SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à des délégations parlementaires
(p.
1
).
3.
Mesures urgentes à caractère fiscal et financier.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
2
).
Discussion générale : MM. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie ; Alain Lambert, rapporteur de la commission des
finances ; Christian Poncelet, président de la commission des finances.
M. le ministre.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
4.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Finlande
(p.
3
).
5.
Mesures urgentes à caractère fiscal et financier.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
4
).
Discussion générale
(suite)
: M. Philippe Marini.
MM. le président, le président de la commission, Christian Sautter, secrétaire
d'Etat au budget.
6.
Mise au point au sujet d'un vote
(p.
5
).
MM. Denis Badré, le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
7.
Nomination de membres de délégations parlementaires
(p.
7
).
8.
Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes
(p.
8
).
9.
Candidature à une commission
(p.
9
).
10.
Mesures urgentes à caractère fiscal et financier. -
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
10
).
M. le président.
Discussion générale
(suite)
: MM. René Régnault, Marcel-Pierre Cléach,
Denis Badré, Philippe Arnaud, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ;
Christian Poncelet, président de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 11 )
MM. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances ; Philippe
Marini.
Amendements n°s 1 de la commission, 10 de M. Adnot et 6 de M. Arnaud. - MM. le
rapporteur, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, le secrétaire d'Etat, René
Régnault, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jacques Habert, Philippe Marini. -
Adoption, par scrutin public, de l'amendement n° 1 supprimant l'article, les
amendements n°s 10 et 6 devenant sans objet.
Article 2 (p. 12 )
MM. le rapporteur, Philippe Marini.
11.
Souhaits de bienvenue à une délégation chinoise
(p.
13
).
12.
Mesures urgentes à caractère fiscal et financier. -
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
14
).
Article 2 (suite) (p. 15 )
Amendements n°s 2 de la commission et 7 de Mme Beaudeau. - M. le rapporteur, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le président de la commission, le secrétaire d'Etat, René Régnault. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement n° 2 supprimant l'article, l'amendement n° 7 devenant sans objet.
Article 3 (p. 16 )
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption de l'amendement supprimant l'article.
MM. le secrétaire d'Etat, le président de la commission.
Article 4 (p. 17 )
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat,
Yann Gaillard. - Adoption.
Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 4 (p. 18 )
Amendement n° 8 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Article 5. - Adoption (p.
19
)
Article additionnel après l'article 5 (p.
20
)
Amendement n° 4 de M. Marini. - MM. Philippe Marini, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 6. - Adoption (p.
21
)
Articles additionnels après l'article 6 (p.
22
)
Amendement n° 5 de M. Marini. - MM. Philippe Marini, le rapporteur, le
secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Amendement n° 9 de M. Huriet. - MM. Denis Badré, le rapporteur, le secrétaire
d'Etat. - Retrait.
Vote sur l'ensemble (p. 23 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. René Régnault, Philippe Marini, Denis Badré, le
rapporteur.
Adoption du projet de loi.
13.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
24
).
14.
Nomination d'un membre d'une commission
(p.
25
).
15.
Dépôt d'une question orale avec débat portant sur des sujets européens
(p.
26
).
16.
Transmission d'un projet de loi
(p.
27
).
17.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
28
).
18.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
29
).
19.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
30
).
20.
Dépôt d'un rapport
(p.
31
).
21.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
32
).
22.
Ordre du jour
(p.
33
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures quinze.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À DES DÉLÉGATIONS
PARLEMENTAIRES
M. le président.
L'ordre du jour appelle la désignation d'un membre de la délégation du Sénat
pour l'Union européenne et d'un membre de la délégation du Sénat à l'Office
parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
Le groupe du Rassemblement pour la République m'a fait connaître qu'il
présente la candidature de M. Michel Barnier comme membre de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. Charles Descours,
démissionnaire, et la candidature de M. Hilaire Flandre comme membre de la
délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques
publiques, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial, qui a démissionné de son
mandat de sénateur.
Ces candidatures ont été affichées. Elles seront ratifiées si la présidence ne
reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
3
MESURES URGENTES
À CARACTE`RE FISCAL ET FINANCIER
Discution d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 425, 1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant mesures
urgentes à caractère fiscal et financier. [Rapport n° 434 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai le plaisir de vous présenter
ce matin, avec M. Christian Sautter, ce texte portant diverses mesures urgentes
à caractère fiscal et financier dont l'Assemblée nationale a déjà été
saisie.
Comme vous le savez, la principale partie de ce texte, que la commission des
finances du Sénat a eu l'occasion d'examiner, a trait aux mesures qu'il a
semblé bon au Gouvernement de prendre pour remédier au dérapage des finances
publiques révélé par l'évaluation demandée à deux membres de la Cour des
comptes, MM. Nasse et Bonnet, au mois de juillet dernier.
Il en résulte principalement que l'on pouvait alors prévoir que, à la fin de
l'année, le déficit public s'établirait entre 3,5 % et 3,7 %, alors que vous
l'aviez vous-mêmes voté en loi de finances initiale, mesdames, messieurs les
sénateurs, à 3 %.
Le Gouvernement a considéré qu'il ne pouvait pas accepter ce niveau de déficit
pour deux grandes catégories de raisons.
La première tient à nos engagements européens et à notre volonté de
participer, avec la majorité sans doute de nos partenaires de l'Union
européenne, à la création, le moment venu, de la monnaie unique.
La seconde, qui est au moins aussi importante, réside dans le fait que les
simulations qui ont pu être réalisées, dont certaines figurent dans le dossier
du projet de loi de finances pour 1998 que la commission des finances du Sénat
a reçu, montrent que, avec un déficit maintenu pendant plusieurs années à 3,6
%, pour prendre la moyenne entre 3,5 % et 3,7 %, le niveau de la dette publique
rapportée au PIB prendrait une ampleur tout à fait explosive, avec deux
conséquences.
La première, que chacun a bien présente à l'esprit, est que la charge de la
dette dans le budget de l'Etat deviendrait elle-même explosive, or on ne peut
plus espérer, à l'avenir, des baisses massives des taux d'intérêt - ceux-ci
sont déjà très bas - qui permettraient de la réduire.
Par conséquent, si rien n'était entrepris, nous nous trouverions, dans
quelques années, dans cette situation paradoxale où,
grosso modo,
un peu
moins de 45 % des recettes de l'Etat serviraient à financer les traitements,
les retraites et autres éléments de rémunération des fonctionnaires, tandis que
16 %, 17 % et demain 20 % du budget seraient consacrés au service de la dette.
A l'inverse, la part disponible pour financer les interventions de l'Etat dans
ses différents domaines de compétence se verrait réduite à la portion
congrue.
Or, si nous pouvons avoir, les uns et les autres, des opinions divergentes sur
ce qu'il convient de faire de l'argent public et sur l'ampleur de
l'intervention de l'Etat, nous pouvons nous rejoindre sur l'idée qu'il faut que
l'Etat, lorsqu'il intervient, ait les moyens de le faire.
La seconde conséquence de la persistance d'un niveau élevé de déficit porte
non plus sur le service de la dette, mais sur la dette elle-même.
Je crois très important que nous ne laissions pas à nos enfants et à nos
petits-enfants une dette publique qui continue d'augmenter en pourcentage du
PIB et qui constitue, dans l'avenir, un fardeau devenant petit à petit
insupportable pour ces générations qui subiraient alors, demain, des
prélèvements massifs.
Il convient donc d'inverser cette tendance, et si l'effort à consentir pour y
parvenir est important, il n'est pas hors de portée. J'aurai l'occasion de vous
en reparler à propos du projet de loi de finances pour 1998, mais l'engagement
que veut prendre le Gouvernement, c'est, en poursuivant la mise en oeuvre de la
politique qu'il a définie et dont nous reparlerons dans quelques semaines,
d'arriver à infléchir cette courbe, ce qui n'est jamais arrivé dans notre
histoire, et ce dès l'an 2000.
Je ne m'étends pas sur ce point, car nous y reviendrons. Cependant, chacun a
bien présent à l'esprit que l'importance de cette dette doit finalement
décroître, et le seul moyen pour y parvenir est, bien sûr, de réduire notre
déficit.
Toutes ces raisons ont conduit le Gouvernement à vouloir se rapprocher le plus
possible, bien que l'année ait déjà été à moitié écoulée au moment de la
réalisation de l'audit, de l'objectif initial de la loi de finances, qui avait
été fixé, peut-être un peu imprudemment, à 3 %.
A cette fin, 32 milliards de francs sont nécessaires, qui représentent 0,4
point de PIB. Nous pourrons ainsi approcher les 3 % de déficit public prévus,
puisque nous serons alors à 3,2 %. Mais nous ne sommes pas obligés de choisir
comme référence la moyenne entre 3,5 % et 3,7 % : nous pouvons être plus
optimistes et prendre pour base un taux de 3,5 %, et si la croissance est au
rendez-vous d'ici à la fin de l'année, cela nous permettra de nous rapprocher
très nettement de l'objectif. Le Gouvernement estime qu'un effort représentant
0,4 point de PIB constitue un effort important, certes, mais pas
insupportable.
Comme vous le savez, sur ces 32 milliards de francs, 10 milliards de francs
proviendront d'économies réalisées par l'Etat. Celles-ci seront très difficiles
à trouver, car ce n'est pas aux membres du Grand Conseil des communes de France
que j'apprendrai combien il est difficile de réviser en milieu d'année des
budgets publics, qu'il s'agisse de celui de l'Etat ou de ceux des collectivités
territoriales. Nous savons tous que lorsqu'un budget a été voté et que la
plupart des crédits ont été sinon engagés, du moins promis en faveur de
différents domaines, qu'il s'agisse d'activités culturelles à financer, de
projets de routes à réaliser ou de travaux publics déjà engagés, il est très
difficile de revenir en arrière.
Ce gel de dix milliards de francs représente donc un effort très important, et
les prélèvements complétant cette somme s'élèveront à quelque 21 milliards de
francs, ce qui correspond très exactement, vous l'aurez remarqué, au défaut de
recettes que les auditeurs ont mis en évidence.
En effet, le dérapage des finances publiques qu'ils ont souligné est dû, d'une
part, à un certain dépassement des dépenses, et, d'autre part, à un déficit de
recettes.
Ce second point constitue un réel problème en matière de finances publiques,
en France mais aussi dans les pays étrangers, comme me l'ont confié certains de
mes homologues. Ce manque de recettes correspond, en termes techniques, à
l'affaiblissement de l'élasticité des recettes fiscales par rapport à la
croissance. Plus concrètement, on peut dire que les recettes fiscales
n'augmentent pas en proportion du renforcement de la croissance.
Par conséquent, lorsque le précédent gouvernement a arrêté son budget, son
estimation des recettes fiscales a été quelque peu optimiste. Un ensemble de
causes, liées par exemple à la TVA intracommunautaire, font que, en fin de
compte, on a du mal à préserver, à législation constante, la recette prévue
initialement.
Les 21 milliards de francs de prélèvements que le Gouvernement s'est résolu à
demander au pays ne serviront qu'à reconstituer, j'insiste auprès de vous sur
ce point, le montant total des recettes que la loi de finances pour 1997 avait
prévu, mais qui ne sera pas atteint si cette mesure n'est pas prise.
En ce sens, il ne s'agit pas au total d'un prélèvement plus important,
puisque, si tout se passe comme prévu, et il n'y a aucune raison pour que ce ne
soit pas le cas, auront effectivement été prélevées au titre des recettes de
l'Etat, à la fin de l'année 1997, les sommes qui avaient été initialement
votées par les deux assemblées. Seules les modalités changent.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de recourir à l'impôt sur les sociétés
pour compléter ses recettes ? Plusieurs raisons doivent être invoquées.
Je soulignerai tout d'abord que, comme vous le savez, le taux
d'autofinancement de nos entreprises est aujourd'hui très élevé. Il est
lui-même lié à la faiblesse des investissements, mais cela se traduit par des
capacités de financement très excédentaires par rapport à l'investissement.
Il faut ici rappeler que, de 94 % voilà trois ou quatre ans, le taux de
financement est passé en 1996 à 123 %, chiffre supérieur à 100 %, qui montre
que les capacités de financement de nos entreprises sont supérieures à leurs
besoins.
Il est possible d'aborder autrement le même sujet : lorsque l'on trace les
courbes, que vous connaissez parfaitement, qui mettent en relation le niveau
d'épargne des entreprises avec celui de leurs investissements, on constate,
toujours en 1996, dernière statistique disponible, un excédent de quelque 134
milliards de francs de l'épargne des entreprises sur leurs investissements.
Il y a donc là une possibilité, sans gêner le fonctionnement de l'économie, de
trouver les quelque 21 milliards de francs dont nous avons besoin. Je ne dis
pas que les entreprises concernées se réjouissent de cette mesure, mais elle
n'affecte pas directement leurs capacités de financement.
On peut encore étudier cette question en examinant le poids de l'impôt sur les
sociétés dans le PIB.
Dans notre pays, cet impôt représente 1,6 % du PIB. Or, dans les pays voisins,
il en constitue en moyenne 3 %. Cela traduit le fait que, au final, si le taux
de notre impôt sur les sociétés est plutôt supérieur à la moyenne, sans être le
plus élevé, l'assiette sur laquelle il porte est à ce point réduite que, au
total, le prélèvement, en termes de points de PIB, est sensiblement plus faible
que chez nos voisins.
Mais surtout, à partir du moment où l'objectif était fixé et où il fallait
choisir une voie d'action, la seule possibilité était d'opérer un prélèvement
sur les ménages. Or, choisir cette option eût été, du point de vue du
Gouvernement, reproduire une erreur qui n'est pas si ancienne : voilà quelques
années, un prélèvement très massif sur les ménages, dont chacun se souvient, a
contribué à briser un début de reprise de notre économie.
Par conséquent, l'ensemble de ces contraintes a conduit le Gouvernement à
estimer qu'il fallait réduire le déficit, mais que si nous faisons tout ce qui
est en notre pouvoir en matière de réduction de la dépense, il n'est pas
possible d'aller très loin dans ce sens en milieu d'année. La situation sera
différente en 1998, et nous aurons l'occasion d'en reparler, mais il faut dans
l'immédiat dégager des recettes, et il ne s'agit d'ailleurs que de reconstituer
celles qui manquent. On ne peut les prélever sur les ménages, car cela
risquerait de casser la croissance, mais on peut solliciter les entreprises,
dont les disponibilités sont relativement importantes.
Ces mesures prennent la forme, tout d'abord, de l'instauration d'une surtaxe
temporaire de 15 % sur l'impôt sur les sociétés. J'insiste sur son caractère
temporaire, car souvent les gouvernements, quelle que soit leur couleur
politique, ont la tentation de qualifier de temporaire une mesure qui perdure.
On en connaît force exemples !
En l'occurrence, nous tenons, et tel est l'objet du texte qui vous est soumis,
à ce que soient inscrites immédiatement dans le code général des impôts la
valeur de cette surtaxe pour 1997 et pour 1998, sa décroissance en 1999 et,
enfin, sa disparition en l'an 2000, afin de bien marquer qu'il ne faudra pas un
nouvel acte législatif pour la faire disparaître, ce qui pourrait laisser
supposer qu'elle pourrait perdurer plus longtemps qu'on ne le souhaite. Si vous
acceptez de voter ce dispositif, il suffira de le laisser en l'état pour que,
au bout de trois ans, la surtaxe disparaisse effectivement.
En ce sens, elle apparaît très différente de la surtaxe précédente, mise en
place par le gouvernement de M. Juppé, qui, annoncée pour temporaire, a été
votée définitivement et suppose un acte législatif particulier pour la
supprimer.
M. Philippe Marini.
Sophisme !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Cette surtaxe a
été considérée par bon nombre d'entreprises comme l'investissement nécessaire
pour que nous soyons au rendez-vous de l'euro auquel elles tiennent. C'est
comme cela que j'interprète les réactions somme toute modérées de la part des
représentants des entreprises lorsque cette mesure a été annoncée.
Toutefois, nous avons tenu à ce qu'elle ne concerne pas les petites
entreprises, qui, chacun le sait, sont à l'origine de l'augmentation de
l'emploi. Le seuil retenu, qui est bien entendu arbitraire comme tout seuil,
est le seuil européen de définition des petites entreprises, à savoir 50
millions de francs de chiffre d'affaires.
J'attire l'attention du Sénat sur le fait qu'en exonérant de cette surtaxe les
entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs ce
sont 80 % des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés qui sont
exonérées. Encore s'agit-il d'un pourcentage minimal, car plusieurs estimations
de l'INSEE et des différentes administrations économiques sont supérieures à ce
taux. Ce sont donc au moins 80 % des entreprises soumises à l'impôt sur les
sociétés qui seront exonérées de cette surtaxe.
L'Assemblée nationale a apporté deux modifications heureuses à cette
disposition. La première consiste à étendre cette exonération aux petits
groupes qui font moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires. C'est là
un élargissement très considérable du concept traditionnel du code général des
impôts, mais il est bienvenu.
La seconde modification apportée par les députés vise à exonérer de la surtaxe
les entreprises de moins de 50 millions de chiffre d'affaires même lorsque leur
capital est détenu non seulement par des sociétés de capital-risque mais
également par des fonds communs de placement à risque, afin que les personnes
qui s'investissent dans la prise de risques et que nous voulons soutenir ne
soient pas pénalisées alors que ce sont sans doute elles qui font le plus
d'efforts en matière d'innovation.
L'autre versant, à côté de la surtaxe de 15 % que je viens d'évoquer, a
consisté à soumettre les plus-values au droit commun en matière d'imposition
des bénéfices. Vous le savez, ce régime fiscal des plus-values est une sorte de
curiosité géographique. En effet, aucun des pays qui nous entourent n'a cette
particularité. Les plus-values y sont taxées selon le droit commun de l'impôt
sur les sociétés. Cependant, cette curiosité a progressivement disparu. En
effet, dès 1991, la sagesse des assemblées a conduit à supprimer cette
exonération partielle des plus-values pour les titres de placement. Puis, en
1994, vous avez fait un pas de plus en la supprimant pour les titres de
portefeuille. Nous voulons aller un peu plus loin, en maintenant toutefois
quelques exceptions qui demeureront exonérées.
La première, ce sont les titres de participation. Il convient, en effet, que
les plus-values sur ces titres continuent de bénéficier d'un taux
particulièrement avantageux, faute de quoi les opérations au sein des groupes
seraient extrêmement complexes et conduiraient sans doute un certain nombre de
groupes à se localiser à des endroits où la législation fiscale serait plus
favorable.
La deuxième exception, c'est de nouveau ce qui se passe pour les sociétés de
capital-risque ou les fonds communs de placement à risque, pour lesquels nous
avons, là aussi, voulu conserver le régime antérieur particulièrement
avantageux en matière de plus-values.
La troisième exception concerne les plus-values issues de brevets ou
d'inventions brevetables. Il a semblé souhaitable de ne pas augmenter la
fiscalité en matière de plus-values, de façon à continuer d'avoir, en France,
une importante localisation de brevets.
Au total, l'argument fondamental qui a présidé dans le passé au fait que nous
ayons une fiscalité des plus-values avantageuse, à savoir une forte inflation -
les plus-values étaient en grande partie purement nominales, et il convenait
donc de ne pas les taxer au taux normal - a largement disparu puisque nous
sommes dans une situation d'inflation particulièrement faible.
Les raisons qui ont présidé à la mise en place de cette fiscalité bonifiée
ayant disparu, le Gouvernement a considéré qu'il était raisonnable de faire en
sorte que la fiscalité bonifiée s'estompe.
Voilà, en quelques mots, ce que recouvrent les trois premiers articles du
projet de loi qui vous est présenté.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire encore brièvement
quelques commentaires sur les trois autres articles.
Le premier d'entre eux concerne EDF et le statut juridique des ouvrages de
transport d'électricité qui, jusqu'à maintenant, est resté dans une certaine
ambiguïté juridique. En effet, la propriété de ces ouvrages de transport
n'était pas clairement définie. Le contrat de plan qui a été signé entre l'Etat
et l'entreprise en avril dernier prévoyait de remettre cela en ordre. J'y vois
plusieurs avantages.
Le premier, c'est de redonner à cette grande entreprise qu'est EDF un bilan
avec des actifs qui valent quelque chose et qui sont « pesants ». Aux termes de
l'article que nous vous proposons, les fonds propres d'EDF pourront être
estimés à 80 milliards de francs, ce qui est plus en rapport avec l'importance
de son activité. De plus, dans le cadre de l'évolution concurrentielle dans le
domaine de l'énergie, en particulier de l'électricité, en Europe, EDF
apparaîtra comme une société qui a effectivement à son bilan des actifs
correspondant à l'importance de son activité.
Autre avantage, l'anomalie selon laquelle ces ouvrages n'apparaissent pas au
bilan d'EDF conduisait à une situation fiscale dans laquelle des pertes un peu
fictives apparaissaient, ce qui conduisait EDF à ne pas payer d'impôt sur les
sociétés. Aussi, tous les gouvernements avaient la fâcheuse tendance de
compenser ce manque d'impôt par un prélèvement, plus ou moins forfaitaire et
donc arbitraire, sur EDF. La régularisation de cette situation va conduire EDF
à payer l'impôt normalement, et donc, je pense, à restreindre l'habitude,
toujours bien intentionnée mais pas toujours heureuse, des gouvernements de
prélever arbitrairement des ressources sur cette entreprise.
Bien entendu - et, de ce point de vue, je veux rassurer le Sénat - ce
dispositif ne remet nullement en cause le monopole dont dispose EDF. Il n'a
aucune influence sur les collectivités locales, ni sur les réseaux qu'elle
détiennent en régie. Il n'entraîne pas, au contraire et je viens de
l'expliquer, un prélèvement supplémentaire quelconque sur EDF. En fait, cela
normalise la situation de cette entreprise. Telles sont les précisions que je
souhaitais apporter sur le premier des articles de cette seconde partie du
projet de loi.
Le deuxième article concerne les CODEVI, les comptes pour le développement
industriel.
Les modalités particulières que vous avez votées ont conduit les collectivités
locales à pouvoir utiliser les ressources des CODEVI jusqu'au 31 décembre 1996
pour financer l'installation et l'aménagement de PME. A la demande de nombreux
élus, il a semblé utile de reconduire cette possibilité jusqu'à la fin de 1997.
Le Gouvernement s'est rallié à cette position. Un article permettant d'étendre
jusqu'à la fin de 1997 l'emploi des ressources des CODEVI par les collectivités
locales vous est donc présenté.
J'en viens, enfin, au dernier article de cette seconde partie.
Du rapprochement du CEPME, le Crédit d'équipement pour les petites et moyennes
entreprises, et de la SOFARIS, entreprise de garantie en matière de
capital-risque, est née la BDPME, la Banque de développement des petites et
moyennes entreprises. Celle-ci a la caractéristique d'une holding. Comme elle
regroupe des participations publiques dans des établissements financiers et
publics, elle doit mettre en oeuvre la loi de 1983 sur la démocratisation du
secteur public. Celle-ci ne prévoit pas clairement comment la représentation
des salariés des filiales - la holding elle-même ayant peu de salariés - peut
s'opérer au conseil de surveillance de la holding.
Aussi, il convient qu'un article de loi permette l'application simple,
naturelle et de bon sens de la loi de 1983 qui ne prévoyait pas ce cas. Tel est
l'objet du dernier article qui vous est soumis.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que sur l'ensemble de ces
articles, le bien-fondé de la démarche gouvernementale vous apparaîtra et que
vous souhaiterez vous associer à l'Assemblée nationale pour les approuver.
Je tiens à vous dire combien M. Christian Sautter et moi-même sommes à votre
disposition pour examiner les amendements que vous présenterez. Je vous demande
par avance de m'excuser de ne pouvoir participer à l'ensemble de la discussion,
car M. le Premier ministre m'a demandé de le rejoindre en fin de matinée. Bien
entendu, dès que la réunion à laquelle il me convie sera terminée, je vous
rejoindrai afin de poursuivre avec vous la discussion.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire
d'Etat au budget espèrent que cette première rencontre avec la Haute Assemblée
sera, comme j'en ai, pour ma part, gardé le souvenir s'agissant des débats que
nous avons menés ensemble lorsque je participais à des gouvernements
précédents, l'occasion de discussions franches, intéressantes...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Courtoises !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... et permettant
d'enrichir les textes. Je suis sûr que nous pouvons, par là même, commencer une
collaboration démocratique, souvent contradictoire mais toujours fructueuse,
que nous poursuivrons bientôt lors de l'examen du projet de loi de finances
pour 1998.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous saluer puisque c'est notre première
rencontre en séance publique à la veille de la discussion budgétaire. Je fais
mienne la conclusion de votre propos, monsieur Strauss-Kahn : je souhaite que
notre dialogue soit fécond, au service de notre pays.
Le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre examen comporte six
articles. Les trois premiers sont la traduction législative des mesures
fiscales annoncées par M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie le 23 juillet dernier. Celles-ci sont elles-mêmes consécutives aux
travaux menés par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse, qui ont constaté un
creusement du déficit des comptes publics.
Les trois premiers articles du présent projet de loi ont un triple objet. Il
s'agit, d'abord, d'instituer une contribution temporaire sur le taux de l'impôt
sur les sociétés pour les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires de
plus de 50 millions de francs, fixée à 15 % en 1997 et 1998 et à 10 % en 1999,
ce qui portera le taux de l'impôt sur les sociétés à 41,66 % puis à 40 %. Il
s'agit, ensuite, d'élargir l'assiette de l'impôt sur les sociétés en y incluant
les plus-values à long terme, hors titres de participation et concession de
licences d'exploitation de brevets et d'inventions brevetables. Il s'agit,
enfin, de modifier le régime des acomptes pour assurer le rendement fiscal de
ces mesures dès 1997.
L'augmentation du taux réel de l'impôt sur les sociétés et la suppression
partielle du régime des plus-values à long terme devraient rapporter
respectivement 14,4 milliards de francs et 6,7 milliards de francs de recettes
supplémentaires au budget de l'Etat, soit un total de quelque 21 milliards de
francs en 1997. Le rendement attendu en 1998 est de 16,5 milliards de
francs.
La commission des finances considère qu'il convient sans doute d'actualiser le
constat effectué par MM. Nasse et Bonnet sur l'état des comptes publics. Par
ailleurs, elle ne recommande pas de souscrire à la stratégie retenue par le
Gouvernement, qui consiste à accroître les recettes fiscales plutôt qu'à
freiner les dépenses, pour permettre ainsi de respecter nos engagements
européens, comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre, et pour parvenir au
plus vite, conformément au souhait de chacun dans cette assemblée, à la
stabilisation de la dette.
A cet égard, monsieur le ministre, nous apprécions beaucoup dans cette
assemblée une initiative qui a été prise à deux reprises, à savoir
l'organisation d'un débat d'orientation budgétaire. Certes, le calendrier de
cette année n'a pas permis un tel débat qui est l'occasion d'examiner d'une
manière pluriannuelle l'évolution de nos finances publiques.
La dégradation des comptes publics révélée par l'audit doit être relativisée
au vu des derniers résultats de l'exécution de la loi de finances de 1997 qui
mettent en évidence une amélioration du solde budgétaire de 13,8 milliards de
francs par rapport au mois de juillet 1996. Elle peut être aussi relativisée
par votre optimisme - c'est une qualité, monsieur le ministre - sur le rythme
de la croissance en 1997.
Je me souviens d'une interview que vous avez donnée fin août et dans laquelle
vous affirmiez que le déficit approcherait peut-être 2,9 %.
Mais la lutte contre les déficits publics - la commission des finances le
répète depuis longtemps - doit reposer en priorité sur la maîtrise des dépenses
et même sur leur réduction, et non pas sur l'accroissement des prélèvements
obligatoires. Or, le Gouvernement a donné un signe très négatif en la matière,
en utilisant le gel des 10 milliards de francs de crédits opéré par le
précédent gouvernement pour engager de nouvelles dépenses au moyen d'un décret
d'avance, en date du 9 juillet dernier, de 11,1 milliards de francs.
En annulant purement et simplement les crédits gelés par le précédent
gouvernement, le nouveau gouvernement aurait pu faire quelque 10 milliards de
francs d'économies, ce qui aurait permis de diminuer le creusement du déficit
budgétaire tel qu'il a été estimé par MM. Nasse et Bonnet.
Le Gouvernement n'a pas fait ce choix et préfère compenser le creusement du
déficit budgétaire par une hausse de la fiscalité. C'est son droit, mais ce
n'est pas la voie préconisée par la commission des finances ni par les deux
rapporteurs de l'audit, qui écrivent ceci : « Agir sur la dépense est le seul
moyen de réduire les déficits, comme la France s'y est engagée, sans accroître
des prélèvements obligatoires déjà très lourds. Ce résultat ne pourra donc être
obtenu que par des actions de fond. »
Il n'est pas inutile à ce stade de rappeler que les dépenses publiques
représentent en France 54,6 % du PIB en 1996 contre 50,6 % dans l'Union
européenne et que, comme nous l'oublions trop souvent, ce sont les pays
industriels ayant choisi la voie de la réduction des dépenses publiques qui ont
réussi à diminuer massivement leur taux de chômage.
Par ailleurs, deux arguments invoqués par le Gouvernement pour surfiscaliser
en priorité les grandes et moyennes entreprises semblent contestables à la
commission des finances. Outre qu'elles seraient moins taxées que les
concurrentes, sur le seul critère de l'impôt sur les sociétés dans le PIB, leur
bonne santé apparente en ferait des contributeurs tout désignés.
Vous avez d'ailleurs indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, que la
réaction des entreprises à cette mesure était modérée. Je n'ai pas entendu
qu'elles s'étaient réjouies, mais peut-être redoutent-elles tout simplement
d'autres décisions du Gouvernement !
Non seulement les arguments invoqués par le Gouvernement peuvent être
contestés, mais la commission des finances craint aussi que, en accroissant la
fiscalité pesant sur les entreprises, contrairement à nos partenaires et
concurrents économiques, le Gouvernement ne compromette l'emploi en retardant
les investissements et la croissance, et ne donne un signal négatif aux
entreprises. Les mesures fiscales prévues par le projet de loi de finances pour
1998 confirment de surcroît cette tendance, en raison, par exemple, de la
modification du régime des provisions qui touche de nombreuses PME.
En effet, en portant notre taux d'impôt sur les sociétés à 41,6 % et en
supprimant, même partiellement, le régime de la taxation, nous irions - mais
c'est ce qui se passera sans doute puisque la majorité, à l'Assemblée
nationale, en décidera certainement ainsi - à contre-courant des politiques
menées par nos principaux partenaires européens qui, eux, entreprennent tous,
sauf erreur de ma part, de réduire les impôts pesant sur les entreprises.
S'agissant du régime de taxation réduite des plus-values de cessions d'actifs
immobilisés, vous avez indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, que notre
pays se singularisait par rapport aux autres pays européens. Mais sans doute
avez-vous voulu faire gagner du temps au Sénat en n'ajoutant pas que, dans ces
derniers, existait une exonération dès lors qu'on réemployait le produit de la
réalisation des actifs.
Même si elles ne sont pas immédiates, nous aurons dans quelques années à subir
les conséquences de mesures qui pourraient se traduire par des délocalisations
et par un reflux des investissements étrangers en France. L'Allemagne en a fait
l'amère expérience, mais nous ne semblons pas vouloir nous instruire de cet
exemple.
En deuxième lieu, les mesures proposées sont de nature à freiner la reprise
économique au moment où des signes de plus en plus nombreux la confirment.
En effet, le durcissement de la législation fiscale réduit le taux de
rendement interne des investissements et conduit les chefs d'entreprise à les
diminuer. Faut-il rappeler la faiblesse des taux d'investissement passés et le
retard pris par la France dans le renouvellement de ses capacités de
production, l'investissement productif ayant baissé de 5,8 % entre 1992 et 1996
dans notre pays alors qu'il progressait de près de 35 % aux Etats-Unis ?
J'insiste beaucoup sur cette question, monsieur le ministre, et je souhaite
vraiment retenir votre attention, car la majorité de la commission des finances
craint que les mesures proposées ne soient défavorables à la reprise de
l'investissement.
En outre, s'il est vrai que l'impôt sur les sociétés pèse très peu dans le PIB
par rapport à nos principaux concurrents, c'est parce que d'autres charges,
parfois importantes - je pense en particulier à la taxe professionnelle -
pèsent déjà sur elles.
Il ne paraît donc pas opportun d'accroître encore le poids de leurs
prélèvements, fût-ce à titre temporaire. N'oublions pas, de surcroît, que
seules des entreprises en bonne santé financière et disposant d'un
environnement fiscal et social favorable dans un contexte de compétition
économique mondiale sont susceptibles de maintenir ou de créer des emplois.
Je ne m'étendrai pas, enfin, sur les difficultés plus techniques et pourtant
nombreuses soulevées par les deux dispositifs fiscaux du présent projet de
loi.
Outre leur rétroactivité, qui décourage toujours - nous le savons bien - les
agents économiques, les dispositifs se caractérisent par leur complexité - je
vous mets au défi, mes chers collègues, d'expliquer très simplement
l'application de l'article 3 - et par un manque réel de lisibilité, ce qui
n'est, hélas ! pas nouveau en matière de législation fiscale !
La commission des finances maintient en outre qu'il n'est pas de bonne
législation d'introduire une discrimination entre les entreprises, même en
fonction de leur chiffre d'affaires.
M. Philippe Marini.
Tout à fait !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Nous en étions d'ailleurs déjà convenu lors de la création
d'un taux réduit d'imposition des bénéfices pour les PME procédant à une
augmentation de capital. De plus, les entreprises les plus pénalisées seront,
en dernier ressort, les sociétés moyennes, celles qui réalisent l'essentiel de
leur chiffre d'affaires sur le territoire national, celles qui ne pourront
échapper à l'impôt, à l'inverse des multinationales qui peuvent, en partie, «
délocaliser » leurs bases imposables ou les lisser dans le temps.
La commission des finances constate enfin, pour le déplorer, que
l'augmentation de l'impôt sur les sociétés déséquilibre le mécanisme de l'avoir
fiscal et fait renaître des phénomènes de double taxation, aux dépens des
actionnaires et des sociétés mères de filiales.
Il me paraît inadéquat de relancer une espèce de « guerre de religion » sur
l'avoir fiscal - c'est ce que font indirectement le présent projet de loi et le
projet de loi de finances pour 1998 - au moment où l'on insiste tant sur la
nécessité de créer des PME dynamiques dans les secteurs des nouvelles
technologies et où l'on veut convaincre - j'espère que nous y parviendrons -
les Français d'acheter massivement des titres de France Télécom puis d'autres à
venir. Ces petites économies n'ont qu'un faible effet budgétaire, mais elles
irritent les investisseurs français ou étrangers qui n'apprécient guère de voir
les règles du jeu modifiées en cours de partie.
Au total, la commission des finances souscrit sans réserve à la nécessité de
respecter dès 1998 toutes les conditions de passage à la monnaie unique. Mais
en choisissant la solution de court terme consistant à alourdir la fiscalité
des entreprises plutôt que la politique vertueuse fondée sur la maîtrise des
dépenses, le Gouvernement ne retient pas la bonne solution et risque de
compromettre les intérêts à long terme de la nation.
La France ne peut continuer éternellement à faire cavalier seul en ignorant le
contexte international dans lequel évoluent ses entreprises. La commission des
finances vous soumettra, par conséquent, trois amendements tendant à supprimer
les trois premiers articles du présent projet de loi.
M. Paul Loridant.
Que cela !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Les trois dernières dispositions n'ont rien à voir avec les
précédentes. Elles étaient contenues dans le projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier déposé par le précédent
gouvernement, et leur présence dans ce texte est surtout justifiée par la
nécessité de valider ce qui avait été annoncé à l'époque.
Je les évoquerai rapidement.
L'article 4 a pour objet de transférer la propriété des ouvrages de transport
d'électricité du réseau d'alimentation générale, le RAG, de l'Etat, jusqu'à
présent propriétaire concédant, à EDF.
Cette opération, accompagnée d'une restructuration du bilan de l'établissement
public, vise à mettre fin à l'inadéquation de la structure capitalistique d'EDF
qui se caractérisait jusque-là par une disproportion entre des capitaux propres
inférieurs à 24 milliards de francs et des actifs avoisinant 680 milliards de
francs.
Au terme de l'opération, le montant des capitaux propres devrait plus que
tripler pour atteindre près de 80 milliards de francs et EDF devrait acquitter,
pour la première fois, l'impôt sur les sociétés à hauteur de 3 milliards de
francs.
Cette mesure paraît nécessaire à la commission des finances pour assurer la
lisibilité des comptes d'EDF auprès de la communauté économique internationale,
notamment auprès des partenaires financiers d'EDF. Elle est conforme en outre
au contrat d'entreprise signé le 8 avril dernier entre l'Etat et EDF. Enfin,
elle préserve la propriété des collectivités territoriales sur les ouvrages du
réseau de distribution ; un amendement adopté par l'Assemblée nationale
constitue une garantie supplémentaire en ce sens. Nous en parlerons tout à
l'heure, si vous le voulez bien, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, afin que l'intention du législateur sur ce sujet ne puisse donner lieu
à aucune ambiguïté.
L'article 5 vise à proroger de deux ans à compter du début de 1997 le
dispositif de la loi Gest permettant aux collectivités locales d'emprunter sur
ressources CODEVI pour financer des équipements destinés à favoriser
l'implantation et le développement des PME. Ce dispositif a révélé une certaine
utilité - je le dis avec bienveillance, n'en étant pas totalement convaincu ! -
mais sa portée est très limitée, car le CODEVI ne constitue plus aujourd'hui
une ressource réellement privilégiée. J'imagine que certains de mes collègues
le feront d'ailleurs remarquer au cours de la discussion.
L'article 6 est relatif à la Banque du développement des petites et moyennes
entreprises, successeur du CEPME. Il s'agit d'adaptations formelles destinées à
lui appliquer la loi de 1983 sur la démocratisation du secteur public dans les
mêmes conditions qu'au CEPME auparavant. Cette disposition n'appelle pas de
commentaire particulier de la commission, même si nous pouvons regretter de
n'avoir pas eu à nous prononcer sur la création même de la BDPME. Je rappelle
simplement que la commission des finances s'était prononcée en faveur de
l'existence d'organismes publics dits « de place » pour faciliter l'accès au
crédit des PME.
Mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements que j'aurai à
vous soumettre, au nom de la commission des finances, je vous propose donc
d'adopter ce texte. Vous voyez que la commission des finances adopte une
position équilibrée puisque, sur six articles, elle vous propose d'en supprimer
trois et elle vous recommande d'en adopter trois.
(Sourires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Philippe Marini.
Excellente recommandation !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, de prime abord, nous devrions oublier nos divergences politiques et
nous féliciter, ensemble, de l'intention qui anime ce projet de loi et qui a
été exprimée voilà un instant par M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie, puis rappelée par M. le rapporteur.
En effet, ce texte constitue, au moins chronologiquement, la première
traduction législative de la volonté du Gouvernement d'honorer l'échéance de
l'euro. C'est bien ainsi que j'ai interprété l'intervention de M.
Strauss-Kahn.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous adresser tout de suite mes
compliments pour avoir réussi à convaincre vos collègues de la gauche de la
majorité plurielle de se rallier à cette cause européenne.
(Sourires.)
Je pense qu'ils vous suivront dans leur démarche.
Mais nous n'allons pas céder, monsieur le ministre, à ce mouvement
d'enthousiasme, car le volet fiscal de ce projet de loi, qui institue une
surtaxe temporaire de l'impôt sur les sociétés - en France, nous savons que le
temporaire, même lorsqu'il est inscrit dans la loi, peut durer longtemps ! - ne
constitue pas, à mes yeux, le gage de la préparation de notre pays aux défis
qu'il devra relever lorsque l'euro sera, avec l'appui de tous, devenu une
réalité.
Réaliser l'euro, c'est bien. Réussir l'euro, c'est mieux.
Or, nous savons que la première urgence à laquelle seront confrontés les pays
qui participent à cette aventure - au sens noble du terme - de l'euro
consistera prioritairement dans l'harmonisation fiscale. Il s'agira alors
d'éviter - c'est important - les délocalisations d'entreprises, les
déplacements de l'épargne qui commencent à s'engager et les expatriations de
travailleurs.
La mesure de surtaxation des entreprises que vous nous proposez, monsieur le
ministre, s'apparente à une « mesure de divergence » qui va à contre-courant de
la politique d'harmonisation à la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés,
menée au début des années quatre-vingt-dix par - pourquoi ne pas le dire ? - le
regretté Pierre Bérégovoy.
Alors que Pierre Bérégovoy et Michel Charasse ont ramené, peut-être de manière
un peu hâtive, le taux de l'impôt sur les sociétés de 42 % en 1989 à 33,33 % en
1992, vous nous demandez aujourd'hui, monsieur le ministre, de le relever,
après l'épisode de l'été 1995 - j'avais d'ailleurs fait une observation à
l'époque - de 36,66 % à 41,66 %. La mesure est un peu lourde : plus 15 % ! Tout
le chemin parcouru courageusement depuis 1989 est donc ainsi effacé.
Tout de suite, une question vient à l'esprit, que je pose au Sénat ainsi qu'à
vous-même, monsieur le ministre : comment nos industriels pourront-ils
construire leur programme d'investissement avec un tel « yo-yo fiscal », si
vous me permettez l'expression ?
Il convient qu'ensemble nous nous attachions à modifier une telle démarche
qui, bien entendu, est contraire à l'économie et à l'avenir des entreprises.
Au même moment, l'Italie et l'Allemagne, qui avaient conservé des taux élevés,
sont en train d'engager un mouvement de reflux, comme vient de nous le rappeler
M. le rapporteur général dans son excellente intervention.
La surtaxation que vous nous proposez, monsieur le ministre, constitue donc, à
nos yeux, une mesure contestable au regard de l'indispensable harmonisation
fiscale européenne, qui doit s'accélérer avec la mise en place dans quelques
mois, avec le soutien de tous, de la monnaie européenne.
En outre, cette mesure me semble inopportune dans la situation actuelle de
notre économie, qui se caractérise par une reprise de la croissance, mais une
reprise que tout le monde considère comme très molle, hélas !
Tout d'abord, cette mesure repose, à mon avis, sur une appréciation
discutable, sinon erronée, de la situation des entreprises françaises.
Tout se passe comme si cette mesure n'était pas exempte d'une certaine volonté
de sanctionner les entreprises coupables, aux yeux du Gouvernement, de ne pas
investir et de ne pas recruter.
Soyons objectifs. C'est d'ailleurs une démarche permanente du Sénat ! Il est
vrai que la politique du « donnant-donnant » a montré ses limites en dépit de
l'importance des sommes consacrées, d'une part, au remboursement des avances de
trésorerie effectuées par les entreprises en raison de la règle du décalage
d'un mois en matière de TVA et, d'autre part, à l'allégement des charges
sociales afférentes à l'emploi peu qualifié.
Il est vrai également que, dans nos fonction d'élus locaux, nous sommes
confrontés - mais, heureusement, dans de très rares circonstances - alors que
nous consentons des efforts financiers non négligeables pour faciliter
l'implantation des entreprises, à des comportements qui peuvent parfois faire
penser au titre de l'un des films de Woody Allen, intitulé
Prends l'oseille
et tire-toi. (Sourires.)
Il est vrai, enfin, que le taux d'autofinancement des entreprises atteint
aujourd'hui un pourcentage record alors que leur investissement est en
panne.
M. René Régnault.
Oui !
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Mais peut-on jeter la pierre aux entreprises
d'avoir veillé, dans le contexte de vif renchérissement des taux d'intérêt
réels que nous avons connu de 1990 à 1995 - vous l'avez très justement rappelé,
monsieur le ministre - à assurer leur survie en se désendettant très
rapidement, à réduire leur dépendance vis-à-vis des établissements de crédit et
à préserver leur pérennité ?
Par ailleurs, la forte progression du taux d'autofinancement des entreprises,
même si elle est réelle, ne constitue pas à elle seule un indicateur de la
bonne santé des entreprises françaises.
Pour rester sur le plan européen, terrain sur lequel vous vous êtes situé
voilà un instant, monsieur le ministre, nous constatons que la rentabilité des
entreprises françaises est inférieure de moitié à celle de leurs concurrentes
européennes.
De même, le taux de marge de nos entreprises, défini comme la part des profits
dans la valeur ajoutée, est en baisse : alors qu'il atteignait 37 % de la
valeur ajoutée en 1970, il ne s'élevait plus qu'à 31,5 % en 1996, et non à 40 %
comme certains l'ont prétendu à tort, même si je dois avouer qu'un démenti a
suivi assez rapidement.
En second lieu, cette surtaxation des entreprises me semble inopportune, car
elle risque de prolonger et d'aggraver la panne de l'investissement, alors que
vous recherchez le contraire.
Ce reflux de l'investissement des entreprises, que nous observons depuis le
début des années quatre-vingt-dix, est lourd de conséquences pour notre
pays.
En effet, le vieillissement de l'appareil productif ne peut, à l'évidence,
manquer d'entraîner un retard technologique qui va se traduire, à terme, par
des pertes de parts de marchés à l'étranger, alors que l'excédent commercial
dégagé par la France depuis 1992 apparaît comme le principal moteur susceptible
de tirer la croissance.
Par ailleurs, en cas d'affaiblissement technologique, certains marchés
intérieurs risquent d'être repris par des concurrents étrangers plus
performants.
Cette surtaxation des entreprises, qui ne constitue pas - c'est un euphémisme
! - une incitation à investir, apparaît, dans ces conditions, comme une mesure
qui va à l'encontre des choix effectués par le Gouvernement.
En effet, elle rend pour le moins hasardeux le pari que vous avez pris - nous
l'analyserons prochainement - d'une croissance de 3 % l'année prochaine, pari
sur lequel repose la construction du projet de loi de finances pour 1998.
Vous avez fait le pari que, parmi les moteurs de la croissance, la reprise de
l'investissement des entreprises allait relayer et conforter la demande
étrangère adressée à la France, c'est-à-dire les exportations.
Contestable...
M. Philippe Marini.
Hasardeuse !
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
... au regard des perspectives fiscales
européennes, inopportune dans ses effets économiques et peu compatible - c'est
un point important - avec l'objectif de croissance affiché par le Gouvernement
dans la construction de son budget pour l'exercice suivant, cette surtaxation
des entreprises m'apparaît, en outre, d'une utilité douteuse.
Alors que l'audit réalisé en juillet dernier par les magistrats MM. Bonnet et
Nasse - audit auquel, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général,
vous avez fait référence à l'instant - avait évalué le déficit public, au sens
maastrichien du terme - qui est maintenant admis par tout le monde - à un
montant situé dans une fourchette comprise entre 3,5 et 3,7 % du PIB,
l'exécution du budget de 1997 apparaît, aujourd'hui, sous contrôle.
En effet, selon les informations dont nous disposons - à ce propos, monsieur
le ministre, je remercie vos services de nous avoir communiqué les
renseignements que nous souhaitons obtenir - les recettes rentrent, les
dépenses stagnent et le solde budgétaire affiche une amélioration significative
par rapport à celui qui avait été enregistré l'année dernière.
M. René Régnault.
Ah ! vous avez bien géré !
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Dans ces conditions, le respect du déficit
budgétaire, fixé à 285 milliards de francs par la loi de finances initiale de
1997, ne semble plus relever d'une mission impossible.
M. Claude Estier.
Il ne fallait pas dissoudre, alors !
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Ce serait à refaire, on réfléchirait
peut-être davantage...
(Sourires.)
On peut même penser que l'objectif des 3 % aurait pu être tenu par une
maîtrise des dépenses de l'Etat, sans nécessairement recourir à un
accroissement de la pression fiscale qui vient gonfler nos prélèvements
obligatoires, étant entendu que la France est, parmi les pays industrialisés,
celui dont les prélèvements obligatoires sont les plus élevés.
M. René Régnault.
Ce sont des mots !
M. Philippe Marini.
C'est la réalité !
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Les réalisateurs de l'audit l'avaient
d'ailleurs pressenti puisqu'ils avaient évoqué - écoutez bien, messieurs ! - «
des dérapages de dépenses localisés, bien identifiés et dont l'ampleur reste
sous contrôle ». Ce n'est pas moi qui l'écrit, mais MM. Bonnet et Nasse !
M. René Régnault.
C'était votre budget, votre gestion !
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
En définitive, c'est pour proscrire cette
solution de facilité que constitue le recours à l'impôt et marquer sa
préférence pour une action courageuse et vigoureuse de réduction des dépenses
publiques que la commission des finances vous proposera, mes chers collègues,
d'adopter les amendements de suppression du volet fiscal de ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Permettez-moi,
monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques mots de
commentaires sur les deux très intéressants exposés qui viennent de nous être
présentés, en vous renouvelant mes excuses de devoir vous quitter dès que
j'aurais prononcé ces paroles.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Nous le comprenons !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Merci, monsieur
Poncelet !
Monsieur le rapporteur, vous nous dites, et je vous en remercie, que c'est par
la lutte contre une dépense publique trop importante qu'il faut réduire les
déficits. J'en suis bien d'accord ! J'anticipe donc : ce commentaire que vous
faites aujourd'hui nous vaudra sans doute quelques félicitations dans quelques
jours lorsque nous vous présenterons le projet de loi de finances pour 1998
qui, comme vous le savez puisque nous en avons discuté en commission, est le
premier depuis vingt ans à stabiliser en termes réels les dépenses.
(Sourires.)
Mais j'anticipe, nous y reviendrons un peu plus tard.
Permettez-moi toutefois, sans être aucunement polémique, de vous faire
remarquer que, si cette maîtrise des dépenses avait été assurée au cours des
premiers mois de l'année par le gouvernement qui nous a précédés, nous
n'aurions pas aujourd'hui cette discussion.
M. Philippe Marini.
Non, c'est complètement inexact, c'est contraire à l'audit !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur Marini,
l'audit fait apparaître un dépassement de l'ordre d'une quinzaine de milliards
de francs des dépenses, qui ne vous a certainement pas échappé.
M. Philippe Marini.
Il y avait 10 milliards de francs d'économies !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Non, il y avait
10 milliards de francs de gel. Votre connaissance de la chose est trop grande,
monsieur Marini, pour que vous fassiez semblant de confondre !
M. Philippe Marini.
Ces 10 milliards de francs d'économies, vous les avez dépensés.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le problème
devant lequel nous nous trouvons, c'est que, chacun le sait ici, il est
impossible de réaliser 30 milliards de francs d'économies en milieu d'année.
C'est si vrai que, lorsqu'il y a deux ans le gouvernement et le Parlement
s'étaient mis dans l'esprit, pour redonner du lustre - ce que je souhaite, pour
ma part - à l'initiative parlementaire, le Parlement - donc aussi le Sénat -
s'était fait un devoir de trouver quelques économies, mais n'avait pas été
capable de trouver 2 milliards de francs lors de la discussion de la loi de
finances initiale. Que dire alors s'il avait fallu trouver 30 milliards de
francs en milieu d'année !
M. Raymond Courrière.
C'est plus facile à dire qu'à faire !
M. René Régnault.
Eh oui !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
C'est l'Assemblée nationale qui s'était livrée à cet exercice
!
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Tout à fait,
monsieur le rapporteur : l'Assemblée nationale aussi. Je ne mets pas en cause
particulièrement le Sénat...
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Me permettez-vous de vous interrompre,
monsieur le ministre ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je vous en prie
!
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le
ministre.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Je souhaite préciser, monsieur le ministre,
qu'à l'époque le Sénat ne s'était pas associé à cette démarche et que nous en
avions, au contraire, démontré la nocivité.
Nous avions indiqué que, lorsque le Parlement souhaitait que soient réalisées
des économies, il appartenait au Gouverrnement, à l'exécutif, de chercher dans
ses budgets où elles pouvaient être réalisées.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je prends acte de
cette mise au point, monsieur Poncelet, et je modifie donc mon commentaire, de
façon à être respectueux de la réalité : lorsque vos collègues de l'Assemblée
nationale s'étaient engagés dans cette idée folle de vouloir trouver des
économies, ils n'ont pas été capables de trouver 2 milliards de francs. Vous
avez eu la sagesse de renoncer à cet exercice et de laisser faire le
Gouvernement, ce en quoi vous avez eu raison. Nous en reparlerons pour 1998
!
Cela étant dit, sans doute aurions-nous pu aller dans la voie qu'indiquait M.
Marini, lui qui a fait état d'un gel de 10 milliards de francs de crédits par
le gouvernement précédent, si, en arrivant aux affaires, il ne nous était pas
apparu que, dans la loi de finances qui avait été votée pour 1997, il n'y avait
pas quelques insuffisances de couverture pour des dépenses prévisibles.
J'en citerai quelques-unes qui, peut-être, vous ont échappé lorsque vous avez
voté le texte - mais sans doute le gouvernement que vous souteniez ne vous
avait-il pas donné les éléments vous permettant de vérifier la véracité de ses
comptes - car, qu'il s'agisse de la provision salariale pour 1997, qui était
insuffisante de moitié, de la prime automobile dite « jupette », si je me
souviens bien, et qui était totalement non financée, ou encore de
l'insuffisance des crédits sur le logement ou des 2,8 milliards de francs qui
manquaient sur les crédits recherche - qui ont pourtant été engagés au début de
1997 par le gouvernement précédent - la somme de toutes ces mesures n'est pas
loin, déjà, du gel que le gouvernement précédent avait opéré.
Par conséquent, son gel n'a correspondu, finalement, qu'à la compensation de
ses turpitudes précédentes. Nous revenons donc au problème de départ : nous
nous retrouvons en millieu d'année avec une trentaine de milliards de francs à
trouver et les voies pour cela, nous le savons, ne sont pas très nombreuses.
Nous avons choisi de reconstituer les prélèvements obligatoires.
Monsieur le rapporteur, vous dites que nous alourdissons les prélèvements
obligatoires. Permettez-moi de contester cette interprétation.
Lorsque le gouvernement précédent prévoit, disons, 1 300 milliards de francs
de recettes - le chiffre n'est pas tout à fait exact, mais cela ne change rien
au raisonnement - que l'audit révèle qu'il manque 21 milliards de francs et que
donc nous prélevons 21 milliards de francs de plus pour atteindre le chiffre
initial, on ne peut pas dire, me semble-t-il, que nous alourdissons les
prélèvements obligatoires ; simplement, nous reconstituons les prélèvements
obligatoires qui avaient été prévus par le gouvernement précédent.
M. Philippe Marini.
C'est un sophisme !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce n'est pas un
sophisme, monsieur Marini, c'est la manière d'équilibrer les comptes que vous
nous avez laissés.
M. Philippe Marini.
C'est une vision macroéconomique ; c'est un alourdissement pour le
contribuable !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je suis désolé :
les contribuables français paieront, en 1997, exactement les impôts que vous
avez votés en masse.
M. Michel Sergent.
Très bien !
M. Philippe Marini.
Les entreprises paieront plus !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Donc, les ménages
paieront moins !
Si votre position est de dire qu'il ne faut pas que les ménages paient moins
et que les entreprises paient plus, je vous invite à la défendre
publiquement.
M. Philippe Marini.
C'est une caricature !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. le président
de la commission des finances et M. le rapporteur ont abordé une question très
importante que je veux préciser, car il ne faudrait pas que le Sénat et
eux-mêmes, qui sont très bien informés - je souhaite d'ailleurs que nous
puissions les informer le mieux possible, comme c'est notre devoir -
interprètent de façon trop optimiste les chiffres dont ils ont pu prendre
connaissance.
En effet, lorsque l'on regarde la situation de nos recettes et l'exécution
budgétaire à la lumière des derniers chiffres dont nous disposons, c'est-à-dire
ceux de l'été, on peut avoir le sentiment - on l'a relevé à juste raison - que
cela va mieux.
La réalité est plus complexe. En effet, n'est pas encore intervenue dans
l'exécution budgétaire la baisse de recettes de 25 milliards de francs au titre
de l'impôt sur le revenu, qui ne joue que sur le dernier tiers, prélevé à
partir du 15 septembre. Cette baisse de recettes, que le précédent gouvernement
a mise en oeuvre et que nous n'avons pas voulu remettre en cause parce que la
parole de l'Etat était engagée, va bel et bien se traduire par 25 milliards de
francs de recettes de moins sur le dernier tiers de l'impôt sur le revenu.
C'est le premier point.
Deuxième point : en 1996 - puisque c'est l'année à laquelle vous comparez,
légitimement, l'exécution de 1997 - le prélèvement européen - vous savez que
nous versons chaque année un prélèvement aux Communautés européennes - n'a plus
été versé à partir de septembre. Nous n'avons pas l'intention de procéder de
même : nous remplissons nos engagements à mesure qu'ils se présentent. Nous
aurons donc, au cours du troisième trimestre, à verser à l'Europe un
prélèvement que le gouvernement précédent n'a pas opéré l'année dernière.
Enfin, troisième point : le rythme des versements de la Caisse d'amortissement
de la dette sociale, la CADES, à l'Etat de 12,5 milliards de francs a été
beaucoup plus rapide sur les premiers mois de 1997 que sur les premiers mois de
l'année 1996. En conséquence, sur la deuxième partie de l'année, il sera plus
lent en 1997 qu'il ne l'a été en 1996.
Lorsqu'on ajoute tous ces éléments, on s'aperçoit que nous avons bel et bien
besoin à la fois des 10 milliards de francs d'économies que nous nous sommes
engagés à faire, que d'ailleurs nous réaliserons - vous l'avez souligné en
disant, avec raison, que les dépenses étaient freinées - et des 21 milliards de
francs de recettes que je demande au Parlement de bien vouloir voter, et qui
sont nécessaires pour atteindre le résultat que nous disons tous vouloir
obtenir.
M. le rapporteur a évoqué la question très importante de la rétroactivité. Il
convient qu'en aucun cas un doute ne puisse s'insérer dans les esprits et que
quiconque puisse penser, dans ce pays, que la loi fiscale est rétroactive.
En effet, le fait générateur de l'impôt - les législateurs que vous êtes le
savent mieux que quiconque - en l'occurrence, c'est la date de clôture de
l'exercice. Une mesure prise avant le fait générateur de l'impôt est donc
considérée par le droit fiscal - c'est notre législation depuis plus d'un
siècle - comme non rétroactive.
C'est si vrai que lorsque, en 1994 - je ne me souviens plus de la couleur
politique du gouvernement alors en place, mais peu importe !
(Sourires sur les travées socialistes)
- une mesure analogue a été prise
sur les plus-values de cessions de titres de portefeuille, le Sénat n'a pas
trouvé à y redire.
M. René Régnault.
Très bien !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
De la même
manière, lorsque, en 1995 - je ne me souviens plus non plus de la couleur
politique du gouvernement d'alors !
(Nouveaux sourires sur les mêmes
travées.)
- la surtaxe de 10 % sur l'impôt sur les sociétés a été mise en
place, personne, dans cette assemblée, ne s'est levé pour dire qu'il s'agissait
d'une mesure rétroactive. Il me semble donc légitime de considérer que ce qui
n'était pas rétroactif en 1994 et en 1995 ne l'est pas non plus en 1997.
M. René Régnault.
Très bien !
M. Philippe Marini.
Les mauvaises habitudes des uns n'excluent pas celles des autres !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
On aura tout entendu !
M. René Régnault.
C'est un peu trop facile !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous avez raison.
Je retiens, en tout cas, de vos propos la condamnation de mes prédécesseurs
!
Dernière question qu'a soulevée M. le rapporteur et qui est effectivement très
importante : faut-il ou non faire une différence entre les entreprises ?
C'est un débat dans lequel chacun peut évidemment avoir l'opinion qu'il
souhaite, car les arguments existent dans les deux sens, je le concède
volontiers. Je crois toutefois que le Gouvernement a bien fait d'exonérer les
petites et moyennes entreprises de cette surtaxe sur l'impôt sur les
sociétés.
En effet, nous faisons tous des discours, dans nos circonscriptions, dans nos
départements - vous faites sans doute les mêmes que moi ! - expliquant qu'il
faut soutenir les petites entreprises. Or, la volonté du Premier ministre, M.
Lionel Jospin, et de son Gouvernement, c'est d'essayer de faire plus que cela
n'a été le cas dans le passé, quelle que soit la couleur des gouvernements, le
lien entre ce que nous disons aux Français quand nous les rencontrons sur le
terrain et ce qui est voté dans les enceintes parlementaires.
Si nous disons tous ensemble qu'il faut soutenir les petites et moyennes
entreprises, il faut, lorsque nous votons des textes, que nous les soutenions
effectivement, même si, du point de vue de la beauté du système fiscal, de la
logique parfois, on voudrait mettre sur le même plan les grandes et les petites
entreprises.
C'est donc à bon droit que le Gouvernement a souhaité que les petites et
moyennes entreprises soient exonérées de cette surtaxe malheureusement
nécessaire.
Monsieur le président de la commission, je veux d'abord vous remercier de ce
que vous avez dit sur la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre l'euro.
C'est en effet un objectif largement partagé aujourd'hui, devenu sans doute
depuis quelques mois un objectif non plus simplement probable mais que chacun
anticipe comme étant pratiquement réalisable. Ce n'est pas encore le cas, il
peut y avoir des aléas, mais je pense que nous sommes sur la bonne voie.
Vous me permettrez de faire remarquer sans aucun esprit polémique que, au
niveau de déficit auquel nous étions au mois de juillet dernier, le
gouvernement précédent avait disqualifié la France pour l'entrée dans
l'euro.
Si donc l'objectif est majeur, il faut l'atteindre. Nous sommes tous ici des
hommes et des femmes d'expérience et de responsabilité. Nous ne pouvons pas,
dans le même discours, dire que quelque chose est majeur pour le pays et ne pas
accepter les contraintes qui s'imposent pour le réaliser.
M. Philippe Marini.
Et l'harmonisation fiscale !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'y viendrai,
monsieur Marini. Vous ne perdez rien pour attendre !
(Sourires.)
On ne peut pas à la fois dire que l'on veut atteindre un objectif, constater,
sans polémique, que la situation budgétaire ne le permet pas et soutenir qu'il
ne faut rien faire.
Comme il est clair, au-delà de ce qui nous remplit de plaisir dans nos débats
parlementaires, qu'entre le mois de juillet et la fin de l'année on ne peut pas
faire 30 milliards de francs d'économies sur la dépense, il faut bien les faire
sur la recette, sauf à renoncer à atteindre l'objectif !
Il faut être franc entre nous et regarder les choses en face : on peut y
renoncer, mais alors il faut le dire. Certains peuvent le souhaiter. Le
Gouvernement, lui, souhaite que la France soit qualifiée pour l'euro, et elle
le sera.
Dans ces conditions, compte tenu de la situation budgétaire que nous avons
trouvée et de l'impossibilité évidente dans laquelle nous sommes de réaliser 30
milliards de francs d'économies entre le mois de juillet et la fin de l'année,
il fallait en passer par un prélèvement.
Je ne m'en réjouis pas. Ne croyez surtout pas que le Gouvernement, comme sans
doute les groupes qui le soutiennent ici, souhaite d'une quelconque manière
punir les entreprises. Les entreprises, il faut non pas les punir, mais, au
contraire, les aider. Simplement, nous sommes devant un choix : soit les
entreprises, soit les ménages.
Sans doute aurait-on pu faire un choix inverse. Je me souviens néanmoins que,
en 1995, le choix qui a été fait, lorsque 116 milliards de francs ont été
prélevés, de prélever 100 milliards de francs sur les ménages a eu les
conséquences que nous savons sur la croissance,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et sur les élections !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... qui était
renaissante et qui a été rapidement enterrée.
Si nous ne voulons pas courir ce risque, il faut prendre l'argent là ou il
est, comme le disaient certains de nos amis il n'y a encore pas si
longtemps.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous le disons encore !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En l'occurrence,
c'étaient les entreprises. C'est là que se trouvaient des ressources
disponibles, parce qu'elles étaient inutilisées - j'espère que, demain, elles
ne le seront plus et que l'investissement repartira.
Cela étant, le taux de l'impôt sur les sociétés reste inférieur à celui que
les Allemands pratiquent pour les bénéfices non distribués.
M. Philippe Marini.
Pour les bénéfices non distribués !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est ce que je
viens de dire ! De même, il reste inférieur à celui qui existe en Italie.
Et puisque la question de l'harmonisation fiscale a été abordée, j'en dirai, à
mon tour, un mot.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Me permettez-vous de vous interrompre,
monsieur le ministre ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je vous en prie,
monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le
ministre.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Monsieur le ministre, actuellement, une
procédure est engagée en Allemagne et en Italie pour baisser l'impôt sur les
sociétés à la fois sur les bénéfices non distribués et sur les parties
investies. L'engagement est pris de baisser l'impôt sur les sociétés de manière
générale et d'arriver à 33,33, qui sera le taux généralisé pour l'ensemble des
pays européens.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous avez raison,
monsieur le président, si ce n'est qu'en Allemagne nous avons vu la semaine
dernière que la négociation a échoué et que la réforme fiscale est reportée au
moins jusqu'à l'an 2000, et qu'en Italie le gouvernement Prodi a failli tomber
la semaine dernière pour cette même raison. Je comprends que vous nous poussiez
dans cette voie, monsieur le président !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Nous n'avons pas d'impatience !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous comprendrez
toutefois que le Gouvernement ait quelques réticences !
Pour autant, une procédure d'harmonisation est engagée à la fois par le
président Jean-Claude Junker, Premier ministre du Luxembourg, qui préside
jusqu'à la fin de l'année aux destinées de l'Union européenne, et par le
commissaire Monti, qui est en charge de ces questions. Nous travaillons à
l'harmonisation dans deux domaines, celui de la fiscalité de l'épargne et celui
de la fiscalité des entreprises.
Il convient en effet d'éviter que, comme c'est aujourd'hui le cas dans un
certain nombre de pays de l'Union européenne, des pratiques fiscales très
discriminatoires n'attirent les entreprises, créant par là même des difficultés
dans les autres pays. Je ne citerai aucun pays, mais nous les avons tous à
l'esprit.
Chacun est décidé à avancer et à aller vers l'harmonisation. N'ayez crainte,
monsieur Marini, si l'harmonisation se fait - ce que je souhaite - pour la
fiscalité de l'épargne comme pour la fiscalité des entreprises, nous suivrons
cette harmonisation, car le temps que cette procédure soit à l'oeuvre, nous
aurons rétabli l'équilibre des comptes publics et nous pourrons défaire ce que
nous faisons, malheureusement, aujourd'hui, pour corriger les erreurs de
l'année passée.
M. Philippe Marini.
Il faudra donc annuler ce que vous nous proposez aujourd'hui !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous n'aurez même
pas besoin de l'annuler puisque je vous demande de le voter de façon
temporaire, monsieur Marini. Nous allons au devant de vos souhaits !
(Sourires sur les travées socialistes.)
Regardez les textes que nous vous
proposons : c'est exactement ce que, dans vos rêves les plus fous, vous avez pu
espérer !
M. Philippe Marini.
Vous êtes vraiment trop habile !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La vérité peut
parfois prendre des atours sympathiques et il ne faut pas la refuser sous
prétexte qu'elle vient de vos adversaires politiques, monsieur Marini !
(Sourires.)
Avant-dernier point, M. le président de la commission dit, avec raison,
que le problème, c'est l'investissement. Je partage son analyse, car la
croissance de la consommation est pratiquement là, mais, effectivement, il n'y
aura réellement croissance de l'économie, en 1998 et en 1999, que si
l'investissement prend le relais.
Mais, dans la même partie de son discours, M. Poncelet nous dit que nous
connaissons une panne des investissements depuis le début des années
quatre-vingt-dix. Là, mon oreille se dresse, car, il l'a rappelé lui-même,
depuis le début des années quatre-vingt-dix le taux d'imposition des bénéfices
des sociétés est particulièrement faible. J'en conclus que cela n'a pas
favorisé l'investissement !
Ce n'est donc pas la faiblesse de l'impôt sur les sociétés qui crée
l'investissement. D'ailleurs, nous le savons tous, ce qui crée
l'investissement, c'est la demande ! On n'a jamais vu un chef d'entreprise dire
: je n'ai pas de client, je n'ai pas de demande, mais, comme l'impôt sur les
sociétés est faible, je vais quand même investir ! Cela n'existe pas.
En fait, la demande incite à investir, et c'est quand on cherche à savoir si
ce sera rentable à long terme que le taux de l'impôt sur les sociétés devient
un facteur.
Ce qui est premier donc, c'est la demande. C'est la raison pour laquelle le
Gouvernement a choisi d'orienter l'ensemble de sa politique vers la relance de
cette demande. Je crois qu'il est en train de réussir.
S'il y a demande, les entreprises se décideront à investir, après s'être
demandé si ce sera profitable à long terme. Et c'est là que joue le caractère
temporaire de la mesure, car, en surtaxant pour 1997 et 1998, et modérément
pour 1999, puis en faisant disparaître la surtaxe en l'an 2000, le
Gouvernement, avec vous - si vous voulez bien vous y associer, car je ne
désespère toujours pas de vous convaincre - taxe les profits d'hier et non ceux
de demain. Or, ce qui compte pour l'investissement, ce sont évidemment les
profits que l'on peut faire demain et non ceux que l'on a accumulés hier !
La croissance sera-t-elle au rendez-vous ? Evidemment, ce ne sont que des
prévisions. Cela étant, la prévision pour 1997 ne se révèle pas si fausse. Le
Gouvernement précédent avait prévu 2,3 % de croissance réelle ; nous serons à
2,2 %, voire à 2,3 %. La prévision aura donc été à peu près juste.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
On a vu pire !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
On a vu des
erreurs plus grandes, vous avez raison !
L'estimation d'une croissance de 3 % pour 1998 me paraît très raisonnable.
D'ailleurs, ce que l'on appelle le « consensus des prévisionnistes »,
c'est-à-dire la moyenne des instituts de conjoncture - certains patronaux,
d'autres syndicaux, d'autres publics - s'établit à 2,96 % - comme c'est une
moyenne arithmétique, cela ne tombe pas juste.
Si la critique consiste à dire que la moyenne, c'est 2,96 % et qu'à 3 % nous
sommes trop optimistes, je l'accepte ! Honnêtement, 3 % de croissance, c'est le
chiffre qu'aujourd'hui tous les prévisionnistes anticipent. Si c'est plus, tant
mieux ! Le risque existe que ce soit moins, car ce n'est évidemment qu'une
prévision, mais cette prévision, je la crois, pour ma part, solide.
En conclusion, la Haute Assemblée peut, me semble-t-il, partager l'optimisme
raisonné, qui ne doit en aucun cas être exagéré, du Gouvernement en ce domaine.
Grâce à la politique que ce dernier conduit en matière de soutien de la
croissance, de pouvoir d'achat largement distribué - je pense à l'allocation de
rentrée scolaire, au basculement de la cotisation maladie sur la CSG, qui vont
créer du pouvoir d'achat - grâce au fait qu'il comble le déficit en ne
prélevant pas dans la poche des ménages, en laissant donc tout le revenu
disponible pour que la consommation soit soutenue, les 3 % de croissance seront
au rendez-vous.
M. Philippe Marini.
Les ménages, pas les familles !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les ménages et
les familles, c'est très largement la même chose, monsieur Marini !
Nous venons de vivre une période politique un peu trouble, que chacun apprécie
comme il l'entend. Ce dont je me souviens, et dont vous vous souvenez aussi,
c'est que, aux mois de février et mars derniers, les informations dont
disposait le gouvernement d'alors l'ont conduit à s'inquiéter de l'équilibre
possible de ses comptes à la fin de l'année 1997, et encore plus de la
possibilité de boucler, dans des conditions compatibles avec ses engagements
internationaux, le projet de budget pour 1998. Des notes ont fui du ministère
de l'économie et des finances, paraît-il...
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Etaient-elles sincères ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Elles l'étaient
certainement ! Je les tiens à votre disposition ; ce que je ne sais pas, c'est
si la volonté de les faire fuir était sincère
(Sourires),
mais je ne
saurais me prononcer sur les agissements de mes prédécesseurs.
En tout état de cause, ces notes ne diffèrent pas de ce que le précédent
Premier ministre, M. Juppé, a dit à M. Jospin, son successeur, lorsqu'il lui a
transmis ses pouvoirs ; d'ailleurs la presse s'en est fait l'écho. Si, à la
rigueur, je conçois, monsieur Poncelet, que vous puissiez douter de la
sincérité des notes qui émanent du ministère de l'économie et des finances,
vous ne sauriez douté de la sincérité de M. Juppé...
Dans ces conditions, il était clairement établi que l'équilibre des comptes
publics pour 1997 était très difficile à réaliser, celui de 1998 plus encore.
Certaines mauvaises langues - je ne saurais m'y associer - pensent que cela n'a
pas été complètement étranger à la décision du Président de la République de
dissoudre l'Assemblée nationale.
Pour conclure, je me réjouis de ce que la Constitution n'autorise pas le
Président de la République à dissoudre le Sénat, car je pense que, dans la
situation qui était celle de la majorité au mois de mars, il n'aurait pas
hésité à dissoudre le Parlement dans son ensemble s'il en avait eu le pouvoir,
ce qui ne m'aurait pas permis aujourd'hui de vous retrouver si nombreux.
(Sourires.)
Je suis heureux que cela n'ait pas pu se passer. Je suis content que nos
institutions finement élaborées conservent au Sénat sa pérennité quels que
soient les aléas de la vie des députés, et je suis sûr que nous retrouverons ce
même plaisir dans quelques semaines lorsque nous examinerons le projet de loi
de finances pour 1998.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
afin de valider les décrets d'avances pris par le Gouvernement en juillet
dernier pour solder les comptes de l'exercice 1997, un collectif budgétaire
devrait intervenir en décembre prochain. Le projet de loi qui nous est soumis
constitue en fait, aujourd'hui, la première partie du collectif, les dépenses
engagées au titre du décret d'avances en formant la seconde partie.
Ce projet de loi était-il nécessaire ? Nous répondons par l'affirmative pour
deux raisons.
Tout d'abord, l'audit qui a été rendu public le 21 juillet l'a démontré, en
matière de recettes, l'effet de base négatif des rentrées 1996 de la TVA se
solde par une moins-value de 17 milliards de francs. En ce qui concerne les
dépenses, les dérapages ont conduit à un accroissement de près de 30 milliards
de francs.
Le gel de 10 milliards de francs de crédits décidé par le gouvernement de M.
Juppé n'était pas suffisant, car il laissait un déficit important s'ajoutant
aux milliards de francs d'économies supplémentaires restant à réaliser.
Le 9 juillet, pour honorer les premières mesures gouvernementales, le
Gouvernement a ouvert 10 milliards de francs de crédits. Toutefois, cette
décision n'eut pas d'influence sur le déficit précédemment invoqué puisqu'elle
fut compensée par des annulations ou par des gels de crédits rendus
indisponibles en mars dernier.
La politique budgétaire mise en place pour 1997 était donc dans l'impasse. La
tendance devait être corrigée par des recettes nouvelles.
La seconde raison justifiant le dépôt de ce projet de loi est que, en quatre
ans, de 1992 à 1996, l'encours de la dette a augmenté de 1 400 milliards de
francs. Ce n'est pas par docilité à l'égard des engagements maastrichiens du
Gouvernement sur la monnaie unique que nous rejetons ce déficit, mais pour
gagner en efficacité économique et pour accroître le niveau de vie de nos
concitoyens, il fallait freiner la marche vers le déficit.
Ces deux raisons motivent le dépôt de ce projet de loi. Il me paraît logique
qu'il ait été présenté sans attendre pour éviter toute confusion avec le débat
sur le projet de loi de finances pour 1998.
Nous approuvons donc le principe du dépôt de ce projet de loi portant mesures
urgentes à caractères fiscal et financier. Le collectif de fin d'année devra
prendre en compte l'influence de ces mesures et les 10 milliards de francs
d'économies supplémentaires prévus par le Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe communiste républicain et citoyen ne
conteste pas l'utilité de ce projet de loi. Il en approuve donc le dépôt et
l'examen.
Toute la question est maintenant de savoir si cette loi se révélera efficace
et juste.
La première mesure de relèvement de l'imposition sur les sociétés pourrait se
traduire par une augmentation de recettes de 21 milliards de francs.
La deuxième mesure visant à modifier le champ du régime des plus-values et des
moins-values pourrait rapporter 6 milliards de francs.
La troisième mesure, tendant à modifier les relations financières entre l'Etat
et Electricité de France, pourraient permettre à l'Etat de retirer à EDF 3
milliards à 4 milliards de francs et conduire à un impôt de 3 milliards de
francs en 1997 et de 2,5 milliards de francs en 1998.
Ces mesures pourraient effectivement rapporter quelques dizaines de milliards
de francs et démontrer, par conséquent, une certaine efficacité financière.
Avant de porter un jugement global sur l'efficacité de ces mesures, je
voudrais montrer l'insuffisance de l'une d'entre elles et le caractère très
constestable d'une autre.
L'article 1er prévoit en effet une majoration de caractère exceptionnel du
taux de cet impôt : 41,6 % pour les deux années à venir et, à compter du 1er
janvier 1999, 40 %. Cette majoration est-elle exceptionnelle ?
Dans les faits, il s'agit de la deuxième majoration de l'impôt sur les
sociétés que nous avons connue depuis 1993, année où l'impôt avait été ramené à
33,33 %.
La première majoration, transitoire, procédait d'un article de la loi de
finances rectificative de juillet 1995, alors présentée par notre collègue Jean
Arthuis.
Cette majoration était effectivement due.
Nous nous trouvons avec cet article 1er dans une situation assez proche de
celle de 1995, puisque se reproduit la même mise hors champ des possibilités
d'atténuation de cotisation d'impôt.
Une différence sensible est à noter par rapport à la lettre de la loi de 1995.
Ce ne sont que les entreprises ayant réalisé au moins 50 millions de francs de
chiffre d'affaires qui sont concernées par cette mesure, ce qui signifie que
nombre d'entre elles échapperont à cette majoration.
En 1995, la majorité augmentait l'impôt pour toutes les sociétés, y compris
les PME, dont les membres de la majorité sénatoriale se disent les
défenseurs.
Aujourd'hui, vous protestez contre une majoration de l'impôt sur les sociétés
qui ne vise que 6 % d'entre elles. Vous voulez même la supprimer totalement.
Permettez-moi de vous dire que je vous trouve inconséquents, illogiques !
Le nombre réduit d'entreprises touchées me conduit d'ailleurs à marquer le
caractère insuffisant de la mesure. A cet égard, je ne partage pas l'opinion de
la majorité de la commission des finances qui l'estime insupportable pour les
entreprises. Pour s'en acquitter, elles devront y consacrer un peu moins d'une
journée d'activités, ce qui représente, nous semble-t-il, une dépense très
supportable !
En outre, le seuil très élevé de 50 millions de francs de chiffres d'affaires
limite à 25 000 le nombre des entreprises touchées : 94 % de celles-ci sont
donc hors du champ d'application de la majoration.
Cette mesure ne place pas la France dans le peloton de tête des pays pour le
taux de l'impôt sur les sociétés, par rapport aux richesses créées. Avec 1,6 %
du PIB, elle ne devance que l'Allemagne dont le taux est de 1,1 %. Tous les
autres pays ont des taux bien supérieurs, le Japon par exemple dépasse les 4
%.
La majoration de l'impôt sur les sociétés ne modifie que très peu cette
réalité : la France demeure un des pays imposant le moins les entreprises.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ce n'est pas vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous n'avons pas les mêmes sources, et il faudra d'ailleurs qu'un jour nous
sachions d'où viennent les chiffres !
L'impôt sur les sociétés a représenté 97 milliards de francs en 1996, soit 9 %
des recettes fiscales de l'Etat.
En 1997, il rapportera 117 milliards de francs après majoration.
Le caractère de l'aggravation dont vous parlez, mes chers collègues, est très
relatif. En 1990, le rapport de l'impôt sur les sociétés était de 113 milliards
de francs.
Même si l'on tient compte du fait qu'au 1er janvier cet impôt sera porté à
41,6 %, il demeurera inférieur au taux de 1986, qui était de 50 %.
Pour nous, la proposition du Gouvernement est donc novatrice. Elle renoue avec
l'idée selon laquelle il est possible de rompre avec cette évolution vers la
diminution des charges des entreprises. Elle affirme clairement, et nous nous
en félicitons, que l'on peut toucher aux profits des entreprises. Les marges
sont importantes. En valeur absolue, les profits réalisés en 1996 représentent
1 300 milliards de francs soit douze fois plus que le produit de l'impôt sur
les sociétés.
Vous savez également, messieurs de la majorité du Sénat, que l'on peut avoir
un meilleur rendement qualité-prix. Le taux d'autofinancement bat un record
chaque année. En 1996, il a atteint 118 %.
Notre réserve ne porte donc pas sur le principe de l'augmentation de l'impôt
sur les sociétés, nous l'approuvons, mais sur son taux insuffisant, et nous
vous proposons de reconquérir le niveau d'imposition de 50 % de 1986.
Dans l'immédiat, sans toucher aux plus petites entreprises, il nous semble que
l'on pourrait décider que 20 % au moins des entreprises soient concernées par
cette majoration de l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire les plus importantes
et les plus prospères. Nous souhaitons le maintien de cette mesure pour les
prochaines années.
Notre deuxième remarque est plus fondamentale. Elle porte sur l'article 4.
La mesure présentée est plus grave qu'il n'y paraît à première vue. Vous
proposez une forme de clarification comptable d'EDF, qui tend en fait à
démembrer le domaine public de l'Etat au profit d'un établissement public.
Electricité de France constitue des provisions comptables pour la remise en
état de ses installations de production. Les centrales nucléaires françaises
vieillissantes ont des besoins nouveaux de surveillance, de modernisation,
d'entretien. Il s'agit là d'une position très responsable d'EDF qui ne souhaite
pas connaître un « Tchernobyl » français.
A plusieurs reprises, les gouvernements précédents ont été tentés par
l'existence et l'utilisation de ces provisions.
Mes chers collègues de la majorité, n'aviez-vous pas déjà ce même projet
l'année dernière ?
L'article 4 ne reprend-il pas dans les faits ce que vous envisagiez alors ?
Que rapportera cette mainmise sur les provisions d'EDF ? Peu d'argent pour le
budget de l'Etat, mais la réduction des crédits pourrait être lourde de
conséquences en matière de sécurité des installations de production.
D'autres questions plus graves et plus fondamentales sont également en jeu.
Le réseau de transport d'électricité est propriété de l'Etat donc de la
collectivité nationale. Or, avec l'article 4, il sera transféré à EDF. Est-ce
bien légal, voire constitutionnel ? Je me pose la question. Ce transfert est
contraire à tous les principes des régimes de concessions. N'est-ce pas là le
début d'un processus de bradage ?
Le transfert de propriété conduira à augmenter le capital d'EDF. Dans le même
temps, les provisions deviennent sans objet. La résorption d'un report
déficitaire exonérant EDF de l'impôt sur les sociétés rend EDF redevable de
l'impôt sur les sociétés. La propriété publique de l'Etat est remise en cause.
L'Etat paie avec l'argent des usagers. Cette mesure peut se révéler lourde de
conséquences.
La pratique est très contestable et nous ne pouvons l'approuver.
L'augmentation du capital peut appeler d'autres ouvertures de capital,
d'autres restructurations.
Le transport de l'électricité ne pourrait-il pas alors être filialisé, comme
le proposent certains, dont l'objectif on le sait bien, est de démanteler
toutes les entreprises publiques ?
La porte ne serait-elle pas ouverte à la mise en place du « gestionnaire de
réseau » et du partage du capital avec les autres producteurs, appliquant en
cela la directive européenne de déréglementation de décembre 1996 ? Nous le
craignons, comme un grand nombre de syndicats des salariés d'Electricité de
France.
EDF est un acquis national, prospère, de haute qualification, riche de
promesse. Mais il est un tout. Le démanteler, c'est l'affaiblir, le livrer aux
appétits privés. L'éclatement serait un retour en arrière, contraire aux
évolutions économiques, industrielles, et, dirai-je, à la confiance qu'a le
peuple français dans son entreprise.
On peut avoir une autre ambition pour un gouvernement de gauche appliquant une
politique novatrice en faveur de la justice fiscale et de l'efficacité
économique, qui sont deux éléments essentiels d'une politique de progrès
social.
Pour bien me faire comprendre, je prendrai un autre exemple, en me référant à
l'article 1er. Le produit attendu représente un demi point de valeur ajoutée,
soit, en proportion, pour un salarié gagnant 10 000 francs par mois, une
imposition supplémentaire de 25 francs.
Faut-il vous rappeler, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, les
principes de notre Constitution et de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen selon lesquels chacun, chacune contribue en fonction de ses facultés
à la charge publique ?
Les entreprises veulent payer moins d'impôt. Est-ce juste ? Pourquoi vouloir
supprimer l'article 1er ? Les entreprises ne disposent-elles pas de moyens pour
payer moins d'impôts, par exemple en augmentant les salaires ou en investissant
et en créant des emplois ?
La philosophie de l'article 2 nous semble juste. Est-il possible, est-il
logique de maintenir aujourd'hui un régime séparé d'imposition des plus-values
destiné à atténuer les effets de l'inflation lorsqu'il n'y a que peu
d'inflation ?
Mais pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, n'avoir pas élargi le champ de
la mesure aux plus-values résultant des cessions de titres de participation
?
Vous minorez la portée de la disposition en la concentrant uniquement sur les
actifs de caractère corporel que d'autres ont d'ailleurs tôt fait de
dématérialiser dans leurs bilans.
Même avec ces insuffisances, la majorité de la commission veut supprimer
l'article 2. Mais, messieurs de la majorité, notre groupe s'oppose à vos
propositions de suppression des trois premiers articles.
Nous voudrions maintenant exprimer notre accord de principe avec l'article 5
du projet de loi qui prolonge la durée d'application de la loi permettant aux
collectivités locales de solliciter les ressources collectées sur les comptes
CODEVI pour financer leurs investissements.
Il nous semble nécessaire et complémentaire, dans ce cadre, de proposer des
dispositions nouvelles.
Dans un premier temps et parce qu'il faut effectivement soutenir l'activité et
la croissance, il nous paraît indispensable de relever sensiblement le plafond
des CODEVI, comme d'ailleurs du livret A, afin de dégager de nouvelles
ressources, qui sont socialement et économiquement utiles.
Ces mesures sont d'autant plus indispensables, à notre sens, qu'il importe de
pouvoir en quelque sorte recycler des placements financiers jadis
rémunérateurs, mais aujourd'hui moins rentables.
De surcroît, le livret A comme les CODEVI resteront hors champ des
prélèvements fiscaux et sociaux, et cette situation peut leur rendre une
certaine attractivité.
Cependant, au-dessus de tout, c'est l'utilité sociale de ces livrets d'épargne
qui doit être mise en avant et renforcée.
M. Philippe Marini.
Mais plus le taux de placement est élevé et plus les utilisations de ces fonds
sont onéreuses !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La majorité de la commission des finances, monsieur Marini en particulier,
mène pour sa part un double et périlleux combat en faveur de la modification du
niveau de rémunération de ces placements en fonction des « contraintes » des
marchés financiers et de la banalisation.
Le livret A aurait donc tous les défauts - il ferait, par exemple, obstacle à
la baisse des taux - mais tout le monde, en l'occurrence les banques
commerciales « classiques », voudraient pouvoir collecter ses fonds.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Il a le défaut de renchérir le coût de l'emprunt pour les
logements sociaux !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Pour notre part, il nous semble plutôt nécessaire, monsieur le rapporteur,
selon des modalités à préciser, de prévoir une dépense budgétaire nouvelle
destinée à alléger la charge d'intérêt des emprunts accordés sur fonds
d'épargne ou CODEVI, afin de mettre effectivement un terme, tant au
différentiel de taux défavorable aux PME vis-à-vis de leurs banquiers comme au
fait que les taux d'intérêt réels servis aux organismes d'HLM soient encore
aujourd'hui supérieurs à la croissance réelle.
M. Philippe Marini.
Les CODEVI font les profits des banques commerciales.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cette dépense budgétaire permettrait notamment d'alléger de nombreux coûts de
réalisation d'investissement et de faciliter la mise en oeuvre de ces
investissements.
Quand on sait, par exemple, que l'essentiel des augmentations de loyer
consécutives aux opérations PALULOS est imputable au poids des emprunts et des
charges financières qui en découlent pour les organismes d'HLM, on mesure tout
l'intérêt, c'est le cas de le dire, d'une telle initiative.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
C'est vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'article 6 caractérise en effet le caractère public de la Banque de
développement des PME, ce qui ne peut que nous agréer, au moment où des
initiatives diverses sont prises pour entamer la cohérence de l'ensemble du
secteur financier public et semi-public accomplissant des missions d'intérêt
général.
Cette démarche nous semble d'ailleurs contradictoire avec la volonté du
Gouvernement de mener la privatisation du groupe GAN-CIC, dont le rôle public
devrait, au contraire, être renforcé et réaffirmé.
Pour rendre les mesures proposées plus efficaces, nous avons déposé un
amendement à l'article 2 et un amendement tendant à insérer un article
additionnel après l'article 4 et visant, celui-ci, à alléger les contraintes
fiscales pesant sur la distribution d'électricité. Nous y reviendrons lors de
l'examen des articles.
Pour conclure, je voudrais m'adresser à M. le rapporteur de la commission.
Vous proposez, monsieur Lambert, la suppression des trois premiers articles,
ainsi que l'adoption des articles 4 et 6 et de l'article 5, après
modification.
Les trois premiers articles permettront des rentrées financières selon un
principe mieux affirmé de justice fiscale. Vous les rejetez. En revanche,
l'article 4, qui présente une menace de démantèlement de l'entreprise EDF,
reçoit votre soutien. Ce projet de loi confirme bien qu'il présente certains
aspects de progrès social. Vous les condamnez aujourd'hui.
A chacun ses choix et sa politique.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Alain Lambert,
rapporteur.
C'est le projet du Gouvernement, que vous soutenez, madame
!
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Mme Beaudeau émet des réserves sur une partie
de ce texte !
4
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE FINLANDE
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il m'est agréable de
saluer la présence dans la tribune d'honneur d'une délégation du parlement
finlandais, menée par M. le député Henrik Lax, président de la commission des
lois de cette assemblée.
(M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et
applaudissent.)
En votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à cette délégation qui
répond à une invitation du groupe d'amitié France-Finlande du Sénat, présidé
par notre collègue M. Maurice Lombard.
5
MESURES URGENTES
À CARACTÈRE FISCAL ET FINANCIER
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, portant mesures urgentes à caractère
fiscal et financier.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
vais m'efforcer à mon tour, à la suite de M. le président de la commission et
de M. le rapporteur, de resituer ce texte dans une logique qui est celle de la
majorité de la commission des finances.
Tout d'abord, il y a lieu, mes chers collègues, de se réjouir de ce
rendez-vous longtemps attendu puisque, depuis l'interruption de nos séances,
nous avons été sevrés d'un débat d'orientation budgétaire qui aurait dû avoir
lieu,...
M. René Régnault.
La faute de qui ?
M. Philippe Marini.
... d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier, qui avait été déposé,...
M. René Régnault.
Il ne fallait pas dissoudre !
M. Philippe Marini.
... d'un collectif, ou projet de loi de finances rectificative, que, selon des
usages constants, il était jusque-là habituel qu'un nouveau gouvernement
présente aux chambres après son installation.
(M. Régnault s'exclame de nouveau.)
Voici venu, par conséquent, ce premier rendez-vous, sous forme de dix
articles d'un projet de loi dont l'intitulé est original : « Mesures d'urgentes
à caractère financier et fiscal ».
Mes chers collègues, ce projet de loi semble reposer - je voudrais m'efforcer
de le démontrer à mon tour - sur de mauvaises raisons et risque de nous
conduire à de mauvais choix.
C'est dire que ma conclusion ne sera pas inattendue et que, au nom du groupe
du Rassemblement pour la République, je recommanderai tout à l'heure de rejeter
les trois premiers articles de ce projet de loi.
En premier lieu, je parlerai de la lecture que nous avons pu faire les uns et
les autres de l'audit, fort objectif et très approfondi, que MM. Jacques Bonnet
et Philippe Nasse ont mené à bien et qui a été présenté le 21 juillet
dernier.
Je me bornerai à quelques citations.
Première citation : « Il n'y a pas de dérapages très importants en cours pour
les catégories de dépenses lourdes - dépenses de personnels et dépenses
sociales - celles pour lesquelles les dérives peuvent...
(M. Raymond Courrière proteste.)
S'il vous plaît, monsieur Courrière, laissez-moi citer les magistrats de
la Cour des comptes.
M. Raymond Courrière.
Vous avez interpellé le ministre tout à l'heure. Je peux en faire autant !
M. Philippe Marini.
Mais, mon cher collègues, si vous souhaitez m'interrompre, je vous laisse bien
volontiers la parole.
M. Raymond Courrière.
Vous avez donné le mauvais exemple tout à l'heure. On vous suit !
M. le président.
Monsieur Courrière, laissez M. Marini poursuivre son intervention.
M. Raymond Courrière.
M. Marini a interrompu M. le ministre tout le temps, et maintenant il ne veut
pas que j'en fasse autant !
M. Philippe Marini.
Je me propose au contraire, mon cher collègue, de vous répondre si vous avez
des arguments à opposer, comme M. le ministre, fort courtoisement et avec
beaucoup d'habileté, a bien voulu le faire tout à l'heure.
(Sourires.)
M. Raymond Courrière.
Il vous a tout dit !
(Rires.)
M. Philippe Marini.
Acceptez-vous désormais que je reprenne mes citations ?
M. Raymond Courrière.
Mais bien sûr !
M. le président.
Monsieur Marini, veuillez poursuivre, je vous prie.
M. Philippe Marini.
J'en reviens donc à ma première citation : « Il n'y a pas de dérapages très
importants en cours pour des catégories de dépenses lourdes - dépenses de
personnels et dépenses sociales - celles pour lesquelles les dérives peuvent
entraîner loin sans être pratiquement rattrapables. »
C'est là un premier satisfecit pour la gestion de l'ancienne majorité.
M. Raymond Courrière.
Citation tronquée !
M. Philippe Marini.
Je mets à votre disposition ce texte que vous n'avez peut-être pas lu, mon
cher collègue, de manière aussi attentive que nous l'avons fait au sein de la
commission des finances. Je vous mets, par ailleurs, au défi de prouver que mes
citations ne sont pas objectives.
Deuxième citation : « Il n'y a pas de dérapages généralisés à un très grand
nombre de chapitres, ce qui aurait montré une loi de finances initiale mal
équilibrée ou exécutée par des autorités responsables sans l'exercice d'une
volonté ferme. ».
Cette phrase signifie que la volonté a été ferme, que la loi de finances
initiale a été bien calibrée et que les catégories de dépenses, en particulier
les dépenses de personnels et les dépenses sociales, qui peuvent engendrer les
pires dérapages, ont été, au contraire, bien gérées et bien tenues.
Voilà ce qu'ont écrit deux conseillers maîtres à la Cour des comptes qui ont
été chargés d'une mission d'audit par le Gouvernement que vous soutenez, mon
cher collègue. Que cela vous plaise ou non, vous devez l'admettre !
M. Raymond Courrière.
Pourquoi dissoudre alors ?
M. Philippe Marini.
Je parle budget, mesures d'urgence de caractère fiscal et financier. Veuillez
ne pas détourner le débat ! Au demeurant, vous n'avez qu'à vous réjouir de
cette dissolution.
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. René Régnault.
Nous assumons !
M. Philippe Marini.
Par conséquent, mon cher collègue, laissez-moi revenir à la teneur de ce
propos qui porte spécifiquement sur le texte qui est soumis à notre
l'examen.
Nous ne sommes pas en train d'alimenter un débat sur les causes nécessaires ou
non de la dissolution !
M. Raymond Courrière.
Sur les errements de M. le Président de la République !
M. Philippe Marini.
Ce n'est pas le sujet ! Nous sommes dans un débat financier et fiscal, et non
pas sur une question de politique générale.
J'ajoute une troisième citation des deux rapporteurs : « Il s'agit de
dérapages localisés, bien identifiés, dont l'ampleur reste sous contrôle. »
Je pourrais continuer ainsi longtemps, mais j'en viens aux recommandations de
ce rapport d'audit.
Là encore, je ne ferai que citer fidèlement l'esprit des remarques de MM.
Bonnet et Nasse.
Selon eux, agir sur la dépense - M. Alain Lambert le rappelait - est le seul
moyen de réduire les déficits, comme la France s'y est engagée, sans accroître
des prélèvements obligatoires déjà très lourds.
Ce résultat ne pourra donc être obtenu que par des actions de fond. Il faudra
tout à la fois rendre les services de l'Etat plus productifs et leur activité
plus efficace.
M. Raymond Courrière.
Est-ce que vous, vous l'avez fait ?
M. Philippe Marini.
Est-ce ce que vous faites alors que, arrivés au pouvoir, immédiatement vous
décrétez que les effectifs de la fonction publique ne doivent plus diminuer ?
Première décision qui, d'ailleurs, modifie l'exécution de la loi de finances en
cours d'année dans le sens d'une augmentation des dépenses.
M. Raymond Courrière.
Ce sont les services publics qui faut protéger !
M. Philippe Marini.
Il s'agit bien de prélèvements obligatoires et de cette sphère de la dépense
publique de l'Etat que vous voulez, conformément aux orientations qui sont les
vôtres...
M. Raymond Courrière.
Largement approuvées par le peuple !
M. Philippe Marini.
... et dont vous êtes comptables devant le pays, sans cesse continuer à
accroître. Ce sont bien là des orientations qui nous différencient.
(M. Raymond Courrière manifeste.)
M. le président.
Monsieur Courrière, laissez s'exprimer l'orateur !
M. Raymond Courrière.
Il s'adresse à moi !
M. le président.
Poursuivez votre propos, monsieur Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, je poursuis mon propos de façon tout à fait
imperturbable. Il est excellent qu'il y ait des clivages de fond, des
oppositions bien marquées au sein de cette assemblée et que l'examen de textes
qui ne conviennent pas à la ligne générale et à la philosophie politique de la
majorité sénatoriale aboutisse à des prises de position tranchées, comme celle
que nous recommande, en l'occurrence, la commission des finances. C'est une
bonne démonstration que l'on peut se livrer, à la loyale, à un bon débat avec
des arguments de part et d'autre.
Le constat du Gouvernement, comparé à celui des auditeurs de la Cour des
comptes, me paraît exagérément pessimiste. Je rappelle une nouvelle fois que le
précédent gouvernement avait gelé 10 milliards de francs de crédits qui avaient
vocation à être annulés. Le rapport d'audit estimait à 15 milliards de francs
les économies à faire d'ici à la fin de 1997. Au total, l'enjeu était de
l'ordre de 25 milliards de francs.
Il eût été normal et logique que le Gouvernement réduisît les dépenses et, en
particulier, utilisât les 10 milliards de francs gelés pour en faire des
économies définitives, ce qu'il n'a pas fait. C'est son choix et sa
responsabilité !
M. Michel Sergent.
Ils étaient déjà consommés !
M. Philippe Marini.
Avec ces 10 milliards de francs, il a financé des dépenses qui ont été
injectées dans le circuit économique.
M. Michel Sergent.
Oui, puisque ces crédits étaient déjà engagés.
M. Philippe Marini.
Mes chers collègues, nous allons pouvoir juger de l'efficacité de ces dépenses
dans les prochains mois. Certes, vous avez encore beau jeu de dire que vous
assumez, en quelque sorte, un héritage. Mais, dans quelques mois, lorsque nous
verrons la suite des statistiques sur l'évolution du solde des comptes publics
et surtout sur l'emploi, sur le taux de chômage, d'ici à quelques mois,
l'argument de l'héritage n'aura plus cours !
Plusieurs sénateurs socialistes.
Vous l'avez utilisé des années !
M. Philippe Marini.
Les alternances répétées d'ailleurs nous habituent à ce type de problématique
car, au bout d'un certain temps, on est devant la vérité de sa propre politique
et on ne peut plus accuser les autres.
Au demeurant, mes chers collègues, souvenez-vous des premiers comptes publics
que la majorité élue en mars 1993 avait trouvés. Quelle était la dérive ? Elle
n'était pas de 20 milliards à 25 milliards de francs ; elle était de 140
milliards de francs !
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Philippe Marini.
Alors, héritage pour héritage, mes chers collègues, nous n'avons véritablement
aucun complexe à avoir.
(Applaudissements sur les través du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Même chose pour la croissance !
M. Philippe Marini.
Je crois que les chiffres concernant les situations budgétaires en cours
d'exercice 1997 apportent plutôt de l'eau à mon moulin. En effet, nous voyons
que les recettes du budget général en cours d'année, constatation faite à la
fin du mois de juillet si je ne me trompe, sont supérieures de 22,7 milliards
de francs au chiffre analogue de 1996, soit une progression de 3,6 %.
M. Raymond Courrière.
Normal, vous avez augmenté les impôts !
M. Philippe Marini.
J'ai d'ailleurs le souvenir de la réponse qui a été faite par M. Strauss-Kahn
à M. le rapporteur général lors de la séance de questions d'actualité du 26
juin 1997. Parlant des publications mensuelles de la situation budgétaire et de
l'endettement de l'Etat, le ministre avait déclaré que ces chiffres étaient
loin d'être parfaits et que, s'ils étaient susceptibles de donner régulièrement
la mesure exacte de notre situation budgétaire, cela se saurait.
J'avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'avais été personnellement un peu
surpris, voire un peu choqué, du doute lancé à l'égard de la qualité des
services rendus par vos collaborateurs du ministère de l'économie et des
finances.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
C'est facile !
M. Philippe Marini.
Sur ce sujet, notre collègue M. Jacques Oudin avait repris la même question au
mois de juillet interrogeant le Gouvernement sur ses intentions au sujet de la
poursuite de la publication mensuelle de ces informations qui sont
particulièrement précieuses pour l'exercice du contrôle du Gouvernement par le
Parlement.
Je souhaite très vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez
répondre clairement - ce qui, me semble-t-il, n'a pas été fait formellement
jusqu'ici - à la préoccupation ainsi exprimée à l'époque par notre collègue M.
Jacques Oudin.
Par conséquent, mes chers collègues, les motifs qui inspirent ce projet de loi
ne paraissent pas convaincants. Pour autant, les choix qu'il induit sont-ils
des choix que nous pouvons suivre ?
Pour tâcher de répondre à cette question - je vous indiquais en commençant, ce
qui affaiblit le suspense de mon exposé, selon quelle ligne j'envisage de
poursuivre mon argumentation
(Sourires)
- je voudrais rappeler que votre
plan est équilibré en deux temps. Il y a, d'un côté, 10 milliards de francs
d'économies, de l'autre, 22 milliards de francs de prélèvements
supplémentaires.
S'agissant des 10 milliards de francs d'économies, ce sont d'abord 2 milliards
de francs d'amputation sur le budget de la défense. Je ne suis pas persuadé
qu'une telle amputation laisse indemne la possibilité d'exécuter honnêtement
les engagements qui ont été pris vis-à-vis du ministère de la défense dans une
phase extrêmement délicate de réforme de fond supposant que, si j'ose
m'exprimer ainsi, le moral des troupes soit au rendez-vous. Je ne suis pas sûr
qu'avec cette économie vous en soyez là.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
M. le maire de Brest vous en dirait plus.
M. Philippe Marini.
C'est en effet un élément de réponse. D'autres collègues sont certainement
beaucoup plus documentés encore que moi sur ces sujets.
Ce sont, ensuite, 2 milliards de francs qui ont été récupérés sur des
trésoreries dormantes. M. le secrétaire d'Etat au budget va probablement nous
expliquer tout à l'heure ce dont il s'agit. L'expression est sympathique :
naturellement tout le monde est contre les trésoreries dormantes, il n'est pas
possible d'être pour. Mais il faudrait qu'il veuille bien nous dire où elles se
trouvent et quelles seront les conséquences de leur réduction.
Ce sont, enfin, 6 milliards de francs d'économies qui représentent, à mon
avis, une nébuleuse assez opaque. Le Gouvernement se contente en effet de
déclarer qu'ils découleront du rythme de progression des dépenses modéré depuis
le début de 1997. J'avoue ne pas avoir été en mesure de situer clairement ces
économies, ce qui, à mon avis, laisse planer un doute sur leur réalité.
S'agissant maintenant des 22 milliards de francs de prélèvements
supplémentaires, il y a deux mesures fiscales et une mesure
d'accompagnement.
Le volet fiscal, c'est la contribution dite temporaire sur l'impôt sur les
sociétés. M. le ministre de l'économie et des finances a développé son
argumentation à ce sujet. Je ne mets naturellement pas en doute ses intentions
en ce qui concerne le caractère temporaire de la contribution. Si je me suis
permis tout à l'heure de l'interrompre pour exprimer un certain scepticisme,
c'est parce que la nature des choses fait que parfois, lorsqu'on a toutes
sortes de promesses à satisfaire, il arrive que l'on doive réviser de bonnes
intentions.
Je ferai quelques remarques à ce sujet.
S'agissant, d'abord, du seuil de 50 millions de francs, il est à l'évidence
trop faible, car il ne s'agit pas du seuil de la PME au sens européen, ce
dernier étant fixé par l'Union européenne à 44 millions d'écus, soit environ
260 millions de francs. Il s'agit du seuil de la petite entreprise, ce qui est
tout à fait différent.
Au demeurant, vous savez très bien, mes chers collègues, qu'un chiffre
d'affaires de 50 millions de francs a une signification totalement différente
selon la branche d'activité où l'on se trouve, et qu'en matière de distribution
50 millions de francs c'est très peu, alors qu'en matière de prestations de
services intellectuels, c'est énorme, et cela concerne une entreprise
relativement importante.
En outre, si j'en crois certains courriers que j'ai reçus ces derniers jours,
la plupart des concessions automobiles qui fonctionnent bien dans nos villes de
province sont des sociétés anonymes qui réalisent plus de 50 millions de francs
de chiffre d'affaires. Je crois même pouvoir dire qu'un très grand nombre de
ces concessions automobiles - s'agissant de la PME typique ou, souvent, plutôt
de la petite entreprise - vont devoir - passez-moi l'expression - supporter
plein pot cette majoration de l'impôt sur les sociétés.
Au demeurant, souvent - mais cela vous ne le dites pas - les sociétés qui
réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de francs sont des
entreprises individuelles qui ne sont pas, en tant que telles, assujetties à
l'impôt sur les sociétés.
Par conséquent, l'affirmation selon laquelle 92 % des PME ne seront pas
touchées par la contribution complémentaire est, à mon avis, fausse et
démagogique, car elle ne tient pas compte de la réalité du tissu économique de
notre pays.
Au demeurant, je me demande simplement si, au nom de l'égalité de traitement,
on ne pourrait pas mettre en cause une telle distinction, une telle barrière,
car quelle est la différence de situation objective entre des petites et
moyennes entreprises de plus ou de moins de 50 millions de francs qui vont, les
unes être assujetties à la surtaxe et, les autres, ne pas y être assujetties ?
La question, en tout cas, me semble devoir être approfondie.
Le taux de l'impôt sur les sociétés va donc passer, pour toute une série de
gens, à 41,6 %. On peut discuter sur les comparaisons internationales et les
taux en vigueur dans les pays voisins. Il n'en reste pas moins que l'évolution
se fait partout dans le sens de moins de pression fiscale sur les entreprises,
notamment de la part de tous ceux qui veulent le grand marché européen et qui
veulent la zone euro, et notre petit échange, tout à l'heure, avec M. le
ministre Strauss-Kahn a été, je crois, plein d'enseignements.
Il a reconnu, en effet, que l'harmonisation fiscale va dans le sens de la
baisse de la pression fiscale sur les entreprises et que, demain, il faudra
défaire ce que l'on nous appelle à faire aujourd'hui ; il ne nous a pas dit le
contraire. Il a reconnu que nous allons à contre-courant de l'Europe...
M. Michel Sergent.
Mais non !
M. Philippe Marini.
... dans le cadre d'une loi dont il prétend qu'elle est destinée à nous
permettre d'atteindre l'objectif européen !
M. Michel Sergent.
La baisse est inscrite dans le projet de loi !
M. Philippe Marini.
Mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur ce point. C'est
bien la contradiction de base de votre démarche !
Vous nous dites, de retour d'Amsterdam et depuis lors : il faut faire l'euro ;
nous exécutons les engagements internationaux de la France. Bien entendu, nous
ne pouvons que saluer cette continuité. D'un autre côté, vous nous dites qu'il
faut traiter les entreprises françaises différemment de la manière dont les
Allemands, les Anglais, les Italiens, les Belges et tous nos autres partenaires
traitent leurs propres entreprises.
L'euro appellera l'harmonisation fiscale, notamment en termes de fiscalité de
l'épargne et de fiscalité sur les entreprises. Nous faisons précisément le
contraire, et c'est bien cela qui est grave dans la démarche que vous nous
proposez.
Je ne vais pas poursuivre trop longtemps sur ces sujets. Les arguments avancés
en ce qui concerne cette mesure relative au taux de l'impôt sur les sociétés
sont suffisamment graves pour que l'on puisse - et pour que l'on doive - suivre
la proposition de suppression de l'article 1er formulée par notre commission
des finances.
En second lieu, nous évoquons l'inclusion, dans l'assiette de l'impôt sur les
sociétés, des plus-values réalisées par les entreprises sur la cession
d'éléments de leurs actifs, à savoir les cessions de terrains, de fonds de
commerce ou de brevets, qui étaient taxées à 20,9 % et qui vont l'être à 41,66
%. Il est attendu de cette mesure 6 milliards de francs, mesure dont je
prétends, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'elle est singulièrement
antiéconomique.
Tout d'abord, elle est bel et bien rétroactive...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Absolument !
M. Philippe Marini.
...contrairement à ce qui nous a été soutenu tout à l'heure, car l'imposition
de ces plus-values porte sur toutes celles qui ont été dégagées à partir du 1er
janvier 1997. C'est ce qu'indique votre texte. Les plus-values dégagées avant
l'annonce du projet de loi, avant fin août et début septembre, seront donc
imposées au nouveau régime alors qu'elles avaient été dégagées au moment où les
entreprises pouvaient escompter se trouver soumises à l'ancien taux de
fiscalisation.
Une entreprise qui a cédé en début d'année un terrain, un immeuble ou un
brevet devra payer deux fois plus d'impôts que ce qu'elle avait prévu dans son
propre budget. C'est bien de la rétroactivité économique !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cette entreprise aura d'ailleurs parfois réinvesti le produit
des cessions.
M. Philippe Marini.
Voilà qui aggrave encore la portée de cet argument.
Il s'agit là, nous n'en disconvenons pas, d'une question de fond. Les
mauvaises habitudes, je le maintiens, sont tenaces en la matière. Il serait
tout à fait nécessaire - et nous avons commencé voilà quelques mois à réfléchir
sur ce sujet - d'essayer de poser des règles du jeu qui pourraient constituer
une approche nouvelle de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique
relative aux lois de finances, voire, éventuellement, s'inscrire dans une
démarche de portée constitutionnelle.
En effet, nos entreprises, nos agents économiques ont besoin d'une règle du
jeu claire et fixe. Nous ne pouvons pas prétendre, ni les uns ni les autres,
que cette clarté et cette permanence aient été correctement garanties par les
comportements récurrents ou les habitudes des administrations et des
gouvernements successifs.
(M. Chérioux applaudit.)
J'ajouterai qu'inclure les cessions de brevets dans ce dispositif, c'est
jouer contre la recherche française et le progrès technologique. Le doublement
de l'imposition des plus-values, mesure particulièrement spoliatrice, n'est pas
de nature à inciter les entreprises à promouvoir la recherche.
Toutes ces raisons me conduisent naturellement, mes chers collègues, à
approuver la position de M. le rapporteur, qui nous incite à repousser
l'article 2.
Je formulerai une dernière remarque relative aux entreprises.
On a noté le niveau particulièrement élevé du taux d'autofinancement. Nous
n'en disconvenons pas, mais là n'est pas le problème. Il ne faut pas se livrer
à une analyse hexagonale des choses. Le problème réside dans la comparaison du
taux de rentabilité des entreprises françaises avec celui des entreprises
européennes qui sont leurs concurrentes.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Eh oui !
M. Philippe Marini.
Ou alors, il ne faut pas prétendre vouloir l'euro ! Si l'on souhaite l'euro,
on doit rechercher la compétitivité des entreprises et, dans ce cas, pour
mettre en oeuvre un nouveau dispositif fiscal, on doit se livrer à une analyse
européenne et non pas à une analyse franco-française, comme vous vous bornez à
le faire.
C'est une raison de souligner à nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, les
ambiguïtés et les contradictions de votre engagement européen.
L'article 3 du projet de loi est extrêmement complexe. Créer un versement
anticipé de la contribution temporaire de l'impôt sur les sociétés, modifier le
régime des acomptes, cela appelle au moins une remarque.
L'acompte complémentaire dû au titre du changement du champ d'application des
plus-values à long terme sera calculé de façon obligatoire sur le dernier
exercice dont les résultats ont été déclarés, c'est-à-dire 1996, alors que
l'exercice ouvert en 1997 servira d'assiette effective à l'impôt sur les
sociétés.
Je qualifierai ce décalage - pardonnez-moi de me répéter - de rétroactivité.
Même si celle-ci n'est pas d'ordre juridique, elle est économique et est
pénalisante pour les entreprises en créant des distorsions dans le
fonctionnement normal du tissu économique.
Tout cela me conduit naturellement, une nouvelle fois, à suivre les
propositions du rapporteur de la commission, qui nous incite à rejeter
l'article 3.
Restent trois articles sur EDF, sur la BDPME, héritage du projet de loi
portant DDOEF qui aurait dû nous être soumis par MM. Arthuis et Lamassoure
(exclamations sur les travées socialistes)
et sur les CODEVI.
Vous avez oublié entre-temps, si je ne m'abuse, le régime fiscal des
footballeurs professionnels. A cet égard, je ne ferai pas de grands
commentaires car l'opportunité de cette mesure m'avait à l'époque échappé. Mais
nous n'avons pas eu à en discuter.
Sur l'article 5 concernant les CODEVI, une remarque et une proposition peuvent
être faites.
J'ai eu l'honneur de rapporter un texte sur les CODEVI au début de l'année.
J'ai recommandé son adoption, comme Alain Lambert, sans un enthousiasme
débordant. S'il ne pouvait pas faire de mal, il ne fait probablement pas grand
bien !
Je me souviens avoir entendu, lors de la discussion de ce texte, notre
excellente collègue vice-présidente de la commission des finances, Mme
Marie-Claude Beaudeau, qui, tout à l'heure, s'est exprimée de façon tout à fait
élogieuse à l'égard de l'épargne administrée, vis-à-vis des CODEVI, etc.,
parler alors de « duperie »,...
M. Marcel Debarge.
C'est facile !
M. Philippe Marini.
... d'« inefficacité », de « handicap pour les PME » et de « mesures
illusoires ».
Parfois, j'admire nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen
qui utilisent ainsi toutes les ressources de la dialectique pour avancer, dans
des circonstances différentes, des arguments opposés, et ce avec une logique
imperturbable. Cela mérite un hommage particulier.
En tout état de cause, nous approuverons, bien sûr, cette mesure puisque nous
avons voté au début de l'année le projet de loi qui nous était soumis sur le
sujet. Nous ferons preuve tout naturellement du même enthousiasme relatif dans
son approbation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'achèverai mon propos en rappelant que,
malheureusement, ce texte semble participer d'une certaine exception française
en Europe, que l'on pourrait qualifier peut-être d'exception socialiste à la
française. Certes, la situation est difficile, comme en témoignent les
statistiques de l'emploi - Mme Aubry l'a rappelé dans cet hémicycle cette
semaine - et personne n'a trouvé la recette incontestable pour y remédier. Mais
ce qui est sûr, c'est que la psychologie des entreprises, des décideurs
économiques, compte beaucoup. Or elle risque d'être affectée par l'incertitude
dans laquelle est plongé le monde économique. Je pense à tout le discours sur
les trente-cinq heures. Telle formule est-elle antiéconomique ? Telle autre
l'est-elle moins ? Les promesses de la campagne électorale sont-elles de vraies
promesses ?
M. René Régnault.
Un peu de patience ! Vous allez le savoir !
M. Philippe Marini.
A-t-on bien écouté les discours du candidat Jospin ?
A-t-on bien noté les propos plus récents du Premier ministre ?
Les écarts entre l'un et l'autre langage ne sont-ils pas de nature à renforcer
les atermoiements, les réflexes de prudence et donc l'attentisme du monde
économique ?
En effet, la croissance suppose une demande soutenue, personne ne peut le
contester, mais aussi un rendez-vous de l'offre et de la demande. Pour relancer
l'économie, il n'y a pas l'offre d'une part, la demande d'autre part. La
demande doit être relativisée. La demande intérieure n'est pas tout le chiffre
d'affaires des entreprises. Si la demande des agents domestiques dans un monde
qui s'internationalise de plus en plus dépend des branches, dépend des
activités, la dynamique est toujours dans le sens d'une plus grande
ouverture.
Par conséquent, le marché intérieur est important, mais ce n'est pas le seul
paramètre.
En outre, la croissance est le rendez-vous de l'offre et de la demande, de
l'investissement et de la consommation. Pour que l'investissement se développe
dans notre pays, nous devons être compétitifs. Nous devons savoir maintenir sur
notre territoire des activités de main-d'oeuvre. Voilà bien le vrai sujet dont
nous aurons à débattre au cours des mois à venir, lors de l'examen du projet de
loi de finances, mais surtout de celui du projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
Mes chers collègues, je vais en terminer. Les textes que nous allons examiner
au cours des prochains mois vont modifier très substantiellement l'équilibre
économique et financier dans lequel les entreprises exercent leurs activités
dans notre pays. Je persiste à penser que votre démarche est une mauvaise
démarche, monsieur le secrétaire d'Etat, elle va dans le mauvais sens, elle est
contraire à l'objectif d'une Europe qui se construit économiquement.
Je persiste à penser que l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale d'un côté, du projet de loi de finances de l'autre, examen que
nous aurions avantage à mieux coordonner, mes chers collègues, au sein de notre
assemblée, exige de notre part une très grande vigilance.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
S'il y a une mauvaise coordination, ce n'est
pas faute d'interventions de la part de la commission des finances, qui, hélas
! n'ont pas été suivies d'effet !
M. Philippe Marini.
La commission des finances a besoin, en effet, de disposer d'une vue
d'ensemble sur tout ce qui concerne les prélèvements obligatoires.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Très bien !
M. Philippe Marini.
Mes chers collègues, au moment de conclure, il me paraît logique de rejeter
l'essentiel du dispositif de ce texte. Par cette position, nous prendrons date.
Naturellement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez la majorité à
l'Assemblée nationale, vous exercez l'essentiel des prérogatives de l'exécutif,
et l'efficacité de votre politique se constatera sur le terrain, dans les
chiffres, au fil des mois.
A ce stade du débat, nous ne pouvons que poser des jalons, mettre en garde et
exprimer - en tout cas, c'est ce que je fais au nom du Rassemblement pour la
République - notre opposition ferme aux dispositions fiscales contenues dans ce
projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je souhaiterais que le Sénat
interrompe maintenant ses travaux, car j'ai un déjeuner de travail avec M. le
commissaire Monti, afin de réfléchir à l'harmonisation fiscale dont il a été
question.
M. le président.
Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le secrétaire d'Etat.
6
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. Denis Badré.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, je vous transmets la demande de rectification de vote
formulée par notre collègue M. Michel Mercier, qui, hier soir, lors du vote sur
le projet de loi relatif au développement d'activités en faveur de l'emploi des
jeunes, a été comptabilisé comme votant contre, alors qu'il souhaitait
s'abstenir.
M. le président.
Mon cher collègue, acte vous est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons
à seize heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures
trente, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
NOMINATION DE MEMBRES
DE DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que les candidatures présentées par le groupe du
Rassemblement pour la République :
- à la délégation du Sénat pour l'Union européenne,
- et à la délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des
politiques publiques,
ont été affichées et n'ont fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Michel Barnier membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne
;
- et M. Hilaire Flandre membre de la délégation du Sénat à l'Office
parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT
DE LA COUR DES COMPTES
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier président de la Cour des comptes le
rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
9
CANDIDATURE À UNE COMMISSION
M. le président.
J'informe le Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a fait
connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
10
MESURES URGENTES
À CARACTÈRE FISCAL ET FINANCIER
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier.
J'informe le Sénat que la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation m'a fait connaître qu'elle a d'ores et
déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le
Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de
proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi
actuellement en cours d'examen. Ces candidatures ont été affichées pour
permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si
je n'avais pas entendu l'intervention de celui qui m'a précédé à cette tribune,
j'aurais pu penser qu'il n'y avait plus grand-chose à ajouter dans ce débat,
tant les propos du rapporteur, du président de la commission et du ministre, ce
matin, me paraissaient avoir parfaitement éclairé le sujet.
J'indique au passage que je n'ai entendu personne contester les conditions
dans lesquelles s'est déroulée la passation de pouvoir entre l'ancien et le
nouveau Premier ministre. En particulier, personne n'a contesté le fait que le
Premier ministre sortant, M. Alain Juppé, ait, dans une lettre, exposé à son
successeur la situation qui l'attendait, situation dont l'audit a d'ailleurs
confirmé, depuis, la réalité.
Il y avait déjà de quoi être surpris lorsque certains ont affirmé que le
collectif arrivait bien tard. Mais mon étonnement redouble à constater que,
lorsque ce collectif vous est proposé, chers collègues de la majorité
sénatoriale, vous vous attachez aussitôt à le vider de son contenu !
M. Alain Lambert,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
« Collectif », dites-vous ?
(Sourires.)
M. René Régnault.
Je voulais, bien entendu, parler des « mesures urgentes à caractère fiscal et
financier », monsieur le rapporteur !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
C'est un lapsus révélateur !
M. René Régnault.
Mais là n'est pas l'important, monsieur le rapporteur. L'important, c'est que
tous ces commentaires critiques ne sont suivis d'aucune proposition. C'est tout
à fait dommage, car des propositions nous auraient permis de penser que vous
aviez su mettre à profit le temps qui s'est écoulé entre le printemps dernier
et cet automne qui débute.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, ce que je souhaitais dire en guise d'introduction à mon propos.
Ce projet de loi constitue principalement la traduction juridique des mesures
d'urgence prises par le Gouvernement à la suite des résultats de l'audit
budgétaire, mesures destinées à redresser l'évolution de nos finances publiques
pour 1997.
Fallait-il prendre des mesures d'urgence ?
Selon le gouvernement précédent, le déficit public, égal à 4,2 % du PIB en
1996, devait descendre à 3 % en 1997. Malheureusement, comme le groupe
socialiste du Sénat l'avait démontré lors de la discussion du projet de loi de
finances pour 1997, cette prévision était artificielle.
D'abord, le déficit prévu pour la sécurité sociale était largement et
manifestement sous-estimé ; les faits l'ont clairement démontré.
Ensuite, la présentation budgétaire faisait appel à de nombreux artifices :
surévaluation de certaines recettes, baisse d'impôts non financées, réductions
de dépenses souvent factices parce que résultant de débudgétisations ou de
sous-évaluations, - je pense au service de la dette - quand elles ne portaient
pas sur des postes appelés à une croissance vertigineuse - concernant le
contrat initiative-emploi, par exemple - que le Gouvernement lui-même n'avait
pas su prévoir.
Le déficit budgétaire était donc en réalité bien supérieur aux chiffres
annoncés. Selon nos calculs, le vrai déficit public s'établissait à 4 % du PIB,
3,5 % une fois pris en compte l'opération sur France Télécom et la modification
de la comptabilisation des coupons courus.
D'ailleurs, la presse étrangère n'avait pas été tendre avec la copie du
gouvernement de M. Juppé. Ainsi, dans le
Financial Times
du 19 septembre
1996, on pouvait lire, sous le titre « Combines françaises », cette
appréciation : « Un miracle ou des astuces budgétaires très élaborées ? Le
budget présenté hier est un exemple habile de la deuxième branche de cette
alternative. La créativité qu'il a fallu déployer ne trompera personne. »
Ce budget virtuel, qui ne faisait d'ailleurs que suivre une habitude prise dès
1994, était destiné à cacher l'échec de la politique budgétaire des
gouvernements Balladur et Juppé, laquelle depuis 1993, en dépit de la manne des
privatisations et des augmentations d'impôt sans précédent - environ 200
milliards de francs - que vous semblez avoir oubliées, faisait toujours
ressortir un déficit public supérieur à celui de 1992. Notons que, dans le même
temps, la plupart de nos partenaires avaient, eux, sensiblement réduit leur
déficit.
L'audit budgétaire rendu public le 21 juillet dernier a confirmé ces analyses
: sans mesures de correction, le déficit public de 1997 serait compris entre
3,5 % et 3,7 % du PIB ; à cela il convenait d'ajouter la prise en compte de la
soulte de France Télécom, soit environ de 0,5 % du PIB, puisqu'il s'agit d'une
ressource non renouvelable.
La principale source de dérapage relevée par les auditeurs concerne le budget
de l'Etat. Selon eux, le déficit de l'Etat se situe entre 312 milliards et 322
milliards de francs en comptabilité budgétaire.
Cette fourchette, qui doit être comparée aux 285 milliards de francs inscrits
en loi de finances initiale, fait ressortir un creusement du déficit de 27
milliards à 37 milliards de francs. L'écart est lié à deux facteurs : d'une
part, une insuffisance de recettes fiscales, de l'ordre de 15 milliards à 17
milliards de francs, et, d'autre part, des dérapages sur les dépenses de
l'Etat, de l'ordre de 27 milliards à 30 milliards de francs, soit, après
mesures de correction inéluctables, de 12 milliards à 20 milliards de
francs.
Ces dérapages ne proviennent pas d'une insuffisance de croissance puisque le
taux de croissance de 1997 sera, en gros, conforme aux prévisions. Ils
proviennent donc à l'évidence de la présentation budgétaire que je viens de
rappeler.
Quoi qu'il en soit, nous étions incontestablement, passez-moi l'expression, «
en dehors des clous ».
Face à cette situation, le Gouvernement a évidemment dû réagir.
Bien sûr, on peut se poser la question subsidiaire : fallait-il réagir ?
Pour moi, la réponse est nécessairement affirmative, et cela pour deux
raisons.
La première tient, bien sûr, à l'Europe. Pour que la France respecte les
conditions du passage à la monnaie unique, nous ne pouvions nous présenter avec
un déficit public largement au-dessus des 3 %. Il n'est pas imaginable que la
France prenne le risque politique de l'échec de cette grande idée, dont on sait
qu'elle constitue une condition absolument nécessaire pour que l'Europe
retrouve une certaine liberté d'action, puisse se présenter en position de
force face à ses partenaires et mettre enfin un terme aux dérèglements
monétaires et financiers.
Mais la seconde raison, trop souvent oubliée, c'est la nécessité de casser
l'enchaînement déficit-dette afin, entre autres raisons, de permettre au budget
de l'Etat de retrouver des marges de manoeuvre.
La dette publique a quasiment doublé depuis 1992 : elle a augmenté de 81 %,
soit une hausse globale de 1 700 milliards de francs, ou de 30 000 francs par
Français. Or, pour stabiliser la progression de la dette, il faut dégager un
excédent primaire de 1 %, soit un déficit budgétaire de 2 %.
Le retour à une évolution budgétaire plus stricte était donc inéluctable. Le
recours à des mesures d'urgence de redressement des finances publiques
s'imposait. Nous pouvons tous en convenir, je crois, tout au moins je veux le
penser. Ou alors il faut expliquer aux Français les raisons d'un choix
différent ; vous vous y êtes essayés mais vous n'avez pas réussi. On ne peut se
contenter de refuser les mesures d'urgence en se dispensant d'évoquer les
conséquences d'un tel refus. Nous attendons toujours vos propositions, mes
chers collègues !
Les mesures proposées sont-elles bien choisies ? Voilà la vraie question.
Voilà le débat constructif que nous devons avoir avec le Gouvernement.
Ces mesures, quelles sont-elles ?
Il s'agit de l'augmentation temporaire de 15 % de l'impôt sur les sociétés et
de la suppression du taux réduit d'imposition des plus-values professionnelles
à long terme sur les opérations de cession d'éléments d'actifs.
Leur rendement serait d'un peu plus de 20 milliards de francs en 1997.
Elles s'accompagnent de plus de 10 milliards de francs d'économies, ce qui
porte au total l'ajustement réalisé à 31 milliards de francs, soit 0,4 % du
PIB. Le déficit public reviendrait à environ 3,1 % du PIB. C'est l'objectif du
Gouvernement et c'est aussi le nôtre.
La première réflexion doit porter sur l'impact de ces mesures sur la
croissance.
Nous sommes actuellement dans une phase conjoncturelle de transition. Il est
indéniable que la croissance s'accélère progressivement. Après qu'elle a été de
0,2 % au premier trimestre de 1997, elle a atteint 1 % au deuxième trimestre.
Hors effets de calendrier, cela représente 0,5 % et 0,7 %. Pas de quoi crier
victoire...
En tout cas, cette accélération se réalise sous l'influence de deux facteurs,
qui expliquent 90 % de la croissance pour le deuxième trimestre.
Le premier facteur réside dans la reconstitution des stocks. Si les
entreprises sont restées attentistes au cours du second semestre de 1996, le
restockage s'est amorcé, comme prévu, durant les premiers mois de 1997.
Le second facteur, ce sont les exportations. Elles sont soutenues depuis
plusieurs mois, et, depuis l'été 1996, l'environnement international est
porteur. De plus, la compétitivité des produits français s'est renforcée, du
fait de la baisse du taux de change nominal du franc, par rapport au dollar et
à la livre notamment, et de la maîtrise des coûts de production.
Toutefois, la demande intérieure n'est toujours pas repartie, puisqu'elle a
augmenté de seulement 0,4 % au deuxième trimestre. L'investissement connaît un
simple frémissement, en augmentant de 0,2 % après avoir diminué de 1,2 %, et la
consommation des ménages, qui enregistre une baisse de 0,1 % après avoir crû de
0,2 %, est toujours en panne, du fait de la stagnation du pouvoir d'achat et
d'une légère remontée du taux d'épargne, ce qui explique le choix du
Gouvernement de ne pas solliciter à nouveau les ménages.
C'est pourquoi, malgré cette accélération de la reprise, la croissance devrait
seulement atteindre 2,2 % en 1997. Sans véritable « allumage » de la demande
intérieure, cette progression de la croissance pourrait rapidement trouver ses
limites.
Dans ce climat, il est nécessaire de calibrer les mesures au plus juste et,
surtout, de n'en prendre aucune qui soit néfaste pour la croissance : c'est ce
qu'a réussi le Gouvernement.
Tout d'abord, l'effet récessif a été limité dans la mesure du possible. On est
loin du « plan de rigueur » que tout le monde craignait lors de la campagne
législative et qui a, semble-t-il, été la raison de la dissolution. Une large
majorité de nos concitoyens a rejeté cette perspective.
Le surcroît de recettes est modeste, puisqu'il n'est que de 20 milliards de
francs, et ne fait que compenser l'insuffisance des rentrées fiscales soulignée
par l'audit.
Ceux qui refusent le recours à des recettes de compensation doivent nous
expliquer comment ils auraient financé les dérapages, et sur quel poste
budgétaire ils auraient trouvé les sommes correspondantes. Ils doivent
également ne pas avoir la mémoire courte, et se rappeler qu'en 1995 les hausses
de prélèvements avaient dépassé les 100 milliards de francs.
Les critiques de l'opposition sur le prétendu « matraquage fiscal » sont, de
notre point de vue, quelque peu inadmissibles de la part de ceux qui avaient
voté des augmentations de prélèvements correspondant à plus deux points de PIB
et portant d'ailleurs essentiellement sur les impositions les plus injustes. En
effet, ils ont ainsi battu le record toutes catégories en matière de
prélèvements obligatoires.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Lesquels baissez-vous ?
M. René Régnault.
Nous ne les baissons pas,...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ah bon !
M. René Régnault.
... mais nous faisons en sorte de nous procurer les recettes nécessaires au
financement des dépenses que vous avez décidées, sans frapper à nouveau la
consommation, comme vous l'aviez fait voilà deux ans.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Vous ne baissez pas les impôts, vous les augmentez !
M. René Régnault.
Ensuite, les mesures proposées épargnent les ménages. L'évolution de la
croissance depuis l'été 1995 est là pour nous rappeler les conséquences
néfastes du coup de massue asséné à une consommation des ménages déjà peu
dynamique, à cause de la constitution d'une épargne de précaution et de la
stagnation du pouvoir d'achat enregistrée depuis 1993.
Cependant, en faisant porter l'effort sur les entreprises, les mesures
envisagées ne sont-elles pas dangereuses pour la reprise de l'investissement
?
Nous réfléchissons à cette question.
Les résultats des entreprises s'étaient largement améliorés de 1984 à 1990 :
ainsi, le taux de marge s'était redressé de 24 % à plus de 30 %, tandis que le
taux d'épargne et celui d'autofinancement avaient nettement progressé.
Depuis, en dépit du ralentissement économique, ils sont restés aux niveaux
très convenables atteints en 1988-1989. En effet, le taux de marge demeure
largement supérieur à 30 %, le taux d'épargne des entreprises se maintient à un
niveau élevé, à savoir 17,8 % en 1996, et le taux d'autofinancement des
entreprises dépasse durablement et fortement les 100 %, ce qui n'avait jamais
été constaté depuis 1945.
Je signalerai également qu'en 1996 les résultats des vingt-cinq premiers
groupes industriels et de services sont passés de 8,1 milliards de francs à
43,6 milliards de francs ! De plus, le chiffre d'affaires des grandes
entreprises de l'industrie manufacturière a encore bondi de plus de 9 % au
premier semestre de 1997.
M. Henri de Raincourt.
Tant mieux !
M. René Régnault.
Certes, monsieur de Raincourt, mais vous comprendrez que nous ayons pensé à
imposer ces groupes quand la France doit fournir un effort particulier,
notamment pour atteindre les objectifs que vous avez acceptés et votés. Or, ces
objectifs, vous avez cherché à les atteindre en décidant des dépenses sans vous
procurer les recettes correspondantes. Il était, par conséquent, normal que
nous garantissions la vérité du budget pour 1997, et que nous fassions en sorte
qu'il permette de réaliser l'ambition politique qui avait été définie.
La première explication de la bonne santé de nos entreprises réside dans la
faible augmentation des charges salariales, liée aux faibles hausses des
salaires et à la forte réduction du nombre des emplois. Cela a permis de
ramener la part des rémunérations dans la valeur ajoutée brute en deçà de 60 %,
puisque cette part était de 68 % en 1982 et de 59,6 % en 1996 : la France est
l'un des pays industrialisés où le partage de la valeur ajoutée est le plus
favorable aux profits. Ainsi, en 1995 et en 1996, les profits bruts ont
augmenté d'environ 7 %, mais les salaires de 2 % seulement.
La deuxième explication tient à la réduction de la pression fiscale : l'impôt
sur les sociétés, qui atteignait 3,4 % de la valeur ajoutée en 1989, n'en
représente plus que 1,6 % aujourd'hui. Par ailleurs, plus de 200 milliards de
francs ont été engrangés depuis 1993 par les entreprises au titre du
remboursement de la TVA et des allégements de charges sociales.
La troisième explication, c'est la décroissance, baisse des taux d'intérêt
aidant, des frais financiers. Ainsi, les charges supportées à ce titre ont été
ramenées de 422 milliards de francs en 1993 à 316 milliards de francs en
1996.
Bénéficiant d'une capacité d'épargne excédentaire depuis 1992, les entreprises
se sont désendettées et ont augmenté leurs fonds propres, ce qui est bien. Ces
derniers représentaient, en 1996, 36,2 % du bilan, contre 20,5 % en 1985, la
moyenne de l'Union européenne, qui sert souvent de critère de comparaison,
étant de 33,3 %, celle des Etats-Unis de 37,4 % et celle, enfin, du Japon, de
32,7 %.
Elles en ont profité pour majorer les dividendes, qui sont passés de 279
milliards de francs en 1992 à près de 419 milliards de francs en 1996, et pour
accroître leurs placements financiers.
Cette avalanche de chiffres n'a pas pour objet de démontrer que nos grandes
entreprises doivent servir de boucs émissaires ou de « vaches à lait ».
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Elles seront rassurées !
M. René Régnault.
Elles doivent continuer à s'adapter à un marché de plus en plus mondialisé et
à une concurrence de plus en plus difficile, et poursuivre leur mise à niveau
par rapport aux entreprises anglo-saxonnes, ce qui implique que leurs capacités
financières soient sauvegardées.
Mais ces chiffres montrent, et nous pourrons tous en convenir, que la santé
financière de nos entreprises est globalement bonne et que, du fait de leur
capacité excédentaire d'épargne, les mesures proposées ne seront pas un frein à
l'investissement, pour peu que l'on veuille bien être objectif.
J'ajouterai que leur principal intérêt aujourd'hui, maintenant que les taux
d'intérêt sont bas, c'est que la monnaie unique se fasse et que leurs débouchés
retrouvent un dynamisme perdu depuis plusieurs années. Là est le véritable
frein à l'investissement. Pour cela, il faut bien éponger les dérapages
budgétaires légués par le précédent gouvernement, et le choix de faire porter
l'effort sur les entreprises est donc le meilleur, ou plutôt le moins
mauvais.
Ces mesures me paraissent en outre équilibrées et justes, car les impôts sont
bien choisis.
En effet, la France se caractérise par un impôt sur les sociétés plutôt
faible, en matière tant de taux, la moyenne européenne étant de 40 %, que de
proportion du PIB.
Il est vrai - il nous en a été donné acte ce matin - qu'un gouvernement que
nous avions soutenu s'était employé à alléger cet impôt. C'est une politique
que nous avions engagée, et dont nous avons mesuré tous les effets.
Aujourd'hui, face à la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous pensons
que la voie choisie est objectivement la bonne.
Rappelons que l'impôt sur les sociétés ne représente que 1,6 % du PIB en
France, contre 2,6 % aux Etats-Unis, 4 % au Japon et plus de 3 % chez la
plupart de nos partenaires européens, en dehors, je vous le concède, de
l'Allemagne.
Le cadrage de la mesure est également judicieux : ainsi, les PME, soit plus
de 90 % des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, ne sont pas
concernées. Or les PME sont le principal vivier d'emplois, et leur situation
financière est en général moins bonne que la moyenne. Selon une enquête de
l'UFB-Locabail, « l'activité des PME-PMI reste relativement atone depuis le
début de l'année, dans le sillage de la croissance modérée de 1996 ». Ne pas
les solliciter est donc un bon choix, qui n'avait d'ailleurs pas été fait en
1995, puisque la surtaxe avait touché toutes les entreprises.
Je formulerai toutefois une réserve : on peut sans doute regretter que cette
modification complique encore le barème de l'impôt sur les sociétés. En effet,
trois taux existent désormais, à savoir 20,9 %, 36,6 % et 41,6 %, sachant que
le taux « normal » est de 33,3 %.
De plus, le choix d'un seuil de chiffre d'affaires entraîne immanquablement,
nous le savons, des effets pervers. Il faudrait, me semble-t-il, monsieur le
secrétaire d'Etat, mettre en place un impôt sur les sociétés progressif, en
fonction des bénéfices, comme c'est le cas chez nombre de nos voisins. Cela
pourrait se réaliser en vue de la sortie du dispositif temporaire, puisqu'il
s'agit là d'une disposition dont l'extinction est prévue dans le projet de loi
qui nous est soumis.
En ce qui concerne la suppression du taux réduit des plus-values, il s'agit de
supprimer une différenciation qui n'a plus de raison d'être maintenant que la
désinflation est structurelle, et de rapprocher le régime français de celui de
nos partenaires européens.
La mesure proposée est judicieuse, avec cette petite réserve qu'il faudra, là
encore, corriger l'absence, en France, de régime d'exonération ou de report
d'imposition en cas de réemploi de la plus-value.
Enfin, s'agissant des trois autres dispositions proposées, qui ne s'inscrivent
pas dans les mesures de rétablissement de nos finances publiques, elles
n'appellent pas de longs commentaires.
Ainsi, la modification comptable tendant à donner à l'établissement public
Electricité de France une structure de bilan plus conforme à la réalité de sa
situation est une bonne mesure. Il était nécessaire de clarifier la situation,
compte tenu notamment des critiques formulées par des entreprises concurrentes,
au motif qu'il existerait des aides cachées.
Néanmoins, quelques inquiétudes se sont fait jour.
Elles intéressent tout d'abord, à propos de la propriété de certains ouvrages,
le réseau d'alimentation générale et le réseau de distribution publique,
c'est-à-dire celui qui est géré par des collectivités locales ou par des
syndicats.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. René Régnault.
L'adoption dans sa rédaction initiale de l'article 4, auquel MM. Moreigne,
Sergent et d'autres de mes collègues portent un intérêt tout particulier,
aurait pu engendrer des transferts de propriété à EDF d'ouvrages qui ne lui
appartiennent pas. Je sais que vous étiez particulièrement sourcilleux sur ce
point, mes chers collègues.
Mais l'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant d'exclure
clairement de la nouvelle propriété d'EDF les ouvrages du réseau affectés à la
distribution publique.
La seconde inquiétude dont je veux me faire le porte-parole est celle des
personnels d'EDF. Ils craignent en effet que le transfert du réseau de
transport d'électricité d'EDF ne constitue les prémisses d'une privatisation de
l'établissement public. Je crois que le Gouvernement a déjà eu l'occasion de
s'employer à lever cette interrogation, et j'espère que vous y reviendrez tout
à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat.
Cependant, pouvez-vous nous affirmer que la transposition prochaine en droit
interne de la directive « Electricité », adoptée par le précédent gouvernement,
maintiendra un service public de l'électricité de haute qualité et ne remettra
pas en cause l'appartenance d'EDF à la nation ?
Tels sont les points forts sur lesquels, monsieur le secrétaire d'Etat, votre
réponse est particulièrement attendue.
Au terme de cet exposé, je voudrais, chers collègues de la majorité
sénatoriale, vous engager à faire preuve d'un peu de mémoire.
(M. le rapporteur sourit.)
Nos concitoyens, à qui vous avez donné la parole en décidant la
dissolution de l'Assemblée nationale, ...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
C'est une démarche démocratique !
M. René Régnault.
Je vous en donne acte, ce n'était pas un reproche de ma part.
Nos concitoyens, donc, ont très bien compris votre politique, les choix qui la
sous-tendaient et ses conséquences, et ils l'ont rejetée. Ils ont mesuré la
profondeur du gouffre dans lequel vous vouliez les précipiter.
Le nouveau gouvernement, quant à lui, a pris avec courage, lucidité et
discernement les mesures équilibrées et justes que la situation que vous aviez
laissée appelait. Elles sont frappées au coin de l'équité et de la raison, et
nos voisins européens, sans exception, les ont accueillies positivement, ainsi
que les places financières. Aussi, je ne comprends vraiment pas votre position
de refus sur ce texte.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ce sont nos concurrents, ils peuvent se réjouir de nos choix
!
M. René Régnault.
Quant à nous, groupe socialiste, nous soutenons l'action de redressement de
nos finances publiques et la nouvelle politique économique que vous mettez en
place, monsieur le secrétaire d'Etat. Par le plan emplois-jeunes, par la
relance de la demande intérieure et par le soutien déterminé à la croissance,
elle permettra de sortir de ces années difficiles et d'enregistrer les
nombreuses créations d'emplois indispensables à notre pays.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les raisons
pour lesquelles nous adhérons, et sans réserve, à ces mesures d'urgence et
soutenons l'action du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier soumis à
l'examen de notre assemblée marque les trois coups du nouveau traitement fiscal
que réserve le Gouvernement de M. Jospin aux entreprises et aux contribuables
de notre pays.
Le projet de loi comporte, outre quelques dispositions techniques évoquées par
M. le rapporteur et par les précédents orateurs, trois articles importants dont
la commission des finances du Sénat a demandé la suppression.
L'article 1er prévoit, en effet, une aggravation lourde de l'impôt sur les
sociétés pour les exercices 1997, 1998 et 1999.
Cette aggravation de la fiscalité directe est présentée comme un effort
temporaire limité aux personnes morales réalisant un chiffre d'affaires
supérieur à 50 millions de francs et justifié par la nécessité de remise en
ordre des finances publiques et par le niveau moyen du taux de l'impôt sur les
sociétés de nos principaux partenaires commerciaux.
L'article 2 a pour objet de supprimer, rétroactivement à compter du 1er
janvier 1997, le régime des plus-values ou moins-values à long terme
actuellement en vigueur pour la cession des éléments d'actif.
Enfin, l'article 3 tend à instaurer le principe du versement d'un acompte,
payable avant la fin de l'exercice 1997, au titre des dispositions qui
précèdent, acompte dont le calcul devra prendre en compte les dates de clôture
d'exercice, ce qui ajoute une nouvelle complication aux dispositions de
l'article 1668 du code général des impôts.
Ces dispositions nouvelles sont en elles-mêmes critiquables dans la mesure où
elles constituent un alourdissement de la fiscalité des entreprises, et pas
seulement des plus grandes, le chiffre d'affaires considéré étant naturellement
fonction des différences d'activités.
Elles sont également critiquables dans la mesure où elles introduisent de
nouveau une rétroactivité de la loi fiscale aggravante, puisqu'elles prennent
en compte l'exercice ouvert le 1er janvier 1997, voire l'exercice 1996 en
matière de plus-values différées. Ce matin, j'ai été surpris d'entendre M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie partager, voire
développer, une notion de rétroactivité fiscale qui fait encore frémir les
juristes.
En effet, comment peut-on dire qu'il n'y a pas rétroactivité si l'on change la
règle du jeu en cours d'exercice,...
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Très bien !
M. Marcel-Pierre Cléach.
... alors que l'entreprise a établi les budgets prévisionnels de l'exercice
considéré en fonction de la règle en vigueur à l'ouverture de cet exercice ?
M. Raymond Courrière.
On vous l'a expliqué ce matin !
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
C'est le yoyo fiscal !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Enfin, la présentation du projet de loi oublie l'environnement fiscal et
social des entreprises françaises en isolant l'impôt sur les sociétés de la
masse des autres charges qui grèvent nos entreprises pour pouvoir dire que le
nouveau taux de 41,66 % rejoindrait le niveau moyen de l'impôt sur les sociétés
chez nos principaux partenaires.
En réalité - M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a
confirmé - il nous situera dans le trio de tête, avec l'Italie et l'Allemagne,
alors que, au même moment, la Grande-Bretagne vient de fixer son taux marginal
à 31 %, que l'Espagne et les Pays-Bas sont à 35 %, la Belgique à 40,1 % et que
nous serons bientôt seuls en tête - triste privilège ! Notre voisin allemand
prévoit en effet de ramener la fiscalité des bénéfices distribués et non
distribués respectivement à 30 % et à 28 % en 1998 et au taux unique de 25 % en
1999 ; par ailleurs, l'Italie vient d'annoncer l'institution d'un taux réduit à
19 % pour les bénéfices réinvestis.
J'en viens aux plus-values à long terme. L'appréciation de M. le rapporteur
selon laquelle la suppression du régime fiscal actuel a pour effet de
multiplier par deux le taux effectif de taxation de ces plus-values, qui ne
sont pas spéculatives, me paraît se suffire à elle-même.
Là aussi, nous allons à contre-courant des législations de nos partenaires
économiques.
La France - il est banal de dire qu'elle est maintenant le pays le plus cher
du monde - va ainsi, une nouvelle fois, aggraver son score et diminuer d'autant
la compétitivité de ses entreprises et son attrait pour les investisseurs
étrangers.
Le rapport de la commission des finances développe excellemment l'ensemble des
conséquences de cette politique et souligne combien elle est contraire aux
intérêts à long terme de notre pays.
Aussi, je ne reviendrai pas sur les critiques clairement émises et expliquées
par M. le président de la commission Poncelet et par M. le rapporteur à
l'encontre des dispositions des trois premiers articles du projet de loi. Ces
critiques, je les partage, vous l'avez deviné, et elles m'incitent, monsieur le
secrétaire d'Etat, à recommander à nos collègues de suivre purement et
simplement la position exprimée par la commission des finances de notre
assemblée.
Mais je voudrais replacer mon analyse du dispositif du projet de loi dans le
cadre des mesures annoncées au titre du budget pour 1998 et de celles qui ont
été également annoncées au titre du financement de la sécurité sociale.
En effet, votre projet de budget - ce que nous en savons - s'attaque encore
aux entreprises. En effet, vous réduisez ou supprimez des dispositions fiscales
d'usage ; vous aggravez les coûts de l'énergie en augmentant le prix des
carburants ; vous taxez les compagnies d'assurances ; vous modifiez la loi
Pons, dont l'application a souvent détourné l'intention du législateur, ...
Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Michel Sergent.
Ah ! Tout de même !
M. Marcel-Pierre Cléach.
... mais qu'il eût peut-être été plus judicieux de conserver compte tenu des
effets bénéfiques qu'elle a apportés à l'économie de nos départements
d'outre-mer, tout en lui apportant, je vous le concède, des améliorations pour
lutter contre ses dérives constatées.
Et puis, hors budget, nous sommes, les uns et les autres, dans l'incertitude
en ce qui concerne les propositions gouvernementales relatives aux trente-cinq
heures, engagement électoral qui a connu, il est vrai, quelques vicissitudes
depuis votre accession au pouvoir.
M. Michel Sergent.
Pour le moins !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Mais vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que si, comme le Gouvernement
auquel vous appartenez l'a fait pour Air France, vous suivez la demande
pressante de la partie la plus extrême de votre majorité...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La plus raisonnable !
M. Marcel-Pierre Cléach.
... vous aggraverez encore les charges des entreprises françaises, de 11 à 12
%.
Enfin, le plan de financement de la sécurité sociale déjà qualifié de « plan
Aubry » va taxer lourdement l'épargne, l'industrie du médicament, les
cotisations des employeurs et des travailleurs indépendants et réduire les
ressources d'un grand nombre de familles.
Ne vous étonnez pas, dans ces conditions, que la courbe de création
d'entreprises nouvelles ait baissé de 3 % entre 1995 et 1996, confirmant ainsi
une baisse constante amorcée dès 1991. Il convient d'ajouter ce chiffre
alarmant à celui des disparitions d'entreprises pour avoir une vision immédiate
de l'impact du « toujours plus d'impôts » et du « toujours plus de charges »
sur l'activité économique de notre pays.
Comment pourrait-il en être autrement, du moins pour les petites et moyennes
entreprises confrontées chaque année - et le gouvernement auquel vous
appartenez n'est pas le seul coupable - à des charges financières globales
accrues, à une paperasserie excessive - malgré les efforts de M. Raffarin
lorqu'il était en charge des PME - à des contrôles et des tracasseries
incessants, tatillons et multiples ?
Comment pourrait-il en être autrement quand les créateurs ou les responsables
de ces entreprises sont également frappés dans leurs revenus personnels ?
Que dire, en effet, des mesures annoncées dans le projet de budget pour 1998
pour les personnes physiques, notamment pour les classes moyennes et les
classes moyennes supérieures, qui sont un moteur de la consommation et de
l'activité.
Vous abandonnez le programme de réduction de l'impôt sur le revenu décidée par
le précédent gouvernement. Vous réduisez de façon draconienne les aides à
l'emploi familial - nous en parlerons longuement lors de l'examen du projet de
budget. Vous frappez les revenus de l'assurance vie. Vous placez les
allocations familiales sous conditions de ressources. Vous étendez la
contribution sociale généralisée aux revenus de l'épargne. Vous augmentez la
redevance sur l'audiovisuel, et, bien sûr, et ce n'est pas une recette de
poche, les taxes sur les carburants.
M. Henri de Raincourt.
Quel programme !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Ne vous étonnez pas que les entrepreneurs réfléchissent à deux fois avant de
prendre les risques de l'entreprise !
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Eh oui !
M. René Régnault.
On leur avait donné des moyens !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Le mouvement de disparition ne peut que s'accélérer devant l'impossibilité
grandissante des petites entreprises à dégager une marge suffisante pour
sécuriser leurs investissements.
Pourtant, le succès du « plan textile » qui réduisait sensiblement les charges
de cette filière montre bien la direction à suivre. Là aussi, le Gouvernement
annonce que ce dispositif d'allégement des charges ne sera pas reconduit, les
coûts salariaux des entreprises concernées se trouvant, dès lors, augmentés de
6 % à 8 % dans un secteur qui est, comme vous le savez, particulièrement exposé
à la concurrence internationale.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
C'est vrai !
M. Henri de Raincourt.
Un secteur sinistré !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous raisonnez en macro-économie.
Il est vrai que, à l'exception du secteur nationalisé qui ne doit généralement
qu'au monopole ou à des recapitalisations périodiques ses rares succès, les
grandes sociétés, celles du CAC 40, dégagent des résultats très positifs. Il
est vrai, aussi, que notre balance commerciale est excédentaire. Il est vrai
que la Bourse se tient bien.
Mais savez-vous que la plupart des petites entreprises vivotent ?
Connaissez-vous beaucoup de petites entreprises qui embauchent ?
M. Raymond Courrière.
Les petites entreprises ne sont pas touchées !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Savez-vous que les artisans de nos provinces ne trouvent pas de successeurs
?
M. René Régnault.
Ils ne sont pas concernées puisqu'ils sont en dessous du seuil de 50 millions
de francs !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Certes, mais j'évoque un environnement fiscal global qui s'aggrave !
M. Michel Sergent.
C'est le mur des lamentations !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez, trop d'impôt tue l'impôt.
Le chemin que vous semblez prendre, qui est non pas celui de la nécessaire
réduction de la dépense publique, mais celui de l'augmentation de cette
dernière, conduira, à terme, à une diminution importante de la masse fiscale
directe en provenance tant des entreprises que des contribuables dont le
pouvoir d'achat sera de plus en plus frappé.
Votre objectif affiché de réduction des déficits se fera non par une baisse
des dépenses publiques, mais par une hausse de la pression fiscale. Tous les
grands impôts augmentent : l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu, les
taxes sur les carburants, la CSG, les impôts sur l'épargne, du fait de
l'extension de l'assiette de la CSG.
Ce n'est pas bon pour la croissance. C'est dangereux pour la conservation sur
le territoire de l'épargne nationale. C'est décourageant pour les
entrepreneurs.
M. le rapporteur a souligné, à juste titre, les conséquences anti-économiques
de cette politique au niveau tant des investissements que des risques de
délocalisation des activités, des hommes et de l'épargne, donc de l'emploi.
M. Henri de Raincourt.
Eh oui !
M. Marcel-Pierre Cléach.
En outre, la diminution de la masse fiscale directe vous entraînera - que vous
le vouliez ou non - à augmenter la pression sur la consommation par
l'augmentation des impôts indirects, ce qui me paraît contraire au dogme qui
anime le Gouvernement.
Cette tendance, qui consiste, nous le voyons bien, à augmenter les dépenses
publiques et à les financer par une hausse de la pression fiscale au lieu
d'agir sur la dépense, et dont, je le reconnais, le Gouvernement actuel n'est
pas seul responsable, s'accompagne, en outre, et vous y participez gravement,
d'une instabilité fiscale de nature à décourager les créateurs d'entreprise et
les compagnies étrangères à investir dans notre pays, tant il est vrai qu'il
est impossible aujourd'hui d'établir des bilans prévisionnels, la donne fiscale
évoluant brutalement à chaque changement de majorité.
Dans ce domaine, il n'y a plus de parole de l'Etat. Ne nous étonnons donc pas
de voir aujourd'hui de nombreuses entreprises françaises s'installer chez nos
voisins britanniques - elles en expliquent d'ailleurs les raisons à la
télévision française. Ne nous étonnons pas de voir des patrimoines que certains
dispositifs, notamment celui qui régit l'assurance vie, avaient retenus en
France s'expatrier chez des voisins plus réalistes que nous.
Je sais bien que l'art est difficile et que l'excuse de la nécessité invoquée
ce matin par M. le ministre des finances doit être prise en compte.
Cependant, ce n'est pas en décourageant l'entrepreneur, ce n'est pas en
décourageant le contribuable français que vous contribuerez à la création
d'emplois sérieux et à la relance de la consommation.
Ce n'est pas en participant allègrement, vous aussi, à une nouvelle
modification de la donne fiscale que vous attirerez des entreprises
étrangères.
Quelle que soit l'habilité de la présentation du projet de loi, argumentée
notamment sur la non-aggravation du taux des prélèvements obligatoires par
rapport au PIB - calcul obtenu en tablant sur un taux de croissance pour 1998
que j'espère comme vous un peu supérieur à celui que prévoit la majorité des
analyses - les Français, du moins ceux qui sont les créateurs de ce PIB,
verront bien que leur situation personnelle va s'aggraver.
Les entreprises, elles, ont déjà fait leurs comptes. Les mesures qui leur sont
infligées ne sont vraiment pas de nature à rétablir des relations de confiance
avec l'Etat. Leurs incertitudes sur les prélèvements qui les attendent,
aujourd'hui mais aussi dans l'avenir, les dissuadent d'investir en raison de ce
manque de visibilité.
Elles se sentent, en outre, comme ceux de nos concitoyens qui sont frappés par
les mesures nouvelles, l'objet d'une discrimination de caractère politique, ce
qui n'est pas de nature à les entraîner à participer, avec solidarité et
enthousiasme, à la bataille pour l'emploi qui devrait être la bataille de toute
la nation, bataille qui ne peut être gagnée sans le concours essentiel des
entreprises françaises.
Au fond, et je le regrette, vous avez tout simplement fait des choix
budgétaires conformes à vos orientations politiques.
M. René Régnault.
Absolument !
M. Michel Sergent.
Et les Français ont jugé !
M. René Régnault.
C'est bien pour cela que nous soutenons le Gouverement !
M. Marcel-Pierre Cléach.
C'est votre droit le plus strict, mes chers collègues, et je pense que c'est
votre vocation.
Quant à nous qui ne le soutenons pas, nous pouvons au moins prendre date.
Vous avez décidé de frapper les entreprises et les entrepreneurs. Vous
augmentez la dépense publique. Vous augmenterez inéluctablement l'endettement
du pays pour y faire face, même si les effets de la croissance annoncée en
gomment, en pourcentage, les effets désastreux.
Vous aviez pourtant l'occasion de profiter de cette croissance pour mettre à
profit les recommandations des auditeurs des comptes de la nation que vous avez
vous-même sollicités et qui recommandent instamment de réduire le poids de
l'Etat et d'enrayer la progression de l'endettement.
Je souhaite, pour notre pays, que la croissance soit suffisamment génératrice
de recettes pour vous permettre de mettre à profit ces excellentes
recommandations.
S'il n'en est pas ainsi, le Gouvernement portera la lourde responsabilité
d'avoir encore diminué nos capacités à résister à la concurrence de nos grands
partenaires et des pays émergents en diminuant notre compétitivité.
Je n'espère pas que ces quelques mots puissent infléchir en quoi que ce soit
les projets du Gouvernement, mais je voudrais espérer que les trois coups que
vous venez de frapper ne soient pas purement et simplement des coups portés à
l'économie nationale.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
première remarque, d'ordre général, concerne les moyens de contrôle budgétaire
dont dispose le Parlement.
Au printemps dernier, nous avons expérimenté la formule d'un débat
d'orientation budgétaire : cette heureuse initiative, avait, je crois, donné
satisfaction à l'ensemble de nos collègues. Elle n'a malheureusement pu être
reprise cette année, et nous le regrettons.
M. René Régnault.
Ce n'est pas notre faute !
(Sourires.)
M. Denis Badré.
En effet ! Je souhaite donc que nous puissions renouer en 1998 avec cette
heureuse pratique.
Nous pouvons d'ailleurs aller plus loin, et je rejoins là, très naturellement,
notre rapporteur général, M. Alain Lambert, lorsqu'il propose une saisine du
Sénat et de l'Assemblée nationale à la fin du premier semestre, sur la base
d'un état commenté de l'exécution des comptes publics, analogue à l'audit
commandé aux magistrats de la Cour des comptes.
J'en viens maintenant au texte lui-même.
Seuls les articles 1er à 3 innovent véritablement, puisque les trois autres
étaient contenus dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier déposé par le précédent gouvernement.
Permettez d'abord à l'Alsacien d'origine que je suis aussi d'évoquer
l'inquiétude de mes collègues d'Alsace-Lorraine, inquiétude déjà vigoureusement
exprimée par notre collègue Daniel Hoeffel, auteur d'une proposition de loi
reprenant l'article 33 de ce projet de loi portant DDOEF qui a été
abandonné.
Cet article concernait le régime de sécurité sociale d'Alsace-Moselle et
visait à étendre le bénéfice de l'assurance maladie aux retraités du régime
local résidant hors de ces trois départements.
Cette mesure, négociée voilà plusieurs mois entre M. Jacques Barrot, ministre
du travail et des affaires sociales de l'époque, et les responsables de ce
régime, est attendue avec une très grande impatience. Afin de relayer cette
préoccupation, M. Claude Huriet et moi-même avons déposé aujourd'hui un
amendement qui vise à consolider au plus vite cette disposition dans la loi.
Quittant le domaine de ce qui ne figure pas dans ce projet de loi, j'en
reviens à ses trois premiers articles, ceux qui innovent et qui le font, à
notre sens, de façon assez fâcheuse. Ils vont en effet alourdir de 21 milliards
de francs la fiscalité qui pèse sur les entreprises, alors même que notre pays
est déjà, au sein de l'OCDE, l'un de ceux dans lesquels les prélèvements sur le
secteur productif sont trop importants.
Quelle peut être la justification d'une telle décision, annoncée, je le
rappelle, voilà deux mois ? Un prétendu « dérapage » des finances publiques au
cours de l'année, « dérapage » dont serait responsable le gouvernement Juppé, «
dérapage » très contrôlé si j'en crois les conclusions de l'audit, ainsi que le
rappelait le président de la commission des finances ce matin ?
En réalité, on ne trouve guère de trace d'un tel dérapage dans les
statistiques de Bercy du mois de juillet.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Très bien !
M. Raymond Courrière.
C'est M. Juppé qui l'a dit lui-même !
M. Denis Badré.
Les objectifs de croissance que, malheureusement, nous nous étions habitués à
voir systématiquement surestimés semblent maintenant avoir été sous-estimés.
Changement des temps, redémarrage de la croissance... Tant mieux pour la France
!
Et nous n'aurions qu'à nous en réjouir si le Gouvernement ne nous proposait
pas du coup et immédiatement des mesures fiscales que nous jugeons néfastes
pour nos entreprises et pour l'emploi.
Si ce dérapage du budget de 1997 n'est pas la bonne justification de ces
mesures, il faut en chercher une autre. C'est le précédent de 1995, la surtaxe
de l'impôt sur les sociétés décidée par le premier gouvernement d'Alain Juppé,
qui pourrait être évoqué.
Cette explication ne peut pas non plus, me semble-t-il, être retenue. Le
contexte est en effet tout à fait différent : en mars 1993, la dérive des
finances publiques était de 175 milliards de francs par rapport aux prévisions
du gouvernement Bérégovoy ! Selon l'audit, pourtant plutôt alarmiste, le
dépassement serait quatre fois moins important en 1997. Et il faut rappeler que
la décision de 1995 avait été suivie de mesures favorables au secteur
productif, comme la prise en charge par l'Etat d'une baisse significative des
cotisations sociales patronales sur les bas salaires.
Or on ne voit pas la moindre trace d'initiatives de cette nature dans la
politique du Gouvernement, pas plus que la moindre annonce d'ailleurs...
Au contraire même : en 1998, les entreprises seront à nouveau largement
ponctionnées. Je pense à l'augmentation de l'impôt sur les sociétés, qui
devrait s'appliquer également en 1998 et en 1999, et au relèvement de la taxe
intérieure sur les produits pétroliers. Et, bien sûr, vous vous apprêtez à
remettre en cause l'effort qui avait été engagé pour exonérer de charges les
bas salaires, notamment dans le secteur du textile, cher à M. Poncelet, secteur
dont M. Maurice Schumann évoquait encore les difficultés voilà quelques
instants devant le commissaire européen, M. Monti, qui était auditionné par la
commission des finances.
L'augmentation de l'impôt sur les sociétés et de la taxation des plus-values
réalisées par les entreprises entre donc dans une politique d'ensemble tendant
à faire financer par le secteur productif une politique inspirée par une
intention que je loue personnellement sans réserve - respecter les critères
fixés par le traité de Maastricht - mais dont les modalités ne vont pas dans le
sens de l'objectif visé.
Selon le Gouvernement, la bonne santé financière de nos entreprises devrait
leur permettre de « digérer » sans encombre ces majorations.
En réalité, que constatons-nous actuellement ? S'il est vrai que les
entreprises se sont désendettées ces dernières années, leur structure
financière reste cependant toujours moins favorable que celle de leurs
concurrentes étrangères.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
C'est vrai !
M. Denis Badré.
Les dettes représentent 58 % de leurs bilans contre 34 % seulement en
Allemagne. Par ailleurs, elles ne sont pas complètement à l'abri d'une
augmentation des taux d'intérêt dans les prochains mois ou les prochaines
années.
Quant au critère du chiffre d'affaires pour qualifier les PME exonérées de la
surtaxe, il ne rend que très imparfaitement compte de la capacité contributive
des entreprises. Il est même aujourd'hui largement récusé, ce qui réduit encore
la signification et la portée de ce projet de loi.
Par ailleurs, en fixant ce seuil de chiffre d'affaires à 50 millions de
francs, vous épargnez certes les plus petites entreprises - beaucoup, au
demeurant, ne payent pas l'impôt sur les sociétés - mais vous risquez de
pénaliser les firmes performantes de taille moyenne, qui détiennent la clé du
retour à l'investissement et à la croissance.
S'agissant de la hausse de l'imposition des plus-values à long terme, c'est
l'ensemble des sociétés qu'elle touchera, quelle que soit leur taille.
De telles mesures risquent de réduire encore la rentabilité des
investissements en France. Déjà, les entreprises de dimension internationale
envisagent de réduire leurs bases imposables en France : « Trop d'impôt tue
l'impôt », rappelait notre collègue Marcel-Pierre Cléach à l'instant. Notre
pays, malheureusement, risque à nouveau d'en faire l'amère expérience, laquelle
ne peut que déboucher sur une dégradation des rentrées fiscales et aussi de
l'emploi.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Denis Badré.
Vous nous dites également que le poids de l'impôt sur les sociétés, rapporté
au PIB, est inférieur en France à celui de la plupart de nos partenaires. C'est
exact, même si le taux de l'impôt sur les sociétés, en France, se situe dans la
moyenne.
Mais, pour être totalement objectif, il faut tenir compte de l'ensemble des
prélèvements pesant sur les entreprises, c'est-à-dire de la taxe
professionnelle qui n'existe pas dans tous les pays de l'OCDE, ...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Très bien !
M. Denis Badré.
... des charges sociales et de la taxe sur les salaires. Au total, ces
prélèvements représentent près de 20 % du PIB en France. Ce taux est le plus
élevé en Europe après celui de la Suède, et il est supérieur d'un tiers à la
moyenne européenne, qui reste inférieure à 15 %.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Très intéressant !
M. Denis Badré.
Ce fossé risque encore de se creuser dans les prochains mois : presque tous
nos voisins et concurrents conduisent en effet une politique exactement
inverse, puisqu'ils allègent les charges pesant sur les sociétés.
Je note que pratiquement tous nos partenaires de l'Union européenne, y compris
ceux qui ont une gestion sociale-démocrate, ont fait ce choix. Dans ce domaine
au moins les gouvernements des Pays-Bas et, plus récemment, de la
Grande-Bretagne elle-même ont eu la sagesse de poursuivre la politique
d'inspiration libérale engagée par leurs prédécesseurs.
Pour des raisons qui me semblent ne pouvoir qu'être idéologiques, la France
s'engage ainsi dans une « politique de divergence fiscale », comme le souligne
très justement M. le rapporteur. Cette politique ouvre la voie des
délocalisations et d'une aggravation du chômage.
Ces initiatives fiscales semblent d'autant plus inopportunes que les signes de
reprise se multiplient. Aujourd'hui, la demande extérieure s'accroît. Demain,
peut-être, ce sera aussi le cas pour la consommation intérieure. Notre appareil
de production doit donc être en mesure de répondre à la nouvelle demande. Dans
un climat fortement concurrentiel, évitons aujourd'hui de lui imposer
d'inutiles handicaps supplémentaires.
Je rappellerai à cet égard que, aux Pays-Bas, la politique de réduction des
charges engagée dès 1983 par un gouvernement démocrate-chrétien et poursuivie
sans discontinuité par les gouvernements qui se sont succédé depuis a été
rendue possible par un assainissement rigoureux de la situation des finances
publiques. Je précise que le Gouvernement néerlandais vient d'annoncer pour
1998 une nouvelle étape dans ce processus avec la fiscalisation des charges
sociales.
Avant de conclure, permettez-moi, mes chers collègues, de m'arrêter quelques
instants sur la question clé qui sera probablement au coeur de la future
discussion budgétaire.
A voir les tout premiers choix du Gouvernement, il me semble que la France est
en passe de renouer avec les vieux démons de la dépense publique.
M. Philippe Marini.
Hélas !
M. Denis Badré.
A cet égard, je pense, par exemple, à la réutilisation déjà évoquée par
Philippe Marini des 10 milliards de francs de crédit gelés au mois de février
1997 par notre nouveau et éminent collègue Jean Arthuis.
Mais je ne veux pas rouvrir le débat bref et vif de ce matin. Nous aurons
l'occasion de le reprendre ultérieurement.
Ce n'est pas parce que la croissance semble revenir qu'il faut se laisser
aller à la facilité et laisser à nouveau « filer » la dépense publique. Si
l'objectif d'un déficit budgétaire limité à 3 % du PIB est obligatoire pour
respecter les critères de Maastricht, il n'a jamais été défendu de faire mieux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, 3 % de déficit, c'est toujours 250 milliards de
francs d'emprunt qui vont venir majorer l'encours de notre dette.
M. Dominique Strauss-Kahn parlait lui-même, ce matin, du caractère explosif de
la dette. Je rappelle que, selon un autre critère de Maastricht, l'encours de
la dette ne doit pas dépasser 60 % du PIB. Evitons là aussi de tomber de
Charybde en Scylla.
Une réduction très forte du déficit doit donc, pour cette raison, rester pour
nous un objectif absolument prioritaire. Pour nos enfants - M. Strauss-Kahn en
a parlé également ce matin - qui ne doivent pas payer nos dépenses, nous devons
assainir durablement nos finances et donc alléger notre dette.
Le choix effectué par le Gouvernement ne permettra pas à ce dernier de dégager
les marges financières dont nous avons besoin pour réduire de façon
significative les charges, notamment les cotisations sociales qui pèsent trop
lourdement sur nos entreprises.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, en
introduction à notre débat sur les emplois-jeunes, rappelait que les effectifs
des administrations publiques, en France, représentent 25 % environ de l'emploi
total, contre 16 % en Allemagne et 14,5 % en Grande-Bretagne. Cette différence
explique assez largement aussi l'écart existant entre notre pays et ses
partenaires en matière de dépense publique.
De 1993 à 1997, les précédents gouvernements ont commencé avec un courage
certain à réduire les effectifs de la fonction publique. Parallèlement, pour la
première fois depuis 1958, l'ancienne majorité est parvenue à stabiliser les
dépenses en francs courants dans le budget de 1997. Aujourd'hui, vous vous
montrez satisfaits en annonçant pour 1998 un rythme d'accroissement des
dépenses proche de celui de l'inflation. Mais ceci est un autre débat dans
lequel nous entrerons très prochainement...
M. René Régnault.
Tout à fait !
M. Denis Badré.
... et que je n'évoquerai que très brièvement aujourd'hui.
Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste
suivra donc M. le rapporteur en votant la suppression des articles 1er, 2 et 3
de ce projet de loi, tout en approuvant évidemment ses autres dispositions.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaiterais intervenir dans mon court propos sur deux points du projet de loi
qui préoccupent les élus locaux, tout particulièrement les élus ruraux.
Il s'agit tout d'abord de la majoration de l'impôt sur les sociétés, qui
s'élève à 15 % - 15 % et non pas 5 %, comme vous l'avez dit ce matin, madame
Beaudeau - ce qui n'est pas rien.
Pour les raisons qui ont déjà été exposées par mes collègues de la majorité
sénatoriale, je voterai la suppression de cet article. Je connais moi-même dans
mon département un certain nombre de PME dont le chiffre d'affaires dépasse 50
millions de francs et qui seraient donc touchées par cette surtaxation. Il
s'agit, d'une part, d'entreprises en fort développement, déjà installées et qui
font l'effort d'étendre leur action, et, d'autre part, d'entreprises nouvelles
dans des secteurs aussi divers que la haute technologie, l'industrie
agroalimentaire ou autres.
Certaines de ces entreprises - malheureusement trop peu - se sont implantées
en zone rurale, notamment en zone de revitalisation rurale. Mais la plupart
d'entre elles, qui peuvent donner l'impression, au moins au néophyte - mais
vous en n'êtes pas un, monsieur le secrétaire d'Etat - d'être des entreprises à
gros capitaux, parce qu'elles brassent plus de 50 millions de francs de chiffre
d'affaires, sont souvent, en réalité, des entreprises extrêmement fragiles.
Il faut prendre garde à ne pas faire d'amalgame et à ne pas extrapoler à
partir des résultats des grandes entreprises et, pour qui connaît l'entreprise,
50 millions de francs de chiffre d'affaires, c'est peu.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Tout à fait !
M. Philippe Arnaud.
J'ajoute qu'un tel chiffre d'affaires est souvent réalisé par des petites
entreprises se caractérisant par une faible valeur ajoutée, une insuffisance de
fonds de roulement et un endettement lourd lié aux investissements réalisés
pour leur installation, ou encore à des mises aux normes imposées.
Ces entreprises, en fort développement ou non, ont donc besoin de toutes leurs
ressources. Ces entreprises fragiles assurent cependant les quelques dizaines
ou la petite centaine d'emplois qui font que des gens vivent encore au pays.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, les zones de
revitalisation rurale, les ZRR, créées par la loi d'orientation sur
l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, offrent un
cadre relativement attractif pour l'implantation d'entreprises, grâce notamment
à une exonération de taxe professionnelle pendant une durée de cinq ans au
maximum.
Président d'un syndicat de pays regroupant quatre-vingt-dix communes rurales
sur un bassin de 35 000 habitants, j'ai par moi-même constaté sur le terrain
l'efficacité d'un tel dispositif sur le plan de l'investissement et de
l'emploi.
N'allez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, par l'application aveugle de cette
mesure qui, chacun le sait bien, sera finalement votée par votre majorité,
prendre le risque de mettre en difficulté des entreprises déjà courageuses !
Je partage l'inquiétude de mes collègues membres de l'association des maires
de montagne, qui ont travaillé le week-end dernier sur le sujet lors de leur
congrès à Bastia : la politique des ZRR reste encore fragile. Nous en voyons
d'ailleurs une nouvelle illustration aujourd'hui.
Contrairement aux entreprises installées en zones franches, celles qui
s'implantent en zones de revitalisation rurale sont soumises à l'impôt sur les
sociétés, ainsi qu'aux cotisations sociales patronales. Elles devront bientôt
acquitter une majoration de l'impôt sur les sociétés pour 1997, 1998 et
1999.
Une telle disparité entre zones rurales et zones urbaines doit être corrigée.
Les élus ruraux ont le sentiment que la politique d'aménagement du territoire a
tendance à concentrer son effort sur la ville et les quartiers en difficulté,
oubliant ainsi sa vocation première : favoriser une meilleure distribution des
activités économiques et de la population sur l'ensemble du territoire
national.
C'est pourquoi je soutiendrai, lors de la prochaine discussion budgétaire, un
certain nombre d'initiatives tendant à modifier certains critères de définition
des zones d'aménagement du territoire, à assouplir les modalités d'attribution
de l'exonération de taxe professionnelle, notamment en ZRR. Les critères
portant sur le type d'activité, le niveau d'investissement, le nombre d'emplois
créés sont sans doute trop restrictifs.
Par ailleurs, il convient d'améliorer le statut fiscal des sociétés
s'implantant en zone de revitalisation rurale, en prévoyant, par exemple, le
non-paiement de l'impôt sur les sociétés.
Dans l'immédiat, je regrette que vous n'ayez pas prévu dans l'article 1er une
disposition dérogatoire en faveur de ces entreprises.
A l'occasion du débat sur l'emploi des jeunes, qui s'est achevé tard cette
nuit, j'ai entendu à plusieurs reprises dire que les fonds d'Etat - l'argent
public - ne sauraient alimenter les caisses des entreprises privées, fût-ce sur
l'emploi. Soit ! Mais n'oubliez pas, n'oublions pas, monsieur le secrétaire
d'Etat, cette vérité simple : l'argent public n'est rien d'autre que de
l'argent privé prélevé directement ou indirectement par l'Etat sur les
contribuables de toute nature.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Comme c'est bien dit !
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
C'est sûr !
M. Philippe Arnaud.
Alors, si je suis d'accord avec vous pour clarifier les rapports financiers
entre le public et le privé, je vous invite tout simplement non pas à réserver
de l'argent aux entreprises privées, mais à leur en prélever moins.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Bravo !
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il n'est pas trop tard pour bien faire. Prenez
au moins en compte les zones rurales défavorisées !
J'aborderai enfin un autre aspect du projet qui, s'il n'est pas de même nature
que le précédent, n'en a pas moins provoqué l'inquiétude des élus ruraux : je
veux parler de l'article 4, concernant le statut patrimonial des réseaux de
transport d'électricité.
De nombreux responsables de collectivités locales, propriétaires des ouvrages
du réseau de distribution, nous ont fait part de leurs craintes à la lecture du
projet de loi dans sa version initiale. Un doute planait, en effet, quant à la
portée du transfert de propriété en faveur d'EDF.
A la demande de nos collègues députés, notamment de ceux qui appartiennent au
groupe de l'UDF, vous avez bien voulu accepter, monsieur le secrétaire d'Etat,
un amendement à l'article 4 qui apporte les précisions nécessaires, et nous
vous en remercions : les collectivités territoriales conserveront la propriété
des ouvrages du réseau de distribution qu'elles concèdent à EDF. Avec mes
collègues de l'Union centriste, je voterai donc cet article tel qu'il a été
modifié par l'Assemblée nationale.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je réitère cependant ma demande
de prise en compte des zones rurales fragiles.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget, auprès du ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, à qui je souhaite la bienvenue dans
cet hémicycle, car il va s'exprimer pour la première fois devant le Sénat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, monsieur le président de la
commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs
les sénateurs, c'est effectivement la première fois que j'ai l'honneur
d'intervenir devant votre assemblée. Ma première impression est de participer à
un débat courtois, où les convictions sont fermes et les raisonnements très
argumentés.
Je vais essayer, au risque d'être peut-être un peu long, de faire honneur à
tous ceux qui sont intervenus. Toutefois, je ne reviendrai pas sur les propos
de M. le président de la commission et de M. le rapporteur, car M. le ministre
de l'économie, des finances et de l'industrie leur a déjà répondu ce matin.
Je remercie Mme Beaudeau du soutien constructif - et plutôt rare dans cette
assemblée - qu'elle a apporté aux trois mesures fiscales qui sont soumises à
votre examen aujourd'hui.
Je la remercie aussi d'avoir attiré notre attention sur le fait que nous ne
combattons pas seulement le déficit des finances publiques en raison
d'obligations européennes, mais aussi - d'autres orateurs l'ont souligné -
parce que notre pays est pris dans une véritable « boule de neige » de la dette
qui, au rythme auquel elle progresse, risque de transmettre aux générations
suivantes, d'une part, le poids des retraites des inactifs, qui seront nombreux
à cette époque, mais aussi, d'autre part, le poids de dépenses qui auront été
effectuées sans être financées entièrement. Nous avons donc des raisons propres
pour assainir nos finances publiques.
Mme Beaudeau a beaucoup insisté sur la distinction qui est opérée, dans le
projet de loi qui vous est soumis, entre les petites et moyennes entreprises et
les grandes entreprises.
Cette distinction est nouvelle puisque, en 1995, lorsque avait été instaurée,
dans des circonstances analogues, une surtaxe dite exceptionnelle - mais pas
temporaire ! - de 10 %, elle touchait l'ensemble des entreprises.
La disposition que nous prenons à l'égard des « petites et moyennes
entreprises », au sens européen - par conséquent, nous n'aurons pas besoin de
notifier ce projet à Bruxelles - exonère non seulement, bien évidemment, les
petites et moyennes entreprises qui ne paient pas l'impôt sur les sociétés - et
donc de nombreux artisans et commerçants - mais aussi environ 80 à 90 % des
entreprises qui paient l'impôt sur les sociétés.
Cette mesure n'est pas négligeable puisque - ces chiffres n'ont pas encore été
cités dans le débat - ces entreprises, qui sont exonérées de la surtaxe de 15 %
pour 1997 et 1998 et de 10 % pour 1999, paient un tiers de l'impôt sur les
sociétés. Par conséquent, ce n'est pas du tout une mesure marginale, comme
certains ont voulu le faire penser.
Mme Beaudeau a parlé des grandes entreprises. Effectivement, les grandes
entreprises - mais elles ne sont pas les seules - réalisent deux types
d'épargne : une épargne productive, qui est investie dans l'accroissement et la
modernisation des capacités de production, et une épargne financière, qui
dépasse leurs besoins de financement en matière d'équipements productifs. Or
l'écart entre les deux est de 114 milliards de francs. Il faut le réduire !
Le Gouvernement espère que le redémarrage de l'investissement contribuera à
faire basculer une partie de cette épargne financière vers de l'épargne
productive.
Vous vous êtes inquiétée, madame Beaudeau - comme d'ailleurs M. Régnault - au
sujet de l'article relatif à EDF. Je crois que, sur ce point, les intentions du
Gouvernement sont tout à fait claires. Electricité de France est une immense
entreprise de service public et elle le restera. Sa réputation, en France et à
l'étranger, est absolument considérable et sa gestion sociale est reconnue.
Il n'est pas question que l'article 4 porte en quoi que ce soit atteinte au
statut juridique et au prestige de cette entreprise. De même, EDF conservera,
lorsque le marché intérieur sera réalisé en 1999, le monopole du transport.
Ce texte est donc un texte de clarification, qui permet à Electricité de
France de se retrouver à armes égales avec ses concurrents étrangers, puisqu'il
y aura une concurrence dans la distribution de l'électricité. Les inquiétudes
qui ont été formulées à cet égard sont donc sans fondement.
Mme Beaudeau déplore le fait que les plus-values sur les titres de
participation ne soient pas concernées par la mesure proposée. Il est important
de bien se rendre compte que nos grandes entreprises - mais aussi les
entreprises moyennes performantes - sont confrontées à une guerre économique
mondiale qui est une guerre de mouvement. Or, dans cette guerre de mouvement,
il faut qu'elles puissent redéployer leurs troupes, pour poursuivre dans cette
métaphore qui est peut-être un peu trop militaire, pour, selon les termes mêmes
qu'avait employés le président Mitterrand à Figeac, en 1982, « résister et
conquérir ».
Je crois que, dans ce mouvement, il ne faut pas empêcher les restructurations
qui ont pour objet de préserver des emplois en France, de développer l'emploi
qualifié et d'étendre le rayonnement de nos entreprises à l'étranger.
La dernière remarque de Mme Beaudeau porte sur le livret A et sur le logement
social. Il est vrai qu'il y a un lien entre la rémunération des livrets A et le
taux des prêts accordés aux organismes d'HLM pour construire des logements.
A ce sujet, nous avons pris deux mesures qui inquiètent certains d'entre vous
: l'une est en cours d'application, l'autre figure dans le projet de budget
pour 1998.
En premier lieu, dans le décret d'avances - qui a été critiqué - des mesures
supplémentaires ont été mobilisées pour accélérer la réhabilitation de
logements sociaux et de logements privés.
En second lieu, pour répondre à l'attente des organismes d'HLM et à celle des
professions de l'artisanat du bâtiment, nous instituerons une baisse de la TVA
sur les travaux de rénovation des logements sociaux. Cela donnera de l'aisance
aux intéressés et accroîtra le volume des travaux de rénovation réalisés dans
ces logements.
J'en viens à l'intervention très argumentée de M. Marini. Avec un certain
talent polémique, il a développé plusieurs points sur lesquels, je le lui dis
avec courtoisie, je ne suis pas entièrement d'accord.
M. Marini a commencé par rendre un hommage, auquel tout le monde ici
s'associera, aux deux auditeurs qui ont examiné, en juillet dernier, la
situation de nos finances publiques, pour en conclure ensuite, au moyen de
citations particulièrement subtiles et bien choisies, qu'il n'y avait aucun
problème en la matière en 1997 et que, à la limite, le Gouvernement s'attaquait
à un problème inexistant. Selon lui, il suffisait de laisser les choses suivre
leur cours, avec un peu de gel par-ci, un peu de patience par-là, pour
répondre, à la fin de l'année 1997, au fameux critère des 3 % de Maastricht.
M. Philippe Marini.
Je n'ai pas dit cela !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je rappelle de façon très sereine que le résultat
principal de cette évaluation était que, à la mi-juillet, la perspective de
déficit des finances publiques s'établissait entre 3,5 % et 3,7 % du produit
intérieur brut, abstraction faite de la soulte de France Télécom, dont vous
avez dû débattre lors de la discussion budgétaire de l'an dernier.
Le rapport des deux auditeurs comprenait une dimension à court terme, le
redressement des déficits de 1997, et des orientations à moyen terme, que vous
avez bien voulu reprendre, monsieur Marini, à savoir l'obligation d'agir sur la
dépense au moins autant, et même peut-être davantage, que sur les recettes.
Au passage, vous avez reproché au Gouvernement d'avoir utilisé une partie des
sommes gelées par le gouvernement précédent à des dépenses que vous n'avez pas
qualifiées.
Vous avez souligné que, sur certains points, il pouvait y avoir une opposition
bien marquée entre nous. C'est le cas en l'espèce, dans la mesure où les
dépenses engagées au mois de juillet ont permis - chacun l'a reconnu - une
bonne rentrée scolaire, avec le quadruplement de l'allocation de rentrée
scolaire, la réouverture de huit cents classes, principalement en milieur
rural, ce à quoi vous devriez être sensible, monsieur Marini, et la possibilité
pour tous les enfants de manger à leur faim.
Je ne pense donc pas que les 10 milliards de francs de dépenses, dont je
rappelle qu'elles ont été gagées franc pour franc, aient été du gaspillage. Si
telle est votre opinion, ce n'est en tout cas pas celle du Gouvernement.
Je ne veux pas engager avec vous la polémique de l'héritage. Le Gouvernement
n'est pas un fanatique de l'héritage.
(Sourires.)
Chaque fois que l'on parle de 1997, on voit l'année 1993 ou
l'année 1995 qui revient.
Notre principal souci, au travers des mesures qui vous sont proposées, c'est
d'apurer le passé tel qu'il a été décrit par les deux auteurs de l'audit et de
regarder vers l'avenir. Ce regard vers l'avenir sera l'objet du projet de loi
de finances pour 1998 ainsi que du projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
Bien que ce point ait été abordé par M. Strauss-Kahn ce matin, je veux revenir
sur l'impression d'euphorie que vous donnent les recettes budgétaires
encaissées à la fin du mois de juillet.
Vous êtes trop fin connaisseur des finances publiques, monsieur Marini, pour
ignorer que les recettes ne rentrent pas à un rythme régulier, qu'il y a des
temps forts et des temps faibles. Normalement, l'impôt sur le revenu connaît un
temps fort lors de la rentrée du troisième et dernier tiers. Or, cette année,
ce sera un temps faible parce qu'une grande partie de l'abattement de 25
milliards de francs qui a été décidé il y a un an produira son effet dans ce
dernier tiers, qui a été acquitté normalement le 15 septembre.
Par ailleurs - M. Strauss-Kahn l'a également dit, et je n'y insiste donc pas -
il y a des décalages de calendrier dans les versements de la caisse
d'amortissement de la dette sociale, la CADES, et dans les versements que la
France a faits à l'Union européenne l'an dernier. Ces versements ont été
interrompus l'an dernier ; nous, nous continuerons à faire des versements
réguliers jusqu'à la fin de cette année.
Vous m'avez interrogé sur les 10 milliards de francs d'économies qui sont le
pendant des 22 milliards de francs de recettes nouvelles, objet du débat
d'aujourd'hui.
Deux milliards de francs d'économies sont réalisées sur la défense, et je puis
vous garantir qu'elles ne porteront atteinte ni à la professionnalisation de
nos troupes, ni aux grands programmes d'équipement.
Il y a, par ailleurs, 2 milliards de francs de contribution de la Caisse des
dépôts et consignations.
Quant aux 6 milliards de francs restants, ils ne sont pas du tout « nébuleux
», comme vous l'avez laissé supposer. Vous verrez dans le collectif de fin
d'année que 6 milliards de francs d'économies auront effectivement été
réalisées.
J'en viens au fameux seuil des 50 millions de francs en deçà duquel les
entreprises, petites et moyennes, sont exonérées.
Vous avez estimé que ce seuil était faible, que c'était effectivement un seuil
européen, mais qu'il y avait un autre seuil européen auquel on aurait pu
penser.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Oui !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous avez également souligné la très grande variété de
situations des entreprises qui pouvaient avoir ce même chiffre d'affaires de 50
millions de francs.
Je vous répondrai que ce seuil a déjà un mérite - vous ne l'avez pas remis en
cause - c'est celui d'exister. En 1995 - peut-être avez-vous quelque remord,
mais le Sénat n'avait peut-être pas approuvé cette mesure uniforme ! - on ne
s'était pas posé la question de savoir à quel seuil il fallait exonérer les
entreprises petites et moyennes. Toutes les entreprises, y compris les
entreprises de rénovation rurale, avaient été frappées par la surtaxe Juppé.
J'y reviendrai tout à l'heure en répondant à M. Arnaud.
M. Christian Poncelet,
président de la commission. Perseverare diabolicum
!
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Comme je l'ai dit à Mme Beaudeau, nous avons fait un
effort significatif puisqu'un tiers de l'assiette de l'impôt sur le bénéfice
des sociétés est ainsi exonéré de cette surtaxe, sans compter toutes les
entreprises non assujetties.
Vous avez parlé de l'égalité de traitement. Je signale que la majorité
précédente, dont vous faites partie, avait créé un taux réduit de 19 % et que
le Gouvernement n'a pas remis en cause cette fiscalité réduite sur les
entreprises petites et moyennes.
Vous avez évoqué l'harmonisation fiscale. J'ai eu la chance - tout comme votre
commission des finances - de m'entretenir de ce sujet avec le commissaire
européen en charge de ce dossier, M. Monti. L'objet de l'harmonisation fiscale,
tel que l'ensemble des gouvernements et la Commission le conçoivent, n'est pas
de ramener à zéro la fiscalité sur le capital dans l'Union européenne. Notre
effort collectif est plutôt d'arriver à une fiscalité minimale en la matière.
Les projets me paraissent encourageants sur ce point.
Pour ce qui est de la prétendue rétroactivité des mesures proposées, je ne
peux que vous répéter ce qui a été dit ce matin en utilisant deux arguments.
Le premier est d'ordre juridique. M. Cléach a déclaré que cela faisait frémir
le juriste qu'il était. Or, le consensus des juristes - excepté peut-être
quelques éminents juristes qui siègent dans cette assemblée ! - est que le fait
générateur de l'impôt, pour une entreprise, c'est la clôture de l'exercice. Je
ne veux pas entrer dans une controverse juridique, mais il m'apparaît que ce
point est maintenant bien établi.
A cet argument juridique s'ajoute un argument polique, à savoir qu'en 1994,
lorsque la fiscalité des plus-values a été modifiée, cette question de la
rétroactivité n'a pas été posée.
Enfin, s'agissant des brevets, je vous signale que le Gouvernement, qui a,
comme vous, le souci de protéger la propriété individuelle française, a
maintenu le taux réduit applicable aux résultats de concession de brevets, de
façon à permettre que ceux-ci restent chez nous, en France.
Vous avez dit qu'il était vrai que le taux d'autofinancement était important
en France, mais qu'il fallait mesurer la rentabilité de nos entreprise à l'aune
européenne.
Sur ce point, ma réponse sera triple.
D'abord, même si je comprends la nécessité de l'instauration d'un débat
démocratique argumenté, j'estime qu'il ne faut pas trop pratiquer
l'autoflagellation s'agissant de nos entreprises, pour lesquelles j'ai un grand
respect. Nous n'avons pas a les décrier, en en donnant une image parfois
quelque peu pessimiste, dans un contexte de compétition internationale.
A cela, j'ajouterai deux arguments.
Premier argument : même si un grand homme d'Etat a dit que la politique de la
France ne se faisait pas à la Corbeille, je n'ai pas le sentiment que, depuis
le mois de juin, la Bourse française se soit effondrée, ni avant ni après
l'annonce des mesures que nous examinons aujourd'hui.
Deuxième argument : la France est une terre d'accueil d'investissements
directs, de l'ordre de 50 milliards de francs par an, et c'est une chose très
précieuse, en Alsace comme dans toutes les régions françaises.
Pourquoi notre pays a-t-il un tel succès du point de vue des investissements
directs ?
Vous le savez mieux que personne, vous qui êtes sur le terrain, c'est en
raison de la qualité et du coût de sa main-d'oeuvre, en raison de la qualité de
ses infrastructures et, ajouterai-je, dans cette grande maison des
collectivités locales, en raison de l'accueil des collectivités locales
françaises de tous statuts.
Il ne faut donc pas agiter trop facilement - vous ne l'avez par fait, monsieur
Marini - des spectres ou des menaces de délocalisations ou de tarissement de
l'investissement étranger en France. Le Gouvernement est très attaché à ce que
les investissements continuent à venir très nombreux en France, et je crois que
jusqu'à présent il en va ainsi.
Enfin, vous avez émis le souhait - nous en avions parlé avec M. le président
de la commission des finances - que l'on puisse aborder sinon en même temps, du
moins de façon synthétique, l'ensemble des prélèvements obligatoires et des
déficits.
Au sein du Gouvernement, vous le savez, le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie exerce une responsabilité d'ensemble sur ce que l'on
appelle le « déficit maastrichtien ». Je ne peux donc qu'être d'accord avec
votre idée selon laquelle votre commission des finances pourrait jouer en la
matière le rôle éminent qu'elle joue dans de très nombreux domaines, en tous
cas en ce qui concerne le budget de l'Etat.
M. Régnault a développé un raisonnement rigoureux, très bien articulé, partant
du constat de l'audit pour montrer non seulement que des mesures d'urgence
étaient nécessaires, mais que ce sont celles-là qui étaient nécessaires.
Je citerai quelques chiffres pour illustrer le contraste entre ce qui a été
fait en 1995 et ce qui est fait en 1998.
Selon une étude récente de l'INSEE, les gains réels des ménages français ont
baissé de 1,6 % en 1996. Cette étude lie cette baisse des revenus réel des
familles françaises aux prélèvements massifs qui ont été décidés en 1995. En ce
qui concerne les cadres, leur baisse des revenus réels a été de 3,1 %, ce qui
est tout à fait spectaculaire et qui relativise ce que nous sommes supposés
faire à l'encontre d'un certain nombre de familles.
Dans le projet de loi de finances que vous allez examiner, il est prévu des
gains de revenus réels des familles après impôts, précisément parce qu'il n'y a
pas ces prélèvements massifs, de l'ordre de 2 % en 1998.
Moins 1,6 % d'un côté, plus 2 % de l'autre : le contraste est notable !
M. Régnault souhaite un impôt progressif sur le bénéfice des sociétés. L'idée
est noble ; il faut regarder avec soin si elle est praticable. Nous avons trois
taux. Devons-nous avoir une échelle avec plus de barreaux ? Ce point mérite un
examen très précis.
S'agissant d'EDF, je pense avoir calmé les inquiétudes éventuelles de M.
Régnault au travers de la réponse que j'ai faite à Mme Beaudeau.
M. Cléach s'est inquiété de la rétroactivité supposée des mesures fiscales que
comporte ce projet de loi. Les spécialistes qui m'entourent sont prêts,
monsieur le sénateur, à débattre avec vous de l'aspect juridique de la
question. Je respecte tout à fait votre opinion, mais je crois que, du point de
vue juridique, la vérité est plutôt de notre côté.
Vous avez fait référence aux évolutions allemande et italienne. Je suis
peut-être moins au courant que vous de l'évolution de ces pays. J'ai toutefois
l'impression que leurs projets fiscaux ne passent pas sans anicroche. Je ne
suis donc pas si sûr qu'ils soient une référence aussi positive que vous le
dites.
Ce qui est clair, c'est que la hausse de l'impôt sur le bénéfice des sociétés
qui vous est proposée, et qui est indéniable, vaudra pour 1997 et 1998. Cette
hausse sera de 10 % en 1999 ; sa suppression est explicitement prévue pour l'an
2000, ce qui constitue un progrès par rapport à la surtaxe temporaire et
exceptionnelle de 10 % votée en 1995.
Vous avez avec beaucoup de talent dressé l'éventail apocalyptique de toutes
les mesures que seraient supposés contenir les projets de loi de finances et de
financement de la sécurité sociale pour 1998. Je tiens à vous rassurer.
Je note tout d'abord que vous avez reconnu avec une honnêteté qui vous honore
que l'application de la loi Pons, dont la motivation était louable, avait été
parfois détournée de son objectif. Vous le constaterez, nous proposerons de
recentrer la loi Pons sur la création d'emplois dans les départements et
territoires d'outre-mer...
M. René Régnault.
Très bien !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... afin d'éviter qu'elle ne permette plus certaines «
divagations » fiscales qui, je crois, n'ont de justification ni économique ni,
a fortiori,
sociale.
M. René Régnault.
Fini le paradis fiscal !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous avez remarqué aussi que la création d'entreprise
avait diminué entre 1995 et 1996. En tant que secrétaire d'Etat, je ne m'en
sens pas tout à fait responsable.
Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que le projet de
loi de finances pour 1998 contient des mesures de nature à favoriser les
créateurs d'entreprise. Je souhaite qu'elles retiennent votre intérêt.
Je vous ferai également remarquer, mais nous aurons l'occasion d'y revenir
lors de la discussion budgétaire, que dans le projet de budget les impôts
d'Etat, qui croissent spontanément avec l'activité, augmenteront moins vite que
la richesse nationale entre la loi de finances initiale de 1997 et celle de
1998. Si les impôts augmentent moins vite que le produit intérieur brut, cela
signifie que le rapport taxes - PIB, c'est-à-dire les prélèvements obligatoires
de l'Etat, est en diminution.
Vous avez abordé un point très important ; le plan textile. Mon collègue M.
Pierret y consacre actuellement beaucoup de temps car le plan qui avait été mis
en place par le précédent gouvernement était absolument contraire aux règles
européennes.
M. Emmanuel Hamel.
Toujours l'harmonisation des règles européennes ! On en meurt de cette Europe
!
M. le président.
Monsieur Hamel, vous n'avez pas la parole !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, je connais la force de vos
convictions européennes ; laissez-moi cependant poursuivre mon exposé sur ce
point !
Qu'a donc fait le Gouvernement lorsqu'il s'est saisi de ce dossier sur le
textile avec la volonté - c'est là la continuité de l'Etat - de préserver
l'emploi dans un secteur qui est essentiel pour notre pays, et particulièrement
pour un certain nombre de régions françaises ?
Nous avons tout d'abord demandé du temps aux autorités de Bruxelles pour
mettre au point un nouveau dispositif. Nous cherchons un dispositif qui soit
efficace, c'est-à-dire qui soutienne nos entreprises textiles, et qui, en même
temps, respecte les règles européennes, ce qui est une obligation, me
semble-t-il.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Puis-je me permettre de vous interrompre,
monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le président de la
commission.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le
secrétaire d'Etat.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
S'agissant du plan textile, je ne reprendrai
pas ce que vous avez dit parce que c'est l'expression de la vérité.
Je veux cependant préciser que Bruxelles est décidé à accepter une proposition
présentée hier, et encore aujourd'hui, à savoir que les autorités de Bruxelles
ne s'opposent pas au plan textile, mais au fait que celui-ci ne concerne qu'un
seul secteur industriel.
Par conséquent, si vous proposez son élargissement à d'autres secteurs qui
sont aussi méritants que le textile, ce plan sera alors agréé et nous pourrons
continuer à bénéficier des avantages accordés par le gouvernement précédent au
bénéfice du textile, qui a permis de maintenir beaucoup d'emplois qui sinon
auraient disparu.
M. Raymond Courrière.
Il faut l'étendre aux chaussures !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. le président de la commission des finances vient de
tenir des propos parfaitement judicieux en la matière. Simplement, si l'on
élargit le champ du plan textile à d'autres secteurs, à ce moment-là, deux
solutions sont possibles qui sont d'égale difficulté.
La première consisterait à réduire les avantages que le plan textile apporte à
des entreprises qui sont particulièrement sinistrées ; la seconde serait
d'aboutir à des dépenses tout à fait considérables. Mais c'est une des pistes
qui sont étudiées par le Gouvernement.
Je veux dire à tous les sénateurs qui se préoccupent à juste titre de l'avenir
du plan textile que le Gouvernement y travaille avec la volonté de réussir.
M. Badré a souhaité un débat d'orientation budgétaire. Ce n'est pas la faute
du Gouvernement actuel...
M. Denis Badré.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... si le débat prévu en juin n'a pas eu lieu. Le
Gouvernement, vous le savez, est très attentif au travail parlementaire, non
seulement pendant les débats budgétaires mais aussi avant et après. J'ajoute
que le Gouvernement est particulièrement bien disposé à l'égard de la Haute
Assemblée et que l'on trouvera ensemble des solutions pour exaucer votre
voeu.
Vous avez soulevé un point précis sur le régime de sécurité sociale spécifique
à l'Alsace et à la Lorraine. J'ai pris bonne note de ce point qui, selon moi,
ne s'inscrit pas vraiment dans le cadre des délibérations sur des mesures
urgentes à caractère fiscal et financier. Je pense qu'au moment où nous
débattrons de la loi sur le financement de la sécurité sociale votre
préoccupation aura alors sa place.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Vous n'y êtes pas hostile ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Il me paraît normal que l'on parle de sécurité sociale
en Alsace-Lorraine lors d'un débat général sur la sécurité sociale.
S'agissant du budget, vous évoquez le vieux démon de la dépense publique. Vous
rappelez que le budget précédent était affiché, veuillez m'en excuser, avec une
stabilité des dépenses en francs courants. L'expérience de l'évaluation montre
que le contenu de la boîte ne reflétait pas tout à fait l'emballage.
Vous verrez que le projet de budget que nous vous proposons - c'est vrai qu'un
budget est comparable à un pudding, c'est à la fin de l'année correspondante
que l'on en juge - affiche une progression des dépenses publiques de 1,36 %,
comparable à celle des prix.
Nous avons la conviction, vous en jugerez vous-même, d'avoir élaboré un budget
sincère, sans mettre à droite et à gauche des dépenses oubliées ou
sous-estimées.
Quant à M. Arnaud, il s'est intéressé aux zones de revitalisation rurale.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur. Je ne fais pas partie de
ceux qui pensent qu'il n'y a que les grandes entreprises et les artisans. La
ville et la campagne représentent un tissu économique très important,
comprenant aussi des entreprises petites et moyennes. C'est la diversité de nos
entreprises qui fait le dynamisme de notre pays.
Nous nous sommes posé la question de savoir si l'on pouvait réserver un sort
particulier aux entreprises implantées dans les zones de revitalisation rurale.
Evidemment, cela compliquait un peu le texte mais il y a parfois des
complications qui méritent examen.
Nous avons été confrontés à une double difficulté : la première, c'est que -
là encore, je ne regarde pas M. Hamel - il faut en la matière demander
l'agrément de Bruxelles...
M. Emmanuel Hamel.
Vous êtes prisonnier de Bruxelles !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... et cet agrément n'aurait pas pu être obtenu en
temps utile pour l'année 1997.
La seconde difficulté a trait aux entreprises qui sont à cheval sur des zones
de revitalisation rurale et sur d'autres zones. La solution existe sûrement,
mais elle n'a pu être trouvée pendant ce court laps de temps, afin de partager
l'activité de ces entreprises entre les deux zones.
Soyez rassuré, monsieur Arnaud : vous trouverez dans le projet de loi de
finances pour 1998 une disposition intéressante en faveur des entreprises
dynamiques, créatrices d'emplois que vous avez mentionnées et qui sont
implantées notamment dans les zones de revitalisation rurale.
Il s'agit de la possibilité pour ces entreprises d'avoir un abattement, non
pas sur les 15 % dont nous délibérons aujourd'hui parce que les PME ne sont pas
concernées, mais un abattement sur la majoration de 10 % instituée sur toutes
les entreprises en 1995.
Toute entreprise qui accroîtra son effectif régulier de un, deux, dix jusqu'à
cinquante salariés, aura un crédit d'impôt de 10 000 francs par salarié.
Je suis sûr que, dans les zones de revitalisation rurale, nombreuses seront
les entreprises qui pourront par ce biais alléger leurs charges fiscales.
Je remercie enfin M. Arnaud du compliment qu'il a fait au Gouvernement pour
avoir amélioré l'article 4 relatif à EDF à l'issue du débat à l'Assemblée
nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article
235
ter
ZB ainsi rédigé :
«
Art. 235
ter
ZB
. _ Les personnes morales sont assujetties,
dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235
ter
ZA, à une
contribution temporaire égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés
calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article
219.
« Cette fraction est égale à 15 % pour les exercices clos ou la période
d'imposition arrêtée conformément au deuxième alinéa de l'article 37, entre le
1er janvier 1997 et le 31 décembre 1998 inclus. Elle est réduite à 10 % pour
les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 1999
et le 31 décembre 1999 inclus.
« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de
moins de 50 millions de francs. Le chiffre d'affaires à prendre en compte
s'entend du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice
ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et, pour la
société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres
d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des
sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 %
au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes
conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes
physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des
sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des
sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne
sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de
dépendance au sens du 1
bis
de l'article 39
terdecies
entre la
société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
« II. - A l'article 213 du code général des impôts, après les mots : "235
ter
ZA", sont ajoutés les mots : ", la contribution temporaire
mentionnée à l'article 235
ter
ZB". »
« III. - Le 2° du f du I de l'article 219 est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de
capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de
développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas
prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au
sens du 1
bis
de l'article 39
terdecies
entre la société en cause
et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
« IV. _ Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
»
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous engageons la discussion des articles dans des conditions
nouvelles pour la première fois depuis quatre ans.
C'est sans doute l'occasion pour la commission des finances de décider la
forme qu'elle juge la meilleure pour offrir à notre débat démocratique une très
forte exigence de clarté, une très forte exigence de compréhension de la
différence qu'il peut y avoir entre les propositions du Gouvernement et les
positions que vous recommande la commission des finances.
Cela n'exclut pas, monsieur le secrétaire d'Etat, le débat courtois que vous
avez évoqué tout à l'heure, qui fait honneur à la démocratie. Le ton que vous
avez vous-même utilisé nous invite à être tout à fait courtois et à tâcher
nous-mêmes de faire honneur à la démocratie.
Mes chers collègues, je résumerai très simplement ma proposition, afin qu'elle
soit facile à comprendre : je suggère que nous ne nous abandonnions, bien sûr,
à aucune opposition systématique, même si celle-ci doit être marquée. En même
temps, il faut que nous n'ayons aucun complexe et aucune complaisance
idéologique.
Cela m'amène, au nom de la commission des finances, à vous dire qu'il ne nous
paraît pas sain d'entrer dans une logique qui ne serait pas la nôtre.
C'est pourquoi nous serons conduits à vous proposer tout à l'heure de rejeter
les trois premiers articles de ce projet de loi, dont la logique n'est pas
compatible avec la nôtre.
M. Marcel Deneux.
Très bien !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
A la lumière de ces explications, qui marquent une certaine
conception du débat démocratique - et qui, encore une fois, n'entache en rien
notre souci de courtoisie, de compréhension et d'écoute des uns et des autres -
je souhaite maintenant éclairer le Sénat sur la position de la commission des
finances sur l'article 1er.
Je commencerai par rassurer nos collègues qui pourraient s'émouvoir des
aspects évoqués, en particulier ce matin par M. le ministre de l'économie et
des finances, relatifs au respect des engagements de la France.
Lorsque nous parlons du respect des engagements de la France, donc de
l'honneur de la France, votre inquiétude pourrait être grande. Je voudrais la
lever.
S'agissant des versements que nous devons aux Communautés pour 1996 - M. le
ministre de l'économie et des finances nous a dit qu'il souhaitait que le
Gouvernement respecte les engagements de la France - il faut savoir que, par
rapport à ce qui avait été prévu, la Cour des comptes nous l'a rappelé, la
sous-exécution du budget communautaire en 1995 a entraîné la diminution de la
contribution européenne. La France en a bénéficié comme tous les autres Etats
membres.
En conséquence, la France a intégralement respecté ses engagements européens
même si, dans cette assemblée, nous rappelons régulièrement aux gouvernements
successifs - c'est l'occasion pour moi de vous le rappeler, monsieur le
secrétaire d'Etat, mais je suis sûr que c'est votre conviction aussi - combien
il faut veiller à ce que la « frénésie » budgétaire européenne soit
contenue.
C'était, je crois, une précision que nous devions apporter à tous ceux qui
partagent l'idée européenne dans cette assemblée, y compris M. Hamel.
L'article 1er ne mérite pas d'être adopté et je défendrai dans quelques
instants un amendement de suppression. Pourquoi ? Selon la logique de la
commission des finances, encore une fois c'est une de ses positions constantes,
une lutte contre les déficits passe en priorité par la maîtrise des dépenses et
non par l'accroissement des recettes.
M. Denis Badré.
Très bien !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Par ailleurs - même si vous nous avez présenté un certain
nombre d'arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis sûr que vous
accepterez que nous ne les fassions pas nôtres - le creusement du déficit
budgétaire qui était constaté par l'audit pouvait être relativisé, notamment en
ne dépensant pas immédiatement les 10 milliards de francs qui avaient été
gelés.
Nous savons parfaitement que l'exécution d'une loi de finances n'est pas
linéaire. Il demeure que le solde budgétaire, fin juillet 1997, est celui que
j'ai indiqué ce matin.
En matière d'exécution budgétaire, mes chers amis, regardez, lors des quinze
dernières années, quels sont les gouvernements qui ont été les plus proches, en
terme d'exécution, des prévisions initiales. Vous pourrez alors établir un
classement selon leur crédibilité.
S'agissant de l'accroissement de l'impôt sur les sociétés, il va à
contre-courant - je rappelle très brièvement les observations que j'ai
formulées ce matin - des politiques qui sont conduites par nos principaux
partenaires.
S'il ne s'agit pas de s'auto-flageller ou de considérer que les entreprises
françaises sont moins bonnes que les autres, il ne faut pas entraver leur
compétitivité. Or la mesure tendant à accroître l'impôt sur les sociétés
entrave la compétitivité de ces dernières, les menace et met en danger les
emplois.
J'entends à tout propos, mes chers collègues, que le précédent gouvernement
aurait augmenté l'impôt sur les sociétés. Mais je n'ai pas cru comprendre
qu'une proposition du nouveau gouvernement tendait à supprimer l'augmentation
instaurée par l'ancien.
Je rappelle que cette augmentation a été adoptée par le Parlement, même si
elle a été proposée par le précédent gouvernement.
Quoi qu'il en soit, selon moi, il ne faut pas critiquer une mesure antérieure
dès lors qu'on l'utilise ou, pire encore, qu'on l'aggrave.
M. René Régnault.
Je rappelais simplement que vous aviez pris une telle décision !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je souhaite rappeler que les investissements sont menacés par
cet accroissement de fiscalité. C'est ce qui nous conduit, mes chers collègues,
à vous recommander de ne pas adopter cet article et à adopter l'amendement de
suppression que je présenterai très brièvement.
J'ajoute que la législation qui est proposée est complexe, qu'elle est
rétroactive - nous pourrons en reparler tout à l'heure, monsieur le secrétaire
d'Etat - et qu'elle institue une discrimination entre les entreprises. Ce n'est
pas le choix de la commission des finances, ce n'est pas le choix du Sénat de
manière constante depuis plusieurs années. Je souhaitais le rappeler très
clairement dès l'ouverture de la discussion de l'article 1er, mes chers
collègues.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
En début d'après-midi, en commission des finances, nous avons eu le plaisir
d'entendre l'un des membres de la Commission de l'Union européenne, M. Mario
Monti, s'exprimer sur l'harmonisation fiscale.
M. Monti a évoqué en particulier les efforts réalisés pour éviter des
distorsions qui, par leurs effets artificiels, conduiraient à des détournements
d'épargne ou à des détournements d'investissements. Il a par ailleurs bien
voulu répondre à un grand nombre de questions posées par les sénateurs.
Sans se mêler, bien sûr, de ce qui ne le regarde pas, c'est-à-dire,
assurément, du pouvoir fiscal que seul exerce le Parlement français en toute
souveraineté, il a cependant donné une information d'ordre quelque peu général
sur ce qui se passe ici et là chez nos partenaires, c'est-à-dire sur les
évolutions en cours au-delà de nos frontières et qui concernent très
directement nos entreprises puisque celles-ci sont confrontées, les unes et les
autres, au jeu de la libre compétition sur un libre marché avec des entreprises
obéissant à des régimes fiscaux différents. Pour lui, dirais-je en résumé, la
tendance est partout à la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés.
Son message, que je viens de résumer, fut clair, extrêmement argumenté, précis
et présenté d'une façon imparable.
Monsieur le secrétaire d'Etat permettez-moi de répéter la mise en garde que je
me suis permis d'exprimer ce matin : certes, votre projet de loi prévoit que
cette mesure est temporaire et que, sauf décision contraire, elle a vocation à
voir ses effets disparaître à terme, mais vous prévoyez une telle mesure en
sachant que celle-ci va à l'encontre de l'évolution générale à laquelle nous
sommes confrontés et dont nous devons tenir compte, comme les autres.
Raisonnablement, nous ne pouvons pas vous suivre, et M. Strauss-Kahn et
vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, devez reconnaître que, dans quelques
années, il faudra supprimer cette surtaxe qui constitue un handicap pour la
compétitivité de nos entreprises.
C'est fondamentalement pour cette raison, monsieur le secrétaire d'Etat, que
je réitère mon opposition très ferme à cette mesure. Je le fais tout en vous
remerciant à mon tour du ton et de la qualité de l'écoute dont vous avez
témoigné tout à l'heure dans votre réponse.
La majorité sénatoriale aborde ce texte sans concession sur le fond, c'est son
rôle. Cela n'empêche pas, bien au contraire, l'échange courtois et aussi
documenté que possible des arguments...
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Qui est de règle chez nous !
M. Philippe Marini.
... qui est effectivement de règle dans cette enceinte et qui doit assurément
se poursuivre, d'autant plus d'ailleurs que l'on est davantage en opposition
sur le fond.
Ainsi, tout sera clair, à la fois dans cette maison et en dehors, dans
l'opinion et dans les médias. Nous assumons clairement nos oppositions, nous en
prenons la responsabilité.
Au demeurant, monsieur le secrétaire d'Etat, et je voudrais terminer par là,
notre rôle n'est pas de faire l'exercice à votre place. De ce point de vue, je
voudrais réagir à quelques-uns des propos de certains collègues qui siègent de
l'autre côté de l'hémicycle.
Nous sommes une opposition qui exerce son rôle d'opposition. Nous ne nions en
aucune façon que l'exécution spontanée du budget de 1997 aurait conduit à un
solde excessif par rapport aux prévisions et par rapport aux objectifs
européens. En revanche, nous nions formellement qu'il y ait eu, du temps du
précédent gouvernement, insuffisance dans la maîtrise de la dépense
publique.
C'est sur cet aspect des choses que nous avons insisté. La croissance n'a pas
été au rendez-vous et, en conséquence, l'amplification des recettes fiscales ne
s'est pas produite comme nous nous y attendions au début de l'année, et le
solde s'est dégradé, c'est exact. Il eût donc été inéluctable de procéder à un
collectif budgétaire pour recadrage. Mais nous aurions fait d'autres choix,
puisque nos idées ne sont pas les mêmes.
En ce qui concerne les dépenses publiques, disais-je, et il faut en donner
acte au précédent gouvernement, ce qu'ont d'ailleurs fait les deux conseillers
maîtres à la Cour des comptes elles ont été correctement tenues et correctement
maîtrisées.
(M. René Régnault s'exclame.)
On ne peut prétendre que les mesures
aujourd'hui soumises au Parlement sont provoquées par je ne sais quel laxisme
ou je ne sais quelle insuffisance de maîtrise dans l'application du budget que
nous avions voté à la fin de l'année dernière.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques considérations qui, bien sûr,
viennent à l'appui du vote que j'émettrai dans quelques instants avec, je
pense, la plupart de nos collègues lorsque l'amendement n° 1 sera mis aux
voix.
M. le président.
Sur l'article 1er, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer
l'article 1er.
Par amendement n° 10, MM. Adnot, Darniche, Durand-Chastel, Foy, Grandon,
Habert, Türk et Maman proposent :
I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article 235
ter
ZB du code général des impôts, de
remplacer le nombre : 50 par le nombre: 280.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, après le
paragraphe I de l'article 1er, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'augmentation de la
taille des sociétés concernées par la contribution temporaire sur l'impôt sur
les sociétés est compensée par le relèvement à due concurrence des droits
prévus aux articles 575, 575 A et 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° 6, MM. Arnaud, Michel Mercier, Huchon, Moinard, Jean-Louis
Lorrain, Souplet, Amoudry et Hérisson proposent d'insérer, à la fin du texte
présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour l'article 235
ter
ZB
du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également exonérées les entreprises visées à l'article 1465 A du code
général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur. pour défendre l'amendement n° 1.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Monsieur le président, compte tenu des informations que j'ai
données au Sénat tout à l'heure, je me bornerai à dire que cet amendement de
suppression est totalement opportun.
M. le président.
La parole est à M. Adnot, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Philippe Adnot.
Je partage l'opinion de M. le rapporteur général, et je sais très bien que cet
amendement n'aura plus d'objet dans quelques instants. Cependant, monsieur le
secrétaire d'Etat, si je l'ai présenté, c'est afin que l'on comprenne bien que
le seuil de 50 millions de francs est le seuil européen des petites entreprises
et non pas des petites et moyennes entreprises.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Pour les PME, c'est 280 millions de francs
!
M. Philippe Adnot.
En effet, le chiffre qui correspond aux PME est 280 millions de francs.
Tout le monde s'accorde à le dire, je le rappelle, ce sont les PME et les PMI
qui vont créer les emplois ; la France manque considérablement d'entreprises de
cinq cents salariés et le seuil qui est adopté va, en fait, continuer à faire
en sorte que les entreprises ne cherchent pas à progresser.
En France, on n'encourage pas ces entreprises à conforter leurs fonds propres
; ces entreprises sont pourtant les plus fragiles et risquent de ce fait de ne
pas se développer.
Je voulais que vous teniez compte de ces observations car je sais pertinemment
que, même si le Sénat vote la suppression de l'article 1er, ce texte reviendra
en discussion.
En taxant les petites entreprises, soyez conscients que vous allez les
empêcher de conforter leurs fonds propres et les mettre encore un peu plus en
difficulté. Or c'est dans cette catégorie d'entreprises qu'il y a le plus
d'impayés.
Par ailleurs, il s'agit souvent d'entreprises sous-traitantes qui doivent
pouvoir se développer.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Philippe Arnaud.
Comme M. le rapporteur, je serai extrêmement bref puisque, dans la discussion
générale, j'ai pu exposer l'objet de cet amendement qui vise à exonérer
l'ensemble des entreprises situées en zone de revitalisation rurale de
l'augementation de l'impôt sur les sociétés. Même si je sais que cet
amendement, comme l'amendement précédent, n'aura plus d'objet après le rejet de
l'article 1er, je tenais à le déposer parce que le sujet est important.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 10 et 6 ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
L'amendement n° 10 a un grand mérite, celui de nous permettre
d'insister sur les inconvénients du dispositif de l'article 1er.
M. Adnot a expliqué de manière très convaincante que le chiffre d'affaires tel
qu'il est fixé va avoir pour effet, si cette mesure est finalement adoptée, de
pénaliser des entreprises qui ne sont ni grandes, ni même moyennes.
A fort juste titre, il a fait référence à la recommandation de la Commission
européenne : le plafond prévu par la Commission est en effet de 280 millions de
francs, ce qui, naturellement, n'a rien à voir avec les 50 millions de francs
du dispositif qui nous est proposé.
Après M. le secrétaire d'Etat au budget, je dirai que cela ne date pas
d'aujourd'hui. Mais, lorsque nous avons adopté le dispositif en cause à l'égard
des PME, nous avions mesuré, dès cette époque, les inconvénients des mesures
discriminatoires en matière fiscale.
Je suis donc en fâcheuse position pour émettre un avis défavorable au nom de
la commission. Toutefois, si, par malheur, l'amendement de suppression n'était
pas adopté, je redemanderais la parole pour bien préciser la position de la
commission des finances.
S'agissant de l'amendement n° 6, le remarquable plaidoyer de M. Arnaud en
faveur des entreprises en milieu rural, lors de la discussion générale, se
suffit à lui-même. La commission des finances a parfaitement compris l'esprit
de son amendement.
Mais, comme pour l'amendement précédent, la commission a émis un avis
défavorable, puisque sa préférence va à la suppression de l'article 1er.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous ne serez pas surpris, monsieur le président, que
je sois en désaccord avec le premier amendement. Le Gouvernement est fermement
convaincu de la nécessité d'adopter cette disposition fiscale figurant à
l'article 1er.
En ce qui concerne l'amendement n° 10 et le seuil de 50 millions de francs, je
souhaiterais ajouter un argument afin d'apporter ma contribution au débat. Ce
seuil est celui qui avait été retenu par la majorité précédente, lors de
l'adoption de la loi de finances pour 1997 pour l'imposition au taux réduit de
19 %. Par conséquent, peut-être, rétrospectivement, auriez-vous dû placer ce
seuil plus haut et sans doute avons-nous donc péché par défaut d'imitation.
Enfin, pour ce qui est de l'amendement n° 6, j'ai été très sensible à
l'argument portant sur les zones de revitalisation rurale, mais je crois vous
avoir répondu en évoquant les difficultés immédiates qui se poseraient à la
suite de votre recommandation.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. René Régnault.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Notre groupe était contre cet amendement et il n'a trouvé que des raisons
supplémentaires de s'y opposer en écoutant la majorité sénatoriale
s'exprimer.
On a parlé de la maîtrise des dépenses publiques, très bien ! Mais
oublierait-on que certaines de ces dépenses n'étaient pas financées ? Par
conséquent, pour ce qui est du compliment adressé au gouvernement précédent,
permettez-moi de dire qu'il me fait plutôt sourire ; en toutcas, je ne peux y
souscrire.
C'est vrai, c'est un choix - vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le
secrétaire d'Etat - que de financer certaines dépenses nouvelles.
On vient de manifester quelques inquiétudes à propos du secteur rural et
j'aurais pu y joindre ma voix, mais les maires et les familles ont apprécié que
800 postes supplémentaires aient été créés à la rentrée. Quelle aurait été
l'ambiance sans une telle disposition, sans les mesures en faveur du
financement des frais de cantine, sans l'augmentation de l'allocation de
rentrée scolaire, toutes mesures qui sont bien perçues !
Je n'ai pas parlé non plus - personne ne l'a fait - du plan emploi-jeunes ; il
est vrai que la majorité sénatoriale a tout mis en oeuvre hier et cette nuit
pour s'opposer à ce dispositif... Certaines des dispositions qui ont été
adoptées ici et qui ont été repoussées ce matin en commission mixte paritaire
ont mis en évidence le fait que la majorité sénatoriale dans son ensemble
n'était pas favorable au projet de loi que nous a soumis le Gouvernement.
Il faut maintenant le financer, car nous sommes conséquents avec nous-mêmes.
Non seulement nous avons envie que les jeunes qui sont en situation de
difficulté par rapport à l'emploi retrouvent une activité durable, mais nous
avons également pensé aux moyens financiers d'atteindre cet objectif.
Quant à la discrimination qu'instaurerait ce texte, autorisez-moi à vous dire
qu'on ne peut pas tout à la fois proclamer que l'on pense aux petites et
moyennes entreprises et, par ailleurs, reprocher au Gouvernement de faire un
sort particulier aux entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires inférieur
à 50 millions de francs. Il est certain que vous n'avez pas eu ce souci, voilà
peu, lorsque vous avez retenu une majoration de l'impôt de solidarité pour tous
les assujettis !
M. Philippe Marini.
Vous reconnaissez qu'il y a discrimination.
M. René Régnault.
Je ne rappellerai pas les chiffres que j'ai indiqués tout à l'heure concernant
le résultat des entreprises, qui, on le sait, ont été multipliés par cinq au
cours des dernières années. Tant mieux pour elles ! Cela nous autorise à vous
dire qu'il nous paraît plus raisonnable d'avoir choisi cette voie plutôt que
d'imposer les ménages.
En fait, vous n'allez pas jusqu'au bout de votre sentiment ; vous être contre
cette mesure, mais vous ne dites pas que vous auriez préféré que l'on charge
encore un peu les ménages et que l'on réduise, par conséquent, le pouvoir
d'achat, donc la demande intérieure et, ainsi, la croissance.
J'en viens au second argument que vous avez avancé, à savoir que l'on irait à
contre-courant de l'évolution des fiscalités européennes. J'ai écouté avec vous
tout à l'heure les propos qu'a tenus M. le commissaire européen sur la
question, et je me suis senti parfaitement à l'aise par rapport à la place que
j'occupais et au groupe que je représentais, en songeant que, s'agissant de
l'impôt sur les sociétés, les propositions que nous faisons aujourd'hui nous
placent dans une situation tout à fait confortable pour aborder l'harmonisation
de la fiscalité des entreprises.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Interprétation audacieuse !
M. René Régnault.
Par conséquent, ne nous dites pas qu'il y aurait là matière à s'opposer à
l'article 1er.
Vous pouvez comprendre dès lors notre hostilité à l'amendement n° 1. Nous
voulons rendre possible la mise en oeuvre d'un choix judicieux, faire en sorte
que le budget de la France soit un budget réel et que certaines mesures
nouvelles entrent très vite en application, tant elles sont nécessaires et
attendues.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
vous comprendrez que je tienne à préciser les raisons qui font que les membres
de notre groupe ne voteront pas l'amendement de la commission des finances,
comme il est évident que les membres de la majorité sénatoriale se devaient,
dans leur logique, mais aussi, par simple positionnement idéologique, de
proposer la suppression de l'article 1er.
Je dirai tout d'abord que l'attitude prise par M. le rapporteur et M. Marini,
à propos de l'article 1er, consiste à faire beaucoup de bruit pour rien.
On s'insurge que les entreprises soient mises à contribution pour moins de 20
milliards de francs...
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Une petite somme ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... alors que le produit intérieur brut marchand représente quelque 8 000
milliards de francs - ou peu s'en faut - et que, je l'ai rappelé lors de la
discussion générale, les entreprises de ce pays ont versé près de 420 milliards
de francs en 1996, chiffre en hausse de 11 % par rapport à l'exercice 1995.
Chacun le sait car tous les membres de la commission des finances ont
l'habitude d'examiner les éléments fournis par le rapport annuel de l'INSEE sur
les comptes de la nation.
Vous nous permettrez donc de souligner de nouveau notre appui sans réserve à
la mesure prévue par l'article 1er.
Croyez-vous sérieux de prétendre que cette légère égratignure dans les comptes
de certaines de nos entreprises va réellement remettre en cause leur
compétitivité ou leur position internationale ?
Permettez-moi simplement de souligner quelles conséquences la mesure prévue à
l'article 1er aura réellement sur l'impôt sur les sociétés.
L'ensemble des entreprises assujetties l'est au taux de base de 33,33 %. Ce
socle de l'impôt sur les sociétés est affecté, chacun le sait, de nombreux
correctifs qui portent tant sur la prise en compte des déficits éventuels des
exercices antérieurs que sur le traitement fiscal des provisions, les
exonérations temporaires ou « géographiques », etc., sans parler des effets du
régime des groupes qui, sous ses diverses caractéristiques, permet d'ailleurs
aux entreprises directement concernées par l'article 1er de se dédouaner à bon
compte de leurs obligations fiscales.
La loi de finances de 1997 a ajouté à l'ensemble de ces dispositifs,
dispositifs particulièrement coûteux puisque leur montant excède aujourd'hui
les 60 milliards de francs, le principe de l'imposition à 19 % des 200 000
premiers francs de bénéfice des PME.
Je conçois fort bien que cette perspective d'impôts supplémentaires sur les
sociétés n'enchante pas tout à fait ceux qui ont oeuvré pour dénaturer, comme
c'est le cas aujourd'hui, le contenu de l'impôt sur les sociétés, mais elle est
pour nous tout à fait intéressante et offre des pistes pour une réflexion plus
large encore sur la nécessaire conjonction entre justice sociale - tel est le
sens que nous donnons à l'article 1er - et efficacité économique.
C'est donc, je le répète, sans réserve et sans état d'âme, que nous voterons
contre l'amendement n° 1 de la commission.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Naturellement, contrairement à ce que l'orateur précédent vient de dire, nous
ne considérons pas du tout le dispositif proposé comme une simple égratignure
dans les comptes de sociétés déjà lourdement taxées.
Nous ne considérons pas du tout non plus que c'est faire « beaucoup de bruit
pour rien » que de s'opposer à cet article 1er.
Il vise en fait à instituer de nouvelles impositions très lourdes sur les
entreprises. Le rapport de la commission donne des chiffres très précis à cet
égard. Une fois de plus, nos entreprises vont être très gravement
pénalisées.
En outre, cette mesure va à l'encontre de l'évolution des fiscalités
européennes. Elle est aussi totalement en contradiction avec les dispositions
qui avaient été prises par le gouvernement de M. Bérégovoy pour favoriser le
développement de nos entreprises.
Il s'agit donc d'une disposition rétrograde et pénalisante. Bien entendu, nous
voterons l'amendement de suppression proposé par la commission des finances.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
A l'issue du débat qui vient d'avoir lieu, on ne sera pas surpris que
l'ensemble du groupe du RPR vote l'amendement n° 1.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
3:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 217 |
Contre | 97 |
En conséquence, l'article 1er est supprimé et les amendements n°s 10 et 6 n'ont plus d'objet.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. _ Au I de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un
a
quater
ainsi rédigé :
«
a
quater. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997,
le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus
ou moins-value provenant de la cession des éléments d'actif, à l'exception des
parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du a
ter.
« Les moins-values à long terme afférentes à des éléments d'actif désormais
exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application de
l'alinéa précédent, et restant à reporter à l'ouverture du premier exercice
ouvert à compter du 1er janvier 1997, peuvent, après compensation avec les
plus-values et les résultats nets de la concession de licences d'exploitation
continuant à bénéficier de ce régime, s'imputer à raison des 19/33,33e de leur
montant sur les bénéfices imposables. Cette imputation n'est possible que dans
la limite des gains nets retirés de la cession des éléments d'actifs exclus du
régime des plus et moins-values à long terme en application de l'alinéa
précédent ; ».
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
J'ai souhaité prendre la parole maintenant pour rappeler très
brièvement ce que j'ai dit ce matin, dans la discussion générale, sur l'article
2.
Je souhaite, en particulier, rappeler que la commission des finances estime
que la taxation au taux de droit commun des plus-values placerait la France
dans une situation non concurrentielle par rapport à ses partenaires.
S'il est vrai que la quasi-totalité des pays européens imposent les
plus-values, ils ont atténué la rigueur de cette législation fiscale, soit par
des dispositifs d'exonération sous condition de réemploi, ce qui ne nous est
pas proposé, soit par une réévaluation de la valeur des actifs, ce qui permet
de neutraliser les plus-values qui sont purement nominales ; cela ne nous a
pas, non plus, été proposé.
La taxation au taux de droit commun des plus-values à long terme aurait pour
conséquence de renchérir le coût des mutations, d'encourager l'inertie
économique et de freiner la mobilité des actifs. C'est le plus sûr moyen
d'assécher les produits qui sont issus des mutations d'actifs.
La question de la rétroactivité a été évoquée ce matin et à nouveau cet
après-midi. A cet égard, je fais miennes les conclusions de mon ami M. Cléach.
Je crois en effet qu'il existe dans ce texte d'incontestables éléments de
rétroactivité ; je parle ici sous le contrôle de M. le président Poncelet, qui
préside un groupe de travail sur la rétroactivité des lois fiscales, groupe de
travail dans lequel siègent des personnalités aussi éminentes que M. François
Luchaire. Or la rétroactivité des lois fiscales a des effets économiques
extrêmement préjudiciables pour notre pays.
Il est clair que, dans le dispositif qui nous est proposé, le changement de
régime de taxation des plus-values à long terme ne se limitera pas aux seules
plus-values réalisées depuis le 1er janvier dernier : il s'appliquera aux
plus-values réalisées depuis bien plus longtemps si l'on considère celles dont
la taxation peut être légalement différée pendant deux ans - je pense aux
indemnités qui sont perçues en cas d'expropriation d'une immobilisation ou en
cas de sinistre - ou les plus-values qui bénéficient d'un sursis d'imposition à
la suite d'opérations telles que des fusions ou des scissions.
Il y a donc bien, mes chers collègues, rétroactivité de la loi fiscale, ce qui
n'est pas fait pour encourager les investisseurs. Cela crée, au contraire, une
sorte d'insécurité fiscale qui nuit considérablement à la confiance dont les
investisseurs ont besoin.
De plus, il y a des actifs qui ont été réalisés et dont les produits sont déjà
réinvestis. Je vous laisse imaginer les difficultés que va susciter le
versement d'un impôt quand l'entreprise aura déjà réaffecté le produit de
l'actif réalisé !
Le maintien du régime de taxation de faveur pour contrer les effets de
l'inflation est toujours justifié, selon la commission des finances, pour les
plus-values qui proviennent de cessions de biens acquis depuis une très longue
période. Certes, Dieu merci ! l'inflation est aujourd'hui bien moindre que par
le passé, mais il est des actifs qui ont été acquis voilà bien des années.
Le texte emporte aussi des conséquences tout à fait fâcheuses en matière de
licence d'exploitation de brevet et de cession de brevet. D'autres collègues,
qui maîtrisent mieux que moi ces questions, y reviendront.
Pour toutes ces raisons, la suppression de l'article 2, que je vous
proposerai, au nom de la commission, me paraît constituer la solution
raisonnable pour éviter de pénaliser nos entreprises.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je voudrais insister à mon tour sur le caractère dommageable, rétroactif et
discriminatoire de la disposition qui nous est présentée.
Je considère, comme M. le rapporteur, que cette mesure est inopportune.
Certes, les réponses qui nous ont été apportées tout à l'heure peuvent tempérer
quelque peu les craintes qui s'étaient exprimées concernant les brevets.
J'espère que les instructions qui seront diffusées par l'administration
confirmeront les aménagements qui ont été annoncés mais qui ne me semblaient
pas ressortir du texte.
Cela étant, je crois que la remise en cause à laquelle il est procédé est
grave de conséquences et lourdes d'effets pervers.
Nous aurons une fiscalité encore plus complexe, qu'il sera singulièrement
difficile d'expliquer aux agents économiques, en particulier aux investisseurs,
qui peuvent comparer les systèmes fiscaux de différents territoires. Car cette
mesure expose la France à la concurrence fiscale internationale ; le rapport
écrit de M. Lambert fait ressortir très clairement les comparaisons européennes
en la matière.
Par ailleurs, je m'interroge sur la rupture de l'égalité devant l'impôt entre
les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés et les entreprises
assujetties à l'impôt sur le revenu, dans la mesure où ces dernières
continueront à bénéficier du taux réduit d'imposition.
Tout à l'heure, à propos de l'article 1er, maintenant supprimé, je craignais
qu'il n'y eût inégalité de traitement entre des entreprises se trouvant dans
des situations économiques analogues. A l'article 2, c'est encore pire !
Quant au caractère rétroactif de la mesure, il est incontestable.
Enfin, comme M. le rapporteur nous l'indiquait, le chiffrage de cette mesure,
près de 7 milliards de francs en 1997, ne nous paraît pas convaincant car, en
regard de cette somme et de celle qui est évaluée pour 1998, il y aura des
moins-values provenant de la cession d'actifs désormais exclus du régime des
plus-values à long terme, ce qui est probablement de nature à limiter l'impact
de cette mesure en termes de rentabilité fiscale.
Pour l'ensemble de ces raisons, je crois qu'il convient, une nouvelle fois, de
suivre la commission des finances.
11
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION CHINOISE
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais, en votre nom, saluer les membres de la délégation officielle du ministère chinois de l'hydraulique qui nous font l'honneur d'assister à nos travaux pendant quelques intants. (M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
12
MESURES URGENTES
À CARACTÈRE FISCAL ET FINANCIER
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, portant mesure urgentes à
caractère fiscal et financier.
Article 2
(suite)
M. le président.
Sur l'article 2, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
Par amendement n° 7, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du premier alinéa du
texte présenté par l'article 2 pour le a
quater
à insérer au I de
l'article 219 du code général des impôts, de supprimer les mots : « à
l'exception des parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du a
ter
».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
J'ai déjà décrit tous les inconvénients que présentent ces
dispositions. Ils justifient largement la suppression de l'article 2.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 7.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement porte sur le champ d'application de l'article 2, qui tend à
modifier le régime de taxation des plus-values de cession d'actifs.
Nous avons indiqué dans la discussion générale que cet article répondait à
l'un de nos souhaits les plus anciens, à savoir la suppression d'un régime
séparé d'imposition des plus-values, régime qui constitue une prime fiscales
accordée à des opérations aux conséquences souvent néfaste sur l'emploi, quand
elles ne menacent pas l'existence même des entreprises.
Dans le contexte économique actuel, il nous paraît indispensable de mettre un
terme à cette situation. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement,
d'étendre le champ d'application de l'article 2 aux cessions de titres de
participation.
De notre point de vue, l'exclusion des ces opérations limite considérablement
la portée de la mesure qui nous est proposée. En effet, le maintien du régime
séparé pour de telles opérations serait en fait interprété comme une sorte de
prime à la spéculation, les plus-values résultant bien souvent de la
valorisation enregistrée sur les marchés financiers.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Je tiens à féliciter Mme Beaudeau de son
excellente intervention, qui justifie pleinement que nous supprimions l'article
2. En effet, l'extension qu'elle propose serait particulièrement pénalisante
pour les entreprises françaises !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7 ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Au-delà de ce que vient de faire valoir M. le président
Poncelet, l'amendement défendu par Mme Beaudeau remédie à deux inconvénients
que nous avions recensés : la difficulté de lisibilité et la complexité.
(Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Effectivement, c'est clair !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
C'est si clair, ma chère collègue, que cela va peut-être un
peu trop loin pour la commission des finances. Cell-ci n'est donc pas favorable
à cet amendement, mais elle écoutera avec la plus grande attention l'avis que
va émettre le Gouvernement à son sujet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 2 et 7 ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement rejette évidemment l'amendement n° 2.
Mais je voudrais apporter quelques précisions en réponse aux propos de MM.
Lambert et Marini.
En ce qui concerne la rétroactivité, je me réjouis que le président Poncelet
mobilise des juristes aussi éminents que le professeur Luchaire pour réfléchir
sur cette question.
Si l'on s'en tient à une conception très extensive de la rétroactivité, selon
laquelle il n'est pas possible de modifier en fin d'année des dispositions
fiscales qui portent sur les revenus de l'année en cours, cela signifie qu'on
ne saurait modifier ni l'impôt sur le revenu pour l'année en cours ni l'impôt
sur le bénéfice des sociétés.
Par conséquent, pour ma part, j'en reste à la règle juridique selon laquelle
le fait générateur est la clôture de l'exercice, quel que soit, par ailleurs,
l'intérêt des observations présentées par le professeur Luchaire au sein du
groupe animé par le président Poncelet.
M. Marini, quant à lui, s'est plaint de ce que le traitement des plus-values
soit différent selon que les entreprises sont imposées à l'impôt sur le revenu
ou à l'impôt sur le bénéfice des sociétés. J'avoue ne pas bien comprendre la
logique de son argumentation puisque le revenu proprement dit de ces
entreprises fait déjà l'objet d'un traitement différent.
S'agissant de l'amendement n° 7, trois arguments expliquent une certaine
réserve de la part du Gouvernement.
Tout d'abord, l'amendement vise des opérations sur des titres de participation
et non pas des activités spéculatives, qui voient des entreprises acheter et
vendre des titres à court terme. Il s'agit donc d'une des modalités de
l'activité industrielle, qui s'exerce souvent dans des groupes intégrés, avec
des sociétés mères, des filiales, des donneurs d'ordre, des sous-traitants.
Autrement dit, ces plus-values sur les titres de participation ressortissent
au moins autant à l'activité industrielle qu'à l'activité financière. En fait,
elles proviennent de la capitalisation de bénéfices issus de l'activité
productive des filiales et qui ont déjà été imposés.
Par ailleurs, même si l'on peut ne pas partager ce point de vue, nous nous
trouvons au coeur de la compétition européenne, dans une guerre économique
mondiale. Dès lors, il ne faudrait pas que les groupes de sociétés se
délocalisent en raison du régime fiscal des titres de participation, ce qui ne
pourrait que desservir l'intérêt national.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Absolument !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Enfin, en supprimant l'exception relative aux titres
de participation, les auteurs de l'amendement retirent également l'exception
relative aux actions de sociétés de capital-risque ou de fonds communs de
placements à risque. Or je crois qu'il est utile de réserver un sort
particulier à ces activités elles-mêmes particulières.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. René Régnault.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le rapporteur, je comprends de moins en moins votre argumentation.
Tout à l'heure, vous nous avez proposé la suppression de l'article 1er au
motif que ces dispositions nous éloigneraient de la situation qui prévaut chez
nos partenaires européens. Or vous nous proposez maintenant de rejeter une
mesure qui tend à aligner notre législation sur celles que connaissent ces
mêmes partenaires.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Vous ne m'avez pas bien écouté !
M. Emmanuel Hamel.
Pas d'alignement ! Restons libres !
M. René Régnault.
Quant au reste de votre argumentation, elle est également loin de me
convaincre. Cette mesure, dites-vous, accroîtrait la complexité de notre
législation fiscale. Pour ma part, je considère au contraire qu'elle tend à la
simplifier puisqu'il s'agit de supprimer un taux réduit au bénéfice de
l'application du taux normal.
Dans ces conditions, nous ne pourrons que voter contre l'amendement n° 2.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
4:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 217 |
Contre | 97 |
En conséquence, l'article 2 est supprimé et l'amendement n° 7 n'a plus d'objet.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. _ I. _ A. _ L'article 1668 du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Le premier alinéa du 1 est complété par les mots : "et à 19 % du
résultat net de la concession de licences d'exploitation des éléments
mentionnés au 1 de l'article 39
terdecies
. Le bénéfice de référence
s'entend des bénéfices soumis aux taux fixés au deuxième alinéa et au f du I de
l'article 219" ;
« 2° Le 4
bis
est ainsi rédigé :
« 4
bis.
L'entreprise qui estime que le montant des acomptes déjà
versés au titre d'un exercice est égal ou supérieur à la cotisation totale
d'impôt sur les sociétés dont elle serait redevable au titre de l'exercice
concerné, déterminée selon les modalités prévues au premier alinéa du 1,
prenant en compte l'impôt qui résulterait des cessions d'éléments d'actifs
soumis au régime des plus-values et moins-values à long terme et avant
imputation des crédits d'impôt et avoirs fiscaux, peut se dispenser de nouveaux
versements d'acomptes en remettant au comptable du Trésor chargé du
recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du prochain
versement à effectuer, une déclaration datée et signée. » ;
« 3° Le 4
ter
est abrogé.
« B. _ Les dispositions du A sont applicables aux acomptes échus au cours
d'exercices ouverts à compter du 1er janvier 1998.
« II. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1668 C
ainsi rédigé :
«
Art. 1668 C
. _ Les dispositions des I à III de l'article 1668 B sont
applicables à la contribution temporaire mentionnée à l'article 235
ter
ZB.
« Toutefois, le versement anticipé prévu au III de l'article 1668 B est fixé à
15 % pour les exercices clos avant le 1er janvier 1999 ou les périodes
d'imposition arrêtées aux 31 décembre 1997 et 1998, et à 10 % pour les
exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier et le 31
décembre 1999. »
« III. _ A. _ Si l'exercice ouvert en 1997 est clos à compter du 1er septembre
de la même année, l'entreprise est tenue d'acquitter, au plus tard le 15
décembre de cette année, un acompte complémentaire d'impôt sur les sociétés
fixé à 33,1/3 % de la fraction du résultat de l'exercice précédent qui,
réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997,
relèverait du taux mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code
général des impôts, en application du a
quater
du I du même article, et
à 19 % du résultat net de la concession de licences d'exploitation des éléments
mentionnés au 1 de l'article 39
terdecies
du même code, du dernier
exercice dont les résultats ont été déclarés, le cas échéant ramené à douze
mois.
« B. _ Les dispositions du 1 de l'article 223 N et du 4 de l'article 1920 du
code général des impôts s'appliquent à l'acompte complémentaire visé au A ; les
dispositions du 4
bis
de l'article 1668 du même code ne s'appliquent pas
au même acompte.
« IV. _ Si l'exercice ouvert en 1997 est clos à compter du 1er septembre de la
même année, le versement anticipé prévu au III de l'article 1668 B du code
général des impôts est calculé en tenant compte d'une taxation au taux de
33,1/3 % de la fraction du résultat de l'exercice précédent qui, réalisée au
cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997, relèverait du taux
mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 219 du même code, en application
du a
quater
du I de cet article. Ces dispositions ne sont pas
applicables aux entreprises qui doivent s'acquitter du versement anticipé au
plus tard le 15 septembre 1997.
« Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent également pour le
versement anticipé de la contribution mentionnée à l'article 235
ter
ZB
du code général des impôts.
« V. _ Pour les entreprises dont l'exercice est clos avant le 1er septembre
1997, la contribution temporaire prévue à l'article 235
ter
ZB du code
général des impôts est versée au plus tard le 15 décembre 1997.
« Pour celles dont l'exercice est clos entre le 1er septembre et le 31
décembre 1997 inclus ou celles dont la période d'imposition est arrêtée au 31
décembre 1997, le versement anticipé de cette contribution prévu au II dû au
titre de cet exercice ou de cette période est effectué au plus tard le 15
décembre 1997.
« VI. _ Les entreprises ayant ouvert un exercice à compter du 1er janvier 1997
qui a été clos avant le 1er septembre, et pour lequel le délai de dépôt de la
déclaration prévu au deuxième alinéa du 1 de l'article 223 du code général des
impôts est expiré avant la publication de la présente loi, déposent au plus
tard le 30 novembre 1997 une déclaration rectificative prenant en compte les
dispositions du a
quater
du I de l'article 219 du même code et procèdent
à une nouvelle liquidation de l'impôt sur les sociétés et de la contribution
prévue à l'article 235
ter
ZA dans les conditions du 2 de l'article 1668
et du I de l'article 1668 B de ce code. »
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
J'y renonce, monsieur le président, car tous les arguments nécessaires ont
déjà été exposés dans le cours du débat.
Par amendement n° 3, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer
l'article 3.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement est la conséquence de la suppression des
articles 1er et 2.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je suis aussi cohérent que M. le rapporteur. J'émets
donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
M. René Régnault.
Le groupe socialiste vote contre.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je souhaiterais, après le rejet des trois premiers
articles du projet de loi, exprimer à la fois du respect et un regret : respect
pour la qualité du débat que nous avons eu et regret que ces dispositions aient
été rejetées.
J'ai l'impression que, après avoir objectivement montré qu'il y avait un
problème, l'opposition s'est réfugiée dans une attitude, tout à fait légitime,
qui consiste soit à nier le problème, soit à nier la solution envisagée par le
Gouvernement, sans pour autant proposer sa propre solution. Je regrette cette
attitude, qui est démocratique mais peu constructive en la matière.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Avec la même courtoisie que M. le secrétaire
d'Etat, je lui dirai que, s'il a bien écouté les orateurs qui se sont exprimés
au nom de la majorité sénatoriale, et donc de l'opposition gouvernementale, il
a pu se rendre compte que nous avons proposé des solutions : nous souhaitons
une réduction forte de la dépense publique. C'est la démarche que nous avons
empruntée dans le passé et qui a, bien sûr, conduit à des résultats positifs,
dont le Gouvernement bénéficie d'ailleurs maintenant puisque la croissance
augmente.
Le Gouvernement a adopté une démarche inverse en recourant à l'impôt. Nous
vous avons dit, à plusieurs reprises, que le niveau des prélèvements
obligatoires est, en France, nettement supérieur à celui de tous les autres
pays de la Communauté européenne. Il faudra bien que, un jour ou l'autre, vous
ou nous, nous engagions une procédure qui consiste à abaisser les prélèvements
obligatoires dans l'intérêt de l'économie française.
M. René Régnault.
Nous allons en parler à partir de la semaine prochaine !
Article 4
M. le président.
« Art. 4. _ I. _ Les ouvrages du réseau d'alimentation générale en énergie
électrique, à l'exclusion de ceux affectés à la distribution publique, sont
réputés constituer la propriété d'Electricité de France depuis que la
concession de ce réseau lui a été accordée.
« II. _ Pour l'application des dispositions du I, au 1er janvier 1997, la
contre-valeur des biens en nature mis en concession du réseau d'alimentation
générale figurant au passif du bilan d'Electricité de France est inscrite,
nette des écarts de réévaluation correspondants, au poste « dotations en
capital. »
Par amendement n° 11, M. Lambert, au nom de la commission, propose :
I. - Dans le paragraphe I de cet article, de supprimer les mots : « , à
l'exclusion de ceux affectés à la distribution publique, » ;
II. - De compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé
:
« III. - A compter du 1er janvier 1997, tout ouvrage du réseau d'alimentation
générale en énergie électrique amené à être reclassé pour relever ensuite du
régime de la distribution publique sera remis gratuitement par Electricité de
France à l'autorité concédante concernée. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement d'ordre rédactionnel concerne une disposition
qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale.
Il tend à préciser de façon formelle que les collectivités territoriales
demeurent propriétaires des ouvrages du réseau de distribution de
l'électricité.
Tel qu'il était rédigé, l'amendement de l'Assemblée nationale laissait
accroire que les ouvrages du réseau de distribution pouvaient être inclus dans
le réseau d'alimentation générale, le RAG, alors que chaque type d'ouvrage est
en réalité repertorié de manière exclusive.
Mais si la frontière entre les ouvrages du RAG et les ouvrages du réseau de
distribution est étanche, elle n'est pas définitive. Il peut arriver, du fait
notamment de l'urbanisation ou de l'intercommunalisation, que des ouvrages du
RAG soient reclassés à l'avenir dans le réseau de distribution publique. Cet
amendement pose donc le principe d'un transfert à titre gratuit au bénéfice des
collectivités locales.
Je profite de cet amendement pour rappeler les dispositions de l'article 16 de
la loi de nationalisation de l'électricité et du gaz du 8 avril 1946 : le
capital d'EDF « appartient à la nation » et « il est inaliénable ». « En cas de
pertes d'exploitation, il doit être reconstitué sur les résultats des exercices
ultérieurs. » Ainsi, le transfert de la propriété des ouvrages du RAG de l'Etat
à EDF n'aliène en rien la nation, puisqu'elle demeure le propriétaire
in
fine
de ces biens par la voie de l'Etat qui est l'unique actionnaire
d'EDF.
Par ailleurs, notre collègue M. Yann Gaillard, qui pourrait opportunément
éclairer le Sénat de ses connaissances sur le sujet, aurait souhaité obtenir
des précisions sur le futur statut des lignes à haute tension qui sont en même
temps des lignes de distribution, ce qui doit être parfois le cas à Paris.
De plus, la commission des finances, à l'unanimité, sur la demande de nos
collègues MM. Yann Gaillard et Michel Moreigne, a souhaité que soit établi de
manière contradictoire un état des lieux des lignes EDF avant l'entrée en
vigueur de l'article que nous allons voter.
En effet, il nous a semblé que des erreurs de classement ont pu être commises
et qu'il convenait donc, à cette occasion, de les réparer. Le président de la
commission et plusieurs collègues ont également souhaité que soit lancé un
débat de fond sur les pylônes et lignes à haute tension qui ne sont pas soumis
au même régime fiscal que la basse et moyenne tension.
Sur ces trois points, c'est-à-dire le statut des lignes à haute tension de
distribution, l'état de la répartition des lignes entre transport et
distribution ainsi que le régime fiscal des pylônes à haute tension, la
commission souhaite obtenir des renseignements très précis du Gouvernement.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement étant dû à la qualité du travail
parlementaire en général, le Gouvernement ne peut qu'y être favorable.
Cet amendement lève toute ambiguïté qui aurait pu exister sur la frontière
entre le réseau d'alimentation générale et la distribution publique. Il précise
bien que s'il y a « respiration », comme on dit, c'est-à-dire changement de
frontière au sein du réseau de transport d'électricité, il n'en résultera aucun
coût pour les collectivités locales. Tout cela est extrêmement positif, car
c'est cartésien.
J'en viens aux pylônes à haute tension. Ceux qui supportent des lignes de
tension supérieure à 200 kilovolts sont aujourd'hui imposés forfaitairement à
titre de compensation du préjudice esthétique et fonctionnel qu'ils
occasionnent. Ceux qui sont en dessous de 200 kilovolts bénéficient d'un régime
différent.
Vous avez parlé d'une sorte d'inventaire. Il est clair que celui-ci devra être
dressé. Cependant, il n'est pas question de le faire avant l'adoption de ce
projet de loi.
En résumé, le Gouvernement est, bien entendu, favorable à cet enrichissement
parlementaire du texte qu'il a proposé.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Très bien !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
M. le rapporteur a exprimé très clairement notre inquiétude. Je comprends bien
que ce recensement ne puisse pas être fait avant le vote de la loi. Toutefois,
il devra être réalisé avant que les écritures comptables soient passées,
notamment toutes celles qui ont trait à l'inscription de la contre-valeur du
RAG au poste « dotations en capital » du bilan d'EDF, sinon il y aura des
inexactitudes. Il s'agit tout de même d'une opération assez urgente.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 4.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'expérience politique me conduit à dire qu'un problème de forme cache souvent
un problème de fond. S'agissant de l'article 4 du projet de loi, j'ai le
sentiment que l'on nous demande de nous prononcer sur une question de fond. Les
propos qui ont été tenus ne nous rassure absolument pas sur les conséquences de
cet article.
Depuis que nous avons pris connaissance de ce projet de loi, nous avons
cherché à connaître la finalité de cette volonté de restructuration du bilan
d'EDF. Ce matin, j'ai formulé de nombreuses remarques au cours de mon
intervention dans la discussion générale.
Dans un souci de clarté, je crois utile de poser cette question, surtout
lorsque dans le numéro de septembre de
« La vie électrique »
- revue que
nous recevons tous - on apprend que cette opération « donnera une grande
crédibilité à EDF auprès des places financières » et lui donnera des atouts «
pour faire face, dans les meilleures conditions, à l'élargissement de la
concurrence ».
Cette volonté de « donner à EDF une structure de bilan comparable à celle de
ses concurrents, notamment européens », comme l'a souligné le président de la
commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Henri Emmanuelli, et le
rapporteur de la commission des finances du Sénat, M. Lambert, est-elle à
mettre en rapport avec la déréglementation dans le secteur de l'énergie que
tente d'imposer le Conseil européen de l'énergie en s'appuyant sur le traité de
Maastricht qui, dans son article 129 B, je vous le rappelle, pose le principe
de la constitution de réseaux transeuropéens en matière de transport, de
télécommunications et d'énergie, et cela dans le cadre « d'un système de
marchés ouverts et concurrentiels ».
Si cet article 4, qui aura pour conséquence un démembrement du domaine public
de l'Etat, s'intègre dans cette perspective, il est fort à craindre que l'on ne
s'achemine, à brève échéance, vers une ouverture du capital d'Electricité de
France et une filialisation accélérée de ses activités. A terme, c'est la
séparation entre l'activité de gestionnaire de réseau et celle de production
d'énergie, secteur ouvert à la concurrence, comme nous y invite d'ailleurs la
directive européenne adoptée lors de la réunion du Conseil européen de
l'énergie en 1996.
Le groupe communiste républicain et citoyen est opposé à une telle perspective
pour Electricité de France. Aussi, nous combattrons toutes les tentatives de
démantèlement. Telle est la raison pour laquelle notre groupe votera contre cet
article.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Madame Beaudeau, je tiens à vous rassurer : cette
mesure, loin de handicaper Electricité de France, me paraît positive.
Electricité de France est l'une des plus grandes, sinon la plus grande
compagnie européenne d'électricité. Personne ne conteste son monopole en
France.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
En France, personne, mais au niveau européen,
si !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le monopole du transport d'électricité est acquis au
niveau européen !
Il s'agit désormais de permettre à Electricité de France de développer ses
activités à l'extérieur du territoire français. C'est par une politique
d'exportation tant du savoir-faire de ses ingénieurs, de ses techniciens, que
d'électricité que l'on pourra non seulement conforter mais aussi développer
l'emploi à Electricité de France.
Il n'y a donc pas de rapport entre cette mesure de transparence comptable qui
vous est proposée et un quelconque projet de porter atteinte à la qualité et à
la croissance d'une entreprise à laquelle tous les Français sont attachés.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté).
Article additionnel après l'article 4
M. le président.
Par amendement n° 8, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. Le deuxième alinéa (1°) du I de l'article 267 du code général des impôts
est complété par les mots : "sauf la taxe communale sur l'électricité
instituée par la loi du 13 août 1926, la taxe sur certaines fournitures
d'électricité et la taxe départementale sur l'électricité.". »
« II. Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à
due concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'article 4 du présent projet de loi a des défauts, certes, mais au moins une
qualité.
S'il est bien loin de répondre, à notre sens, aux exigences du moment en
matière de développement de nos services publics, il permet d'ouvrir le débat
sur la question des relations entretenues entre EDF et l'Etat.
Nous faisons partie de ceux qui n'ont pu que regretter que l'entreprise
publique soit considérée, et ce depuis plusieurs années, comme une sorte de «
vache à lait » par un budget général en difficulté.
Relèvement du taux de TVA grevant les abonnements, relèvement entièrement
supporté par l'entreprise publique, prélèvements exceptionnels à répétition
dans le cadre de collectifs budgétaires hâtivement bouclés, mise à contribution
au travers d'une société commune avec la CNR, la compagnie nationale du Rhône,
pour financer la réalisation de la liaison à grand gabarit Rhin-Rhône, telles
sont quelques-unes des mesures qui ont marqué l'histoire récente.
EDF est donc devenu contre son gré un contributeur net du budget de la nation,
alors même que l'entreprise demeure confrontée à des enjeux particuliers en
matière d'aménagement du territoire, enjeux qu'elle relève d'ailleurs avec
succès.
Pour autant, l'une des particularités de la situation de l'entreprise publique
est aussi de devoir percevoir, pour le compte du budget des collectivités
locales, des taxes locales sur l'électricité, taxes elles-mêmes grevées de TVA
au taux normal.
L'amendement n° 8 vise donc tout simplement à mettre un terme à cette
situation qui aboutit à l'existence aujourd'hui, d'une sorte de taxe sur la
taxe.
En abrogeant ces dispositions, vous permettrez aux usagers de notre réseau
électrique de bénéficier d'une légère mais toujours utile diminution du montant
de leur facture.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à adopter cet
amendement, mes chers collègues.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable, monsieur le
président. En effet, cet amendement vise en réalité à revenir au droit
antérieur à 1991. Or, pour la commission des finances, les principes généraux
de la TVA n'autorisent pas les dispositions contenues dans cet amendement.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
C'est la continuité !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement tend effectivement à revenir à une
situation qui existait avant 1991 et qui a été contredite par une décision
européenne validée elle-même par un arrêt du Conseil d'Etat du 3 mars 1993.
Quels que soient les souhaits que l'on puisse avoir en la matière, il n'est
pas juridiquement possible de revenir à la situation antérieure à 1991. Nous
sommes par conséquent contraints d'inclure les taxes locales sur l'électricité
dans la base d'imposition à la TVA.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. _ A l'article 7 de la loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant
diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne
industrielle, modifié par la loi n° 96-209 du 14 mars 1996 visant à étendre aux
collectivités locales et à leurs groupements l'accès aux prêts distribués à
partir de fonds déposés sur les comptes pour le développement industriel afin
d'accompagner le développement ou l'implantation des petites et moyennes
entreprises et à créer une obligation d'information sur l'utilisation de ces
fonds, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1996" sont remplacés par les
mots : " , entre la date d'entrée en vigueur de la loi n° 96-209 du 14
mars 1996 et le 31 décembre 1998,". »
- (Adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Marini propose d'insérer, après l'article 5, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa de l'article 7 de la loi n° 83-607 du 8 juillet
1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et
à l'épargne industrielle modifié par la loi n° 96-209 du 14 mars 1996 visant à
étendre aux collectivités locales et à leurs groupements l'accès aux prêts
distribués à partir de fonds déposés sur les comptes pour le développement
industriel afin d'accompagner le développement ou l'implantation des petites et
moyennes entreprises et à créer une obligation d'information sur l'utilisation
de ces fonds, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, avant l'ouverture de la session ordinaire, le Gouvernement
dépose au Parlement un rapport évaluant les conséquences économiques, sociales
et financières pour le développement et l'implantation des petites et moyennes
entreprises, de l'utilisation, par les collectivités locales et leurs
groupements, des possibilités de prêts offertes par l'alinéa précédent. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet
amendement fait suite à la prolongation de l'utilisation d'une fraction du
produit des CODEVI pour financer certains investissements des collectivités
locales.
Comme M. le rapporteur le rappelait ce matin, cette mesure, dont nous avions
adopté le principe au début de l'année, ne nous semble pas, bien qu'allant dans
le bon sens, avoir une portée économique considérable.
Toutefois, il semblerait utile d'en savoir un peu plus sur son efficacité
réelle. C'est pourquoi je suggère, à travers cet amendement, qu'un bilan du
dispositif soit effectué annuellement et qu'un rapport soit remis au Parlement
afin que les membres de ce dernier puissent connaître l'efficacité réelle de
cette mesure qui, par-delà les alternances, semble devoir être confirmée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
La commission trouve parfaitement légitime de s'interroger
sur les effets économiques de la loi Gest, notamment pour s'assurer que le
CODEVI n'est pas distrait de son objectif d'intérêt général.
Elle a émis un avis de sagesse sur cet amendement, parce qu'elle ne souhaite
pas - je sais que M. Marini est du même avis - qu'une disposition de ce type
soit interprétée comme une volonté de pérennisation du dispositif.
M. Philippe Marini.
Tout à fait !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Toute évaluation est bonne à faire. Celle-là,
semble-t-il, sera techniquement assez difficile à réaliser ; mais on ne peut
pas refuser
a priori
le principe d'une évaluation d'une mesure de
politique économique. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. Emmanuel Hamel.
Nous sommes sensibles au fait que le Gouvernement invoque la sagesse du Sénat
!
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel la commission et le
Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. _ I. _ La société dénommée Banque du développement des PME est régie
par les dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la
démocratisation du secteur public applicables aux sociétés visées au 5 de
l'article 1er de ladite loi.
« II. _ Pour l'application des articles 14, 15 et 17 de cette même loi, est
regardée comme filiale de la société dénommée Banque du développement des PME
au sens du 4 de l'article 1er de la même loi toute société dont elle détient
plus de la moitié du capital social, soit directement, soit par l'intermédiaire
d'une seule de ses filiales ou conjointement avec une seule filiale.
« III. _ Le second alinéa de l'article 54 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier est supprimé. »
- (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 6
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Marini propose, après l'article 6, d'insérer un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du code général des
impôts, les mots : "dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la
moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des
sociétés privées" sont remplacés par les mots : "dans la mesure où le
taux retenu correspond à des conditions normales de marché".
« II. - Dans le
b
du 4°
ter
du 1 de l'article 207 du code
général des impôts, les mots : "celui prévu au 3° du 1 de l'article
39" sont remplacés par les mots : "un taux égal à la moyenne annuelle
des taux de rendement brut, sur le marché secondaire, des emprunts à long terme
du secteur privé".
« III. - Dans le neuvième alinéa du I de l'article 39
quinquies
du code
général des impôts, les mots : "au premier alinéa du 3° du 1 de l'article
39" sont remplacés par les mots : "au
b
du 4°
ter
de
l'article 207".
« IV. - Dans le
c
du I de l'article 125 C du code général des impôts et
dans la première phrase du septième alinéa du I de l'article 238
bis
-0I
du même code, les mots : "au 3° du 1 de l'article 39" sont remplacés
par les mots : "au
b
du 4°
ter
de l'article 207".
« V. - Les dispositions des paragraphes I à IV ci-dessus s'appliquent pour
déterminer les résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier
1997.
« VI. - Les pertes de recettes résultant de l'application des dispositions des
paragraphes I à V ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement
des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
La réglementation fiscale française pénalise la remontée des excédents de
trésorerie des filiales auprès de leur maison mère.
En effet, notre pays est à présent, à ma connaissance, le seul de l'Union
européenne à fixer un taux limite de déductibilité fiscale des intérêts versés
par une filiale à sa maison mère, en vertu des dispositions du code général des
impôts relatives aux intérêts sur compte courant d'associés.
Le taux retenu par ces dispositions en vigueur est le TMO, publié au
Journal officiel,
taux qui avait un sens autrefois mais qui n'en a plus
aujourd'hui puisque nulle émission obligataire ne s'y est référée depuis 1987,
soit depuis dix ans.
C'est pourquoi l'amendement n° 5, dont la rédaction a d'ailleurs été précédée,
ces derniers mois, d'une concertation avec les services du ministère de
l'économie et des finances, vise à en finir avec une référence devenue aussi
irréelle.
Le principe même d'une norme générale en la matière, à savoir la fixation d'un
seul taux quels que soient la nature et le secteur de la société, semble
contestable. Dans le cas d'une petite ou moyenne entreprise, l'intérêt versé
aux associés ne peut excéder la rémunération obtenue auprès des meilleures
signatures du marché.
Pour les groupes d'entreprise, la référence actuelle se révèle inadaptée au
cas des avances entre membres effectuées dans une devise dont le taux monétaire
est supérieur au taux obligataire sur le franc.
C'est pourquoi, cherchant à tirer les conséquences de cette situation un peu
complexe mais
a priori
anormale, je propose de supprimer le principe
d'un taux plafond uniforme fixé par la législation et d'autoriser l'application
d'un taux représentatif des conditions normales de marché pour l'entreprise
considérée, compte tenu de la nature de son activité, c'est-à-dire de la devise
utilisée pour le flux financier et des échéances des avances en question.
En outre, dans les cas où la référence à un index reste nécessaire, cet
amendement vise à remplacer le TMO par son substitut actuellement utilisé, le
taux privé à long terme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement
avant de se prononcer.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je suis très heureux de participer à cette heure à un
débat d'experts.
M. Philippe Marini, si j'ai bien compris et pour utiliser une image, propose
de remplacer les degrés centigrades par les degrés Celsius, ou plutôt par les
degrés Marini !
(Sourires.)
Pour ma part, je suis plutôt partisan de la simplicité. Tout
le monde connaît le TMO. Et l'idée de créer des emplois chez les experts
financiers pour trouver une autre référence ne me paraît peut-être pas la
meilleure méthode qui soit.
(Nouveaux sourires.)
J'ajoute que le lien entre cette proposition et le texte que nous
examinons aujourd'hui me paraît quelque peu ténu.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Compte tenu des explications qui viennent d'être données par
M. le secrétaire d'Etat et conformément à la recommandation de la commission,
je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Mais peut-être M.
Marini acceptera-t-il de le retirer, après avoir obtenu des précisions
complémentaires ?
M. le président.
Monsieur Marini, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je suis étonné de la réponse qui m'a été faite par M. le secrétaire d'Etat.
Le projet de loi porte mesures à caractère fiscal et financier. Or, il s'agit
d'une mesure de nature fiscale. J'ajoute que le projet de loi traite de mesures
« urgentes » et qu'il me paraît effectivement urgent de régler maintenant ce
problème, posé maintenant depuis plusieurs années à l'administration de
l'économie et des finances. Cette disposition a donc bien sa place, à mon avis,
dans le projet de loi dont nous débattons.
Au demeurant, sur le fond des choses, je répète que le TMO n'est plus un taux
de marché tel qu'il l'était à l'époque où cette disposition a été prise.
Moribond depuis plusieurs années, il n'a pas pu être déterminé et doit souvent
être remplacé par un taux de substitution.
Nous ne sommes plus en conformité avec les textes, monsieur le secrétaire
d'Etat. C'est bien une réalité. Ce taux est obsolète car, je le répète, depuis
dix ans, aucune émission obligataire n'a été libellée par rapport à cet index.
C'est un taux franco-français totalement désuet compte tenu de l'évolution des
marchés financiers en Europe.
Les dispositions actuelles ont un effet dommageable, car elles entravent la
centralisation des fonds de trésorerie sur une maison mère française, ce qui
peut avoir comme conséquence d'inciter des groupes de sociétés à localiser
leurs excédents de trésorerie ailleurs qu'en France. Or, d'après ce que l'on
m'a indiqué, ce n'est pas du tout un cas de figure théorique.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles il serait à mon avis tout à
fait raisonnable de donner suite à la proposition qui est contenue dans
l'amendement n° 5 et qui a été étudiée assez longuement, je le répète, avec les
services de vos prédécesseurs, ainsi qu'avec l'association française des
trésoriers d'entreprise.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 6.
Par amendement n° 9, MM. Huriet et Badré proposent d'insérer, après l'article
6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 181-1 du code de la sécurité sociale est remplacé par les
dispositions suivantes :
«
Art. L. 181-1.
- Sont applicables dans les départements du Haut-Rhin,
du Bas-Rhin et de la Moselle les dispositions particulières prévues :
« 1° Pour l'assurance maladie, par les articles L. 242-13, L. 325-1 et L.
325-2 ;
« 2° Pour l'assurance vieillesse, par les articles L. 215-5 à L. 215-7, L.
357-1 à L. 357-4-1 et L. 357-14 à L. 357-21 ;
« 3° Pour l'assurance invalidité, par les articles L. 215-5 à L. 217-7, L.
357-1, L. 357-5 à L. 357-8 et L. 357-14 à L. 357-21 ;
« 4° Pour l'assurance veuvage, par les articles L. 215-1 à L. 215-7, L. 357-1
et L. 357-9 à L. 357-21 ;
« 5° Pour l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles, par
les articles L. 242-7-1, L. 434-19 et L. 482-1 à L. 482-3. »
« II. - Le paragraphe 4 de la sous-section 2 de la section I du chapitre II du
titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complété par un article
L. 242-7-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 242-7-1. -
Un décret détermine les modalités selon lesquelles
les règles de tarification des risques d'accidents du travail et des maladies
professionnelles du régime général sont rendues applicables dans les
départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. »
« III. - 1° Les deux premiers alinéas de l'article L. 242-13 du code de la
sécurité sociale sont remplacés par les dispositions suivantes :
« La cotisation d'assurance maladie à la charge des assurés du régime local
d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin,
du Bas-Rhin et de la Moselle mentionnés aux 1°, 2° et 3° du premier alinéa du
II de l'article L. 325-1 est assise sur leurs gains ou rémunérations et
précomptée par leurs employeurs au bénéfice de ce régime.
« Une cotisation à la charge des assurés de ce même régime local mentionnés
aux 5° à 11° du premier alinéa et au deuxième alinéa du II de l'article L.
325-1 peut être précomptée au bénéfice de ce régime sur les avantages de
vieillesse et les autres revenus de remplacement qui leur sont servis. »
« 2° Au troisième alinéa de ce même article, après les mots : "du régime
local", sont insérés les mots : "mentionné à l'article L.
352-2".
« IV. - Il est inséré au chapitre V du titre II du livre III du code de la
sécurité sociale deux articles ainsi rédigés :
«
Art. L. 325-1
- I. - Le régime local d'assurance maladie
complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la
Moselle assure à ses bénéficiaires des prestations servies en complément de
celles du régime général des salariés prévues aux 1°, 2°, 4° et 7° de l'article
L. 321-1, pour couvrir tout ou partie de la participation laissée à la charge
de l'assuré en application de l'article L. 322-2. Il peut prendre en charge
tout ou partie du forfait journalier institué à l'article L. 174-4. Ces
prestations sont déterminées par le conseil d'administration de l'instance de
gestion du régime local dans des conditions définies par décret.
« II. - Le régime local est applicable aux catégories d'assurés sociaux du
régime général des salariés mentionnées ci-après :
« 1° Salariés d'une entreprise ayant son siège social dans les départements du
Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle, quel que soit leur lieu de travail en
France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer et salariés
travaillant dans l'un de ces trois départements pour une entreprise ayant son
siège hors de ces départements, dès lors que la cotisation d'assurance maladie
mentionnée au premier alinéa de l'article L. 242-13 est précomptée sur leurs
gains ou rémunérations ;
« 2° Maîtres contractuels et agréés des établissements d'enseignement privé
sous contrat, agents non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics
administratifs, agents non titulaires des collectivités territoriales et des
établissements visés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant
diverses dispositions statutaires relatives à la fonction publique
hospitalière, qui exercent leur activité dans les départements du Haut-Rhin, du
Bas-Rhin ou de la Moselle, dès lors que la cotisation d'assurance maladie
mentionnée au premier alinéa de l'article L. 242-13 est précomptée sur leurs
gains ou rémunérations ;
« 3° Salariés visés au 1° et qui, afin de retrouver un emploi, ont, à la date
de publication de la présente loi et après avoir été admis au bénéfice des
allocations versées par les associations pour l'emploi dans l'industrie et le
commerce (ASSEDIC), quitté le département du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la
Moselle, et redeviennent salariés d'une entreprise non soumise au régime local
pour l'ensemble de ses salariés. Cette prise en charge est subordonnée à des
conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et dès lors que la cotisation
supplémentaire d'assurance maladie visée au premier alinéa de l'article L.
242-13 est précomptée sur leurs rémunérations ou gains ;
« 4° Salariés du port autonome de Strasbourg, dès lors que la cotisation
d'assurance maladie mentionnée au premier alinéa de l'article L. 242-13 est
précomptée sur leurs gains et rémunérations ;
« 5° Personnes visées aux articles L. 161-1, L. 161-8 et L. 161-9, quel que
soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans les départements
d'outre-mer, qui ont été bénéficiaires du régime local en qualité d'assurés ou
d'ayants droit du régime général et qui continuent à en bénéficier pendant la
durée du maintien de droits au régime général ;
« 6° Titulaires de revenus de remplacement, indemnités et allocations de
chômage mentionnés à l'article L. 311-5, quel que soit leur lieu de résidence
en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer, qui, soit ont
bénéficié du régime local en qualité de salariés, soit ont rempli, en qualité
de travailleurs frontaliers au sens du règlement CEE 1408/71, les conditions
pour bénéficier du régime local d'assurance maladie au moment de leur
inscription aux associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce
(ASSEDIC) ;
« 7° Titulaires d'allocations de pré-retraite en application d'accords
d'entreprise, quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou
dans les départements d'outre-mer, qui bénéficiaient du régime local en qualité
de salariés au moment de leur mise en pré-retraite ;
« 8° Titulaires d'une pension d'invalidité mentionnée à l'article L. 341-1,
quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans les
départements d'outre-mer et qui ont, préalablement à leur mise en invalidité,
bénéficié du régime local en qualité de salariés, ainsi que les titulaires
d'une rente d'accident du travail mentionnés à l'article L. 371-1, quel que
soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans un département
d'outre-mer et qui ont, préalablement à la perception de cette rente, bénéficié
du régime local en qualité de salariés ;
« 9° Titulaires d'un avantage de vieillesse qui résident dans les départements
du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle et qui bénéficient du régime local
d'assurance maladie à la date de publication de la loi n° du portant
diversers dispositions d'ordre économique et financier ;
« 10° Titulaires d'un avantage de vieillesse liquidé conformément aux
dispositions du chapitre VII du titre V du livre III, quel que soit leur lieu
de résidence en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer ;
« 11° Titulaires d'un avantage de vieillesse ne résidant pas dans les
départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle mais résidant dans un
autre département de la France métropolitaine ou dans un département
d'outre-mer et qui remplissent des conditions de durée de bénéfice du régime
local et de cumul d'avantages de vieillesse fixées par décret en Conseil
d'Etat, sous réserve qu'ils demandent le bénéficie du régime local d'assurance
maladie, selon des modalités déterminées par ce décret ;
« 12° Titulaires d'un avantage de vieillesse, quel que soit leur lieu de
résidence en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer, s'ils
remplissent des conditions de durée de bénéfice du régime local et de cumul
d'avantages de vieillesse fixées par décret en Conseil d'Etat, lorsqu'ils
deviennent titulaires de cet avantage après la publication de ce décret.
« Les dispostions des 11° et 12° sont applicables dans les mêmes conditions
aux retraités anciens salariés du port autonome de Strasbourg mentionnés au 4°
ci-dessus.
« Le régime local est également applicable aux ayants droit, tels que définis
aux articles L. 161-14 et L. 313-3, des assurés sociaux énumérés ci-dessus.
« III. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 161-6, le bénéfice du
régime local d'assurance maladie est subordonné à des conditions d'ouverture
des droits spécifiques fixées par décret en Conseil d'Etat.
«
Art. L. 352-2. -
L'instance de gestion du régime local d'assurance
maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin
et de la Moselle est un conseil d'administration dont la composition, les
modalités de désignation et les attributions sont déterminées par décret.
« Le régime local est financé selon les modalités fixées par l'article L.
242-13. Les cotisations prévues par cet article sont recouvrées par les unions
pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations
familiales selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au
recouvrement des cotisations du régime général.
« L'affiliation et l'immatriculation au régime local ainsi que le service de
ses prestations sont assurés par les caisses primaires d'assurance maladie.
»
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Je me suis déjà exprimé sur l'objet de cet amendement au cours de la
discussion générale.
Je rappelle simplement qu'il s'agit de ne plus exclure du bénéfice du régime
d'assurance maladie d'Alsace-Moselle des retraités qui ont cotisé à ce régime
pendant toute leur vie active avant de se retirer hors des trois départements
concernés.
Vous comprendrez que l'attente de ces assurés soit très forte, et je la
considère très légitime.
Face à cette attente, un accord a été obtenu, voilà quelques mois, entre les
responsables du régime et le ministre chargé du dossier à l'époque, M. Jacques
Barrot. Dès lors que cet accord existe, il n'y a plus seulement forte attente,
mais urgence ! Cela justifie, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous
demandions la consécration de cet accord dès aujourd'hui, dans le cadre des
mesures d'urgence que nous examinons.
Tout à l'heure, en me répondant lors de la discussion générale, vous avez
plaidé pour une autre logique que celle de l'urgence : vous m'avez proposé de
reporter l'examen de cette mesure au moment où sera discuté le projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Cette logique se justifie également, bien
sûr.
De plus, je crois savoir qu'une proposition de loi a été déposée sur ce sujet
par notre collègue M. Hoeffel et, dans le cadre de l'ordre du jour réservé au
Sénat, celle-ci devrait très prochainement être examinée en séance publique.
Dans cette perspective, puisque l'urgence sera prise en compte, je suis
disposé à retirer cet amendement, mais, avant de prendre ma décision, je
souhaiterais très vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous me donniez
dès aujourd'hui l'assurance que vous adopterez une attitude positive sur ce
point.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cette demande est légitime ; elle est justifiée ; elle est
urgente.
Si, néanmoins, le Gouvernement donnait des assurances à M. Badré, je pense
qu'il pourrait retirer son amendement, à la satisfaction de tout le monde.
M. René Régnault.
C'est exact !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je ne peux que répéter à M. Badré ce que je lui ai dit
lors de la discussion générale : certains retraités, bien que couverts par le
régime local complémentaire de sécurité sociale institué en Alsace et en
Moselle, ne prennent pas leur retraite - ce qui est regrettable - dans cette si
belle région. Cela pose donc un problème.
Sur le fond, je n'ai aucune raison de m'opposer à une telle simplification,
d'autant que j'ai noté que la charge correspondante serait financée par le
régime local.
Je peux donc vous confirmer que le Gouvernement participera au débat qui aura
lieu, en effet, soit dans le cadre de la discussion du projet de loi sur le
financement de la sécurité sociale, soit lors de l'examen de la proposition de
loi à laquelle vous avez fait allusion.
M. René Régnault.
Voilà qui est constructif !
M. le président.
Monsieur Badré, maintenez-vous votre amendement ?
M. Denis Badré.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat de ce que je crois pouvoir interpréter
comme une assurance. Je renvoie donc l'examen de cette disposition à la très
prochaine discussion que nous aurons sur ce sujet et qui, je l'espère, se
conclura de manière positive.
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 9 est retiré.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme
Beaudeau pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Bien évidemment, les dispositions proposées par le Gouvernement dans le cadre
de ce projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier
ont quelque peu indisposé les membres de la majorité sénatoriale.
A vous en croire, messieurs, et je reprends pêle-mêle vos propositions, il
faudrait minorer l'impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés,
diminuer le taux de l'impôt sur les sociétés, mettre un terme à la fiscalité
pesant sur les opérations réalisées sur les marchés financiers, maintenir les
privilèges accordés aux divers placements financiers tant en matière d'impôt
sur le revenu qu'en matière de cotisations sociales, augmenter le poids de la
taxe sur la valeur ajoutée et des taxes sur l'essence, réduire les droits de
succession - singulièrement pour les transmissions d'entreprises - lutter
contre le caractère prétendument antiéconomique de l'impôt sur la fortune, et
j'en passe très certainement...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Vous pouvez continuer !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cette orientation, mes chers collègues, correspond aux subtiles déclinaisons
de l'idéologie libérale qui anime la majorité sénatoriale et qui, en parfaite
contradiction avec nos principes fondateurs républicains, vise à alléger le
coût des charges publiques pour les plus fortunés et à diffuser le poids de
cette charge sur les plus modestes...
Vous prétendez même que notre économie pourrait supporter toutes vos
propositions, mais une telle orientation n'est-elle pas en contradiction avec
le choix même de nos compatriotes ?
La droite n'a pas été battue, au printemps dernier, parce qu'elle n'aurait pas
été assez libérale : elle a été battue parce que le peuple de notre pays en
avait assez des potions toutes plus amères qu'on lui servait et qu'il aspire à
d'autres solutions aux problèmes sociaux et économiques qui nous sont posés, et
que le Gouvernement doit résoudre.
Vous comprendrez, par conséquent, au moment où la collectivité nationale doit
se mobiliser pour répondre aux défis de l'emploi, du maintien et du
développement de la protection sociale, de la baisse du temps de travail - que
les gains de productivité réalisés depuis plus de dix ans autorisent et
nécessitent - on ne puisse suivre la majorité du Sénat, qui se cristallise sur
les privilèges accordés à quelques-uns et appelle le peuple de ce pays à
accepter d'autres coupes dans les dépenses publiques, synonymes de besoins
collectifs insatisfaits.
Votre travail a consisté, aujourd'hui, à dénaturer profondément le projet de
loi qui nous était soumis.
Ce texte n'a plus aujourd'hui de fiscal que la disposition, plus que
discutable, qui consiste à ponctionner EDF, sous prétexte de normalisation
comptable...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Il faut voter contre !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais, dès que l'on touche aux entreprises - nous avons démontré que peu
d'entre elles étaient, en réalité, concernées - il y a une véritable levée de
boucliers.
Posons la question : comment les entreprises de ce pays pourraient-elles payer
moins d'impôt sur les sociétés ? Je l'ai dit ce matin : en investissant, en
augmentant les salaires et en créant des emplois.
M. Philippe Marini.
Bien sûr, en faisant des pertes ! C'est cela, la solution !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet effort permettrait, de surcroît, de soutenir l'indispensable relance de
l'activité et ouvrirait des marges nouvelles d'allégements fiscaux, tant pour
les entreprises que pour les ménages, et d'abord pour ceux-ci.
La situation financière des entreprises de notre pays le permet. Quand on
constate des taux de marge de 30 %, des marges d'autofinancement positives
depuis quatre ans, une progression régulière des dividendes versés de neuf à
dix points par an depuis 1993, un désendettement réel des sociétés des secteurs
industriel, commercial et de services, il y a, selon une expression bien
connue, du « grain à moudre » en matière de salaires et d'emploi.
Quand cela n'est pas fait, et pèse donc sur la collectivité nationale dans son
ensemble - on maintient le taux de marge, mais aussi le taux de chômage avec de
tels choix de gestion - eh bien, il faut que la fiscalité se substitue à
l'engagement volontaire des assujettis.
C'était le sens des premiers articles du présent projet de loi, que vous vous
êtes empressés de supprimer.
Cette situation nous conduira, naturellement, à ne pas voter en faveur du
texte tel qu'il a été amendé par le Sénat. Car il est dénaturé, inefficace pour
le progrès social et pour l'emploi, et porteur de fortes inégalités et de
certains privilèges. Nous voterons donc contre.
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
bien entendu, nous voterons contre un projet qui a été vidé de son sens, au
sens propre du terme, puisque ses trois premiers articles ont été supprimés.
Nous étions globalement favorables aux trois derniers articles, mais ils ne
suffisent plus à équilibrer ce qui reste de ce texte. Or cet équilibre, nous y
étions, comme M. le Premier ministre, très attachés.
Nous voici donc au terme de l'examen d'un texte qui, comme M. le secrétaire
d'Etat l'a souligné tout à l'heure, n'existe plus. La majorité sénatoriale a en
effet supprimé les mesures de redressement des finances publiques, qui étaient
pourtant nécessaires compte tenu de la situation qu'elle nous a léguée hier.
Mais les dérapages sont bien réels ! Et je ne reviens pas sur les chiffres, au
demeurant incontestables, de l'audit budgétaire.
Si quelque chose nous avait été caché entre le moment où M. Juppé a remis sa
note budgétaire à M. le Premier ministre et aujourd'hui, nous le saurions ! Il
était donc indispensable de prendre des mesures d'urgence.
Leur impact est au demeurant assez faible, surtout si on les compare à celles
qui ont été prises en 1995 par le gouvernement de M. Juppé, que vous avez
soutenu, mes chers collègues.
M. Marini a bien reconnu l'existence de quelques dérapages, mais il nous a dit
aussitôt que, membre de l'opposition, il devait, à ce titre, s'opposer, sans
plus d'explication ni de justification. Son opposition est donc davantage une
opposition de principe qu'une opposition objective !
M. Philippe Marini.
Nous avons tout de même débattu tout l'après-midi !
M. René Régnault.
Vous avez également dit que le choix des entreprises était dangereux pour la
croissance et l'emploi. Permettez-moi de rappeler ici que les mesures que nous
proposons ne portent que sur 5 % des 400 milliards de francs de dividendes que
les entreprises ont réalisés en 1996 et que, si les salaires ont augmenté de 2
% entre 1993 et 1996, les dividendes ont augmenté, eux de 7 %.
C'est donc un choix que le Gouvernement a fait. Nous le soutenons, nous
l'assumons et nous l'expliquons.
Certes, vous auriez préféré un alourdissement nouveau de la TVA ou de l'impôt
sur le revenu, avec toutes les conséquences que cela aurait eu sur la
croissance. Il est dommage, à cet égard, que l'exemple de 1995 ne vous ait rien
appris !
Quant à votre argumentation sur la maîtrise des dépenses, elle n'est pas non
plus recevable, d'abord parce que l'urgence ne permet pas de remettre en cause
30 milliards de francs de dépenses, ensuite parce que vous n'avez pas présenté
la moindre proposition d'annulation.
Enfin, vous déclarez être opposés aux hausses d'impôt, et M. le rapporteur
nous a même dit qu'il s'agissait pour lui d'une position constante. Mais il n'y
a pas réellement de hausse d'impôt : il s'agit de la compensation d'une
insuffisance de recettes fiscales,...
M. Philippe Marini.
Sophisme !
M. René Régnault.
... ce qui n'est pas la même chose, même si vous vous refusez à l'entendre
depuis ce matin.
La majorité sénatoriale n'a-t-elle pas elle-même voté des hausses d'impôt, de
1993 à 1996, qui représentent plus de deux points de PIB, soit 160 milliards de
francs ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Elles ont été maintenues !
M. René Régnault.
Alors, nous ne comprenons pas votre indignation pour 20 milliards de francs
aujourd'hui.
Cela ne vous a d'ailleurs pas suffi à améliorer la situation, puisque les
prélèvements obligatoires comme le déficit ont dérapé, bien que vous ayez
encaissé de substantielles sommes en vendant une partie de la propriété
nationale.
Pour notre part, nous faisons plus confiance, c'est vrai, au gouvernement
d'aujourd'hui, qui stabilise dans les faits les prélèvements quand il ne
commence pas - mais nous en reparlerons dans les prochains jours - à les
réduire, en dépit des dérapages légués. Nous verrons bien, en tout cas, vos
réactions lorsque nous examinerons prochainement les différents fascicules
budgétaires.
Je crois malheureusement que la position de la majorité sénatoriale est
claire. C'est celle de l'opposition, certes, mais elle est idéologique, elle
est dogmatique.
Pour notre part, nous pensons que le nouveau gouvernement a pris les mesures
équilibrées, justes et courageuses que la situation appelait. C'est la raison
pour laquelle nous ne pouvons pas adopter le texte issu de nos travaux.
Sur la forme, monsieur le rapporteur,...
M. le président.
Je vous prie de conclure, monsieur Régnault !
M. René Régnault.
... vous vous félicitiez tout à l'heure de la courtoisie des échanges qui a
présidé à nos travaux. Ce que je regrette - comme l'opinion, qui, au-delà de
cet hémicycle, nous regarde - c'est que, malgré ces échanges courtois que nous
savons avoir entre nous, nous soyons incapables, sur des points essentiels, de
déboucher sur un quelconque accord. Ce faisant, nous ne répondons pas à
l'attente profonde du pays.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Compte tenu de l'examen auquel nous avons procédé, ceux qui
a priori
étaient pour le texte sont à présent contre et ceux qui sont arrivés dans
cet hémicycle en étant hostiles aux propositions du Gouvernement s'apprêtent à
voter le texte tel qu'il résulte de l'adoption de nos amendements.
Il reste donc trois articles - ceux auxquels la majorité a souscrit - et, de
ce fait, le groupe du RPR votera le texte composé de ces trois articles et des
deux articles additionnels que nous avons adoptés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre débat a été utile.
Il m'apparaît qu'avec ces mesures d'urgence fort astucieusement présentées
dans une très belle opération de communication au cours de l'été, en juillet
dernier, le Gouvernement a quelque peu mangé son pain blanc. Il est en effet
arrivé en éveillant beaucoup d'espoir, après que l'on eut fait beaucoup de
promesses.
M. René Régnault.
Qu'il tient !
M. Philippe Marini.
Ecoutez ! Il les tient, il les tient ! On verra dans la durée. L'exercice sera
probablement plus cruel pour vous que pour nous !
Le Gouvernement est donc arrivé après que l'on eut fait beaucoup de
promesses.
Il lui était sans doute difficile d'accroître la rigueur budgétaire et la
pression sur les dépenses. Il a donc choisi une autre voie : il a créé des
ressources fiscales supplémentaires, sans tirer parti, notamment, des gels de
crédits qui étaient là opportunément et dont il aurait pu se servir.
Je le répète, le Gouvernement a mangé son pain blanc dans cet exercice. Pour
le budget de 1998, c'est déjà plus difficile, et pour l'exécution dudit budget,
ce sera encore plus difficile.
Au cours de la campagne électorale, vous avez dit que le pacte de stabilité
européen était tout à fait sujet à caution ; puis, dix jours après être arrivés
au pouvoir, vous avez signé les engagements, vous avez souscrit à ce pacte. Ce
faisant, vous vous êtes engagés pour la durée, c'est-à-dire non seulement pour
arriver au point de convergence, à la réalisation de l'euro, à la définition
des parités, mais pour mener, soumis à cette contrainte, une politique sur le
long terme, malgré toutes les illusions que vous avez suscitées dans l'opinion
publique et malgré tous les débats fallacieux que vous lancez, au premier rang
desquels celui qui concerne les trente-cinq heures, car c'est bien là la clé,
c'est bien là le révélateur !
Par conséquent, ou bien ce que l'on a dit pendant la campagne électorale était
vrai, et l'on a mobilisé l'opinion sur des promesses qui représentaient un
véritable engagement à son égard, ou bien il s'est agi d'un simple exercice
formel à l'usage des militants, d'un simple exercice idéologique et l'on savait
qu'on ne pourrait pas le faire. Eh bien ! c'est cette contradiction qui va
apparaître au cours des semaines et des mois qui viennent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre gouvernement est habile. M. le ministre
de l'économie, des finances et de l'industrie - nous le lui avons dit ce matin
- est un homme d'une grande habileté dans sa présentation dialectique,
pédagogique des choses. C'est un grand universitaire. C'est quelqu'un qui,
effectivement, sait « emballer » j'allais dire n'importe quel ensemble plus ou
moins cohérent de dispositions. Il le fait avec une très grande séduction.
M. René Régnault.
Oh !
M. Philippe Marini.
Cela dit, la réalité demeure, elle n'a pas changé depuis les élections
législatives.
Vous bénéficiez, certes, d'une meilleure médiatisation, vous êtes de meilleurs
communicants, c'est vrai, mais, la réalité restant la même, après avoir mangé
votre pain blanc, vous connaîtrez, je le crois, quelques difficultés.
C'est naturellement avec cet espoir que je m'apprête à voter le texte que vous
nous proposez, mais dans l'état où nous l'avons mis.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Au terme de cette journée, je dirai simplement que notre débat a été de grande
qualité sur le fond comme sur la forme.
S'agissant de la forme, cela a déjà été souligné.
S'agissant du fond, je ne partage pas vos réserves, monsieur Régnault. Nous
nous sommes écoutés mutuellement, même si vous n'avez pas toujours entendu les
arguments que nous présentions sur un certain nombre de points. Cela étant, je
suis prêt à poursuivre ces échanges avec vous ; nous le ferons à la commission
des finances ou ailleurs, selon votre souhait.
En conclusion, le groupe de l'Union centriste votera le texte dans l'état dans
lequel nous l'avons mis aujourd'hui.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ça ! vous l'avez mis dans un drôle d'état !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est l'expression qui convient !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
On me permettra d'avoir une lecture très simple et très
apaisée de cette discussion.
Ce sur quoi nous sommes tous d'accord, c'est la nécessité d'avoir un solde
budgétaire correspondant à nos engagements européens. Partant de là, comment
atteignons-nous l'objectif fixé ? Est-ce en accroissant les recettes - entre
nous, c'est le plus facile ! - ou en réduisant les dépenses, ce qui est le plus
difficile ?
C'est vrai, depuis 1992, à partir de ce retournement économique, les
gouvernements précédents ont eu beaucoup de peine à réduire les dépenses. La
commission des finances du Sénat a travaillé sur cette question de la réduction
de la dépense publique ; des commissaires se sont rendus à l'étranger pour voir
comment les pays qui avaient le mieux réussi avaient procédé.
Je n'ai retenu, au fond, qu'un enseignement : les pays qui y sont parvenus
sont ceux qui ont réussi à obtenir un très large consensus sur la dépense
publique.
Ce consensus tarde à se manifester dans notre pays. Il est, de toute façon
absolument indispensable, mes chers collègues. Il ne l'est pas pour des raisons
comptables ; il l'est pour l'avenir de la France, il l'est pour les générations
futures.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
13
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de
constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons
d'adopter.
Il va être procédé imédiatement à la nomination de sept membres titulaires et
de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des finances, du contrôle
budgétaire et des comptes économiques de la nation a été affichée conformément
à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du
Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Christian Poncelet, Alain Lambert, Philippe Marini, Roland du
Luart, Henri Collard, René Régnault et Paul Loridant.
Suppléants : MM. Philippe Adnot, Denis Badré, Guy Cabanel, Yann Gaillard, Marc
Massion, Michel Sergent et François Trucy.
14
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a
présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean
Derian membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
15
DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT
PORTANT SUR DES SUJETS EUROPÉENS
M. le président.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat portant
sur des sujets européens suivante :
M. Pierre Fauchon expose à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
que, face au développement de la criminalité transfrontalière, il est
nécessaire de constituer un espace judiciaire européen. Il souligne que le
résultat des actions menées dans le cadre du « troisième pilier » de l'Union
européenne est sans commune mesure avec l'ampleur des défis, et que le traité
d'Amsterdam ne paraît pas apporter le surcroît d'efficacité qui serait
indispensable.
Il demande quelles initiatives sont envisagées par le Gouvernement pour
tenter de donner plus d'efficacité à la coopération en matière judiciaire et
policière, et pour progresser vers l'unification du droit pénal et la mise en
place d'un ministère public européen, dans le sens du rapport numéro 352
(1996-1997) de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. (N° QE2).
Conformément aux articles 79, 80 et 83
bis
du règlement, cette question
orale avec débat portant sur des sujets européens a été communiquée au
Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu
ultérieurement.
16
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des
infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 11, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
17
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste et
apparentés une proposition de loi tendant à compléter l'article L. 30 du code
électoral relatif à l'inscription sur les listes électorales en dehors des
périodes de révision.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 13, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
18
DÉPÔT
D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Lucien Lanier une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de
directive du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans
et programmes sur l'environnement (n° E 823).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 10, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
19
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE, Euratom) du Conseil modifiant le règlement
(CE, Euratom) n° 58/97 relatif aux statistiques structurelles sur les
entreprises.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 927 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de
coopération entre la Communauté européenne et la République du Yémen.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 928 et
distribuée.
20
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 12 et distribué.
21
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Christian de la Malène un rapport d'information, fait au nom
de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, sur le traité
d'Amsterdam.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 14 et distribué.
22
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 7 octobre 1997, à dix heures trente et à seize heures :
- discussion du projet de loi (n° 426, 1996-1997), adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme du service national.
Rapport (n° 4, 1997-1998) de M. Serge Vinçon, fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 6 octobre 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 octobre 1997, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Dans sa séance du jeudi 2 octobre 1997, le Sénat a nommé :
M. Jean Dérian, membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR L'UNION EUROPÉENNE
(En application de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires)
Dans sa séance du jeudi 2 octobre 1997, le Sénat a nommé M. Michel Barnier
membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M.
Charles Descours, démissionnaire.
DÉLÉGATION DU SÉNAT À L'OFFICE PARLEMENTAIRE
D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
(En application de la loi n° 96-517 du 14 juin 1996 tendant à élargir les
pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire
d'évaluation des politiques publiques)
Lors de sa séance du jeudi 2 octobre 1997, le Sénat a nommé M. Hilaire Flandre
pour siéger au sein de la délégation du Sénat à l'Office parlementaire
d'évaluation des politiques publiques, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial,
qui a démissionné de son mandat de sénateur.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Situation des résidents de la cité des Courtillières à Pantin
50.
- 2 octobre 1997. -
Mme Danielle Bidard-Reydet
attire l'attention de
M. le Premier ministre
sur les préoccupations des habitants vivant dans la cité des Courtillières à
Pantin. En effet, les actes de vandalisme répétés dans un laps de temps court
dans une école de ce quartier ont eu pour effet d'accroître un climat de grande
tension chez les habitants et les personnels de l'éducation nationale qui ne
supportent plus d'être les victimes de cette violence. Ce quartier de Pantin
est classé en « zone urbaine sensible » car il cumule un certain nombre de
difficultés liées à la situation de précarité et de chômage de nombreuses
familles. L'échec scolaire est important. La violence, l'insécurité et la
dégradation des bâtiments publics sont fréquents. Les élus, les associations,
les partenaires sociaux, les habitants n'ont cessé d'alerter les pouvoirs
publics depuis plusieurs années sur la détérioration des conditions de vie dans
ce quartier. A leur initiative, des actions ont été menées pour exiger des
services publics de qualité et en nombre suffisant : une école répondant non
seulement aux normes administratives, mais surtout aux besoins réels des
enfants de la maternelle au collège, un poste de police avec un personnel
présent 24 heures sur 24, un bureau de poste et une agence EDF. La population
des Courtillières veut rompre son isolement, obtenir une réhabilitation lourde
des bâtiments dégradés de la SEMIDEP, recréer des liens sociaux, de solidarité
et d'humanité dans son quartier. Compte tenu de l'urgence de la situation
actuelle des Courtillières, elle lui demande de satisfaire les mesures
concrètes souhaitées par la population pour l'avenir de ce quartier.
Taux de TVA applicables à la restauration
51.
- 2 octobre 1997. -
M. Bernard Dussaut
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur la disparité des taux de taxe sur la valeur ajoutée applicables au secteur
de la restauration. En effet, actuellement, les ventes à consommer sur place
qui caractérisent essentiellement la restauration classique - libre-service ou
traditionnelle - sont assujetties au taux normal de 20,6 % alors que les ventes
à emporter, majoritairement réalisées par la restauration rapide, sont
assujetties au taux de 5,5 %. Ces distorsions fiscales ont des conséquences
multiples : au niveau de la concurrence européenne, puisque huit Etats de
l'Union européenne appliquent déjà un taux réduit unique, au niveau de l'emploi
puisque cette disposition freine le potentiel de développement de ces petites
entreprises qui sont pourtant les plus utilisatrices de main-d'oeuvre, mais
également au niveau culturel puisque c'est la restauration classique,
composante à part entière de notre patrimoine culturel et touristique, qui est
directement touchée. Il lui demande s'il envisage de remédier à cette
regrettable situation.
Taux de TVA applicables à la restauration
52.
- 2 octobre 1997. -
M. Gérard Fayolle
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les incidences de la disparité des taux de TVA applicables au secteur de la
restauration.
Avenir de la Fédération nationale
des foyers ruraux
53.
- 2 octobre 1997. -
M. Fernand Demilly
attire l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur l'avenir de la Fédération nationale des foyers ruraux et plus
particulièrement sur une éventuelle diminution de la dotation annuelle dont
elle bénéficie. Une baisse de cette dotation entraînerait des arrêts
d'activités et des suppressions d'emplois dans un secteur indispensable à
l'activité locale et à la lutte contre la désertification rurale. En
conséquence, il lui demande quelles sont les intentions du ministère de
l'agriculture quant à la dotation de la ligne « animation rurale ».
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 2 octobre 1997
SCRUTIN (n° 3)
sur l'amendement n° 1 présenté par M. Alain Lambert au nom de la commission des
finances, tendant à supprimer l'article 1er du projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier (contribution temporaire des personnes
morales).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 217 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein et Robert-Paul
Vigouroux.
Abstentions :
3. _ MM. Guy Cabanel, Pierre Laffitte et Georges
Mouly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Rouquet (député).
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :
Pour :
58.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Guy Cabanel, Pierre Laffitte et Georges Mouly.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.
Ne peut participer aux travaux du Sénat
(En application de l'article L.O. 137 du code électoral)
M. René Rouquet.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 4)
sur l'amendement n° 2, présenté par M. Alain Lambert, au nom de la commission
des finances, tendant à supprimer l'article 2 du projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier (régime des plus-values à long terme).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 217 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein et Robert-Paul
Vigouroux.
Abstentions :
3. _ MM. Guy Cabanel, Pierre Laffitte et Georges
Mouly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Rouquet (député).
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :
Pour :
58.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Guy Cabanel, Pierre Laffitte et Georges Mouly.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Ne peut participer aux travaux du Sénat
(En application de l'article L.O. 137 du code électoral)
M. René Rouquet. Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.