.
Certes, et je porte cela au crédit du projet qui nous est soumis, l'idée
d'encourager la création d'emplois destinés à faire face aux « besoins
émergents et non satisfaits » est intéressante, à condition qu'il s'agisse de
besoins réels pouvant être pris en compte par le secteur marchand.
Il serait également intéressant que les usagers apprennent à payer pour les
services qu'ils utilisent. Or, il faut le reconnaître, aujourd'hui, la
psychologie de l'usager, c'est plutôt de considérer que tout est gratuit. C'est
une lourde tâche que vous allez avoir à entreprendre, madame la ministre !
Mais il serait facile de créer des emplois susceptible d'être facilement pris
en compte par l'usager. Je n'en donnerai que quelques exemples.
Croyez-vous, madame la ministre, que les automobilistes ne seraient pas
heureux de voir à nouveau le personnel des stations-service faire le plein de
leur réservoir et vérifier leur niveau d'huile, d'eau, etc. ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Absolument !
M. Jean Chérioux.
Assurément ! Alors, pourquoi ne pas engager des négociations avec la
profession pétrolière pour recréer éventuellement ces emplois qui ont été
malheureusement abandonnés depuis des années ?
De même, les locataires d'immeubles collectifs, en particulier dans nos
grandes villes, rêvent de voir à nouveau des gardiens assurer la surveillance
des allées et venues, distribuer le courrier, etc.
Ce serait aussi un excellent moyen de faciliter le maintien à domicile de
nombre de personnes âgées enfermées dans leur isolement ! Ici encore, ce sont
des dizaines et des dizaines de milliers d'emplois qui pourraient être créés.
Vous l'avez d'ailleurs prévu, je vous le concède, pour les offices d'HLM, mais
pourquoi cette timidité ? C'est réellement insuffisant ! Pourquoi ne pas
étendre cette possibilité aux sociétés privées d'HLM, aux compagnies
d'assurance, aux syndicats de copropriétaires, voire aux propriétaires privés
d'immeubles collectifs ?
Bien d'autres voies pourraient sans doute être prospectées. Je me contenterai
de citer encore un seul exemple : pourquoi ne pas envisager, avec les grandes
entreprises du secteur informatique, la création de conseillers en
informatique, dont la formation pourrait être facilitée grâce aux financements
que vous entendez consacrer aux emplois-jeunes ? Cela permettrait de former
réellement des jeunes et trancherait avec bonheur avec ce qui est proposé,
c'est-à-dire, le plus souvent, il faut bien le reconnaître, des « petits
boulots ».
Voilà, madame la ministre, les quelques observations que je souhaitais vous
présenter à l'occasion de la discussion de ce texte. Ces observations, je les
ai voulues mesurées et constructives, car je ne veux pas croire que ce projet
de loi réponde à l'objectif inavoué de gonfler démesurément le secteur public
ou de prendre sciemment le risque de conduire les bénéficiaires de ces emplois
dans une impasse.
Mon souci est avant tout de donner aux mesures que vous proposez un caractère
plus réaliste, qui permette une réelle insertion des jeunes dans le monde du
travail. Vous-même, madame la ministre, avez indiqué que vous souhaitiez mettre
en place un système qui soit une véritable pépinière de futurs emplois
marchands. Je crains malheureusement que les dispositions prévues ne soient pas
à la hauteur de l'ambition manifestée.
M. Alain Vasselle.
Sûrement !
M. Jean Chérioux.
C'est pourquoi je ne voterai ce texte que profondément remanié par les
amendements proposés ou retenus par notre excellent rapporteur de la commission
des affaires sociales, M. Louis Souvet.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste).
M. le président.
Mes chers collègues, le Sénat va interrompre maintenant ses travaux ; il les
reprendra à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à seize heures, sous la
présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
CANDIDATURES À DES COMMISSIONS
M. le président.
J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a fait
connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la
commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M.
Jean-Pierre Vial, démissionnaire de son mandat sénatorial.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
J'informe le Sénat que le groupe de l'Union centriste a fait connaître à la
présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M.
Guy Robert, démissionnaire de son mandat sénatorial.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
6
EMPLOI DES JEUNES
Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement d'activités
pour l'emploi des jeunes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs années, ce sont environ 600 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans qui
sont touchés par le chômage, ce chiffre demeurant stable malgré tous les
dispositifs d'aide à l'insertion dans le monde du travail et à la formation mis
en place en leur faveur.
Le faible niveau de qualification influe fortement aussi sur la durée du
chômage.
Dans mon département, ce sont plus de 33 000 demandeurs d'emploi qui ont moins
de trente ans !
Quel terrible constat !
Le système économique a connu, il est vrai, de profonds bouleversements. La
croissance a changé de nature. Nous entrons, par exemple, dans un nouveau cycle
d'équipement des ménages. La majorité des besoins « de base » se trouvent
satisfaits. C'est pourquoi les perspectives à attendre sont plutôt celles d'un
renouvellement, qui ne permettra malheureusement pas un développement massif
d'emplois dans les entreprises.
En revanche, nous voyons apparaître régulièrement des besoins collectifs
nouveaux, totalement insatisfaits pour certains ou insuffisamment pris en
compte pour d'autres, malgré les initiatives locales déjà développées.
Face à cette situation, il nous faut faire preuve d'imagination et d'audace,
ce que vous faites, madame la ministre.
Ce plan est en effet le premier signe fort en direction des jeunes, face à
leur crainte devant l'avenir, et c'est aussi d'un moyen de prévenir
l'isolement, l'exclusion et le risque de délinquance que nous débattons
aujourd'hui.
Il sera, je l'espère, complété par un second volet porté, lui, par les
entreprises, avec l'aide de l'Etat, pour 350 000 jeunes de plus.
L'enjeu du texte que nous examinons est simple. Nous avons tous conscience
qu'il existe des besoins locaux, sociaux, insatisfaits. Vous le savez bien, mes
chers collègues, tous les maires, tous les élus de terrain disent que les
besoins de services existent, et qu'ils ne peuvent y répondre, car ils ne sont
pas solvables dans l'immédiat. Ce sont les expériences mises en place qui
démontrent la réalité de ces besoins et la forte attente des bénéficiaires.
Mais ces activités ne permettent pas d'accéder à une réalité de métiers
définis, reconnus, encadrés, parce qu'elles ne peuvent pas être pérennisées.
Mes chers collègues, en apportant - c'est sans précédent - un financement
forfaitaire d'activité sur cinq ans équivalent à 80 % du SMIC, charges
comprises, par emploi créé pour la mise en place de ce plan, l'Etat entend
mettre en place bien autre chose qu'un nouveau système de traitement social du
chômage. Il veut offrir aux jeunes de vrais emplois correspondant à de vrais
besoins, s'inscrivant dans la durée par un véritable contrat de travail de
droit privé à durée indéterminée ou déterminée de cinq ans au moins.
Ce projet permettra de rendre la vie collective productrice de services
nécessaires à tous et créatrice d'emplois. C'est le projet de ce plan
emploi-jeunes.
C'est une nouvelle logique qui fait appel à l'imagination et au savoir-faire
des acteurs de terrain pour repérer les besoins, construire les réponses aux
attentes, définir des profils de postes nouveaux.
Elle fait appel à l'expérience des collectivités, à la responsabilisation des
citoyens, au dynamisme du monde associatif, à une réelle mise en synergie des
volontés de tous ceux qui oeuvrent, jour après jour, pour que la vie de chacun
soit plus facile, en mettant l'emploi au coeur d'un nouveau dispositif simple,
souple et, j'en suis sûr, efficace.
Le projet répond à une attente forte et constitue un espoir.
En aucun cas les emplois offerts ne se substitueront à des emplois existants.
Il s'agit de créer de nouveaux métiers, les métiers de demain, qui pourront
donner lieu - qui devront donner lieu ! - à des grilles de qualification et
générer des formations adaptées.
Le Gouvernement n'entend pas supprimer les dispositifs existants pour financer
ce plan, qui ne s'adresse qu'à une seule tranche d'âge. Les engagements sont
clairs : les contrats emplois consolidés, les CEC, sont maintenus, de même que
le sont les CES, en 1998, au nombre atteint en 1997, tout en étant recentrés
sur les publics prioritaires.
C'est pourquoi il s'avérera particulièrement important, dans les projets qui
seront élaborés, que des emplois puissent être offerts à tous les types de
publics, du niveau VI au niveau II ou I. Les acteurs devront être incités à
faire preuve d'imagination dans la construction des projets et il est important
qu'en raison de l'aspect novateur de la démarche l'Etat ou d'autres partenaires
publics puissent leur apporter une aide en matière d'ingénierie.
S'inscrivant dans la durée, ce plan offre aux jeunes qui seront concernés le
moyen de devenir des acteurs à part entière de la société dont, pour le moment,
ils se sentent isolés, voire de plus en plus exclus.
Mais l'inquiétude est forte quant au devenir de cette action. Au bout des cinq
ans, lorsque l'Etat ne prendra plus en charge 80 % du financement, que se
passera-t-il ?
La durée prend là, à mon avis, tout son sens. Les jeunes disposeront ainsi de
temps pour s'adapter à l'emploi, recourir à une formation tout au long du
parcours les amenant à une véritable reconnaissance professionnelle.
Les employeurs potentiels existent. Ces cinq ans permettront de faire la
preuve de la nécessité de pérenniser ces nouveaux métiers, qui deviendront
rapidement indispensables à tous. Ces cinq ans permettront de rechercher les
modalités de leur solvabilisation.
Cet objectif sera clairement affiché par les conventions conclues avec le
représentant de l'Etat, qui retiendront des objectifs de qualification, qui
fixeront les conditions de formation professionnelle et les formes d'un
tutorat.
Mais le texte qui nous est soumis comporte également un certain nombre
d'ouvertures vers l'emploi marchand.
Il s'agit, tout d'abord, de l'encouragement à la création d'entreprise par les
jeunes, notamment les diplômés. Nous savons tous que le manque d'initiative
dans ce domaine constitue une véritable faiblesse de notre économie. L'avance
remboursable et l'accompagnement de la création ou de la reprise d'entreprise
sur une durée de trois ans est une nouvelle avancée, une incitation en
direction des jeunes à entreprendre et, ainsi, à créer des richesses.
Il s'agit également de l'ouverture du contrat emploi-solidarité vers le monde
de l'entreprise, en permettant son cumul avec un emploi à mi-temps préparant à
la sortie vers le secteur marchand.
Ces deux éléments marquent la volonté forte de sortir de la logique de
l'emploi précaire et des « petits boulots ».
Outre la possibilité de cofinancement des collectivités territoriales, des
établissements publics ainsi que de toute autre personne morale de droit public
ou de droit privé, ce projet prévoit l'engagement des régions, dans le cadre de
leurs compétences, et d'autres personnes morales à l'effort de formation.
Le projet permet, enfin, une contribution limitée à la création d'un poste de
travail occupé par un bénéficiaire du revenu minimum d'insertion sur les
crédits d'insertion du département.
Là est également l'enjeu. Si nous voulons que ce plan novateur, original,
réussisse, il est absolument nécessaire que les acteurs publics se mobilisent
pour impulser le dispositif, accompagner la démarche, soutenir l'effort par le
cofinancement.
Je prendrai l'exemple de mon département.
Ce sont plus de 26 000 jeunes qui peuvent être concernés par ce plan, dans un
département de 1 435 000 habitants où le taux de chômage des jeunes varie,
selon les bassins d'emploi, de 22,9 % à 27,9 %.
Le Pas-de-Calais est un département fortement touché par la conversion
industrielle des dix dernières années et par le chômage, dont quarante-six
quartiers ont été retenus au titre du Pacte de relance pour la ville, un
département dont plus de 80 % des communes ont un potentiel fiscal inférieur à
la moyenne nationale, parfois même à la moitié de cette moyenne, comme les
villes du bassin minier, mais c'est aussi un département où la vie associative
est une tradition fortement ancrée, en résonance avec l'esprit de solidarité
qui anime sa population.
Le président du conseil général que je suis voit dans ce plan un profond
changement de méthode et d'approche, une innovation dans le traitement qui
conduira à renforcer une démarche d'analyse, d'expertise, d'intelligence et de
complémentarité dans le montage et l'agrément des projets.
Je ressens aussi les attentes fortes des jeunes, qui perçoivent ce plan comme
un espoir, une chance à saisir. Ils connaissent déjà la mobilisation et les
premiers résultats des expériences déployées depuis plus de deux ans dans notre
capitale régionale, madame la ministre. Ils sont impatients de voir démarrer et
de démarrer avec nous ce nouveau dispositif.
J'ai rencontré de très nombreux maires de mon département qui sont
sensibilisés à cette mesure, qui veulent s'impliquer dans sa mise oeuvre. Ils
demandent à être accompagnés en raison des situations financières de leurs
communes, que j'évoquais antérieurement. C'est pourquoi il aurait peut-être été
souhaitable de tenir compte de ces difficultés en modulant ou, mieux encore, en
« péréquant » la part restant à charge et en ne la fixant donc pas uniformément
à 20 %, évitant ainsi de charger celles de ces communes qui ont déjà le plus de
mal sur le plan budgétaire.
Par ailleurs, peut-être l'utilisation des crédits d'insertion paraît-elle
limitée. N'aurait-il pas été envisageable d'amplifier l'aide et de l'étaler
dans le temps, l'accompagnement permettant, de ce fait, une plus forte
mobilisation ?
Cependant, au-delà de ces remarques, je proposerai, dès la publication de la
loi, à mon assemblée départementale du Pas-de-Calais de s'impliquer fortement
dans ce dispositif, tout d'abord en versant un complément de 5 % à l'aide de 80
% de l'Etat pour 1 540 emplois - voire de 10 % s'il s'agit du recrutement d'un
bénéficiaire du RMI la première année - ensuite en recrutant très directement
500 jeunes dans le dispositif.
Mais il ne s'agit pas de faire du « chiffre ».
Un accompagnement adapté permettra de faire émerger des projets dans des
domaines très variés, en ouvrant le droit à l'expérimentation. Il s'adressera à
l'ensemble du public concerné, quel que soit son niveau de qualification, en
veillant à donner leur chance aux jeunes, filles et garçons, les plus en
difficulté, notamment ceux qui bénéficient du RMI. Il s'attachera à couvrir
l'ensemble du territoire départemental, tant dans les espaces urbains que dans
les territoires ruraux, qui ont besoin de structuration de services en faveur
du public.
Les gisements d'emplois sont très larges et vont, bien sûr, au-delà des
vingt-deux exemples dont on a tant parlé.
La gestion du patrimoine et de l'environnement, l'entretien de l'espace rural,
le domaine social, notamment l'accompagnement des personnes âgées, les
activités périscolaires, l'animation sportive, l'approche des nouvelles
technologies de la communication, dont parlait M. Chérioux ce matin,
l'animation culturelle, la sécurité : voilà quelques exemples de champs qui
s'avéreront porteurs.
En ce qui nous concerne, nous avons d'ores et déjà recensé vingt-sept
catégories de postes qui répondent aux trois conditions que vous avez évoquées
ce matin, madame la ministre, au moins très bien pour les deux premières. Quant
à la dernière condition, la pérennisation, peut-être la plus difficile, je
susciterai de mon assemblée départementale un engagement financier sensible, et
ce malgré une situation de trésorerie tendue, comme dans la plupart des
départements.
C'est environ 25 millions de francs en année pleine qu'il nous faudra pour
mettre en place ce dispositif.
Je pense, madame la ministre, que vous promouvez avec ce dispositif un
engagement sur la durée débouchant nécessairement sur le renforcement de la
demande mais aussi vers la solvabilisation. L'acceptation du paiement d'une
rémunération pour ces services nouveaux et donc leur pérennisation et leur
professionnalisation s'imposera, je le sais.
Toutefois, madame la ministre, pour faciliter la pérennisation, peut-être
faudra-t-il concevoir, après la troisième année - vous serez encore là ; nous
pourrons donc en reparler, même si aucun amendement en ce sens n'a été déposé
aujourd'hui - une dégressivité de l'aide et son étalement dans le temps ?
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Très bien !
M. Roland Huguet.
Pourquoi ne passerait-on pas de 80-20 pour les trois premières années à 60-40
pour la quatrième année, puis à 40-60 pour la cinquième et à 20-80 pour les
trois dernières - soit l'inverse d'aujourd'hui - à savoir 20 % pour l'État et
80 % pour l'employeur ?
Un système étalé sur huit années présenterait trois avantages : il n'y aurait
pas d'augmentation de dépenses pour l'État ; elles seraient étalées dans le
temps ; les employeurs y gagneraient en facilités. Certes, cela ferait huit
ans, au lieu de cinq, mais tout le monde souhaite la pérennisation de ces
emplois.
M. Jean Delaneau.
Jusqu'à la retraite !
M. Roland Huguet.
Pourquoi pas !
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Huguet, d'autres orateurs de votre groupe sont
inscrits dans la discussion générale.
M. Roland Huguet.
Avec un contrat de huit ans au lieu de cinq, le caractère pérenne du système
est renforcé tout en présentant des facilités pour les employeurs.
Avec ce texte, mes chers collègues, aidant à la création d'emplois nouveaux,
répondant aux besoins non satisfaits de la société, nous engageons les jeunes à
devenir les acteurs du développement économique et de la construction d'une
nouvelle société.
Le Gouvernement s'engage avec la jeunesse de la France. Il lui offre une
nouvelle forme d'intégration dans le monde du travail, dans la société.
Dès lors, mes chers collègues, comment refuser d'impliquer toute notre
volonté, de mobiliser toutes nos forces pour répondre à l'enjeu, pour relancer
l'économie, pour dynamiser la société, pour, enfin, sortir notre jeunesse du
désespoir dans lequel le chômage l'a plongé ?
Il est de notre devoir d'approuver ce texte pratiquement en l'état, sans trop
l'amender, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, et
de tout faire pour le mettre en oeuvre rapidement.
M. le président.
Veuillez conclure, je vous prie, monsieur Huguet !
M. Roland Huguet.
Nous n'avons pas le droit de décevoir tous ceux qui attendent : telle était la
conclusion de plusieurs de nos collègues, ce matin.
Pour ma part, j'en ajouterai une autre. A Sophia-Antipolis, voilà une dizaine
de jours, j'entendais notre président, M. René Monory, dire : « Il faut savoir
vaincre les résistances anciennes ; il faut aller de l'avant ; il faut faire en
sorte d'avoir de l'audace ». Eh bien, ce projet de loi répond à ses souhaits
!
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du R.D.S.E.)
M. le président.
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accueil fait
au plan emploi-jeunes à la Réunion est très révélateur de la gravité du
problème du chômage, de l'urgence des solutions à mettre en oeuvre et de la
spécificité de la situation réunionnaise.
Tout d'abord, il a éveillé un immense espoir parmi les jeunes chômeurs qui ont
été des milliers à se précipiter dans les ANPE ou au rectorat.
En même temps, il a agi comme un « détonateur » et a donné lieu à des
manifestations significatives dans diverses communes de l'île et
particulièrement à Saint-Denis où des groupes de jeunes expriment leur
frustration légitime, leur impatience et leur inquiétude. Depuis plusieurs
jours, des mairies annexes sont occupées par les jeunes qui manifestent leur
volonté de voir leur situation réglée concrètement et rapidement.
Tout cela montre à la fois l'importance que revêt ce plan emploi-jeunes mais
aussi ses limites : importance, car la perspective d'un nombre significatif
d'emplois dans les cinq ans à venir représente une éclaircie dans une société
où le RMI ou les CES sont trop souvent la seule perspective pour des jeunes
poussés à l'assistanat, au désespoir ou à la révolte ; limites, car il est
évident que les emplois-jeunes ne suffiront pas à régler le problème du
chômage.
Mme Hélène Luc.
C'est certain !
M. Paul Vergès.
En effet, en premier lieu, le nombre d'emplois créés restera insuffisant par
rapport au nombre de demandeurs. En deuxième lieu, les trois quarts des
chômeurs à la Réunion ne sont pas éligibles au dispositif ; environ 25 000 sur
112 000 le sont. D'ailleurs, parmi les jeunes qui manifestent actuellement,
nombreux sont ceux qui ont plus de vingt-six ans ou plus de trente ans. En
troisième lieu, comment gérer la sortie des emplois-jeunes au terme des cinq
ans ? Nous devons d'ores et déjà anticiper ce rendez-vous pour éviter ce qui
pourrait être un « effet boomerang ».
Que l'on apprécie l'apport particulièrement positif de ce plan emploi-jeunes
ou que l'on en souligne les limites, une chose est acquise : le problème du
chômage est désormais au centre du débat, à tous les niveaux de la société
réunionnaise. C'est le problème central et dominant.
Cette prise de conscience s'est affirmée, notamment en 1992, après les
événements du Chaudron, avec l'élaboration d'un plan de développement global,
le plan de développement actif, qui jetait d'ailleurs, dès cette époque, les
bases pour le développement d'emplois nouveaux dans le secteur non
concurrentiel. Conscientes de l'enjeu, l'ensemble des forces socio-économiques
avaient participé à son élaboration.
Une donnée est spécifique : à la Réunion, les chômeurs ont décidé de
s'organiser et de se regrouper en comités. La manifestation du 4 février 1997,
à Saint-Denis, de milliers de chômeurs, est considérée comme l'acte de
naissance de ce qu'il est convenu d'appeler le « mouvement » des chômeurs de la
Réunion. Aujourd'hui, sollicités pour présenter des projets, ils sont des
interlocuteurs incontournables - comme on dit - sur le problème qui les
concerne.
Selon les derniers chiffres connus, le nombre de chômeurs atteint 112 000,
soit 40 % de la population active. Les chômeurs de la Réunion sont la première
force sociale du pays, une force de plus en plus organisée.
Cette force ne peut que croître. Chaque année, 10 000 jeunes arrivent sur le
marché du travail alors que, dans les meilleures conjonctures, de 3 000 à 4 000
emplois nets sont créés. Ce sont donc 6 000 à 7 000 personnes supplémentaires
qui viennent grossir chaque année le nombre des chômeurs.
Cette évolution, due à la progression démographique, se poursuivra encore
durant près de trois décennies. La Réunion, dont la transition démographique
est en cours, passera de 600 000 habitants en 1990 à 1 million en 2025. Si la
France devait « encaisser » - si je puis dire - chaque année l'arrivée de 600
000 chômeurs supplémentaires et que sa population devait atteindre 100 millions
d'habitants dans moins de trente ans, tous les problèmes posés actuellement,
notamment celui du chômage, le seraient dans des termes et avec des
perspectives totalement différents.
Cette situation ne laisse donc à la Réunion aucun sursis. Quelles réponses
massives apporter au chômage dans une île qui cumule les problèmes des pays
développés - un chômage structurel découlant de la mutation économique actuelle
- et ceux des pays en voie de développement avec le poids de la croissance
démographique ? Nous pensons qu'aucune piste ne doit être négligée. Si tous les
efforts doivent être faits pour réussir le plan emploi-jeunes, dans le même
temps, nous devons engager la Réunion dans une véritable dynamique de
développement, adaptée à notre situation originale et véritablement créatrice
de richesses et d'emplois.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Très bien !
M. Paul Vergès.
S'agissant du plan emploi-jeunes, les conditions sont réunies pour sa réussite
à la Réunion.
Du fait de l'ampleur du chômage, la réflexion pour le développement d'une
économie « alternative » à l'économie concurrentielle a débuté en effet à la
Réunion depuis plusieurs années, avec l'élaboration du plan de développement
actif. Les besoins du pays, les secteurs correspondant à des emplois sont déjà
identifiés. On peut distinguer cinq domaines prioritaires : l'environnement, la
culture, le sport, l'éducation avec les actions de soutien scolaire et la
coopération régionale.
Nous avons pris bonne note de l'esprit de vos déclarations, madame la
ministre, esprit selon lequel le nombre d'emploi-jeunes sera fonction du nombre
et de la qualité des projets présentés. Les comités de chômeurs de la Réunion
ont déjà à coeur de relever ce défi.
Pour aider à la concrétisation des projets présentés, il serait souhaitable,
madame la ministre, de dépêcher à la Réunion un expert qui participerait à
l'ingénierie et à l'expertise des projets existants. Compte tenu des réelles
potentialités d'une montée en puissance du plan emploi-jeunes à la Réunion et
de l'importance du chômage dans les départements d'outre-mer, la Réunion
pourrait ainsi se positionner comme un « site pilote ».
Mais, répétons-le, nous devons rester lucides : quelle que soit la réussite du
plan emploi-jeunes, il ne suffira pas à régler le problème du chômage.
Or la Réunion est loin d'avoir épuisé les capacités de développement de
l'économie concurrentielle, sur le plan tant de la conquête de parts de marchés
à l'intérieur que de l'exportation.
Le développement de la Réunion ne pourra prendre corps que s'il s'inscrit dans
une vision stratégique pertinente. Il reposera sur la capacité à s'insérer dans
son environnement géo-économique.
La Réunion se trouve en effet positionnée au coeur de l'océan Indien, zone en
pleine mutation avec notamment l'émergence de la puissance indienne et le fort
dynamisme de l'axe d'échanges entre les pays de l'Afrique australe et ceux de
l'Asie du Sud-Est. Du fait de son statut européen, de la qualité de ses
infrastructures, de ses moyens de communication, de son niveau de formation, la
Réunion ne manque pas d'atouts et peut trouver sa place dans le concert des
échanges dans la zone. Pour cela, il faut une volonté politique et une
réorientation des flux financiers vers le développement.
L'objectif du développement clairement fixé, les réformes nécessaires peuvent
être engagées pour que puisse s'exprimer la solidarité interne, en complément
de l'indispensable solidarité nationale. Il faut qu'un véritable partenariat
entre le Gouvernement, les collectivités locales et les acteurs
socio-économiques puisse se nouer autour d'un projet de développement reflétant
une véritable ambition.
Dans cet esprit, la France et l'Europe doivent prendre plus conscience de
l'atout que représentent les départements et territoires d'outre-mer. Grâce à
eux, l'Europe est le seul regroupement continental à dimension planétaire. Une
loi programme pour la Réunion traduirait cette ambition politique. Ouvrant la
voie au développement, elle constituerait principalement le volet économique
complétant le plan emploi-jeunes.
Je voudrais exprimer en conclusion un espoir : le plan emploi-jeunes est, à
nos yeux, une première réponse à l'urgence et à la détresse sociale dans
laquelle est plongée une grande partie de la jeunesse et de la population
réunionnaise.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, doit-on
apprendre à pêcher ou apporter le poisson ? Le texte que nous examinons
aujourd'hui tend à privilégier le second terme de l'alternative. Je le dis car
cela est ma conviction au regard des dispositions proposées et non le résultat
d'une vision manichéenne qui consiste à rejeter systématiquement ce qui n'émane
pas de sa mouvance. En ce qui me concerne, choisir entre le coeur et la raison,
c'est le jugement de Salomon, à savoir une décision impossible à prendre.
Le projet de loi déposé procède de syllogismes bien connus où la majeure et la
mineure, prises isolément, sont des propositions fondées, mais dont la
conclusion est une contrevérité. Je n'irai pas jusque-là.
Avant de parler du dispositif, il convient de poser la vraie question : ce
plan aide-t-il réellement les jeunes à bâtir un avenir professionnel ?
Les modalités de sortie ne sont pas claires parce que le spectre de la
précarité continue à planer, fût-il repoussé à cinq ans.
Le chômage des jeunes, chacun d'entre nous ici peut y mettre des noms et des
visages. Au niveau national, ce sont 600 000 Français de moins de vingt-cinq
ans qui espèrent autre chose de l'existence que des petits boulots. Lorsqu'on
parle avec eux, et avec leur famille, on comprend qu'ils sont certes prêts à
saisir toute offre quelle qu'en soit la durée. Mais est-ce une raison pour ne
leur proposer qu'un avenir « à durée déterminée » ? Ils attendent autre chose
de la société dont nous sommes les acteurs et les décideurs politiques.
Le passage du témoin d'une génération à l'autre se fait mal. Si deux classes
d'âge cohabitent si longtemps sous le même toit, c'est bien en raison des
difficultés matérielles à assurer une indépendance qui fait refuser certaines
responsabilités. Il faut convenir que cette frilosité au stade individuel se
traduit, également, par un repli dans le comportement du citoyen.
Ce plan de création de 350 000 emplois nouveaux, en trois ans, dans le secteur
public et associatif, assorti d'un investissement de 35 milliards de francs par
an est sans nul doute un objectif ambitieux, servi par des moyens accordés.
Permettez-moi toutefois, madame le ministre, de douter qu'il débouche bien sur
des emplois définitifs et solvables, selon vos propres termes. Je m'en
explique.
Prenons l'exemple du ministère de la justice, qui annonce la création de 3 000
postes. Les recrutements concerneront des jeunes déjà formés aux tâches
administratives et sociales, des juristes ayant le niveau de la maîtrise, des
diplômés en lettres et des bacheliers. De deux choses l'une : ou bien il y a de
réels besoins en personnel à la chancellerie et des concours doivent être
ouverts pour pourvoir les postes vacants ou à créer, ou bien on fabrique du
sureffectif ! Or, tous les élus sont alertés par les présidents des instances
judiciaires départementales sur les insuffisances en matière de personnel dans
les tribunaux.
La démonstration est également valable pour les secteurs de l'éducation et de
la santé.
Tout d'abord, ces embauches s'adressent à des jeunes ayant déjà une formation,
au moins générale, alors que les grandes difficultés concernent ceux qui sont
sortis trop tôt et mal du système scolaire.
Par ailleurs - et je pense plus particulièrement à l'éducation nationale - je
relève l'incompréhension de ceux qui attendent un poste, comme les maîtres
auxiliaires ayant plusieurs années d'ancienneté dans leur profession, quand ils
entendent que 75 000 emplois seront créés par leur ministère de tutelle.
Dans les domaines que je viens de citer, et qui sont spécifiquement de la
compétence de l'Etat, il me semble qu'une fonction publique en effectif
suffisant pour assurer un service hospitalier humain et compétent, pour que la
justice soit rendue dans des délais raisonnables et pour que le système
éducatif soit adapté à son environnement ne serait pas perçue comme un luxe.
Les critères de convergences et les ratios retenus pour les déficits publics ne
doivent pas être des écrans.
Ma crainte est qu'à terme on ne dresse pour ce dispositif le même constat que
celui qui a été établi lors du rapport d'étape de la loi instituant le revenu
minimum d'insertion. L'allocation s'est pérennisée, mais le terme « insertion »
n'est que la survivance d'une intention louable. Dans l'esprit des auteurs et
du législateur, il s'agissait pourtant d'une aide matérielle temporaire
accompagnant un encadrement visant à une réintroduction dans le système
social.
J'ai peur que, avec le projet de loi aujourd'hui en discussion, on ne se
retrouve avec des emplois temporaires, qui viendront allonger la liste des CES
et autres contrats. On se demande bien pourquoi d'ailleurs les CIP ont été
repoussés comme une incongruité, alors que leur niveau de rémunération était
pourtant supérieur à ce qui nous est proposé aujourd'hui.
Je m'interroge aussi sur les effets de glissements induits. Tout d'abord,
certains chiffres évaluent à 100 000 les emplois menacés par l'entrée en
vigueur du dispositif examiné.
Par ailleurs, aucune charge, fiscale et parafiscale, ne viendra frapper les
créations d'emploi du plan exposé. Très bien ! Mais alors, pourquoi, dans le
même temps, réduit-on la déduction d'impôt accordée pour les emplois familiaux
? On sait que, de ce fait, nombre de foyers seront dans l'obligation de
renoncer à ces emplois. Outre la perte en effectifs salariés qu'elle
engendrera, cette opération va se solder par une recrudescence du travail non
déclaré. Il n'aurait pas fallu modifier ce qui donnait satisfaction aux parties
en cause. Pour les contractants, c'était un moyen de concilier vie familiale et
vie professionnelle, travail de proximité et revenu supplémentaire, couverture
sociale et charges supportables.
Qu'il faille aborder le xxie siècle avec un esprit neuf pour tenir compte des
mutations que, pour bien faire, il serait nécessaire d'anticiper, j'en
conviens. Toutefois, placer toute la mise sur cette seule case semble bien
risqué. J'aurais préféré répartir les chances en multipliant les pistes et
développer ce qui est porteur.
C'est le cas des structures de partenariat.
En qualité de collectivité territoriale, la Haute-Saône a mis en place avec
l'Etat, la région et les entreprises locales une antenne de l'université de
Franche-Comté dans le chef-lieu du département. Plusieurs disciplines sont
enseignées dans cette IUT qui s'enrichit d'année en année de nouvelles
spécialités. Chaque promotion est quasiment assurée de son entrée dans le monde
du travail dès l'obtention de son diplôme de fin de cycle.
Cette démarche pragmatique pourrait valablement s'appuyer sur les constats et
les recommandations d'un observatoire départemental de l'emploi. L'outil, au
contact des réalités, du terrain, à l'écoute des acteurs, permettrait une
adaptation constante des orientations et apporterait des réponses adéquates.
Les décalages observés entre l'offre et la demande seraient ainsi gommés.
La commission des affaires sociales s'est prononcée, après l'avoir amendé, en
faveur du texte que vous défendez, madame le ministre. Je ne peux m'y résoudre,
pour les raisons que je viens d'exposer, mais je ne m'y opposerai pas non plus
: trop de situations sont dramatiques pour renoncer au soulagement momentané
que ce texte procurera.
Et puis, d'autres textes nous disent que si un seul est sauvé, l'expérience
vaut d'être tentée ! Gageons que, sur la masse, subsisteront bien quelques
engagements à durée indéterminée.
Toutefois, le dispositif devra être complété par le volet traitant du secteur
privé, dont j'espère que nous aurons à débattre très prochainement, madame le
ministre.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. Henri de Raincourt.
Ça m'étonnerait !
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, « tout a été
essayé ». C'est en ces termes que François Mitterrand, à la fin de son premier
septennat, jugeait les dispositifs d'aide à l'emploi, mis en place par les
gouvernements successifs.
Or le nombre des chômeurs, notamment des jeunes, n'a cessé d'augmenter,
passant de 1,5 million en 1981 à 3,2 millions aujourd'hui, dont 600 000 jeunes
de moins de vingt-cinq ans.
Après tant d'années, on aurait pu penser que la leçon serait enfin retenue. Il
n'en est rien.
Bien au contraire, le plan que vous présentez, madame le ministre, est le
neuvième de ce type depuis 1977. Il annonce la création de 350 000 emplois dans
le secteur public et associatif et de 350 000 emplois dans le secteur privé, le
présent projet - et je souligne la modestie de son intitulé : « création
d'activités pour l'emploi des jeunes » - ne concernant que les premiers.
Beaucoup moins modeste sera le coût de ce nouveau dispositif puisque, avec une
subvention d'Etat s'élevant à 80 % du SMIC pour une durée de cinq ans, il sera
beaucoup plus avantageux que les précédents, qu'il s'agisse des contrats
emploi-solidarité ou du contrat initiative-emploi.
Ainsi, un coût global de 35 milliards de francs par an à partir de 1999
viendra s'ajouter aux 150 milliards de francs déjà consacrés aux aides à
l'emploi, avec le succès que l'on sait.
Cette décision de créer 350 000 emplois dans la « sphère publique » est la
dernière variante de la politique de traitement social du chômage conduite par
les pouvoirs publics.
Faute de vouloir s'attaquer aux causes du chômage, le Gouvernement tente d'en
atténuer les effets.
Cette politique est inefficace, elle est ruineuse. Et elle doit céder la place
à un véritable traitement économique global du chômage.
D'ailleurs - je l'ai noté avec une grande satisfaction - ce jugement est
partagé par l'un de nos collègues du groupe socialiste, et je ne saurais que
recommander la lecture de son dernier livre :
Droit au travail.
Il
s'agit en effet d'un authentique et remarquable plaidoyer en faveur d'une
politique de libération des énergies.
Il est établi que les pays qui ont les taux de prélèvements obligatoires et de
dépenses publiques les plus élevés sont aussi ceux qui ont les taux de chômage
les plus élevés, et inversement.
Nul n'ignore, en effet, qu'il existe deux types d'emplois : d'une part, les
emplois « marchands », qui sont producteurs de richesse, dans les entreprises,
et qui se financent eux-mêmes ; et, d'autre part, les emplois « publics », qui
répondent à des besoins de la société et qui, n'étant pas créateurs de
richesses, sont financés par des prélèvements effectués sur la valeur ajoutée
créée par les emplois marchands. Leur nombre est déjà excessif en France : près
de 25 % des salariés français sont, directement ou indirectement, au service
des pouvoirs publics. C'est plus qu'en Italie, pays pourtant réputé pour
l'omniprésence de son administration !
Leur financement par l'impôt est le premier responsable de notre incapacité à
créer des emplois marchands nouveaux.
Or, seuls acteurs économiques à pouvoir créer des emplois productifs, les
entreprises n'embauchent que si leur volume d'activité le justifie.
En période de « vaches maigres », ce n'est évidemment pas le cas. A cela
s'ajoutent deux handicaps propres à la France : un coût du travail relativement
élevé et de fortes rigidités dans les comportements sociaux.
Mes chers collègues, il n'est plus permis d'en douter : le problème de
l'emploi en France ne résulte pas de plans d'aide publique qui auraient été mal
calibrés. Il a pour origine des agents économiques démotivés, des ménages
appauvris et des entreprises qui n'investissent pas et qui n'embauchent pas, du
fait d'impôts trop élevés et de réglementations excessives.
A cet égard, comment ne pas dénoncer la logique confiscatoire de l'Etat le
plus cher du monde ? Les dépenses publiques accaparent 55 % de la richesse
nationale, au lieu de 30 % à 40 % dans le monde asiatique ou anglo-saxon et
moins de 50 %, en moyenne, dans les pays d'Europe. Or, dix points de PIB de
différence, cela représente une perte de 800 milliards de francs pour
l'innovation, pour la croissance et pour l'emploi ! La guillotine fiscale
ampute les entreprenants de leurs moyens de créer de la richesse au bénéfice de
tous.
Nous sommes bien obligés de constater que ce plan ne fera qu'accentuer le
déséquilibre entre le secteur public et le secteur privé, en alimentant le
cercle vicieux des dépenses publiques, des déficits, des impôts et du
chômage.
Une fois de plus, vous segmentez le problème du chômage. En donnant la
priorité aux jeunes, vous ne faites que changer l'ordre dans la file d'attente,
rien de plus.
En effet, les contrats ouverts aux jeunes de dix-huit à vingt-six ans ne
feront, pour la plupart, que chasser les contrats préexistants, au détriment
des autres catégories plus âgées ou des jeunes les moins qualifiés.
Un père de famille a-t-il moins besoin d'un emploi qu'un jeune de vingt ans ?
En effet, 25 % des plus de cinquante ans sont à la recherche d'un emploi !
Pire, le dispositif proposé est dangereux pour l'évolution des mentalités, car
il accrédite l'idée que l'obtention d'un emploi dépend davantage de sa tranche
d'âge et d'un guichet d'administration que de la rencontre, sur le marché du
travail, de ses compétences avec un besoin.
En outre, qui peut croire que les nouvelles activités - en l'occurrence,
parler de « métiers » serait un abus de langage - proposées par le Gouvernement
- agents de veille sur les bruits, médiateurs du livre, gardien de la mémoire
vivante notamment - représentent une véritable perspective d'avenir pour les
jeunes ?
Il est, par conséquent, manifeste que l'Etat sera incapable de valoriser le
travail de ces jeunes sans véritable statut. Par exemple, que fera-t-il des 40
000 jeunes que le ministre de l'éducation nationale veut recruter pendant les
quatre mois où les lycées, collèges et écoles seront fermés ?
Enfin, dans cinq ans, la suppression de la subvention à 80 % entraînera
mécaniquement la disparition de la plupart des emplois correspondants. Mon Dieu
! que de désillusions en perspective.
En effet, comment, déjà, ne pas être inquiets des effets d'annonce qui
entourent la création de ces « emplois » pour les jeunes ?
A en juger par le nombre des candidatures déjà déposées auprès de certains
ministères - elles sont, dans certains cas, quatre fois supérieures au nombre
de postes proposés - on peut se demander si le Parlement sert encore à quelque
chose, car, dans l'opinion, tout se passe comme si la loi était déjà votée !
Plus inquiétante encore est la déception qui ne manquera pas de s'emparer des
jeunes dont la candidature n'aura pas été retenue.
Oui, madame le ministre, votre dispositif est une bombe à retardement, une
pompe à alimenter le désarroi de la jeunesse, une machine à fabriquer des
aigris et des exclus. Mais, bien sûr, on peut considérer que l'Etat sera
responsable des dizaines de milliers de jeunes dont les emplois se seront
révélés artificiels et sans débouchés car dépourvus de formation
professionnelle. Dans ces conditions, l'Etat aura alors l'obligation morale -
et politique - de les intégrer dans la fonction publique.
Cela créera inéluctablement une fonction publique au rabais. Dans un premier
temps, la rémunération au SMIC accentuera la dévalorisation des diplômes.
Quelle ironie de l'histoire ! Les promoteurs de ce système sont ceux-là-mêmes
qui, il y a quelques années, manifestaient contre le contrat d'insertion
professionnelle, pourtant bien plus porteur d'espérance pour la jeunesse !
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Bernard Plasait.
Ainsi seront encore aggravés les problèmes de cohabitation avec les titulaires
alors que déjà se pose, dans la fonction publique, la question cruciale de la
surqualification par rapport aux emplois occupés. Autant d'éléments qui
obéreront davantage encore les perspectives de promotion et d'avancement dans
les carrières.
Constant dans sa vision malthusienne de l'économie, le Gouvernement choisit la
voie des dépenses publiques pour créer des emplois plus ou moins artificiels
plutôt que la réduction des impôts libérant l'initiative créatrice. Il préfère
la voie du contrôle administratif plutôt que celle de la confiance et de la
liberté des initiatives locales.
A l'heure où le parti travailliste britannique et le SPD allemand adaptent
leur pensée à un xxie siècle promis à l'initiative individuelle, la gauche
française s'accroche obstinément à une doctrine sociale-démocrate d'un autre
âge...
MM. Henri de Raincourt et René-Georges Laurin.
Eh oui !
M. Bernard Plasait.
... et c'est bien, madame le ministre, ce que traduit, avec éclat, le projet
de loi dont nous débattons aujourd'hui.
Comme le rappelait souvent Jacques Rueff : « Le vrai problème du gouvernement
en chaque période est d'apprécier la dose de passé que l'on peut tolérer dans
le présent et la dose de présent que l'on doit laisser subsister dans l'avenir
».
Eh bien ! madame le ministre, je vous le dis avec toute la force de ma
conviction, votre projet de loi est une terrible illusion. Certes, je ne doute
pas de son succès à court terme : il est assuré car, dans l'angoisse cruelle
pour l'avenir, toute offre d'emploi est bonne à prendre, surtout quand elle est
garantie par l'Etat.
Mais les élus locaux doivent avoir le courage de dire, même si c'est
impopulaire, quand il y a tromperie. Que vous soyez de bonne foi dans la
poursuite d'un objectif que nous avons tous en commun ne change rien au fond
des choses. Vous empruntez le mauvais chemin, madame le ministre, le mauvais
chemin de l'emploi public qui mènera les jeunes dans leur ensemble à une
impasse.
Votre projet de loi est en fait un plan de solidarité de 35 milliards de
francs. Il calmera la douleur pour une courte durée mais, après un soulagement
passager, je crains que le mal ne soit aggravé, aggravé pour les jeunes,
aggravé pour la collectivité. La seule solution, c'est celle d'une vraie
politique libérale qui, enfin, libère les énergies créatrices de ce pays.
M. Gérard Delfau.
On a vu le résultat !
M. Bernard Plasait.
Au total, madame le ministre, je crains que, avec les meilleures intentions du
monde, au-delà des apparences trompeuses, votre projet de loi ne soit un
mauvais coup pour les vrais emplois, les emplois durables, les emplois de
demain, ces emplois dont la France, dont tous les Français ont un urgent
besoin.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, ainsi que sur quelques travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de
loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes est un projet
de solidarité et non pas un projet économique. Certes, il a pour effet de
participer à la création de conditions de confiance qui auront un impact
positif sur le développement de l'activité économique, mais c'est avant tout un
projet de solidarité. Dans ces conditions, tout le problème est de savoir,
d'une part, si cette solidarité est réelle et crédible et, d'autre part,
jusqu'à quel degré de solidarité on est prêt à aller et avec quels moyens.
Ce projet de loi fixe un quota de 350 000 jeunes concernés par son
application. Je trouve cela injuste. Je pense qu'il y aura des déçus. Quand je
vois comment certains jeunes se précipitent sur les postes offerts par
l'éducation nationale en pensant se lover dans un cocon confortable, et quand
j'entends d'autres jeunes me dire qu'ils ne veulent pas, avec un bac + 2, voire
plus, devenir le « vide-corbeille » d'un fonctionnaire, je frémis quant aux
perspectives à moyen terme que nous sommes en train de leur offrir.
Au fait, madame la ministre, les jeunes ont-ils été consultés sur le texte que
vous présentez ?
Vous nous avez dit dans la présentation de votre projet de loi que ces emplois
ne sont pas des emplois publics, qu'ils ne sont pas non plus des emplois qui
feront concurrence aux emplois du secteur marchand. Pour ma part, je suis
convaincu que ces emplois seront en grande partie financés par les
collectivités ou les associations qu'elles subventionnent, ce qui revient au
même.
Dans ces conditions, pourquoi faire payer aux collectivités locales 20 % du
SMIC, charges comprises, augmenté forcément du complément de salaire qu'elles
auront à payer en fonction des compétences qu'elles demanderont ? Quand on
connaît les moyens disparates des collectivités locales et quand on sait, de
surcroît, que le manque de moyens va de pair avec la progression des
dysfonctionnements sociaux, on se demande où est la solidarité !
Après tout, les moyens de l'Etat, comme ceux des collectivités locales ou des
associations qu'elles subventionnent, proviennent bien tous de la poche du
contribuable. Pourquoi l'Etat n'assurerait-il pas une véritable péréquation de
solidarité en prenant en charge 100 % des salaires ainsi créés ? Les risques
d'abus de créations de postes par les collectivités seraient infimes, puisque
la mise en oeuvre contractuelle est tributaire de l'autorité préfectorale.
Au sujet des moyens qui seront déployés face aux objectifs de ce projet de
loi, j'ai une question précise à vous poser, madame la ministre. J'aimerais
savoir si les moyens alloués seront nouveaux ou si vous comptez procéder à un
redéploiement des moyens prévus pour financer les programmes et les actions
antérieures à ce texte.
Un amendement a prévu une aide au démarrage de 30 000 francs en moyenne. Je
trouve, une fois de plus, que l'on mélange les genres. Pourquoi ne pas
introduire cela dans les actions à venir en direction des entreprises ?
A ce sujet, je regrette vivement que l'on n'aille pas aussi vite dans les
mesures à prendre pour créer les conditions de développement de l'emploi dans
l'entreprise. Sans vouloir vous énoncer toutes les propositions qui sont dans
l'air, je voudrais vous dire combien je suis convaincu de la nécessité de
sortir un texte spécifique en direction des PME de proximité créatrices
d'emplois. J'ai présenté un rapport qui va dans ce sens à Mme la ministre
Marylise Lebranchu.
J'ai été écouté ; j'espère que je serai entendu, parce que je suis persuadé
que l'on ne doit pas seulement orienter nos jeunes dans des emplois sociaux,
dont l'évolution et la pérennité seront difficiles à contrôler. On doit aussi
les orienter vers des emplois économiques plus agressifs, certes, mais
valorisant leurs compétences acquises et nécessaires si l'on veut se donner les
moyens de nos ambitions sociales.
Je tiens à dire, madame la ministre, que ce que je défends n'est pas le
développement de l'esprit libéral ; c'est celui de l'esprit d'entreprise. Je
crois profondément que le projet de loi qui nous est présenté ne pousse pas les
jeunes à développer l'esprit d'initiative et d'entreprise, alors que cela
serait tout aussi nécessaire dans les activités sociales et de solidarité.
Sauf à voir le texte profondément modifié par les amendements de la commission
des affaires sociales, je ne vois pas comment je pourrais l'accepter en l'état.
Mais sait-on jamais !
On a dit à l'Assemblée nationale que le projet était celui du père Noël.
Espérons que notre assemblée en fera celui de la fée Carabosse et qu'un
consensus pourra être trouvé pour nos jeunes, car c'est bien de leur avenir
qu'il s'agit !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quinze
ans, tous les gouvernements, quelles que soient les majorités, ont exploré et
imaginé des voies pour tenter d'apporter des solutions en matière d'emploi, ou
plutôt en matière d'activité des jeunes. Je citerai pour mémoire les TUC, les
CES devenus CEC, les CIE, les emplois de ville, les réflexions liées au temps
partiel, à la préretraite et à l'adaptation du temps de travail dont, avec
Jean-Pierre Fourcade, nous avons été des militants, à la condition qu'elles ne
reposent pas sur des illusions, mais qu'elles s'accompagnent d'une meilleure
organisation du travail, de la production et de la réglementation.
Beaucoup d'argent public, de dotations, de contributions ont été consacrés à
la lutte contre ce fléau à l'origine des fractures qui ne cessent de croître
dans notre société.
Le résultat : un taux de demandeurs d'emploi le plus élevé des pays développés
avec l'Espagne, une inexorable progression du nombre des chômeurs de longue
durée et des jeunes sans emploi. Aujourd'hui, plus de quatre millions de
personnes sont sans emploi dans notre pays si nous incluons le nombre d'actifs
potentiels en formation ou en stage !
Madame la ministre, je considère, tout comme vous, prioritaire toute démarche
en faveur de la relance de l'emploi. Comme tous les élus, je suis
quotidiennement en contact avec un nombre croissant de jeunes à la recherche
d'un premier emploi.
Dans ma propre commune, avec mes collègues du conseil municipal, nous n'avons
pas attendu ce texte pour agir.
Mais que constatons-nous à la lecture de ce projet ? L'Etat décrète l'emploi
par la création de services pour la plupart, nous le savons, artificiels, qui
correspondraient à des « besoins émergents non satisfaits » ?
Or, les vrais questions que j'ai envie de poser sont plutôt les suivantes.
Ce projet de loi répond-il aux problèmes posés à notre pays et à notre
jeunesse ?
Pourquoi, parmi les pays développés, la France est-elle à la fois la nation
qui a le plus d'emplois publics et parapublics et le plus de chômage ?
Pourquoi sommes-nous si mauvais pour lutter contre le chômage ?
Pourquoi n'avons-nous jamais réellement essayé que de traiter socialement le
chômage ?
Pourquoi, au fond, n'avons-nous jamais tenté d'activer les dépenses passives
du chômage ?
Pourquoi ne nous attachons-nous pas à rechercher les vraies libertés qui
permettent de créer des vrais emplois et non une sous-fonction publique
sous-payée ?
Bien sûr, il y aura des « métiers nouveaux », mais comment les financer si
nous continuons à voir nos activités se délocaliser, nos créateurs d'entreprise
et nos jeunes diplômés partir aux USA, à Londres ou à Cork, en Irlande ?
Le vrai débat est celui de la création d'emplois pérennes. La fuite en avant
pour encore plus d'assistance, de créations artificielles d'emplois hors des
champs économiques est hors sujet. En fait, aujourd'hui, nous débattons
ensemble de mesures « d'occupation sociale ».
Madame la ministre, j'ai envie de vous parler cet après-midi d'emploi. C'est
pourquoi je ne peux que m'interroger à la lecture de votre projet de loi sur
les objectifs, les conséquences à long terme et le financement d'un tel
dispositif.
Est-il sincère de présenter ces emplois comme des postes à pourvoir
immédiatement sans prévoir un dispositif lié à la formation ou au tutorat ?
Est-il sérieux de présenter une fois encore la facture liée au financement de
ces emplois aux contribuables français ?
Est-il raisonnable de mettre en concurrence les formations qualifiantes telles
que les contrats d'apprentissage, les contrats de qualifications et
d'orientations, qui déboucheront sur de véritables métiers insérant dans
l'économique, avec ces contrats mieux rémunérés mais qui n'offriront que peu de
débouchés à terme et pas de formation ?
Un sénateur du RPR.
Très bien !
M. Gérard Larcher.
Au-delà de ce projet, une question fondamentale se pose : aurons-nous un jour
le courage de regarder la réalité en face et d'étudier de façon objective les
entraves à la croissance et à l'emploi dans notre pays ? La lecture d'un
rapport établi, en mars dernier, sur ce thème, et d'un autre rapport rédigé à
l'issue des sixièmes rencontres franco-allemandes d'Evian par le MacKinsey
Global Institute avec le professeur Solow, prix Nobel, est tout à fait
éclairante à ce titre. Ce dernier s'intitule : « Supprimer les entraves à la
croissance et à l'emploi en France et en Allemagne ».
L'analyse débute en ces termes : « Après les décennies de prospérité et de
croissance régulière, les économies française et allemande se développent
aujourd'hui au ralenti ; de plus, ces deux pays souffrent de l'alourdissement
constant de la fracture sociale et d'un chômage élevé, surtout parmi les jeunes
et la main-d'oeuvre peu qualifiée. »
Leurs principales conclusions sont les suivantes : tout d'abord, notre
performance économique est inférieure. La France produit dans les secteurs de
l'automobile, de la construction de logements, des télécommunications, de la
banque, de la distribution et de l'informatique 40 % de biens et de services en
moins par habitant par comparaison aux cinq références mondiales principales.
La productivité du travail y est inférieure de 20 % et le niveau d'emploi par
personne en âge de travailler de 25 %. Notre taux de création d'emplois est
quatre fois moins élevé que le taux américain et deux fois moins élevé que le
taux allemand.
Ensuite, les réglementations sectorielles qui pèsent sur la recherche de gains
de productivité constituent, pour le professeur Solow, les principales entraves
à la croissance. Elles limitent la concurrence et diminuent les occasions pour
les entreprises de se mesurer aux meilleures entreprises mondiales.
Enfin, le niveau relativement élevé du coût minimum du travail est responsable
de la « psychose » des gains de productivité, car il fait obstacle au
redéploiement des travailleurs peu qualifiés et inhibe l'embauche de jeunes. Le
ministre travailliste britannique vient d'ailleurs de le reconnaître vendredi
dernier.
Naturellement, parmi ces trois observations, certaines peuvent heurter nos
valeurs, à commencer par le niveau des salaires minimum. Mais nos valeurs ne
sont-elles pas plus heurtées sur le fond par la réalité d'un chômage et d'une
exclusion qui ne cessent de croître ?
Que dit encore l'institut ? « La plupart des réglementations qui étouffent la
croissance de l'activité et de l'emploi ont été mises en place dans un souci de
protection sociale ». Or, non seulement les réglementations ont eu un impact
négatif sur la performance économique, mais encore elles ont souvent entraîné
des effets pervers qui, en fait, vont à l'encontre des objectifs sociaux.
M. Gérard Delfau.
C'est le catéchisme !
M. Gérard Larcher.
Ainsi, par exemple, les salaires minimaux élevés, au lieu de garantir un
niveau de vie satisfaisant, freinent la création d'emplois et aboutissent, en
fait, à empêcher les moins qualifiés et les jeunes à s'insérer dans la
population active.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Il apparaît aujourd'hui nécessaire de découpler davantage l'économique du
social. Cette analyse a le mérite de mettre en évidence deux constats à
l'encontre des idées reçues.
D'une part, les faits montrent qu'une productivité de « classe mondiale » et
un niveau d'emploi élevé peuvent réellement aller de pair.
D'autre part, le développement de l'emploi ne doit pas se cantonner au bas de
l'échelle. Contrairement à une idée reçue, en cinq ans, plus de 80 % des
emplois créés dans les services aux Etats-Unis l'ont été dans des catégories
situées nettement au-dessus du niveau médian des salaires.
Il existe bien une possibilité réelle de réformes pratiques qui permettrait de
concilier objectifs économiques et objectifs sociaux.
Une modification de réglementation des secteurs économiques, associée à une
plus grande souplesse des marchés du travail et des capitaux, devrait
s'accompagner de mesures sociales explicites, axées sur les besoins et ciblées
- comme l'impôt négatif en contrepartie d'une évolution selon les générations
du salaire minimum - ou d'aides spécifiques aux plus défavorisés et aux jeunes
s'engageant dans la vie professionnelle ; je pense notamment au logement et à
la protection sociale.
Un tel « découplage » des politiques économique et sociale devrait permettre à
la France d'améliorer ses performances économiques sans pour autant sacrifier
ses ambitions de justice sociale.
Bien entendu, il ne s'agit pas de faire comme aux Etats-Unis ou en
Grande-Bretagne, encore que M. Blair ne bouleverse pas la politique précédente.
Mais continuer à dire : « nous sommes les meilleurs et nous prenons les
meilleures mesures », alors que, chaque année, la pauvreté augmente dans notre
pays, relève de l'auto-satisfaction.
Votre réponse, madame la ministre, c'est plus d'impôts pour les sociétés,
moins de déductions pour les emplois familiaux, plus de réglementation, plus de
fonction publique. Moi, je crois en l'Etat : un Etat garant de la protection
des plus faibles, mais aussi un Etat qui n'étouffe pas ceux qui créent
l'activité, la richesse et l'emploi, y compris l'emploi familial.
Comme vous, je trouve insupportable une société qui n'accueille pas ses
jeunes, mais je pense que, par ce texte, tel qu'il nous arrive de l'Assemblée
nationale, on se trompe et on les trompe.
Voilà pourquoi ce n'est que très profondément amendé par la commission et par
nos collègues que ce texte pourra recueillir notre vote
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste).
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je n'irai pas
au fond des choses et je ne reprendrai pas les excellentes interventions de mes
collègues du groupe socialiste, en particulier celle de Mme Dieulangard.
Sans revenir sur le préjugé favorable qui est le mien à l'égard de votre
projet, sur lequel je m'engagerai à fond sur le terrain, je voudrais vous
rapporter les questions techniques que se posent les maires pour pouvoir
participer en toute connaissance de cause à l'effort national en faveur de
l'emploi des jeunes.
Voici, madame le ministre, en vrac, en style télégraphique, ces questions qui
découlent du caractère novateur et inédit de votre démarche.
Tout d'abord : emplois-jeunes et fonction publique.
Les emplois-jeunes relèveront du droit privé - donc du droit du travail - même
lorsqu'ils seront employés dans les administrations publiques.
Or le service public comporte des règles particulières et dérogatoires du
droit du travail pour des raisons qui tiennent au principe de continuité dont
le Conseil constitutionnel a affirmé la valeur constitutionnelle.
La durée légale du travail n'est pas applicable dans la fonction publique
territoriale comme pour l'Etat ou le secteur privé. Chaque collectivité fixe
donc librement sa durée.
Les emplois-jeunes seront-ils soumis à la même durée du travail que les agents
territoriaux, c'est-à-dire plus ou moins trente-neuf heures ? Ou seront-ils
payés pour la durée légale indépendamment de celle applicable dans la
collectivité ?
Les agents territoriaux, en vertu de la continuité du service public, ne
peuvent prendre leurs congés annuels que sous réserve des nécessités du service
et les jours de congés non pris ne leur sont jamais payés.
Cette règle sera-t-elle applicable aux emplois-jeunes, contrairement au code
du travail, dès lors qu'elle découle de la Constitution elle-même ?
La notion de « service fait », base de la rémunération, n'a pas le même sens
dans le public et dans le privé. Quelle est celle qui prévaut ?
Les fonctionnaires - continuité du service - peuvent être réquisitionnés à
tout moment. Les contractuels de la fonction publique aussi. Mais qu'en est-il
des emplois-jeunes ?
Ne faudrait-il pas prévoir que les contrats sont de droit privé, sauf en ce
qui concerne les principes généraux du service public et de la fonction
publique, qui relèvent naturellement de la juridiction administrative ? Car on
voit mal les prud'hommes dire le droit en ce qui concerne tout ce qui découle
de la comptabilité publique ou de la continuité des services publics.
En ce qui concerne la rémunération, les emplois-jeunes seront rémunérés sur la
base du SMIC.
Les collectivités locales sont-elles tenues de les employer à temps complet
alors que certaines tâches sont saisonnières ou à temps partiel ? Je pense en
particulier aux petites communes.
Les collectivités locales auront-elles la faculté de rémunérer les intéressés
au-dessus du SMIC, en prenant à leur charge le supplément, puisque l'aide de
l'Etat reste à 80 % du SMIC ? Dans ce cas, n'est-ce pas une formule dangereuse
pour l'équilibre de la grille de la fonction publique, surtout si à diplômes
égaux un emploi-jeune se retrouve mieux rémunéré qu'un agent territorial ?
Bref, la loi édicte-t-elle un maximum et un minimum de rémunération, ou
seulement un minimum ?
Les collectivités peuvent-elles demander aux emplois-jeunes, en cas d'urgence
ou de nécessité, de faire des heures supplémentaires, dont elles supporteront
naturellement seules le coût ?
Enfin, pour les collectivités qui ont institué des régimes indemnitaires
spécifiques avant 1984 - genre treizième mois ou prime de fin d'année - ces
régimes s'appliqueront-ils aussi aux emplois-jeunes ?
En ce qui concerne la nature des fonctions, deux situations vont se présenter
:
D'une part, assurer des services dont l'intérêt général est manifeste et qui
ne peuvent être supportés que par les contribuables ;
D'autre part, assurer des services représentant pour les citoyens ce que
j'appellerai des facilités ou des suppléments de confort qui ne sont pas
forcément indispensables.
Sera-t-il possible, dans le second cas, de tarifer ces services et d'y
affecter des emplois-jeunes ? Ce qui permettrait de compenser à terme les
charges supplémentaires des collectivités locales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Il faudra voter nos amendements !
M. Michel Charasse.
Cela, ce n'est pas sûr !
Et ne faut-il pas éviter que les emplois-jeunes donnent le sentiment aux
citoyens que décidément la collectivité publique - le contribuable - paiera
toujours tout, que tout est gratuit et que rien n'a un coût ?
MM. Alain Gournac et Charles Pasqua.
Très bien !
M. Michel Charasse.
En ce qui concerne la période d'essai, prévue initialement à un mois et
augmentée à deux par l'Assemblée nationale, n'est-ce pas un peu court pour des
gens qui n'ont jamais travaillé et qui vont faire des métiers inédits ?
Dans la fonction publique, le stage dure un an. Dans le privé, généralement
trois mois.
On comprend bien que la durée d'un an est trop longue dans ce cas-là. Mais
celle d'un mois ou même de deux paraît trop courte. Trois mois semblent le
minimum à la majorité des élus locaux que j'ai rencontrés.
Les préfets recevront-ils des instructions de souplesse en ce qui concerne les
dérogations d'âge ? C'est indispensable, notamment dans les petites et moyennes
communes.
Recevront-ils également des instructions de souplesse afin que les
non-diplômés puissent avoir les mêmes chances que les diplômés sur les emplois
n'exigeant aucune qualification particulière ?
Pourra-t-on faire passer un jeune d'un contrat de CES en cours à un
contrat-jeunes ?
Reste enfin la sortie du système, dans cinq ans. Les collectivités, même si
elles n'y sont pas légalement tenues, vont-elles devoir conserver les
intéressés et donc continuer à les rémunérer sans aide de l'Etat ? Celles qui
auront des difficultés financières devront naturellement les licencier. Cette
perpective ne risque-t-elle pas de freiner quelques ardeurs ?
Et comment les intégrer dans la fonction publique ? Les lois de 1983-1984 nous
ont débarrassés des contractuels ? Va-t-on les rétablir ?
Faudra-t-il titulariser les intéressés sans concours ? Que diront ceux qui
sont astreints aux concours ? Ne va-t-on pas vers une nouvelle cuvée de la
catégorie des maîtres-auxiliaires ?
M. Adrien Gouteyron.
Très bien !
M. Michel Charasse.
Et comment accepter d'intégrer dans la fonction publique locale, sans
concours, ceux qui seront toujours là dans cinq ans et qui n'auront pas trouvé
d'autre solution ?
C'est pourquoi j'étais de ceux qui se demandaient si l'Etat ne pourrait pas
être l'employeur, les intéressés étant mis à la disposition des collectivités
locales contre versement par elles de leur participation de 20 % ? En fin de
période, lorsque les financements de l'Etat cesseront, c'est l'Etat qui mettra
fin aux contrats et pas les collectivités.
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Michel Charasse.
Quelles dispositions seront prises pour que les emplois-jeunes recrutés par
l'Etat pour son propre service - policiers, agents de l'éducation nationale -
ne se retrouvent pas dans cinq ans, par la pression de la population et de la
communauté éducative, imposés aux collectivités locales ? Ne faudrait-il pas
écrire noir sur blanc dans la loi que ces emplois-jeunes d'Etat ne pourront
être affectés qu'à des tâches relevant de l'Etat et ne pourront jamais être
pris en charge par d'autres que lui ?
Enfin, pour éviter les problèmes à la sortie du système dans cinq ans, ne
faut-il pas imposer aux intéressés - d'Etat ou locaux - de passer des concours
de la fonction publique, trois échecs entraînant automatiquement la fin du
contrat ?
Telles sont les questions qui m'ont été posées au cours de la réunion de
maires que j'ai organisée dans mon département. Je vous remercie, madame le
ministre, d'y porter attention. Toutes ne sont pas du domaine législatif.
Beaucoup, sans doute, sont du domaine réglementaire. Mais je voudrais que vous
ayez la conviction que vos réponses conditionnent - à mon avis - le succès de
votre plan pour l'emploi des jeunes, succès que, naturellement, je souhaite
ardemment.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous sommes
amenés, ce soir, à débattre ensemble d'un texte très attendu par notre
assemblée, surtout très attendu par les jeunes de notre pays.
Près de 600 000 d'entre eux, âgés de moins de vingt-cinq ans, sont au chômage.
Nous sommes tous d'accord, je crois, pour juger cette situation inadmissible,
pour ne pas dire insupportable. L'inactivité d'un trop grand nombre de jeunes à
la sortie de leurs études, l'état de précarité et d'exclusion dans lequel se
trouvent les autres assombrissent à l'évidence le climat social et plongent les
forces vives de la nation dans le désarroi le plus total.
Doit-on rester des spectateurs impuissants face à ces difficultés ? Bien
entendu, non, et il faut le reconnaître. Depuis plusieurs années, les
différents gouvernements qui se sont succédé ont considéré l'emploi comme une
priorité. Mais, il faut l'admettre aussi, les moyens n'ont pas souvent été à la
hauteur des intentions, et la pratique récurrente de vieilles recettes a
rarement permis d'au moins stabiliser le taux du chômage.
Aujourd'hui, enfin, madame le ministre, on nous propose une démarche
volontariste, audacieuse, qui devrait permettre à 350 000 jeunes de s'insérer
dans le monde du travail autrement que de façon précaire.
L'intérêt de ce texte est double, car il ne se limite pas à un objectif
purement comptable, même si ce dernier est à lui seul une grande ambition.
Au-delà du principe qui consiste à briser massivement l'inactivité des jeunes
pour leur offrir des perspectives d'avenir plus radieuses, les mesures
contenues dans le projet de loi devraient également participer, je le crois
vraiment, au renforcement de la cohésion sociale de notre pays.
Les emplois proposés répondent à de réelles nécessités. Par leur nature, ils
concourent directement au renforcement du lien social. Destinés à occuper des
besoins émergents ou non satisfaits, ces nouveaux métiers sont fortement axés
sur le cadre de vie et l'aide aux personnes. Notre pays, comme beaucoup de pays
industrialisés, souffre d'un déficit en communication, en médiation et en
relations humaines. Ces emplois, en jouant la proximité, répondront à des
attentes personnelles et collectives. Nos quartiers, nos villes, nos campagnes,
les familles, les individus ont tout à gagner de ces nouveaux services.
Mes chers collègues, nous ne sommes plus au temps des certitudes et à l'époque
des croissances avérées. Seules des initiatives fortes telles que le projet de
loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes apporteront
une véritable réponse aux effets pervers de notre système économique.
C'est vrai, certains désapprouvent l'utilisation de l'argent public dans cette
entreprise. Pourtant, la situation des jeunes est tellement préoccupante
qu'elle exige une mobilisation spécifique. Pour l'instant, seul les secteurs
publics et associatifs - croyez bien que je le regrette ! - sont capables de
l'engendrer dans l'urgence.
Une autre logique, que l'on connaît fort bien puisqu'elle est pratiquée depuis
plusieurs années, consiste à alléger les charges des entreprises afin de les
inciter, exclusivement par le biais fiscal, à embaucher des jeunes. Le résultat
s'est toujours fait attendre.
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
M. Yvon Collin.
Le secteur privé est soumis à une forte concurrence et son principal souci
n'est pas d'agir sur le volume global d'emploi. Toutefois, j'espère - nous
sommes nombreux à l'espérer - que la très prochaine Conférence pour l'emploi
démentira cette tendance et que les entreprises, comprenant tout l'intérêt de
ce projet de loi, s'associeront volontiers à cet effort national qu'est le
traitement du chômage.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Yvon Collin.
Dans un passé un peu lointain mais toujours riche d'enseignements, quand la
France avait besoin de rails pour ses trains, l'Etat était là, quand la France
avait besoin d'électrifier tous les foyers, l'Etat était là. Aujourd'hui, la
France a besoin d'emplois pour ses jeunes : l'Etat est là pour donner une
impulsion.
Il existe des besoins nouveaux, des demandes novatrices et une exigence
d'activité de la jeunesse. La collectivité doit provisoirement prendre en
charge la réponse : c'est effectivement son devoir !
Avant de conclure, je voudrais m'arrêter sur une question qui est souvent
revenue au cours des débats : le problème de l'après-contrat. Tout le monde se
demande ce que vont devenir les jeunes au bout de cinq ans. J'aimerais, moi,
qu'on me dise qui, aujourd'hui, dans le monde du travail, la fonction publique
mise à part, a la garantie de l'emploi au-delà de cinq ans ?
Mes chers collègues, le présent projet de loi, comme vous avez pu l'entendre,
recueille mon adhésion et celles des radicaux-socialistes. Toutefois, je tiens
à préciser que mon vote final dépendra des modifications qui seront retenues.
Si certains amendements venaient à dénaturer profondément le texte, je ne
pourrais que voter contre. J'espère, mes chers collègues, que la sagesse bien
connue du Sénat l'emportera.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Madame la ministre, c'est en mon nom personnel mais également au nom des
membres du groupe du l'Union centriste que je m'adresse aujourd'hui à vous.
Si un projet global de société, redonnant du sens et des perspectives d'avenir
à toute une génération, s'avère nécessaire, la lutte contre le chômage des
jeunes ne peut être dissociée de la politique de lutte contre le chômage en
général.
Si tous les jeunes sont exposés, le chômage n'est pas le même pour tous :
persistant pour les jeunes sans qualification, il est intermittent pour les
diplômés.
En effet, dans les dix années qui suivent la sortie du système éducatif, les «
sans diplôme » ou les moins diplômés sont trois fois plus chômeurs que les
diplômés de l'enseignement supérieur.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe de l'Union
centriste, nous nous sommes tout d'abord interrogés sur le fait que les 350 000
emplois inédits que vous souhaitez créer soient proposés, en majorité, à des
jeunes diplômés, bacheliers ou bac + 2.
La fin d'un cycle d'études, qu'il soit ou non couronné de succès, dans un
contexte d'éloignement - volontaire ou pas - du milieu familial, ne doit pas
être identifiée à une entrée dans une période de chômage. L'acte de recherche
doit être fortement aidé et appuyé par un soutien aux organismes d'accueil et
d'information : missions locales permanences d'accueil, d'information et
d'orientation, associations, etc.
La précipitation qu'ont suscitée les propositions d'emplois-jeunes révèle un
profond désarroi. Il faut découvrir le marché caché de l'emploi, apprendre à
élaborer un projet professionnel, à délimiter le champ de prospection à faire
le point des compétences. S'engouffrer dans un emploi aidé où les plus
défavorisés devraient être prioritaires nous paraît constituer un acte de
refuge et de sécurisation.
Il est nécessaire que les acquis et même le savoir théorique soient utilisés.
Des études longues et coûteuses pour les parents, qui ne sont pas tous des
nantis, doivent aboutir à une valorisation de leur investissement. Des emplois
émergents, même qualifiés, ne sont pas une réponse s'il existe une inadaptation
avec la formation initiale.
Vous avez précisé devant l'Assemblée nationale que votre texte n'était pas une
loi contre l'exclusion. Mais un chômeur, quel que soit son âge, quelle que soit
sa qualification, se trouve bien en situation d'exclusion pendant toute la
durée de son chômage, qui peut durer plusieurs années.
Nous nous sommes également demandé pourquoi votre plan emploi s'adressait
exclusivement aux jeunes de dix-huit à vingt-six ans, ainsi qu'aux moins de
trente ans qui n'ont jamais travaillé suffisamment longtemps pour bénéficier
d'une allocation de chômage. N'y a-t-il pas là une discrimination difficilement
acceptable ?
En effet, la recherche d'un emploi, une fois les études achevées, est toujours
émaillée de périodes de chômage plus ou mois longues. De fait, le chômage des
jeunes évolue comme celui des adultes, au gré de la conjoncture économique.
Dès lors, en portant l'essentiel de l'effort de la lutte contre le chômage sur
les jeunes, ne crée-t-on pas une injustice entre chômeurs ?
Il s'agit d'un problème qui touche tout autant les jeunes que les vieux
actifs, les moins qualifiés ayant plus de difficultés à retrouver un emploi.
Aussi peut-on s'interroger quant à la pertinence des politiques de l'emploi
ciblées sur une population particulière. Certes, il existe des arguments forts
: disposer d'un emploi reste le meilleur mode d'insertion sociale, celui qui
rate son insertion à l'aube de sa vie risquant de porter ce handicap tout au
long de celle-ci ; en outre, les jeunes sont moins bien couverts par la
protection sociale que leurs aînés puisqu'ils ne peuvent pas disposer du RMI
avant d'avoir vingt-cinq ans.
Mais le chômage des jeunes est-il plus tragique que celui des chômeurs de
longue durée chefs de famille ? Selon l'enquête sur l'emploi de l'INSEE, trois
chiffres suffisent pour se convaincre du contraire : avant de retrouver un
emploi, un chômeur attend en moyenne treize mois, un jeune chômeur seulement
huit, alors qu'un chômeur de plus de cinquante ans doit patienter en moyenne
vingt-deux mois.
Le débat semble donc trop focalisé sur les difficultés des jeunes de moins de
trente ans, sans qu'on se préoccupe outre mesure des autres catégories pour qui
le chômage de longue durée s'avère beaucoup plus dramatique, notamment ceux de
trente, quarante ou cinquante ans, chargés de famille, sans qualification ou
peu qualifiés, qui sont laissés pour compte. Ils constituent pourtant une
population beaucoup plus vulnérable, qui s'enfoncera encore un peu plus dans la
précarité et l'exclusion.
Vous me répondrez sans doute là encore, madame la ministre, que votre texte
n'est pas une loi contre l'exclusion.
Votre projet de loi contre l'exclusion, appelé « loi de cohésion sociale »,
sera-t-il prochainement déposé sur le bureau des assemblées ? Les chômeurs de
très longue durée y seront-ils prioritaires ? Comment allons-nous le financer
?
Du côté des collectivités locales, les élus, face à l'incitation permanente à
la dépense, savent qu'ils ne peuvent plus faire admettre à leurs contribuables
de nouvelles hausses des impôts locaux.
Il ne sera donc pas possible de demander, une seconde fois, une hausse des
impôts pour financer un plan de cohésion sociale. Les finances locales sont
trop fortement sollicitées au nom de la solidarité. Les élus ne pourront plus
faire passer une nouvelle hausse des impôts locaux après celle qui est induite
par le plan emploi-jeunes.
Nous nous sommes également interrogés, avec mes collègues du groupe de l'Union
centriste, sur la place que vous réservez aujourd'hui à la formation en
alternance et à l'apprentissage. Nous avons estimé, tout d'abord, que ce plan
emploi-jeunes pouvait discréditer la formation en alternance et
l'apprentissage.
L'apprentissage avait été au coeur du dispositif de mobilisation pour l'emploi
des jeunes qui avait été engagé par le gouvernement précédent et que nous avons
soutenu. Il avait été accéléré et le voilà aujourd'hui en quelque sorte
dévalorisé, alors que ses deux atouts majeurs sont la professionnalisation et
l'insertion.
Si les jeunes titulaires d'un baccalauréat professionnel trouvent aujourd'hui
un emploi aussi rapidement que la moyenne des diplômés de l'enseignement
supérieur, les apprentis s'insèrent mieux encore.
A ce propos, j'aimerais rappeler à cette tribune qu'entre les 4 et 10 juillet
derniers se sont déroulées les 34e Olympiades des métiers, à Saint-Gall, en
Suisse, réservées aux jeunes artisans de moins de vingt-six ans, représentant
les quarante métiers en cours et avec la participation de trente et un pays. Il
convient de souligner que nos jeunes artisans français y ont remporté dix
médailles et douze diplômes d'honneur. A ce concours international de
l'apprentissage et des métiers, la France s'est classée au troisième rang
mondial, en obtenant sept médailles d'or, notamment dans les métiers du
bâtiment et de l'industrie automobile. Ces jeunes qui font honneur à leur pays
ont entre dix-neuf et vingt et un ans.
Il est important de présenter nos plus vives félicitations à tous ces jeunes
titulaires d'un CAP, d'un BEP, ainsi qu'aux dirigeants d'entreprise, aux
professionnels membres du jury et à tous ceux qui ont contribué au succès de
cette manifestation.
Madame la ministre, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que vous étiez
très attachée à l'apprentissage et que vous souhaitiez mettre en place un fonds
national de péréquation de la taxe d'apprentissage, représentant environ 600
millions de francs.
Vous avez pris l'engagement de faire figurer cette mesure très attendue par
les régions et par les centres de formation d'apprentis dans votre texte sur
l'emploi des jeunes. Pouvez-vous aujourd'hui nous le confirmer ?
Avec l'inflation des emplois-jeunes réservés par l'éducation nationale, nous
sommes dans un système surréaliste qui produit ou gère des situations d'échec
culpabilisant les pouvoirs publics, lesquels ne trouvent comme solution que de
les intégrer à nouveau au système !
Il eût été préférable de cerner étroitement les emplois émergents, afin
d'éviter la compétition avec l'existant. Les stages qualifiants pendant la
formation induisent l'engagement futur.
La vie en entreprise, dans des services, avec des responsabilités
progressives, pourrait éviter le trop fameux : « On recherche... avec
expérience... » !
Madame la ministre, vous vous êtes engagée avec M. le Premier ministre, à la
suite des propos critiques du Président de la République, à faire en sorte que
l'objectif du Gouvernement soit bien de créer également 350 000 emplois dans le
secteur privé en trois ans.
Ce second volet du programme « 700 000 emplois-jeunes » est très attendu, bien
évidemment, par la majorité sénatoriale tout entière et nous souhaiterions que,
aujourd'hui même, vous preniez des engagements devant la Haute Assemblée quant
à la date d'inscription à l'ordre du jour de ce plan concernant le secteur
privé.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous nous sommes également
interrogés sur la philosophie de votre projet.
Il est indispensable de traiter du devenir du bénévolat, qui n'est pas
uniquement lié à la croissance du nombre des associations. Celles-ci vont
recruter cadres et permanents en créant de nouveaux besoins, voire des services
accessibles à ceux qui les paient.
La simplification des rapports entre individus dans les services, l'analyse
d'emploi en devenir, la formation, les statuts, l'évaluation des besoins, les
propositions marchandes : tout cela modifie nos liens sociaux sans pour autant
les resserrer.
Vous considérez, madame la ministre, que ces nouveaux emplois sont censés
fournir à la nation des services répondant à des besoins réels existants. Vous
estimez que, à l'issue du délai de cinq ans, ils vont rencontrer une demande
solvable. Je vous trouve bien optimiste. Mais je ne crois pas que vous vous
fassiez réellement beaucoup d'illusions.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous dénonçons le coût pour
les finances publiques qu'induit votre projet de loi ainsi que les nouvelles
hausses d'impôts locaux qui en découlent et qui vont encore s'ajouter aux
impôts supplémentaires que vous aller infliger aux contribuables français dans
la prochaine loi des finances.
La France va désormais être le seul des grands pays où les impôts continuent
d'augmenter.
A priori,
c'est pour le bon motif : créer des emplois. Mais
il s'agit bien d'un mécanisme qui consiste à faire financer ces emplois par le
contribuable.
A la hausse des impôts, il faut ajouter celle de la CSG, qui rapportera
environ 20 milliards de francs, dont il faut retirer, c'est vrai, les 13
milliards de francs rendus aux salariés sous forme de baisse des cotisations
sociales. Au total, ce sont donc entre 40 et 50 milliards d'impôts
supplémentaires qui seront prélevés l'an prochain. Il faudra sans doute trouver
la même somme en 1999.
Nous savons tous que la France détient, parmi les grands pays industrialisés,
le record du nombre d'emplois financés sur ressources publiques. Nous aurions
préféré que votre plan soit tourné uniquement vers l'emploi privé, c'est-à-dire
vers l'emploi producteur de richesses. Or la part de l'emploi privé va encore
diminuer au profit de celle de l'emploi public.
D'ailleurs, nous sommes particulièrement sceptiques sur les chances que vous
avez d'obtenir 350 000 embauches de jeunes dans le domaine privé, sauf à voir
la conjoncture se redresser durablement.
Vous faites appliquer les lois avant même qu'elles soient examinées et votées
par le Parlement. Il est tout de même insupportable pour le législateur - et ce
n'est pas une question de coquetterie ou de susceptibilité, s'agissant d'un
problème si grave - de voir des dispositions prises en vue de l'engagement
immédiat de moyens non encore acquis. Certes, il ne faut pas faire attendre ces
jeunes chez qui un espoir a été donné. C'est pourquoi nous comprenons
l'urgence. Mais peut-être ne faut-il pas non plus confondre urgence et
précipitation.
Les solutions étatiques ne sont pas les meilleures. En tout cas, elles ne sont
pas les nôtres !
Telles sont les raisons pour lesquelles mes collègues du groupe de l'Union
centriste et moi-même avons choisi d'apporter notre soutien aux amendements
tout à fait pertinents et constructifs proposés par le président et le
rapporteur de la commission des affaires sociales, ainsi qu'à ceux de nos
collègues de la majorité sénatoriale.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, alors que le
monde entier s'engage maintenant résolument sur la voie de l'économie de
marché, en favorisant la création d'activités nouvelles, donc de métiers
nouveaux, grâce à l'initiative privée, le gouvernement de la France voudrait
que notre pays soit l'un des derniers pays au monde à penser que c'est avec
l'argent des contribuables que l'Etat peut décréter la création d'emplois
nouveaux.
Votre démarche peut paraître habile aux Français, madame le ministre, du moins
dans un premier temps, car elle s'appuie sur l'état de délabrement profond de
la mentalité de nos concitoyens, tant la plaie du chômage est profonde.
Dans notre économie administrée, l'emploi public a acquis une telle image de
sécurité - il est vrai que tout a été entrepris, malheureusement, depuis plus
de deux décennies, pour donner une mentalité d'assisté à une majorité de
Français que de nombreux parents disent ces temps-ci à leur enfant : « Présente
ta candidature à un emploi-jeune. Même s'ils nous disent que cela n'est que
pour cinq ans, une fois que tu seras à l'intérieur, ils ne pourront pas prendre
la responsabilité de te rejeter à la rue à la fin d'un si long contrat ! »
Le projet du Gouvernement est dangereux à moyen terme, car il sera source
d'une grave désillusion, et il porte en lui le germe d'une inégalité profonde
entre les Français quant à l'accès à un emploi grâce à de l'argent public.
Il y a d'abord inégalité entre les jeunes pour accéder à ces nouveaux
emplois.
Les jeunes, qui sont déjà plus de 200 000 à s'être inscrits dans les rectorats
de France, ne s'y sont pas trompés. Vous allez créer une nouvelle classe de
privilégiés à durée déterminée. Cependant l'éducation nationale ne devant
retenir que 40 000 jeunes, comment empêcherez-vous que les 160 000 autres ne
ressentent une profonde amertume, d'autant qu'avec le système que vous mettez
en place, ce sont les jeunes déjà les plus exclus, les moins formés qui seront
laissés sur le bord du chemin ?
Ce sentiment d'inégalité sera d'autant plus fort que les autres contrats
visant à favoriser l'entrée dans la vie active - contrats d'apprentissage,
contrats d'insertion et autres - sont beaucoup moins aidés par l'Etat ou
beaucoup moins rémunérateurs.
Ce sentiment d'injustice se développera avec d'autant plus d'acuité que le
couperet de l'âge créera souvent, pour des jeunes chargés de famille et ayant
dépassé les trente ans, des situations intolérables face à des jeunes
célibataires de vingt ans, souvent encore hébergés par leurs parents et n'ayant
aucune obligation à honorer.
Devant votre projet de loi, nous sommes réalistes, madame la ministre : soit
les emplois créés répondent à une attente réelle du marché et trouveront ainsi
leur pérennisation par la rentabilité, et alors votre action n'aura eu pour
résultat que d'engendrer un effet d'aubaine dont la seule conséquence aura été
de tuer, avec de l'argent public, de vrais emplois créés par de vrais
entrepreneurs ; soit la création de ces emplois ne s'inscrit pas dans
l'économie de marché - c'est malheureusement l'hypothèse la plus crédible - et
vous obligerez alors moralement les collectivités et les associations à les
rendre pérennes au-delà du délai de cinq ans ce qui ne fera qu'appauvrir plus
encore le pays.
Votre texte risque ainsi d'entraîner de graves difficultés, au terme des cinq
ans, pour les collectivités locales et les associations, et celles-ci doivent
donc être dès maintenant vigilantes lorsqu'elles engagent des jeunes pour cette
durée, car le dispositif qui nous est soumis n'est pas sincère, comme pourrait
le dire un commissaire aux comptes qui vérifierait la cohérence existant entre
vos intentions et l'importance des moyens réellement mis en place.
En effet, dans la rédaction actuelle du projet de loi, rien ne garantit au
futur employeur - lequel ne pourra pas être l'Etat, cela est précisé - que
l'aide qu'il recevra sera bien maintenue pendant cinq ans à hauteur de 80 % du
SMIC, charges comprises.
Il est tout à fait plausible que, lors de la discussion des prochaines lois de
finances, M. le ministre de l'économie et des finances vienne nous expliquer
que la France, pour respecter les grands équilibres budgétaires, ne pourra pas
augmenter de dix milliards de francs par an son engagement en faveur des
emplois-jeunes.
Dans quelle situation sera alors placée la collectivité locale ou
l'association ? La baisse de l'aide de l'Etat ne pouvant constituer une cause
réelle et sérieuse de licenciement, elle devra alors dégager sur ses propres
capacités financières, ce qui sera impossible pour certaines petites
collectivités, les moyens d'honorer ses engagements sur cinq ans.
Cette appréhension est d'autant plus justifiée que, pour le premier exercice
budgétaire, il existe déjà une différence de 2 milliards de francs entre le
montant des dépenses que vous avez annoncé à l'Assemblée nationale - 10
milliards de francs pour 1998 - et celui des crédits qui figurent dans le
budget que M. le ministre de l'économie et des finances a présenté devant la
commission des finances du Sénat voilà quelques jours, à savoir 8,1 milliards
de francs pour financer les emplois-jeunes en 1998, dont 300 millions de francs
inscrits au budget de l'outre-mer.
Or, avec 8 milliards de francs, vous ne pourrez, madame le ministre, honorer
vos engagements que pour 80 000 jeunes en année pleine en 1998. Comme les
ministres de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice - sans
parler des autres ministères - ont déjà annoncé qu'ils créeraient quelque 70
000 emplois dès ces prochaines semaines, ce qui représente déjà les sept
huitième des crédits prévus pour 1998, pensez-vous être sincère envers les
collectivités locales et les associations, alors que, dès le premier budget
d'exécution de cette loi, les crédits inscrits seront notoirement insuffisants
?
Cependant, le principal reproche que nous pouvons faire à votre projet de loi,
madame le ministre, va bien au-delà de ce manque latent de sincérité, puisqu'il
touche au dogme.
Sans hésitation, ce qui montre bien votre ignorance volontaire - je dis bien
volontaire - de la réalité du marché, vous nous proposez la création de 350 000
emplois, qui tous - c'est vous qui l'avez dit à plusieurs reprises - devront
s'inscrire dans le secteur concurrentiel. Vous oubliez totalement que, pour
créer des emplois dans une économie de marché, il faut des entrepreneurs.
Or vous conviendrez, madame le ministre, j'en suis convaincu, que la mission
des collectivités locales ou des associations n'est pas de se transformer en
entrepreneurs pour développer des secteurs émergents, donc des métiers nouveaux
dans une économie de marché, même si les activités nouvelles visées par le
présent texte gravitent autour de la sphère publique.
Aussi proposerons-nous, au cours de ce débat, plusieurs amendements dont
l'adoption permettrait de donner la possibilité à des entrepreneurs de créer et
de rendre pérennes, bien au-delà des cinq ans prévus, ces emplois-jeunes.
Si vous acceptez cette démarche, vous me mettrez en difficulté, madame le
ministre, car vous démontrerez alors que votre approche n'est en rien
dogmatique, et vous donnerez une toute autre portée à votre texte, en plaçant
des entrepreneurs à la tête de vos 350 000 emplois-jeunes.
En revanche, si vous refusez l'ouverture que nous vous proposons, vous
confirmerez que votre démarche ne s'inscrit en rien dans une optique
concurrentielle, et que le véritable objet de votre dispositif est d'anticiper
la création d'une sous-classe de la fonction publique.
Vous confirmeriez alors l'alourdissement durable de la dépense publique, ce
qui ne pourrait hélas ! qu'avoir des conséquences funestes à moyen terme, en
retardant encore le moment où la France, en diminuant de façon sensible le
montant des prélèvements obligatoires, pourrait, enfin, se donner la chance de
créer de vrais emplois concurrentiels, quand les autres pays, nos concurrents,
ont souvent, depuis près de quinze ans, choisi la voie de la liberté
d'entreprendre, mais aussi de l'espérance.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste).
M. le président.
La parole est à M. Mazars.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. Georges Mazars.
Madame la ministre, ce débat, sous-tendu par tant de pessimisme et si peu
d'optimisme, doit vous paraître dur !
Les membres du groupe socialiste tiennent à affirmer leur soutien au
Gouvernement, qui a su, par le dépôt d'un projet de loi permettant la création
de 350 000 emplois-jeunes, tenir sa promesse.
La situation de l'emploi des jeunes est alarmante et nous vous félicitons,
madame la ministre, d'avoir su répondre par un signe fort à l'angoisse des
jeunes : il s'agit d'une mesure concrète autant que d'un message d'espoir. Vous
avez su mettre l'homme au coeur de vos préoccupations, au centre de l'économie.
Nous saluons donc le Gouvernement pour ce projet de loi novateur, audacieux et
en rupture avec les politiques libérales.
Ce texte ambitieux, qui prend en compte les attentes des jeunes et de leur
entourage, n'a pourtant pas manqué de susciter des critiques. Bien souvent,
loin d'être constructives, elles n'ont relevé que de l'objection partisane.
Ceux-là mêmes qui se dressent contre votre texte, madame la ministre, n'ont
aucune solution de rechange à proposer pour répondre à l'urgence.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
M. Georges Mazars.
D'ailleurs, le bien-fondé de votre dispositif a mis dans l'embarras nos
adversaires politiques : le soutien apporté à votre projet de loi par trois
députés de l'opposition, et l'abstention de quarante et un autres, en est le
signe le plus patent.
Nous avons donc, ces dernières semaines, entendu et lu un certain nombre de
critiques à l'adresse de la création des emplois-jeunes.
Cette mesure a été prise trop rapidement, nous a-t-on objecté.
Il faut pourtant savoir répondre à l'urgence par l'urgence. Si nous avions
attendu un an ou plus pour mettre en oeuvre ce dispositif, bien des voix nous
l'auraient reproché, et avec raison ! Le groupe socialiste se réjouit de la
qualité du travail que vous avez accompli, madame la ministre, en concertation
étroite avec l'Assemblée nationale, dans un temps limité en raison des
exigences sociales.
Certains ont aussi critiqué le projet de loi parce qu'il ne concerne que les
jeunes.
Doit-on rappeler qu'il s'agit d'une catégorie particulièrement touchée par le
chômage ? N'est-il pas alors légitime de vouloir faire un geste en direction de
ceux qui se lancent aujourd'hui sur un marché du travail saturé ? De plus, pour
ce qui concerne les personnes dont la situation est la plus précaire, jeunes et
moins jeunes, le Gouvernement a prévu de déposer un texte relatif aux
exclusions sociales, qui sera examiné lors de la session ordinaire.
Certains craignent la création d'une fonction publique
bis,
au
rabais.
Faut-il encore répéter qu'il s'agit d'emplois nouveaux, ou de fonctions
permettant de répondre à des besoins non satisfaits ? Vous vous êtes pourtant
continuellement employée, madame la ministre, à l'expliquer. Agent de veille
écologique, assistant de crèche parentale, accompagnateur de malades atteints
du sida... La liste est longue, mais elle n'est pas limitative, et elle laisse
toute latitude aux initiatives des acteurs présents sur le terrain, notamment à
ceux du secteur associatif, qui connaissent bien les besoins à satisfaire.
Quant au salaire, qui est aussi visé par ce soupçon de création d'une fonction
publique au rabais, il est égal au SMIC. Rappelons qu'il s'agit là d'un
minimum, puisqu'il pourra être plus élevé si les partenaires qui financent les
20 % du salaire non pris en charge par l'Etat en ont les moyens et font
l'effort nécessaire. Mais surtout, en ces temps de crise sociale aiguë, les
jeunes préfèrent être payés au SMIC, être insérés dans le monde professionnel
et enrichir leur expérience que d'être exclus du monde du travail sans même
pouvoir bénéficier du RMI. Les milliers de candidatures enregistrées par
l'éducation nationale le montrent bien.
« Que se passera-t-il au bout de cinq ans ? », s'est-on encore inquiété.
Tout d'abord, nous allons donner du travail pendant cinq ans à 350 000 jeunes.
Cinq années, cela ne représente-t-il pas un véritable horizon, alors que l'on
constate que, depuis août 1996, le nombre des emplois précaires d'une durée
inférieure à un mois a augmenté de plus de 36 % sans que l'on s'en soucie ?
En outre, l'emploi-jeunes peut représenter un marchepied, ce qui n'est pas
rien lorsque l'on connaît la difficulté qu'ont les jeunes à s'intégrer dans le
secteur privé, par manque d'expérience professionnelle antérieure.
Par ailleurs, les dossiers seront sélectionnés en partie en fonction des
possibilités de pérennisation de l'emploi : à terme, certaines professions
trouveront des sources de financement dans le secteur marchand ou associatif.
L'Etat pourrait d'ailleurs prendre en charge 10 % à 20 % de ces emplois.
D'autres critiques ont concerné les charges pesant sur les collectivités
locales, jugées trop lourdes.
Or l'aide de l'Etat est énorme, puisqu'elle représente pour chaque emploi 80 %
du SMIC, charges sociales comprises, soit 92 000 francs par an. L'apport
restant à la charge de l'autre contractant est donc de 20 %, ce qui est bien
peu en comparaison des sommes versées en faveur, par exemple, des
emplois-ville. Mais, surtout, la souplesse du projet permet toute forme de
cofinancement : les départements et les régions auront le devoir d'aider les
communes les plus pauvres.
C'est du « gaspillage », nous a-t-on enfin objecté : « C'est l'emploi privé
qu'il faut développer pour faire reculer le chômage ! »
Nous sommes pour le moins étonnés que donner du travail à 350 000 jeunes
puisse être considéré comme du gaspillage ! Cela vaut bien mieux que
l'exonération des charges sociales accordée aux entreprises, qui ne change
rien, nous l'avons bien vu, à la courbe du chômage. Oui, nous optons pour une
nouvelle politique, fondée sur le rôle moteur de la collectivité publique. Ce
projet de loi choisit la relance par l'emploi.
Le groupe socialiste reconnaît que le Gouvernement fait un pari, mais la
situation économique et sociale actuelle est telle qu'elle demande imagination
et audace : ce projet de loi en fait preuve.
Nous tenons par ailleurs à attirer l'attention de Mme la ministre sur la
question des handicapés. Ils nous ont paru trop absents du texte ; or la prise
en charge sociale de ces personnes est un devoir de solidarité. Le groupe
socialiste pense que le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui pourrait
profiter aux handicapés à deux titres : d'une part, en garantissant l'emploi
d'un certain nombre de jeunes handicapés, d'autre part, en créant des fonctions
nouvelles d'aide sociale aux handicapés.
Les jeunes handicapés sont des exclus parmi les exclus : ainsi, le chômage les
touche dans des proportions considérables. Nous avons donc accueilli très
favorablement la mesure prévoyant de réserver 6 % des emplois-jeunes aux
personnes reconnues handicapées. Cet engagement reprend les dispositions de la
loi du 10 juillet 1987, mais, malheureusement, ce quota est loin d'être
respecté. Le sera-t-il dans le cas des emplois-jeunes ? Une grande vigilance
s'impose à cet égard, madame la ministre. Notons que de nombreux métiers, qui
sont d'ores et déjà proposés, sont accessibles aux handicapés : l'entretien des
espaces naturels et la valorisation du petit patrimoine bâti pourraient ainsi
être assurés par des handicapés mentaux, tandis que le soutien scolaire ou
l'animation en matière de nouvelles technologies conviendraient aux handicapés
physiques.
Par ailleurs, des emplois-jeunes pourraient permettre le développement de
l'aide sociale aux handicapés. Dans votre liste indicative figurent seulement
les fonctions d'« assistant de convivialité à domicile » et d'« agent
d'insertion des handicapés ». Nous souhaiterions que d'autres idées soient
retenues.
Tout d'abord, en ce qui concerne les loisirs, un grand nombre de besoins se
font jour : il faudrait, par exemple, faciliter l'accès des lieux de culture et
de détente aux personnes dépendantes.
Des jeunes pourraient aussi promouvoir l'artisanat des handicapés. En effet,
de nouveaux emplois pourraient consister à dresser l'inventaire de toutes les
richesses produites par ces personnes et à contribuer à l'amélioration de leur
qualité et de leur présentation, en vue d'une vente par catalogue.
Enfin, si des jeunes ayant une formation commerciale se chargeaient de la
distribution des produits issus des centres d'aide par le travail, les CAT, et
des ateliers protégés, cela permettrait la valorisation du travail effectué par
les handicapés au sein de ces entreprises.
Nos propositions concernant les handicapés nous semblent être en adéquation
avec l'esprit du texte. Nous espérons, madame la ministre, que vous serez
sensible à ces remarques, qui n'ont pas d'autre objet que de l'enrichir.
Au-delà des divergences politiques, les acteurs locaux sont collectivement
garants de l'intérêt général. Il est par conséquent de leur devoir envers nos
concitoyens de participer pleinement à la bonne mise en oeuvre de ce projet de
loi, sans compter qu'un échec politique sur la question sensible de l'emploi
ferait le lit de l'extrême droite.
Madame la ministre, vous nous avez présenté un dispositif permettant de venir
au secours des jeunes. Pour que ce projet réussisse, il faudra que nous
fassions preuve d'imagination. Faisons ce pari avec vous, prenons ensemble ce
risque, d'autant plus nécessaire que les emplois nouveaux et émergents sont les
emplois de demain.
Vous pouvez compter sur le soutien unanime du groupe socialiste, sans
toutefois préjuger de notre vote. En effet, si votre projet de loi venait à
être dénaturé par certains amendements et détourné de son seul objet, à savoir
favoriser l'emploi des jeunes, nous pourrions ne pas le voter ou nous
abstenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel.
Qu'elle est belle, la voix du maire de Dourgne !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui est soumis aujourd'hui au Sénat traite d'un sujet qui nous mobilise
tous, au-delà de nos sensibilités politiques, puisqu'il concerne l'emploi des
jeunes et, par là même, leur intégration dans la société.
Certes, c'est un dispositif spectaculaire - d'autant qu'il a été très
médiatisé - qui suscite beaucoup d'espoir auprès des jeunes et de leurs
familles. Si la démarche est louable dans ses objectifs, madame la ministre,
elle me paraît plus critiquable dans la façon d'y parvenir. Ce nouveau
dispositif vient s'ajouter à tous ceux qui existent déjà, rendant leur
lisibilité, leur coordination et leur exploitation de plus en plus complexes.
Ils constituent des mesures palliatives, sans s'attaquer aux causes réelles du
mal.
J'aurais préféré qu'un projet de loi sur l'emploi traite les problèmes du
chômage non pas par classe d'âge - cela a déjà montré ses limites, même si les
jeunes de moins de vingt-cinq ans sont les plus touchés - mais de façon plus
globale, notamment en s'appuyant sur le secteur privé, en poursuivant la baisse
des charges sur les bas salaires et en utilisant mieux les dépenses passives
liées à l'indemnisation du chômage.
Vous souhaitez, madame le ministre, répondre à un problème structurel de notre
société par une loi dont la portée est limitée, mais qui ne pourra, je le
crains, régler le douloureux problème du chômage des jeunes. En outre, elle
risque d'avoir, à plus ou moins long terme, des effets pervers clairement et
objectivement évoqués par notre excellent rapporteur et par un certain nombre
de mes collègues : pérennité du financement du dispositif par l'Etat ;
pérennité des emplois au-delà des cinq années, sans laquelle la désillusion
serait forte - mais quel sera alors le coût pour les collectivités et les
employeurs ? Comment éviter le risque d'une augmentation de la pression fiscale
? Quelle pertinence peut avoir une cohabitation entre emploi à contrat privé et
secteur public et parapublic ? N'y a-t-il pas décalage entre la nature de
l'emploi proposé et la qualification du jeune ?
Le Sénat se doit donc d'apporter à votre projet de loi, madame le ministre,
des amendements significatifs - faisons-lui confiance - pour le rendre plus
réaliste et le mettre davantage en mesure d'apporter des réponses mieux
adaptées au monde économique qui nous entoure.
Il me semble que, dans une économie efficace, la satisfaction des besoins est
un but et la création d'emplois un moyen. En voulant, comme vous le préconisez,
prendre pour objectif la signature d'un nombre donné de contrats « jeunes » et
pour moyen la satisfaction des aspirations des Français, on aborde, me
semble-t-il, le problème à l'envers. Aurons-nous, au-delà des moyens,
l'imagination assez fertile pour créer autant d'emplois innovants et solvables
?
Sinon, le risque est alors grand de sombrer dans le travers désastreux dans
lequel vous ne souhaitez pas tomber, à savoir concurrencer le secteur privé en
détruisant des emplois qui entreraient en concurrence directe avec ceux qui
sont subventionnés et qui coûteront moins cher à l'employeur. Ne croyez-vous
pas porter également un rude coup à des services bénévoles qui existent déjà et
qui sont source de lien social fort et désintéressé ?
De plus, dans certains secteurs, le nombre de candidats sera très largement
supérieur aux capacités offertes ; aussi la pression sur les élus que nous
sommes sera-t-elle très lourde. Il faudra donc bien trouver des critères
objectifs à la désignation finale des bénéficiaires pour éviter, par exemple,
le clientélisme. J'aimerais avoir des précisions à ce sujet, madame la
ministre.
Je souhaite, pour ma part, que profitent en priorité des emplois-jeunes, ceux
qui sont le moins formés, car ceux dont les capacités et la formation sont
meilleurs pourront s'orienter vers des carrières professionnelles en
entreprise.
Ainsi, les emplois-jeunes permettraient aux moins qualifiés, à ceux qui ont le
moins de chance de trouver une solution, d'accéder à un premier emploi leur
procurant une expérience professionnelle qui leur manquait tant, mais aussi une
chance d'apprentissage du travail, de ses horaires, de ses contraintes, de la
considération qui en découle et de son utilité sociale.
Les bénéficiaires des emplois-jeunes devraient pouvoir suivre des formations
spécifiques et qualifiantes.
Par ailleurs, la gestion au plus près du terrain de ces emplois permettrait
sans doute aux régions d'organiser des formations adaptées. Ce devrait être
l'occasion de qualifier les emplois, d'établir des grilles de compétence
débouchant sur un diplôme et une homologation.
Pour pallier l'inexpérience du jeune et la spécificité de certains emplois, ne
faudrait-il pas favoriser l'encadrement du jeune par un tuteur référant, et
définir les modalités du financement de ce tutorat ?
Madame le ministre, le Premier ministre et vous-même avez annoncé la création
de 700 000 emplois-jeunes : 350 000 dans le secteur public - texte qui nous
occupe aujourd'hui - et 350 000 dans le secteur privé.
Au moment où la Conférence sur les salaires va s'ouvrir, quelles informations
pouvez-vous nous apporter sur la seconde partie du dispositif ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte qui
nous est soumis aujourd'hui tente de répondre à l'un des problèmes majeurs de
notre société : le chômage des jeunes. Ce problème est d'autant plus grave
qu'il interdit toute erreur de notre part. Or ce projet de loi, qui affiche
d'excellentes intentions et qui suscite un engouement bien compréhensible, ne
doit pas nous tromper.
En effet, il comporte, dans son principe même, de graves effets pervers. En
premier lieu, comment pourra-t-on vérifier que ces emplois correspondent bien à
des « besoins émergents » ou « non satisfaits », comme l'exige votre texte ? En
second lieu, ces métiers ne viendront-ils pas en concurrence avec des métiers
du secteur marchand ?
M. Serge Franchis.
Très bien !
M. André Jourdain.
Nous pourrions multiplier les exemples.
Il est bien évident que les collectivités et les associations seront tentées
de faire accomplir aux jeunes embauchés des missions qui existent déjà et pour
lesquelles elles manquent de personnel, d'autant que le contrôle sur le terrain
sera très difficile à effectuer.
Par ailleurs, si l'on peut s'interroger sur le bien-fondé de ces nouveaux
métiers, une question plus grave encore doit être posée : quel sera l'avenir de
ces jeunes au terme des cinq années ?
Pour certains d'entre eux, on imagine déjà une titularisation avec un statut
ambigu dans la fonction publique. Pour d'autres, on ne voit pas comment le
secteur marchand pourrait prendre à sa charge des emplois qui ne relèvent pas
du secteur privé et dont on ignore s'ils correspondent réellement à des
besoins.
En outre, ce texte ne prévoit pas d'obligation de formation. Or certains de
ces emplois, comme le soutien scolaire ou la médiation pénale, seront
nécessairement occupés par les jeunes les plus diplômés. Cela entraînera deux
conséquences négatives : d'une part, la dévalorisation des diplômés payés au
SMIC et, d'autre part, l'absence d'insertion pour les jeunes non qualifiés qui
seront ainsi condamnés aux « petits boulots ».
Ce dispositif va donc créer une jeunesse à deux vitesses, puisqu'il met en
concurrence, pour un même emploi, des jeunes diplômés et des jeunes non
qualifiés. Les moins employables d'entre eux, c'est-à-dire ceux qui sont en
grande difficulté, n'auront pas accès à ce dispositif. Ils iront vers des CES
qui n'offrent pas les mêmes avantages puisqu'ils sont moins rémunérés et durent
deux ans au maximum. Il y a là, me semble-t-il, une profonde injustice.
Par ailleurs, en l'absence de formation véritable, la plupart d'entre eux ne
bénéficieront toujours pas, au terme des cinq ans, d'une qualification ou de
l'apprentissage d'un métier qui existe dans le secteur marchand.
En dépit de vos déclarations, madame le ministre, ce texte constitue bel et
bien un énième plan de traitement social du chômage, dont nous connaissons par
avance les conséquences. Différentes études menées par la Direction de
l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, la DARES,
montrent, en effet, que ce type de dispositif détruit inévitablement des
emplois dans le secteur marchand. Ces études sont d'ailleurs immédiatement
confirmées par les faits, puisque le coût de votre projet entraîne des
réduction de crédits pour l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile,
ainsi que dans le domaine de la défense, et donc des réductions d'emplois.
Votre plan crée ainsi de faux emplois pour en détruire de réels.
En résumé, je crains que ce texte n'enferme les jeunes dans un statut
arbitraire et totalement déconnecté de la vie économique du pays. De plus, en
leur évitant la mise en concurrence avec les adultes, on risque de fausser leur
trajectoire individuelle.
Pour ces raisons, votre projet de loi, dans sa forme actuelle, serait à
rejeter. Cependant, l'espoir qu'il suscite est important et il vaut mieux,
selon moi, l'améliorer sensiblement. Vous avez d'ailleurs déclaré devant la
commission des affaires sociales qu'il faut tout faire pour que les jeunes
puissent ensuite accéder au secteur marchand. La majorité de la commission vous
a entendue et notre excellent rapporteur, M. Louis Souvet, a modifié le texte
en ce sens.
Pour ma part, j'estime que les seuls emplois véritables sont ceux qui sont
créés par l'entreprise. Il me paraît donc indispensable d'ouvrir le dispositif
aux activités associatives liées à l'économie. Celles-ci constituent, en effet,
un moyen pertinent d'accéder au secteur marchand.
Notre objectif, vous l'aurez compris, est de créer une passerelle vers de
véritables emplois, ce que votre texte ne permet pas en l'état. De plus,
s'ajoutant à une éventuelle réduction du temps de travail, votre dispositif
dévoile le fond de votre pensée : à l'inverse de ce qui se passe chez nos
partenaires occidentaux, vous ne croyez plus à la croissance. En imposant aux
jeunes d'entrer dans des placards pour cinq ans, en voulant réduire la durée du
temps de travail, vous montrez une conception pessimiste de l'économie, donc de
l'emploi, conception qui hypothèque gravement l'avenir de notre pays.
Mme Joëlle Dusseau.
On est un des pays qui travaille le plus !
M. André Jourdain.
En conséquence, si ce texte n'est pas considérablement amélioré, je le
rejetterai. En effet, il constitue en son état actuel un danger pour la nation,
et en particulier pour sa jeunesse.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, certains
d'entre vous se souviennent sans doute des réticences, pour ne pas parler
d'hostilité, de nos collègues de la majorité sénatoriale lorsque, en 1981, le
Premier ministre de l'époque, M. Pierre Mauroy, avait proposé au Parlement de
voter un certain nombre de mesures d'avancée sociale telles que la retraite à
soixante ans ou la cinquième semaine de congés payés.
Nous allions, selon eux, rendre la France exsangue. La catastrophe annoncée ne
s'étant pas produite, ces mesures n'ont, depuis, jamais été remises en cause et
chacun se plaît à reconnaître leur bien-fondé.
Aujourd'hui, avec le projet de loi relatif au développement de l'emploi des
jeunes, j'ai le sentiment de revivre le même scénario en constatant le peu
d'enthousiasme de nos collègues de la majorité sénatoriale face au texte qui
nous est proposé.
L'analyse du présent vient ainsi confirmer celle du passé et l'on voit bien
apparaître toute la différence qui peut exister entre conservatisme et
immobilisme, d'une part, progrès et mouvement, d'autre part.
Je me réjouis, pour ma part, d'être une fois de plus dans le camp du
progrès.
Il faut reconnaître que, pour la majorité sénatoriale, le choix est délicat.
D'ailleurs, elle a du mal à cacher son embarras.
Soit elle rejette le texte en bloc et prend ainsi le risque de heurter
l'opinion publique, et plus particulièrement la jeunesse qui, de toute
évidence, adhère à la démarche du Gouvernement ; soit elle adopte le texte et
participe à la réussite d'un Gouvernement qu'elle combat, ce qui n'est pas,
a priori,
l'objectif d'une opposition.
Il ne lui reste donc que la voie intermédiaire, celle qu'elle a finalement
adoptée et qui consiste à amender le texte de manière à justifier son vote
négatif.
Si certaines des modifications qui nous sont proposées peuvent recevoir notre
adhésion, d'autres, en revanche, sont de nature à modifier l'esprit même du
texte, et cela nous ne pouvons l'accepter.
D'une manière générale, à trop vouloir amender le projet de loi, en
multipliant les contraintes, en le corsetant, le risque est grand de le rendre
inapplicable ou inefficace et de créer une grande désillusion chez nos jeunes
concitoyens.
Je souhaite, personnellement, que cette loi conserve une relative souplesse
afin de répondre au mieux aux objectifs fixés, à savoir combattre le chômage et
redonner espoir à la jeunesse.
Cette loi novatrice, audacieuse, va engager un processus d'expérimentation
sans précédent à l'échelle du pays, et bien malin est celui qui peut, à
l'instant présent, en cerner toute la portée. Elle va libérer l'initiative,
faire éclore les projets.
Je fais pleinement confiance aux jeunes qui sauront, ayant retrouvé l'espoir
et une fois engagés dans le processus, inventer les formules pérennisant
l'emploi dans lequel ils se seront investis.
La nécessité de ne pas créer trop de carcans dès le départ a été parfaitement
comprise.
En effet, l'article 3 du projet de loi stipule que, avant le 31 décembre 1998,
le Gouvernement présentera au Parlement un bilan de l'application de la loi et
de ses effets sur l'emploi.
Notre devoir sera, à ce moment-là, de tirer toutes les conclusions de
l'expérience vécue et d'apporter, le cas échéant, les modifications qui
s'imposeront.
Mais, de grâce, ne bloquons pas dès le départ un processus si important pour
l'avenir de notre pays et de notre jeunesse.
Vous l'aurez compris, madame le ministre, mes chers collègues, je suis
favorable à ce projet de loi, et je me réjouis que le Gouvernement confirme
ainsi sa farouche détermination à combattre le fléau du chômage.
Je ne reviendrai pas sur les différents aspects du projet de loi. Ce dernier,
je crois, est suffisamment clair, tant dans son objectif que dans les moyens
pour l'atteindre.
Cependant, je voudrais vous faire part d'une préoccupation.
L'Assemblée nationale a souhaité étendre l'accès à ces nouveaux emplois aux
jeunes bénéficiaires d'un contrat emploi-solidarité, d'un contrat emploi
consolidé ou d'un emploi-ville ; vous-même, madame le ministre, avez souhaité
étendre le dispositif aux jeunes qui sont en apprentissage.
Je comprends parfaitement le souci qui est le vôtre et celui des députés de
préserver un maximum d'équité entre les différentes catégories de contrats. Je
sais que ce souci est partagé par de nombreux sénateurs, notamment par notre
collègue rapporteur de la commission des affaires sociales.
Cependant, je crains que cette disposition ne soit préjudiciable au
développement des contrats en alternance, plus particulièrement à
l'apprentissage. Si les emplois-jeunes apparaissent comme plus attractifs
financièrement que les contrats d'apprentissage, ne court-on pas le risque de
voir les jeunes délaisser les seconds au profit des premiers ?
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Eh bien oui !
M. Gérard Roujas.
Or, l'apprentissage est, à mon sens, l'un des outils de la lutte contre le
chômage, et il doit le rester.
Je souhaite que, au sein de la politique générale du Gouvernement en faveur de
l'emploi, vienne s'ajouter, aux côtés tant des mesures en vue de la relance de
la consommation et de la présente loi que des mesures qui seront proposées
demain en faveur de l'emploi des jeunes dans le secteur privé, un volet en
faveur de l'apprentissage, rendant celui-ci plus attractif pour les jeunes qui
choisissent cette voie.
Cela dit, je souhaite à votre loi, madame le ministre, tout le succès qu'elle
mérite, et je reste persuadé que la cueillette des fruits dépassera la promesse
des fleurs, pour peu que nous tous, qui sommes aussi, pour la plupart, des élus
locaux, nous relayions sur le terrain la politique volontariste que vous avez
voulu impulser avec ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi, fondé sur la situation très préoccupante de l'emploi des jeunes, s'appuie,
qu'on le veuille ou non, sur la logique d'un dispositif existant et sur une
volonté forte d'en multiplier les effets.
Les mesures antérieures qui, depuis l'invention des TUC, concourent à activer
les charges passives du chômage sont, à bon escient, maintenues.
Par votre projet de loi, madame la ministre, vous avez l'ambition d'offrir une
activité de service au plus grand nombre de jeunes sans emploi. Vous vous
adressez à un large public, allant jusqu'à celles et ceux qui ont bénéficié
d'un enseignement supérieur.
Une réelle priorité à l'emploi est affirmée. Nous ne pouvons indéfiniment
proclamer que l'emploi est la priorité des priorités et ne pas inciter les
entreprises, les administrations et les partenaires sociaux à un changement
radical de comportement.
Cela dit, l'analyse très objective qu'a faite ce matin M. Louis Souvet,
rapporteur, nous met en garde à l'égard de maintes dispositions de ce texte.
Très brièvement, je voudrais insister sur quelques points.
Premièrement, certains emplois qui seront pourvus le seront au détriment de
personnes entrant actuellement dans le champ de recrutement de ces activités et
âgées de plus de vingt-six ou trente ans.
En effet, les besoins dits « émergents » sont, ici ou là, déjà couverts, au
moins partiellement, en fonction d'initiatives prises de longue date soit par
des associations, soit par des collectivités locales. Les vingt-deux métiers
recensés ne sont pas tous de nouveaux métiers. Bien évidemment, les
dispositions proposées permettront d'en développer la pratique, quitte à
alléger la tâche des services traditionnels.
Nous l'observons pour les contrats emploi-solidarité, les contrats
emploi-consolidé ou les emplois de ville : les employeurs font, par ce biais,
l'économie de quelques postes statutaires. Une fonction publique
bis
est
en train de naître.
Deuxièmement, il est opportun de s'interroger sur le taux probable de
transfert au secteur marchand de ces missions confiées au service public. A
défaut d'une dégressivité de l'aide de l'Etat, on ne voit guère comment une
contribution suffisante des usagers pourrait être obtenue au terme d'une
période de cinq ans.
Les collectivités territoriales manifestent à ce sujet leurs inquiétudes. A la
sortie du dispositif, elles seront, de fait, placées devant l'obligation morale
de prendre en charge de nombreux services dont elles n'auront pas la capacité
d'assurer le financement.
Troisièmement, nous devons prendre conscience du fait que l'annonce d'un
recrutement massif de 350 000 jeunes est perçue par les bénéficiaires
potentiels comme l'ouverture d'un droit. Un sentiment d'injustice sera ressenti
d'autant plus cruellement par celles et ceux qui ne trouveront pas leur place,
au moins dans l'immédiat, dans le dispositif qu'ils appartiendront à la
catégorie des personnes les moins qualifiées.
La logique du système consisterait à écarter tout quota, toute limite d'âge et
à transformer en dépenses actives toutes les charges passives du chômage.
De là vient notre impatience - c'est mon quatrième point - de voir ce projet
de loi s'articuler dans un dispositif plus large qui puisse l'équilibrer et le
compléter.
S'agissant du temps de travail, l'Etat incite à sa réduction dans les
entreprises. La loi Robien est déjà une référence. Les perspectives d'un
passage à trente-cinq heures de travail hebdomadaire seront abordées lors de la
conférence sur l'emploi, le 10 octobre.
Mais qu'en sera-t-il pour la fonction publique ? Rien ne justifie que, pour
ses propres agents, l'Etat se tienne à l'écart de la politique qu'il tend à
promouvoir auprès des employeurs privés. Bien au contraire, la fonction
publique devrait permettre d'entreprendre les expériences les plus hardies,
susceptibles d'instituer une semaine de quatre jours. Le partage des emplois de
la fonction publique de l'Etat, des collectivités territoriales et des
établissement hospitaliers pourrait s'appliquer, au moins pour les nouveaux
recrutements, sans soulever de problèmes d'ordre budgétaire.
Je me félicite de l'adoption, par la commission des affaires sociales,
d'amendements très pertinents visant à favoriser le passage progressif des
emplois créés vers le secteur marchand, à permettre l'encadrement des activités
nouvelles en s'ouvrant à d'autres catégories de personnes exclues du marché du
travail et à encourager le recours à l'apprentissage.
Ces amendements respectent l'esprit du texte ; ils ne le dénaturent pas, ils
lui apportent plus de clarté, plus de souplesse, plus de réalisme.
L'application de cette loi restera cependant difficile. Elle nécessitera une
adhésion morale des partenaires de terrain que sont les élus locaux, les
organismes d'HLM, le monde associatif et les entreprises.
Sur ces travées, beaucoup souhaitent offrir une chance de succès à votre
projet de loi ainsi remanié, madame la ministre, tout en appelant de leurs
voeux l'intervention d'autres mesures qui puissent mieux embrasser la situation
tragique de l'ensemble des chômeurs, dont les chefs de famille et les chômeurs
de longue durée âgés de plus de trente ans, des mesures qui permettent que, là
où se créent les richesses et où se rendent les services, au sein de
l'entreprise, chacun puisse trouver sa place dans la dignité et avec la
considération qui lui est due.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le temps qui
m'est imparti étant extrêmement limité, je me bornerai, ne voulant pas priver
notre excellente collègue Mme Michaux-Chevry de son temps de parole, à soulever
ici très rapidement un point technique qui me paraît avoir été occulté jusqu'à
présent et qui me semble receler une menace majeure, dont les conséquences
financières, aussi bien pour l'Etat que pour les collectivités territoriales et
les établissements publics, pourraient se chiffrer à plusieurs milliards de
francs.
Le projet de loi dispose que les contrats emplois-jeunes sont des contrats de
travail de droit privé. Sans doute ne suffit-il pas de l'écrire sous cette
forme pour que le risque chômage puisse être couvert.
Si l'employé relève du droit privé, il n'en est pas de même, en l'occurrence,
de l'employeur. En effet, l'Etat n'est pas affilié à l'UNEDIC. Les
collectivités territoriales peuvent l'être sous réserve qu'elles le soient pour
l'intégralité des agents non stagiaires ou titulaires de la fonction publique
territoriale. En fait, celles qui le sont sont rarissimes, et elles emploient
d'ores et déjà de nombreux agents contractuels, auxiliaires ou vacataires.
Pour ces agents, qui ne sont pas affiliés à l'assurance-chômage, c'est la
collectivité qui supporte les charges liées à la perte d'emploi lorsque
celle-ci se produit, sans que l'UNEDIC intervienne de quelque façon que ce
soit.
C'est tellement vrai qu'il a fallu des dispositions dérogatoires pour que les
personnes engagées au titre des contrats emploi-solidarité puissent être
couvertes contre le risque chômage, et ce à un taux et à des conditions
spécifiques, différentes de celles du droit commun.
Il aura fallu six mois de négociations difficiles avec l'UNEDIC pour que ce
régime dérogatoire soit étendu aux contrats emplois de ville, et des
difficultés de même nature se sont posées lorsque les collectivités ont eu
accès à l'apprentissage.
C'est dire qu'aujourd'hui, dans l'état actuel du texte, nous sommes fondés à
penser que, comme pour leurs autres agents contractuels, l'Etat et les
collectivités territoriales auront à supporter les charges liées à la perte
d'emploi des jeunes qu'ils engageraient au titre du dispositif proposé. Le coût
en serait considérable.
Le coût de cette indemnisation est de l'ordre de 18 000 francs après quatre
mois d'emploi, de 30 000 francs après six mois, de 55 000 francs après un an et
de 110 000 francs après cinq ans.
Il s'agit là, me semble-t-il, d'un point capital qu'il convient de préciser
sans aucune ambiguïté avant que l'on n'incite les employeurs publics à
s'engager dans le dispositif proposé par le présent projet de loi. C'est vrai
pour ce qui concerne aussi bien l'Etat que les collectivités territoriales et
les établissements publics.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, compte tenu du
temps de parole qui me reste, je ne peux que souligner l'intérêt tout
particulier du projet de loi qui nous est présenté pour les départements
d'outre-mer.
Chez nous, bien plus encore qu'ici, la seule annonce de ces mesures a suffi à
faire renaître l'espoir dans les rangs d'une jeunesse en proie, hélas ! depuis
trop longtemps, à un balancement inquiétant entre découragement et révolte.
Ai-je en effet besoin de vous rappeler l'acuité du problème de l'emploi aux
Antilles, en Guyane, ou à la Réunion ?
Certes, l'ampleur du phénomène est telle que l'on ne peut raisonnablement
prétendre tenter de l'endiguer grâce au seul dispositif contenu dans le projet
de loi actuel.
Nos jeunes en ont parfaitement conscience. Ils savent que les choses ne
changeront radicalement pour eux qu'une fois que l'on se sera attaqué au
mauvais développement qui sévit depuis si longtemps dans les départements
d'outre-mer, qu'une fois que l'on aura enfin mis en oeuvre un véritable plan
global de développement.
Mais ils ressentent mieux que personne l'urgence qu'il y a à démontrer par un
signal fort qu'il existe une réelle volonté politique de renverser le cours des
choses.
C'est précisément, et fort heureusement, ce qu'a compris le Gouvernement. Le
dispositif emploi-jeunes, tel que vous l'avez conçu, madame le ministre, est un
signal très fort à destination de la jeunesse qui prend, outre-mer, une
résonnance toute particulière.
Il tranche avec tout ce qui a été fait jusqu'ici, singulièrement avec le
fameux dispositif des contrats d'insertion par l'activité mis en place par la
loi Perben.
L'objectif qui avait été mis en avant alors était de privilégier, parmi les
différents modes d'insertion des RMistes d'outre-mer, ceux qui permettaient
l'accomplissement de tâches d'utilité sociale.
Objectif fort louable, mais en réalité vite contrecarré par l'invraisemblable
système des agences départementales d'insertion, les ADI, imaginé par quelques
technocrates parisiens obstinément sourds aux mises en garde des élus
locaux.
Etablissements publics nationaux placés sous la double tutelle des ministères
du budget et de l'outre-mer, ces ADI ont évidemment le plus grand mal à assumer
la tâche d'employeur de CIA qui leur a été assigné.
Elle se révèlent, en réalité, beaucoup plus efficaces dans la collecte des
crédits d'insertion que les conseils généraux sont obligés de leur verser que
dans la réalisation de leur mission première d'insertion.
C'est ainsi, pour ne prendre que le cas de la Martinique, que l'ADI locale a
terminé son exercice avec un compte administratif qui accusait un excédent de
trésorerie de plus de 122 millions de francs !
Il est donc évidemment urgent de réformer ces agences d'insertion.
Cette situation permet de comprendre une demande exprimée, comme vous le
savez, par de très nombreux élus, à savoir que le conseil général devant faire
un effort très important dans le dispositif que vous présentez, il faudrait
qu'il ait la possibilité d'imputer sur ces crédits une partie de sa
contribution. Compte tenu des sommes très importantes inutilisées dans les ADI,
cette demande est tout à fait raisonnable.
Chez nous, madame le ministre, plus certainement qu'ailleurs, le succès de ce
grand projet que vous nous présentez et qui répond à un besoin évident sera
pour une bonne part conditionné par la capacité du texte qui sortira de nos
débats à s'adapter au mieux aux réalités locales.
Les acteurs locaux sont en tout cas prêts à s'engager et ils ont déjà fait
part de nombreuses réflexions et présenté de nombreuses propositions en matière
d'emploi dans le cadre de ce dispositif.
Une telle mobilisation augure bien, je crois, de ce qui va se passer bientôt
sur le terrain, là où rien ne devra être négligé pour répondre efficacement à
une attente qu'il ne peut être question de décevoir : l'attente de ces jeunes,
beaucoup trop nombreux, qui ont un urgent besoin de reprendre confiance en
eux-même et en l'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen)
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'ouverture
d'un débat sur l'emploi est de nature à retenir l'attention de l'ensemble de la
représentation parlementaire.
Proposer des emplois, développer l'activité sur une durée de cinq années ne
pouvait aussi que retenir l'attention de l'ensemble des parlementaires.
Mais, si l'on examine la liste des emplois retenus par le Gouvernement, on est
étonné. En matière d'environnement, vous proposez ainsi à la jeunesse, madame
le ministre, d'aller sur les plages ou au bord des rivières ramasser de
l'herbe. Une société moderne, celle qui va aborder l'an 2000, devrait
s'intéresser plutôt aux technologies innovantes - éoliennes, énergie solaire -
et à la prévention des catastrophes naturelles ! Voilà qui aurait stimulé notre
jeunesse si ces projets d'emplois avaient été accompagnés des formations
adéquates...
L'espace aérien, l'espace maritime, les satellites de communication sont des
domaines que vous avez oubliés ! Vous vous cantonnez dans le petit cadre
d'Internet et d'Intranet, sans tenir compte des autoroutes de communication où
la France pourrait être présente...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela, c'est vrai !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
...puisqu'elle est la puissance maritime la plus importante en Europe.
Et je pourrais multiplier les exemples en citant la coopération, les
opérations et les interventions humanitaires, notamment vers l'île d'Haïti ou
vers l'Afrique, où notre jeunesse a besoin de montrer sa générosité.
Vous êtes en train de geler notre jeunesse dans des secteurs qui ne sont pas
valorisants. Vous perdez de vue le fait qu'elle a besoin de s'épanouir et vous
l'hypothéquez sur des emplois de fonctionnaires aspirants.
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
indépendants.)
Pour notre part, dans les départements d'outre-mer, nous n'avons pas
attendu ce projet de loi. Nous avons signé avec le secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, M. Queyranne, un plan régional pour l'emploi, dans lequel nous
prenons précisément en compte ces secteurs valorisants pour stimuler la
jeunesse de l'outre-mer.
Je regrette, madame le ministre, que vous ayez complètement oublié
l'outre-mer. Aux termes de votre article 2
bis
- et je reprends ici les
propos de notre collègue M. Lise - ce sont les technocrates qui seront appelés
à décider de notre avenir puisque vous y écrivez que la loi ne sera mise en
oeuvre que par décret. Ce que je dis en ce moment ne sert donc à rien, puisque
ce seront les technocrates qui vont décider de l'avenir de l'outre-mer !
Vous semblez être très pressée pour la France hexagonale, où le problème de
l'emploi se pose pourtant avec une acuité moindre que chez nous. En outre-mer,
où vos projets ont créé un immense espoir, c'est déjà la révolution, notamment
à la Réunion, où les mairies sont envahies.
Pour la Guadeloupe, c'est la déception, puisque le recteur a déjà annoncé
l'arrivée de fonctionnaires dans les écoles et dans les collèges, mais pas dans
les lycées. La collectivité régionale que je préside, et qui compte vingt-neuf
lycées, est donc très pénalisée.
Je suis persuadée que, si vous aviez eu la volonté de régler réellement ce
problème outre-mer, vous auriez pris le temps de respecter le décret du 15
avril 1960, repris par la loi de 1982 : ce texte vous oblige, madame le
ministre, à consulter les collectivités territoriales que nous sommes avant de
voter un texte dont les dispositions sont applicables dans les départements
d'outre-mer.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Vous n'innovez pas, vous n'apportez pas d'élément nouveau. Pourtant,
j'espérais. Oui, vraiment, j'espérais ! En apprenant que vous aviez créé une
fondation très importante, « Agir contre l'emploi »...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Agir « pour » l'emploi !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
... ou « Agir contre l'exclusion », j'étais vraiment convaincue que vous
alliez apporter des éléments novateurs.
Force est de constater que nous en sommes restés aux petits boulots, aux
personnels de tri, aux agents dont la fonction est de faire la lecture aux
personnes âgées...
Ce n'est pas avec de tels projets que la France va préparer la jeunesse de
dix-huit à vingt-cinq ans à l'ouverture de l'an 2000 !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle.
C'est le bon sens qui a parlé !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais tout d'abord remercier la
commission des affaires sociales, son président et son rapporteur, à la fois
pour le travail qu'ils ont réalisé et pour la modération de leurs propos à
l'occasion de l'examen d'un texte qui, effectivement, se veut innovant.
Lorsqu'on a échoué sur le chômage, comme nous l'avons tous fait ces dernières
années, on doit avoir un peu de modestie, et ce sur toutes les travées.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
C'est le cas aussi à la Guadeloupe, et j'en parlerai à Mme Michaux-Chevry tout
à l'heure.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Ah oui, vous me répondrez !
(Sourires)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui, nous en parlerons.
Nous sommes confrontés à des sujets difficiles, sur lesquels un grand nombre
de nos concitoyens attendent beaucoup de nous. Les propos idéologiques ou
dogmatiques,
a fortiori
les insultes du type « fée Carabosse » n'ont pas
leur place dans un lieu comme celui-ci ! Nous sommes ici pour trouver des
solutions, pour essayer ensemble de les construire. Et nous savons bien que
nous n'apporterons pas l'ensemble des réponses aux questions qui se posent car,
si cela était possible, il y a longtemps que le problème du chômage aurait été
réglé dans notre pays !
Je reprendrai, en essayant de les regrouper, les questions qui ont été posées,
et je répondrai en premier lieu au président de la commission, M. Fourcade, et
à son rapporteur, M. Souvet.
Tout d'abord, permettez-moi quelques remarques générales.
Nous avons effectivement tous échoué, le chômage que nous connaissons le
montre abondamment ces temps-ci, et je dois reconnaître que ces dernières
années n'ont pas été les meilleures, puisque le taux de chômage de longue durée
n'a jamais été aussi élevé, ainsi d'ailleurs que celui qui concerne les
jeunes.
Certains nous ont dit que la réponse était dans le libéralisme. Mais on voit
effectivement ce qu'a donné le libéralisme de Mme Thatcher en Grande-Bretagne,
ce qu'y ont donné la réduction du SMIC, la suppression des services publics !
On constate aussi que les Anglais ont préféré aujourd'hui élire Tony Blair, qui
essaie de trouver une solution équilibrée entre l'Etat et le marché.
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est aussi ce que nous
recherchons, ici, en France, et c'est d'ailleurs, au-delà de nos rangs, ce qui
réunit beaucoup de ceux qui se sont battus pour trouver un modèle européen. Je
pense au général de Gaulle comme au président Mitterrand.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Emmanuel Hamel.
Ce n'est pas la même chose !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le libéralisme, aujourd'hui,
c'est la loi du plus fort, c'est la rentabilité à court terme, c'est
l'individualisme, c'est ce qui fait qu'aux Etats-Unis, aujourd'hui, 40 millions
de citoyens n'ont pas accès à la santé et que, malgré l'augmentation de 8
millions d'emplois dans les services - j'y reviendrai - le chômage est tout à
fait important tandis que les ghettos persistent.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Adrien Gouteyron.
Ce n'est pas notre modèle !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce n'est pas le modèle de tous,
mais certains l'ont cité !
Beaucoup d'entre vous ont évoqué la baisse des charges. Je rejoins, sur ce
point. l'intervention de l'un de vos collègues communistes, qui a dit avec
juste raison que nombre des aides qui ont été imaginées ces dernières années,
tant dans vos rangs que dans les nôtres, ont été ciblées et n'ont donné lieu à
aucune contrepartie de la part des entreprises.
En revanche, je fais partie de ceux qui pensent que le coût du travail est
trop élevé dans notre pays - je l'ai dit tout à l'heure - parce que les charges
sociales y sont trop assises sur les salaires, ce qui n'est le cas dans aucun
autre pays européen. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vient de
changer l'assiette des cotisations salariales de sécurité sociale et que,
l'année prochaine, il changera l'assiette des cotisations patronales pour taxer
moins les salaires, et donc moins gêner l'emploi. Par conséquent, sur la baisse
des charges, je crois que nous sommes d'accord.
Certains d'entre vous ont cité l'exemple des Pays-Bas, et je m'en réjouis. Je
voudrais simplement vous rappeler, à titre d'information, que, aujourd'hui, les
prélèvements obligatoires y sont de cinq points supérieurs à ce qu'ils sont en
France. Essayons donc de traiter les sujets en prenant en compte la totalité
des paramètres !
Si les Pays-Bas ont réussi, c'est d'abord parce qu'ils sont parvenus à réduire
la durée du travail sans porter atteinte à la compétitivité des entreprises. Et
c'est bien ce que nous espérons faire nous-mêmes, en ouvrant des négociations à
partir de la Conférence sur l'emploi.
Voilà ce que je souhaitais répondre à M. Gournac, et je suis prête à lui
fournir un certain nombre de documents sur l'exemple des Pays-Bas, que je
trouve moi aussi tout à fait intéressant, mais sans doute pas pour les mêmes
raisons.
Je crois moi aussi - et je réponds là à M. Grignon - que l'emploi doit venir
des entreprises, ce qui ne signifie pas que l'Etat doit attendre les bras
ballants. Mais, quand je vois comment les grandes entreprises travaillent
aujourd'hui avec leurs sous-traitants, quand je vois comment le secteur
bancaire, qui est largement privé, n'aide pas les petites et moyennes
entreprises à se développer, je me dis que l'Etat se doit d'accompagner les
PME, comme nous l'avons fait dans le projet de budget pour 1998, notamment en
leur donnant les capacités de se développer, par exemple par le
capital-risque.
Par conséquent, moi aussi, je suis pour l'esprit d'entreprise, je crois qu'il
faut aider les PME, mais je crois que l'Etat a aussi son rôle à jouer dans
certains cas : il n'y a pas d'un côté le diable qui serait l'Etat, et de
l'autre le dieu qui serait le marché. Il y a, dans nos modèles, un travail à
faire en commun entre l'Etat et les marchés. C'est cela, me semble-t-il, le
modèle européen !
Mme Michaux-Chevry nous a demandé de favoriser les nouvelles technologies. Je
suis d'accord, madame le sénateur ! Toutefois, vous avez sans doute constaté
que le Gouvernement avait pris, là aussi, des mesures pour aider les petites et
moyennes entreprises qui se lancent dans les nouvelles technologies !
Nous sommes en retard, certes, par rapport aux Etats-Unis et il faut aider les
entreprises
start up
qui se lancent sur le marché, mais nous avons pris
des dispositions fiscales dès 1998. Peut-être ne connaissez-vous pas encore le
contenu du projet de budget ? Il est en tout cas dommage que vos amis ne
l'aient pas fait ces dernières années.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Si, nous l'avons fait ! Vous êtes en retard !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Enfin, l'aide à l'émergence de
nouvelles activités a permis, notamment aux Etats-Unis - c'est la raison pour
laquelle je reviens sur cet exemple - de créer huit millions d'emplois ces
dernières années. Toutefois, ces huit millions d'emplois ont surtout profité
aux usagers, aux clients solvables, à ceux qui ont de l'argent, alors que nous
souhaitons aujourd'hui, en France - comme en Europe, d'ailleurs - faire
effectivement en sorte que soient satisfaits les besoins en matière de
sécurité, de qualité de vie, d'accès à la culture, d'accès aux loisirs pour le
plus grand nombre. C'est cela qui fait sans doute l'originalité de notre
modèle.
Je voulais le dire de manière extrêmement simple, je crois moi aussi à
l'entreprise - j'y ai travaillé - et à l'esprit d'initiative, mais je pense
aussi que l'Etat doit inciter les différents partenaires à entrer dans une
logique économique pour accentuer un modèle de développement qui nous permettra
de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de créer des emplois.
Certains de vous ont manifesté beaucoup de mépris pour la fonction publique et
les services publics. Je pense d'ailleurs que, lorsque nous parlerons de santé,
d'éducation ou de sécurité, les mêmes nous diront que nous manquons
d'infirmières, d'instituteurs ou de policiers !
Il faut que l'on cesse, dans ce pays, de traiter de manière désagréable la
fonction publique et les services publics...
M. Emmanuel Hamel.
Dites-le à M. Allègre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... tout en demandant toujours
plus de fonctionnaires dans ces domaines.
D'autres ont prétendu que les jeunes se mettraient à l'abri dans des cocons à
l'éducation nationale, que ceux qui, aujourd'hui, font la queue devant les
rectorats essaieraient de se « planquer » en quelque sorte.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Ecoutez, je reprends les termes qui ont été employés !
Cela reflète tout de même une totale méconnaissance du désespoir des jeunes
dans notre société à l'heure actuelle !
M. Alain Gournac.
On dirait que vous êtes les seuls à connaître la jeunesse !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, pas du tout, mais nous ne
nous permettons pas de tenir de tels propos sur les jeunes. Ces jeunes
apprécieront d'ailleurs, monsieur Gournac, puisque c'est vous qui avez employé
l'expression.
M. Alain Gournac.
Vous transformez ce que j'ai dit !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jourdain a dit qu'il croyait
à la croissance. Eh bien, nous aussi, et c'est précisément pour cela que nous
allons relancer la consommation que vous avez bridée ces dernières années,
messieurs, au point que la croissance de la France a été inférieure de 1 % à
1,5 % à celle des autres pays.
La vérité, c'est qu'il faut, aujourd'hui, pousser la croissance en favorisant
la consommation. Mais, nous le savons, la croissance seule n'est pas
suffisante. L'ensemble des experts réunis ces dernières semaines, ceux du
patronat comme ceux de l'administration, reconnaissent que, même avec une
croissance de 3 %, nous ne réduirons que très faiblement le chômage. Il faut
donc être innovant ; il ne suffit pas d'attendre les bras ballants.
Je dois dire que je n'ai pas entendu de proposition pour résoudre ce problème
du chômage.
M. Gournac a parlé de la rigidité du code du travail. Je suis bien placée pour
savoir que, dans bien des domaines, la durée du travail, les contrats à durée
déterminée et le travail temporaire, qui - il faut le dire - constituent
aujourd'hui 93 % des embauches, la suppression de l'autorisation administrative
de licenciement, le code du travail n'est plus aussi rigide que vous le dites.
La vérité, c'est qu'il y a encore très certainement des simplifications à
faire.
M. Alain Gournac.
C'est ce que j'ai dit !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est peut-être ce que vous
avez dit, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu, puisque vous avez notamment
parlé des salaires et d'un certain nombre d'avantages.
J'en arrive au projet lui-même.
Il ne s'agit pas, messieurs Plasait et Jourdain, de traitement social du
chômage, d'accompagnement des jeunes dans des emplois bouche-trous ou dans des
« petits boulots ». C'est une démarche économique qui vise à accélérer un
processus de passage vers une société de services comme, encore une fois, les
Etats-Unis, par exemple, l'ont fait pour des catégories particulières.
Il s'agit bien - M. Collin l'a indiqué - d'un investissement sur cinq ans,
donc d'un investissement long. D'ailleurs, pour les jeunes, aujourd'hui, cinq
ans, c'est l'éternité. Mais la plupart des salariés de notre pays sont-ils sûrs
d'être encore dans leur entreprise dans cinq ans ? Aussi, quand j'entends
parler de précarité, je ne comprends pas !
Et vous, qu'avez-vous fait pour les jeunes ? Pour les CIP, les jeunes ont
apprécié : ils sont descendus dans la rue pour manifester. Pour les contrats
emplois-jeunes, ils font la queue devant les rectorats ! Les jeunes ont donc
déjà répondu à vos propositions.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. André Jourdain.
L'avenir le dira !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il y a des risques. M. le
président Fourcade en a évoqué un certain nombre. Je ne les méconnais pas. Nous
allons essayer de les assumer, notamment en ne retenant que des projets qui ne
sont pas des projets publics, qui ne font pas concurrence au privé - sur ce
point, je le répète, nous sommes très clairs avec les préfets et l'ensemble des
élus - mais aussi des projets qui ont toute chance d'être pérennisés à
terme.
M. le président Fourcade a également eu raison de dire qu'il fallait que, dans
notre pays, on apprenne à financer un certain nombre de services. Un pays au
niveau de vie développé est un pays dans lequel les individus, les ménages,
financent sur leurs propres revenus un nombre croissant de services.
Il n'y a pas que les biens durables, il n'y a pas que les biens matériels.
Nous devrons financer directement et indirectement ces services, tout en ayant
l'idée, bien sûr, d'aider les plus défavorisés.
Ces services seront peut-être financés dès la première ou la deuxième année.
Pourquoi attendre cinq ans ? J'ai déjà donné l'exemple de Lille. Nous sommes
passés de 70 % d'aide à ces nouvelles activités il y a trois ans à 40 % en
moyenne aujourd'hui, et certains emplois sont même d'ores et déjà totalement
solvabilisés par les clients qui, tout simplement, paient le prix des
services.
Faisons preuve d'imagination, tout en étant extrêmement attentifs au départ et
très restrictifs dans le choix des projets, et je suis convaincue que la plus
grande part de ces projets réussiront.
Plusieurs intervenants, dont M. Huguet, ont posé le problème du montant des
aides financières. Moi-même, j'ai beaucoup hésité au départ, car il me semblait
qu'il était sans doute possible d'accorder une aide plus importante aux
communes les plus en difficulté, communes rurales mais aussi communes
déshéritées ou ayant des quartiers sensibles.
Mais l'ensemble des associations de maires que j'ai consultées - M. Delevoye,
ici présent, ne me contredira sans doute pas - m'ont dit préférer que l'aide
soit la même pour toutes les villes. De l'association des maires de France à
l'association des grandes villes, en passant par celles des villes moyennes,
des petites villes mais aussi des villes de banlieue, elles ont toutes souhaité
être traitées de la même manière.
En revanche, il est effectivement souhaitable - certains l'ont dit - que les
conseils généraux et les conseils régionaux qui souhaiteront abonder l'aide de
l'Etat le fassent peut-être prioritairement pour ces communes qui ont le plus
de difficultés à financer les 20 %.
D'ailleurs, je me réjouis de voir que, au-delà du conseil général du
Pas-de-Calais, nombre de conseils généraux avec lesquels nous discutons
aujourd'hui adoptent cette démarche et décident donc d'abonder les fonds pour
les communes rurales ou les communes en difficulté.
M. Grignon m'a demandé comment nous allions financer ces emplois-jeunes.
Cela mérite une mise au point. Vous avez dit que nous créions de plus en plus
d'emplois publics : ce ne sont pas des emplois publics. Vous avez dit que nous
prélevions de plus en plus d'impôts, que nous faisions de plus en plus de
dépenses publiques : je tiens à rappeler que, pour la première fois depuis
quinze ans, dans le budget de 1998, les dépenses publiques n'augmenteront pas
plus vite que l'inflation.
Eh bien, c'est au coeur de ces dépenses publiques que M. le Premier ministre a
souhaité que soit fixée une priorité, l'emploi, et chaque ministère a dû
effectivement réduire ses dépenses pour garantir la possibilité de financer
plusieurs programmes, le programme de réduction de la durée du travail mais
aussi ce programme emplois-jeunes !
J'ai pris ma part, dans mon budget, à cette réduction d'un certain nombre de
crédits pour pouvoir mettre en place ce programme, mais la plupart des
ministères ont également contribué à son financement.
De la même manière, monsieur Trégouët, M. le Premier ministre a entendu
répondre à une demande des maires, le président Delevoye en tête, qui était de
ne pas accroître la fiscalité des collectivités locales. Le message a été
entendu, et ce dans une année 1998 particulièrement difficile, vous le savez.
D'ailleurs, je crois que c'est le précédent Premier ministre qui estimait que
ce budget était impossible à faire ! Nous, nous l'avons fait, en gardant
l'objectif de 3 % qui était nécessaire pour réaliser la monnaie unique.
Et si nous l'avons fait dans ce budget difficile, je suis convaincue que nous
continuerons à le faire les quatre années suivantes, car il est effectivement
essentiel que les collectivités locales puissent s'engager sur le moyen terme
sans crainte de nouveaux prélèvements qui leur poseraient des problèmes.
M. Lise a posé la question de savoir si les conseils généraux pourraient, sur
les crédits d'insertion, aider au financement de ces emplois. L'Assemblée
nationale a voté un amendement qui permet effectivement, sous certaines
conditions, pendant un an, à condition de ne pas dépasser 15 % sur les 20 %,
d'abonder ces crédits dès lors qu'un jeune titulaire du RMI pourrait occuper
cet emploi-jeune. Nous seront sans doute amenés à en reparler dans la suite de
nos débats.
En ce qui concerne la forme des contrats, je veux d'abord rassurer celui
d'entre vous qui m'a interrogé sur leur requalification. Nous avons questionné
à la fois le Conseil d'Etat et de nombreux juristes. Il en ressort clairement
que les contrats sont requalifiés comme contrats publics à trois conditions :
s'ils sont financés majoritairement par la collectivité locale ; si la mission
tombe dans les missions, reconnues par la loi, de cette collectivité locale ;
si le personnel travaille sous l'autorité de fonctionnaires.
Aucune de ces trois conditions n'est remplie en l'occurrence pour ces
emplois-jeunes. Il n'y a pas donc aucun risque de requilification. Mais c'est
aussi pour éviter une pérénisation parallèle à la fonction publique
territoriale que nous avons souhaité des CDD de cinq ans pour les collectivités
locales.
Mme Bocandé a posé la question de savoir s'il ne serait pas utile de mettre en
place des tuteurs. Nous sommes là en présence de jeunes qui, certes, sont au
chômage, mais qui sont en pleine santé, si je puis dire, tant physique que
morale. Ils ont une qualification ou non, ils ont suivi une formation ou non,
mais ils sont avant tout prêts à travailler. Un encadrement classique, qui fait
bien son travail, devrait donc suffire pour permettre à des jeunes qui ne sont
ni en difficulté ni en insertion de travailler effectivement dans des
entreprises.
En règle générale, le contrat est un contrat à durée indéterminée ; nous
réservons les contrats à durée déterminée pour les collectivités locales.
MM. Fischer et Chérioux se sont demandé pourquoi on n'étendait pas le système
au secteur privé. Sur ce point, je veux être très claire. D'abord, ces contrats
à durée déterminée sont non pas des contrats d'un an renouvelables jusqu'à cinq
ans, mais des contrats de cinq ans qui peuvent être rompus tous les ans.
Je ne connais pas d'entreprise privée qui, aujourd'hui, souhaiterait avoir des
CDD de cinq ans, car si l'on rompt un tel contrat au bout de la deuxième année,
on doit payer les cinq ans.
A l'heure actuelle, la réglementation du travail - j'allais presque dire «
malheureusement » - est beaucoup plus souple que cela, et un contrat à durée
indéterminée offre beaucoup plus de possibilités de flexibilité et de souplesse
qu'un contrat à durée déterminée.
M. Fischer s'est interrogé sur le point de savoir - nous en reparlerons au
cours du débat - si le travail à temps partiel, qui était prévu de manière
dérogatoire, devait rester dans la loi. Personnellement, je partage son souci
de faire en sorte que la plupart de ces contrats, la quasi-totalité même,
soient des contrats à temps plein ; il s'agit de vrais métiers, de vrais
emplois.
Nous avons maintenu la disposition après que certaines communes rurales ont
fait valoir que, dans certains cas, il ne serait pas possible de proposer des
emplois à temps plein, même s'il s'agissait d'emplois partagés avec d'autres
communes, pour certains territoires. Cependant, nous avons souhaité marquer le
caractère dérogatoire de la mesure afin de bien montrer qu'il ne s'agit pas de
la règle générale.
J'en viens aux règles applicables.
M. Fischer l'a dit, c'est le code du travail qui s'applique. Cela signifie que
le SMIC est le minimum et que, lorsque les emplois correspondront à des
conventions collectives, ils seront payés au salaire de ces conventions
collectives.
A ce propos, la réponse à toutes les questions qu'a posées M. Michel Charasse,
pour savoir si s'appliquait le statut des collectivités locales est non, car il
s'agit, dans tous les cas, de contrats de droit privé qui relèvent du code du
travail.
M. Michel Charasse a également souhaité que la période d'essai soit fixée à
trois mois, l'Assemblée nationale l'ayant déjà fait passer d'un mois à deux
mois. Le code du travail prévoit une semaine pour les ouvriers et les employés,
et un mois pour les cadres. Avec une période d'essai de deux mois, nous sommes
déjà au-delà de la durée générale prévue dans le code du travail. Cela étant
dit, je m'en remets, sur ce point, à la sagesse de la Haute Assemblée.
Monsieur Mazars, en ce qui concerne les handicapés, le code du travail
s'applique. Le respect du quota prévu est donc, bien évidemment, une
obligation. Dans les circulaires d'application, nous insisterons auprès des
préfets pour que les handicapés ne soient pas oubliés.
Enfin, je souhaite répondre sur quelques points particuliers.
S'agissant de l'éducation nationale, MM. Gournac et Larcher - je peux
comprendre leur irritation - ont dit qu'il leur paraissait difficile que l'on
commence à employer des jeunes avant même le vote de la loi.
Je précise que les contrats qui sont signés actuellement ne le sont pas dans
le cadre de ce projet de loi ; ce sont des contrats à durée déterminée...
Un sénateur du RPR.
Des contrats hors-la-loi !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, ces contrats sont prévus
dans le statut de la fonction publique et payés par le ministère de l'éducation
nationale. Mais je reconnais qu'il n'a pas été dit clairement qu'ils
n'entraient pas dans le champ de la nouvelle loi. Ce n'est qu'après la
promulgation de cette dernière loi que ces jeunes passeront, bien évidemment,
sous le statut qui sera voté par le Parlement.
M. Moinard m'a demandé ce qu'il adviendrait de la loi Robien. J'ai toujours
dit - et je continue à le faire - qu'elle avait eu l'avantage de remettre la
durée du travail au coeur des négociations collectives et qu'elle avait
certainement quelques inconvénients, inconvénients que son auteur reconnaît
d'ailleurs lui-même, à savoir un coût important, trop important peut-être pour
la collectivité nationale, et des effets d'aubaine.
Nous essayons aujourd'hui de monter un système qui accompagnera les
négociations sur la durée du travail, qui visera à répondre aux critiques qui
ont été portées sur la loi Robien et qui remplacera cette dernière quand la
nouvelle loi sera votée. D'ici là, la loi Robien perdure et est d'ailleurs
appliquée par mes services.
M. Jean-Louis Lorrain m'a demandé à quel moment le texte sur l'exclusion
serait examiné par le Parlement. Nous avons souhaité, bien sûr, nous appuyer
sur le travail considérable réalisé précédemment, principalement par les
associations mais aussi par le Conseil économique et social et par les
commissions au Parlement, mais nous avons aussi souhaité compléter le projet
par des programmes spécifiques sur trois ans ou cinq ans avec l'ensemble des
ministères concernés - logement, santé, éducation, culture, notamment - et donc
mettre du contenu dans ce projet qui sera présenté au printemps.
Je réaffirme mon attachement à l'apprentissage. Mais, en l'espèce, nous sommes
dans une logique tout autre. Il s'agit de vrais emplois qui n'ont rien à voir
avec des contrats en alternance, apprentissage ou contrats de qualification.
Je souhaite que les jeunes non qualifiés continuent à suivre ces parcours,
apprentissage et contrat de qualification, qui peuvent leur donner une
formation moins théorique que celle qu'ils ont pu recevoir dans le cadre de
l'éducation nationale et qui les a souvent menés à l'échec. A mon avis, les
emplois-jeunes ne poseront aucun problème à l'apprentissage ou à la formation
en alternance.
J'en arrive à la situation dans les départements d'outre-mer.
Madame Michaux-Chevry, je comprends mal votre irritation. Si les gouvernements
qui nous ont précédés avaient vraiment voulu instaurer une priorité en faveur
des départements d'outre-mer, ces derniers ne connaîtraient pas le taux de
chômage qui est le leur actuellement. Nous n'aurions pas des hommes, des femmes
et peut-être et surtout des jeunes qui en ont assez d'être assistés et qui
considèrent que leur dignité passe d'abord par un véritable emploi et non par
l'assistance. Cela s'appelle le RMI !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Le RMI, c'est vous !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous l'avez largement utilisé !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
J'étais contre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous l'utilisez, quand même !
Vous tenez souvent un discours ici et un autre là-bas. Je suis certaine que
vous ferez de même avec les emplois-jeunes. J'en prends le pari !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Vous n'avez pas consulté l'outre-mer alors que vous avez consulté tout le
monde !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je tiens à vous dire que je
considère justement que ce projet de loi sur les emplois-jeunes...
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Vous n'avez pas consulté l'outre-mer !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Bien sûr que si !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Vous n'avez pas consulté l'outre-mer ; vous avez violé la loi de 1982.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai reçu hier matin dans mon
bureau, au ministère, le président du conseil général de la Réunion qui est
venu me voir, accompagné de députés, pour me demander - c'était la seconde
réunion - comment nous allions avancer ensemble. Début novembre, à la Réunion,
Jean-Marie Marx, qui fait partie de mon cabinet, accompagnera une mission pour
aider ce département d'outre-mer à mettre en place ces emplois. Je ne vous ai
pas reçue parce que vous ne me l'avez pas demandé.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Vous ne nous avez pas consultés...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais si, madame, beaucoup
d'autres sont venus !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
... comme le prévoit la loi de 1982 !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je puis vous dire aujourd'hui -
et c'est un démenti à vos propos - qu'une mission est déjà en place. Nous avons
travaillé avec le conseil général et des députés. Dès le début du mois de
novembre, trois ministres se rendront en même temps à la Réunion pour aider au
montage de ces projets.
M. Alain Vasselle.
Et aux Antilles ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les Antilles viendront après,
bien évidemment.
Pourquoi ce projet de loi est-il bon pour les départements d'outre-mer ? Parce
qu'il va faire émerger de nouvelles activités, de vrais emplois qui confèreront
une réelle dignité aux habitants de ces départements. Il permettra de faire
apparaître des métiers dont ils ont besoin, y compris pour valoriser leur
patrimoine culturel et touristique.
Après le mois de novembre, cette mission et le travail que nous réaliserons
avec les élus, je vous donne rendez-vous et nous verrons qui a raison en la
matière !
Je répète à MM. Vergès et Lise qu'effectivement j'ai proposé qu'un premier
montant de 300 millions de francs soit versé au FEDOM. Nous ferons un bilan dès
que ce crédit sera consommé. Je suis tout à fait prête à augmenter de nouveau
les crédits du FEDOM dès lors qu'il s'agira bien d'emplois pérennes et de vrais
métiers, qu'attendent les habitants des départements d'outre-mer.
Enfin, quelques questions m'ont été posées, s'agissant des emplois dans le
secteur privé.
M. Pelchat m'a demandé quand sera déposé un projet de loi concernant les
emplois-jeunes dans le secteur privé. Je ne peux répondre actuellement à cette
question. Je souhaite d'abord que les organisations patronales et syndicales se
saisissent de cette question - je crois qu'elles le feront - pour pouvoir à la
fois rechercher de nouveaux gisements dans ce secteur et étudier comment une
place plus grande peut être réservée aux jeunes, s'agissant de l'embauche comme
des formations en alternance. C'est seulement à la suite de ce travail des
partenaires sociaux que nous pourrons, s'ils le souhaitent, élaborer et
présenter un projet de loi au Parlement.
Le travail que nous effectuons pour rechercher des gisements d'emplois dans le
secteur privé correspond tout à fait à la logique que M. Chérioux a présentée
tout à l'heure en donnant des exemples très intéressants. Nous essayons de les
étudier comme nous le faisons actuellement pour un certain nombre de secteurs
d'activités.
J'en terminerai par la forme.
Mmes Dusseau et Dieulangard ainsi que M. Huguet sont intervenus pour souligner
l'importance de la souplesse et de la confiance que nous devons laisser aux
acteurs locaux. C'est tout l'esprit de ce texte. Je trouve paradoxal que ceux
qui demandent moins d'Etat, moins de centralisme veuillent des réponses toutes
faites dans la loi, s'agissant de projets innovants que nous sommes en train de
mettre en place sur le terrain.
Les jeunes veulent des vrais métiers. Contrairement à ce que j'ai entendu
dire, si les jeunes sont intéressés par ces métiers, c'est parce qu'ils se
rendent compte que ce sont des métiers qui mènent à une société moins dure,
plus solidaire, qui vont accroître le lien social dans notre pays. C'est cela
que les jeunes souhaitent, parce que leurs capacités de générosité et de
solidarité sont peut-être un peu plus grandes que les nôtres. Les jeunes
attendent des emplois, ils attendent aussi de voir changer cette société, MM.
Roujas et Mazars viennent de le dire. C'est aussi l'objectif de ce projet de
loi et on peut leur faire confiance pour que ce nouveau modèle de développement
se mette en place dans notre pays.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er - Sont insérés à la section 1 du chapitre II du titre II du livre
III du code du travail les articles L. 322-4-18, L. 322-4-19 et L. 322-4-20
ainsi rédigés :
«
Art. L. 322-4-18
. - Afin de promouvoir le développement d'activités
créatrices d'emplois pour les jeunes répondant à des besoins émergents ou non
satisfaits, et présentant un caractère d'utilité sociale notamment dans les
domaines des activités sportives, culturelles, éducatives, d'environnement et
de proximité, l'Etat peut conclure avec les collectivités territoriales et
leurs établissements publics, les autres personnes morales de droit public, les
organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées
de la gestion d'un service public des conventions pluriannuelles prévoyant
l'attribution d'aides pour la mise en oeuvre de projets d'activités répondant
aux exigences d'un cahier des charges établi en concertation avec les
partenaires locaux qui doit comporter notamment les exigences requises quant à
la pérennisation des activités et aux dispositions à prévoir pour assurer la
professionnalisation des emplois.
« Ces conventions peuvent être également conclues avec des groupements
constitués sous la forme d'associations déclarées de la loi du 1er juillet
1901, ou régies par le code civil local pour les départements de la Moselle, du
Bas-Rhin et du Haut-Rhin, de personnes morales visées au premier alinéa.
« Ces conventions ne peuvent s'appliquer aux services rendus aux personnes
physiques à leur domicile, mentionnés à l'article L. 129-1. Toutefois elles
peuvent s'appliquer aux activités favorisant le développement et l'animation de
services aux personnes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits.
« Lorsqu'elles sont conclues avec une personne morale de droit public, elles
ne peuvent s'appliquer qu'à des activités non assurées jusqu'alors par
celle-ci. Les collectivités territoriales et leurs établissements publics
peuvent conclure ces conventions pour les emplois autres que ceux relevant de
leurs compétences traditionnelles.
« Les projets de développement d'activités présentés par les personnes morales
de droit privé à but lucratif chargées de la gestion d'un service public ne
peuvent faire l'objet d'une convention, sauf si les activités proposées ne sont
pas assurées à la date de la demande et entrent dans le cadre de la mission de
service public qui leur a été confiée.
« Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 432-4-1,
les institutions représentatives du personnel, lorsqu'elles existent, et les
comités techniques paritaires sont informés des conventions conclues en
application du présent article ainsi que des conventions conclues conformément
à l'article L. 322-4-8-1 et saisis annuellement d'un rapport sur leur
exécution.
« Le contenu et la durée des conventions, les conditions dans lesquelles leur
exécution est suivie et contrôlée ainsi que les modalités de dénonciation de la
convention en cas de non-respect de celle-ci sont déterminés par décret.
« Les conventions comportent des dispositions relatives aux objectifs de
qualification, aux conditions de la formation professionnelle et, selon les
besoins, aux modalités du tutorat. Les régions dans le cadre de leurs
compétences ainsi que, le cas échéant, d'autres personnes morales peuvent
participer à l'effort de formation.
«
Art. L. 322-4-19
. - Les aides attribuées par l'Etat en application
des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 ont pour objet de permettre
l'accès à l'emploi de jeunes âgés de dix-huit à moins de vingt-six ans lors de
leur embauche, y compris ceux qui sont titulaires d'un des contrats de travail
visés aux articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8-1, ou de personnes de moins de
trente ans qui ne remplissent pas la condition d'activité antérieure ouvrant
droit au bénéfice de l'allocation prévue à l'article L. 351-3. Cette condition
d'activité est appréciée à compter de la fin de la scolarité et à l'exclusion
des périodes de travail accomplies en exécution des contrats de travail visés
aux articles L. 115-1, L. 322-4-7, au deuxième alinéa du I de l'article L.
322-4-8-1 et aux articles L. 981-1, L. 981-6, L. 981-7 ou conclus avec un
employeur relevant des dispositions de l'articleL. 322-4-16.
« Pour chaque poste de travail créé en vertu d'une telle convention et occupé
par une personne répondant aux conditions prévues à l'alinéa précédent, l'Etat
verse à l'organisme employeur une aide forfaitaire dont le montant et la durée
sont fixés par décret. Cependant, l'organisme employeur peut verser une
rémunération supérieure. Ces dispositions sont prévues dans la convention.
L'Etat peut prendre en charge tout ou partie des coûts d'étude des projets
mentionnés à l'article L. 322-4-18.
« Ces aides ne donnent lieu à aucune charge fiscale ou parafiscale.
« Elles ne peuvent se cumuler, pour un même poste de travail, avec une autre
aide de l'Etat à l'emploi, avec une exonération totale ou partielle des
cotisations patronales de sécurité sociale ou avec l'application de taux
spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations de sécurité
sociale.
« Elles ne peuvent être accordées lorsque l'embauche est en rapport avec la
fin du contrat de travail d'un salarié, quel qu'en soit le motif.
« Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent article précise les
conditions d'attribution et de versement des aides de l'Etat.
« L'employeur peut recevoir, pour la part de financement restant à sa charge,
des cofinancements provenant notamment des collectivités territoriales, des
établissements publics locaux ou territoriaux ainsi que de toute autre personne
morale de droit public ou de droit privé.
«
Art. L. 322-4-20
. - I. - Les contrats de travail conclus en vertu des
conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 sont des contrats de droit
privé établis par écrit. Ils sont conclus pour la durée légale du travail ou
pour la durée collective inférieure applicable à l'organisme employeur. Ils
peuvent être conclus à temps partiel sur dérogation accordée par le
représentant de l'Etat signataire de la convention, lorsque la nature de
l'emploi ou le volume de l'activité ne permettent pas l'emploi d'un salarié à
temps plein, sous condition de durée minimale égale au mi-temps. Ils doivent
figurer dans les grilles de classification des conventions collectives
nationales, de la fonction publique ou accords d'entreprises lorsqu'ils
existent.
« Ils peuvent être à durée indéterminée ou à durée déterminée en application
du 1° de l'article L. 122-2. Toutefois les collectivités territoriales et les
autres personnes morales de droit public, à l'exclusion des établissements
publics à caractère industriel et commercial, ne peuvent conclure que des
contrats à durée déterminée.
« Les contrats mentionnés au présent article ne peuvent être conclus par les
services de l'Etat.
« II. - Les contrats de travail à durée déterminée mentionnés au I sont
conclus pour une durée de soixante mois.
« Ils comportent une période d'essai d'un mois renouvelable une fois.
« Sans préjudice de l'application du premier alinéa de l'article L. 122-3-8,
ils peuvent être rompus à l'expiration de chacune des périodes annuelles de
leur exécution, à l'initiative du salarié moyennant le respect d'un préavis de
deux semaines, ou de l'employeur s'il justifie d'une cause réelle et
sérieuse.
« Dans ce dernier cas, les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-14
sont applicables. En outre, l'employeur qui décide de rompre le contrat du
salarié pour une cause réelle et sérieuse doit notifier cette rupture par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre ne peut être
expédiée au salarié moins d'un jour franc après la date fixée pour l'entretien
préalable prévu à l'article L. 122-14. La date de présentation de la lettre
recommandée fixe le point de départ du délai-congé prévu par l'article L.
122-6.
« Le salarié dont le contrat est rompu par son employeur dans les conditions
prévues au troisième alinéa du présent II bénéficie d'une indemnité calculée
sur la base de la rémunération perçue. Le montant retenu pour le calcul de
cette indemnité ne saurait cependant excéder celui qui aura été perçu par le
salarié au titre des dix-huit derniers mois d'exécution de son contrat de
travail. Son taux est identique à celui prévu au deuxième alinéa de l'article
L. 122-3-4.
« En cas de rupture avant terme d'un contrat à durée déterminée conclu en
vertu des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18, les employeurs
peuvent conclure, pour le même poste, un nouveau contrat à durée déterminée
dont la durée sera égale à la durée de versement de l'aide de l'Etat restant à
courir pour le poste considéré. Les dispositions des alinéas précédents
s'appliquent à ce nouveau contrat.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 122-3-8,
la méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la rupture du
contrat de travail prévues aux troisième et quatrième alinéas du présent II
ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts correspondant au
préjudice subi. Il en est de même lorsque la rupture du contrat intervient
suite au non-respect de la convention ayant entraîné sa dénonciation.
« III. - A l'initiative du salarié, les contrats mentionnés au I peuvent être
suspendus avec l'accord de l'employeur afin de lui permettre d'effectuer la
période d'essai afférente à une offre d'emploi. En cas d'embauche à l'issue de
cette période d'essai, les contrats précités sont rompus sans préavis. »
Sur l'article, la parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Madame le ministre, lequel d'entres nous irait s'insurger contre tout ce qui
tend - ne fût-ce qu'imparfaitement - vers l'insertion des jeunes si souvent en
détresse ?
Vous avez réaffirmé ici même, et tout à l'heure encore, votre ambition de «
créer des emplois durables », de faire émerger des « prestations de qualité »,
« de vrais métiers » avec un « volontarisme sur la durée ».
Voilà désormais le Gouvernement comptable des espoirs qu'il a fait naître.
L'article 1er de ce projet de loi permet de s'interroger sur la pertinence de
la démarche et sur sa nature profonde.
Lequel d'entre nous, qui reçoit dans sa permanence des chômeurs de longue
durée - et voilà peu sont tombés les derniers chiffres du chômage qui nous
révèlent que le nombre des chômeurs de plus de un an a considérablement
augmenté -, lequel d'entre nous, disais-je qui voit arriver des chômeurs de
plus de cinquante ans, responsables d'une famille, peut ne pas s'interroger sur
l'injustice qu'il y a à cibler exclusivement sur une tranche d'âge les efforts
considérables que l'on veut faire ?
C'est donc une lutte sur tous les fronts qu'il faut mener sans oublier aucune
catégorie ou tranche d'âge et, bien entendu, surtout pas notre jeunesse. Le
chômage est, hélas ! une lèpre qui touche l'ensemble du corps social.
Mais dans un pays où le taux de prélèvements obligatoires représente 19,5 % du
PIB, tout plan massivement financé sur fonds publics risque de se retourner
contre son objectif même en imposant aux forces vives de la nation des charges
freinant leur initiative, et donc la croissance, source de véritables
emplois.
N'oublions pas, madame le ministre, que quelque 100 000 jeunes sortent chaque
année du système scolaire sans qualification et sans projet professionnel et
que 40 % des étudiants quittent l'université sans aller au-delà du premier
cycle.
Toutes les initiatives améliorant le passage et le lien entre l'appareil de
formation et le nombre de professionnels doivent être suscitées et
encouragées.
Je voudrais, madame le ministre, que vous nous disiez quelle est la position
du Gouvernement sur les unités d'expérience professionnelle qui avaient été
imaginées et mises en place par le gouvernement précédent avec l'aide, c'est
vrai, du CNPF, mais après concertation avec les syndicats et dont on n'entend
plus beaucoup parler. C'était une tentative pour faciliter ce passage. Y
êtes-vous favorable ?
Au moins, faudrait-il ne pas déstabiliser l'apprentissage. Madame le ministre,
vous venez de nous expliquer que vos emplois n'ont rien à voir avec les emplois
d'apprentis. Je dois dire que vous ne m'avez pas convaincu. D'autres collègues
partagent ce sentiment.
Il faudra, en effet, bien du courage et de lucidité à un jeune de vingt ans
pour s'engager dans cette voie de formation exigeante plutôt que de postuler
tout de suite pour un de ces emplois rémunérés à 100 % du SMIC, 80 % étant pris
en charge par l'Etat. Il y a là un véritable problème. Il ne faut pas se le
cacher.
Madame le ministre, oui de nouveaux « métiers » émergeront et le contenu de
métiers existants subira de profondes mutations.
Ces profondes mutations postulent une souplesse d'adaptation au sein d'un
marché « créatif et vivant ». Il faut y préparer nos jeunes, créer de vrais
emplois et, pour cela, mettre en place les conditions de leur pérennisation
après cinq ans.
Vous avez affirmé, ce matin, et tout à l'heure encore, votre volonté d'éviter
de fabriquer des « bouche-trous » et votre voeu qu'un relais soit pris par le
secteur privé. Ce sont les propositions du Sénat qui peuvent donner chair,
madame le ministre, à cet espoir en préconisant une moindre rigidité du code du
travail et une meilleure adaptation de la formation ainsi qu'un certain nombre
de mesures permettant précisément de passer du secteur, disons parapublic, que
vous allez créer, au secteur marchand.
En effet, sans véritable formation ni passerelles vers le secteur marchand,
nous risquerions d'aller vers une espèce de guerre de tranchées, là où une
stratégie de mouvement et des itinéraires personnalisés sont indispensables.
Sans ces améliorations et sans la réaffirmation du rôle, non pas exclusif mais
central, du marché, ce projet risquerait de plaquer, pour citer Bergson « du
mécanique sur du vivant ».
M. le président.
Mon cher collègue, il vous faut conclure !
M. Adrien Gouteyron.
L'Etat n'est pas là pour quadriller l'économie, pourvu d'« avions renifleurs »
détectant les gisements d'emplois.
(Sourires.)
Madame le ministre, l'insertion des jeunes risque d'être non pas
favorisée mais bel et bien retardée s'il ne leur est proposé qu'une espèce de
période de glaciation de cinq ans.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Adrien Gouteyron.
Je conclus, monsieur le président.
Madame le ministre, pour que votre plan ne se contente pas d'occulter
provisoirement la dure réalité, pour qu'il ne ressemble pas, permettez-moi ce
rappel, à ce ministre de Catherine II qui présentait à son souverain des
villages de façade,...
M. Philippe Marini.
C'était Potemkine !
M. Adrien Gouteyron.
... si vous ne voulez pas cacher la réalité sous les nuées de l'Etat
providence, vous avez une chance d'y parvenir en acceptant les propositions de
la commission des affaires sociales et de la majorité du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'article 1er,
pierre angulaire du dispositif, donne le sentiment d'avoir été rédigé à la
va-vite. Plusieurs omissions et rédactions inopportunes le caractérisent, que
ce soit pour la formation, l'innovation d'un statut de droit privé dans le
cadre de l'occupation d'emplois publics, les conséquences financières pour les
communes et les associations, les charges annexes que généreront ces emplois
liées à la formation et à la rupture du contrat...
Ainsi, à travers cet article, madame le ministre, vous avez fait naître un
immense espoir, pour les 600 000 ou 700 000 jeunes à la recherche d'un emploi
et qui, vous l'avez dit vous-même, se précipitent tous vers les guichets «
emplois » des administrations d'Etat et des administrations territoriales.
N'iront-ils pas de désillusion en désillusion ? N'auront-ils pas, pour les
plus diplômés, le sentiment d'être exploités ?
Vous dénoncez le procès d'intention qui vous est fait lorsqu'on évoque une
sous-fonction publique et la concurrence des emplois du secteur marchand. Les
employeurs ne seront-ils pas des collectivités publiques ou des associations
?
Parmi les vingt métiers cités, un nombre non négligeable appartient déjà au
secteur marchand, notamment dans le domaine de l'environnement à l'exemple des
déchetteries, ou des gardiens d'immeuble au secours des personnes en
difficulté.
Mais que faisaient donc nos concierges d'immeuble d'antan ! M. Chérioux s'en
est fait l'écho en fin de matinée.
Vous vous défendez du caractère précaire de ces emplois. Pourtant, face aux
emplois précaires actuels dans lesquels se trouvent de nombreux jeunes, à
l'exemple des CES, il ne s'agit que d'une question de degré de précarité. Cinq
ans, c'est mieux qu'une ou deux années. Mais aucune assurance ne peut être
donnée à ces jeunes à la sortie de ces cinq années.
Vous dénoncez la précarité des emplois dans le secteur privé, madame le
ministre, vous l'avez confirmé tout à l'heure, mais c'est dans cette voie que
vous poussez les jeunes puisqu'ils ne trouveront leur emploi que dans le
secteur marchand d'une manière pérenne alors que vous dites vous-même qu'aucune
assurance ne leur est donnée dans le secteur marchand aujourd'hui.
Sera-ce la titularisation dans la fonction publique ? Nous pouvons faire
confiance, le moment venu, aux organisations syndicales pour exercer la
pression qui se doit dans ce sens... N'aboutira-t-on pas à une titularisation
en masse comme cela a été le cas en 1981 ? Puis M. Perben a supprimé la
précarité dans la fonction publique.
Le problème se posera à nouveau dans cinq ans. Ces jeunes devront-ils, à
l'issue de ces cinq années, retourner à l'ANPE ?
Ce pari sur l'avenir, sur la pérennisation des emplois, et plus
particulièrement dans les communes rurales - vaste illusion pour elles ! -
ainsi que sur leur solvabilité, sera lourd de conséquences à l'échéance des
cinq ans, car les jeunes risquent de devenir victimes de votre politique à
laquelle ils auront adhéré en masse par crédulité.
Les nouvelles activités de service que vous voulez créer dépendent
essentiellement du pouvoir d'achat de leurs futurs adeptes. Si les futurs
consommateurs de ces services possédaient dès à présent les revenus suffisants,
ces activités auraient été mises en place par le secteur marchand.
Plutôt que de favoriser l'émergence de nouveaux emplois, dont les seuls fonds
publics permettent l'existence, vous auriez mieux fait à mon sens d'engager des
mesures favorisant véritablement la reprise de la croissance.
Au lieu de cela, vous allez faire peser sur les contribuables, donc sur les
consommateurs, des charges publiques nouvelles. Faute de pouvoir augmenter les
prélèvements publics sur la grande masse de la population française, qui croule
déjà sous le poids des prélèvements obligatoires - M. Fourcade s'en est fait
l'écho ce matin en faisant référence aux taux des prélèvements obligatoires
d'autres pays de l'Union européenne - votre gouvernement s'attaque aux classes
moyennes et aux entreprises.
Vous avez l'illusion qu'en alourdissant l'addition fiscale de ces derniers
vous ne porterez pas atteinte à leur pouvoir d'achat ou à leur capacité
d'investissement, que la croissance repartira, alors que ces deux catégories
sont les éléments moteurs de la croissance.
Bien évidemment, il est facile de décréter la création de 700 000 emplois et
de les faire financer par l'impôt. C'est surtout plus payant, électoralement et
médiatiquement, que de créer les conditions favorables à la croissance. Les
deux précédents gouvernements l'ont fait par des mesures moins populaires et
moins spectaculaires, par des mesures qui produisaient un résultat visible non
pas immédiatement mais à terme ; et vous en profitez aujourd'hui, comme en a
profité M. Rocard de 1988 à 1990.
On a vu ce qu'il en a été après une dégradation vertigineuse de la situation
économique et de l'emploi lorsque nous avons repris le pouvoir, en 1993.
(Protestations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur les travées
du RPR.)
M. le président.
Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Alain Vasselle.
Permettez-moi de vous dire que je ne peux vous suivre sur la voie dans
laquelle vous tentez de nous engager par la séduction du résultat immédiat. Le
Gouvernement agit, mais ne réfléchit pas aux conséquences de ces mesures et
donne le sentiment de faire de la gestion à la petite semaine.
(Exclamations
sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mon cher collègue, il faut conclure.
M. Alain Vasselle.
Il arrête des mesures à caractère conjoncturel et veut orienter sa politique
en prenant des paris sur l'avenir dont les chances de réussite sont, à mon
sens, plus que douteuses. Même si votre objectif...
M. le président.
Mon cher collègue, je vous prie de conclure, vous avez dépassé votre temps de
parole !
M. Alain Vasselle.
Je conclus monsieur le président.
Ce texte, en définitive, le Sénat se devait de lui donner des conditions
d'application plus réalistes, il se devait d'en limiter les effets pervers, au
demeurant fort nombreux. Notre rapporteur, la commission des affaires sociales
et nombre de mes collègues s'y sont attachés.
Nous souhaitons ainsi vivement que sorte de nos délibérations un texte
réaliste auquel vous vous rallierez, dans l'intérêt des jeunes, pour leur
avenir et celui de notre société.
M. le président.
Mon cher collègue, cette fois-ci vous dépassez les bornes !
M. Josselin de Rohan.
Il y a eu des précédents.
M. le président.
Je suis désolé de vous le dire, mais je ne peux pas vous laisser continuer.
M. Alain Vasselle.
Et j'ose espérer que, dans sa sagesse, le Gouvernement saura être attentif à
sa contribution, et saura faire entendre raison à l'Assemblée nationale, car
c'est bien l'avenir des jeunes qui est en jeu, et non celui du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, je vous fais remarquer que six orateurs du même groupe
sont inscrits sur l'article 1er et que si chacun dépasse son temps de parole,
il nous sera relativement difficile d'organiser la suite de la discussion d'un
projet de loi.
M. Ivan Renar.
C'est l'ardeur du néophyte dans l'opposition !
(Sourires.)
M. Gérard Delfau.
Et cela agace M. le président !
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le chômage
nous interpelle tous et, face à l'ampleur du fléau, nous devons rester
modestes. Le dispositif soumis à notre examen à l'article 1er ainsi que le
projet de loi dans son ensemble partent d'une intention doublement louable.
En premier, ils visent à lutter contre le chômage des jeunes, et c'est un
premier point positif.
Le second point positif réside dans la confiance que vous accordez aux acteurs
locaux, et, plus particulièrement, aux collectivités locales, pour faire
émerger les besoins et favoriser la création d'emplois.
Cependant, malgré l'intention louable dont part le présent projet de loi,
madame le ministre, je ne puis être en accord avec vous, tant sur la méthode à
employer que sur la façon dont vous entendez impliquer les acteurs locaux et la
nature des emplois que vous proposez de créer.
En ce qui concerne les acteurs locaux, tout d'abord, l'exposé des motifs du
projet de loi prévoit que « le programme mise sur la responsabilité d'acteurs
locaux, collectivités locales, associations, établissements publics, pour faire
émerger des projets par bassin d'emplois ».
Or, en rencontrant notamment des professionnels du traitement des déchets et
de l'environnement, j'ai été très étonné d'apprendre qu'ils n'avaient nullement
été consultés lors de la constitution de cette liste, d'où de nombreux
travers.
Ainsi, dans le domaine de l'environnement, certains des métiers proposés
existent déjà et relèvent du secteur marchand. C'est le cas de ceux de gardiens
de déchetterie ou de trieurs, mais je pourrais citer d'autres exemples.
Nous devons donc être prudents dans l'application des mesures.
Je m'interroge également sur la nature des emplois concernés.
Tout d'abord, il est à craindre qu'étant ouverts à tous les jeunes sans
distinction, les emplois-jeunes ne soient accaparés par les plus qualifiés au
détriment des jeunes sans qualifications. Vous avez vous-même clairement
affirmé, madame le ministre, lors du débat à l'Assemblée nationale ; que vous
souhaitiez réserver les CES et les CIE aux jeunes en difficulté.
Cela risque, à mon sens, d'accentuer le caractère stigmatisant que peut
revêtir ce type de contrat.
A l'inverse, les emplois-jeunes, du fait de la sécurité apparente et
momentanée que représente la signature d'un contrat d'une durée de cinq ans,
risquent de les priver de l'apprentissage d'un métier durable, indispensable à
la réussite de leur carrière. L'exemple de l'éducation nationale est
particulièrement édifiant à cet égard, notamment à Strasbourg, où les candidats
aux emplois-jeunes ont, pour les deux tiers, un niveau bac + 3 ou plus et, pour
un tiers, un niveau bac ou bac + 2.
Pour beaucoup, d'ailleurs, leur candidature est consécutive à un échec au
concours d'entrée aux IUFM.
Que pourra-t-on leur proposer dans cinq ans ? Leur titularisation ? Sans doute
pas !
Dans ce cas, pourquoi pousser ces jeunes à poursuivre dans une voie qui
n'offre pas de débouchés suffisants, pourquoi risquer de les mettre dans une
situation difficile dans cinq ans ?
Je crois, madame le ministre, que les enjeux sont trop cruciaux pour omettre
le long terme.
En outre, il n'est pas souhaitable de se servir de ce texte pour faire valider
par le Parlement la création massive d'emplois répondant à des missions
relevant exclusivement de l'Etat.
En ce qui concerne la pérennisation des emplois-jeunes vers le secteur
marchand à l'issue des cinq ans dans le secteur public, permettez-moi
d'exprimer quelques inquiétudes.
Il est à mon avis indispensable de s'entourer des précautions nécessaires afin
que les 350 000 emplois d'utilité sociale ne se transforment pas en autant de
postes d'agents de l'Etat et des collectivités locales, la France détenant déjà
le record dans ce domaine.
Comme le souligne un éditorialiste d'un grand quotidien national daté de ce
jour : « seule parmi les grands pays industrialisés, la France avance toujours
dans la même direction, plus de prélèvements, plus de fonctionnaires, plus
d'Etat. »
Comme le souligne à juste titre notre collègue M. Louis Souvet dans son
excellent rapport, certains des vingt-deux métiers proposés risquent de créer
des distorsions de concurrence avec le secteur marchand alors que l'objectif à
terme est d'intégrer ces jeunes à ce secteur.
Pourquoi ne pas favoriser immédiatement la création d'emplois dans ce secteur,
emplois stables et offrant de véritables perspectives au sein de l'entreprise,
plutôt que d'attendre cinq ans.
Cela doit, à mon sens, constituer la priorité.
Toutefois, lorsqu'on les interroge, les chefs d'entreprises se plaignent de
deux freins à l'embauche : le poids excessif des charges sociales et
l'importance des formalités administratives.
Ce constat se confirme lorsqu'on procède à une comparaison internationale : la
pression liée aux cotisations patronales est d'environ 40 % en France contre
10,2 % au Royaume-Uni et 7,65 % aux Etats-Unis.
Je reconnais que, par le passé, les initiatives prises, trop partielles ou
trop difficiles à appliquer, n'ont pas toujours produit les effets
escomptés.
C'est pourquoi, madame le ministre, j'ai déposé un amendement visant à
exonérer de charges sociales pendant cinq ans les PME qui embauchent des jeunes
en échange de l'obligation de consacrer du temps à les former, la réduction des
charges étant essentiellement réservée aux emplois nouvellement créés.
Une telle mesure engendrerait une charge pour l'Etat et les collectivités
locales évaluée à 67 000 francs par emploi créé, charge beaucoup moins élevée
que celle des emplois-jeunes.
M. le président.
Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. Joseph Ostermann.
Ainsi, à budget équivalent, soit 35 milliards de francs, il serait possible de
créer davantage d'emplois.
Je ne considère nullement que les collectivités locales ne doivent pas
participer pleinement à l'effort national en faveur de l'emploi des jeunes,
vous avez raison d'en faire une priorité. Mais je pense que notre pays ne doit
pas se tromper de voie.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Joyandet, que j'invite, comme chacun des orateurs, à
respecter son temps de parole.
M. Alain Joyandet.
Je vais essayer d'être le plus bref possible, monsieur le président.
J'insisterai plus particulièrement sur deux points qui me paraissent très
importants, à la suite de la concertation que nous avons menée sur le terrain
avec des jeunes.
Tout d'abord, il conviendrait d'ouvrir le dispositif le plus rapidement
possible au secteur privé en adaptant ce projet de loi. Pour ce faire, il
faudrait, bien entendu, que vous acceptiez un certain nombre de propositions
qui seront faites par la Haute Assemblée.
Madame le ministre, vous pouvez ouvrir ce dispositif au secteur privé soit en
prévoyant des exonérations de charges, soit, tout simplement, en ouvrant les
aides prévues, sous certaines conditions, aux entreprises.
Dans votre réponse vous avez vilipendé les dogmes. Mais, vous aussi, vous avez
tenu des propos dogmatiques. En effet, vous avez parlé du libéralisme dans des
termes peu favorables.
Pour illustrer votre absence d'esprit dogmatique, il vous reste donc à ouvrir
un peu le dispositif au secteur marchand, quitte à y apporter certaines
garanties !
C'est dans cet esprit qu'un certain nombre d'entre nous allons défendre des
amendements. J'espère vivement qu'en les acceptant vous pourrez permettre aux
jeunes qui sont soucieux de ne pas entrer dans un dispositif qu'ils considèrent
comme provisoire, comme une sorte de voie de garage sécuritaire - , certains
nous ont dit qu'il vaut mieux rechercher un emploi en touchant le SMIC plutôt
qu'en étant chômeur - d'aboutir, après la période de cinq ans, à une solution
sérieuse.
Je voudrais également attirer votre attention sur la formation. De nombreux
jeunes craignent, notamment au travers des recrutements du ministère de
l'éducation nationale, du ministère de la justice et du ministère de
l'intérieur, qu'une grande partie de ces emplois ne soit réservé aux jeunes
diplômés. Serait-il possible, au nom de l'équité, madame le ministre,
d'inscrire expréssement dans le projet de loi, le pourcentage étant fixé par
décret, qu'une part de ces aides sera consacrée aux emplois destinés aux jeunes
sans qualifications ?
Enfin, permettez-moi, madame le ministre, de vous adresser des félicitations :
avec ce projet de loi, vous avez été, vous et votre Gouvernement,
particulièrement bons sur le plan de la communication. Sans doute ce projet de
loi vous a-t-il permis de gagner les dernières élections législatives ! Sans
doute ce projet de loi vous permet-il aussi de « surfer » actuellement avec des
sondages tout à fait flatteurs. Mais l'enjeu est désormais double pour vous et
pour la nation, tout comme il est très important pour la jeunesse. Nous serons
donc, bien entendu, attentifs lors de la discussion des articles, et après.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je formulerai
simplement quelques observations.
Nous sommes, les uns et les autres, très interpellés, sur le terrain, au sujet
de la responsabilité des acteurs locaux et de leur capacité à offrir une chance
à des jeunes.
Mais notre débat d'aujourd'hui ne doit pas en occulter un autre, qui relève
également de vos compétences, celui qui porte sur les causes des mécanismes
d'éviction qui font qu'en France l'évolution de l'emploi salarié est plus
faible que dans les autres pays.
Tel est d'ailleurs tout l'intérêt de la Conférence nationale sur l'emploi, qui
doit se dérouler sous l'autorité du Premier ministre.
Il est important de remplacer le traitement des conséquences pour conduire une
véritable réflexion sur les causes.
Pour être bref - puisque les temps de parole sont limités - je me bornerai à
constater que votre projet de loi peut être « la pire ou la meilleure des
choses », une formidable illusion ou, au contraire, une leçon de pragmatisme.
Un certain nombre de clés peuvent orienter vers la réussite ou vers l'échec.
La première d'entre elles - vous l'avez évoquée - c'est le climat de confiance
entre les acteurs, l'Etat et les collectivités locales, lequel est fondé sur la
stabilité des règles, en particulier financières. A ce titre, je vous rends
hommage, car nos préoccupations ont été prises en compte dans le projet de loi
de finances pour 1998, puisqu'il n'y aura pas d'augmentation de la CNRACL,
notamment.
Mais nous devons réfléchir - j'ai cru comprendre, d'après vos propos, que vous
le souhaitiez - à cette stabilité pendant les quatre prochaines années.
La deuxième clé tient à l'expérimentation dans un climat de confiance. M. le
Président de la République en a formulé le souhait dans le département du
Pas-de-Calais, comme peut en témoigner mon collègue, M. Roland Huguet.
Sur ce thème également, nous devons réfléchir. Si vous voulez vraiment faire
preuve d'initiative ou faire confiance à l'initiative ou à la créativité des
acteurs locaux, il ne faudra pas limiter, dans les décrets, le champ des
solutions proposées, ce qui pose le problème de l'attitude des services de
l'Etat.
En effet, si les collectivités locales s'engagent dans des voies nouvelles,
certains blocages peuvent se produire au niveau des trésoriers-payeurs généraux
et des chambres régionales des comptes, et nous risquons de nous heurter à de
grandes difficultés. Essayons dans ces conditions de coordonner l'action des
services de l'Etat et celle des acteurs des expérimentations. Envisageons un
statut pour les entreprises à but social, des dispositifs de création
d'entreprises... Ainsi, certains projets pourraient être accompagnés alors qu'à
l'évidence ils sortent des sentiers battus.
Une autre clé de la réussite ou de l'échec - nous en avons souvent débattu
ensemble - tient à la qualité des acteurs qui encadreront ces projets. Il n'y a
pas autour des élus locaux d'ingénierie sociale à la dimension de l'enjeu que
vous proposez. Il est pourtant prévu un financement à 100 %.
Les universités vont donc sans doute se mobiliser pour qu'à côté des élus
locaux il y ait des acteurs à la dimension de ces enjeux. Et c'est à juste
titre que M. le rapporteur a réfléchi à la possibilité, pour les collectivités
locales, de recourir à des cadres de quarante, quarante-cinq ou cinquante ans,
qui sont parfois évincés alors qu'ils pourraient être de formidables moteurs
dans l'encadrement de ces jeunes.
Il ne peut pas y avoir de création d'emplois sans esprit de création et sans
une certaine expérience en la matière. Limiter un dispositif à la classe d'âge
des vingt-six à trente ans est peut-être un bon moyen pour cibler celles et
ceux qui sont animés par la volonté de participer à la création d'activité.
Mais cela risque de conduire à se priver de l'esprit d'entreprise et des
connaissances de personnes âgées de quarante à quarante-cinq ans, dont
l'expérience limiterait les risques d'échec.
Cette capacité d'ingénierie et d'encadrement pourrait trouver une solution
originale dans la mixité entre les secteurs marchand et public.
Prenons un seul exemple : si nous voulons nous lancer dans la restauration des
édifices cultuels - ce qu'à l'évidence aucune collectivité locale ne peut faire
en France - il serait particulièrement intelligent de mobiliser l'ingénierie
d'un secteur traditionnel de l'artisanat ou du bâtiment qui définirait les
travaux, encadrerait des jeunes et mettrait peut-être en place une formation en
alternance, un apprentissage, afin que l'entreprise puisse soit intégrer les
jeunes qu'elle a repérés comme étant dynamiques, soit délivrer un diplôme.
A l'évidence, vous nous conviez à ne pas être trop restrictifs
a priori
pour analyser les expérimentations sur le terrain et à avoir un Etat
accompagnateur et non pas régulateur. C'est, me semble-t-il, un élément tout à
fait intéressant, avec l'aspect « bilantiel », qui est aujourd'hui obligatoire
pour tirer la restauration du droit à l'erreur.
Si nous partions avec l'illusion qu'aucune collectivité locale ne connaîtra
l'échec, que toutes les expériences seront positives, nous engagerions les
acteurs locaux dans une formidable erreur. En effet, nous mettrions
systématiquement le doigt sur celles et ceux qui seraient en situation d'échec.
Si nous voulons nous lancer dans le champ d'expérimentation, restaurons le
droit à l'erreur !
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Paul Delevoye.
Je termine, monsieur le président.
En ce qui concerne tant les statistiques que l'affichage, intervient une
perturbation, certes involontaire de votre part, madame le ministre. En effet,
en lançant les 350 000 emplois-jeunes, vous indiquiez qu'ils devaient être
pérennes dans l'activité marchande, alors que vos collègues d'autres ministères
annonçaient un certain nombre d'emplois à caractère public.
M. Philippe Marini.
C'est la graisse du mammouth !
M. Jean-Paul Delevoye.
Il faut clairement dire qu'il convient de mettre à part les 80 000, 100 000 ou
150 000 emplois qui relèveront uniquement de l'Etat et laisser l'affichage sur
ceux qui ont vocation à être des emplois pérennes.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
C'est ce que nous proposons !
M. Jean-Paul Delevoye.
Je pense que la frontière doit être claire : responsabilité de l'Etat d'un
côté, responsabilité des acteurs locaux de l'autre.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants. - MM. Delfau et Peyronnet applaudissent
également.)
(M. Jean Delaneau remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Poncelet.
M. Christian Poncelet.
Madame le ministre, votre projet de loi est certes, tout au moins dans
l'intention, louable puisqu'il s'agit de lutter contre ce fléau social que
constitue le chômage des jeunes, avec son cortège de désarroi, de détresse et
de désespoir. Mais, faisant référence à l'une de vos expressions, s'il est
déconseillé de tirer sur le père Noël, il n'est pas interdit, tout au moins
passé un certain âge, de cesser de faire semblant d'y croire !
A cet égard, madame le ministre, le volet public du plan destiné à créer 700
000 emplois pour les jeunes m'inspire deux craintes, mais le temps qui m'est
imparti pour m'exprimer sur l'article 1er ne me permettra de vous exposer que
la première des deux. Je me réserve donc le droit de vous faire part de la
seconde lorsque je présenterai l'amendement n° 42.
La première crainte que m'inspire votre dispositif, madame le ministre, se
nourrit, c'est vrai, de mon expérience d'élu local qui a trop vu et vécu
d'entorses au principe de la parole donnée et de ruptures de contrat dans les
relations financières que l'Etat entretient avec les collectivités locales.
On nous dit, madame le ministre, que l'aide forfaitaire de l'Etat s'élèvera,
par emploi-jeune, à 80 % du salaire sur la base du SMIC et des charges
sociales. C'est vrai. Mais ce pourcentage, qui n'est inscrit nulle part dans le
projet de loi soumis à notre appréciation, sera fixé par un décret qui échappe
bien sûr à l'appréciation du Parlement.
Que se passera-t-il, madame le ministre - et je fais référence à des
expériences passées, vécues sous tous les gouvernements précédents - si, en
cours d'exécution du contrat, le Gouvernement modifie le décret pour réduire la
participation de l'Etat ?
M. Alain Gournac.
J'ai déposé un amendement sur ce point.
M. Christian Poncelet.
Je vous en remercie.
(Sourires.)
Cette réduction de la participation de l'Etat entraînera automatiquement
l'augmentation de la charge financière laissée à la collectivité territoriale.
De 80 %, on passera à 70 %, la charge de la collectivité territoriale s'élevant
alors à 30 %, puis on passera à 60 %, ce qui mettra la charge de la
collectivité territoriale à 40 % !
Cette réduction unilatérale du concours de l'Etat équivaut, à mes yeux, à une
rupture unilatérale du contrat de travail en cours. En l'absence de
dispositions législatives - j'appelle l'attention des responsables locaux sur
ce point - c'est la collectivité locale qui ne pourra pas supporter la charge
financière supplémentaire et qui aura signé, et elle seule, le contrat avec le
jeune qui sera conduite à licencier ce jeune, avec les conséquences qui
s'ensuivent. C'est bien sûr nous, les élus locaux, qui auront alors la
responsabilité du licenciement et, demain, les présidents de conseil régional,
les présidents de conseil général, les maires seront interpellés, voire
conspués, par ceux et celles qui auront été victimes de ce licenciement,
oubliant que l'Etat aura fait défaut à son contrat.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, madame le ministre, une réponse
précise à cet égard, et je remercie mon collègue d'avoir déposé un amendement
sur ce point, amendement que je voterai bien sûr.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, chaque époque
de crise a suscité des initiatives de la puissance publique pour en contrôler
les effets. De la création des services publics en France aux grands travaux du
New Deal
aux Etats-Unis, la liste des interventions est longue et les
modalités en sont variées en près de deux siècles.
Le plan que vous nous présentez s'inscrit dans cette perspective. Il s'agit de
faire émerger les nouvelles activités de notre société de services, puis de les
stabiliser et de les pérenniser. Pour cette raison déjà, ce projet de loi est
digne d'intérêt. De même sont dépassées les critiques abruptes de certains de
nos collègues de la majorité sénatoriale. L'ambition de votre démarche honore
le Gouvernement.
Votre texte s'adresse aux jeunes Français, qui représentent une génération en
passe d'être sacrifiée. Il leur offre un emploi à temps plein pour cinq ans et
salarié au moins au SMIC. Ce sont là trois caractéristiques qui rompent
nettement avec les formes de traitement social du chômage que sont les CES,
succédant aux TUC, et les modalités d'insertion en faveur des bénéficiaires du
RMI.
Voilà autant de raisons de soutenir votre projet de loi.
Affirmer d'emblée cet accord et annoncer qu'il se traduira dans le vote que
nous émettrons, en fonction, bien sûr, du texte tel qu'il ressortira de la
discussion, n'empêche pas de pointer ici et là quelques questions, voire
d'exprimer un regret.
Ma première remarque concerne la mise en place locale de ce programme. Je vous
ai écoutée avec attention, madame la ministre, et j'ai noté votre souci
d'associer les acteurs de terrain - élus locaux, partenaires sociaux, militants
associatifs, etc. - au recensement des besoins et à l'élaboration des projets.
Nous savons pourtant, par expérience, combien l'équilibre est difficile à
trouver entre la prise de responsabilité au niveau local et le mode de décision
d'un fonctionnaire de la direction départementale du travail émettant un avis
qu'entérinera à peu près systématiquement le préfet.
Nous proposerons donc tout à l'heure la création d'un groupe de pilotage local
afin d'inscrire les projets dans les bassins d'emploi et d'éviter les dérives,
grâce à une sorte d'autorégulation collective.
Ma deuxième remarque sera pour regretter que l'on ne saisisse pas l'occasion
de cette intervention massive de l'Etat pour faire un nouveau pas dans la
péréquation des ressources entre les collectivités. Je sais que telle était
votre intention initiale, madame la ministre, mais vous y avez renoncé,
avez-vous dit, parce que les différentes associations de maires s'y seraient
montrées hostiles.
Menant depuis longtemps cette bataille pour une meilleure répartition des
ressources sur le territoire national, je connais les résistances - et elles
n'émanent pas seulement de la droite - que cette idée suscite chez nos
collègues.
Dans mon département, madame la ministre, la très grande majorité des maires
serait favorable à une telle politique. Ils reflètent là, sans aucun doute, la
sensibilité des élus de base un peu partout en France. Je m'étais engagé auprès
d'eux à exprimer leurs préoccupations dans cette enceinte.
La règle pourrait être la suivante : l'Etat financerait ces emplois-jeunes de
façon inversement proportionnelle au potentiel fiscal des communes et même des
départements. Ainsi, tout jeune aurait la même chance d'accéder à un emploi,
quelle que soit la richesse de sa commune ou de son département, même s'il
habite en milieu rural ou dans une ville frappée par la
désindustrialisation.
Ne pas retenir aujourd'hui cette orientation n'exclut pas, j'imagine, que le
Gouvernement s'engage dans cette voie à une autre occasion, C'est pourquoi j'ai
voulu prendre date.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame le ministre, j'examinerai ce texte sans
a
priori.
Deux réalités s'imposent à nous : le nombre de jeunes en détresse qui ne
trouvent pas d'emploi ; la demande de chaque citoyen concernant les services
qu'il peut attendre légitimement d'une société moderne dans les domaines
social, associatif ou éducatif.
Il est donc intéressant de combler ce vide tout en réinsérant un maximum
d'inactifs, et on pourrait envisager que cela concerne d'autres acteurs que les
jeunes.
Une autre réalité s'impose à nous : les risques que fait courir ce texte au
monde du travail par l'accroissement inévitable des charges des entreprises à
travers l'augmentation de la fiscalité locale au bout de cinq ans car, bien
entendu, c'est commme cela que tout se terminera. Or les collectivités locales
n'auront pas votre facilité de redéploiement ; elles n'ont pas la masse
critique.
Par conséquent, nous aurons un risque d'accroître le chômage par manque de
compétitivité des entreprises. Quand une collectivité locale prélève l'impôt,
sur un franc, en général cinquante centimes proviennent de la taxe
professionnelle. Le risque existera donc de terribles désillusions au terme des
cinq années pour les jeunes qui se trouveront sans emploi, à trente ans cette
fois au lieu de vingt-cinq, et dont l'expérience et le parcours n'auront servi
à rien pour trouver un travail dans le secteur concurrentiel.
Madame le ministre, votre texte traduit un effort réel pour résoudre un
problème réel. Il sera efficace s'il redonne un espoir aux jeunes et leur
permet d'intégrer le secteur privé. Pour cela, il ne doit pas les installer
dans une fausse sécurité. C'est le sens de l'amendement que je vous proposerai
tout à l'heure, amendement qui conditionnera mon vote sur ce texte.
Par ailleurs, en complément des propos de M. Poncelet, je souhaite que vous
nous précisiez le régime exact des contrats de droit privé. En l'état actuel
des choses, une collectivité locale qui emploie quelqu'un pendant six mois sous
cette forme doit, si elle met fin au contrat, une indemnité de 31 000 francs.
Cette indemnité s'élève à 66 000 francs pour une durée de travail de un an et à
133 000 francs pour un contrat de deux ans à cinq ans. Si, au terme de ces cinq
ans, la collectivité n'a pas la possibilité de se substituer complètement à
l'Etat, elle devra, dans l'état actuel du droit, 133 000 francs. Pouvez-vous me
dire ce qu'il en est exactement ?
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir eu la gentillesse de me
remplacer au fauteuil de la présidence afin que je puisse intervenir dans ce
débat.
Madame le ministre, je voudrais porter à votre crédit l'intention qui est la
vôtre. Mais je suis étonné de constater que, à un moment où la relance de notre
économie constitue une nécessité majeure pour notre pays, vous décidiez,
s'agissant des deux catégories de jeunes que vous visez, de faire passer en
premier ceux que vous appelez à des emplois qui, nous dites-vous, seront
solvabilisés plus tard. La liste qui court ne me semble pas toujours
correspondre à des emplois que notre population acceptera de financer.
Je crains que l'on n'en reste encore longtemps à des emplois relevant du
secteur public, même si les contrats sont de droit privé, encore que, sur ce
point-là, les juristes aient de quoi faire travailler leurs méninges, dépenser
leur salive et probablement leur encre !
Je dois dire que cette affaire complique un peu mon sentiment. En effet, sur
les 600 000 jeunes qui sont actuellement au chômage, certains ont déjà une
qualification, d'autres n'en ont pas. Ce qui leur est offert tout de suite, ce
sont des emplois publics ou semi-publics pour lesquels tout naturellement les «
offreurs » d'heures d'emploi trieront les meilleurs.
Cela revient à dire qu'on va écrémer cette population, et que les meilleurs
n'iront donc pas vers les entreprises. Là où ils iront, ils y entreront à
vingt-cinq ans pour en sortir à trente ans. Mais, comme un jeune de seize ans
est capable d'apprendre un certain nombre de choses qu'il n'apprend plus à
vingt et un ans parce que son esprit a changé, ces jeunes seront dans une
situation telle que les entreprises ne prendront plus alors ceux qu'elles
n'avaient d'ailleurs pas trouvés au moment où elles en avaient besoin ! De ce
côté-là, il y a donc une erreur dans les priorités qui me rend très circonspect
sur le dispositif que vous nous proposez.
Je partage le souci de M. Delevoye de voir s'instaurer un partage entre ce qui
ressortit à l'Etat et ce qui n'en ressortit pas. Cela m'amène à m'interroger à
propos du ministère de l'éducation nationale. Il garde tous ses contrats
emploi-solidarité plus tous les maîtres auxiliaires, même ceux qui ont
travaillé deux heures il y a deux ans et qui se retrouvent avec un emploi à
temps complet sans poste ; il y rajoute encore 40 000 emplois publics...
M. René Régnault.
Il pousse à fond la caricature !
M. Paul Girod.
Ce n'est pas de la caricature, c'est la réalité.
M. Jean-Paul Hugot.
C'est le mammouth !
M. Paul Girod.
Dans le même temps, un certain nombre de ministères commencent à s'affoler
parce que le contingent va disparaître. Ces perturbations m'angoissent.
Ainsi, dans mon département - j'ai l'impression que le phénomène est général -
la gestion des CES commence à être fortement influencée par la mise en place du
nouveau dispositif. Les sommes destinées à ces emplois ont subi une limitation,
et un certain nombre de chantiers-écoles sont remis en cause en raison de
l'arrivée théorique, à terme relativement court, des emplois-jeunes.
Par conséquent, je crains que le premier effet de ce plan ne soit de perturber
ce qui marchait à peu près pour éventuellement mettre en place des dispositifs
dont on ne sait pas comment ils fonctionneront.
Je crois, madame le ministre, qu'il y a lieu de s'arrêter avec beaucoup
d'attention sur ces perturbations qui commencent à se dessiner ici ou là.
Enfin, vous avez indirectement fait appel aux collectivités territoriales, en
particulier aux plus grandes, départements et régions, pour qu'elles financent,
en plus de leur propre action, en complément du financement qu'elles assurent
auprès d'associations ou de communes plus petites, une partie des 20 % qui
seront demandés à celles-ci.
J'attire votre attention sur l'imprudence qu'il y aurait pour les
collectivités locales à s'engager dans une diminution des 20 %, qui constituent
en quelque sorte le ticket modérateur du système, en particulier pour le milieu
associatif, lequel fait preuve d'une imagination d'autant plus débordante que
sa responsabilité est moins grande que celle des élus locaux, qui, eux, ont à
voter l'impôt.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
7
NOMINATION DE MEMBRES DE COMMISSIONS
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a
présenté une candidature pour la commission des affaires économiques et du Plan
et que le groupe de l'Union centriste a présenté une candidature pour la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
M. Michel Barnier, membre de la commission des affaires économiques et du
Plan, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial, démissionnaire de son mandat
sénatorial ;
M. Jean Arthuis, membre de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées, en remplacement de M. Guy Robert, démissionnaire
de son mandat sénatorial.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et
une heure trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
EMPLOI DES JEUNES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 423, 1996-1997), adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes. [Rapport n° 433 (1996-1997)].
Dans la discussion des articles, nous avons abordé l'examen de l'article 1er,
dont je rappelle les termes.
Article 1er
(suite)
M. le président.
« Art. 1er. _ Sont insérés à la section 1 du chapitre II du titre II du livre
III du code du travail les articles L. 322-4-18, L. 322-4-19 et L. 322-4-20
ainsi rédigés :
«
Art. L. 322-4-18
. _ Afin de promouvoir le développement d'activités
créatrices d'emplois pour les jeunes répondant à des besoins émergents ou non
satisfaits, et présentant un caractère d'utilité sociale notamment dans les
domaines des activités sportives, culturelles, éducatives, d'environnement et
de proximité, l'Etat peut conclure avec les collectivités territoriales et
leurs établissements publics, les autres personnes morales de droit public, les
organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées
de la gestion d'un service public des conventions pluriannuelles prévoyant
l'attribution d'aides pour la mise en oeuvre de projets d'activités répondant
aux exigences d'un cahier des charges établi en concertation avec les
partenaires locaux qui doit comporter notamment les exigences requises quant à
la pérennisation des activités et aux dispositions à prévoir pour assurer la
professionnalisation des emplois.
« Ces conventions peuvent être également conclues avec des groupements
constitués sous la forme d'associations déclarées de la loi du 1er juillet
1901, ou régies par le code civil local pour les départements de la Moselle, du
Bas-Rhin et du Haut-Rhin, de personnes morales visées au premier alinéa.
« Ces conventions ne peuvent s'appliquer aux services rendus aux personnes
physiques à leur domicile, mentionnés à l'article L. 129-1. Toutefois elles
peuvent s'appliquer aux activités favorisant le développement et l'animation de
services aux personnes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits.
« Lorsqu'elles sont conclues avec une personne morale de droit public, elles
ne peuvent s'appliquer qu'à des activités non assurées jusqu'alors par
celle-ci. Les collectivités territoriales et leurs établissements publics
peuvent conclure ces conventions pour les emplois autres que ceux relevant de
leurs compétences traditionnelles.
« Les projets de développement d'activités présentés par les personnes morales
de droit privé à but lucratif chargées de la gestion d'un service public ne
peuvent faire l'objet d'une convention, sauf si les activités proposées ne sont
pas assurées à la date de la demande et entrent dans le cadre de la mission de
service public qui leur a été confiée.
« Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 432-4-1,
les institutions représentatives du personnel, lorsqu'elles existent, et les
comités techniques paritaires sont informés des conventions conclues en
application du présent article ainsi que des conventions conclues conformément
à l'article L. 322-4-8-1 et saisis annuellement d'un rapport sur leur
exécution.
« Le contenu et la durée des conventions, les conditions dans lesquelles leur
exécution est suivie et contrôlée ainsi que les modalités de dénonciation de la
convention en cas de non-respect de celle-ci sont déterminés par décret.
« Les conventions comportent des dispositions relatives aux objectifs de
qualification, aux conditions de la formation professionnelle et, selon les
besoins, aux modalités du tutorat. Les régions dans le cadre de leurs
compétences ainsi que, le cas échéant, d'autres personnes morales peuvent
participer à l'effort de formation.
«
Art. L. 322-4-19
. _ Les aides attribuées par l'Etat en application
des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 ont pour objet de permettre
l'accès à l'emploi de jeunes âgés de dix-huit à moins de vingt-six ans lors de
leur embauche, y compris ceux qui sont titulaires d'un des contrats de travail
visés aux articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8-1, ou de personnes de moins de
trente ans qui ne remplissent pas la condition d'activité antérieure ouvrant
droit au bénéfice de l'allocation prévue à l'article L. 351-3. Cette condition
d'activité est appréciée à compter de la fin de la scolarité et à l'exclusion
des périodes de travail accomplies en exécution des contrats de travail visés
aux articles L. 115-1, L. 322-4-7, au deuxième alinéa du I de l'article L.
322-4-8-1 et aux articles L. 981-1, L. 981-6, L. 981-7 ou conclus avec un
employeur relevant des dispositions de l'article L. 322-4-16.
« Pour chaque poste de travail créé en vertu d'une telle convention et occupé
par une personne répondant aux conditions prévues à l'alinéa précédent, l'Etat
verse à l'organisme employeur une aide forfaitaire dont le montant et la durée
sont fixés par décret. Cependant, l'organisme employeur peut verser une
rémunération supérieure. Ces dispositions sont prévues dans la convention.
L'Etat peut prendre en charge tout ou partie des coûts d'étude des projets
mentionnés à l'article L. 322-4-18.
« Ces aides ne donnent lieu à aucune charge fiscale ou parafiscale.
« Elles ne peuvent se cumuler, pour un même poste de travail, avec une autre
aide de l'Etat à l'emploi, avec une exonération totale ou partielle des
cotisations patronales de sécurité sociale ou avec l'application de taux
spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations de sécurité
sociale.
« Elles ne peuvent être accordées lorsque l'embauche est en rapport avec la
fin du contrat de travail d'un salarié, quel qu'en soit le motif.
« Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent article précise les
conditions d'attribution et de versement des aides de l'Etat.
« L'employeur peut recevoir, pour la part de financement restant à sa charge,
des cofinancements provenant notamment des collectivités territoriales, des
établissements publics locaux ou territoriaux ainsi que de toute autre personne
morale de droit public ou de droit privé.
«
Art. L. 322-4-20
. _ I. _ Les contrats de travail conclus en vertu des
conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 sont des contrats de droit
privé établis par écrit. Ils sont conclus pour la durée légale du travail ou
pour la durée collective inférieure applicable à l'organisme employeur. Ils
peuvent être conclus à temps partiel sur dérogation accordée par le
représentant de l'Etat signataire de la convention, lorsque la nature de
l'emploi ou le volume de l'activité ne permettent pas l'emploi d'un salarié à
temps plein, sous condition de durée minimale égale au mi-temps. Ils doivent
figurer dans les grilles de classification des conventions collectives
nationales, de la fonction publique ou accords d'entreprises lorsqu'ils
existent.
« Ils peuvent être à durée indéterminée ou à durée déterminée en application
du 1° de l'article L. 122-2. Toutefois les collectivités territoriales et les
autres personnes morales de droit public, à l'exclusion des établissements
publics à caractère industriel et commercial, ne peuvent conclure que des
contrats à durée déterminée.
« Les contrats mentionnés au présent article ne peuvent être conclus par les
services de l'Etat.
« II. _ Les contrats de travail à durée déterminée mentionnés au I sont
conclus pour une durée de soixante mois.
« Ils comportent une période d'essai d'un mois renouvelable une fois.
« Sans préjudice de l'application du premier alinéa de l'article L. 122-3-8,
ils peuvent être rompus à l'expiration de chacune des périodes annuelles de
leur exécution, à l'initiative du salarié moyennant le respect d'un préavis de
deux semaines, ou de l'employeur s'il justifie d'une cause réelle et
sérieuse.
« Dans ce dernier cas, les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-14
sont applicables. En outre, l'employeur qui décide de rompre le contrat du
salarié pour une cause réelle et sérieuse doit notifier cette rupture par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre ne peut être
expédiée au salarié moins d'un jour franc après la date fixée pour l'entretien
préalable prévu à l'article L. 122-14. La date de présentation de la lettre
recommandée fixe le point de départ du délai-congé prévu par l'article L.
122-6.
« Le salarié dont le contrat est rompu par son employeur dans les conditions
prévues au troisième alinéa du présent II bénéficie d'une indemnité calculée
sur la base de la rémunération perçue. Le montant retenu pour le calcul de
cette indemnité ne saurait cependant excéder celui qui aura été perçu par le
salarié au titre des dix-huit derniers mois d'exécution de son contrat de
travail. Son taux est identique à celui prévu au deuxième alinéa de l'article
L. 122-3-4.
« En cas de rupture avant terme d'un contrat à durée déterminée conclu en
vertu des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18, les employeurs
peuvent conclure, pour le même poste, un nouveau contrat à durée déterminée
dont la durée sera égale à la durée de versement de l'aide de l'Etat restant à
courir pour le poste considéré. Les dispositions des alinéas précédents
s'appliquent à ce nouveau contrat.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 122-3-8,
la méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la rupture du
contrat de travail prévues aux troisième et quatrième alinéas du présent II
ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts correspondant au
préjudice subi. Il en est de même lorsque la rupture du contrat intervient
suite au non-respect de la convention ayant entraîné sa dénonciation.
« III. _ A l'initiative du salarié, les contrats mentionnés au I peuvent être
suspendus avec l'accord de l'employeur afin de lui permettre d'effectuer la
période d'essai afférente à une offre d'emploi. En cas d'embauche à l'issue de
cette période d'essai, les contrats précités sont rompus sans préavis. »
Par amendement n° 30, MM. Carle, Plasait, Poirieux et Serge Mathieu proposent
de supprimer cet article.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Nous avons beaucoup réfléchi avant de déposer cet amendement, conscients de
son importance, j'ose même dire de sa gravité.
Je l'ai dit ce matin, je ne souhaite pas rejeter ce texte simplement parce que
je suis dans l'opposition car, dans le domaine de l'emploi, je le répète, nous
ne nous sommes guère montrés meilleurs ; peut-être même, en matière
d'information et de communication, avons-nous été moins bons.
Cela étant, je suis convaincu, madame le ministre, que votre texte ne va pas
dans la bonne direction. Je ne reprendrai pas les arguments que j'ai déjà
développés. Je rappellerai simplement que ce projet de loi va augmenter le
poids du secteur public - le président Fourcade l'a bien indiqué ce matin - qui
est le handicap numéro un de notre pays, qu'il ne réduit pas la fracture
sociale - je crois qu'il va au contraire l'aggraver - et que, s'il apporte des
réponses dans le domaine de l'urgence, il ne résout rien à long terme.
Surtout, le texte que vous nous présentez va instituer ce que j'appelais ce
matin le « tiers secteur », véritable nébuleuse située entre le secteur public
et le secteur marchand, un tiers secteur sur la réalité duquel je m'interroge.
En revanche, ce dont je suis convaincu, c'est que ce sont les collectivités
locales qui devront en supporter le poids.
Madame le ministre, je vous ai proposé ce matin un certain nombre
d'orientations : inverser la priorité en commençant par là où se trouvent les
emplois, c'est-à-dire le secteur privé ; agir sur le long terme, notamment par
une réforme des systèmes éducatifs et une réforme des charges - charges
fiscales, sociales et juridiques - qui, aujourd'hui, pèsent très lourdement sur
les entreprises, en particulier sur les PME ; enfin, confier l'ingénierie aux
collectivités locales, singulièrement aux régions.
Malheureusement, sur ces différents points, je n'ai pas obtenu de réponse de
votre part, madame le ministre.
Quoi qu'il en soit, je continue à penser que nous nous engageons, comme l'a
dit le Président de la République, dans une voie fallacieuse.
Cependant, M. le président de la commission et M. le rapporteur nous ont
soumis plusieurs propositions, qui, tout en s'inscrivant, si j'ose dire, dans
la même philosophie, apportent un certain nombre de correctifs. La discussion
de ces propositions me paraît intéressante. C'est la raison pour laquelle, et
par respect pour notre débat parlementaire, je retire mon amendement, en
indiquant que je prendrai position à la fin de ce débat.
M. le président.
L'amendement n° 30 est retiré.
M. Ivan Renar.
Nous voilà sevrés d'un scrutin public !
(Sourires.)
M. le président.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un très grand nombre d'amendements.
ARTICLE L. 322-4-18 DU CODE DU TRAVAIL
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, je suis
tout d'abord saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de remplacer
les deux premiers alinéas du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.
322-4-18 à insérer dans le code du travail par les dispositions suivantes :
« Afin de promouvoir le développement d'activités créatrices d'emplois pour
les jeunes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits, et présentant
un caractère d'intérêt général, notamment dans les domaines du logement des
activités sportives, culturelles, éducatives, d'environnement et de proximité,
l'Etat peut conclure des conventions pluriannuelles avec :
« - les personnes morales de droit public, dont les collectivités
territoriales et leurs établissements publics,
« - les organismes de droit privé à but non lucratif,
« - les personnes morales chargées de la gestion d'un service public,
« - les sociétés d'économie mixte locales visées à l'article 1er de la loi du
7 juillet 1983,
« - les organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de
l'habitation,
« - des groupements de personnes mentionnées ci-dessus constitués, le cas
échéant, avec toutes personnes morales de droit privé, sous la forme
d'associations déclarées de la loi du 1er juillet 1901, ou régies par le code
civil local pour les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du
Haut-Rhin.
« Ces conventions prévoient l'attribution d'aides pour la mise en oeuvre de
projets d'activités répondant aux exigences d'un cahier des charges fixées par
décret après consultation du Conseil national de la formation professionnelle,
de la promotion sociale et de l'emploi mentionné à l'article L. 910-1. »
Cet amendement est assorti de treize sous-amendements.
Le sous-amendement n° 95, déposé par M. Gournac et les membres du groupe du
RPR, tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, à
remplacer le mot : « émergents », par le mot : « nouveaux ».
Le sous-amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Carle, Plasait, Poirieux
et Serge Mathieu vise, au premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1
pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 322-4-18 du code du
travail, après les mots : « des besoins émergents ou non satisfaits », à
insérer les mots : « ou favorisant le soutien à la vie associative ».
Le sous-amendement n° 68, déposé par Mme Dusseau, a pour objet, dans le
premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour remplacer les deux
premiers alinéas de l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail, de
remplacer les mots : « d'intérêt général », par les mots : « d'utilité sociale
».
Le sous-amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Cabanel, Joly,
Rausch et Bimbenet, vise, dans le premier alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 1 pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, après les mots
: « dans les domaines », à insérer les mots : « de la formation aux nouvelles
technologies et de leurs applications, ».
Le sous-amendement n° 96, déposé par MM. Jourdain, Gournac et les membres du
groupe du RPR, tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement
n° 1, après les mots : « dans les domaines », à insérer les mots : « de
l'économie ».
Le sous-amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Lauret et Mme
Michaux-Chevry, a pour objet, dans le premier alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 1 pour l'article L. 322-4-18, après le mot : « éducatives, »,
d'insérer les mots : « humanitaires et de coopération, ».
Les quatre sous-amendements suivants sont déposés par M. Gournac et les
membres du groupe du RPR.
Le sous-amendement n° 97 vise, au début du deuxième alinéa du texte proposé
par l'amendement n° 1, à supprimer les mots : « les personnes morales de droit
public, dont ».
Le sous-amendement n° 98 tend :
A. - Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, à
insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« les établissements publics industriels et commerciaux »
B. - A compléter le texte de l'amendement n° 1 par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« II. - Compléter le texte de cet article par un paragraphe additionnel ainsi
rédigé :
« II. - L'accroissement des charges résultant pour l'Etat de la possibilité
pour l'Etat de conclure des conventions pluriannuelles avec les établissements
publics industriels et commerciaux est compensé à due concurrence par un
relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article
403 du code général des impôts. »
C. - En conséquence, à faire précéder le début de l'amendement n° 1, de la
mention : « I »
Le sous-amendement n° 152 a pour objet :
A. - Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 d'insérer
un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« - les organismes consulaires »
B. - De compléter le texte de l'amendement n° 1 par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« II. - Compléter le texte de cet article par un paragraphe additionnel ainsi
rédigé :
« ... - L'accroissement des charges résultant pour l'Etat de la possibilité
pour l'Etat de conclure des conventions pluriannuelles avec les organismes
consulaires est compensé à due concurrence par un relèvement des droits prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
C. - En conséquence, de faire précéder le début de l'amendement n° 1 de la
mention : « I ».
Le sous-amendement n° 99 vise à compléter le troisième alinéa du texte proposé
par l'amendement n° 1 par les mots suivants : « sauf ceux qui sont financés
directement ou indirectement à plus de 95 % de leur budget par l'Etat ». Le
sous-amendement n° 69, présenté par Mme Dusseau, tend à supprimer les cinquième
et sixième alinéas du texte proposé par l'amendement n° 1 pour remplacer les
deux premiers alinéas de l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du
travail.
Le sous-amendement n° 89, déposé par Mme Olin, a pour objet :
A. - Après le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, d'insérer
un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« - les copropriétés, »
B. - De compléter l'amendement n° 1 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« II. - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'accroissement des charges résultant pour l'Etat de la possibilité de
conclure des conventions avec les copropriétés est compensée à due concurrence
par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à
l'article 403 du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de l'amendement n° 1 de la
mention : « I ».
Enfin, le sous-amendement n° 75, présenté par M. Joyandet, vise :
I. - Après le septième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, à
insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes morales de droit privé à but lucratif employant moins de 50
salariés. »
II. - A compléter
in fine
le texte de l'amendement n° 1 par un
paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'accroissement des charges résultant pour l'Etat de l'extension aux
personnes morales de droit privé à but lucratif employant moins de 50 salariés
de la possibilité de conclure avec l'Etat des conventions pluriannuelles est
compensé à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575
et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle
aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
III. - En conséquence, à faire précéder le début du texte proposé par
l'amendement n° 1 de la mention : « I ».
Par amendement n° 23, M. Jean-Louis Lorrain propose, dans le premier alinéa du
texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail,
après les mots : « et les personnes morales chargées de la gestion du service
public », d'insérer les mots : « autrement que par un contrat dont la passation
est soumise à des règles de mise en concurrence, ».
Par amendement n° 60, Mme Dieulangard, MM. Delfau, Huguet, Mazars, Roujas et
Lise, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après
le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.
322-4-18 du code du travail, les dispositions suivantes :
« Les préfets, dans chaque département, doivent s'assurer de la mise en place
de comités locaux de pilotage en vue :
« - d'organiser l'information et la mobilisation des employeurs potentiels et
participer à la prospection en vue de l'élaboration de nouveaux projets,
« - d'émettre un avis sur les projets d'activités proposés,
« - de participer à l'émergence de nouveaux projets et assurer le cas échéant
une assistance au montage par une fonction d'ingénierie,
« - de faciliter la pérennisation des emplois créés et l'insertion
professionnelle durable des jeunes,
« - d'assurer une mission de vigilance concernant les objectifs exprimés dans
les conventions.
« Les comités locaux de pilotage comprennent :
« - des représentants des collectivités territoriales concernées,
« - le représentant de l'Etat dans le département,
« - des représentants des organisations syndicales représentatives de salariés
et d'employeurs,
« - des représentants des organismes consulaires,
« - des représentants de l'ANPE, des missions locales et des PAIO, des comités
de bassins d'emplois et de tous autres organismes intervenant en faveur de
l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes sur le territoire
concerné. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Cet amendement vise à
clarifier et à préciser la liste des employeurs susceptibles de bénéficier du
dispositif emploi-jeunes : les sociétés d'économie mixte et les organismes
d'HLM, qu'ils soient publics ou privés, sont donc expressément mentionnés.
Il est en outre spécifié que les entreprises privées peuvent se regrouper,
dans le cadre d'associations, avec les autres employeurs énumérés à l'article
L. 322-4-18 du code du travail.
Par ailleurs, les conventions devant répondre aux exigences d'un cahier des
charges, cet amendement vise également à prévoir, d'une part, la fixation par
décret de ce cahier des charges à l'échelon national et, d'autre part, une
consultation de toutes les parties intéressées des secteurs publics et privés,
à l'occasion de son élaboration au travers du Conseil national de la formation
professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
Ce conseil ayant pour fonction d'assister le Gouvernement dans l'élaboration
et la mise en oeuvre de la politique de la formation professionnelle et de
l'emploi, il est normal qu'il intervienne ici.
La consultation des partenaires locaux se fera, conformément à ce que nous
proposerons dans l'amendement n° 2, lors de l'élaboration de la convention
elle-même.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 95.
M. Alain Gournac.
Le mot « émergents » n'ayant aucune signification juridique, il semble
préférable d'employer le terme « nouveaux ».
M. le président.
La parole est à M. Carle, pour défendre le sous-amendement n° 31 rectifié.
M. Jean-Claude Carle.
Ce sous-amendement vise à renforcer les effectifs de certaines associations
qui, du fait de la disparition du service national, n'ont plus la possibilité
de recourir soit aux objecteurs de conscience, soit à des personnes effectuant
un « service national-ville ».
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre le sous-amendement n° 68.
Mme Joëlle Dusseau.
Je propose de reprendre les termes initiaux du projet de loi en substituant,
dans l'amendement n° 1, l'expression « d'utilité sociale » à celle « d'intérêt
général ».
Ces derniers termes sont en effet extrêmement vagues.
L'expression est aujourd'hui employée dans le domaine judiciaire mais, chacun
le comprend, les travaux « d'intérêt général » auxquels sont soumis certains
auteurs de délits, s'ils peuvent être très utiles, ne correspondent en rien à
des emplois nouveaux ou innovants.
Ces termes « d'intérêt général » me paraissent restrictifs par rapport à la
portée du projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour présenter le sous-amendement n° 144 rectifié.
M. Bernard Joly.
Ce sous-amendement tend à créer des postes de travail dans le domaine des
nouvelles technologies, qu'il s'agisse de leur formation ou de leurs
applications.
Nous vivons en effet une révolution importante, qui s'accompagne notamment
d'une mutation des structures et des emplois existants. Mais celle-ci se
caractérise également par la création de nouvelles richesses, de nouveaux
métiers, de nouveaux emplois.
Les pouvoirs publics doivent donner l'exemple, s'adapter, appeler à la
croisade qui s'impose et accompagner les mutations de la société.
M. le président.
La parole est à M. Jourdain, pour défendre le sous-amendement n° 96.
M. André Jourdain.
Vous avez dit, madame le ministre, que ce projet était un projet économique.
Or le mot « économie » ne figure nulle part. Je propose donc d'introduire cette
notion parmi les domaines qui sont répertoriés dans cet article.
Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, je veux m'assurer que
les associations qui travaillent avec les entreprises, qui assument des
activités collectives pour certaines entreprises, puissent bénéficier de tels
emplois.
Je pense aussi à des associations susceptibles d'aider des jeunes qui veulent
soit créer des entreprises, soit reprendre par transmission des entreprises -
et les besoins sont grands à cet égard - ainsi qu'à des associations qui
souhaitent développer le multisalariat.
Je voudrais être sûr que de telles associations entrent dans le champ
d'application de ce projet de loi.
Le meilleur moyen d'obtenir cette assurance me paraît de faire figurer le mot
« économie » dans cet article.
M. le président.
La parole est à M. Lauret, pour présenter le sous-amendement n° 52
rectifié.
M. Edmond Lauret.
Les associations humanitaires rencontrent de graves difficultés techniques et
financières pour effectuer leurs missions dans les pays en voie de
développement. Il en est de même pour les collectivités publiques françaises
impliquées dans des actions de coopération.
Leur permettre de renforcer leur présence à l'étranger améliorera sensiblement
leur efficacité et, partant, renforcera la présence française dans ces pays.
C'est ce que je propose par ce sous-amendement.
L'expérience acquise dans ces missions difficiles par de jeunes Français
devrait leur pemettre d'occuper par la suite des postes de travail de façon
pérenne, tant à l'étranger que sur notre sol.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, pour présenter les sous-amendements n°s 97, 98,
152 et 99.
M. Alain Gournac.
Dans la logique de notre commission des affaires sociales, le transfert vers
le secteur privé des emplois-jeunes doit être l'objectif premier de ce projet
de loi. Pour cette raison, nous proposons de ne pas ouvrir massivement le
dispositif aux personnes morales de droit public et de les réserver à des
personnes déerminées, notamment les collectivités territoriales et leurs
établissements, ce qui est prévu dans le texte initial, les établissements
publics industriels et commerciaux, les organismes consulaires, les
associations, ainsi que toutes les personnes citées dans l'amendement de M. le
rapporteur.
Seuls ces employeurs sont de nature à offrir un emploi qui soit
professionnalisé, c'est-à-dire qui prépare à un métier susceptible d'être un
jour « absorbé » par le secteur marchand et donc pérennisé.
Le sous-amendement n° 99 vise le même objectif que les sous-amendements
précédents. Il serait très facile pour les services de l'Etat de créer des
associations financées essentiellement par des fonds publics et qui
embaucheraient au titre des emplois-jeunes. Ce sous-amendement vise donc à
exclure ces associations du dispositif quand elles sont subventionnées à 95
%.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre le sous-amendement n° 69.
Mme Joëlle Dusseau.
Ce sous-amendement tend à limiter l'extension des employeurs potentiels au
titre des emplois-jeunes que propose la commission.
Celle-ci propose en effet d'inclure les sociétés d'économie mixte locales
ainsi que les organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction
et de l'habitation.
Cela me paraît de nature à susciter des dérives, notamment dans le second cas,
car, parmi les organismes visés à l'article L. 411-2, on trouve une série
d'offices d'HLM mais aussi des sociétés anonymes de crédit immobilier. Il faut
donc se montrer vigilant.
On ne peut pas permettre à n'importe qui de devenir employeur selon les
modalités que définit ce projet de loi.
M. le président.
La parole est à Mme Olin, pour défendre le sous-amendement n° 89.
Mme Nelly Olin.
De multiples espaces ouverts au public appartiennent à des copropriétés, qu'il
s'agisse d'espaces à vocation commerciale dans le cadre de copropriétés
intégrant des activités économiques ou d'espaces extérieurs de copropriétés
intégrant ou non des activités économiques.
Ces espaces sont des lieux privilégiés d'émergence de besoins collectifs non
satisfaits ou mal satisfaits à ce jour : par exemple, en matière d'entretien et
d'amélioration du cadre de vie ou dans le domaine de la prévention des
incivilités et de l'insécurité.
Ces espaces à usage public sont des pôles de vie qui jouent un rôle souvent
essentiel en termes d'animation urbaine, légitimant une implication forte des
pouvoirs publics pour préserver et améliorer leur bon fonctionnement.
Aussi est-il proposé d'ouvrir aux copropriétés l'accès aux divers dispositifs
publics mis en place pour favoriser l'emploi des jeunes, notamment l'accès aux
emplois de ville, dès lors que ceux-ci visent la satisfaction de besoins à
caractère collectif sur des espaces ouverts au public.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet, pour présenter le sous-amendement n° 75.
M. Alain Joyandet.
Le projet de loi prévoit la création d'emplois dans le secteur public ou
assimilé. Or, par ce dispositif, il n'est possible de créer que des emplois
précaires, car il est fort peu probable qu'ils puissent être insérés dans le
secteur marchand à l'issue de soixante mois. C'est pourquoi il est proposé
d'ouvrir ce dispositif aux entreprises qui, seules, sont créatrices
d'emplois.
Je précise que ce sous-amendement fait partie d'un tout.
En effet, d'autres amendements prévoient un certain nombre de réserves
complémentaires. Ainsi, les activités pour lesquelles l'aide de l'Etat sera
accordée devront notamment correspondre à des besoins émergents et non
satisfaits.
D'autres prévoient que les entreprises devront conclure des contrats à durée
indéterminée avec les jeunes, et non plus des contrats à durée déterminée.
Certaines viseront enfin à proposer que l'aide de l'Etat aux entreprises
privées à but lucratif soit dégressive.
En conclusion, il s'agit donc d'une façon de passer du secteur public au
secteur privé, au moyen d'un dispositif ayant subi un certain nombre de
modifications.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour présenter l'amendement n° 23.
M. Jean-Louis Lorrain.
Les entreprises de droit public ont, de par le monopole ou le quasi-monopole
dont elles jouissent, une capacité à tester les activités émergentes sans
mettre en péril ni leur équilibre financier, ni la situation de leur
personnel.
Si les entreprises de droit privé délégataires d'un service public, auxquelles
on soumet un projet spécifique qui devra être débattu prochainement, se
trouvent dès aujourd'hui dans l'obligation de créer des emplois à caractère
public, par la volonté de l'autorité organisatrice par exemple, elles se
trouveront en face d'une triple interrogation.
En effet, comment s'adapter dès maintenant aux projets d'organisation,
d'aménagement et réduction du temps de travail ? Comment satisfaire aux
exigences du second volet du dispositif légal, prévoyant la création de 350 000
emplois dans le secteur privé ? Enfin, comment poursuivre la politique de
professionnalisation engagée avec les partenaires sociaux à travers les
contrats d'alternance - notamment en matière d'apprentissage ou de
qualification - destinés aux jeunes, pour laquelle elles ont déjà mobilisé des
ressources importantes ?
Nous tentons d'y répondre pour cet amendement.
M. le président.
la parole est à Mme Dieulangard, pour présenter l'amendement n° 60.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Le texte de notre amendement est assez long, précis et explicite pour que je
n'aie pas à ajouter d'autres explications.
Cependant, s'agissant des emplois d'initiative locale, dont je rappelle qu'ils
doivent constituer l'essentiel - les trois quarts selon l'article 3 du projet
de loi - des emplois créés, notre objectif est de permettre un pilotage du
dispositif au plus près du terrain et du réel.
En tant qu'élus locaux, les sénateurs savent tous, par de multiples
expériences, que telle est la condition de la réussite de la mise en oeuvre
d'un dispositif, quel qu'il soit. L'échelon départemental, lieu d'intervention
des préfets et des présidents de conseil général, est indispensable, mais il
n'est pas suffisant dès lors que l'on passe à l'application pratique dans les
villes, les communes rurales, les associations, etc.
Pour créer de véritables emplois-jeunes, il convient d'abord de mobiliser
l'ensemble des partenaires locaux, à l'échelon de la commune, du bassin
d'emploi ou de l'arrondissement, peu importe. Ces gens se connaissent et ont
souvent déjà travaillé ensemble. Si ce n'est pas le cas - mais ce doit être
devenu fort rare - alors les emplois-jeunes peuvent fournir l'occasion de
mettre en place cette synergie, toujours fructueuse pour le maintien et la
création d'emplois. Il reviendra aux partenaires locaux sinon de concevoir
eux-mêmes des projets, au moins de soutenir leur élaboration et de prospecter
pour en faire naître de nouveaux.
En effet, nous ne devons pas nourrir d'illusions : même pour répondre à des
besoins émergents ou non satisfaits, les projets ne tomberont pas du ciel ; il
faudra, ici ou là, les susciter et les soutenir. Mobiliser les élus, les
représentants des salariés, les employeurs locaux et tous ceux qui travaillent
au quotidien et dans la discrétion pour l'emploi et l'insertion professionnelle
des jeunes est donc une nécessité en amont, mais aussi pendant le déroulement
du processus, ainsi que pour faciliter la sortie des intéressés du
dispositif.
Il nous reviendra en effet, en tant qu'élus, et ce que cet amendement soit
adopté ou pas, de veiller au bon déroulement de l'opération. On nous demandera
d'être vigilants pour éviter les dérives, particulièrement en ce qui concerne
le secteur marchand, l'artisanat ou encore les entreprises d'insertion, qui
craignent pour leur avenir.
Les emplois-jeunes d'initiative locale ne seront une réussite que s'ils sont
d'emblée intégrés dans le tissu économique local et s'ils bénéficient du
soutien actif, de la complicité, oserais-je dire, des partenaires concernés à
un titre ou un autre.
Enfin, il est évident que la pérennisation de ces emplois et leur transfert,
dans une proportion importante, vers le secteur marchand n'auront pas lieu sans
le soutien de ces mêmes partenaires au terme des cinq ans du contrat, peut-être
même avant, nous renverrons ces jeunes, après un « tour de piste », à la case
départ. Cela n'est évidemment envisageable pour personne.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons au Sénat d'adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement n'est pas
favorable à l'amendement présenté par la commission, et ce pour plusieurs
raisons.
Tout d'abord, s'il comprend bien la nature de l'ajout qui est proposé, il ne
lui paraît pas souhaitable de le retenir, car la notion d'intérêt général
relève plutôt du droit administratif et renvoie directement aux missions des
différentes collectivités publiques, alors que nous souhaitons justement que
les nouveaux emplois ne s'inscrivent pas dans les missions des collectivités
publiques.
En outre, il ne nous paraît pas souhaitable d'étendre le champ d'application
du dispositif dans la direction proposée par la commission. En effet, les
sociétés d'économie mixte locales entrent déjà, lorsqu'elles sont chargées de
la gestion d'un service public, dans le champ d'application de la loi.
Lorsqu'elles ne le sont pas et qu'elles sont en fait des organismes à but
lucratif, le Gouvernement ne souhaite pas les y inclure. Il en va de même pour
les organismes anonymes de crédit immobilier ou gestionnaires et bailleurs
sociaux à but lucratif.
Par ailleurs, le cahier des charges couvre en fait le contenu du dossier qui
doit être déposé pour demander la création d'emplois-jeunes. Il ne nous semble
pas souhaitable de réunir, pour l'examen d'un dossier purement formel, le
Conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de
l'emploi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 95, 31 rectifié,
68, 144 rectifié, 96, 52 rectifié, 97, 98, 152, 99, 69, 89 et 75, ainsi que sur
les amendements n°s 23 et 60 ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
S'agissant du sous-amendement n° 95, la commission s'en remet
à la sagesse du Sénat sur un point de terminologie.
Il en va de même pour le sous-amendement n° 31 rectifié. La vie associative
constitue un vivier d'activités émergentes, et la disposition proposée est
intéressante.
Sur le sous-amendement n° 68, la commission a émis un avis défavorable,
puisqu'il tend à rétablir une expression qu'elle a supprimée.
La commission a donné un avis favorable sur le sous-amendement n° 144
rectifié, qui vise effectivement un domaine phare en matière d'activités
émergentes. Nous remercions ses auteurs.
Sur le sous-amendement n° 96, la commission a également émis un avis
favorable. Elle a considéré en effet que le domaine économique - on peut ici
penser aux organismes consulaires, par exemple - ne devait pas être exclu du
dispositif.
Pour le sous-amendement n° 52 rectifié, la commission invoque la sagesse du
Sénat. On ne peut sans doute pas exclure les activités visées, qui prennent une
place de plus en plus importante au sein du mouvement associatif.
La commission a donné un avis défavorable sur le sous-amendement n° 97. Nous
comprenons bien sa philosophie, qui tend à limiter les risques de dérive, mais
il est contraire à la position de la commission, et il a l'inconvénient de
supprimer la possibilité, pour nombre d'établissements publics administratifs -
je pense ici, notamment, aux chambres consulaires, aux chambres de métiers,
d'agriculture ou de commerce et d'industrie - de créer des emplois-jeunes. Je
croyais même que notre collègue Alain Gournac le retirerait, mais tel n'a pas
été le cas.
Sur le sous-amendement n° 98, la commission émet un avis défavorable, par
coordination avec l'avis défavorable qu'elle a donné sur le sous-amendement n°
97.
Quant au sous-amendement n° 152, nous considérons qu'il est satisfait. Dans
ces conditions, il ne devrait plus avoir d'objet.
S'agissant du sous-amendement n° 99, la commission a donné un avis favorable.
La disposition proposée va en effet dans le sens d'une séparation nette entre
les activités qui relèvent des attributions de l'Etat et celles qui ont
vocation à être assurées par le secteur privé marchand.
Sur le sous-amendement n° 69, la commission a donné un avis défavorable. Je le
regrette pour Mme Dusseau, mais ce sous-amendement a pour objet de supprimer la
mention expresse des sociétés d'économie mixte et des organismes d'HLM, que
nous avons souhaité voir figurer dans le texte.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 89 de Mme Olin, la commission s'en
remet à la sagesse du Sénat. Elle considère que l'exposé des motifs s'inscrit
dans le droit-fil de ses propositions, mais que la rédaction, de par sa
simplicité, est un peu trop largement ouverte.
La commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 75. En
effet, ouvrant le dispositif aux entreprises privées, même de moins de
cinquante salariés, ce sous-amendement se place en dehors du champ du projet de
loi et anticipe sur le second volet du plan emploi-jeunes.
Quant à l'amendement n° 23, il a recueilli un avis défavorable. Nous
comprenons le souci de M. Jean-Louis Lorrain d'éviter une concurrence déloyale,
mais, en l'occurrence, la personne morale embauchera des jeunes après avoir été
chargée de la gestion du service.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 60, la commission a émis un avis
défavorable : la mesure proposée est redondante avec le dispositif présenté par
la commission, qui confie ces rôles, dans la plupart des cas, au comité
départemental de la formation professionnelle, le CODEF. En outre, si le Sénat
accepte l'amendement n° 1 de la commission, l'amendement n° 60 ne devrait plus
avoir d'objet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 23 et 60, ainsi que
sur les sous-amendements n°s 95, 31 rectifié, 68, 144 rectifié, 96, 52
rectifié, 97, 98, 152, 99, 69, 89 et 75 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Sur l'amendement n° 23, le
Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur. Il n'y a aucune raison pour
que les collectivités locales fassent pression sur les entreprises délégataires
de services publics pour embaucher des jeunes, dans la mesure où celles-ci sont
déjà détentrices de contrats de délégation de service public. Je ne vois donc
pas l'intérêt de cet amendement, auquel le Gouvernement s'oppose.
En ce qui concerne l'amendement n° 60, je comprends très bien que ses auteurs
souhaitent la mise en place de comités locaux de pilotage qui permettent de
mobiliser les employeurs potentiels et d'émettre des avis sur les projets
d'activités proposés. Cependant, il me semble qu'il convient de maintenir la
souplesse du dispositif et de faire en sorte que ces comités puissent être
créés sur l'initiative du préfet, comme nous le lui demanderons par des
circulaires, sans qu'il y ait pour autant d'obligation légale. Des dispositifs
sans doute différents seront mis en place département par département.
S'agissant des sous-amendements affectant l'amendement n° 1, j'en dirai
simplement quelques mots, puisque le Gouvernement s'est opposé à ce dernier.
Concernant le sous-amendement n° 95, le Gouvernement préfère le mot : «
émergent » au mot : « nouveau », qui est beaucoup trop restrictif. En effet,
des besoins émergents peuvent ne pas être nouveaux mais ne pas être satisfaits,
et il faut donc les prendre en compte dans le texte.
Quant au sous-amendement n° 31 rectifié, son objet nous semble beaucoup trop
large, puisqu'il prévoit la possibilité de créer des emplois-jeunes dans
l'ensemble des associations, sans qu'il s'agisse d'activités nouvelles.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 68, je suis d'accord sur le fond pour
préférer les mots : « utilité sociale » à l'expression : « intérêt général ».
Toutefois, le Gouvernement s'étant opposé à l'amendement n° 1, il ne peut que
rejeter ce sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 144 rectifié, il me semble que le domaine de
la formation aux nouvelles technologies et de leur application entre dans le
thème « culture », qui est pris en compte dans le projet de loi, comme
d'ailleurs dans l'amendement de la commission.
Le sous-amendement n° 96 vise quant à lui le domaine de l'économie. Il s'agit
non pas, à proprement parler, d'un secteur d'activité, mais d'un domaine
transversal. Les associations susceptibles de s'occuper de développement
économique sont, en tout état de cause, des associations, et peuvent donc
entrer dans le champ d'application du texte.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à ce sous-amendement.
Le Gouvernement ne souhaite pas davantage accepter le sous-amendement n° 52
rectifié, tendant à appliquer le dispositif emplois-jeunes aux associations
humanitaires et de coopération, car il nous semble qu'il n'y a pas de
solvabilisation possible, à terme, de ces emplois.
Le sous-amendement n° 97 est quelque peu en contradiction avec un autre
sous-amendement, qui porte le numéro 152, déposé par M. Gournac, puisqu'il vise
à écarter les établissements publics administratifs du champ d'application de
la loi. Nous y sommes donc défavorables.
Aux termes du sous-amendement n° 98, les EPIC devraient figurer dans le champ
d'application de la loi. Mais c'est déjà le cas, puisque celle-ci vise
explicitement les personnes morales de droit public !
Le sous-amendement n° 152 tend à y intégrer les organismes consulaires,
établissements publics administratifs déjà concernés par le champ d'application
de la loi, mais que M. Gournac nous propose d'exclure dans le sous-amendement
n° 97...
S'agissant du sous-amendement n° 99, il ne nous semble pas souhaitable
d'exclure les associations qui sont financées largement par l'Etat.
Par ailleurs, si je suis d'accord avec le fond du sous-amendement n° 69, je ne
puis l'accepter étant donné l'avis négatif que j'ai donné à l'amendement n°
1.
Enfin, le Gouvernement est défavorable aux sous-amendements n°s 89 et 75.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 95.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Mon explication de vote vaudra pour l'amendement n° 1 de la commission ainsi
que pour l'ensemble des sous-amendements afférents, ce qui fera gagner du temps
à la Haute Assemblée.
M. le président.
Nous vous en remercions !
M. Ivan Renar.
Le groupe communiste républicain et citoyen, vous n'en serez pas étonnés,
votera contre l'amendement n° 1 et contre l'ensemble des sous-amendements qui
s'y rapportent.
Nous ne nions pas que, comme l'affirme le rapport, à la suite du passage à
l'Assemblée nationale, la lecture de l'article L. 322-4-18 du code du travail «
révèle un certain désordre dans l'organisation de l'article ».
Mais il ne s'agit évidemment pas de cela avec l'amendement n° 1 ! Il s'agit,
en fait, d'une partie de la complète réécriture du projet de loi à laquelle
s'est livrée la commission des affaires sociales, et qui le dénature
entièrement.
Nous reviendrons, au cours de la discussion, sur l'ensemble des amendements de
la commission des affaires sociales, mais permettez-moi d'apporter un premier
commentaire sur ceux-ci.
A l'opposé de la volonté de rompre avec la logique qui a été jusqu'à présent à
l'oeuvre, je crois que le véritable « contre-texte » qui nous est proposé par
la majorité du Sénat retombe dans cette logique qui a échoué - et qui a
d'ailleurs été sanctionnée par le suffrage universel - avec la baisse du coût
du travail par une subvention directe à l'emploi et par l'exonération des
charges sociales.
Pour en revenir à l'amendement n° 1 et aux sous-amendements qui s'y
rapportent, M. le rapporteur affirme qu'ils visent à clarifier et à préciser la
liste des employeurs susceptibles de bénéficier du dispositif. Il indique, en
particulier - c'est une innovation par rapport au projet de loi - que les
entreprises privées pourraient se regrouper, dans le cadre d'associations, avec
les autres employeurs énumérés à l'article pour créer des activités
correspondant aux enjeux du projet de loi.
Cette évolution, lourde de menaces pour l'avenir, ne peut en aucun cas
rencontrer notre accord.
Il en est de même, évidemment, des sous-amendements présentés par nos
collègues du groupe du RPR, qui proposent, en excluant les employeurs publics,
de vider de son contenu le projet de loi. Il aurait été plus cohérent de
proposer la suppression de l'article 1er !
Mes chers collègues du RPR et de l'UDF, vous avez tout de même une étrange
façon d'aimer les jeunes et les emplois-jeunes : vous me faites
irrésistiblement penser à Jacques Prévert, dont chacun connaît l'impertinence
et l'insolence - qui figurent parmi les valeurs de la démocratie - lorsqu'il
disait à la femme aimée : « Tu dis que tu aimes les fleurs et tu leur coupes la
queue. Alors, quand tu dis que tu m'aimes, j'ai un peu peur ! »
(Rires.)
Aussi, lorsque je lis certains de vos amendements et sous-amendements,
j'ai envie de vous dire : « N'avez-vous donc rien compris et rien appris ? »
Cela étant dit, vous comprendrez, mes chers collègues, que, dans ces
conditions, nous vous demandions de rejeter à la fois l'amendement n° 1 et les
sous-amendements qui y sont rattachés, à l'exception, s'ils sont maintenus, des
sous-amendements n°s 68, 69, 60 et 61.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vais
peut-être vous surprendre, mais jusqu'à un certain point je partage assez
volontiers le propos que vient de tenir notre collègue M. Renar.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est très bien !
M. Jean Chérioux.
Pas concernant Prévert !
(Sourires.)
M. Philippe Marini.
J'ai dit « jusqu'à un certain point », et je voudrais m'en expliquer, mes
chers collègues.
Ce premier amendement est un test, ainsi naturellement que les
sous-amendements qui l'accompagnent et dont nous allons discuter. Ce test
concerne le déroulement de notre débat dans cette assemblée, car nous sommes
nombreux, sur les travées de la majorité sénatoriale, à considérer, madame le
ministre, que votre loi relève d'une mauvaise logique économique et comporte
bon nombre de risques : risques d'illusion au détriment des jeunes, risques de
confusion entre la fonction publique territoriale et le secteur privé, risques
d'absence ou d'insuffisance de formation des jeunes, risques de concurrence par
rapport au secteur privé. Pour nous, ces risques sont très réels et la version
de ce texte telle qu'elle est issue des travaux de l'Assemblée nationale ne
répond pas aux questions fondamentales que nous nous posons.
Cela étant, madame le ministre, le Sénat et sa commission des affaires
sociales ont voulu adopter une attitude constructive - du moins sur les travées
de la majorité
(Protestations sur les travées socialistes)
- et c'est pour cela que
notre rapporteur et les groupes de la majorité proposent un certain nombre
d'améliorations et de réponses aux questions de fond que nous nous posons.
J'étais un peu déçu, madame le ministre, qu'au premier amendement proposé par
la commission vous opposiez un avis défavorable. En effet, la recherche dans
laquelle nous nous efforçons de nous lancer avec vous illustre notre volonté
d'être concrets, positifs et tournés vers l'avenir.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Heureusement que Mme Aubry ne vous suit pas !
M. Philippe Marini.
Or nous avons l'impression que cette attitude positive - du moins est-ce ainsi
que je le perçois, mais peut-être vais-je changer d'opinion au cours du débat -
n'a pas été appréciée à sa juste valeur.
Naturellement, en ce qui me concerne, je voterai l'amendement n° 1 de la
commission, de même que je suivrai un certain nombre de sous-amendements, tout
particulièrement le sous-amendement n° 95.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Edmond Lauret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Madame le ministre, vous avez émis un avis défavorable à l'encontre de mon
sous-amendement n° 52 rectifié.
Permettez-moi de vous lire une déclaration d'un des ministres du gouvernement
actuel, publiée vendredi dernier dans la presse locale de la Réunion et portant
sur l'objet même de notre discussion.
Ainsi s'exprime ce ministre : « En ce qui concerne la Réunion, il y a des
gisements d'emplois qui ne sont pas exploités. J'ai parlé avec Charles
Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération, d'emplois dans le domaine de
l'action de développement, tournés vers l'environnement régional, que ce soit à
Madagascar ou ailleurs. Des emplois sur lesquels on peut mobiliser sûrement des
associations et, à partir de là, mobiliser les crédits. Ce pourrait être une
action exemplaire, pour laquelle le ministère de la coopération pourrait donner
un coup de main. Charles Josselin a été très sensible à cette idée. »
Madame le ministre, vous connaissez la fameuse formule : « faire ce qu'on dit,
dire ce qu'on fait » ; encore une fois, elle est violée !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 95, repoussé par le Gouvernement et
pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 31 rectifié, repoussé par le
Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 68.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Mes chers collègues, un certain nombre d'entre vous ont insisté sur le fait
qu'il ne fallait en aucun cas mettre en place une fonction publique
bis
ou une fonction publique territoriale
bis,
et nous avons été
nombreux à penser qu'il y avait peut-être là, effectivement, un risque sur
lequel il nous fallait être vigilant.
En imposant dans le texte la notion d'intérêt général, c'est cela même que
vous permettez en réalité. En effet, que font nos collectivités locales, au
travers des emplois de la fonction publique nationale et territoriale, si ce
n'est de l'intérêt général ? Donc, monsieur le rapporteur, en remplaçant
l'expression « utilité sociale » par l'expression « intérêt général », vous
êtes en train d'introduire la confusion que vous souhaitez - à juste titre, me
semble-t-il - éviter.
Je vous demande donc de bien réfléchir à votre vote !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Comme l'a dit tout à l'heure notre collègue
M. Marini, cette première batterie d'amendements est un test.
Je voudrais dire à M. Renar que nous n'avons pas dénaturé le texte : nous
l'avons élargi. En d'autres termes, nous avons conservé l'objectif, mais nous
l'avons étendu à un certain nombre d'autres activités pour trouver davantage de
possibilités d'emplois et pour participer, madame la ministre, à la souplesse
dont vous avez parlé cet après-midi.
Quant au problème de l'utilité sociale, notre pays a un passé, madame, et il
ne faut pas que ces emplois nouveaux et non satisfaits soient ramenés à nos
pratiques actuelles des centres communaux d'action sociale. Sinon, nous nous
lancerions dans un système d'emplois gratuits qui ne pourraient jamais être
solvabilisés.
M. Alain Gournac.
Jamais !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
La commission a beaucoup hésité - vous le
savez, puisque vous assistiez à sa réunion - sur le terme à adopter. Il nous a
semblé que l'expression « d'intérêt général » permettait non pas de retomber
sur les activités traditionnelles des collectivités territoriales, quelles
qu'elles soient,...
Mme Joëlle Dusseau.
Et sur quoi donc voulez-vous retomber ?
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... mais de sortir de ce canal de l'utilité
sociale qui risque de restreindre les emplois.
Vous comprendrez, chère madame, qu'on ne peut pas à la fois revenir de
l'intérêt général à l'utilité sociale et adopter le sous-amendement de notre
collègue M. Laffitte, qui évoque les emplois dans les nouveaux secteurs de
l'audiovisuel et de la communication.
Ou bien nous voulons réellement trouver des possibilités d'emplois nouveaux
dans un cadre aussi étendu que possible - et c'est tout le sens du texte que
nous avons élargi, madame la ministre - ou bien nous en restons au vieux cliché
de l'utilité sociale, en nous gardant bien d'employer quiconque pourrait avoir
une qualification professionnelle.
Je pense ainsi au logement et à la distinction que vous faites entre les
offices d'HLM et les sociétés anonymes : dans nos villes, nous savons bien que
les deux gèrent des logements sociaux et que nous pouvons comparer leur gestion
d'ensemble. Si vous restez dans ce cadre, c'est vous qui êtes beaucoup trop
restrictive et c'est nous, je crois, madame la ministre - et ce malgré votre
avis négatif - qui permettons une création réelle d'emplois nouveaux pour
l'ensemble des jeunes de ce pays.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je ne voudrais pas que notre débat se
prolonge trop longtemps, mais je souhaite tout de même apporter quelques
précisions.
Certains amendements de la commission, nous le verrons au cours de la
discussion, sont extrêmement importants et soulèvent énormément de sujets.
Evidemment, si nous sommes en désaccord sur l'un des points, nous serons
obligés de nous y opposer.
Par ailleurs, il s'agit parfois d'un problème de termes. Encore une fois, je
comprends la notion d'intérêt général que la commission a voulu retenir, et je
partage son souci. J'ai simplement la crainte que la jurisprudence, qui est
aujourd'hui essentiellement administrative, considère que, parce que nous
mentionnons l'intérêt général, nous estimons que les missions qui entrent dans
les fonctions traditionnelles des collectivités locales et des services publics
peuvent relever des emplois-jeunes.
Comprenez-moi bien ! Il ne s'agit pas pour moi d'une volonté de m'opposer à ce
que vous souhaitez. Je comprends votre souci de prévoir un objectif plus large
que celui de l'utilité sociale, et je le partage, mais je crois que faire
référence à l'intérêt général comporte d'autres risques.
De la même manière, en ce qui concerne les sociétés d'économie mixte, je pense
que toutes les sociétés qui gèrent un service public relèvent de la logique du
texte, mais je ne crois pas qu'il soit dans votre esprit, monsieur le président
de la commission, de viser, par exemple, les sociétés d'économie mixte à but
lucratif qui gèrent un réseau local câblé - qui est effectivement profitable
pour cette société d'économie mixte - ou que vous souhaitiez viser des sociétés
anonymes de crédit immobilier, qui font partie du champ des organismes que vous
visez à l'article L. 411-2.
Je le répète, je ne veux pas m'opposer à des améliorations éventuelles du
texte, mais, dans les deux cas d'espèce, si je comprends le souci de la
commission, la rédaction proposée soulève d'autres problèmes qui me conduisent
à m'y opposer.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je m'étonne que Mme la ministre nous dise qu'elle est d'accord avec le
rapporteur et le président de la commission, qui souhaitent inclure la notion
d'intérêt général, et qu'elle ajoute qu'on ne le peut pas à cause de la
jurisprudence administrative.
Les tribunaux administratifs sont là pour appliquer la loi telle que nous
entendons qu'elle soit appliquée. Il suffit donc qu'il ressorte clairement des
travaux du Parlement que nous avons voulu donner un certain sens aux mots «
intérêt général » pour que le problème soit levé. En effet, jusqu'à preuve du
contraire, c'est le législateur qui fait la loi et non les tribunaux.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod.
Selon Mme le ministre, l'expression « intérêt général » recouvre toutes les
vocations classiques des collectivités locales. Mais si l'on retient les termes
« utilité sociale », les conseils généraux, qui ont en charge l'aide sociale,
auront également devant eux un champs extraordinairement large, peut-être un
peu moins, mais à peine !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 68, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 144 rectifié, accepté par la commission
et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 96, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 52 rectifié, repoussé par le
Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 97.
M. Alain Gournac.
Je le retire, ainsi que les sous-amendements n°s 98 et 152, monsieur le
président.
M. le président.
Les sous-amendements n°s 97, 98 et 152 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 99, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 69.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur l'extension
importante que met en place l'amendement de la commission, qui permet que
soient employeurs tout un ensemble d'offices d'HLM - je les ai cités - et les
sociétés anonymes de crédit immobilier.
En mentionnant l'article L. 411-2, on permet donc à des sociétés anonymes de
crédit immobilier, dont on mesure le sens de l'intérêt général ou de l'utilité
sociale, d'avoir des emplois-jeunes payés à 80 % par l'Etat ! Etes-vous sûrs
que ce soit vraiment le but de l'opération ?
Il en va de même pour des sociétés d'économie mixte qui sont parfaitement
solvables, qui fonctionnent très bien, qui opèrent dans des secteurs
économiques florissants et qui n'ont donc besoin d'aucune aide. Etes-vous sûrs,
mes chers collègues, que cela corresponde à votre volonté, vous qui avez, par
ailleurs, l'obsession de la rentabilité ?
(Rires et exclamations amusées sur les travées du RPR.)
Mais si puisqu'un amendement de la commission dont nous allons discuter
bientôt prévoit que, dès le début du contrat, il faudra envisager la
rentabilité à terme de ces emplois ! Or, en l'espèce, dès le départ, on permet
à des sociétés qui marchent déjà très bien, qui gagnent de l'argent, d'avoir
des emplois payés à 80 % par l'Etat. Etes-vous sûrs de vraiment vouloir cela
?
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je suis consterné.
(Sourires.)
Je suis consterné parce que Mme Dusseau
semble ne pas avoir du tout compris l'esprit du texte que nous présente Mme la
ministre.
En effet, quel est l'objectif ? Répondre à des besoins qui actuellement ne
sont pas satisfaits. C'est notamment le cas en ce qui concerne le gardiennage
d'immeuble, qu'il s'agisse d'immeubles appartenant à des offices d'HLM ou à
n'importe quel autre organisme qui possède des immeubles collectifs.
Mme Joëlle Dusseau.
Et les sociétés de crédit immobilier ?
M. Jean Chérioux.
Le problème est non pas de rentabiliser la gestion des immeubles, mais
d'essayer de faire accepter, en cinq ans, aux locataires d'assumer le coût d'un
gardien. Que l'immeuble dépende d'un office d'HLM ou de n'importe quel autre
organisme, le problème est le même : arriver progressivement à solvabiliser le
gardiennage.
Si donc Mme Dusseau avait bien suivi le débat, elle n'aurait jamais déposé ce
sous-amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 69, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 89.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je ne veux pas allonger inutilement le débat, d'autant que, je le sais, les
jeux sont pratiquement faits.
Mais tout de même ! Le mot « copropriété » recouvre des situations extrêmement
différentes. Chacun en est bien conscient. Certaines copropriétés regroupent
des gens qui ont des revenus modestes ou moyens, d'autres des gens qui ont
beaucoup d'argent.
Dès lors, est-il raisonnable de prévoir que les personnes qui ont des
copropriétés pourront, quelle que soit la valeur moyenne de ces copropriétés,
bénéficier d'emplois payés à 80 % par l'Etat ? A l'évidence, non !
(Murmures sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Ce qui me plaît chez Mme Dusseau, c'est sa
capacité d'indignation !
Madame Dusseau, permettez-moi d'appeler votre attention sur les points
suivants.
Dans le département que j'ai l'honneur de représenter dans cette assemblée,
comme dans celui que représente Mme Olin, on trouve un grand nombre de
copropriétés dégradées dans lesquelles habitent des gens qui ne peuvent pas
accéder à une HLM parce que les organismes d'HLM considèrent qu'ils n'ont pas
des revenus suffisants. Il y a donc des achats et des transmissions dans ces
copropriétés dégradées.
Il nous a paru légitime d'accepter le sous-amendement de Mme Olin, car il
n'est pas question de viser toutes les copropriétés, les riches, voire les
luxueuses, encore qu'ils s'agisse là d'images d'Epinal !
Mme Joëlle Dusseau.
Pas vraiment !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Si donc sur le plan local, procédant d'une
initiative locale, on peut créer quelques emplois de gardien, de médiateur ou
d'agent d'ambiance dans une copropriété dégradée, il ne faut pas se le voir
interdire, d'autant que c'est le préfet - on ne change pas le système - qui
jugera de la validité de la convention.
Mme Joëlle Dusseau.
Dans ce cas, vous passez par la mairie, monsieur Fourcade. Pourquoi passer par
la copropriété ?
M. le président.
Vous n'avez pas la parole, madame Dusseau. Veuillez poursuivre, monsieur
Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
C'est bien la copropriété qui sera
l'utilisateur de l'emploi !
C'est donc une possibilité que nous offrons. Tout dépendra de l'examen de la
convention. Fidèles à la volonté d'élargissement qui est la nôtre et que j'ai
déjà rappelée, nous pensons qu'il vaut mieux prévoir le cas des copropriétés
plutôt que d'établir une barrière « mythologique », dirai-je, madame Dusseau,
entre ce qui est locatif et ce qui est propriété. Il y a, hélas ! dans ce pays,
beaucoup trop de petits copropriétaires malheureux, qui vivent mal. Pour eux
aussi il faut pouvoir créer un certain nombre de services nouveaux, car eux
aussi ont des besoins.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je suis désolé de voir à quel point vous persévérez, madame Dusseau, à
toujours considérer le seul bénéficiaire du contrat, de l'emploi. Mais le
bénéficiaire du service n'est pas forcément le propriétaire : ce peut être le
locataire.
Il y a des immeubles en copropriété qui sont loués à d'autres personnes, et le
but de l'opération, dans ce pays où l'on a perdu l'habitude du gardiennage,
alors qu'il est particulièrement utile à quelque niveau que ce soit, est de
mettre en place un système qui, en cinq ans, habitue les locataires à payer des
loyers tenant compte de l'existence de gardiens qui leur apportent un service
utile. Il ne s'agit pas de tout donner gratuitement, comme vous voulez toujours
le faire !
M. Roland Huguet.
Service à l'américaine !
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je voterai l'amendement de Mme Olin.
Cela étant, je suis surpris du propos qu'a tenu Mme Dusseau voilà quelques
instants. En effet, que prévoit l'amendement ? La possibilité pour l'Etat de
conclure des conventions avec les copropriétés. Possibilité ne veut pas dire
obligation. Le représentant de l'Etat exercera son contrôle dans le cadre des
instructions qui lui seront donnés par ses autorités.
Vraiment, j'avoue ne pas comprendre cette espèce d'idéologie antipropriétaires
(
Protestations sur les travées socialistes
) qui, apparemment, semble
animer une partie de cette assemblée. J'ai peur que l'on n'en revienne à des
débats tout à fait éculés, d'un autre temps !
Par ailleurs, tout à l'heure, j'ai entendu une exclusive à l'encontre des
sociétés anonymes de crédit immobilier. Oublie-t-on que ces sociétés font
partie du mouvement HLM, de l'Union nationale des HLM, qu'elles sont
représentées dans leurs instances et qu'elles ne distribuent que des crédits
aidés à des personnes dont les ressources doivent être conformes à un certain
barème ?
De grâce, que l'on regarde la réalité des choses et que l'on cesse de faire de
l'idéologie à tout bout de champ ! (
Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR et de l'Union centriste.
)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
N'oublions pas que nous sommes
en train de faire la loi. Or faire la loi, c'est faire du droit, c'est se
conformer au droit.
De ce point de vue, Mme Dusseau a raison : si l'on dit que l'Etat peut signer
des conventions avec des copropriétés, cela signifie qu'il peut les signer dès
lors que les autres conditions de la loi sont respectées, c'est-à-dire qu'il y
a, par exemple, des besoins « nouveaux et émergents ». Qu'est-ce qui
justifierait, aujourd'hui, que l'Etat refuse à une copropriété, sous prétexte
que ses locataires sont plus riches que d'autres, des gardiens d'immeuble que
l'on accepterait pour ces autres ?
Mme Dusseau a raison : ce que nous voulons, c'est créer des emplois là où il
n'y a pas de solvabilité, et où il pourrait y en avoir une demain. Aussi bien
dans l'immeuble de M. Fourcade que dans le mien, où certains copropriétaires
refusent d'ailleurs de payer des gardiens d'immeuble alors qu'ils le
pourraient, ce n'est pas à l'Etat de se substituer à eux.
Si nous acceptions l'amendement, l'Etat ne pourrait refuser de le faire que
dans la mesure où il n'y aurait pas de besoins nouveaux ou émergents. Le droit
est le droit, et je suis étonnée que l'on traite avec autant de mépris, voire
sur un ton un peu désagréable, les propos de Mme Dusseau, qui n'a fait que
rappeler ce qu'est le droit.
(Applaudissements sur les travées socialistes
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
J'éviterai de prendre un ton désagréable, mais je souhaite revenir sur l'idée
de rentabilité que notre collègue, Mme Dusseau, a avancée voilà un instant.
Après avoir entendu l'exposé liminaire de Mme la ministre - et M. Fourcade qui
a mis en évidence encore la cohérence du dispositif proposé - j'ai compris
qu'il existait en fait deux catégories d'emplois : les uns ressortissent à la
puissance publique et concernent les fonctions régaliennes de l'Etat, les
autres, selon Mme la ministre, corespondent à des besoins émergents mais non
immédiatement rentables. Ce n'est peut-être pas le terme qu'elle a utilisé. Une
démarche progressive devrait conduire à faire en sorte que des besoins
actuellement non satisfaits le seraient peu à peu avec une participation
croissante des bénéficiaires du financement.
Si le projet de loi ne conduisait pas à une évolution progressive vers le
secteur marchand, je n'en comprendrais plus la philosophie. Aussi, j'estime que
les propositions de la commission procèdent de cette démarche : au début, une
aide publique contribue à faire apparaître la nécessité de satisfaire des
besoins et lorsqu'ils le sont leurs bénéficiaires en en ayant découvert
l'utilité doivent accepter d'en assumer le coût.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je n'avais pas l'intention d'intervenir mais ce sont les propos de Mme le
ministre qui m'invitent à le faire...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est gentil !
M. Alain Vasselle.
Il nous semblait que nos collègues MM. Marini et Fourcade avaient été
suffisamment explicites pour démontrer que le risque que vous craignez, madame
Dusseau, n'est aucunement fondé.
La procédure d'examen des amendements ne permet pas d'avoir une vue d'ensemble
du texte. En effet, si l'on avait mis en discussion commune les amendements n°s
1 et 2 de la commission - vous le savez, madame Dusseau : vous siégez à la
commission des affaires sociales - le dispositif imaginé par cette dernière et
par son rapporteur vous serait apparu dans son ensemble.
Vos craintes ne sont donc pas fondées, compte tenu des dispositions qui sont
proposées dans l'amendement n° 2, dont le dernier alinéa dispose que « les
projets de convention sont soumis pour avis au comité départemental de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi... qui se
prononce notamment sur la conformité des projets aux conditions déterminées au
premier alinéa du présent article. Le comité départemental de la formation
professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, peut déléguer aux
missions locales... »
Ainsi, il existe bien un organisme qui contrôle l'ensemble du dispositif, et
qui permet d'éviter les dérapages que vous craignez.
Des emplois-jeunes peuvent être solvabilisés par les membres d'une copropriété
privée, auquel cas un concours financier de l'Etat ne se justifie pas.
En revanche - les exemples cités par M. Fourcade sont explicites - si, dans de
petites copropriétés en difficulté, un besoin émergent non satisfait est
flagrant, la disposition qui est proposée est alors tout à fait justifiée.
La commission des affaires sociales propose en fait d'élargir les possibilités
du dispositif emploi-jeunes. En effet, si l'on s'en tient aux propos de Mme le
ministre, elle n'a fait, au fil de ses interventions et déclarations
successives depuis que ce texte a été annoncé au grand public et déposé devant
le Parlement et dans la discussion générale aujourd'hui, que restreindre le
champ d'action du dispositif qu'elle propose.
Nous allons donc plus loin que ce qu'elle souhaitait, car nous avons le souci
de faire en sorte que ces emplois-jeunes demain - ce qui est le souci premier
de Mme le ministre - soient pérennisés. Si des copropriétés privées permettent
d'assurer cette pérennité, nous ne pourrons avec vous que nous en réjouir.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 89, repoussé par le Gouvernement et sur
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 75.
M. Alain Joyandet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Je crains que l'esprit de mon sous-amendement n° 75 n'ait été mal compris. En
tout cas, c'est ce que j'ai cru déceler dans les explications de la commission,
qui pensait peut-être que ce sous-amendement anticipait sur les 350 000 emplois
réservés au secteur privé. Or, il ne s'agit pas de cela puisque nous sommes
bien dans le cadre des besoins émergents, donc dans le cadre des 350 000
emplois nouveaux et dans l'esprit de cette première partie du dispositif.
Permettez-moi de prendre un exemple concret. Si deux jeunes viennent nous voir
avec un projet original, dans le cadre de besoins émergents, et qu'ils nous
proposent de créer leur propre entreprise pour les satisfaire, si ces besoins,
très vite, ne peuvent devenir solvables, je n'y vois alors que des avantages :
l'emploi sera pérennisé, cela coûtera moins cher à l'Etat, et la jeunesse aura
une façon de « s'éclater » plutôt que de faire cela dans le cadre de
collectivités locales ou d'administrations un peu « touffues ». Nous nous
inscrivons donc bien dans l'esprit de la première partie du dispositif.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 75, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte le sous-amendement.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 23 et 60 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales,
propose, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail, d'insérer trois
alinéas ainsi rédigés :
« Le décret mentionné ci-dessus détermine également le contenu et la durée des
conventions et, sans préjudice des dispositions de l'article L. 322-4-21, les
conditions dans lesquelles leur exécution est suivie et contrôlée par le
représentant de l'Etat dans le département ainsi que les modalités de
dénonciation de la convention en cas de non-respect de celle-ci.
« Les conventions précisent les modalités d'encadrement de l'activité, les
conditions d'une éventuelle participation financière de l'usager, les
conditions de l'éventuel transfert de cette activité au secteur privé, fixent
les objectifs de qualification et déterminent les conditions de la formation
professionnelle, ainsi que, selon les besoins, les modalités du tutorat. Les
régions dans le cadre de leurs compétences ainsi que, le cas échéant, d'autres
personnes morales peuvent participer à l'effort de formation.
« Les projets de convention sont soumis pour avis au comité départemental de
la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi mentionné
à l'article L. 910-1, qui se prononce notamment sur la conformité des projets
aux conditions déterminées au premier alinéa du présent article. Le comité
départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de
l'emploi peut déléguer aux missions locales pour l'emploi, lorsque celles-ci
existent, le soin de formuler cet avis. »
Cet amendement est assorti de quatre sous-amendements.
Le sous-amendement n° 70, présenté par Mme Dusseau, tend, dans la première
phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, à supprimer
les mots : « les conditions de l'éventuel transfert de cette activité au
secteur privé ».
Le sous-amendement n° 100, présenté par M. Gournac et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République, vise, dans le deuxième alinéa du texte
proposé par l'amendement n° 2, à supprimer les mots : « , selon les besoins,
».
Le sous-amendement n° 71, présenté par Mme Dusseau, a pour objet de supprimer
le dernier alinéa de l'amendement n° 2.
Le sous-amendement n° 62 rectifié, présenté par Mme Dieulangard, MM. Delfau,
Huguet, Mazars, Roujas, Lise et les membres du groupe socialiste et apparentés,
tend à rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du troisième alinéa du
texte proposé par l'amendement n° 2 : « peut déléguer à un comité local de
pilotage, dont la composition est fixée par décret, ou, si elle existe, à une
mission locale pour l'emploi, le soin de formuler cet avis ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement vise à énumérer le contenu des conventions. Il
reprend et précise des dispositions figurant de façon éparse dans le texte de
l'Assemblée nationale. Il ajoute que les conventions précisent les conditions
d'une éventuelle participation financière de l'usager.
Mais, surtout, il introduit une consultation, préalable à la signature de la
convention, du comité départemental de la formation professionnelle, de la
promotion sociale et de l'emploi, le CODEF, lui-même assisté du conseil
départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de
l'emploi, afin que toutes les parties intéressées - élus locaux et nationaux et
partenaires sociaux - puissent se prononcer sur le caractère novateur et
émergent des activités projetées. Il s'agit ainsi d'éviter tout risque de
concurrence avec le secteur privé, ou de mettre en place des activités de
service public qui sont déjà assurées.
Le CODEF sera ainsi mieux à même de se prononcer sur les contitions de
pérennisation de l'activité et de son éventuel transfert au secteur privé, rôle
qui lui est confié par le biais d'un amendement créant un article L. 322-4-21
qui vous sera proposé ultérieurement.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau, pour présenter le sous-amendement n° 70.
Mme Joëlle Dusseau.
Il est prévu que les contrats initiaux, les contrats que signeront les
associations, les communes, etc., comportent obligatoirement - je dis bien :
obligatoirement - les termes : « les conditions de l'éventuel transfert de
cette activité au secteur privé ». Je propose de les supprimer.
En effet, un certain nombre de ces emplois-jeunes devront ou pourront, petit à
petit, devenir solvables et être transférés au privé. Cela me paraît une
démarche normale, positive et efficace.
Faire obligatoirement figurer les termes précités dès la signature du contrat
rend le dispositif très restrictif, voire impossible à envisager.
Je voudrais aussi insister sur le fait qu'un certain nombre d'activités
émergentes ne seront que très difficilement solvables, voire ne le seront
jamais. On trouve parmi les activités possibles l'accompagnement de malades du
sida ou la sauvegarde de l'environnement, de la forêt - et je suis d'une région
où il y a une grande forêt ! Je ne crois pas qu'il soit très sain d'envisager,
dès la signature du contrat, la rentabilité ou la solvabilité ainsi que le
transfert de cette activité au secteur privé.
En conséquence, la suppression de ces termes me paraît nécessaire pour ne pas
restreindre la portée du dispositif, voire rendre impossible toute signature de
contrat.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 100.
M. Alain Gournac.
Il s'agit de prévoir que les conventions préciseront systématiquement les
modalités de tutorat, qui est un excellent moyen d'assurer l'insertion
professionnelle des jeunes.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre le sous-amendement n° 71.
Mme Joëlle Dusseau.
La commission propose que les contrats soient soumis à l'avis du CODEF.
Mes chers collègues, le CODEF comprend le préfet, le président du conseil
général, la direction départementale du travail et de l'emploi, la DDTE, la
direction départementale de l'agriculture, la DDA, le trésorier-payeur général,
l'inspecteur d'académie, des représentants des salariés et des employeurs,
quatre élus des collectivités territoriales, deux élus du conseil général, deux
élus représentant les maires et les parlementaires. C'est un « machin » -
pardonnez-moi ce terme - tellement lourd que certains dans vos propres rangs,
messieurs de l'opposition, avaient même envisagé de le supprimer parce qu'il ne
leur semblait pas vraiment utile !
Je propose donc de supprimer l'obligation de consulter cette instance pour
deux raisons.
D'abord, je crois qu'il s'agit, dans l'esprit du projet de loi de Mme Aubry,
d'un dispositif qui requiert innovation et imagination. Or, je ne suis pas tout
à fait sûr que les gens que je vous ai cités soient à la pointe de l'innovation
et de l'imagination.
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Mes chers collègues, je suis parlementaire et je m'inclus dans cette
catégorie. Ne prenez pas un air de vierge effarouchée, s'il vous plaît !
La seconde raison qui motive cette suppression est que ce comité, que je «
fréquente » depuis plusieurs années avec assiduité et grand intérêt, m'a appris
à quel point il était attaché au fait d'avoir le moins d'administration
possible, le moins de lourdeur administrative possible.
M. Jean Chérioux.
C'est très bien !
Mme Joëlle Dusseau.
Je m'étonne de voir avec quelle constance la commission rétablit des règles et
des obstacles administratifs là où, naguère, au vrai sens du terme,
c'est-à-dire voilà peu de temps, elle les supprimait.
M. René Trégouët.
Voilà encore une ultra-libérale !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard, pour présenter le sous-amendement n° 62
rectifié.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je reviens à la charge avec le comité local en présentant ce sous-amendement
de repli, si je puis dire, tendant à modifier l'amendement n° 2 de la
commission.
Je vous propose, par ce sous-amendement, de rédiger comme suit la fin de la
dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2 : «
peut déléguer à un comité local de pilotage, dont la composition est fixée par
décret, ou, si elle existe, à une mission locale pour l'emploi, le soin de
formuler cet avis. »
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 70, 100, 71 et
62 rectifié ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Sur le sous-amendement n° 70, la commission a émis un avis
défavorable. Elle a, en effet, souhaité faciliter un éventuel transfert
ultérieur de l'activité en cause vers le secteur privé.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 100, la commission a émis un avis
favorable car le tutorat est un bon moyen d'encadrer des activités nouvelles
qui n'ont de chances de perdurer que si elles se professionnalisent
rapidement.
S'agissant du sous-amendement n° 71, nous avons émis un avis défavorable, Mme
Dusseau le sait. Il supprime en effet le CODEF sur lequel nous fondons une
partie de notre dispositif d'évaluation et de transfert d'activité vers le
secteur marchand.
Je m'étonne que Mme Dusseau, à son tour, ait poussé des cris de « vierge
effarouchée »,...
M. Paul Masson.
Repentante !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... pour reprendre le terme qu'elle a employé vis-à-vis de
nous.
(Sourires.)
M. Ivan Renar.
C'est le coeur des vierges !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je lui renvoie ses arguments !
Vous nous avez souvent opposé des grand-messes, et il suffit que vous soyez
l'autre côté de la barre pour nous refuser maintenant quelque chose que vous
nous avez proposé si souvent.
(Nouveaux sourires.)
Comme il était normal qu'on vînt à votre secours, Mme Dieulangard l'a fait
avec le sous-amendement n° 62 rectifié que la commission accepte. Celui-ci met
en place un comité local de pilotage qui facilitera la mission du CODEF en
déconcentrant l'avis au plus près du terrain.
M. Roland Huguet.
Très bien !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Madame Dusseau, je vous l'assure, le CODEF peut fonctionner
et, s'il ne sert vraiment à rien, proposez-en la suppression.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 et sur l'ensemble des
sous-amendements ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement rappelle
d'abord que les dispositions prévues au premier alinéa de l'amendement n° 2 qui
portent sur le contenu du décret, sont d'ordre réglementaire. Mais je peux
comprendre que le Sénat souhaite intégrer ces précisions dans la loi.
En ce qui concerne le deuxième alinéa de cet amendement, qui prévoit que les
conventions précisent les modalités de financement, les perspectives de
pérénisation et les modalités d'encadrement, le Gouvernement a proposé que
lesdites modalités soient indiquées dans le cahier des charges, c'est-à-dire
dans le dossier sur lequel se fondera la décision d'accepter ou non le projet
et donc les emplois-jeunes. On pourrait éventuellement placer ces dispositions
dans la convention bien qu'il me semble, là aussi, que nous soyons dans le
domaine réglementaire. Mais enfin ! pourquoi pas ?
En revanche, pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer par Mme
Dusseau, je pense qu'il est extrêmement lourd et même peu réaliste de penser
que le CODEF, organisme composé de nombreuses personnalités dont les emplois du
temps sont chargés, pourrait se réunir dans la période que je qualifierai « de
lancement » quasiment plusieurs fois par semaine pour donner un avis sur
chacune des conventions.
Le CODEF, aujourd'hui, se réunit en moyenne, quand il se réunit, une fois par
an pour examiner l'ensemble de la situation de l'emploi et de la formation dans
un département considéré. S'il a un intérêt évident, je crois qu'il n'est pas
conçu pour examiner chacune des conventions.
Le Gouvernement voulant montrer sa bonne volonté, monsieur le rapporteur, je
serais prête à accepter l'amendement n° 2 si, pour le moins, le sous-amendement
n° 71 de Mme Dusseau était accepté.
Enfin, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 100, qui
généralise le tutorat, ce qui ne me semble pas souhaitable, alors même que vous
prévoyez vous-même, monsieur le rapporteur, que l'encadrement doit exister. Il
me semble effectivement que, pour des jeunes qualifiés, un tel encadrement
suffit largement et qu'il n'est pas nécessaire de rendre obligatoire le
tutorat.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
J'ai écouté vos propos avec beaucoup
d'intérêt, madame la ministre. Je pensais que la phrase contestée de notre
amendement était celle qui prévoit l'insertion dans la convention des
conditions du transfert éventuel vers le secteur marchand. Or je constate que
vous ne l'avez pas relevée. Je vous en remercie car il s'agit de la phrase qui,
pour nous, est la clé du succès de l'opération.
Cela étant posé, s'agissant du sous-amendement n° 70, tendant à supprimer
l'intervention du CODEF, nous ne pouvons pas l'accepter, nous ne pouvons entrer
dans le système de réflexion de Mme Dusseau. En effet, nous avons retenu en
commission, le sous-amendement de Mme Dieulangard qui présente l'avantage, dans
les gros départements - ceux où le CODEF aurait vraiment trop d'importance et
tiendrait trop de réunions - de permettre à cet organisme déléguer ses
fonctions soit à un comité local de pilotage, soit à une mission locale.
Madame la ministre, je tiens à remarquer que, sur le point le plus sensible,
vous avez donné votre accord et nous en avons pris note, car cela montre que,
par rapport à tout ce qui a été dit depuis ce matin, nous avons bien une
philosophie commune, malgré quelques difficultés.
Mes chers collègues, je tiens à vous dire que l'amendement n° 2 est un élément
central de notre dispositif en tant qu'il prévoit les modalités de la
convention ainsi que les modalités du contrôle de celle-ci. En outre, dans le
CODEF, figurent aussi - Mme Dusseau ne l'a pas dit, car elle n'a pas voulu
allonger l'énumération - les représentants des organisations
professionnelles.
Mme Joëlle Dusseau.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Or il nous paraît très important d'associer
les représentants des organisations professionnelles et syndicales dès le
départ de l'opération, ce qui permettra d'éviter de créer des emplois qui
soient directement en concurrence avec ceux qui sont assurés par le secteur
privé.
Par conséquent, madame la ministre, je regrette de ne pouvoir accepter le
marché que vous nous proposez
(Mme le ministre s'en étonne.)
Mais je
vous remercie d'avoir fait ce pas vers nous.
Mes chers collègues, je vous demande de voter l'amendement n° 2, qui constitue
l'essentiel du dispositif élaboré par la commission des affaires sociales.
Certains ont dit, ai-je entendu cet après-midi, que la commission des affaires
sociales n'avait apporté aucune espèce de modification au texte. Cet amendement
prouve qu'ils n'avaient pas bien lu !
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 70.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Mes chers collègues, si vous maintenez l'obligation de faire figurer dans
chaque contrat que vous allez signer et que vont signer les associations avec
lesquelles vous travaillerez les conditions de l'éventuel transfert de cette
activité au secteur privé, vous vous priverez de ces contrats.
M. Philippe Marini.
L' « éventuel transfert » !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 70, repoussé par la commission et
accepté par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 100, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 71.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Etant donné que, d'une part, on propose de créer 350 000 emplois rapidement et
que, d'autre part, il y a 100 départements, on peut envisager qu'en moyenne le
nombre des contrats sera de 1 000 à 10 000, sachant que certains d'entre eux ne
prévoieront la création que de un ou deux emplois. Combien de temps
s'écoulera-t-il en conséquence avant que le CODEF se soit réuni suffisamment
souvent pour examiner tous les contrats ?
M. Jean Delaneau.
Cela permettra de créer des emplois, de secrétaires notamment !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 71, repoussé par la commission et
accepté par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 62 rectifié, accepté par la commission
et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Nous voterons contre ce deuxième amendement présenté par la commission,
essentiel dans le dispositif qu'elle présente - comme l'a dit fort justement
son président - et ce pour des raisons tout aussi essentielles.
M. Philippe Marini.
Pour des raisons idéologiques !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Non ! Ce n'est pas pour des raisons idéologiques, ou alors cela voudrait dire
que votre amendement est idéologique !
(Rires et exclamations.)
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas de l'idéologie, c'est la réalité !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Comme l'amendement n° 1, il vise à une complète réécriture du texte
gouvernemental.
Nous nous sommes déjà expliqués sur l'amendement n° 1 et nous avons donné
l'appréciation du groupe communiste républicain et citoyen sur cette logique de
réécriture. Sans allonger les débats, sans reprendre l'argumentaire présenté
par Mme le ministre, nous ne pouvons accepter la philosophie qui sous-tend cet
amendement, nous voterons donc contre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 54, M. Franchis propose, après le deuxième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail,
d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces conventions fixent, le cas échéant, les conditions de mise à disposition
des jeunes auprès des membres des groupements de personnes, visés ci-dessus.
»
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Cet amendement de précision a pour objet de prévoir les conditions de mise à
disposition, le cas échéant, des jeunes auprès des membres des groupements de
personnes de droit public et de droit privé. Cet amendement rendrait plus
souple le fonctionnement de ces groupements.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement semble satisfait par l'amendement n° 2 de la
commission ; aussi, je demande à M. Franchis de bien vouloir le retirer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président, le
Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement qui pourrait permettre
le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, ce que le Gouvernement ne souhaite
pas, en dehors des cas déjà prévus par la législation.
M. le président.
Monsieur Franchis, maintenez-vous votre amendement ?
M. Serge Franchis.
Dans la mesure où l'amendement n° 2 contient implicitement des dispositions
qui permettent ces facilités, indispensables, selon moi, pour un bon
fonctionnement des groupements de communes, je suis prêt à retirer mon
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 54 est retiré.
Par amendement n° 107, M. Gournac et les membres du groupe du RPR proposent
d'insérer, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 322-4-18 du code du travail, l'alinéa suivant :
« Les appels à projets devront veiller à ne pas introduire dans leur cahier
des charges des activités déjà couvertes par l'insertion, ayant débouché sur la
création d'emplois véritables. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Cet amendement répond au souci d'éviter que l'on ne déstabilise, avec le plan
emploi-jeunes, le secteur de l'insertion, qui a créé de véritables emplois.
Nombre de collectivités territoriales ou d'associations ont en effet
expérimenté avec succès les activités nouvelles. Il ne faudrait pas tout
compromettre.
Il me paraît donc important de préciser qu'il sera impossible de substituer un
emploi-jeunes à une activité déjà existante dans le secteur de l'insertion.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable.
Il est certain que les activités d'insertion, notamment celles des
associations intermédiaires et des entreprises d'insertion, se déploient sur
les mêmes terrains. Il faut donc éviter les empiètements qui risquent de se
faire au détriment des personnes les plus en difficulté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est sensible à
la préoccupation exprimée par les auteurs de l'amendement.
Il est évidemment envisagé que les textes d'application prévoient l'éviction
de tout projet qui porterait atteinte aux emplois d'insertion. Dès lors, le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, comme il l'avait fait à
l'Assemblée nationale pour un amendement du même type.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 107, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail :
« Ces conventions ne peuvent être conclues avec les associations dont
l'activité concerne les services rendus aux personnes physiques à leur domicile
mentionnées à l'article L. 129-1 que pour favoriser le développement et
l'animation de nouveaux services répondant à des besoins émergents et non
satisfaits. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Carle, Plasait, Poirieux
et Serge Mathieu, vise, dans le texte proposé par l'amendement n° 3 pour le
troisième alinéa de l'article L. 322-4-18 du code du travail, à remplacer le
mot : « animation » par le mot : « ingénierie ».
Le sous-amendement n° 101, présenté par M. Gournac et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République, tend, dans le premier alinéa du texte proposé
par l'amendement n° 3, à remplacer le mot : « émergents » par le mot : «
nouveaux ».
Par amendement n° 118, M. Fischer, Mmes Borvo et Beaudeau, M. Bécart, Mme
Bidard-Reydet, MM. Dérian, Duffour, Lefebvre et Loridant, Mme Luc, MM. Minetti,
Pagès, Ralite, Renar et Mme Terrade proposent de supprimer la seconde phrase du
troisième alinéa du texte présenté par l'article L. 322-4-18 du code du
travail.
Par amendement n° 63, Mme Dieulangard, MM. Huguet, Mazars, Roujas, Lise et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la seconde phrase du
troisième alinéa du texte présenté pour l'article L. 322-4-18 du code du
travail, après les mots : « le développement », d'insérer les mots : « , la
gestion ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
La parole est à M. Carle, pour présenter le sous-amendement n° 32 rectifié.
M. Jean-Claude Carle.
J'ai eu l'occasion de le dire lors de la discussion générale, le domaine
associatif peut effectivement constituer des niches d'emplois.
Il convient cependant d'observer une grande prudence afin de ne pas
déstabiliser un bénévolat ou un volontariat tout à fait nécessaires à notre
société. C'est la raison pour laquelle il faut réserver aux jeunes les tâches
de gestion, de comptabilité ou, d'une manière générale, d'ingénierie qui
rebutent les volontaires ou les bénévoles, mais qui sont essentielles pour les
associations.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, pour présenter le sous-amendement n° 101.
M. Alain Gournac.
Il s'agit d'un amendement de coordination tendant à remplacer le mot «
émergents » par le mot « nouveaux ».
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 118.
M. Guy Fischer.
Cet amendement vise à supprimer une précision qui apparaît superflue eu égard
à celles qui ont été apportées par ailleurs dans le texte du projet de loi
quant aux nouveaux métiers.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard, pour présenter l'amendement n° 63.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Cet amendement rejoint la préoccupation des auteurs du sous-amendement n° 32
rectifié, qui parlent d'ingénierie. J'évoque quant à moi la gestion.
Il s'agit de répondre aux besoins, si ce n'est émergents, du moins largement
non satisfaits, d'une multitude d'associations qui accomplissent un travail
remarquable, mais qui n'ont pas les moyens matériels, ni surtout humains, de se
doter d'instruments de gestion.
Le bénévolat n'est pas inépuisable. Nous souhaitons donc voir cette
disposition insérée dans le texte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 32 rectifié et
101, ainsi que sur les amendements n°s 118 et 63 ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur le
sous-amendement n° 32 rectifié. Nous sommes au coeur d'un débat sémantique : «
ingénierie » est un mot savant pour qualifier le rôle des associations au
service des personnes.
La commission est favorable au sous-amendement n° 101, par coordination.
La commission est défavorable à l'amendement n° 118. Elle a adopté une
nouvelle rédaction de cet alinéa qui maintient l'exception que les auteurs de
cet amendement veulent supprimer, les emplois-jeunes pour les associations de
service aux personnes à leur domicile.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 63. La gestion est une
activité qui n'est ni nouvelle ni émergente.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n°s 32 rectifié et
101, ainsi que sur les amendements n°s 3, 118 et 63 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à l'amendement n° 3. En effet, l'article L. 129-1 du code du travail précise
explicitement que les associations qui relèvent de cet article concernent
exclusivement des services rendus au domicile des particuliers. Or nous
souhaitons, parce qu'il existe d'autres mécanismes de financement, exclure les
services à domicile du champ du projet de loi. Nous ne pouvons donc accepter
que des conventions, au titre de ces associations, favorisent ou développent de
nouveaux services. Le texte du Gouvernement prévoit des plates-formes
d'activité à cet effet.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 32 rectifié, le terme «
ingénierie » lui paraissant peu clair et les activités de gestion et de
comptabilité n'étant pas des activités nouvelles.
De la même manière, le Gouvernement s'oppose au sous-amendement n° 101, le
terme « nouveaux » paraissant plus restrictif que le terme « émergents ».
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 118, considérant que la
précision qui est supprimée est pourtant bien utile à la compréhension du
texte.
Il s'oppose également à l'amendement n° 63, considérant que la gestion, dans
ces organismes, ne fait pas partie des besoins et des services nouveaux ou
émergents.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 32 rectifié, repoussé par le
Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 101, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 118 et 63 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 43 rectifié, M. Trégouët propose, après le troisième alinéa
du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 332-4-18 du code du
travail, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les conditions prévues au présent article, l'Etat peut conclure des
conventions pluriannuelles avec des personnes morales de droit privé à but
lucratif inscrites au registre des métiers qui engagent des jeunes dans les
conditions prévues par l'article L. 322-4-19 du code du travail et les mettent,
par convention préalablement agréée, sans bénéfices, à la disposition d'une
personne morale de droit public ou d'un organisme tels que prévus aux trois
premiers alinéas du présent article.
« Quand une convention pluriannuelle est conclue entre l'Etat et une personne
morale de droit privé à but lucratif, il est expressément convenu que celle-ci
peut employer dans l'intérêt de sa propre entreprise, et pour y faire émerger
de nouvelles activités, les jeunes bénéficiaires de la convention, pendant 20 %
au plus du temps global prévu par la convention pluriannuelle, dans des
conditions prévues par décret. »
La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët.
Comme je l'ai dit cet après-midi, il me semble irréaliste de vouloir créer en
économie de marché, dans le secteur concurrentiel - et c'est vous-même qui le
dites, madame - 350 000 emplois sans penser que des entrepreneurs pourraient
prendre la responsabilité d'une partie au moins de ces emplois.
Sans pour autant enlever une telle possibilité aux collectivités locales ou
aux associations, ni aux divers organismes pour lesquels nous avons déjà voté
favorablement, le présent amendement a pour objet de permettre à des
entreprises artisanales, et seulement à des entreprises artisanales, dans le
cadre de la présente loi, de signer des conventions avec l'Etat et d'engager
des jeunes pour faire émerger, progressivement, dans ces entreprises, des
activités nouvelles qui sont aujourd'hui non rentables.
En effet, pour préparer l'avenir, il ne suffit pas de créer des emplois dont
la présente loi fixe la durée à cinq ans, sans espoir au-delà. Il nous semble
primordial d'inciter les entrepreneurs de proximité que sont les artisans à
prendre en main le destin d'une partie de ces emplois, si nous voulons assurer
leur pérennité.
Le dispositif proposé est simple. Sur cinq emplois créés par un artisan dans
le cadre de ce projet de loi, cet artisan en met quatre, sans bénéfice, à
disposition de la collectivité. Par conséquent, grâce à ce dispositif, la
collectivité n'a pas à payer plus cher l'emploi-jeunes. Mais le cinquième reste
dans son entreprise pour lui permettre de créer une activité qui n'est pas
encore rentable avec le coût actuel du travail.
L'Etat verse la subvention de 80 % du SMIC pour les cinq emplois réellement
créés. Sur ces cinq subventions, quatre sont entièrement répercutées sur les
collectivités locales ou associations. La cinquième subvention permet à
l'artisan de créer une activité nouvelle qui, sans cette aide, n'aurait pas
émergé.
Le caractère dynamique de ce dispositif - d'autres amendements viendront le
confirmer - est de donner la chance à chaque jeune de trouver dans l'entreprise
artisanale un emploi pérenne bien au-delà des cinq ans prévus par ce texte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 43 rectifié ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'auteur de cet amendement n'est pas allé jusqu'au bout de la
rectification. En effet, il est dit : « après le troisième alinéa du texte ».
Or il n'en existe que deux. Je crois donc qu'il est nécessaire de rectifier cet
amendement une seconde fois.
C'est un dispositif que nous avons jugé complexe. L'amendement rectifié n'a
pas été examiné par la commission ; mais je crois pouvoir dire que M. Fourcade
lui a donné son accord.
Par conséquent, c'est à titre personnel que nous y sommes favorables.
M. le président.
Monsieur Trégouët, acceptez-vous de rectifier à nouveau votre amendement,
comme vous l'a suggéré M. le rapporteur ?
M. René Trégouët.
Tout à fait, puisqu'il s'agit d'une erreur.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 43 rectifié
bis,
présenté par M.
Trégouët et tendant, après le deuxième alinéa du texte proposé par l'article
1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, à insérer deux alinéas ainsi
rédigés :
« Dans les conditions prévues au présent article, l'Etat peut conclure des
conventions pluriannuelles avec des personnes morales de droit privé à but
lucratif inscrites au registre des métiers qui engagent des jeunes dans les
conditions prévues par l'article L. 322-4-19 du code du travail et les mettent,
par convention préalablement agréée, sans bénéfices, à la disposition d'une
personne morale de droit public ou d'un organisme tels que prévus aux trois
premiers alinéas du présent article.
« Quand une convention pluriannuelle est conclue entre l'Etat et une personne
morale de droit privé à but lucratif, il est expressément convenu que celle-ci
peut employer dans l'intérêt de sa propre entreprise, et pour y faire émerger
de nouvelles activités, les jeunes bénéficiaires de la convention, pendant 20 %
au plus du temps global prévu par la convention pluriannuelle, dans des
conditions prévues par décret. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'avis du Gouvernement est
défavorable. Cet amendement, qui vise à étendre le dispositif aux artisans, ne
correspond pas à la logique de ce projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié
bis,
accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 24, M. J.-L. Lorrain propose, dans la première phrase du
quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18
du code du travail, après les mots : « personne morale de droit public »,
d'insérer les mots : « ou de droit privé, ».
Par amendement n° 44, M. Trégouët propose, dans la première phrase du
quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18
du code du travail, après les mots : « avec une personne morale de droit public
», d'insérer les mots : « ou avec une personne morale de droit privé à but
lucratif ».
La parole est à M. Lorrain, pour défendre l'amendement n° 24.
M. Jean-Louis Lorrain.
L'amendement n° 23 ayant été déclaré caduc, cet amendement n° 24, qui est
complémentaire, n'a donc plus d'objet. En conséquence, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 24 est retiré.
La parole est à M. Trégouët, pour présenter l'amendement n° 44.
M. René Trégouët.
Pour être cohérent avec l'ensemble du texte, nous précisons que les
conventions conclues avec des personnes morales de droit privé, à but lucratif,
ne peuvent s'appliquer qu'à des activités émergentes qu'elles n'exercent pas
actuellement.
Nous allons au bout de notre raisonnement : nous voulons que ces dispositions
s'appliquent non pas à des activités déjà existantes, mais bien à des activités
émergentes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Par coordination avec l'amendement n° 43 rectifié
bis,
la commission ne peut être que favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à cet amendement, non pas sur le fond, mais parce que le premier alinéa répond
déjà à la question en prévoyant que, pour les activités privées, doit être
écarté ce qui ne correspond pas à des besoins émergents et non satisfaits.
Par conséquent, nous sommes d'accord sur le fond, mais le sujet a déjà été
traité. L'alinéa en question ne vise que les personnes morales de droit
public.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis à présent saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 33, MM. Carle, Plasait, Poirieux et Serge Mathieu proposent,
à la fin de la première phrase du quatrième alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de supprimer les
mots : « par celle-ci ».
Par amendement n° 4, M. Souvet, au nom de la commission, propose, après les
mots : « jusqu'alors par celle-ci », de rédiger comme suit la fin du quatrième
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 à insérer
dans le code du travail : « et, lorsque l'employeur est une collectivité
territoriale ou un de ses établissements publics, ne relevant ni de ses
compétences ni des métiers organisés et régis par les statuts particuliers des
cadres d'emploi de la fonction publique territoriale. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le premier, n° 153, présenté par M. Vasselle, tend, dans le texte proposé par
l'amendement n° 4 pour rédiger la fin du quatrième alinéa de l'article L.
322-4-18 du code du travail, à remplacer les mots : « Ni de ses compétences, ni
des métiers organisés et régis par les statuts particuliers des cadres d'emploi
de la fonction publique territoriale » par les mots : « Ni d'une activité déjà
exercée, ni des emplois recouvrant des missions organisés et régis par les
cadres d'emploi des statuts particuliers de la fonction publique territoriale.
»
Le second, n° 119 rectifié, déposé par M. Fischer, Mmes Borvo, Beaudeau, M.
Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre, Loridant, Mme Luc,
MM. Minetti, Pagès, Ralite, Renar, Mme Terrade, vise à compléter le texte
proposé par l'amendement n° 4 pour rédiger la fin du quatrième alinéa de
l'article L. 322-4-18 du code du travail par une phrase ainsi rédigée : « Les
conventions ne peuvent concerner des missions dont sont déjà chargés les
fonctionnaires publics. »
Par amendement n° 145, Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans la seconde phrase du 4e alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de remplacer les
mots : « et leurs établissements publics » par les mots : « et les
établissements publics territoriaux ».
La parole est à M. Carle, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Jean-Claude Carle.
Le dispositif, tel qu'il est proposé, menace des emplois existants, notamment
dans l'artisanat. Alors que le nombre d'emplois dans le secteur marchand ne
cesse de diminuer, il convient de ne pas pénaliser des gisements d'emplois
productifs en créant artificiellement des activités déjà assurées, au bénéfice
de l'établissement public ou de la collectivité locale, par des artisans.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement vise à apporter une précision juridique. Le
caractère traditionnel des compétences est un élément flou et peu juridique. Il
semble préférable de parler des compétences pures et simples, d'une part, et
des métiers relevant de la fonction publique territoriale, d'autre part.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, pour défendre le sous-amendement n° 153.
M. Alain Vasselle.
Mon sous-amendement n'a pas pour objet d'aller à l'encontre de l'amendement
que vous avez proposé, monsieur le rapporteur, et qui a fait l'objet de
l'approbation de la commission des affaires sociales, mais, après une nouvelle
lecture un peu plus attentive de ce texte et après avoir consulté quelques
professionnels de la fonction publique territoriale, il m'a semblé qu'il
fallait procéder à une amélioration de sa rédaction. Je pense que le terme «
compétences » n'est pas suffisamment précis et qu'il faut plutôt faire
référence aux activités déjà exercées.
Deuxième élément : votre texte comporte une petite erreur liée au fait qu'il y
est fait référence aux statuts particuliers des cadres d'emploi alors que, dans
la fonction publique territoriale, ce sont des cadres d'emploi que découlent
les statuts particuliers ; ce ne sont pas les statuts particuliers qui
définissent les cadres d'emplois.
En conséquence, il nous faut procéder à une modification rédactionnelle.
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour défendre le sous-amendement n° 119
rectifié.
M. Guy Fischer.
Ce sous-amendement vise à renforcer la limitation prévue par le projet de loi,
ce qui, à notre sens, s'avère particulièrement nécessaire au vu des abus
auxquels a pu donné lieu, par exemple, l'utilisation des contrats
emploi-solidarité dans l'administration, que l'on a multipliés en les
substituant trop souvent à des emplois publics.
J'ai bien compris que ce n'est pas là le souhait du Gouvernement, mais, je
l'ai déjà dit, ce projet va perdurer de nombreuses années, peut-être bien
au-delà de l'existence de l'actuel gouvernement.
Je pense qu'il est donc nécessaire, dès aujourd'hui, de mettre de puissants
garde-fous contre le risque de substitution d'emplois.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 145.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Le texte actuel permet aux établissements publics des collectivités
territoriales de conclure des conventions pour des activités ne relevant pas de
leurs compétences traditionnelles. Cette rédaction est pertinente pour les
établissements territoriaux - établissements publics de coopération
intercommunale, établissements publics regroupant départements ou régions - qui
ne sont pas réellement soumis au principe de spécialité et peuvent intervenir
de manière assez large. En revanche, elle n'est pas adaptée pour tous les
autres établissements publics, qui ne peuvent assumer que les missions pour
lesquelles ils ont été créés. Il convient donc d'apporter la précision pour les
seuls établissements publics territoriaux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 33 et 145, ainsi que
sur les sous-amendements n°s 153 et 119 rectifié ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n°
33, qui répond à son souci de ne pas concurrencer les emplois du secteur
marchand.
Sur le sous-amendement n° 119 rectifié, elle a émis également un avis
favorable. En effet, ce dernier contient une disposition utile, qui va dans le
sens souhaité par elle, à savoir la séparation du type d'emploi.
Quant à l'amendement n° 145, la commission y est défavorable. Cet amendement
nous paraît trop restrictif. En effet, même spécialisé, l'établissement public
peut développer des activités émergentes dans le cadre de ses missions.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 153, je dirai que la notion de
compétence est connue ; il s'agit d'une compétence légale et les activités ont
en face d'elles des métiers qui sont répertoriés.
L'amendement de la commission nous paraît donc équilibré, ce qui me conduit, à
titre personnel, à émettre un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 33, 4 et 145, ainsi
que sur les sous-amendements n°s 153 et 119 rectifiés ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à l'amendement n° 33 pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées
concernant l'amendement n° 44. En effet, l'éviction des emplois non marchands
est déjà prévue par le premier alinéa de l'article L. 322-14-18.
En ce qui concerne l'amendement n° 4, nous retrouvons ici le débat qui a eu
lieu à l'Assemblée nationale : nous n'arrivons pas à trouver une rédaction qui
satisfasse tout le monde. Ce que nous souhaitons dire clairement, c'est que ces
emplois-jeunes ne pourront pas être proposés par une collectivité territoriale,
ou un service public, pour les missions relevant de ses compétences
traditionnelles.
Je crains que la mention des métiers organisés et régis par les statuts
particuliers des cadres d'emploi de la fonction publique territoriale n'apporte
pas de solution satisfaisante.
En effet, s'occuper de l'environnement dans une commune et y aménager des
places, cela fait partie des métiers traditionnels, mais s'intéresser aux
friches industrielles urbaines dont personne ne s'occupe correspond bien à un
besoin nouveau et émergent.
Aussi, tout en partageant le souci qui a présidé à la rédaction de cet
amendement, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Quant au sous-amendement n° 119 rectifié, il semble inutile dès lors qu'il est
écrit que ces emplois ne doivent pas se trouver dans les compétences
traditionnelles des collectivités locales et les services publics.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 153 pour les mêmes
raisons que celles qu'a fait valoir M. le rapporteur.
Il est favorable à l'amendement n° 145, présenté par Mme Dieulangard, qui a
très bien expliqué les raisons qui l'ont conduite à le déposer.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 153.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le rapporteur, je ne cherche pas, par le biais de ce sous-amendement,
à apporter une touche personnelle à la nouvelle rédaction et à refaire, par
plaisir, le travail qu'a effectué la commission. Mais je voudrais attirer votre
attention sur un point.
Le terme « compétences » a fait l'objet de long débats au sein de la
commission des affaires sociales. Vous avez souhaité supprimer l'adjectif «
traditionnelles » et j'y ai souscrit ; vous en êtes donc resté au terme «
compétences ». On pourrait être plus précis, mais il n'y a pas lieu de se
livrer à un débat sémantique sur ce point.
En revanche, j'appelle votre attention sur un problème rédactionnel : dans la
fonction publique territoriale, les cadres d'emploi ne découlent pas des
statuts particuliers, mais ce sont les statuts particuliers qui découlent des
cadres d'emploi.
Toutefois, si vous le souhaitez, monsieur le rapporteur, je retirerai ce
sous-amendement sous réserve que vous preniez l'engagement de trouver une
meilleure rédaction en commission mixte paritaire.
M. le président.
Acceptez-vous de prendre cet engagement, monsieur le rapporteur ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Oui, monsieur le président.
M. Alain Vasselle.
Dans ces conditions, je retire mon sous-amendement.
M. le président.
Le sous-amendement n° 153 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 119 rectifié, accepté par la commission
et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je vais, bien entendu, voter cet amendement. Mais, auparavant je voudrais
souligner un point.
Mme le ministre a rappelé qu'à l'Assemblée nationale certaines difficultés
rédactionnelles avaient surgi à ce point de la discussion. Pour ma part, je me
référerai bien volontiers à un vieil adage : ce que l'on conçoit bien s'énonce
clairement.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Et les mots pour le dire arrivent aisément...
M. Philippe Marini.
Si nous avons de telles difficultés pour bien définir ces emplois émergents et
cette nouvelle catégorie qui n'est ni publique ni privée, ni pérenne ni
temporaire, c'est parce qu'on n'arrive pas à bien les identifier.
Nous avons bien compris qu'il ne doit pas y avoir d'effet de substitution,
qu'il ne faudra pas se servir de l'aide de l'Etat de 80 p. 100 comme d'un effet
d'aubaine et qu'elle doit servir à la création d'activités nouvelles
susceptibles d'être proposées à des jeunes qui sont sur le marché du travail et
qui ont besoin qu'on leur mette le pied à l'étrier. Mais si nous disons à une
collectivité locale ou à un établissement public que ces activités ne doivent
relever ni de leurs compétences ni des métiers organisés et régis par les
cadres d'emploi et leurs statuts, nous pouvons à la limite nous demander en
vertu de quelle légitimité ils sont en charge d'une telle mission.
Je soumets à mes collègues ce trouble qui m'envahit quand je constate les
difficultés conceptuelles dans lesquelles nous entraîne ce texte. Ce problème
de formalisation est assez révélateur des ambiguïtés de ce dernier, madame le
ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vais vous répondre sous
forme de boutade, monsieur le sénateur : lorsque l'on innove, on fait, par
définition, du nouveau !
Je rappelle que les collectivités territoriales sont régies à la fois par la
Constitution et par des lois, dont les dernières sont les lois de
décentralisation. Or, quand on assiste aux débats qui se déroulent parfois dans
cette enceinte pour savoir ce qui relève des fonctions de telle ou telle
collectivité territoriale, on sait bien qu'il est extrêmement difficile de
trouver une formulation globale.
Cela dit, sur le terrain - et je n'imagine pas que vous n'en ayez pas
conscience - on sait très bien ce que sont des besoins nouveaux et émergents
qui ne sont pris en charge ni par le marché ni par la collectivité
territoriale.
J'ai le souci pragmatique de créer ces activités nouvelles là où apparaissent
des besoins que les élus connaissent bien sans que ces activités portent
atteinte aux secteurs public ou privé. Je suis convaincue que l'on se rejoindra
au moins sur ce souci de pragmatisme !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 145 n'a plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 76, M. Joyandet propose de rédiger ainsi la fin du cinquième
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code
du travail : « à but lucratif ne peuvent faire l'objet d'une convention, sauf
si les activités proposées ne sont pas assurées à la date de la demande et
correspondent à la définition du premier alinéa ».
Par amendement n° 108, M. Gournac et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent, dans le cinquième alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de remplacer les
mots : « ne peuvent faire l'objet d'une convention, sauf » par les mots : «
peuvent faire l'objet d'une convention ».
La parole est à M. Joyandet, pour défendre l'amendement n° 76.
M. Alain Joyandet.
Cet amendement découle de l'adoption du sous-amendement n° 75.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, pour présenter l'amendement n° 108.
M. Alain Gournac.
C'est un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 76 et 108 ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 76, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 108 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 61 rectifié, Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après le cinquième alinéa du texte présenté
par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, d'insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« Afin de promouvoir l'emploi des jeunes à l'étranger, l'Etat peut conclure
avec les collectivités territoriales, dans le cadre de leurs relations
internationales, avec des associations françaises ou mixtes et des
établissements publics français à vocation internationale, des conventions
semblables à celles mentionnées ci-dessus. Les modalités particulières de mise
en oeuvre de ces emplois à l'étranger seront définies par décret. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais,
par cet amendement, attirer votre attention sur le recours au dispositif
emploi-jeunes pour des emplois situés à l'étranger.
En effet, je vous le rappelle, 25 % du PNB de la France résultent aujourd'hui
des exportations, ce qui représente une proportion à peu près semblable des
emplois de l'Hexagone. Il nous faut donc aujourd'hui prendre conscience que la
bataille pour l'emploi des jeunes se joue aussi hors de nos frontières.
Un emploi créé à l'étranger, c'est d'abord un chômeur de moins en France, mais
c'est surtout un jeune qui acquiert des compétences nouvelles : la maîtrise
d'une langue étrangère, l'adaptation à des méthodes de travail différentes, la
capacité de communiquer avec des personnes de culture différente. C'est
certainement ce dernier aspect qui présente le plus de difficultés ; c'est
pourtant fondamental pour un pays qui doit être ouvert sur le monde.
Au total, s'expatrier au cours de cette période clé de la vie qui se situe
entre vingt et trente ans, c'est se former aux contraintes et aux ouvertures de
la mondialisation.
Par ailleurs, un emploi créé à l'étranger, c'est pour la France un
renforcement de sa présence dans le monde et une augmentation de sa capacité
d'exportation. Un emploi créé à l'étranger, c'est donc, par ricochet, de
nouveaux emplois en France.
En effet, on ne le sait pas assez à l'intérieur de nos frontières, la
corrélation entre le nombre de Français expatriés ou durablement installés dans
un pays étranger et l'intensité de nos échanges commerciaux avec celui-ci est
étroite. Ainsi, c'est avec l'Union européenne que nous commerçons le plus et
c'est aussi là que vivent le plus de Français. Inutile de se demander qui de la
poule ou de l'oeuf est la cause de l'autre : les deux phénomènes s'entraînent
mutuellement, quel que soit le secteur d'activité des Français installés à
l'étranger.
La secrétaire de direction française du patron italien joue son rôle, tout
comme l'ingénieur franco-argentin de Buenos Aires ou l'épouse française d'un
citoyen grec qui enseigne sa langue maternelle à Athènes.
L'exportateur français, qu'il vende des poulets surgelés, des usines de
traitement des eaux ou de l'ingénierie télématique, trouve plus de facilité à
mener ses affaires si des Français ont préparé le terrain.
Tout cela est diffus ; ce n'est pas mesurable mais tous les Français qui
vivent à l'étranger en ont une conscience aiguë.
Voilà pourquoi il serait profitable de permettre la création d'emplois-jeunes
à l'étranger.
Pour bien montrer que l'emploi-jeune est transposable à l'expatriation, je
citerai quelques exemples.
Les collectivités territoriales peuvent renforcer leurs jumelages et leurs
coopérations décentralisées par l'envoi de jeunes chez leurs partenaires.
Les chambres de commerce françaises à l'étranger ont des emplois formateurs à
proposer à des jeunes en quête d'une première expérience professionnelle.
L'association pour la formation professionnelle des Français à l'étranger
pourrait mettre des jeunes à la disposition des comités consulaires pour
l'emploi et la formation professionnelle - qui placent plus de Français à
l'étranger que l'office des migrations internationales, et ce pour un coût nul
- afin de démarcher les entreprises, détecter les postes qu'un employeur
argentin ou australien jugera utile de confier à un Français.
Les écoles de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger - qui est en
quelque sorte notre rectorat -, les alliances françaises pourraient, avec la
formule de l'emploi-jeunes, développer de nouvelles actions.
Evidemment, la mise en oeuvre de l'emploi-jeunes à l'étranger demande des
adaptations. C'est pourquoi cet amendement prévoit un décret d'application
spécifique. Ce n'est pas simple, mais c'est réalisable.
De toute façon, il faudra résoudre les problèmes du coût du déplacement, de la
protection sociale, du permis de séjour et de travail et, enfin, de la
réinsertion des jeunes en France, dans le cadre du futur système de volontariat
international dont le Gouvernement a annoncé la création dans la perspective de
la disparition des coopérants du service national, les CSN.
Dès lors, je vous en prie, madame la ministre, ne perdons pas de précieuses
années.
Il faudra attendre jusqu'en 2002 pour que le volontariat international
atteigne sa vitesse de croisière et s'ouvre pleinement aux jeunes filles. Il
faudra attendre jusqu'en 2002 pour que les jeunes moins diplômés et issus de
milieux moins favorisés, pour ne pas dire moins privilégiés, que les actuels
CSN bénéficient d'une expérience de travail à l'étranger, profitable pour eux
comme pour la France.
Au cours des cinq ans qui nous séparent de 2002, l'emploi-jeunes à l'étranger
aura ouvert des pistes, tant pour la définition des nouveaux emplois à créer et
à pourvoir que pour la résolution des problèmes pratiques posés par ces
nouvelles modalités d'expatriation.
Trop souvent, dans le passé, la dimension internationale de nos priorités
gouvernementales a été oubliée. Ne renouvelons pas cette omission alors qu'il
s'agit de l'emploi des jeunes, priorité vitale pour la crédibilité du
Gouvernement et le succès de sa politique.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur quelques travées
du RPR.)
M. Emmanuel Hamel.
Excellente argumentation !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il est défavorable.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Je suis d'ailleurs étonnée que des membres de la majorité sénatoriale qui
nous ont expliqué tout à l'heure que l'Etat allait dépenser énormément d'argent
pour des besoins que l'on ne connaissait pas puissent maintenant applaudir à un
amendement qui prévoit le financement d'emplois-jeunes à l'étranger, notamment
dans des pays où les besoins émergents sont malheureusement infinis.
Je comprends bien le souci qu'a Mme Cerisier-ben Guiga de faire en sorte que
des emplois à l'étranger puissent être proposés aux jeunes Français. Toutefois,
à ce stade, il s'agit pour nous de répondre d'abord aux besoins de nos
concitoyens en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, au
prix d'un investissement qui est déjà lourd.
(Nouvelles exclamations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
Nous sommes moins dogmatiques que vous !
M. le président.
Madame Cerisier-ben Guiga, maintenez-vous l'amendement n° 61 rectifié ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je regrette qu'on oublie l'existence des 1 700 000 Français qui vivent à
l'étranger. Il serait au demeurant souhaitable qu'il y en eût plus.
Toutefois, souhaitant éviter d'entrer en conflit avec un Gouvernement que je
soutiens, je préfère retirer cet amendement.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président.
L'amendement n° 61 rectifié est retiré.
M. Philippe Marini.
Je le reprends, monsieur le président !
M. le président.
Il s'agira donc de l'amendement n° 61, rectifié
bis
.
Je vais le mettre aux voix.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Là encore, je crains qu'il n'y ait un malentendu.
Madame la ministre, vous venez de dire que l'objet principal du texte que nous
discutons était de répondre aux besoins de nos concitoyens. J'avais cru
comprendre que l'objectif premier était de contribuer à la création d'emplois
pour les jeunes.
Si tel est bien l'objectif, il va de soi que je voterai l'amendement repris
par M. Marini.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
J'ai été convaincu par les propos tout à fait clairs qu'a tenus l'auteur
initial de l'amendement. Je me rallie tout à fait à la logique de développement
économique que ce texte sous-tend.
Il n'y a rien à ajouter à la démonstration extrêmement brillante que nous
avons entendue et que je serais incapable de reprendre avec autant de
talent.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je suis d'accord avec la
dernière phrase de M. Marini.
Pour le reste, je relèverai simplement qu'il n'est pas à une contradiction
près. On ne peut pas soutenir depuis le début de la soirée que l'Etat dépense
de l'argent on ne sait trop pourquoi et accepter que ce même Etat finance
l'emploi de jeunes à l'étranger pour satisfaire des besoins que nous ne
connaissons pas.
Nous avons déjà indiqué avec insistance que ce projet de loi avait deux
objectifs : l'emploi des jeunes et la création d'activités nouvelles pour
répondre à des besoins émergents de nos concitoyens. Cela figure d'ailleurs
dans l'intitulé du projet de loi.
Je réaffirme donc l'opposition du Gouvernement à cet amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je comprends la crainte de Mme le ministre.
Bien sûr, nous savons tous qu'il faut développer les emplois à l'étranger, mais
il est évident que, avec 80 % de financement par l'Etat, cela peut coûter très
cher. Je me demande d'ailleurs qui, en l'espèce, paiera les 20 % restants, mais
c'est une autre question !
Mme Joëlle Dusseau.
M. Marini va répondre !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Cela étant, il est certain qu'il y a là un
problème.
En tout cas, dans l'amendement de Mme Cerisier-ben Guiga repris par M. Marini,
on offre à l'employeur une mesure que réclament depuis longtemps les
entreprises françaises qui veulent envoyer à l'étranger des jeunes, à savoir un
contrat à durée déterminée couvrant une période plus longue que celle que
prévoit actuellement le code du travail pour ce type de contrat.
Dans ma commune, de nombreuses entreprises recrutent des jeunes, diplômés ou
sans qualification, pour les envoyer travailler à l'étranger. Le fait de
pouvoir leur offrir un contrat à durée déterminée de cinq ans, dénonçable
chaque année, leur faciliterait grandement la tâche - surtout si elles ne
paient pas ! - et, ne serait-ce que pour cette raison, je crois qu'il faut que
nous adoptions cet amendement. Il y a tout de même là une possibilité d'emploi
pour les jeunes qui est tout à fait importante.
Bien sûr, il sera très difficile pour les CODEF de déterminer les besoins
nouveaux auxquels il s'agira de faire face, mais il est bon de mettre ce
contrat à cinq ans, à la disposition des entreprises qui veulent envoyer des
jeunes à l'étranger.
Madame la ministre, même si cette disposition devait ne pas être adoptée à
l'Assemblée nationale, il faudrait absolument que, dans le volet de votre texte
sur les emplois du secteur privé, vous prévoyiez ce système de contrat à durée
déterminée dépassant deux ans pour les emplois à l'étranger, car c'est une des
clefs de notre développement à l'étranger.
(Applaudissements sur les travées
des Républicans et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR).
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Madame le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pour éviter que M. le président
Fourcade ne soit déçu par la suite, je rappelle que les entreprises privées ne
peuvent pas bénéficier du dispositif des emplois-jeunes et que, par conséquent,
le vote de cet amendement ne changera rien pour les entreprises privées de
votre commune.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je parlais du deuxième volet !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'ores et déjà, des entreprises
qui envoient des jeunes à l'étranger pour une mission particulière peuvent tout
à fait les recruter sur contrat à durée déterminée ou indéterminée. Dans le
second cas, dès lors que la mission est terminée, il y a motif de licenciement
économique ; la jurisprudence est permanente en la matière.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié
bis,
accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
Mme Joëlle Dusseau.
Je m'abstiens.
(Rires sur les travées du RPR.)
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 120, M. Fischer, Mmes Borvo, Beaudeau, M. Bécart, Mme
Bidard-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre, Loridant, Mme Luc, MM. Minetti,
Pagès, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent, après le cinquième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail,
d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, le projet d'activité fait l'objet d'une évaluation par
l'ensemble des partenaires. Dans l'année précédant son expiration, chaque
convention fait l'objet d'une évaluation en vue d'apprécier l'intérêt de sa
pérennisation. »
La parole est à M. Derian.
M. Jean Derian.
Cet amendement vise à favoriser la pérennisation des emplois faisant l'objet
d'une convention.
Pour ce faire, il inscrit dans la loi l'obligation d'une évaluation annuelle
du projet d'activité, évaluation rendue nécessaire, à notre sens, par le
caractère expérimental des emplois prévus par le dispositif.
Dans un souci de plus grande transparence, nous pensons que l'évaluation
gagnera à être conduite par l'ensemble des partenaires - élus locaux,
employeurs, jeunes, organisations syndicales - au sein de chaque structure
ayant recours aux emplois-jeunes.
Afin que le jeune ne soit pas dans l'incertitude totale pour préparer la
sortie du dispositif et assurer la pérennisation, il nous semble utile
d'évaluer chaque convention dans l'année précédant son expiration.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable.
Comme les auteurs de l'amendement n° 120, elle prévoit une évaluation, mais
selon un mécanisme différent. Dans ces conditions, elle s'en tient évidemment
au système qu'elle a elle-même prévu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 120, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 64, Mme Dieulangard, MM. Huguet, Mazars, Roujas et Lise, les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le sixième alinéa du
texte présenté pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de remplacer les
mots : « informés des », par les mots : « consultés préalablement aux ».
Par amendement n° 121, M. Fischer, Mmes Borvo et Beaudeau, M. Bécart, Mme
Bidart-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre et Loridant, Mme Luc, MM. Minetti,
Pagès, Ralite et Renar, Mme Terrade proposent, dans le sixième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de
remplacer les mots : « sont informés des », par les mots : « sont consultés
pour les ».
Par amendement n° 109, M. Gournac et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent, dans le sixième alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article L. 322-4-18, d'insérer dans le code du travail,
après les mots : « sont informés », le mot : « préalablement ».
La parole est à M. Huguet, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Roland Huguet.
Il s'agit, par cet amendement, de rendre plus efficace la consultation des
institutions représentatives du personnel et des comités techniques paritaires,
les CTP, en faisant intervenir celle-ci en amont de l'éventuelle conclusion
d'une convention.
En outre, cette consultation permettra une information précise du personnel
sur les effets de la convention, et en conséquence une meilleure insertion des
jeunes dans leur milieu de travail.
S'agissant notamment des emplois-jeunes, nous estimons très important que les
institutions représentatives du personnel et les comités techniques paritaires
soient consultés préalablement, et non simplement informés.
En effet, il est nécessaire que le personnel soit informé de la teneur de la
convention et de l'arrivée des jeunes dans la collectivité de travail. Chacun
comprendra aisément qu'il s'agit d'une condition indispensable à leur bonne
intégration.
Cependant, il est également nécessaire que les institutions représentatives du
personnel soient consultées. Nous pensons ici particulièrement aux CTP de nos
collectivités territoriales. Les jeunes qui bénéficieront de ces nouveaux
emplois seront employés sous contrat de droit privé à durée déterminée de cinq
ans. Il conviendra donc que nous, élus, dans le souci de maintenir un vrai
dialogue social et un bon climat au sein de nos collectivités, nous consultions
les personnels sur la manière de régler un certain nombre de problèmes.
Nous avons déjà, avec les CES, vécu cette cohabitation entre fonctionnaires et
contractuels de droit public, et nous savons donc quels problèmes pratiques
peuvent se poser. Je vous renvoie ici aux questions formulées par M. Charasse
cet après-midi : comment organiser par exemple un accès aux droits sociaux,
comment faire en sorte que ces jeunes puissent être entendus - sans même
évoquer l'exercice d'un droit syndical - comment organiser, si nécessaire, la
sortie des jeunes du dispositif ? Je crois qu'un dialogue social régulier peut
contribuer à résoudre ces difficultés.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît opportun que les institutions
représentatives soient consultées dans les formes.
Enfin, j'ajoute que nos collègues de la majorité sénatoriale devraient avoir
été sensibles à la poignante démonstration qu'a faite notre collègue Mme
Lucette Michaux-Chevry cet après-midi, laquelle demandait à être non pas
informée, mais consultée.
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour défendre l'amendement n° 121.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Le dispositif relatif à l'emploi des jeunes trouvera d'autant mieux sa place
et sa pleine justification que les personnels dans leur ensemble auront été
associés à son élaboration au sein du secteur public ou associatif.
L'émergence de besoins nouveaux, la modernisation et le renforcement du
secteur public appellent, nous le savons, toujours plus de démocratie.
S'agissant de l'emploi des jeunes, l'immersion de ces derniers au sein du
service public ne pourra se faire sans le concours des personnels de la
fonction publique. C'est, à n'en pas douter, une dimension importante de la
réussite de la pérennisation de ce type d'emploi.
Les jeunes trouveront, dans les fonctions qu'ils occuperont, une écoute, voire
des conseils, à la condition que les personnels de la fonction publique soient
scrupuleusement associés à la démarche.
C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement, d'aller au-delà de ce que
prévoit le projet de loi en matière d'information des personnels.
A cette notion d'« information », nous préférons, pour ce qui nous concerne,
celle de « consultation » sur les conventions conclues selon les dispositions
prévues par l'article L. 432-4-1 du code du travail.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous demandons, mes chers
collègues, de bien vouloir adopter.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, pour présenter l'amendement n° 109.
M. Alain Gournac.
Il s'agit, par cet amendement, d'assurer aux institutions représentatives du
personnel une information préalable sur les conventions conclues, et non pas
une simple information après coup.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 64, 121 et 109 ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission est défavorable aux amendements n°s 64 et 121,
au motif que prévoir une consultation lui paraît un peu excessif.
Sur l'amendement n° 109, elle a émis un avis favorable, étant donné
qu'informer tardivement retire beaucoup d'intérêt à l'information.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est favorable à
l'amendement n° 64, ainsi d'ailleurs qu'à l'amendement n° 121, qui relève d'une
même préoccupation.
En effet, si l'on veut s'assurer que les emplois-jeunes créés n'empiètent pas
sur les compétences des collectivités locales, il est bon que les institutions
représentatives du personnel et les comités techniques paritaires puissent
donner leur avis préalablement à la signature des conventions.
J'ajoute que, dès lors, on voit mal pourquoi les organismes seraient informés
et non consultés : il paraît en effet difficile de leur soumettre un projet
sans leur demander leur avis sur celui-ci.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 109 puisque,
dès lors qu'il s'agit d'apporter une information préalable, cela implique qu'il
soit procédé à une consultation, sauf à considérer que l'on informe sans que
personne ne puisse s'exprimer, ce qui, je le répète, ne présente guère
d'intérêt.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 64.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Une fois n'est pas coutume - il s'agira sans doute d'une occurrence
exceptionnelle dans ce débat ! - je suis prêt à me ranger à l'avis de Mme le
ministre et des auteurs des amendements n°s 64 et 121, lesquels s'inscrivent
d'ailleurs tout à fait dans la ligne des amendements précédents de la
commission, notamment de l'amendement n° 2.
A cet égard, M. le président Fourcade a rappelé à Mme Dusseau que les
organisations syndicales et professionnelles étaient représentées au sein du
comité consultatif, et il est donc clair qu'il est bien envisagé de les
consulter avant de recourir au dispositif « emploi-jeunes », afin de s'assurer
de la pérennisation et de la solvabilité de ces emplois. Il me semble que nous
sommes d'accord sur ce point.
Par conséquent, que l'on préfère le terme « consultation » au mot «
information » ne me choque pas. Je suis prêt à faire ce pas dans votre
direction, madame le ministre, et j'espère que cette concession vous permettra
de nous donner acte du fait que l'amendement n° 2 va dans le sens que vous
souhaitez. Il vous appartiendra ensuite de convaincre l'Assemblée nationale.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 121 et 109 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 5, M. Souvet, au nom de la commission, propose, au sixième
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 à insérer
dans le code du travail, de supprimer les mots : « ainsi que des conventions
conclues conformément à l'article L. 322-4-8-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Le membre de phrase dont la suppression est proposée concerne
les emplois consolidés. Plutôt que d'y faire référence dans ce texte, il semble
préférable d'insérer cette procédure d'information des instances
représentatives du personnel dans l'article L. 322-4-8-1 du code du travail,
qui traite des emplois consolidés.
Ce sera fait par un amendement ultérieur et, par coordination, il est proposé
de supprimer ici la mention de cette procédure.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est favorable à
cet amendement, car la rédaction proposée par la commission permet d'améliorer
le texte.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté).
M. le président.
Je suis, enfin, saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 6, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
les septième et huitième alinéas du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 322-4-18 du code du travail.
Par amendement n° 122, M. Fischer, Mmes Borvo et Beaudeau, M. Bécart, Mme
Bidard-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre et Loridant, Mme Luc, MM. Minetti,
Pagès, Ralite et Renar, Mme Terrade proposent :
I. - Dans le septième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 322-4-18 du code du travail, de supprimer les mots : « et la durée
».
II. - De compléter ce même alinéa par une phrase ainsi rédigée : « La durée
des conventions ne peut être inférieure à celle qui est prévue au II de
l'article L. 322-4-20 ci-dessous. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination. Les dispositions
prévues aux septième et huitième alinéas du texte proposé par l'article 1er
pour l'article L. 322-4-18 du code du travail ont déjà été inscrites dans le
projet de loi.
M. le président.
La parole est à Mme Terrade, pour présenter l'amendement n° 122.
Mme Odette Terrade.
Conformément à notre souci d'assurer aux jeunes un emploi d'une longévité
raisonnable, nous souhaitons inscrire dans la loi que la durée des conventions,
qui sera fixée par décret, ne pourra être inférieure à cinq années, soit
soixante mois. Cette garantie rédactionnelle permettra d'éviter que ne soit
réduite, à un moment ou à un autre, la durée du contrat. Elle constitue, selon
nous, la meilleure arme contre la précarité dont sont souvent victimes les
jeunes.
En effet, nous savons tous ici combien sont fragiles les décrets. Seule la loi
peut offrir suffisamment de garanties en la matière.
Tel est le sens de l'amendement que je vous invite à adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 122 ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable. Le texte a été
réécrit sous une autre forme, qui ne présente aucune ambiguïté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 6 et 122 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Sur l'amendement n° 6, le
Gouvernement a émis un avis défavorable, comme il l'avait fait sur l'amendement
n° 2.
Quant à l'amendement n° 122, le Gouvernement est défavorable au paragraphe I,
mais s'en remet à la sagesse du Sénat pour le paragraphe II.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
Mme Gisèle Printz.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Il est indispensable que les conventions comportent des dispositions relatives
à l'adaptation et à la qualification du jeune à son poste de travail, ainsi
qu'à la formation professionnelle en vue de la pérennisation de l'emploi ou de
la sortie du dispositif.
Par conséquent, nous ne souscrivons pas à l'option choisie par la commission,
qui consiste à confondre emploi-jeunes et apprentissage. Or il s'agit là de
deux filières différentes, si l'on peut employer le terme de filière s'agissant
des emplois-jeunes. Certes, l'apprentissage dans la fonction publique n'a pas
connu le succès espéré, et nous devons certainement nous interroger sur les
causes de cette désaffection. En toute hypothèse, il convient de ne pas créer
de confusion, y compris sur le plan financier.
En revanche, il nous serait précieux d'obtenir des précisions quant à la
manière dont la formation professionnelle sera organisée, et financée, pour les
jeunes qui seront accueillis dans les collectivités territoriales. Quel sera
notamment le rôle du Centre national de la fonction publique territoriale - le
CNFPT - au regard de ces contrats de droit privé ? En dehors du cas des
collectivités territoriales, le droit commun s'appliquera-t-il ? Comment,
c'est-à-dire quand, où et avec quels moyens, les jeunes pourront-ils bénéficier
d'une formation ?
Enfin, nous estimons indispensable que soit rappelé le rôle des régions dans
l'effort de formation en faveur de ces jeunes.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 122 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 322-4-18 du code
du travail.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 24 septembre 1997, l'informant que la proposition d'acte communautaire E 834 - « recommandations de la Commission relatives à des recommandations du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en Belgique, en Allemagne, en Grèce, en Espagne, en France, en Italie, en Autriche, au Portugal, en Suède et au Royaume-Uni » - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 15 septembre 1997.
10
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation sur la pêche maritime
et les cultures marines.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 437, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan.
11
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi portant création d'une
délégation parlementaire dénommée « délégation parlementaire du renseignement
».
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 439, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
12
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Jacques Oudin une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de
directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du
gaz naturel (n° E 211).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 438, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
13
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil concernant le développement et la
consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit ainsi que le respect des
droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 925 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le
rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives
des Etats membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans
la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 926 et
distribuée.
14
CLÔTURE DE LA SESSION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du
décret de M. le Président de la République portant clôture de la session
extraordinaire du Parlement.
Je donne lecture de ce décret :
« Le Président de la République,
« Sur le rapport du Premier ministre,
« Vu les articles 29 et 30 de la Constitution,
« Vu le décret du 3 septembre 1997 portant convocation du Parlement en session
extraordinaire,
« Décrète :
« Art. 1er. - La session extraordinaire du Parlement est close.
« Art. 2. - Le Premier ministre est chargé de l'exécution du présent décret,
qui sera publié au
Journal officiel
de la République française.
Fait à Paris, le 30 septembre 1997.
« Signé : Jacques Chirac
« Par le Président de la République :
« Le Premier ministre,
« Signé :
Lionel Jospin. »
Acte est donné de cette communication.
En conséquence, la session extraordinaire qui a été ouverte le 16 septembre
1997 est close.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 18 septembre 1997
LIVRE VI DU CODE RURAL
Page 2192, 2e colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 621-9, 2e ligne
:
Au lieu de :
« groupements ; dans »,
Lire :
« groupements passent, dans ».
Page 2193, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 621-7, au
début du
a)
du 2° :
Au lieu de :
« A être »,
Lire :
« Etre ».
Page 2194, 2e colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 621-26, 3e
alinéa, dernière ligne :
Au lieu de :
« escomptée »,
Lire :
« escompté ».
Page 2202, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 641-13, 1er
alinéa, 1re ligne :
Au lieu de :
« à l'article 16-1 »,
Lire :
« au cinquième alinéa de l'article 16-1 ».
Page 2202, 1re colonne, dans le texte proposé par l'article L. 641-13 pour
l'article 16-1, 1re ligne :
Au lieu de :
« Art. 16-1. - Toute »,
Lire :
« Toute ».
Page 2206, 2e colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 653-15, 1er
alinéa, 6e ligne :
Au lieu de :
« L. 633-1 »,
Lire :
« L. 653-1 ».
Page 2212, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 671-7, 1er
alinéa, 2e ligne :
Au lieu de :
« L. 231-1 du code de la consommation »,
Lire :
« L. 213-1 du code de la consommation ».
Page 2212, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 671-9 (2°), 4e
ligne :
Au lieu de :
« producteurs »,
Lire :
« reproducteurs ».
NOMINATIONS DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES
Dans sa séance du mardi 30 septembre 1997, le Sénat a nommé :
- M. Michel Barnier membre de la commission des affaires économiques et du
Plan, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial, démissionnaire de son mandat de
sénateur ;
- M. Jean Arthuis membre de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées, en remplacement de M. Guy Robert, démissionnaire
de son mandat de sénateur.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Fiscalité des carburants et lutte contre la pollution
41.
- 26 septembre 1997. -
Mme Danièle Pourtaud
rappelle à
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
que le projet de loi de finances pour 1998 prévoit que la taxe intérieure sur
les produits pétroliers sera uniformément relevée de huit centimes le litre,
quel que soit le carburant, essence ou gazole. L'arbitrage qui a été récemment
rendu n'a donc pas tenu compte des inquiétudes légitimes suscitées par la
responsabilité du gazole dans la pollution atmosphérique et les conséquences de
celle-ci sur la santé publique. Les rapports se succèdent qui établissent
clairement la gravité du risque sanitaire que fait courir le gazole. Dans les
grandes villes, le nombre annuel de décès prématurés attribuables à la
pollution d'origine automobile est estimé autour de huit cent soixante-dix pour
la mortalité associée aux particules. Par ailleurs, pour Paris et la petite
couronne, les chercheurs ont évalué à hauteur de un milliard de francs par an
le coût médico-social lié aux particules fines essentiellement produites par
les moteurs Diesel. Aujourd'hui, près d'une voiture sur deux vendue en France
est désormais équipée d'un moteur diesel. Le régime de taxation privilégié dont
bénéficie le diesel par rapport aux autres carburants n'est certainement pas
étranger à ce succès. Un rééquilibrage de la fiscalité au profit des carburants
les moins polluants, dès le budget 1998, serait un signe fort pour les
Français, et notamment les Parisiens qui jugent que la lutte contre la
pollution est une priorité. Après les pics de pollution enregistrés en
particulier à Paris cet été et dans le courant du mois de septembre où le seuil
symbolique du niveau deux fut plusieurs fois atteint, elle considère que ce
serait une erreur de sous-estimer à la fois la réalité des risques que nous
courons à continuer d'encourager le diesel et l'ampleur de la prise de
conscience des Français quant à ce problème majeur dans les grandes métropoles.
Elle lui demande de préciser la politique du Gouvernement dans ce domaine et en
particulier de dire si, à défaut de taxer le diesel, le Gouvernement envisage
d'aider au développement des carburants non polluants.
Politique en faveur de l'emploi
42.
- 26 septembre 1997. -
M. Jean Bizet
attire l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur l'inquiétude de nombreux chefs d'entreprise soucieux du montant des charges
afférentes aux plus bas salaires. Ces industriels voudraient voir appliquer les
dispositions du « plan textile » à l'ensemble des industries de main-d'oeuvre,
seule solution, à leur avis, pour permettre la création d'emplois dans la
conjoncture de plus en plus ouverte à l'international. Il n'ignore pas les
efforts qui ont été faits par le gouvernement précédent, efforts qui auront
permis de réduire de 13 % le coût du travail rémunéré au niveau du salaire
minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), en diminuant les charges sur
les bas salaires. Il lui semble important de poursuivre en ce sens afin
d'inciter les chefs d'entreprise à favoriser une politique de recrutement
capable de générer des emplois à long terme et se demande si l'on ne pourrait
pas imaginer adapter cette mesure au projet de création de trois cent cinquante
mille emplois dans le secteur privé. Il lui demande si cette décision ne
permettrait pas d'affirmer que le souhait du Gouvernement est bien de favoriser
l'emploi tout en respectant la logique économique la plus élémentaire.
Distribution de produits d'assurance dommages par La Poste
43.
- 26 septembre 1997. -
M. Philippe Marini
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur l'extrême émotion suscitée chez les professionnels de l'assurance par
l'annonce de négociations entre La Poste et un groupe d'assurance pour la
distribution de produits d'assurance dommages par celle-ci. En effet, le marché
de l'assurance de dommages des particuliers, c'est-à-dire pour l'essentiel,
l'assurance automobile et le multirisques habitation est un marché saturé
puisque son développement est conditionné par celui du parc automobile et de
l'immobilier. L'irruption de La Poste sur ce marché n'apporterait donc aucune
création de valeur et se traduirait par un simple transfert. Celui-ci se ferait
au détriment des agents généraux d'assurance et des autres réseaux distribuant
de l'assurance. Il en résulterait des destructions d'emplois en grand nombre,
en particulier chez les agents généraux en zones rurales ou semi-rurales. Or
les assurés français bénéficient d'ores et déjà de l'offre de produits et de la
distribution la plus complète et la plus diverse qui existe en Europe puisqu'à
côté des agents généraux d'assurance interviennent le courtage, les «
bancassureurs », les mutuelles sans intermédiare et les sociétés de vente
directe. Le transfert issu de l'accord envisagé entraînerait donc une grave
déstabilisation du marché. De plus, la distribution de La Poste de produits
d'assurance de dommages aggraverait davantage encore les distorsions de
concurrence contre lesquelles la profession de l'assurance mais aussi d'autres
professions du secteur concurrentiel ne cessent de s'élever. Ces distorsions de
concurrence ont donné lieu à une instance dès 1990, confirmée par un récent
pourvoi en avril 1997 auprès de la Cour de justice européenne. Il est à noter
d'ailleurs que dans nombre de pays européens, les services financiers
distribués par La Poste ont fait l'objet d'une filialisation qui assure la
transparence du système. En effet, les règles européennes exigent que les
conditions d'accès au réseau postal doivent être transparentes, publiées dans
les forums appropriés et proposées sur une base non discriminatoire. Une
réponse à une question écrite, publiée au
Journal officiel
le 28 août
1997, faisait état de la volonté du Gouvernement de procéder à un examen
attentif de cette question : « Il sera notamment tenu compte de la
compatibilité du projet avec les règles du droit de la concurrence, de
considérations de nature prudentielle, du souci d'équilibre du marché de
l'assurance dommages ». En conséquence, il lui demande quels sont les résultats
de cet examen et les actions qu'il entend mener dans ce domaine.
Conditions particulières de mise en oeuvre
de la prestation spécifique dépendance
pour les malvoyants
44.
- 26 septembre 1997. -
M. Philippe Marini
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la vive émotion suscitée par la mise en application de la nouvelle
prestation spécifique dépendance chez les personnes de plus de soixante ans
souffrant de déficience visuelle ou de cécité. En effet, ces personnes
recevaient, jusqu'à la création de la prestation spécifique dépendance,
l'allocation compensatrice de tierce personne (ACTP). Or les dispositions
contenues dans la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique
et à la protection sociale concernant le contrôle de l'usage de l'ACTP et dans
les décrets d'application n°s 97-426 et 97-427 du 28 avril 1997 de la loi
créant une prestation spécifique dépendance au profit de certaines catégories
de personnes âgées traitent globalement l'ensemble des personnes handicapées
sans tenir compte de la spécificité des besoins des personnes handicapées de la
vue. Il est pourtant évident que les aveugles et les malvoyants profonds n'ont
pas tous le même type de dépendance, même après soixante ans, que les personnes
du quatrième âge, désorientées ou grabataires. Ils ont à faire face durant
toute leur vie à une grave déficience sensorielle qui rend difficile leur vie
quotidienne, affective et sociale. Si le montant de l'ACTP ou de la prestation
spécifique dépendance est entièrement affecté à la rémunération d'une aide
ménagère, cela prive les déficients visuels d'autres services pour lesquels le
plus souvent l'aide ménagère n'offre pas suffisamment de garanties de
compétence et de confidentialité, tels que, par exemple, la lecture et
l'écriture du courrier, la surveillance du compte bancaire ou le règlement des
factures. Ainsi, et par manque de moyens financiers, les déficients visuels
renonceraient à certains services complémentaires comme l'usage très fréquent
du téléphone, du taxi ou le recours habituel à des professionnels pour de
petites interventions que tout voyant effectuerait lui-même. Celles-ci, dont la
nécessité est liée directement au déficit visuel sont des demandes de
confiance, de compétence et d'équipements, dont les fréquences et les durées
sont très variables, qui ne peuvent manifestement être couvertes par une
prestation en nature. En conséquence, il lui demande si elle envisage à court
terme de réexaminer les décrets d'application des deux lois suvisées afin que
les déficients visuels de tout âge conservent s'ils le souhaitent leur
allocation compensatrice pour tierce personne et ne soient pas concernés par la
prestation spécifique dépendance ; que le contrôle de l'effectivité de l'ACTP
ne s'exerce que sur 60 % du montant, les 40 % restants étant forfaitairement
attribués à la rémunération des aides diversifiées ; que les aveugles complets,
quel que soit leur âge, continuent d'être dispensés de justifier de
l'effectivité de l'aide d'une tierce personne.
Intégration des candidats
admis au CAPES de mathématiques
45.
- 29 septembre 1997. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
sur le fait que le nombre de postes offerts au CAPES de mathématiques a subi
une forte baisse, soit 1 154 en 1997 contre 2 000 en 1996. Le jury du concours
a jugé aptes à enseigner 1 154 candidats auxquels il a ajouté 230 personnes. Il
a ainsi reconnu les compétences de 1 384 candidats. Les capacités des 230 admis
sur la liste complémentaire semblent remises en cause dans la mesure où le
ministère ne semble pas prêt à les intégrer dans leur totalité. Pour contribuer
à une amélioration de l'enseignement dont le Gouvernement fait un de ses
objectifs prioritaires, elle lui demande ce qu'il compte faire pour réintégrer
la totalité des candidats admis sur la liste complémentaire.
Organisation des sessions du Parlement européen
46.
- 30 septembre 1997. -
M. Yann Gaillard
appelle l'attention de
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes
sur la violation, par le Parlement européen, de la décision du Conseil européen
de 1992 fixant le siège du Parlement européen à Strasbourg et prévoyant
l'organisation de douze sessions plénières par an dans la capitale de l'Alsace,
et de sessions additionnelles à Bruxelles. Il lui demande de bien vouloir lui
préciser quelle action il envisage de prendre pour faire respecter la décision
du Conseil européen de 1992.
Situation des retraités agricoles
47.
- 30 septembre 1997. -
M. Philippe Madrelle
appelle l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur la situation des retraitées agricoles conjointes qui doivent se contenter
d'une retraite de 1 400 francs par mois pour une moyenne de cinquante années de
travail. Il lui rappelle que ces agricultrices ont souvent commencé à
travailler dès l'adolescence pour aider leurs parents à relever les
exploitations. Dans la période des années soixante, les agriculteurs ont dû
investir pour acheter les terres, construire les bâtiments agricoles et
acquérir du matériel agricole. Il souligne que tous ces efforts ont permis au
secteur agroalimentaire de réaliser d'énormes profits et qu'aujourd'hui les
terres et les bâtiments agricoles ne représentent plus aucune valeur, faute de
repreneur. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les
mesures qu'il compte prendre afin que les retraitées agricoles conjointes
d'exploitant puissent bénéficier d'une retraite agricole égale au moins à 75 %
du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
Création d'un site de stockage d'anciennes munitions
48.
- 30 septembre 1997. -
M. Jacques Legendre
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur l'émotion créée dans le Cambrésis par l'annonce le 16 septembre dernier de
son projet de création d'un site de stockage d'anciennes munitions de guerre
sur l'aérodrome militaire désaffecté de Cambra-Niergnies. Il ne s'agit pas
d'une contestation du bien-fondé du ramassage et de la collecte des anciennes
munitions de guerre. L'Etat est dans son rôle en réorganisant celle-ci. Mais
l'ancien aérodrome militaire de Cambrai-Niergnies représente un ensemble
foncier de près de 200 hectares que l'armée de l'air avait entrepris de
revendre à la communauté de villes de Cambrai et à la chambre de commerce. Un
projet de réutilisation en faveur des sports de l'air, d'un centre
d'expériences et de recherches universitaires et d'implantations industrielles
était en cours d'élaboration. L'installation d'un dépôt de vieilles munitions,
même limité à 5 tonnes, stérilisera 30 hectares et dissuadera les investisseurs
éventuels de s'installer à proximité. Et c'est donc toute la zone, essentielle
pour l'avenir de l'agglomération, qui se trouvera lourdement pénalisée. Il
demande donc à M. le ministre de l'intérieur, qui est aussi maire et peut
comprendre l'émoi des collectivités locales et de la population, de renoncer en
ce lieu à une implantation inacceptable et de faire rechercher ailleurs, dans
l'arrondissement de Cambrai ou dans un autre arrondissement, sur un terrain
militaire ou sur une friche industrielle spécialisée dans les installations
classées, l'installation de ce dépôt d'anciennes munitions.