SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidatures à des délégations parlementaires (p. 1 ).

3. Mesures urgentes à caractère fiscal et financier. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 2 ).
Discussion générale : MM. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances ; Christian Poncelet, président de la commission des finances.
M. le ministre.
Mme Marie-Claude Beaudeau.

4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Finlande (p. 3 ).

5. Mesures urgentes à caractère fiscal et financier. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 4 ).
Discussion générale (suite) : M. Philippe Marini.
MM. le président, le président de la commission, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

6. Mise au point au sujet d'un vote (p. 5 ).
MM. Denis Badré, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 6 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

7. Nomination de membres de délégations parlementaires (p. 7 ).

8. Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes (p. 8 ).

9. Candidature à une commission (p. 9 ).

10. Mesures urgentes à caractère fiscal et financier. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 10 ).
M. le président.
Discussion générale (suite) : MM. René Régnault, Marcel-Pierre Cléach, Denis Badré, Philippe Arnaud, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Christian Poncelet, président de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 11 )

MM. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances ; Philippe Marini.
Amendements n°s 1 de la commission, 10 de M. Adnot et 6 de M. Arnaud. - MM. le rapporteur, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, le secrétaire d'Etat, René Régnault, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jacques Habert, Philippe Marini. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement n° 1 supprimant l'article, les amendements n°s 10 et 6 devenant sans objet.

Article 2 (p. 12 )

MM. le rapporteur, Philippe Marini.

11. Souhaits de bienvenue à une délégation chinoise (p. 13 ).

12. Mesures urgentes à caractère fiscal et financier. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 14 ).

Article 2 (suite) (p. 15 )

Amendements n°s 2 de la commission et 7 de Mme Beaudeau. - M. le rapporteur, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le président de la commission, le secrétaire d'Etat, René Régnault. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement n° 2 supprimant l'article, l'amendement n° 7 devenant sans objet.

Article 3 (p. 16 )

Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
MM. le secrétaire d'Etat, le président de la commission.

Article 4 (p. 17 )

Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Yann Gaillard. - Adoption.
Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 4 (p. 18 )

Amendement n° 8 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 5. - Adoption (p. 19 )

Article additionnel après l'article 5 (p. 20 )

Amendement n° 4 de M. Marini. - MM. Philippe Marini, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6. - Adoption (p. 21 )

Articles additionnels après l'article 6 (p. 22 )

Amendement n° 5 de M. Marini. - MM. Philippe Marini, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 9 de M. Huriet. - MM. Denis Badré, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Vote sur l'ensemble (p. 23 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. René Régnault, Philippe Marini, Denis Badré, le rapporteur.
Adoption du projet de loi.

13. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 24 ).

14. Nomination d'un membre d'une commission (p. 25 ).

15. Dépôt d'une question orale avec débat portant sur des sujets européens (p. 26 ).

16. Transmission d'un projet de loi (p. 27 ).

17. Dépôt d'une proposition de loi (p. 28 ).

18. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 29 ).

19. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 30 ).

20. Dépôt d'un rapport (p. 31 ).

21. Dépôt d'un rapport d'information (p. 32 ).

22. Ordre du jour (p. 33 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quinze.)1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES À DES DÉLÉGATIONS
PARLEMENTAIRES

M. le président. L'ordre du jour appelle la désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne et d'un membre de la délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
Le groupe du Rassemblement pour la République m'a fait connaître qu'il présente la candidature de M. Michel Barnier comme membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. Charles Descours, démissionnaire, et la candidature de M. Hilaire Flandre comme membre de la délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial, qui a démissionné de son mandat de sénateur.
Ces candidatures ont été affichées. Elles seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

3

MESURES URGENTES
À CARACTE`RE FISCAL ET FINANCIER

Discution d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 425, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier. [Rapport n° 434 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai le plaisir de vous présenter ce matin, avec M. Christian Sautter, ce texte portant diverses mesures urgentes à caractère fiscal et financier dont l'Assemblée nationale a déjà été saisie.
Comme vous le savez, la principale partie de ce texte, que la commission des finances du Sénat a eu l'occasion d'examiner, a trait aux mesures qu'il a semblé bon au Gouvernement de prendre pour remédier au dérapage des finances publiques révélé par l'évaluation demandée à deux membres de la Cour des comptes, MM. Nasse et Bonnet, au mois de juillet dernier.
Il en résulte principalement que l'on pouvait alors prévoir que, à la fin de l'année, le déficit public s'établirait entre 3,5 % et 3,7 %, alors que vous l'aviez vous-mêmes voté en loi de finances initiale, mesdames, messieurs les sénateurs, à 3 %.
Le Gouvernement a considéré qu'il ne pouvait pas accepter ce niveau de déficit pour deux grandes catégories de raisons.
La première tient à nos engagements européens et à notre volonté de participer, avec la majorité sans doute de nos partenaires de l'Union européenne, à la création, le moment venu, de la monnaie unique.
La seconde, qui est au moins aussi importante, réside dans le fait que les simulations qui ont pu être réalisées, dont certaines figurent dans le dossier du projet de loi de finances pour 1998 que la commission des finances du Sénat a reçu, montrent que, avec un déficit maintenu pendant plusieurs années à 3,6 %, pour prendre la moyenne entre 3,5 % et 3,7 %, le niveau de la dette publique rapportée au PIB prendrait une ampleur tout à fait explosive, avec deux conséquences.
La première, que chacun a bien présente à l'esprit, est que la charge de la dette dans le budget de l'Etat deviendrait elle-même explosive, or on ne peut plus espérer, à l'avenir, des baisses massives des taux d'intérêt - ceux-ci sont déjà très bas - qui permettraient de la réduire.
Par conséquent, si rien n'était entrepris, nous nous trouverions, dans quelques années, dans cette situation paradoxale où, grosso modo, un peu moins de 45 % des recettes de l'Etat serviraient à financer les traitements, les retraites et autres éléments de rémunération des fonctionnaires, tandis que 16 %, 17 % et demain 20 % du budget seraient consacrés au service de la dette. A l'inverse, la part disponible pour financer les interventions de l'Etat dans ses différents domaines de compétence se verrait réduite à la portion congrue.
Or, si nous pouvons avoir, les uns et les autres, des opinions divergentes sur ce qu'il convient de faire de l'argent public et sur l'ampleur de l'intervention de l'Etat, nous pouvons nous rejoindre sur l'idée qu'il faut que l'Etat, lorsqu'il intervient, ait les moyens de le faire.
La seconde conséquence de la persistance d'un niveau élevé de déficit porte non plus sur le service de la dette, mais sur la dette elle-même.
Je crois très important que nous ne laissions pas à nos enfants et à nos petits-enfants une dette publique qui continue d'augmenter en pourcentage du PIB et qui constitue, dans l'avenir, un fardeau devenant petit à petit insupportable pour ces générations qui subiraient alors, demain, des prélèvements massifs.
Il convient donc d'inverser cette tendance, et si l'effort à consentir pour y parvenir est important, il n'est pas hors de portée. J'aurai l'occasion de vous en reparler à propos du projet de loi de finances pour 1998, mais l'engagement que veut prendre le Gouvernement, c'est, en poursuivant la mise en oeuvre de la politique qu'il a définie et dont nous reparlerons dans quelques semaines, d'arriver à infléchir cette courbe, ce qui n'est jamais arrivé dans notre histoire, et ce dès l'an 2000.
Je ne m'étends pas sur ce point, car nous y reviendrons. Cependant, chacun a bien présent à l'esprit que l'importance de cette dette doit finalement décroître, et le seul moyen pour y parvenir est, bien sûr, de réduire notre déficit.
Toutes ces raisons ont conduit le Gouvernement à vouloir se rapprocher le plus possible, bien que l'année ait déjà été à moitié écoulée au moment de la réalisation de l'audit, de l'objectif initial de la loi de finances, qui avait été fixé, peut-être un peu imprudemment, à 3 %.
A cette fin, 32 milliards de francs sont nécessaires, qui représentent 0,4 point de PIB. Nous pourrons ainsi approcher les 3 % de déficit public prévus, puisque nous serons alors à 3,2 %. Mais nous ne sommes pas obligés de choisir comme référence la moyenne entre 3,5 % et 3,7 % : nous pouvons être plus optimistes et prendre pour base un taux de 3,5 %, et si la croissance est au rendez-vous d'ici à la fin de l'année, cela nous permettra de nous rapprocher très nettement de l'objectif. Le Gouvernement estime qu'un effort représentant 0,4 point de PIB constitue un effort important, certes, mais pas insupportable.
Comme vous le savez, sur ces 32 milliards de francs, 10 milliards de francs proviendront d'économies réalisées par l'Etat. Celles-ci seront très difficiles à trouver, car ce n'est pas aux membres du Grand Conseil des communes de France que j'apprendrai combien il est difficile de réviser en milieu d'année des budgets publics, qu'il s'agisse de celui de l'Etat ou de ceux des collectivités territoriales. Nous savons tous que lorsqu'un budget a été voté et que la plupart des crédits ont été sinon engagés, du moins promis en faveur de différents domaines, qu'il s'agisse d'activités culturelles à financer, de projets de routes à réaliser ou de travaux publics déjà engagés, il est très difficile de revenir en arrière.
Ce gel de dix milliards de francs représente donc un effort très important, et les prélèvements complétant cette somme s'élèveront à quelque 21 milliards de francs, ce qui correspond très exactement, vous l'aurez remarqué, au défaut de recettes que les auditeurs ont mis en évidence.
En effet, le dérapage des finances publiques qu'ils ont souligné est dû, d'une part, à un certain dépassement des dépenses, et, d'autre part, à un déficit de recettes.
Ce second point constitue un réel problème en matière de finances publiques, en France mais aussi dans les pays étrangers, comme me l'ont confié certains de mes homologues. Ce manque de recettes correspond, en termes techniques, à l'affaiblissement de l'élasticité des recettes fiscales par rapport à la croissance. Plus concrètement, on peut dire que les recettes fiscales n'augmentent pas en proportion du renforcement de la croissance.
Par conséquent, lorsque le précédent gouvernement a arrêté son budget, son estimation des recettes fiscales a été quelque peu optimiste. Un ensemble de causes, liées par exemple à la TVA intracommunautaire, font que, en fin de compte, on a du mal à préserver, à législation constante, la recette prévue initialement.
Les 21 milliards de francs de prélèvements que le Gouvernement s'est résolu à demander au pays ne serviront qu'à reconstituer, j'insiste auprès de vous sur ce point, le montant total des recettes que la loi de finances pour 1997 avait prévu, mais qui ne sera pas atteint si cette mesure n'est pas prise.
En ce sens, il ne s'agit pas au total d'un prélèvement plus important, puisque, si tout se passe comme prévu, et il n'y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas, auront effectivement été prélevées au titre des recettes de l'Etat, à la fin de l'année 1997, les sommes qui avaient été initialement votées par les deux assemblées. Seules les modalités changent.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de recourir à l'impôt sur les sociétés pour compléter ses recettes ? Plusieurs raisons doivent être invoquées.
Je soulignerai tout d'abord que, comme vous le savez, le taux d'autofinancement de nos entreprises est aujourd'hui très élevé. Il est lui-même lié à la faiblesse des investissements, mais cela se traduit par des capacités de financement très excédentaires par rapport à l'investissement.
Il faut ici rappeler que, de 94 % voilà trois ou quatre ans, le taux de financement est passé en 1996 à 123 %, chiffre supérieur à 100 %, qui montre que les capacités de financement de nos entreprises sont supérieures à leurs besoins.
Il est possible d'aborder autrement le même sujet : lorsque l'on trace les courbes, que vous connaissez parfaitement, qui mettent en relation le niveau d'épargne des entreprises avec celui de leurs investissements, on constate, toujours en 1996, dernière statistique disponible, un excédent de quelque 134 milliards de francs de l'épargne des entreprises sur leurs investissements.
Il y a donc là une possibilité, sans gêner le fonctionnement de l'économie, de trouver les quelque 21 milliards de francs dont nous avons besoin. Je ne dis pas que les entreprises concernées se réjouissent de cette mesure, mais elle n'affecte pas directement leurs capacités de financement.
On peut encore étudier cette question en examinant le poids de l'impôt sur les sociétés dans le PIB.
Dans notre pays, cet impôt représente 1,6 % du PIB. Or, dans les pays voisins, il en constitue en moyenne 3 %. Cela traduit le fait que, au final, si le taux de notre impôt sur les sociétés est plutôt supérieur à la moyenne, sans être le plus élevé, l'assiette sur laquelle il porte est à ce point réduite que, au total, le prélèvement, en termes de points de PIB, est sensiblement plus faible que chez nos voisins.
Mais surtout, à partir du moment où l'objectif était fixé et où il fallait choisir une voie d'action, la seule possibilité était d'opérer un prélèvement sur les ménages. Or, choisir cette option eût été, du point de vue du Gouvernement, reproduire une erreur qui n'est pas si ancienne : voilà quelques années, un prélèvement très massif sur les ménages, dont chacun se souvient, a contribué à briser un début de reprise de notre économie.

Par conséquent, l'ensemble de ces contraintes a conduit le Gouvernement à estimer qu'il fallait réduire le déficit, mais que si nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir en matière de réduction de la dépense, il n'est pas possible d'aller très loin dans ce sens en milieu d'année. La situation sera différente en 1998, et nous aurons l'occasion d'en reparler, mais il faut dans l'immédiat dégager des recettes, et il ne s'agit d'ailleurs que de reconstituer celles qui manquent. On ne peut les prélever sur les ménages, car cela risquerait de casser la croissance, mais on peut solliciter les entreprises, dont les disponibilités sont relativement importantes.
Ces mesures prennent la forme, tout d'abord, de l'instauration d'une surtaxe temporaire de 15 % sur l'impôt sur les sociétés. J'insiste sur son caractère temporaire, car souvent les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont la tentation de qualifier de temporaire une mesure qui perdure. On en connaît force exemples !
En l'occurrence, nous tenons, et tel est l'objet du texte qui vous est soumis, à ce que soient inscrites immédiatement dans le code général des impôts la valeur de cette surtaxe pour 1997 et pour 1998, sa décroissance en 1999 et, enfin, sa disparition en l'an 2000, afin de bien marquer qu'il ne faudra pas un nouvel acte législatif pour la faire disparaître, ce qui pourrait laisser supposer qu'elle pourrait perdurer plus longtemps qu'on ne le souhaite. Si vous acceptez de voter ce dispositif, il suffira de le laisser en l'état pour que, au bout de trois ans, la surtaxe disparaisse effectivement.
En ce sens, elle apparaît très différente de la surtaxe précédente, mise en place par le gouvernement de M. Juppé, qui, annoncée pour temporaire, a été votée définitivement et suppose un acte législatif particulier pour la supprimer.
M. Philippe Marini. Sophisme !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette surtaxe a été considérée par bon nombre d'entreprises comme l'investissement nécessaire pour que nous soyons au rendez-vous de l'euro auquel elles tiennent. C'est comme cela que j'interprète les réactions somme toute modérées de la part des représentants des entreprises lorsque cette mesure a été annoncée.
Toutefois, nous avons tenu à ce qu'elle ne concerne pas les petites entreprises, qui, chacun le sait, sont à l'origine de l'augmentation de l'emploi. Le seuil retenu, qui est bien entendu arbitraire comme tout seuil, est le seuil européen de définition des petites entreprises, à savoir 50 millions de francs de chiffre d'affaires.
J'attire l'attention du Sénat sur le fait qu'en exonérant de cette surtaxe les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs ce sont 80 % des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés qui sont exonérées. Encore s'agit-il d'un pourcentage minimal, car plusieurs estimations de l'INSEE et des différentes administrations économiques sont supérieures à ce taux. Ce sont donc au moins 80 % des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés qui seront exonérées de cette surtaxe.
L'Assemblée nationale a apporté deux modifications heureuses à cette disposition. La première consiste à étendre cette exonération aux petits groupes qui font moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires. C'est là un élargissement très considérable du concept traditionnel du code général des impôts, mais il est bienvenu.
La seconde modification apportée par les députés vise à exonérer de la surtaxe les entreprises de moins de 50 millions de chiffre d'affaires même lorsque leur capital est détenu non seulement par des sociétés de capital-risque mais également par des fonds communs de placement à risque, afin que les personnes qui s'investissent dans la prise de risques et que nous voulons soutenir ne soient pas pénalisées alors que ce sont sans doute elles qui font le plus d'efforts en matière d'innovation.
L'autre versant, à côté de la surtaxe de 15 % que je viens d'évoquer, a consisté à soumettre les plus-values au droit commun en matière d'imposition des bénéfices. Vous le savez, ce régime fiscal des plus-values est une sorte de curiosité géographique. En effet, aucun des pays qui nous entourent n'a cette particularité. Les plus-values y sont taxées selon le droit commun de l'impôt sur les sociétés. Cependant, cette curiosité a progressivement disparu. En effet, dès 1991, la sagesse des assemblées a conduit à supprimer cette exonération partielle des plus-values pour les titres de placement. Puis, en 1994, vous avez fait un pas de plus en la supprimant pour les titres de portefeuille. Nous voulons aller un peu plus loin, en maintenant toutefois quelques exceptions qui demeureront exonérées.
La première, ce sont les titres de participation. Il convient, en effet, que les plus-values sur ces titres continuent de bénéficier d'un taux particulièrement avantageux, faute de quoi les opérations au sein des groupes seraient extrêmement complexes et conduiraient sans doute un certain nombre de groupes à se localiser à des endroits où la législation fiscale serait plus favorable.
La deuxième exception, c'est de nouveau ce qui se passe pour les sociétés de capital-risque ou les fonds communs de placement à risque, pour lesquels nous avons, là aussi, voulu conserver le régime antérieur particulièrement avantageux en matière de plus-values.
La troisième exception concerne les plus-values issues de brevets ou d'inventions brevetables. Il a semblé souhaitable de ne pas augmenter la fiscalité en matière de plus-values, de façon à continuer d'avoir, en France, une importante localisation de brevets.
Au total, l'argument fondamental qui a présidé dans le passé au fait que nous ayons une fiscalité des plus-values avantageuse, à savoir une forte inflation - les plus-values étaient en grande partie purement nominales, et il convenait donc de ne pas les taxer au taux normal - a largement disparu puisque nous sommes dans une situation d'inflation particulièrement faible.
Les raisons qui ont présidé à la mise en place de cette fiscalité bonifiée ayant disparu, le Gouvernement a considéré qu'il était raisonnable de faire en sorte que la fiscalité bonifiée s'estompe.
Voilà, en quelques mots, ce que recouvrent les trois premiers articles du projet de loi qui vous est présenté.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire encore brièvement quelques commentaires sur les trois autres articles.
Le premier d'entre eux concerne EDF et le statut juridique des ouvrages de transport d'électricité qui, jusqu'à maintenant, est resté dans une certaine ambiguïté juridique. En effet, la propriété de ces ouvrages de transport n'était pas clairement définie. Le contrat de plan qui a été signé entre l'Etat et l'entreprise en avril dernier prévoyait de remettre cela en ordre. J'y vois plusieurs avantages.
Le premier, c'est de redonner à cette grande entreprise qu'est EDF un bilan avec des actifs qui valent quelque chose et qui sont « pesants ». Aux termes de l'article que nous vous proposons, les fonds propres d'EDF pourront être estimés à 80 milliards de francs, ce qui est plus en rapport avec l'importance de son activité. De plus, dans le cadre de l'évolution concurrentielle dans le domaine de l'énergie, en particulier de l'électricité, en Europe, EDF apparaîtra comme une société qui a effectivement à son bilan des actifs correspondant à l'importance de son activité.
Autre avantage, l'anomalie selon laquelle ces ouvrages n'apparaissent pas au bilan d'EDF conduisait à une situation fiscale dans laquelle des pertes un peu fictives apparaissaient, ce qui conduisait EDF à ne pas payer d'impôt sur les sociétés. Aussi, tous les gouvernements avaient la fâcheuse tendance de compenser ce manque d'impôt par un prélèvement, plus ou moins forfaitaire et donc arbitraire, sur EDF. La régularisation de cette situation va conduire EDF à payer l'impôt normalement, et donc, je pense, à restreindre l'habitude, toujours bien intentionnée mais pas toujours heureuse, des gouvernements de prélever arbitrairement des ressources sur cette entreprise.
Bien entendu - et, de ce point de vue, je veux rassurer le Sénat - ce dispositif ne remet nullement en cause le monopole dont dispose EDF. Il n'a aucune influence sur les collectivités locales, ni sur les réseaux qu'elle détiennent en régie. Il n'entraîne pas, au contraire et je viens de l'expliquer, un prélèvement supplémentaire quelconque sur EDF. En fait, cela normalise la situation de cette entreprise. Telles sont les précisions que je souhaitais apporter sur le premier des articles de cette seconde partie du projet de loi.
Le deuxième article concerne les CODEVI, les comptes pour le développement industriel.
Les modalités particulières que vous avez votées ont conduit les collectivités locales à pouvoir utiliser les ressources des CODEVI jusqu'au 31 décembre 1996 pour financer l'installation et l'aménagement de PME. A la demande de nombreux élus, il a semblé utile de reconduire cette possibilité jusqu'à la fin de 1997. Le Gouvernement s'est rallié à cette position. Un article permettant d'étendre jusqu'à la fin de 1997 l'emploi des ressources des CODEVI par les collectivités locales vous est donc présenté.
J'en viens, enfin, au dernier article de cette seconde partie.
Du rapprochement du CEPME, le Crédit d'équipement pour les petites et moyennes entreprises, et de la SOFARIS, entreprise de garantie en matière de capital-risque, est née la BDPME, la Banque de développement des petites et moyennes entreprises. Celle-ci a la caractéristique d'une holding. Comme elle regroupe des participations publiques dans des établissements financiers et publics, elle doit mettre en oeuvre la loi de 1983 sur la démocratisation du secteur public. Celle-ci ne prévoit pas clairement comment la représentation des salariés des filiales - la holding elle-même ayant peu de salariés - peut s'opérer au conseil de surveillance de la holding.
Aussi, il convient qu'un article de loi permette l'application simple, naturelle et de bon sens de la loi de 1983 qui ne prévoyait pas ce cas. Tel est l'objet du dernier article qui vous est soumis.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que sur l'ensemble de ces articles, le bien-fondé de la démarche gouvernementale vous apparaîtra et que vous souhaiterez vous associer à l'Assemblée nationale pour les approuver.
Je tiens à vous dire combien M. Christian Sautter et moi-même sommes à votre disposition pour examiner les amendements que vous présenterez. Je vous demande par avance de m'excuser de ne pouvoir participer à l'ensemble de la discussion, car M. le Premier ministre m'a demandé de le rejoindre en fin de matinée. Bien entendu, dès que la réunion à laquelle il me convie sera terminée, je vous rejoindrai afin de poursuivre avec vous la discussion.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'Etat au budget espèrent que cette première rencontre avec la Haute Assemblée sera, comme j'en ai, pour ma part, gardé le souvenir s'agissant des débats que nous avons menés ensemble lorsque je participais à des gouvernements précédents, l'occasion de discussions franches, intéressantes...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Courtoises !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et permettant d'enrichir les textes. Je suis sûr que nous pouvons, par là même, commencer une collaboration démocratique, souvent contradictoire mais toujours fructueuse, que nous poursuivrons bientôt lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous saluer puisque c'est notre première rencontre en séance publique à la veille de la discussion budgétaire. Je fais mienne la conclusion de votre propos, monsieur Strauss-Kahn : je souhaite que notre dialogue soit fécond, au service de notre pays.
Le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre examen comporte six articles. Les trois premiers sont la traduction législative des mesures fiscales annoncées par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 23 juillet dernier. Celles-ci sont elles-mêmes consécutives aux travaux menés par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse, qui ont constaté un creusement du déficit des comptes publics.
Les trois premiers articles du présent projet de loi ont un triple objet. Il s'agit, d'abord, d'instituer une contribution temporaire sur le taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires de plus de 50 millions de francs, fixée à 15 % en 1997 et 1998 et à 10 % en 1999, ce qui portera le taux de l'impôt sur les sociétés à 41,66 % puis à 40 %. Il s'agit, ensuite, d'élargir l'assiette de l'impôt sur les sociétés en y incluant les plus-values à long terme, hors titres de participation et concession de licences d'exploitation de brevets et d'inventions brevetables. Il s'agit, enfin, de modifier le régime des acomptes pour assurer le rendement fiscal de ces mesures dès 1997.
L'augmentation du taux réel de l'impôt sur les sociétés et la suppression partielle du régime des plus-values à long terme devraient rapporter respectivement 14,4 milliards de francs et 6,7 milliards de francs de recettes supplémentaires au budget de l'Etat, soit un total de quelque 21 milliards de francs en 1997. Le rendement attendu en 1998 est de 16,5 milliards de francs.
La commission des finances considère qu'il convient sans doute d'actualiser le constat effectué par MM. Nasse et Bonnet sur l'état des comptes publics. Par ailleurs, elle ne recommande pas de souscrire à la stratégie retenue par le Gouvernement, qui consiste à accroître les recettes fiscales plutôt qu'à freiner les dépenses, pour permettre ainsi de respecter nos engagements européens, comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre, et pour parvenir au plus vite, conformément au souhait de chacun dans cette assemblée, à la stabilisation de la dette.
A cet égard, monsieur le ministre, nous apprécions beaucoup dans cette assemblée une initiative qui a été prise à deux reprises, à savoir l'organisation d'un débat d'orientation budgétaire. Certes, le calendrier de cette année n'a pas permis un tel débat qui est l'occasion d'examiner d'une manière pluriannuelle l'évolution de nos finances publiques.
La dégradation des comptes publics révélée par l'audit doit être relativisée au vu des derniers résultats de l'exécution de la loi de finances de 1997 qui mettent en évidence une amélioration du solde budgétaire de 13,8 milliards de francs par rapport au mois de juillet 1996. Elle peut être aussi relativisée par votre optimisme - c'est une qualité, monsieur le ministre - sur le rythme de la croissance en 1997.
Je me souviens d'une interview que vous avez donnée fin août et dans laquelle vous affirmiez que le déficit approcherait peut-être 2,9 %.
Mais la lutte contre les déficits publics - la commission des finances le répète depuis longtemps - doit reposer en priorité sur la maîtrise des dépenses et même sur leur réduction, et non pas sur l'accroissement des prélèvements obligatoires. Or, le Gouvernement a donné un signe très négatif en la matière, en utilisant le gel des 10 milliards de francs de crédits opéré par le précédent gouvernement pour engager de nouvelles dépenses au moyen d'un décret d'avance, en date du 9 juillet dernier, de 11,1 milliards de francs.
En annulant purement et simplement les crédits gelés par le précédent gouvernement, le nouveau gouvernement aurait pu faire quelque 10 milliards de francs d'économies, ce qui aurait permis de diminuer le creusement du déficit budgétaire tel qu'il a été estimé par MM. Nasse et Bonnet.
Le Gouvernement n'a pas fait ce choix et préfère compenser le creusement du déficit budgétaire par une hausse de la fiscalité. C'est son droit, mais ce n'est pas la voie préconisée par la commission des finances ni par les deux rapporteurs de l'audit, qui écrivent ceci : « Agir sur la dépense est le seul moyen de réduire les déficits, comme la France s'y est engagée, sans accroître des prélèvements obligatoires déjà très lourds. Ce résultat ne pourra donc être obtenu que par des actions de fond. »
Il n'est pas inutile à ce stade de rappeler que les dépenses publiques représentent en France 54,6 % du PIB en 1996 contre 50,6 % dans l'Union européenne et que, comme nous l'oublions trop souvent, ce sont les pays industriels ayant choisi la voie de la réduction des dépenses publiques qui ont réussi à diminuer massivement leur taux de chômage.
Par ailleurs, deux arguments invoqués par le Gouvernement pour surfiscaliser en priorité les grandes et moyennes entreprises semblent contestables à la commission des finances. Outre qu'elles seraient moins taxées que les concurrentes, sur le seul critère de l'impôt sur les sociétés dans le PIB, leur bonne santé apparente en ferait des contributeurs tout désignés.
Vous avez d'ailleurs indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, que la réaction des entreprises à cette mesure était modérée. Je n'ai pas entendu qu'elles s'étaient réjouies, mais peut-être redoutent-elles tout simplement d'autres décisions du Gouvernement !
Non seulement les arguments invoqués par le Gouvernement peuvent être contestés, mais la commission des finances craint aussi que, en accroissant la fiscalité pesant sur les entreprises, contrairement à nos partenaires et concurrents économiques, le Gouvernement ne compromette l'emploi en retardant les investissements et la croissance, et ne donne un signal négatif aux entreprises. Les mesures fiscales prévues par le projet de loi de finances pour 1998 confirment de surcroît cette tendance, en raison, par exemple, de la modification du régime des provisions qui touche de nombreuses PME.
En effet, en portant notre taux d'impôt sur les sociétés à 41,6 % et en supprimant, même partiellement, le régime de la taxation, nous irions - mais c'est ce qui se passera sans doute puisque la majorité, à l'Assemblée nationale, en décidera certainement ainsi - à contre-courant des politiques menées par nos principaux partenaires européens qui, eux, entreprennent tous, sauf erreur de ma part, de réduire les impôts pesant sur les entreprises.
S'agissant du régime de taxation réduite des plus-values de cessions d'actifs immobilisés, vous avez indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, que notre pays se singularisait par rapport aux autres pays européens. Mais sans doute avez-vous voulu faire gagner du temps au Sénat en n'ajoutant pas que, dans ces derniers, existait une exonération dès lors qu'on réemployait le produit de la réalisation des actifs.
Même si elles ne sont pas immédiates, nous aurons dans quelques années à subir les conséquences de mesures qui pourraient se traduire par des délocalisations et par un reflux des investissements étrangers en France. L'Allemagne en a fait l'amère expérience, mais nous ne semblons pas vouloir nous instruire de cet exemple.
En deuxième lieu, les mesures proposées sont de nature à freiner la reprise économique au moment où des signes de plus en plus nombreux la confirment.
En effet, le durcissement de la législation fiscale réduit le taux de rendement interne des investissements et conduit les chefs d'entreprise à les diminuer. Faut-il rappeler la faiblesse des taux d'investissement passés et le retard pris par la France dans le renouvellement de ses capacités de production, l'investissement productif ayant baissé de 5,8 % entre 1992 et 1996 dans notre pays alors qu'il progressait de près de 35 % aux Etats-Unis ?
J'insiste beaucoup sur cette question, monsieur le ministre, et je souhaite vraiment retenir votre attention, car la majorité de la commission des finances craint que les mesures proposées ne soient défavorables à la reprise de l'investissement.
En outre, s'il est vrai que l'impôt sur les sociétés pèse très peu dans le PIB par rapport à nos principaux concurrents, c'est parce que d'autres charges, parfois importantes - je pense en particulier à la taxe professionnelle - pèsent déjà sur elles.
Il ne paraît donc pas opportun d'accroître encore le poids de leurs prélèvements, fût-ce à titre temporaire. N'oublions pas, de surcroît, que seules des entreprises en bonne santé financière et disposant d'un environnement fiscal et social favorable dans un contexte de compétition économique mondiale sont susceptibles de maintenir ou de créer des emplois.
Je ne m'étendrai pas, enfin, sur les difficultés plus techniques et pourtant nombreuses soulevées par les deux dispositifs fiscaux du présent projet de loi.
Outre leur rétroactivité, qui décourage toujours - nous le savons bien - les agents économiques, les dispositifs se caractérisent par leur complexité - je vous mets au défi, mes chers collègues, d'expliquer très simplement l'application de l'article 3 - et par un manque réel de lisibilité, ce qui n'est, hélas ! pas nouveau en matière de législation fiscale !
La commission des finances maintient en outre qu'il n'est pas de bonne législation d'introduire une discrimination entre les entreprises, même en fonction de leur chiffre d'affaires.
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Alain Lambert, rapporteur. Nous en étions d'ailleurs déjà convenu lors de la création d'un taux réduit d'imposition des bénéfices pour les PME procédant à une augmentation de capital. De plus, les entreprises les plus pénalisées seront, en dernier ressort, les sociétés moyennes, celles qui réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires sur le territoire national, celles qui ne pourront échapper à l'impôt, à l'inverse des multinationales qui peuvent, en partie, « délocaliser » leurs bases imposables ou les lisser dans le temps.
La commission des finances constate enfin, pour le déplorer, que l'augmentation de l'impôt sur les sociétés déséquilibre le mécanisme de l'avoir fiscal et fait renaître des phénomènes de double taxation, aux dépens des actionnaires et des sociétés mères de filiales.
Il me paraît inadéquat de relancer une espèce de « guerre de religion » sur l'avoir fiscal - c'est ce que font indirectement le présent projet de loi et le projet de loi de finances pour 1998 - au moment où l'on insiste tant sur la nécessité de créer des PME dynamiques dans les secteurs des nouvelles technologies et où l'on veut convaincre - j'espère que nous y parviendrons - les Français d'acheter massivement des titres de France Télécom puis d'autres à venir. Ces petites économies n'ont qu'un faible effet budgétaire, mais elles irritent les investisseurs français ou étrangers qui n'apprécient guère de voir les règles du jeu modifiées en cours de partie.
Au total, la commission des finances souscrit sans réserve à la nécessité de respecter dès 1998 toutes les conditions de passage à la monnaie unique. Mais en choisissant la solution de court terme consistant à alourdir la fiscalité des entreprises plutôt que la politique vertueuse fondée sur la maîtrise des dépenses, le Gouvernement ne retient pas la bonne solution et risque de compromettre les intérêts à long terme de la nation.
La France ne peut continuer éternellement à faire cavalier seul en ignorant le contexte international dans lequel évoluent ses entreprises. La commission des finances vous soumettra, par conséquent, trois amendements tendant à supprimer les trois premiers articles du présent projet de loi.
M. Paul Loridant. Que cela ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, rapporteur. Les trois dernières dispositions n'ont rien à voir avec les précédentes. Elles étaient contenues dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier déposé par le précédent gouvernement, et leur présence dans ce texte est surtout justifiée par la nécessité de valider ce qui avait été annoncé à l'époque.
Je les évoquerai rapidement.
L'article 4 a pour objet de transférer la propriété des ouvrages de transport d'électricité du réseau d'alimentation générale, le RAG, de l'Etat, jusqu'à présent propriétaire concédant, à EDF.
Cette opération, accompagnée d'une restructuration du bilan de l'établissement public, vise à mettre fin à l'inadéquation de la structure capitalistique d'EDF qui se caractérisait jusque-là par une disproportion entre des capitaux propres inférieurs à 24 milliards de francs et des actifs avoisinant 680 milliards de francs.
Au terme de l'opération, le montant des capitaux propres devrait plus que tripler pour atteindre près de 80 milliards de francs et EDF devrait acquitter, pour la première fois, l'impôt sur les sociétés à hauteur de 3 milliards de francs.
Cette mesure paraît nécessaire à la commission des finances pour assurer la lisibilité des comptes d'EDF auprès de la communauté économique internationale, notamment auprès des partenaires financiers d'EDF. Elle est conforme en outre au contrat d'entreprise signé le 8 avril dernier entre l'Etat et EDF. Enfin, elle préserve la propriété des collectivités territoriales sur les ouvrages du réseau de distribution ; un amendement adopté par l'Assemblée nationale constitue une garantie supplémentaire en ce sens. Nous en parlerons tout à l'heure, si vous le voulez bien, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, afin que l'intention du législateur sur ce sujet ne puisse donner lieu à aucune ambiguïté.
L'article 5 vise à proroger de deux ans à compter du début de 1997 le dispositif de la loi Gest permettant aux collectivités locales d'emprunter sur ressources CODEVI pour financer des équipements destinés à favoriser l'implantation et le développement des PME. Ce dispositif a révélé une certaine utilité - je le dis avec bienveillance, n'en étant pas totalement convaincu ! - mais sa portée est très limitée, car le CODEVI ne constitue plus aujourd'hui une ressource réellement privilégiée. J'imagine que certains de mes collègues le feront d'ailleurs remarquer au cours de la discussion.
L'article 6 est relatif à la Banque du développement des petites et moyennes entreprises, successeur du CEPME. Il s'agit d'adaptations formelles destinées à lui appliquer la loi de 1983 sur la démocratisation du secteur public dans les mêmes conditions qu'au CEPME auparavant. Cette disposition n'appelle pas de commentaire particulier de la commission, même si nous pouvons regretter de n'avoir pas eu à nous prononcer sur la création même de la BDPME. Je rappelle simplement que la commission des finances s'était prononcée en faveur de l'existence d'organismes publics dits « de place » pour faciliter l'accès au crédit des PME.
Mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements que j'aurai à vous soumettre, au nom de la commission des finances, je vous propose donc d'adopter ce texte. Vous voyez que la commission des finances adopte une position équilibrée puisque, sur six articles, elle vous propose d'en supprimer trois et elle vous recommande d'en adopter trois. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini. Excellente recommandation !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de prime abord, nous devrions oublier nos divergences politiques et nous féliciter, ensemble, de l'intention qui anime ce projet de loi et qui a été exprimée voilà un instant par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, puis rappelée par M. le rapporteur.
En effet, ce texte constitue, au moins chronologiquement, la première traduction législative de la volonté du Gouvernement d'honorer l'échéance de l'euro. C'est bien ainsi que j'ai interprété l'intervention de M. Strauss-Kahn.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous adresser tout de suite mes compliments pour avoir réussi à convaincre vos collègues de la gauche de la majorité plurielle de se rallier à cette cause européenne. (Sourires.) Je pense qu'ils vous suivront dans leur démarche.
Mais nous n'allons pas céder, monsieur le ministre, à ce mouvement d'enthousiasme, car le volet fiscal de ce projet de loi, qui institue une surtaxe temporaire de l'impôt sur les sociétés - en France, nous savons que le temporaire, même lorsqu'il est inscrit dans la loi, peut durer longtemps ! - ne constitue pas, à mes yeux, le gage de la préparation de notre pays aux défis qu'il devra relever lorsque l'euro sera, avec l'appui de tous, devenu une réalité.
Réaliser l'euro, c'est bien. Réussir l'euro, c'est mieux.
Or, nous savons que la première urgence à laquelle seront confrontés les pays qui participent à cette aventure - au sens noble du terme - de l'euro consistera prioritairement dans l'harmonisation fiscale. Il s'agira alors d'éviter - c'est important - les délocalisations d'entreprises, les déplacements de l'épargne qui commencent à s'engager et les expatriations de travailleurs.
La mesure de surtaxation des entreprises que vous nous proposez, monsieur le ministre, s'apparente à une « mesure de divergence » qui va à contre-courant de la politique d'harmonisation à la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, menée au début des années quatre-vingt-dix par - pourquoi ne pas le dire ? - le regretté Pierre Bérégovoy.
Alors que Pierre Bérégovoy et Michel Charasse ont ramené, peut-être de manière un peu hâtive, le taux de l'impôt sur les sociétés de 42 % en 1989 à 33,33 % en 1992, vous nous demandez aujourd'hui, monsieur le ministre, de le relever, après l'épisode de l'été 1995 - j'avais d'ailleurs fait une observation à l'époque - de 36,66 % à 41,66 %. La mesure est un peu lourde : plus 15 % ! Tout le chemin parcouru courageusement depuis 1989 est donc ainsi effacé.
Tout de suite, une question vient à l'esprit, que je pose au Sénat ainsi qu'à vous-même, monsieur le ministre : comment nos industriels pourront-ils construire leur programme d'investissement avec un tel « yo-yo fiscal », si vous me permettez l'expression ?
Il convient qu'ensemble nous nous attachions à modifier une telle démarche qui, bien entendu, est contraire à l'économie et à l'avenir des entreprises.
Au même moment, l'Italie et l'Allemagne, qui avaient conservé des taux élevés, sont en train d'engager un mouvement de reflux, comme vient de nous le rappeler M. le rapporteur général dans son excellente intervention.
La surtaxation que vous nous proposez, monsieur le ministre, constitue donc, à nos yeux, une mesure contestable au regard de l'indispensable harmonisation fiscale européenne, qui doit s'accélérer avec la mise en place dans quelques mois, avec le soutien de tous, de la monnaie européenne.
En outre, cette mesure me semble inopportune dans la situation actuelle de notre économie, qui se caractérise par une reprise de la croissance, mais une reprise que tout le monde considère comme très molle, hélas !
Tout d'abord, cette mesure repose, à mon avis, sur une appréciation discutable, sinon erronée, de la situation des entreprises françaises.
Tout se passe comme si cette mesure n'était pas exempte d'une certaine volonté de sanctionner les entreprises coupables, aux yeux du Gouvernement, de ne pas investir et de ne pas recruter.
Soyons objectifs. C'est d'ailleurs une démarche permanente du Sénat ! Il est vrai que la politique du « donnant-donnant » a montré ses limites en dépit de l'importance des sommes consacrées, d'une part, au remboursement des avances de trésorerie effectuées par les entreprises en raison de la règle du décalage d'un mois en matière de TVA et, d'autre part, à l'allégement des charges sociales afférentes à l'emploi peu qualifié.
Il est vrai également que, dans nos fonction d'élus locaux, nous sommes confrontés - mais, heureusement, dans de très rares circonstances - alors que nous consentons des efforts financiers non négligeables pour faciliter l'implantation des entreprises, à des comportements qui peuvent parfois faire penser au titre de l'un des films de Woody Allen, intitulé Prends l'oseille et tire-toi. (Sourires.)
Il est vrai, enfin, que le taux d'autofinancement des entreprises atteint aujourd'hui un pourcentage record alors que leur investissement est en panne.
M. René Régnault. Oui !
M. Christian Poncelet, président de la commission. Mais peut-on jeter la pierre aux entreprises d'avoir veillé, dans le contexte de vif renchérissement des taux d'intérêt réels que nous avons connu de 1990 à 1995 - vous l'avez très justement rappelé, monsieur le ministre - à assurer leur survie en se désendettant très rapidement, à réduire leur dépendance vis-à-vis des établissements de crédit et à préserver leur pérennité ?
Par ailleurs, la forte progression du taux d'autofinancement des entreprises, même si elle est réelle, ne constitue pas à elle seule un indicateur de la bonne santé des entreprises françaises.
Pour rester sur le plan européen, terrain sur lequel vous vous êtes situé voilà un instant, monsieur le ministre, nous constatons que la rentabilité des entreprises françaises est inférieure de moitié à celle de leurs concurrentes européennes.
De même, le taux de marge de nos entreprises, défini comme la part des profits dans la valeur ajoutée, est en baisse : alors qu'il atteignait 37 % de la valeur ajoutée en 1970, il ne s'élevait plus qu'à 31,5 % en 1996, et non à 40 % comme certains l'ont prétendu à tort, même si je dois avouer qu'un démenti a suivi assez rapidement.
En second lieu, cette surtaxation des entreprises me semble inopportune, car elle risque de prolonger et d'aggraver la panne de l'investissement, alors que vous recherchez le contraire.
Ce reflux de l'investissement des entreprises, que nous observons depuis le début des années quatre-vingt-dix, est lourd de conséquences pour notre pays.
En effet, le vieillissement de l'appareil productif ne peut, à l'évidence, manquer d'entraîner un retard technologique qui va se traduire, à terme, par des pertes de parts de marchés à l'étranger, alors que l'excédent commercial dégagé par la France depuis 1992 apparaît comme le principal moteur susceptible de tirer la croissance.
Par ailleurs, en cas d'affaiblissement technologique, certains marchés intérieurs risquent d'être repris par des concurrents étrangers plus performants.
Cette surtaxation des entreprises, qui ne constitue pas - c'est un euphémisme ! - une incitation à investir, apparaît, dans ces conditions, comme une mesure qui va à l'encontre des choix effectués par le Gouvernement.
En effet, elle rend pour le moins hasardeux le pari que vous avez pris - nous l'analyserons prochainement - d'une croissance de 3 % l'année prochaine, pari sur lequel repose la construction du projet de loi de finances pour 1998.
Vous avez fait le pari que, parmi les moteurs de la croissance, la reprise de l'investissement des entreprises allait relayer et conforter la demande étrangère adressée à la France, c'est-à-dire les exportations.
Contestable...
M. Philippe Marini. Hasardeuse !
M. Christian Poncelet, président de la commission. ... au regard des perspectives fiscales européennes, inopportune dans ses effets économiques et peu compatible - c'est un point important - avec l'objectif de croissance affiché par le Gouvernement dans la construction de son budget pour l'exercice suivant, cette surtaxation des entreprises m'apparaît, en outre, d'une utilité douteuse.
Alors que l'audit réalisé en juillet dernier par les magistrats MM. Bonnet et Nasse - audit auquel, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous avez fait référence à l'instant - avait évalué le déficit public, au sens maastrichien du terme - qui est maintenant admis par tout le monde - à un montant situé dans une fourchette comprise entre 3,5 et 3,7 % du PIB, l'exécution du budget de 1997 apparaît, aujourd'hui, sous contrôle.
En effet, selon les informations dont nous disposons - à ce propos, monsieur le ministre, je remercie vos services de nous avoir communiqué les renseignements que nous souhaitons obtenir - les recettes rentrent, les dépenses stagnent et le solde budgétaire affiche une amélioration significative par rapport à celui qui avait été enregistré l'année dernière.
M. René Régnault. Ah ! vous avez bien géré !
M. Christian Poncelet, président de la commission. Dans ces conditions, le respect du déficit budgétaire, fixé à 285 milliards de francs par la loi de finances initiale de 1997, ne semble plus relever d'une mission impossible.
M. Claude Estier. Il ne fallait pas dissoudre, alors !
M. Christian Poncelet, président de la commission. Ce serait à refaire, on réfléchirait peut-être davantage... (Sourires.)
On peut même penser que l'objectif des 3 % aurait pu être tenu par une maîtrise des dépenses de l'Etat, sans nécessairement recourir à un accroissement de la pression fiscale qui vient gonfler nos prélèvements obligatoires, étant entendu que la France est, parmi les pays industrialisés, celui dont les prélèvements obligatoires sont les plus élevés.
M. René Régnault. Ce sont des mots !
M. Philippe Marini. C'est la réalité !
M. Christian Poncelet, président de la commission. Les réalisateurs de l'audit l'avaient d'ailleurs pressenti puisqu'ils avaient évoqué - écoutez bien, messieurs ! - « des dérapages de dépenses localisés, bien identifiés et dont l'ampleur reste sous contrôle ». Ce n'est pas moi qui l'écrit, mais MM. Bonnet et Nasse !
M. René Régnault. C'était votre budget, votre gestion !
M. Christian Poncelet, président de la commission. En définitive, c'est pour proscrire cette solution de facilité que constitue le recours à l'impôt et marquer sa préférence pour une action courageuse et vigoureuse de réduction des dépenses publiques que la commission des finances vous proposera, mes chers collègues, d'adopter les amendements de suppression du volet fiscal de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Permettez-moi, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques mots de commentaires sur les deux très intéressants exposés qui viennent de nous être présentés, en vous renouvelant mes excuses de devoir vous quitter dès que j'aurais prononcé ces paroles.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Nous le comprenons !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci, monsieur Poncelet !
Monsieur le rapporteur, vous nous dites, et je vous en remercie, que c'est par la lutte contre une dépense publique trop importante qu'il faut réduire les déficits. J'en suis bien d'accord ! J'anticipe donc : ce commentaire que vous faites aujourd'hui nous vaudra sans doute quelques félicitations dans quelques jours lorsque nous vous présenterons le projet de loi de finances pour 1998 qui, comme vous le savez puisque nous en avons discuté en commission, est le premier depuis vingt ans à stabiliser en termes réels les dépenses. (Sourires.) Mais j'anticipe, nous y reviendrons un peu plus tard.
Permettez-moi toutefois, sans être aucunement polémique, de vous faire remarquer que, si cette maîtrise des dépenses avait été assurée au cours des premiers mois de l'année par le gouvernement qui nous a précédés, nous n'aurions pas aujourd'hui cette discussion.
M. Philippe Marini. Non, c'est complètement inexact, c'est contraire à l'audit !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Marini, l'audit fait apparaître un dépassement de l'ordre d'une quinzaine de milliards de francs des dépenses, qui ne vous a certainement pas échappé.
M. Philippe Marini. Il y avait 10 milliards de francs d'économies !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, il y avait 10 milliards de francs de gel. Votre connaissance de la chose est trop grande, monsieur Marini, pour que vous fassiez semblant de confondre !
M. Philippe Marini. Ces 10 milliards de francs d'économies, vous les avez dépensés.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le problème devant lequel nous nous trouvons, c'est que, chacun le sait ici, il est impossible de réaliser 30 milliards de francs d'économies en milieu d'année. C'est si vrai que, lorsqu'il y a deux ans le gouvernement et le Parlement s'étaient mis dans l'esprit, pour redonner du lustre - ce que je souhaite, pour ma part - à l'initiative parlementaire, le Parlement - donc aussi le Sénat - s'était fait un devoir de trouver quelques économies, mais n'avait pas été capable de trouver 2 milliards de francs lors de la discussion de la loi de finances initiale. Que dire alors s'il avait fallu trouver 30 milliards de francs en milieu d'année !
M. Raymond Courrière. C'est plus facile à dire qu'à faire !
M. René Régnault. Eh oui !
M. Alain Lambert, rapporteur. C'est l'Assemblée nationale qui s'était livrée à cet exercice !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout à fait, monsieur le rapporteur : l'Assemblée nationale aussi. Je ne mets pas en cause particulièrement le Sénat...
M. Christian Poncelet, président de la commission. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Je souhaite préciser, monsieur le ministre, qu'à l'époque le Sénat ne s'était pas associé à cette démarche et que nous en avions, au contraire, démontré la nocivité.
Nous avions indiqué que, lorsque le Parlement souhaitait que soient réalisées des économies, il appartenait au Gouverrnement, à l'exécutif, de chercher dans ses budgets où elles pouvaient être réalisées.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je prends acte de cette mise au point, monsieur Poncelet, et je modifie donc mon commentaire, de façon à être respectueux de la réalité : lorsque vos collègues de l'Assemblée nationale s'étaient engagés dans cette idée folle de vouloir trouver des économies, ils n'ont pas été capables de trouver 2 milliards de francs. Vous avez eu la sagesse de renoncer à cet exercice et de laisser faire le Gouvernement, ce en quoi vous avez eu raison. Nous en reparlerons pour 1998 !
Cela étant dit, sans doute aurions-nous pu aller dans la voie qu'indiquait M. Marini, lui qui a fait état d'un gel de 10 milliards de francs de crédits par le gouvernement précédent, si, en arrivant aux affaires, il ne nous était pas apparu que, dans la loi de finances qui avait été votée pour 1997, il n'y avait pas quelques insuffisances de couverture pour des dépenses prévisibles.
J'en citerai quelques-unes qui, peut-être, vous ont échappé lorsque vous avez voté le texte - mais sans doute le gouvernement que vous souteniez ne vous avait-il pas donné les éléments vous permettant de vérifier la véracité de ses comptes - car, qu'il s'agisse de la provision salariale pour 1997, qui était insuffisante de moitié, de la prime automobile dite « jupette », si je me souviens bien, et qui était totalement non financée, ou encore de l'insuffisance des crédits sur le logement ou des 2,8 milliards de francs qui manquaient sur les crédits recherche - qui ont pourtant été engagés au début de 1997 par le gouvernement précédent - la somme de toutes ces mesures n'est pas loin, déjà, du gel que le gouvernement précédent avait opéré.
Par conséquent, son gel n'a correspondu, finalement, qu'à la compensation de ses turpitudes précédentes. Nous revenons donc au problème de départ : nous nous retrouvons en millieu d'année avec une trentaine de milliards de francs à trouver et les voies pour cela, nous le savons, ne sont pas très nombreuses.
Nous avons choisi de reconstituer les prélèvements obligatoires.
Monsieur le rapporteur, vous dites que nous alourdissons les prélèvements obligatoires. Permettez-moi de contester cette interprétation.
Lorsque le gouvernement précédent prévoit, disons, 1 300 milliards de francs de recettes - le chiffre n'est pas tout à fait exact, mais cela ne change rien au raisonnement - que l'audit révèle qu'il manque 21 milliards de francs et que donc nous prélevons 21 milliards de francs de plus pour atteindre le chiffre initial, on ne peut pas dire, me semble-t-il, que nous alourdissons les prélèvements obligatoires ; simplement, nous reconstituons les prélèvements obligatoires qui avaient été prévus par le gouvernement précédent.
M. Philippe Marini. C'est un sophisme !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas un sophisme, monsieur Marini, c'est la manière d'équilibrer les comptes que vous nous avez laissés.
M. Philippe Marini. C'est une vision macroéconomique ; c'est un alourdissement pour le contribuable !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je suis désolé : les contribuables français paieront, en 1997, exactement les impôts que vous avez votés en masse.
M. Michel Sergent. Très bien !
M. Philippe Marini. Les entreprises paieront plus !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Donc, les ménages paieront moins !
Si votre position est de dire qu'il ne faut pas que les ménages paient moins et que les entreprises paient plus, je vous invite à la défendre publiquement.
M. Philippe Marini. C'est une caricature !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur ont abordé une question très importante que je veux préciser, car il ne faudrait pas que le Sénat et eux-mêmes, qui sont très bien informés - je souhaite d'ailleurs que nous puissions les informer le mieux possible, comme c'est notre devoir - interprètent de façon trop optimiste les chiffres dont ils ont pu prendre connaissance.
En effet, lorsque l'on regarde la situation de nos recettes et l'exécution budgétaire à la lumière des derniers chiffres dont nous disposons, c'est-à-dire ceux de l'été, on peut avoir le sentiment - on l'a relevé à juste raison - que cela va mieux.
La réalité est plus complexe. En effet, n'est pas encore intervenue dans l'exécution budgétaire la baisse de recettes de 25 milliards de francs au titre de l'impôt sur le revenu, qui ne joue que sur le dernier tiers, prélevé à partir du 15 septembre. Cette baisse de recettes, que le précédent gouvernement a mise en oeuvre et que nous n'avons pas voulu remettre en cause parce que la parole de l'Etat était engagée, va bel et bien se traduire par 25 milliards de francs de recettes de moins sur le dernier tiers de l'impôt sur le revenu. C'est le premier point.
Deuxième point : en 1996 - puisque c'est l'année à laquelle vous comparez, légitimement, l'exécution de 1997 - le prélèvement européen - vous savez que nous versons chaque année un prélèvement aux Communautés européennes - n'a plus été versé à partir de septembre. Nous n'avons pas l'intention de procéder de même : nous remplissons nos engagements à mesure qu'ils se présentent. Nous aurons donc, au cours du troisième trimestre, à verser à l'Europe un prélèvement que le gouvernement précédent n'a pas opéré l'année dernière.
Enfin, troisième point : le rythme des versements de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, à l'Etat de 12,5 milliards de francs a été beaucoup plus rapide sur les premiers mois de 1997 que sur les premiers mois de l'année 1996. En conséquence, sur la deuxième partie de l'année, il sera plus lent en 1997 qu'il ne l'a été en 1996.
Lorsqu'on ajoute tous ces éléments, on s'aperçoit que nous avons bel et bien besoin à la fois des 10 milliards de francs d'économies que nous nous sommes engagés à faire, que d'ailleurs nous réaliserons - vous l'avez souligné en disant, avec raison, que les dépenses étaient freinées - et des 21 milliards de francs de recettes que je demande au Parlement de bien vouloir voter, et qui sont nécessaires pour atteindre le résultat que nous disons tous vouloir obtenir.
M. le rapporteur a évoqué la question très importante de la rétroactivité. Il convient qu'en aucun cas un doute ne puisse s'insérer dans les esprits et que quiconque puisse penser, dans ce pays, que la loi fiscale est rétroactive.
En effet, le fait générateur de l'impôt - les législateurs que vous êtes le savent mieux que quiconque - en l'occurrence, c'est la date de clôture de l'exercice. Une mesure prise avant le fait générateur de l'impôt est donc considérée par le droit fiscal - c'est notre législation depuis plus d'un siècle - comme non rétroactive.
C'est si vrai que lorsque, en 1994 - je ne me souviens plus de la couleur politique du gouvernement alors en place, mais peu importe ! (Sourires sur les travées socialistes) - une mesure analogue a été prise sur les plus-values de cessions de titres de portefeuille, le Sénat n'a pas trouvé à y redire.
M. René Régnault. Très bien !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De la même manière, lorsque, en 1995 - je ne me souviens plus non plus de la couleur politique du gouvernement d'alors ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) - la surtaxe de 10 % sur l'impôt sur les sociétés a été mise en place, personne, dans cette assemblée, ne s'est levé pour dire qu'il s'agissait d'une mesure rétroactive. Il me semble donc légitime de considérer que ce qui n'était pas rétroactif en 1994 et en 1995 ne l'est pas non plus en 1997.
M. René Régnault. Très bien !
M. Philippe Marini. Les mauvaises habitudes des uns n'excluent pas celles des autres ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. On aura tout entendu !
M. René Régnault. C'est un peu trop facile !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez raison. Je retiens, en tout cas, de vos propos la condamnation de mes prédécesseurs !
Dernière question qu'a soulevée M. le rapporteur et qui est effectivement très importante : faut-il ou non faire une différence entre les entreprises ?
C'est un débat dans lequel chacun peut évidemment avoir l'opinion qu'il souhaite, car les arguments existent dans les deux sens, je le concède volontiers. Je crois toutefois que le Gouvernement a bien fait d'exonérer les petites et moyennes entreprises de cette surtaxe sur l'impôt sur les sociétés.
En effet, nous faisons tous des discours, dans nos circonscriptions, dans nos départements - vous faites sans doute les mêmes que moi ! - expliquant qu'il faut soutenir les petites entreprises. Or, la volonté du Premier ministre, M. Lionel Jospin, et de son Gouvernement, c'est d'essayer de faire plus que cela n'a été le cas dans le passé, quelle que soit la couleur des gouvernements, le lien entre ce que nous disons aux Français quand nous les rencontrons sur le terrain et ce qui est voté dans les enceintes parlementaires.
Si nous disons tous ensemble qu'il faut soutenir les petites et moyennes entreprises, il faut, lorsque nous votons des textes, que nous les soutenions effectivement, même si, du point de vue de la beauté du système fiscal, de la logique parfois, on voudrait mettre sur le même plan les grandes et les petites entreprises.
C'est donc à bon droit que le Gouvernement a souhaité que les petites et moyennes entreprises soient exonérées de cette surtaxe malheureusement nécessaire.
Monsieur le président de la commission, je veux d'abord vous remercier de ce que vous avez dit sur la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre l'euro. C'est en effet un objectif largement partagé aujourd'hui, devenu sans doute depuis quelques mois un objectif non plus simplement probable mais que chacun anticipe comme étant pratiquement réalisable. Ce n'est pas encore le cas, il peut y avoir des aléas, mais je pense que nous sommes sur la bonne voie.
Vous me permettrez de faire remarquer sans aucun esprit polémique que, au niveau de déficit auquel nous étions au mois de juillet dernier, le gouvernement précédent avait disqualifié la France pour l'entrée dans l'euro.
Si donc l'objectif est majeur, il faut l'atteindre. Nous sommes tous ici des hommes et des femmes d'expérience et de responsabilité. Nous ne pouvons pas, dans le même discours, dire que quelque chose est majeur pour le pays et ne pas accepter les contraintes qui s'imposent pour le réaliser.
M. Philippe Marini. Et l'harmonisation fiscale !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'y viendrai, monsieur Marini. Vous ne perdez rien pour attendre ! (Sourires.)
On ne peut pas à la fois dire que l'on veut atteindre un objectif, constater, sans polémique, que la situation budgétaire ne le permet pas et soutenir qu'il ne faut rien faire.
Comme il est clair, au-delà de ce qui nous remplit de plaisir dans nos débats parlementaires, qu'entre le mois de juillet et la fin de l'année on ne peut pas faire 30 milliards de francs d'économies sur la dépense, il faut bien les faire sur la recette, sauf à renoncer à atteindre l'objectif !
Il faut être franc entre nous et regarder les choses en face : on peut y renoncer, mais alors il faut le dire. Certains peuvent le souhaiter. Le Gouvernement, lui, souhaite que la France soit qualifiée pour l'euro, et elle le sera.
Dans ces conditions, compte tenu de la situation budgétaire que nous avons trouvée et de l'impossibilité évidente dans laquelle nous sommes de réaliser 30 milliards de francs d'économies entre le mois de juillet et la fin de l'année, il fallait en passer par un prélèvement.
Je ne m'en réjouis pas. Ne croyez surtout pas que le Gouvernement, comme sans doute les groupes qui le soutiennent ici, souhaite d'une quelconque manière punir les entreprises. Les entreprises, il faut non pas les punir, mais, au contraire, les aider. Simplement, nous sommes devant un choix : soit les entreprises, soit les ménages.
Sans doute aurait-on pu faire un choix inverse. Je me souviens néanmoins que, en 1995, le choix qui a été fait, lorsque 116 milliards de francs ont été prélevés, de prélever 100 milliards de francs sur les ménages a eu les conséquences que nous savons sur la croissance,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et sur les élections !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... qui était renaissante et qui a été rapidement enterrée.
Si nous ne voulons pas courir ce risque, il faut prendre l'argent là ou il est, comme le disaient certains de nos amis il n'y a encore pas si longtemps.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous le disons encore !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En l'occurrence, c'étaient les entreprises. C'est là que se trouvaient des ressources disponibles, parce qu'elles étaient inutilisées - j'espère que, demain, elles ne le seront plus et que l'investissement repartira.
Cela étant, le taux de l'impôt sur les sociétés reste inférieur à celui que les Allemands pratiquent pour les bénéfices non distribués.
M. Philippe Marini. Pour les bénéfices non distribués !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est ce que je viens de dire ! De même, il reste inférieur à celui qui existe en Italie.
Et puisque la question de l'harmonisation fiscale a été abordée, j'en dirai, à mon tour, un mot.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Monsieur le ministre, actuellement, une procédure est engagée en Allemagne et en Italie pour baisser l'impôt sur les sociétés à la fois sur les bénéfices non distribués et sur les parties investies. L'engagement est pris de baisser l'impôt sur les sociétés de manière générale et d'arriver à 33,33, qui sera le taux généralisé pour l'ensemble des pays européens.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez raison, monsieur le président, si ce n'est qu'en Allemagne nous avons vu la semaine dernière que la négociation a échoué et que la réforme fiscale est reportée au moins jusqu'à l'an 2000, et qu'en Italie le gouvernement Prodi a failli tomber la semaine dernière pour cette même raison. Je comprends que vous nous poussiez dans cette voie, monsieur le président ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, rapporteur. Nous n'avons pas d'impatience ! M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous comprendrez toutefois que le Gouvernement ait quelques réticences !
Pour autant, une procédure d'harmonisation est engagée à la fois par le président Jean-Claude Junker, Premier ministre du Luxembourg, qui préside jusqu'à la fin de l'année aux destinées de l'Union européenne, et par le commissaire Monti, qui est en charge de ces questions. Nous travaillons à l'harmonisation dans deux domaines, celui de la fiscalité de l'épargne et celui de la fiscalité des entreprises.
Il convient en effet d'éviter que, comme c'est aujourd'hui le cas dans un certain nombre de pays de l'Union européenne, des pratiques fiscales très discriminatoires n'attirent les entreprises, créant par là même des difficultés dans les autres pays. Je ne citerai aucun pays, mais nous les avons tous à l'esprit.
Chacun est décidé à avancer et à aller vers l'harmonisation. N'ayez crainte, monsieur Marini, si l'harmonisation se fait - ce que je souhaite - pour la fiscalité de l'épargne comme pour la fiscalité des entreprises, nous suivrons cette harmonisation, car le temps que cette procédure soit à l'oeuvre, nous aurons rétabli l'équilibre des comptes publics et nous pourrons défaire ce que nous faisons, malheureusement, aujourd'hui, pour corriger les erreurs de l'année passée.
M. Philippe Marini. Il faudra donc annuler ce que vous nous proposez aujourd'hui !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous n'aurez même pas besoin de l'annuler puisque je vous demande de le voter de façon temporaire, monsieur Marini. Nous allons au devant de vos souhaits ! (Sourires sur les travées socialistes.) Regardez les textes que nous vous proposons : c'est exactement ce que, dans vos rêves les plus fous, vous avez pu espérer !
M. Philippe Marini. Vous êtes vraiment trop habile !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La vérité peut parfois prendre des atours sympathiques et il ne faut pas la refuser sous prétexte qu'elle vient de vos adversaires politiques, monsieur Marini ! (Sourires.)
Avant-dernier point, M. le président de la commission dit, avec raison, que le problème, c'est l'investissement. Je partage son analyse, car la croissance de la consommation est pratiquement là, mais, effectivement, il n'y aura réellement croissance de l'économie, en 1998 et en 1999, que si l'investissement prend le relais.
Mais, dans la même partie de son discours, M. Poncelet nous dit que nous connaissons une panne des investissements depuis le début des années quatre-vingt-dix. Là, mon oreille se dresse, car, il l'a rappelé lui-même, depuis le début des années quatre-vingt-dix le taux d'imposition des bénéfices des sociétés est particulièrement faible. J'en conclus que cela n'a pas favorisé l'investissement !
Ce n'est donc pas la faiblesse de l'impôt sur les sociétés qui crée l'investissement. D'ailleurs, nous le savons tous, ce qui crée l'investissement, c'est la demande ! On n'a jamais vu un chef d'entreprise dire : je n'ai pas de client, je n'ai pas de demande, mais, comme l'impôt sur les sociétés est faible, je vais quand même investir ! Cela n'existe pas.
En fait, la demande incite à investir, et c'est quand on cherche à savoir si ce sera rentable à long terme que le taux de l'impôt sur les sociétés devient un facteur.
Ce qui est premier donc, c'est la demande. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi d'orienter l'ensemble de sa politique vers la relance de cette demande. Je crois qu'il est en train de réussir.
S'il y a demande, les entreprises se décideront à investir, après s'être demandé si ce sera profitable à long terme. Et c'est là que joue le caractère temporaire de la mesure, car, en surtaxant pour 1997 et 1998, et modérément pour 1999, puis en faisant disparaître la surtaxe en l'an 2000, le Gouvernement, avec vous - si vous voulez bien vous y associer, car je ne désespère toujours pas de vous convaincre - taxe les profits d'hier et non ceux de demain. Or, ce qui compte pour l'investissement, ce sont évidemment les profits que l'on peut faire demain et non ceux que l'on a accumulés hier !
La croissance sera-t-elle au rendez-vous ? Evidemment, ce ne sont que des prévisions. Cela étant, la prévision pour 1997 ne se révèle pas si fausse. Le Gouvernement précédent avait prévu 2,3 % de croissance réelle ; nous serons à 2,2 %, voire à 2,3 %. La prévision aura donc été à peu près juste.
M. Alain Lambert, rapporteur. On a vu pire !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On a vu des erreurs plus grandes, vous avez raison !
L'estimation d'une croissance de 3 % pour 1998 me paraît très raisonnable. D'ailleurs, ce que l'on appelle le « consensus des prévisionnistes », c'est-à-dire la moyenne des instituts de conjoncture - certains patronaux, d'autres syndicaux, d'autres publics - s'établit à 2,96 % - comme c'est une moyenne arithmétique, cela ne tombe pas juste.
Si la critique consiste à dire que la moyenne, c'est 2,96 % et qu'à 3 % nous sommes trop optimistes, je l'accepte ! Honnêtement, 3 % de croissance, c'est le chiffre qu'aujourd'hui tous les prévisionnistes anticipent. Si c'est plus, tant mieux ! Le risque existe que ce soit moins, car ce n'est évidemment qu'une prévision, mais cette prévision, je la crois, pour ma part, solide.
En conclusion, la Haute Assemblée peut, me semble-t-il, partager l'optimisme raisonné, qui ne doit en aucun cas être exagéré, du Gouvernement en ce domaine. Grâce à la politique que ce dernier conduit en matière de soutien de la croissance, de pouvoir d'achat largement distribué - je pense à l'allocation de rentrée scolaire, au basculement de la cotisation maladie sur la CSG, qui vont créer du pouvoir d'achat - grâce au fait qu'il comble le déficit en ne prélevant pas dans la poche des ménages, en laissant donc tout le revenu disponible pour que la consommation soit soutenue, les 3 % de croissance seront au rendez-vous.
M. Philippe Marini. Les ménages, pas les familles !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les ménages et les familles, c'est très largement la même chose, monsieur Marini !
Nous venons de vivre une période politique un peu trouble, que chacun apprécie comme il l'entend. Ce dont je me souviens, et dont vous vous souvenez aussi, c'est que, aux mois de février et mars derniers, les informations dont disposait le gouvernement d'alors l'ont conduit à s'inquiéter de l'équilibre possible de ses comptes à la fin de l'année 1997, et encore plus de la possibilité de boucler, dans des conditions compatibles avec ses engagements internationaux, le projet de budget pour 1998. Des notes ont fui du ministère de l'économie et des finances, paraît-il...
M. Christian Poncelet, président de la commission. Etaient-elles sincères ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elles l'étaient certainement ! Je les tiens à votre disposition ; ce que je ne sais pas, c'est si la volonté de les faire fuir était sincère (Sourires), mais je ne saurais me prononcer sur les agissements de mes prédécesseurs.
En tout état de cause, ces notes ne diffèrent pas de ce que le précédent Premier ministre, M. Juppé, a dit à M. Jospin, son successeur, lorsqu'il lui a transmis ses pouvoirs ; d'ailleurs la presse s'en est fait l'écho. Si, à la rigueur, je conçois, monsieur Poncelet, que vous puissiez douter de la sincérité des notes qui émanent du ministère de l'économie et des finances, vous ne sauriez douté de la sincérité de M. Juppé...
Dans ces conditions, il était clairement établi que l'équilibre des comptes publics pour 1997 était très difficile à réaliser, celui de 1998 plus encore. Certaines mauvaises langues - je ne saurais m'y associer - pensent que cela n'a pas été complètement étranger à la décision du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale.
Pour conclure, je me réjouis de ce que la Constitution n'autorise pas le Président de la République à dissoudre le Sénat, car je pense que, dans la situation qui était celle de la majorité au mois de mars, il n'aurait pas hésité à dissoudre le Parlement dans son ensemble s'il en avait eu le pouvoir, ce qui ne m'aurait pas permis aujourd'hui de vous retrouver si nombreux. (Sourires.)
Je suis heureux que cela n'ait pas pu se passer. Je suis content que nos institutions finement élaborées conservent au Sénat sa pérennité quels que soient les aléas de la vie des députés, et je suis sûr que nous retrouverons ce même plaisir dans quelques semaines lorsque nous examinerons le projet de loi de finances pour 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, afin de valider les décrets d'avances pris par le Gouvernement en juillet dernier pour solder les comptes de l'exercice 1997, un collectif budgétaire devrait intervenir en décembre prochain. Le projet de loi qui nous est soumis constitue en fait, aujourd'hui, la première partie du collectif, les dépenses engagées au titre du décret d'avances en formant la seconde partie.
Ce projet de loi était-il nécessaire ? Nous répondons par l'affirmative pour deux raisons.
Tout d'abord, l'audit qui a été rendu public le 21 juillet l'a démontré, en matière de recettes, l'effet de base négatif des rentrées 1996 de la TVA se solde par une moins-value de 17 milliards de francs. En ce qui concerne les dépenses, les dérapages ont conduit à un accroissement de près de 30 milliards de francs.
Le gel de 10 milliards de francs de crédits décidé par le gouvernement de M. Juppé n'était pas suffisant, car il laissait un déficit important s'ajoutant aux milliards de francs d'économies supplémentaires restant à réaliser.
Le 9 juillet, pour honorer les premières mesures gouvernementales, le Gouvernement a ouvert 10 milliards de francs de crédits. Toutefois, cette décision n'eut pas d'influence sur le déficit précédemment invoqué puisqu'elle fut compensée par des annulations ou par des gels de crédits rendus indisponibles en mars dernier.
La politique budgétaire mise en place pour 1997 était donc dans l'impasse. La tendance devait être corrigée par des recettes nouvelles.
La seconde raison justifiant le dépôt de ce projet de loi est que, en quatre ans, de 1992 à 1996, l'encours de la dette a augmenté de 1 400 milliards de francs. Ce n'est pas par docilité à l'égard des engagements maastrichiens du Gouvernement sur la monnaie unique que nous rejetons ce déficit, mais pour gagner en efficacité économique et pour accroître le niveau de vie de nos concitoyens, il fallait freiner la marche vers le déficit.
Ces deux raisons motivent le dépôt de ce projet de loi. Il me paraît logique qu'il ait été présenté sans attendre pour éviter toute confusion avec le débat sur le projet de loi de finances pour 1998.
Nous approuvons donc le principe du dépôt de ce projet de loi portant mesures urgentes à caractères fiscal et financier. Le collectif de fin d'année devra prendre en compte l'influence de ces mesures et les 10 milliards de francs d'économies supplémentaires prévus par le Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe communiste républicain et citoyen ne conteste pas l'utilité de ce projet de loi. Il en approuve donc le dépôt et l'examen.
Toute la question est maintenant de savoir si cette loi se révélera efficace et juste.
La première mesure de relèvement de l'imposition sur les sociétés pourrait se traduire par une augmentation de recettes de 21 milliards de francs.
La deuxième mesure visant à modifier le champ du régime des plus-values et des moins-values pourrait rapporter 6 milliards de francs.
La troisième mesure, tendant à modifier les relations financières entre l'Etat et Electricité de France, pourraient permettre à l'Etat de retirer à EDF 3 milliards à 4 milliards de francs et conduire à un impôt de 3 milliards de francs en 1997 et de 2,5 milliards de francs en 1998.
Ces mesures pourraient effectivement rapporter quelques dizaines de milliards de francs et démontrer, par conséquent, une certaine efficacité financière.
Avant de porter un jugement global sur l'efficacité de ces mesures, je voudrais montrer l'insuffisance de l'une d'entre elles et le caractère très constestable d'une autre.
L'article 1er prévoit en effet une majoration de caractère exceptionnel du taux de cet impôt : 41,6 % pour les deux années à venir et, à compter du 1er janvier 1999, 40 %. Cette majoration est-elle exceptionnelle ?
Dans les faits, il s'agit de la deuxième majoration de l'impôt sur les sociétés que nous avons connue depuis 1993, année où l'impôt avait été ramené à 33,33 %.
La première majoration, transitoire, procédait d'un article de la loi de finances rectificative de juillet 1995, alors présentée par notre collègue Jean Arthuis.
Cette majoration était effectivement due.
Nous nous trouvons avec cet article 1er dans une situation assez proche de celle de 1995, puisque se reproduit la même mise hors champ des possibilités d'atténuation de cotisation d'impôt.
Une différence sensible est à noter par rapport à la lettre de la loi de 1995. Ce ne sont que les entreprises ayant réalisé au moins 50 millions de francs de chiffre d'affaires qui sont concernées par cette mesure, ce qui signifie que nombre d'entre elles échapperont à cette majoration.
En 1995, la majorité augmentait l'impôt pour toutes les sociétés, y compris les PME, dont les membres de la majorité sénatoriale se disent les défenseurs.
Aujourd'hui, vous protestez contre une majoration de l'impôt sur les sociétés qui ne vise que 6 % d'entre elles. Vous voulez même la supprimer totalement. Permettez-moi de vous dire que je vous trouve inconséquents, illogiques !
Le nombre réduit d'entreprises touchées me conduit d'ailleurs à marquer le caractère insuffisant de la mesure. A cet égard, je ne partage pas l'opinion de la majorité de la commission des finances qui l'estime insupportable pour les entreprises. Pour s'en acquitter, elles devront y consacrer un peu moins d'une journée d'activités, ce qui représente, nous semble-t-il, une dépense très supportable !
En outre, le seuil très élevé de 50 millions de francs de chiffres d'affaires limite à 25 000 le nombre des entreprises touchées : 94 % de celles-ci sont donc hors du champ d'application de la majoration.
Cette mesure ne place pas la France dans le peloton de tête des pays pour le taux de l'impôt sur les sociétés, par rapport aux richesses créées. Avec 1,6 % du PIB, elle ne devance que l'Allemagne dont le taux est de 1,1 %. Tous les autres pays ont des taux bien supérieurs, le Japon par exemple dépasse les 4 %.
La majoration de l'impôt sur les sociétés ne modifie que très peu cette réalité : la France demeure un des pays imposant le moins les entreprises.
M. Alain Lambert, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous n'avons pas les mêmes sources, et il faudra d'ailleurs qu'un jour nous sachions d'où viennent les chiffres !
L'impôt sur les sociétés a représenté 97 milliards de francs en 1996, soit 9 % des recettes fiscales de l'Etat.
En 1997, il rapportera 117 milliards de francs après majoration.
Le caractère de l'aggravation dont vous parlez, mes chers collègues, est très relatif. En 1990, le rapport de l'impôt sur les sociétés était de 113 milliards de francs.
Même si l'on tient compte du fait qu'au 1er janvier cet impôt sera porté à 41,6 %, il demeurera inférieur au taux de 1986, qui était de 50 %.
Pour nous, la proposition du Gouvernement est donc novatrice. Elle renoue avec l'idée selon laquelle il est possible de rompre avec cette évolution vers la diminution des charges des entreprises. Elle affirme clairement, et nous nous en félicitons, que l'on peut toucher aux profits des entreprises. Les marges sont importantes. En valeur absolue, les profits réalisés en 1996 représentent 1 300 milliards de francs soit douze fois plus que le produit de l'impôt sur les sociétés.
Vous savez également, messieurs de la majorité du Sénat, que l'on peut avoir un meilleur rendement qualité-prix. Le taux d'autofinancement bat un record chaque année. En 1996, il a atteint 118 %.
Notre réserve ne porte donc pas sur le principe de l'augmentation de l'impôt sur les sociétés, nous l'approuvons, mais sur son taux insuffisant, et nous vous proposons de reconquérir le niveau d'imposition de 50 % de 1986.
Dans l'immédiat, sans toucher aux plus petites entreprises, il nous semble que l'on pourrait décider que 20 % au moins des entreprises soient concernées par cette majoration de l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire les plus importantes et les plus prospères. Nous souhaitons le maintien de cette mesure pour les prochaines années.
Notre deuxième remarque est plus fondamentale. Elle porte sur l'article 4.
La mesure présentée est plus grave qu'il n'y paraît à première vue. Vous proposez une forme de clarification comptable d'EDF, qui tend en fait à démembrer le domaine public de l'Etat au profit d'un établissement public.
Electricité de France constitue des provisions comptables pour la remise en état de ses installations de production. Les centrales nucléaires françaises vieillissantes ont des besoins nouveaux de surveillance, de modernisation, d'entretien. Il s'agit là d'une position très responsable d'EDF qui ne souhaite pas connaître un « Tchernobyl » français.
A plusieurs reprises, les gouvernements précédents ont été tentés par l'existence et l'utilisation de ces provisions.
Mes chers collègues de la majorité, n'aviez-vous pas déjà ce même projet l'année dernière ?
L'article 4 ne reprend-il pas dans les faits ce que vous envisagiez alors ?
Que rapportera cette mainmise sur les provisions d'EDF ? Peu d'argent pour le budget de l'Etat, mais la réduction des crédits pourrait être lourde de conséquences en matière de sécurité des installations de production.
D'autres questions plus graves et plus fondamentales sont également en jeu.
Le réseau de transport d'électricité est propriété de l'Etat donc de la collectivité nationale. Or, avec l'article 4, il sera transféré à EDF. Est-ce bien légal, voire constitutionnel ? Je me pose la question. Ce transfert est contraire à tous les principes des régimes de concessions. N'est-ce pas là le début d'un processus de bradage ?
Le transfert de propriété conduira à augmenter le capital d'EDF. Dans le même temps, les provisions deviennent sans objet. La résorption d'un report déficitaire exonérant EDF de l'impôt sur les sociétés rend EDF redevable de l'impôt sur les sociétés. La propriété publique de l'Etat est remise en cause. L'Etat paie avec l'argent des usagers. Cette mesure peut se révéler lourde de conséquences.
La pratique est très contestable et nous ne pouvons l'approuver.
L'augmentation du capital peut appeler d'autres ouvertures de capital, d'autres restructurations.
Le transport de l'électricité ne pourrait-il pas alors être filialisé, comme le proposent certains, dont l'objectif on le sait bien, est de démanteler toutes les entreprises publiques ?
La porte ne serait-elle pas ouverte à la mise en place du « gestionnaire de réseau » et du partage du capital avec les autres producteurs, appliquant en cela la directive européenne de déréglementation de décembre 1996 ? Nous le craignons, comme un grand nombre de syndicats des salariés d'Electricité de France.
EDF est un acquis national, prospère, de haute qualification, riche de promesse. Mais il est un tout. Le démanteler, c'est l'affaiblir, le livrer aux appétits privés. L'éclatement serait un retour en arrière, contraire aux évolutions économiques, industrielles, et, dirai-je, à la confiance qu'a le peuple français dans son entreprise.
On peut avoir une autre ambition pour un gouvernement de gauche appliquant une politique novatrice en faveur de la justice fiscale et de l'efficacité économique, qui sont deux éléments essentiels d'une politique de progrès social.
Pour bien me faire comprendre, je prendrai un autre exemple, en me référant à l'article 1er. Le produit attendu représente un demi point de valeur ajoutée, soit, en proportion, pour un salarié gagnant 10 000 francs par mois, une imposition supplémentaire de 25 francs.
Faut-il vous rappeler, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, les principes de notre Constitution et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lesquels chacun, chacune contribue en fonction de ses facultés à la charge publique ?
Les entreprises veulent payer moins d'impôt. Est-ce juste ? Pourquoi vouloir supprimer l'article 1er ? Les entreprises ne disposent-elles pas de moyens pour payer moins d'impôts, par exemple en augmentant les salaires ou en investissant et en créant des emplois ?
La philosophie de l'article 2 nous semble juste. Est-il possible, est-il logique de maintenir aujourd'hui un régime séparé d'imposition des plus-values destiné à atténuer les effets de l'inflation lorsqu'il n'y a que peu d'inflation ?
Mais pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, n'avoir pas élargi le champ de la mesure aux plus-values résultant des cessions de titres de participation ?
Vous minorez la portée de la disposition en la concentrant uniquement sur les actifs de caractère corporel que d'autres ont d'ailleurs tôt fait de dématérialiser dans leurs bilans.
Même avec ces insuffisances, la majorité de la commission veut supprimer l'article 2. Mais, messieurs de la majorité, notre groupe s'oppose à vos propositions de suppression des trois premiers articles.
Nous voudrions maintenant exprimer notre accord de principe avec l'article 5 du projet de loi qui prolonge la durée d'application de la loi permettant aux collectivités locales de solliciter les ressources collectées sur les comptes CODEVI pour financer leurs investissements.
Il nous semble nécessaire et complémentaire, dans ce cadre, de proposer des dispositions nouvelles.
Dans un premier temps et parce qu'il faut effectivement soutenir l'activité et la croissance, il nous paraît indispensable de relever sensiblement le plafond des CODEVI, comme d'ailleurs du livret A, afin de dégager de nouvelles ressources, qui sont socialement et économiquement utiles.
Ces mesures sont d'autant plus indispensables, à notre sens, qu'il importe de pouvoir en quelque sorte recycler des placements financiers jadis rémunérateurs, mais aujourd'hui moins rentables.
De surcroît, le livret A comme les CODEVI resteront hors champ des prélèvements fiscaux et sociaux, et cette situation peut leur rendre une certaine attractivité.
Cependant, au-dessus de tout, c'est l'utilité sociale de ces livrets d'épargne qui doit être mise en avant et renforcée.
M. Philippe Marini. Mais plus le taux de placement est élevé et plus les utilisations de ces fonds sont onéreuses !
Mme Marie-Claude Beaudeau. La majorité de la commission des finances, monsieur Marini en particulier, mène pour sa part un double et périlleux combat en faveur de la modification du niveau de rémunération de ces placements en fonction des « contraintes » des marchés financiers et de la banalisation.
Le livret A aurait donc tous les défauts - il ferait, par exemple, obstacle à la baisse des taux - mais tout le monde, en l'occurrence les banques commerciales « classiques », voudraient pouvoir collecter ses fonds.
M. Alain Lambert, rapporteur. Il a le défaut de renchérir le coût de l'emprunt pour les logements sociaux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour notre part, il nous semble plutôt nécessaire, monsieur le rapporteur, selon des modalités à préciser, de prévoir une dépense budgétaire nouvelle destinée à alléger la charge d'intérêt des emprunts accordés sur fonds d'épargne ou CODEVI, afin de mettre effectivement un terme, tant au différentiel de taux défavorable aux PME vis-à-vis de leurs banquiers comme au fait que les taux d'intérêt réels servis aux organismes d'HLM soient encore aujourd'hui supérieurs à la croissance réelle.
M. Philippe Marini. Les CODEVI font les profits des banques commerciales.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette dépense budgétaire permettrait notamment d'alléger de nombreux coûts de réalisation d'investissement et de faciliter la mise en oeuvre de ces investissements.
Quand on sait, par exemple, que l'essentiel des augmentations de loyer consécutives aux opérations PALULOS est imputable au poids des emprunts et des charges financières qui en découlent pour les organismes d'HLM, on mesure tout l'intérêt, c'est le cas de le dire, d'une telle initiative.
M. Christian Poncelet, président de la commission. C'est vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 6 caractérise en effet le caractère public de la Banque de développement des PME, ce qui ne peut que nous agréer, au moment où des initiatives diverses sont prises pour entamer la cohérence de l'ensemble du secteur financier public et semi-public accomplissant des missions d'intérêt général.
Cette démarche nous semble d'ailleurs contradictoire avec la volonté du Gouvernement de mener la privatisation du groupe GAN-CIC, dont le rôle public devrait, au contraire, être renforcé et réaffirmé.
Pour rendre les mesures proposées plus efficaces, nous avons déposé un amendement à l'article 2 et un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 4 et visant, celui-ci, à alléger les contraintes fiscales pesant sur la distribution d'électricité. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles.
Pour conclure, je voudrais m'adresser à M. le rapporteur de la commission. Vous proposez, monsieur Lambert, la suppression des trois premiers articles, ainsi que l'adoption des articles 4 et 6 et de l'article 5, après modification.
Les trois premiers articles permettront des rentrées financières selon un principe mieux affirmé de justice fiscale. Vous les rejetez. En revanche, l'article 4, qui présente une menace de démantèlement de l'entreprise EDF, reçoit votre soutien. Ce projet de loi confirme bien qu'il présente certains aspects de progrès social. Vous les condamnez aujourd'hui.
A chacun ses choix et sa politique. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, rapporteur. C'est le projet du Gouvernement, que vous soutenez, madame !
M. Christian Poncelet, président de la commission. Mme Beaudeau émet des réserves sur une partie de ce texte !

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE FINLANDE

M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il m'est agréable de saluer la présence dans la tribune d'honneur d'une délégation du parlement finlandais, menée par M. le député Henrik Lax, président de la commission des lois de cette assemblée. (M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
En votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à cette délégation qui répond à une invitation du groupe d'amitié France-Finlande du Sénat, présidé par notre collègue M. Maurice Lombard.

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MESURES URGENTES
À CARACTÈRE FISCAL ET FINANCIER

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais m'efforcer à mon tour, à la suite de M. le président de la commission et de M. le rapporteur, de resituer ce texte dans une logique qui est celle de la majorité de la commission des finances.
Tout d'abord, il y a lieu, mes chers collègues, de se réjouir de ce rendez-vous longtemps attendu puisque, depuis l'interruption de nos séances, nous avons été sevrés d'un débat d'orientation budgétaire qui aurait dû avoir lieu,...
M. René Régnault. La faute de qui ?
M. Philippe Marini. ... d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui avait été déposé,...
M. René Régnault. Il ne fallait pas dissoudre !
M. Philippe Marini. ... d'un collectif, ou projet de loi de finances rectificative, que, selon des usages constants, il était jusque-là habituel qu'un nouveau gouvernement présente aux chambres après son installation. (M. Régnault s'exclame de nouveau.)
Voici venu, par conséquent, ce premier rendez-vous, sous forme de dix articles d'un projet de loi dont l'intitulé est original : « Mesures d'urgentes à caractère financier et fiscal ».
Mes chers collègues, ce projet de loi semble reposer - je voudrais m'efforcer de le démontrer à mon tour - sur de mauvaises raisons et risque de nous conduire à de mauvais choix.
C'est dire que ma conclusion ne sera pas inattendue et que, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, je recommanderai tout à l'heure de rejeter les trois premiers articles de ce projet de loi.
En premier lieu, je parlerai de la lecture que nous avons pu faire les uns et les autres de l'audit, fort objectif et très approfondi, que MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse ont mené à bien et qui a été présenté le 21 juillet dernier.
Je me bornerai à quelques citations.
Première citation : « Il n'y a pas de dérapages très importants en cours pour les catégories de dépenses lourdes - dépenses de personnels et dépenses sociales - celles pour lesquelles les dérives peuvent... (M. Raymond Courrière proteste.)
S'il vous plaît, monsieur Courrière, laissez-moi citer les magistrats de la Cour des comptes.
M. Raymond Courrière. Vous avez interpellé le ministre tout à l'heure. Je peux en faire autant !
M. Philippe Marini. Mais, mon cher collègues, si vous souhaitez m'interrompre, je vous laisse bien volontiers la parole.
M. Raymond Courrière. Vous avez donné le mauvais exemple tout à l'heure. On vous suit !
M. le président. Monsieur Courrière, laissez M. Marini poursuivre son intervention.
M. Raymond Courrière. M. Marini a interrompu M. le ministre tout le temps, et maintenant il ne veut pas que j'en fasse autant !
M. Philippe Marini. Je me propose au contraire, mon cher collègue, de vous répondre si vous avez des arguments à opposer, comme M. le ministre, fort courtoisement et avec beaucoup d'habileté, a bien voulu le faire tout à l'heure. (Sourires.)
M. Raymond Courrière. Il vous a tout dit ! (Rires.)
M. Philippe Marini. Acceptez-vous désormais que je reprenne mes citations ?
M. Raymond Courrière. Mais bien sûr !
M. le président. Monsieur Marini, veuillez poursuivre, je vous prie.
M. Philippe Marini. J'en reviens donc à ma première citation : « Il n'y a pas de dérapages très importants en cours pour des catégories de dépenses lourdes - dépenses de personnels et dépenses sociales - celles pour lesquelles les dérives peuvent entraîner loin sans être pratiquement rattrapables. »
C'est là un premier satisfecit pour la gestion de l'ancienne majorité.
M. Raymond Courrière. Citation tronquée !
M. Philippe Marini. Je mets à votre disposition ce texte que vous n'avez peut-être pas lu, mon cher collègue, de manière aussi attentive que nous l'avons fait au sein de la commission des finances. Je vous mets, par ailleurs, au défi de prouver que mes citations ne sont pas objectives.
Deuxième citation : « Il n'y a pas de dérapages généralisés à un très grand nombre de chapitres, ce qui aurait montré une loi de finances initiale mal équilibrée ou exécutée par des autorités responsables sans l'exercice d'une volonté ferme. ».
Cette phrase signifie que la volonté a été ferme, que la loi de finances initiale a été bien calibrée et que les catégories de dépenses, en particulier les dépenses de personnels et les dépenses sociales, qui peuvent engendrer les pires dérapages, ont été, au contraire, bien gérées et bien tenues.
Voilà ce qu'ont écrit deux conseillers maîtres à la Cour des comptes qui ont été chargés d'une mission d'audit par le Gouvernement que vous soutenez, mon cher collègue. Que cela vous plaise ou non, vous devez l'admettre !
M. Raymond Courrière. Pourquoi dissoudre alors ?
M. Philippe Marini. Je parle budget, mesures d'urgence de caractère fiscal et financier. Veuillez ne pas détourner le débat ! Au demeurant, vous n'avez qu'à vous réjouir de cette dissolution. (Sourires sur les travées socialistes.)
M. René Régnault. Nous assumons !
M. Philippe Marini. Par conséquent, mon cher collègue, laissez-moi revenir à la teneur de ce propos qui porte spécifiquement sur le texte qui est soumis à notre l'examen.
Nous ne sommes pas en train d'alimenter un débat sur les causes nécessaires ou non de la dissolution !
M. Raymond Courrière. Sur les errements de M. le Président de la République !
M. Philippe Marini. Ce n'est pas le sujet ! Nous sommes dans un débat financier et fiscal, et non pas sur une question de politique générale.
J'ajoute une troisième citation des deux rapporteurs : « Il s'agit de dérapages localisés, bien identifiés, dont l'ampleur reste sous contrôle. »
Je pourrais continuer ainsi longtemps, mais j'en viens aux recommandations de ce rapport d'audit.
Là encore, je ne ferai que citer fidèlement l'esprit des remarques de MM. Bonnet et Nasse.
Selon eux, agir sur la dépense - M. Alain Lambert le rappelait - est le seul moyen de réduire les déficits, comme la France s'y est engagée, sans accroître des prélèvements obligatoires déjà très lourds.
Ce résultat ne pourra donc être obtenu que par des actions de fond. Il faudra tout à la fois rendre les services de l'Etat plus productifs et leur activité plus efficace.
M. Raymond Courrière. Est-ce que vous, vous l'avez fait ?
M. Philippe Marini. Est-ce ce que vous faites alors que, arrivés au pouvoir, immédiatement vous décrétez que les effectifs de la fonction publique ne doivent plus diminuer ? Première décision qui, d'ailleurs, modifie l'exécution de la loi de finances en cours d'année dans le sens d'une augmentation des dépenses.
M. Raymond Courrière. Ce sont les services publics qui faut protéger !
M. Philippe Marini. Il s'agit bien de prélèvements obligatoires et de cette sphère de la dépense publique de l'Etat que vous voulez, conformément aux orientations qui sont les vôtres...
M. Raymond Courrière. Largement approuvées par le peuple !
M. Philippe Marini. ... et dont vous êtes comptables devant le pays, sans cesse continuer à accroître. Ce sont bien là des orientations qui nous différencient. (M. Raymond Courrière manifeste.)
M. le président. Monsieur Courrière, laissez s'exprimer l'orateur !
M. Raymond Courrière. Il s'adresse à moi !
M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, je poursuis mon propos de façon tout à fait imperturbable. Il est excellent qu'il y ait des clivages de fond, des oppositions bien marquées au sein de cette assemblée et que l'examen de textes qui ne conviennent pas à la ligne générale et à la philosophie politique de la majorité sénatoriale aboutisse à des prises de position tranchées, comme celle que nous recommande, en l'occurrence, la commission des finances. C'est une bonne démonstration que l'on peut se livrer, à la loyale, à un bon débat avec des arguments de part et d'autre.
Le constat du Gouvernement, comparé à celui des auditeurs de la Cour des comptes, me paraît exagérément pessimiste. Je rappelle une nouvelle fois que le précédent gouvernement avait gelé 10 milliards de francs de crédits qui avaient vocation à être annulés. Le rapport d'audit estimait à 15 milliards de francs les économies à faire d'ici à la fin de 1997. Au total, l'enjeu était de l'ordre de 25 milliards de francs.
Il eût été normal et logique que le Gouvernement réduisît les dépenses et, en particulier, utilisât les 10 milliards de francs gelés pour en faire des économies définitives, ce qu'il n'a pas fait. C'est son choix et sa responsabilité !
M. Michel Sergent. Ils étaient déjà consommés !
M. Philippe Marini. Avec ces 10 milliards de francs, il a financé des dépenses qui ont été injectées dans le circuit économique.
M. Michel Sergent. Oui, puisque ces crédits étaient déjà engagés.
M. Philippe Marini. Mes chers collègues, nous allons pouvoir juger de l'efficacité de ces dépenses dans les prochains mois. Certes, vous avez encore beau jeu de dire que vous assumez, en quelque sorte, un héritage. Mais, dans quelques mois, lorsque nous verrons la suite des statistiques sur l'évolution du solde des comptes publics et surtout sur l'emploi, sur le taux de chômage, d'ici à quelques mois, l'argument de l'héritage n'aura plus cours !
Plusieurs sénateurs socialistes. Vous l'avez utilisé des années !
M. Philippe Marini. Les alternances répétées d'ailleurs nous habituent à ce type de problématique car, au bout d'un certain temps, on est devant la vérité de sa propre politique et on ne peut plus accuser les autres.
Au demeurant, mes chers collègues, souvenez-vous des premiers comptes publics que la majorité élue en mars 1993 avait trouvés. Quelle était la dérive ? Elle n'était pas de 20 milliards à 25 milliards de francs ; elle était de 140 milliards de francs !
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Philippe Marini. Alors, héritage pour héritage, mes chers collègues, nous n'avons véritablement aucun complexe à avoir. (Applaudissements sur les través du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Poncelet, président de la commission. Même chose pour la croissance !
M. Philippe Marini. Je crois que les chiffres concernant les situations budgétaires en cours d'exercice 1997 apportent plutôt de l'eau à mon moulin. En effet, nous voyons que les recettes du budget général en cours d'année, constatation faite à la fin du mois de juillet si je ne me trompe, sont supérieures de 22,7 milliards de francs au chiffre analogue de 1996, soit une progression de 3,6 %.
M. Raymond Courrière. Normal, vous avez augmenté les impôts !
M. Philippe Marini. J'ai d'ailleurs le souvenir de la réponse qui a été faite par M. Strauss-Kahn à M. le rapporteur général lors de la séance de questions d'actualité du 26 juin 1997. Parlant des publications mensuelles de la situation budgétaire et de l'endettement de l'Etat, le ministre avait déclaré que ces chiffres étaient loin d'être parfaits et que, s'ils étaient susceptibles de donner régulièrement la mesure exacte de notre situation budgétaire, cela se saurait.
J'avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'avais été personnellement un peu surpris, voire un peu choqué, du doute lancé à l'égard de la qualité des services rendus par vos collaborateurs du ministère de l'économie et des finances.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. C'est facile !
M. Philippe Marini. Sur ce sujet, notre collègue M. Jacques Oudin avait repris la même question au mois de juillet interrogeant le Gouvernement sur ses intentions au sujet de la poursuite de la publication mensuelle de ces informations qui sont particulièrement précieuses pour l'exercice du contrôle du Gouvernement par le Parlement.
Je souhaite très vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez répondre clairement - ce qui, me semble-t-il, n'a pas été fait formellement jusqu'ici - à la préoccupation ainsi exprimée à l'époque par notre collègue M. Jacques Oudin.
Par conséquent, mes chers collègues, les motifs qui inspirent ce projet de loi ne paraissent pas convaincants. Pour autant, les choix qu'il induit sont-ils des choix que nous pouvons suivre ?
Pour tâcher de répondre à cette question - je vous indiquais en commençant, ce qui affaiblit le suspense de mon exposé, selon quelle ligne j'envisage de poursuivre mon argumentation (Sourires) - je voudrais rappeler que votre plan est équilibré en deux temps. Il y a, d'un côté, 10 milliards de francs d'économies, de l'autre, 22 milliards de francs de prélèvements supplémentaires.
S'agissant des 10 milliards de francs d'économies, ce sont d'abord 2 milliards de francs d'amputation sur le budget de la défense. Je ne suis pas persuadé qu'une telle amputation laisse indemne la possibilité d'exécuter honnêtement les engagements qui ont été pris vis-à-vis du ministère de la défense dans une phase extrêmement délicate de réforme de fond supposant que, si j'ose m'exprimer ainsi, le moral des troupes soit au rendez-vous. Je ne suis pas sûr qu'avec cette économie vous en soyez là.
M. Christian Poncelet, président de la commission. M. le maire de Brest vous en dirait plus.
M. Philippe Marini. C'est en effet un élément de réponse. D'autres collègues sont certainement beaucoup plus documentés encore que moi sur ces sujets.
Ce sont, ensuite, 2 milliards de francs qui ont été récupérés sur des trésoreries dormantes. M. le secrétaire d'Etat au budget va probablement nous expliquer tout à l'heure ce dont il s'agit. L'expression est sympathique : naturellement tout le monde est contre les trésoreries dormantes, il n'est pas possible d'être pour. Mais il faudrait qu'il veuille bien nous dire où elles se trouvent et quelles seront les conséquences de leur réduction.
Ce sont, enfin, 6 milliards de francs d'économies qui représentent, à mon avis, une nébuleuse assez opaque. Le Gouvernement se contente en effet de déclarer qu'ils découleront du rythme de progression des dépenses modéré depuis le début de 1997. J'avoue ne pas avoir été en mesure de situer clairement ces économies, ce qui, à mon avis, laisse planer un doute sur leur réalité.
S'agissant maintenant des 22 milliards de francs de prélèvements supplémentaires, il y a deux mesures fiscales et une mesure d'accompagnement.
Le volet fiscal, c'est la contribution dite temporaire sur l'impôt sur les sociétés. M. le ministre de l'économie et des finances a développé son argumentation à ce sujet. Je ne mets naturellement pas en doute ses intentions en ce qui concerne le caractère temporaire de la contribution. Si je me suis permis tout à l'heure de l'interrompre pour exprimer un certain scepticisme, c'est parce que la nature des choses fait que parfois, lorsqu'on a toutes sortes de promesses à satisfaire, il arrive que l'on doive réviser de bonnes intentions.
Je ferai quelques remarques à ce sujet.
S'agissant, d'abord, du seuil de 50 millions de francs, il est à l'évidence trop faible, car il ne s'agit pas du seuil de la PME au sens européen, ce dernier étant fixé par l'Union européenne à 44 millions d'écus, soit environ 260 millions de francs. Il s'agit du seuil de la petite entreprise, ce qui est tout à fait différent.
Au demeurant, vous savez très bien, mes chers collègues, qu'un chiffre d'affaires de 50 millions de francs a une signification totalement différente selon la branche d'activité où l'on se trouve, et qu'en matière de distribution 50 millions de francs c'est très peu, alors qu'en matière de prestations de services intellectuels, c'est énorme, et cela concerne une entreprise relativement importante.
En outre, si j'en crois certains courriers que j'ai reçus ces derniers jours, la plupart des concessions automobiles qui fonctionnent bien dans nos villes de province sont des sociétés anonymes qui réalisent plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires. Je crois même pouvoir dire qu'un très grand nombre de ces concessions automobiles - s'agissant de la PME typique ou, souvent, plutôt de la petite entreprise - vont devoir - passez-moi l'expression - supporter plein pot cette majoration de l'impôt sur les sociétés.
Au demeurant, souvent - mais cela vous ne le dites pas - les sociétés qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de francs sont des entreprises individuelles qui ne sont pas, en tant que telles, assujetties à l'impôt sur les sociétés.
Par conséquent, l'affirmation selon laquelle 92 % des PME ne seront pas touchées par la contribution complémentaire est, à mon avis, fausse et démagogique, car elle ne tient pas compte de la réalité du tissu économique de notre pays.
Au demeurant, je me demande simplement si, au nom de l'égalité de traitement, on ne pourrait pas mettre en cause une telle distinction, une telle barrière, car quelle est la différence de situation objective entre des petites et moyennes entreprises de plus ou de moins de 50 millions de francs qui vont, les unes être assujetties à la surtaxe et, les autres, ne pas y être assujetties ? La question, en tout cas, me semble devoir être approfondie.
Le taux de l'impôt sur les sociétés va donc passer, pour toute une série de gens, à 41,6 %. On peut discuter sur les comparaisons internationales et les taux en vigueur dans les pays voisins. Il n'en reste pas moins que l'évolution se fait partout dans le sens de moins de pression fiscale sur les entreprises, notamment de la part de tous ceux qui veulent le grand marché européen et qui veulent la zone euro, et notre petit échange, tout à l'heure, avec M. le ministre Strauss-Kahn a été, je crois, plein d'enseignements.
Il a reconnu, en effet, que l'harmonisation fiscale va dans le sens de la baisse de la pression fiscale sur les entreprises et que, demain, il faudra défaire ce que l'on nous appelle à faire aujourd'hui ; il ne nous a pas dit le contraire. Il a reconnu que nous allons à contre-courant de l'Europe...
M. Michel Sergent. Mais non !
M. Philippe Marini. ... dans le cadre d'une loi dont il prétend qu'elle est destinée à nous permettre d'atteindre l'objectif européen !
M. Michel Sergent. La baisse est inscrite dans le projet de loi !
M. Philippe Marini. Mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur ce point. C'est bien la contradiction de base de votre démarche !
Vous nous dites, de retour d'Amsterdam et depuis lors : il faut faire l'euro ; nous exécutons les engagements internationaux de la France. Bien entendu, nous ne pouvons que saluer cette continuité. D'un autre côté, vous nous dites qu'il faut traiter les entreprises françaises différemment de la manière dont les Allemands, les Anglais, les Italiens, les Belges et tous nos autres partenaires traitent leurs propres entreprises.
L'euro appellera l'harmonisation fiscale, notamment en termes de fiscalité de l'épargne et de fiscalité sur les entreprises. Nous faisons précisément le contraire, et c'est bien cela qui est grave dans la démarche que vous nous proposez.
Je ne vais pas poursuivre trop longtemps sur ces sujets. Les arguments avancés en ce qui concerne cette mesure relative au taux de l'impôt sur les sociétés sont suffisamment graves pour que l'on puisse - et pour que l'on doive - suivre la proposition de suppression de l'article 1er formulée par notre commission des finances.
En second lieu, nous évoquons l'inclusion, dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés, des plus-values réalisées par les entreprises sur la cession d'éléments de leurs actifs, à savoir les cessions de terrains, de fonds de commerce ou de brevets, qui étaient taxées à 20,9 % et qui vont l'être à 41,66 %. Il est attendu de cette mesure 6 milliards de francs, mesure dont je prétends, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'elle est singulièrement antiéconomique.
Tout d'abord, elle est bel et bien rétroactive...
M. Alain Lambert, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Marini. ...contrairement à ce qui nous a été soutenu tout à l'heure, car l'imposition de ces plus-values porte sur toutes celles qui ont été dégagées à partir du 1er janvier 1997. C'est ce qu'indique votre texte. Les plus-values dégagées avant l'annonce du projet de loi, avant fin août et début septembre, seront donc imposées au nouveau régime alors qu'elles avaient été dégagées au moment où les entreprises pouvaient escompter se trouver soumises à l'ancien taux de fiscalisation.
Une entreprise qui a cédé en début d'année un terrain, un immeuble ou un brevet devra payer deux fois plus d'impôts que ce qu'elle avait prévu dans son propre budget. C'est bien de la rétroactivité économique !
M. Alain Lambert, rapporteur. Cette entreprise aura d'ailleurs parfois réinvesti le produit des cessions.
M. Philippe Marini. Voilà qui aggrave encore la portée de cet argument.
Il s'agit là, nous n'en disconvenons pas, d'une question de fond. Les mauvaises habitudes, je le maintiens, sont tenaces en la matière. Il serait tout à fait nécessaire - et nous avons commencé voilà quelques mois à réfléchir sur ce sujet - d'essayer de poser des règles du jeu qui pourraient constituer une approche nouvelle de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, voire, éventuellement, s'inscrire dans une démarche de portée constitutionnelle.
En effet, nos entreprises, nos agents économiques ont besoin d'une règle du jeu claire et fixe. Nous ne pouvons pas prétendre, ni les uns ni les autres, que cette clarté et cette permanence aient été correctement garanties par les comportements récurrents ou les habitudes des administrations et des gouvernements successifs. (M. Chérioux applaudit.)
J'ajouterai qu'inclure les cessions de brevets dans ce dispositif, c'est jouer contre la recherche française et le progrès technologique. Le doublement de l'imposition des plus-values, mesure particulièrement spoliatrice, n'est pas de nature à inciter les entreprises à promouvoir la recherche.
Toutes ces raisons me conduisent naturellement, mes chers collègues, à approuver la position de M. le rapporteur, qui nous incite à repousser l'article 2.
Je formulerai une dernière remarque relative aux entreprises.
On a noté le niveau particulièrement élevé du taux d'autofinancement. Nous n'en disconvenons pas, mais là n'est pas le problème. Il ne faut pas se livrer à une analyse hexagonale des choses. Le problème réside dans la comparaison du taux de rentabilité des entreprises françaises avec celui des entreprises européennes qui sont leurs concurrentes.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Eh oui !
M. Philippe Marini. Ou alors, il ne faut pas prétendre vouloir l'euro ! Si l'on souhaite l'euro, on doit rechercher la compétitivité des entreprises et, dans ce cas, pour mettre en oeuvre un nouveau dispositif fiscal, on doit se livrer à une analyse européenne et non pas à une analyse franco-française, comme vous vous bornez à le faire.
C'est une raison de souligner à nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, les ambiguïtés et les contradictions de votre engagement européen.
L'article 3 du projet de loi est extrêmement complexe. Créer un versement anticipé de la contribution temporaire de l'impôt sur les sociétés, modifier le régime des acomptes, cela appelle au moins une remarque.
L'acompte complémentaire dû au titre du changement du champ d'application des plus-values à long terme sera calculé de façon obligatoire sur le dernier exercice dont les résultats ont été déclarés, c'est-à-dire 1996, alors que l'exercice ouvert en 1997 servira d'assiette effective à l'impôt sur les sociétés.
Je qualifierai ce décalage - pardonnez-moi de me répéter - de rétroactivité. Même si celle-ci n'est pas d'ordre juridique, elle est économique et est pénalisante pour les entreprises en créant des distorsions dans le fonctionnement normal du tissu économique.
Tout cela me conduit naturellement, une nouvelle fois, à suivre les propositions du rapporteur de la commission, qui nous incite à rejeter l'article 3.
Restent trois articles sur EDF, sur la BDPME, héritage du projet de loi portant DDOEF qui aurait dû nous être soumis par MM. Arthuis et Lamassoure (exclamations sur les travées socialistes) et sur les CODEVI.
Vous avez oublié entre-temps, si je ne m'abuse, le régime fiscal des footballeurs professionnels. A cet égard, je ne ferai pas de grands commentaires car l'opportunité de cette mesure m'avait à l'époque échappé. Mais nous n'avons pas eu à en discuter.
Sur l'article 5 concernant les CODEVI, une remarque et une proposition peuvent être faites.
J'ai eu l'honneur de rapporter un texte sur les CODEVI au début de l'année. J'ai recommandé son adoption, comme Alain Lambert, sans un enthousiasme débordant. S'il ne pouvait pas faire de mal, il ne fait probablement pas grand bien !
Je me souviens avoir entendu, lors de la discussion de ce texte, notre excellente collègue vice-présidente de la commission des finances, Mme Marie-Claude Beaudeau, qui, tout à l'heure, s'est exprimée de façon tout à fait élogieuse à l'égard de l'épargne administrée, vis-à-vis des CODEVI, etc., parler alors de « duperie »,...
M. Marcel Debarge. C'est facile !
M. Philippe Marini. ... d'« inefficacité », de « handicap pour les PME » et de « mesures illusoires ».
Parfois, j'admire nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen qui utilisent ainsi toutes les ressources de la dialectique pour avancer, dans des circonstances différentes, des arguments opposés, et ce avec une logique imperturbable. Cela mérite un hommage particulier.
En tout état de cause, nous approuverons, bien sûr, cette mesure puisque nous avons voté au début de l'année le projet de loi qui nous était soumis sur le sujet. Nous ferons preuve tout naturellement du même enthousiasme relatif dans son approbation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'achèverai mon propos en rappelant que, malheureusement, ce texte semble participer d'une certaine exception française en Europe, que l'on pourrait qualifier peut-être d'exception socialiste à la française. Certes, la situation est difficile, comme en témoignent les statistiques de l'emploi - Mme Aubry l'a rappelé dans cet hémicycle cette semaine - et personne n'a trouvé la recette incontestable pour y remédier. Mais ce qui est sûr, c'est que la psychologie des entreprises, des décideurs économiques, compte beaucoup. Or elle risque d'être affectée par l'incertitude dans laquelle est plongé le monde économique. Je pense à tout le discours sur les trente-cinq heures. Telle formule est-elle antiéconomique ? Telle autre l'est-elle moins ? Les promesses de la campagne électorale sont-elles de vraies promesses ?
M. René Régnault. Un peu de patience ! Vous allez le savoir !
M. Philippe Marini. A-t-on bien écouté les discours du candidat Jospin ?
A-t-on bien noté les propos plus récents du Premier ministre ?
Les écarts entre l'un et l'autre langage ne sont-ils pas de nature à renforcer les atermoiements, les réflexes de prudence et donc l'attentisme du monde économique ?
En effet, la croissance suppose une demande soutenue, personne ne peut le contester, mais aussi un rendez-vous de l'offre et de la demande. Pour relancer l'économie, il n'y a pas l'offre d'une part, la demande d'autre part. La demande doit être relativisée. La demande intérieure n'est pas tout le chiffre d'affaires des entreprises. Si la demande des agents domestiques dans un monde qui s'internationalise de plus en plus dépend des branches, dépend des activités, la dynamique est toujours dans le sens d'une plus grande ouverture.
Par conséquent, le marché intérieur est important, mais ce n'est pas le seul paramètre.
En outre, la croissance est le rendez-vous de l'offre et de la demande, de l'investissement et de la consommation. Pour que l'investissement se développe dans notre pays, nous devons être compétitifs. Nous devons savoir maintenir sur notre territoire des activités de main-d'oeuvre. Voilà bien le vrai sujet dont nous aurons à débattre au cours des mois à venir, lors de l'examen du projet de loi de finances, mais surtout de celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mes chers collègues, je vais en terminer. Les textes que nous allons examiner au cours des prochains mois vont modifier très substantiellement l'équilibre économique et financier dans lequel les entreprises exercent leurs activités dans notre pays. Je persiste à penser que votre démarche est une mauvaise démarche, monsieur le secrétaire d'Etat, elle va dans le mauvais sens, elle est contraire à l'objectif d'une Europe qui se construit économiquement.
Je persiste à penser que l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale d'un côté, du projet de loi de finances de l'autre, examen que nous aurions avantage à mieux coordonner, mes chers collègues, au sein de notre assemblée, exige de notre part une très grande vigilance.
M. Christian Poncelet, président de la commission. S'il y a une mauvaise coordination, ce n'est pas faute d'interventions de la part de la commission des finances, qui, hélas ! n'ont pas été suivies d'effet !
M. Philippe Marini. La commission des finances a besoin, en effet, de disposer d'une vue d'ensemble sur tout ce qui concerne les prélèvements obligatoires.
M. Alain Lambert, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Marini. Mes chers collègues, au moment de conclure, il me paraît logique de rejeter l'essentiel du dispositif de ce texte. Par cette position, nous prendrons date. Naturellement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez la majorité à l'Assemblée nationale, vous exercez l'essentiel des prérogatives de l'exécutif, et l'efficacité de votre politique se constatera sur le terrain, dans les chiffres, au fil des mois.
A ce stade du débat, nous ne pouvons que poser des jalons, mettre en garde et exprimer - en tout cas, c'est ce que je fais au nom du Rassemblement pour la République - notre opposition ferme aux dispositions fiscales contenues dans ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je souhaiterais que le Sénat interrompe maintenant ses travaux, car j'ai un déjeuner de travail avec M. le commissaire Monti, afin de réfléchir à l'harmonisation fiscale dont il a été question.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le secrétaire d'Etat.

6

MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. Denis Badré. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, je vous transmets la demande de rectification de vote formulée par notre collègue M. Michel Mercier, qui, hier soir, lors du vote sur le projet de loi relatif au développement d'activités en faveur de l'emploi des jeunes, a été comptabilisé comme votant contre, alors qu'il souhaitait s'abstenir.
M. le président. Mon cher collègue, acte vous est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à seize heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

NOMINATION DE MEMBRES
DE DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que les candidatures présentées par le groupe du Rassemblement pour la République :
- à la délégation du Sénat pour l'Union européenne,
- et à la délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques,
ont été affichées et n'ont fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Michel Barnier membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;
- et M. Hilaire Flandre membre de la délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

8

DÉPÔT D'UN RAPPORT
DE LA COUR DES COMPTES

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier président de la Cour des comptes le rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

9

CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

10

MESURES URGENTES
À CARACTÈRE FISCAL ET FINANCIER

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.
J'informe le Sénat que la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actuellement en cours d'examen. Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si je n'avais pas entendu l'intervention de celui qui m'a précédé à cette tribune, j'aurais pu penser qu'il n'y avait plus grand-chose à ajouter dans ce débat, tant les propos du rapporteur, du président de la commission et du ministre, ce matin, me paraissaient avoir parfaitement éclairé le sujet.
J'indique au passage que je n'ai entendu personne contester les conditions dans lesquelles s'est déroulée la passation de pouvoir entre l'ancien et le nouveau Premier ministre. En particulier, personne n'a contesté le fait que le Premier ministre sortant, M. Alain Juppé, ait, dans une lettre, exposé à son successeur la situation qui l'attendait, situation dont l'audit a d'ailleurs confirmé, depuis, la réalité.
Il y avait déjà de quoi être surpris lorsque certains ont affirmé que le collectif arrivait bien tard. Mais mon étonnement redouble à constater que, lorsque ce collectif vous est proposé, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous vous attachez aussitôt à le vider de son contenu !
M. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. « Collectif », dites-vous ? (Sourires.)
M. René Régnault. Je voulais, bien entendu, parler des « mesures urgentes à caractère fiscal et financier », monsieur le rapporteur !
M. Alain Lambert, rapporteur. C'est un lapsus révélateur !
M. René Régnault. Mais là n'est pas l'important, monsieur le rapporteur. L'important, c'est que tous ces commentaires critiques ne sont suivis d'aucune proposition. C'est tout à fait dommage, car des propositions nous auraient permis de penser que vous aviez su mettre à profit le temps qui s'est écoulé entre le printemps dernier et cet automne qui débute.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire en guise d'introduction à mon propos.
Ce projet de loi constitue principalement la traduction juridique des mesures d'urgence prises par le Gouvernement à la suite des résultats de l'audit budgétaire, mesures destinées à redresser l'évolution de nos finances publiques pour 1997.
Fallait-il prendre des mesures d'urgence ?
Selon le gouvernement précédent, le déficit public, égal à 4,2 % du PIB en 1996, devait descendre à 3 % en 1997. Malheureusement, comme le groupe socialiste du Sénat l'avait démontré lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, cette prévision était artificielle.
D'abord, le déficit prévu pour la sécurité sociale était largement et manifestement sous-estimé ; les faits l'ont clairement démontré.
Ensuite, la présentation budgétaire faisait appel à de nombreux artifices : surévaluation de certaines recettes, baisse d'impôts non financées, réductions de dépenses souvent factices parce que résultant de débudgétisations ou de sous-évaluations, - je pense au service de la dette - quand elles ne portaient pas sur des postes appelés à une croissance vertigineuse - concernant le contrat initiative-emploi, par exemple - que le Gouvernement lui-même n'avait pas su prévoir.
Le déficit budgétaire était donc en réalité bien supérieur aux chiffres annoncés. Selon nos calculs, le vrai déficit public s'établissait à 4 % du PIB, 3,5 % une fois pris en compte l'opération sur France Télécom et la modification de la comptabilisation des coupons courus.
D'ailleurs, la presse étrangère n'avait pas été tendre avec la copie du gouvernement de M. Juppé. Ainsi, dans le Financial Times du 19 septembre 1996, on pouvait lire, sous le titre « Combines françaises », cette appréciation : « Un miracle ou des astuces budgétaires très élaborées ? Le budget présenté hier est un exemple habile de la deuxième branche de cette alternative. La créativité qu'il a fallu déployer ne trompera personne. »
Ce budget virtuel, qui ne faisait d'ailleurs que suivre une habitude prise dès 1994, était destiné à cacher l'échec de la politique budgétaire des gouvernements Balladur et Juppé, laquelle depuis 1993, en dépit de la manne des privatisations et des augmentations d'impôt sans précédent - environ 200 milliards de francs - que vous semblez avoir oubliées, faisait toujours ressortir un déficit public supérieur à celui de 1992. Notons que, dans le même temps, la plupart de nos partenaires avaient, eux, sensiblement réduit leur déficit.
L'audit budgétaire rendu public le 21 juillet dernier a confirmé ces analyses : sans mesures de correction, le déficit public de 1997 serait compris entre 3,5 % et 3,7 % du PIB ; à cela il convenait d'ajouter la prise en compte de la soulte de France Télécom, soit environ de 0,5 % du PIB, puisqu'il s'agit d'une ressource non renouvelable.
La principale source de dérapage relevée par les auditeurs concerne le budget de l'Etat. Selon eux, le déficit de l'Etat se situe entre 312 milliards et 322 milliards de francs en comptabilité budgétaire.
Cette fourchette, qui doit être comparée aux 285 milliards de francs inscrits en loi de finances initiale, fait ressortir un creusement du déficit de 27 milliards à 37 milliards de francs. L'écart est lié à deux facteurs : d'une part, une insuffisance de recettes fiscales, de l'ordre de 15 milliards à 17 milliards de francs, et, d'autre part, des dérapages sur les dépenses de l'Etat, de l'ordre de 27 milliards à 30 milliards de francs, soit, après mesures de correction inéluctables, de 12 milliards à 20 milliards de francs.
Ces dérapages ne proviennent pas d'une insuffisance de croissance puisque le taux de croissance de 1997 sera, en gros, conforme aux prévisions. Ils proviennent donc à l'évidence de la présentation budgétaire que je viens de rappeler.
Quoi qu'il en soit, nous étions incontestablement, passez-moi l'expression, « en dehors des clous ».
Face à cette situation, le Gouvernement a évidemment dû réagir.
Bien sûr, on peut se poser la question subsidiaire : fallait-il réagir ?
Pour moi, la réponse est nécessairement affirmative, et cela pour deux raisons.
La première tient, bien sûr, à l'Europe. Pour que la France respecte les conditions du passage à la monnaie unique, nous ne pouvions nous présenter avec un déficit public largement au-dessus des 3 %. Il n'est pas imaginable que la France prenne le risque politique de l'échec de cette grande idée, dont on sait qu'elle constitue une condition absolument nécessaire pour que l'Europe retrouve une certaine liberté d'action, puisse se présenter en position de force face à ses partenaires et mettre enfin un terme aux dérèglements monétaires et financiers.
Mais la seconde raison, trop souvent oubliée, c'est la nécessité de casser l'enchaînement déficit-dette afin, entre autres raisons, de permettre au budget de l'Etat de retrouver des marges de manoeuvre.
La dette publique a quasiment doublé depuis 1992 : elle a augmenté de 81 %, soit une hausse globale de 1 700 milliards de francs, ou de 30 000 francs par Français. Or, pour stabiliser la progression de la dette, il faut dégager un excédent primaire de 1 %, soit un déficit budgétaire de 2 %.
Le retour à une évolution budgétaire plus stricte était donc inéluctable. Le recours à des mesures d'urgence de redressement des finances publiques s'imposait. Nous pouvons tous en convenir, je crois, tout au moins je veux le penser. Ou alors il faut expliquer aux Français les raisons d'un choix différent ; vous vous y êtes essayés mais vous n'avez pas réussi. On ne peut se contenter de refuser les mesures d'urgence en se dispensant d'évoquer les conséquences d'un tel refus. Nous attendons toujours vos propositions, mes chers collègues !
Les mesures proposées sont-elles bien choisies ? Voilà la vraie question. Voilà le débat constructif que nous devons avoir avec le Gouvernement.
Ces mesures, quelles sont-elles ?
Il s'agit de l'augmentation temporaire de 15 % de l'impôt sur les sociétés et de la suppression du taux réduit d'imposition des plus-values professionnelles à long terme sur les opérations de cession d'éléments d'actifs.
Leur rendement serait d'un peu plus de 20 milliards de francs en 1997.
Elles s'accompagnent de plus de 10 milliards de francs d'économies, ce qui porte au total l'ajustement réalisé à 31 milliards de francs, soit 0,4 % du PIB. Le déficit public reviendrait à environ 3,1 % du PIB. C'est l'objectif du Gouvernement et c'est aussi le nôtre.
La première réflexion doit porter sur l'impact de ces mesures sur la croissance.
Nous sommes actuellement dans une phase conjoncturelle de transition. Il est indéniable que la croissance s'accélère progressivement. Après qu'elle a été de 0,2 % au premier trimestre de 1997, elle a atteint 1 % au deuxième trimestre. Hors effets de calendrier, cela représente 0,5 % et 0,7 %. Pas de quoi crier victoire...
En tout cas, cette accélération se réalise sous l'influence de deux facteurs, qui expliquent 90 % de la croissance pour le deuxième trimestre.
Le premier facteur réside dans la reconstitution des stocks. Si les entreprises sont restées attentistes au cours du second semestre de 1996, le restockage s'est amorcé, comme prévu, durant les premiers mois de 1997.
Le second facteur, ce sont les exportations. Elles sont soutenues depuis plusieurs mois, et, depuis l'été 1996, l'environnement international est porteur. De plus, la compétitivité des produits français s'est renforcée, du fait de la baisse du taux de change nominal du franc, par rapport au dollar et à la livre notamment, et de la maîtrise des coûts de production.
Toutefois, la demande intérieure n'est toujours pas repartie, puisqu'elle a augmenté de seulement 0,4 % au deuxième trimestre. L'investissement connaît un simple frémissement, en augmentant de 0,2 % après avoir diminué de 1,2 %, et la consommation des ménages, qui enregistre une baisse de 0,1 % après avoir crû de 0,2 %, est toujours en panne, du fait de la stagnation du pouvoir d'achat et d'une légère remontée du taux d'épargne, ce qui explique le choix du Gouvernement de ne pas solliciter à nouveau les ménages.
C'est pourquoi, malgré cette accélération de la reprise, la croissance devrait seulement atteindre 2,2 % en 1997. Sans véritable « allumage » de la demande intérieure, cette progression de la croissance pourrait rapidement trouver ses limites.
Dans ce climat, il est nécessaire de calibrer les mesures au plus juste et, surtout, de n'en prendre aucune qui soit néfaste pour la croissance : c'est ce qu'a réussi le Gouvernement.
Tout d'abord, l'effet récessif a été limité dans la mesure du possible. On est loin du « plan de rigueur » que tout le monde craignait lors de la campagne législative et qui a, semble-t-il, été la raison de la dissolution. Une large majorité de nos concitoyens a rejeté cette perspective.
Le surcroît de recettes est modeste, puisqu'il n'est que de 20 milliards de francs, et ne fait que compenser l'insuffisance des rentrées fiscales soulignée par l'audit.
Ceux qui refusent le recours à des recettes de compensation doivent nous expliquer comment ils auraient financé les dérapages, et sur quel poste budgétaire ils auraient trouvé les sommes correspondantes. Ils doivent également ne pas avoir la mémoire courte, et se rappeler qu'en 1995 les hausses de prélèvements avaient dépassé les 100 milliards de francs.
Les critiques de l'opposition sur le prétendu « matraquage fiscal » sont, de notre point de vue, quelque peu inadmissibles de la part de ceux qui avaient voté des augmentations de prélèvements correspondant à plus deux points de PIB et portant d'ailleurs essentiellement sur les impositions les plus injustes. En effet, ils ont ainsi battu le record toutes catégories en matière de prélèvements obligatoires.
M. Alain Lambert, rapporteur. Lesquels baissez-vous ?
M. René Régnault. Nous ne les baissons pas,...
M. Alain Lambert, rapporteur. Ah bon !
M. René Régnault. ... mais nous faisons en sorte de nous procurer les recettes nécessaires au financement des dépenses que vous avez décidées, sans frapper à nouveau la consommation, comme vous l'aviez fait voilà deux ans.
M. Alain Lambert, rapporteur. Vous ne baissez pas les impôts, vous les augmentez !
M. René Régnault. Ensuite, les mesures proposées épargnent les ménages. L'évolution de la croissance depuis l'été 1995 est là pour nous rappeler les conséquences néfastes du coup de massue asséné à une consommation des ménages déjà peu dynamique, à cause de la constitution d'une épargne de précaution et de la stagnation du pouvoir d'achat enregistrée depuis 1993.
Cependant, en faisant porter l'effort sur les entreprises, les mesures envisagées ne sont-elles pas dangereuses pour la reprise de l'investissement ?
Nous réfléchissons à cette question.
Les résultats des entreprises s'étaient largement améliorés de 1984 à 1990 : ainsi, le taux de marge s'était redressé de 24 % à plus de 30 %, tandis que le taux d'épargne et celui d'autofinancement avaient nettement progressé.
Depuis, en dépit du ralentissement économique, ils sont restés aux niveaux très convenables atteints en 1988-1989. En effet, le taux de marge demeure largement supérieur à 30 %, le taux d'épargne des entreprises se maintient à un niveau élevé, à savoir 17,8 % en 1996, et le taux d'autofinancement des entreprises dépasse durablement et fortement les 100 %, ce qui n'avait jamais été constaté depuis 1945.
Je signalerai également qu'en 1996 les résultats des vingt-cinq premiers groupes industriels et de services sont passés de 8,1 milliards de francs à 43,6 milliards de francs ! De plus, le chiffre d'affaires des grandes entreprises de l'industrie manufacturière a encore bondi de plus de 9 % au premier semestre de 1997.
M. Henri de Raincourt. Tant mieux !
M. René Régnault. Certes, monsieur de Raincourt, mais vous comprendrez que nous ayons pensé à imposer ces groupes quand la France doit fournir un effort particulier, notamment pour atteindre les objectifs que vous avez acceptés et votés. Or, ces objectifs, vous avez cherché à les atteindre en décidant des dépenses sans vous procurer les recettes correspondantes. Il était, par conséquent, normal que nous garantissions la vérité du budget pour 1997, et que nous fassions en sorte qu'il permette de réaliser l'ambition politique qui avait été définie.
La première explication de la bonne santé de nos entreprises réside dans la faible augmentation des charges salariales, liée aux faibles hausses des salaires et à la forte réduction du nombre des emplois. Cela a permis de ramener la part des rémunérations dans la valeur ajoutée brute en deçà de 60 %, puisque cette part était de 68 % en 1982 et de 59,6 % en 1996 : la France est l'un des pays industrialisés où le partage de la valeur ajoutée est le plus favorable aux profits. Ainsi, en 1995 et en 1996, les profits bruts ont augmenté d'environ 7 %, mais les salaires de 2 % seulement.
La deuxième explication tient à la réduction de la pression fiscale : l'impôt sur les sociétés, qui atteignait 3,4 % de la valeur ajoutée en 1989, n'en représente plus que 1,6 % aujourd'hui. Par ailleurs, plus de 200 milliards de francs ont été engrangés depuis 1993 par les entreprises au titre du remboursement de la TVA et des allégements de charges sociales.
La troisième explication, c'est la décroissance, baisse des taux d'intérêt aidant, des frais financiers. Ainsi, les charges supportées à ce titre ont été ramenées de 422 milliards de francs en 1993 à 316 milliards de francs en 1996.
Bénéficiant d'une capacité d'épargne excédentaire depuis 1992, les entreprises se sont désendettées et ont augmenté leurs fonds propres, ce qui est bien. Ces derniers représentaient, en 1996, 36,2 % du bilan, contre 20,5 % en 1985, la moyenne de l'Union européenne, qui sert souvent de critère de comparaison, étant de 33,3 %, celle des Etats-Unis de 37,4 % et celle, enfin, du Japon, de 32,7 %.
Elles en ont profité pour majorer les dividendes, qui sont passés de 279 milliards de francs en 1992 à près de 419 milliards de francs en 1996, et pour accroître leurs placements financiers.
Cette avalanche de chiffres n'a pas pour objet de démontrer que nos grandes entreprises doivent servir de boucs émissaires ou de « vaches à lait ».
M. Alain Lambert, rapporteur. Elles seront rassurées !
M. René Régnault. Elles doivent continuer à s'adapter à un marché de plus en plus mondialisé et à une concurrence de plus en plus difficile, et poursuivre leur mise à niveau par rapport aux entreprises anglo-saxonnes, ce qui implique que leurs capacités financières soient sauvegardées.
Mais ces chiffres montrent, et nous pourrons tous en convenir, que la santé financière de nos entreprises est globalement bonne et que, du fait de leur capacité excédentaire d'épargne, les mesures proposées ne seront pas un frein à l'investissement, pour peu que l'on veuille bien être objectif.
J'ajouterai que leur principal intérêt aujourd'hui, maintenant que les taux d'intérêt sont bas, c'est que la monnaie unique se fasse et que leurs débouchés retrouvent un dynamisme perdu depuis plusieurs années. Là est le véritable frein à l'investissement. Pour cela, il faut bien éponger les dérapages budgétaires légués par le précédent gouvernement, et le choix de faire porter l'effort sur les entreprises est donc le meilleur, ou plutôt le moins mauvais.
Ces mesures me paraissent en outre équilibrées et justes, car les impôts sont bien choisis.
En effet, la France se caractérise par un impôt sur les sociétés plutôt faible, en matière tant de taux, la moyenne européenne étant de 40 %, que de proportion du PIB.
Il est vrai - il nous en a été donné acte ce matin - qu'un gouvernement que nous avions soutenu s'était employé à alléger cet impôt. C'est une politique que nous avions engagée, et dont nous avons mesuré tous les effets. Aujourd'hui, face à la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous pensons que la voie choisie est objectivement la bonne.
Rappelons que l'impôt sur les sociétés ne représente que 1,6 % du PIB en France, contre 2,6 % aux Etats-Unis, 4 % au Japon et plus de 3 % chez la plupart de nos partenaires européens, en dehors, je vous le concède, de l'Allemagne.
Le cadrage de la mesure est également judicieux : ainsi, les PME, soit plus de 90 % des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, ne sont pas concernées. Or les PME sont le principal vivier d'emplois, et leur situation financière est en général moins bonne que la moyenne. Selon une enquête de l'UFB-Locabail, « l'activité des PME-PMI reste relativement atone depuis le début de l'année, dans le sillage de la croissance modérée de 1996 ». Ne pas les solliciter est donc un bon choix, qui n'avait d'ailleurs pas été fait en 1995, puisque la surtaxe avait touché toutes les entreprises.
Je formulerai toutefois une réserve : on peut sans doute regretter que cette modification complique encore le barème de l'impôt sur les sociétés. En effet, trois taux existent désormais, à savoir 20,9 %, 36,6 % et 41,6 %, sachant que le taux « normal » est de 33,3 %.
De plus, le choix d'un seuil de chiffre d'affaires entraîne immanquablement, nous le savons, des effets pervers. Il faudrait, me semble-t-il, monsieur le secrétaire d'Etat, mettre en place un impôt sur les sociétés progressif, en fonction des bénéfices, comme c'est le cas chez nombre de nos voisins. Cela pourrait se réaliser en vue de la sortie du dispositif temporaire, puisqu'il s'agit là d'une disposition dont l'extinction est prévue dans le projet de loi qui nous est soumis.
En ce qui concerne la suppression du taux réduit des plus-values, il s'agit de supprimer une différenciation qui n'a plus de raison d'être maintenant que la désinflation est structurelle, et de rapprocher le régime français de celui de nos partenaires européens.
La mesure proposée est judicieuse, avec cette petite réserve qu'il faudra, là encore, corriger l'absence, en France, de régime d'exonération ou de report d'imposition en cas de réemploi de la plus-value.
Enfin, s'agissant des trois autres dispositions proposées, qui ne s'inscrivent pas dans les mesures de rétablissement de nos finances publiques, elles n'appellent pas de longs commentaires.
Ainsi, la modification comptable tendant à donner à l'établissement public Electricité de France une structure de bilan plus conforme à la réalité de sa situation est une bonne mesure. Il était nécessaire de clarifier la situation, compte tenu notamment des critiques formulées par des entreprises concurrentes, au motif qu'il existerait des aides cachées.
Néanmoins, quelques inquiétudes se sont fait jour.
Elles intéressent tout d'abord, à propos de la propriété de certains ouvrages, le réseau d'alimentation générale et le réseau de distribution publique, c'est-à-dire celui qui est géré par des collectivités locales ou par des syndicats.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. René Régnault. L'adoption dans sa rédaction initiale de l'article 4, auquel MM. Moreigne, Sergent et d'autres de mes collègues portent un intérêt tout particulier, aurait pu engendrer des transferts de propriété à EDF d'ouvrages qui ne lui appartiennent pas. Je sais que vous étiez particulièrement sourcilleux sur ce point, mes chers collègues.
Mais l'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant d'exclure clairement de la nouvelle propriété d'EDF les ouvrages du réseau affectés à la distribution publique.
La seconde inquiétude dont je veux me faire le porte-parole est celle des personnels d'EDF. Ils craignent en effet que le transfert du réseau de transport d'électricité d'EDF ne constitue les prémisses d'une privatisation de l'établissement public. Je crois que le Gouvernement a déjà eu l'occasion de s'employer à lever cette interrogation, et j'espère que vous y reviendrez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat.
Cependant, pouvez-vous nous affirmer que la transposition prochaine en droit interne de la directive « Electricité », adoptée par le précédent gouvernement, maintiendra un service public de l'électricité de haute qualité et ne remettra pas en cause l'appartenance d'EDF à la nation ?
Tels sont les points forts sur lesquels, monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse est particulièrement attendue.
Au terme de cet exposé, je voudrais, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous engager à faire preuve d'un peu de mémoire. (M. le rapporteur sourit.)
Nos concitoyens, à qui vous avez donné la parole en décidant la dissolution de l'Assemblée nationale, ...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est une démarche démocratique !
M. René Régnault. Je vous en donne acte, ce n'était pas un reproche de ma part.
Nos concitoyens, donc, ont très bien compris votre politique, les choix qui la sous-tendaient et ses conséquences, et ils l'ont rejetée. Ils ont mesuré la profondeur du gouffre dans lequel vous vouliez les précipiter.
Le nouveau gouvernement, quant à lui, a pris avec courage, lucidité et discernement les mesures équilibrées et justes que la situation que vous aviez laissée appelait. Elles sont frappées au coin de l'équité et de la raison, et nos voisins européens, sans exception, les ont accueillies positivement, ainsi que les places financières. Aussi, je ne comprends vraiment pas votre position de refus sur ce texte.
M. Alain Lambert, rapporteur. Ce sont nos concurrents, ils peuvent se réjouir de nos choix !
M. René Régnault. Quant à nous, groupe socialiste, nous soutenons l'action de redressement de nos finances publiques et la nouvelle politique économique que vous mettez en place, monsieur le secrétaire d'Etat. Par le plan emplois-jeunes, par la relance de la demande intérieure et par le soutien déterminé à la croissance, elle permettra de sortir de ces années difficiles et d'enregistrer les nombreuses créations d'emplois indispensables à notre pays.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous adhérons, et sans réserve, à ces mesures d'urgence et soutenons l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier soumis à l'examen de notre assemblée marque les trois coups du nouveau traitement fiscal que réserve le Gouvernement de M. Jospin aux entreprises et aux contribuables de notre pays.
Le projet de loi comporte, outre quelques dispositions techniques évoquées par M. le rapporteur et par les précédents orateurs, trois articles importants dont la commission des finances du Sénat a demandé la suppression.
L'article 1er prévoit, en effet, une aggravation lourde de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 1997, 1998 et 1999.
Cette aggravation de la fiscalité directe est présentée comme un effort temporaire limité aux personnes morales réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs et justifié par la nécessité de remise en ordre des finances publiques et par le niveau moyen du taux de l'impôt sur les sociétés de nos principaux partenaires commerciaux.
L'article 2 a pour objet de supprimer, rétroactivement à compter du 1er janvier 1997, le régime des plus-values ou moins-values à long terme actuellement en vigueur pour la cession des éléments d'actif.
Enfin, l'article 3 tend à instaurer le principe du versement d'un acompte, payable avant la fin de l'exercice 1997, au titre des dispositions qui précèdent, acompte dont le calcul devra prendre en compte les dates de clôture d'exercice, ce qui ajoute une nouvelle complication aux dispositions de l'article 1668 du code général des impôts.
Ces dispositions nouvelles sont en elles-mêmes critiquables dans la mesure où elles constituent un alourdissement de la fiscalité des entreprises, et pas seulement des plus grandes, le chiffre d'affaires considéré étant naturellement fonction des différences d'activités.
Elles sont également critiquables dans la mesure où elles introduisent de nouveau une rétroactivité de la loi fiscale aggravante, puisqu'elles prennent en compte l'exercice ouvert le 1er janvier 1997, voire l'exercice 1996 en matière de plus-values différées. Ce matin, j'ai été surpris d'entendre M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie partager, voire développer, une notion de rétroactivité fiscale qui fait encore frémir les juristes.
En effet, comment peut-on dire qu'il n'y a pas rétroactivité si l'on change la règle du jeu en cours d'exercice,...
M. Christian Poncelet, président de la commission. Très bien !
M. Marcel-Pierre Cléach. ... alors que l'entreprise a établi les budgets prévisionnels de l'exercice considéré en fonction de la règle en vigueur à l'ouverture de cet exercice ?
M. Raymond Courrière. On vous l'a expliqué ce matin !
M. Christian Poncelet, président de la commission. C'est le yoyo fiscal !
M. Marcel-Pierre Cléach. Enfin, la présentation du projet de loi oublie l'environnement fiscal et social des entreprises françaises en isolant l'impôt sur les sociétés de la masse des autres charges qui grèvent nos entreprises pour pouvoir dire que le nouveau taux de 41,66 % rejoindrait le niveau moyen de l'impôt sur les sociétés chez nos principaux partenaires.
En réalité - M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a confirmé - il nous situera dans le trio de tête, avec l'Italie et l'Allemagne, alors que, au même moment, la Grande-Bretagne vient de fixer son taux marginal à 31 %, que l'Espagne et les Pays-Bas sont à 35 %, la Belgique à 40,1 % et que nous serons bientôt seuls en tête - triste privilège ! Notre voisin allemand prévoit en effet de ramener la fiscalité des bénéfices distribués et non distribués respectivement à 30 % et à 28 % en 1998 et au taux unique de 25 % en 1999 ; par ailleurs, l'Italie vient d'annoncer l'institution d'un taux réduit à 19 % pour les bénéfices réinvestis.
J'en viens aux plus-values à long terme. L'appréciation de M. le rapporteur selon laquelle la suppression du régime fiscal actuel a pour effet de multiplier par deux le taux effectif de taxation de ces plus-values, qui ne sont pas spéculatives, me paraît se suffire à elle-même.
Là aussi, nous allons à contre-courant des législations de nos partenaires économiques.
La France - il est banal de dire qu'elle est maintenant le pays le plus cher du monde - va ainsi, une nouvelle fois, aggraver son score et diminuer d'autant la compétitivité de ses entreprises et son attrait pour les investisseurs étrangers.
Le rapport de la commission des finances développe excellemment l'ensemble des conséquences de cette politique et souligne combien elle est contraire aux intérêts à long terme de notre pays.
Aussi, je ne reviendrai pas sur les critiques clairement émises et expliquées par M. le président de la commission Poncelet et par M. le rapporteur à l'encontre des dispositions des trois premiers articles du projet de loi. Ces critiques, je les partage, vous l'avez deviné, et elles m'incitent, monsieur le secrétaire d'Etat, à recommander à nos collègues de suivre purement et simplement la position exprimée par la commission des finances de notre assemblée.
Mais je voudrais replacer mon analyse du dispositif du projet de loi dans le cadre des mesures annoncées au titre du budget pour 1998 et de celles qui ont été également annoncées au titre du financement de la sécurité sociale.
En effet, votre projet de budget - ce que nous en savons - s'attaque encore aux entreprises. En effet, vous réduisez ou supprimez des dispositions fiscales d'usage ; vous aggravez les coûts de l'énergie en augmentant le prix des carburants ; vous taxez les compagnies d'assurances ; vous modifiez la loi Pons, dont l'application a souvent détourné l'intention du législateur, ...
Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Michel Sergent. Ah ! Tout de même !
M. Marcel-Pierre Cléach. ... mais qu'il eût peut-être été plus judicieux de conserver compte tenu des effets bénéfiques qu'elle a apportés à l'économie de nos départements d'outre-mer, tout en lui apportant, je vous le concède, des améliorations pour lutter contre ses dérives constatées.
Et puis, hors budget, nous sommes, les uns et les autres, dans l'incertitude en ce qui concerne les propositions gouvernementales relatives aux trente-cinq heures, engagement électoral qui a connu, il est vrai, quelques vicissitudes depuis votre accession au pouvoir.
M. Michel Sergent. Pour le moins !
M. Marcel-Pierre Cléach. Mais vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que si, comme le Gouvernement auquel vous appartenez l'a fait pour Air France, vous suivez la demande pressante de la partie la plus extrême de votre majorité...
Mme Marie-Claude Beaudeau. La plus raisonnable !
M. Marcel-Pierre Cléach. ... vous aggraverez encore les charges des entreprises françaises, de 11 à 12 %.
Enfin, le plan de financement de la sécurité sociale déjà qualifié de « plan Aubry » va taxer lourdement l'épargne, l'industrie du médicament, les cotisations des employeurs et des travailleurs indépendants et réduire les ressources d'un grand nombre de familles.
Ne vous étonnez pas, dans ces conditions, que la courbe de création d'entreprises nouvelles ait baissé de 3 % entre 1995 et 1996, confirmant ainsi une baisse constante amorcée dès 1991. Il convient d'ajouter ce chiffre alarmant à celui des disparitions d'entreprises pour avoir une vision immédiate de l'impact du « toujours plus d'impôts » et du « toujours plus de charges » sur l'activité économique de notre pays.
Comment pourrait-il en être autrement, du moins pour les petites et moyennes entreprises confrontées chaque année - et le gouvernement auquel vous appartenez n'est pas le seul coupable - à des charges financières globales accrues, à une paperasserie excessive - malgré les efforts de M. Raffarin lorqu'il était en charge des PME - à des contrôles et des tracasseries incessants, tatillons et multiples ?
Comment pourrait-il en être autrement quand les créateurs ou les responsables de ces entreprises sont également frappés dans leurs revenus personnels ?
Que dire, en effet, des mesures annoncées dans le projet de budget pour 1998 pour les personnes physiques, notamment pour les classes moyennes et les classes moyennes supérieures, qui sont un moteur de la consommation et de l'activité.
Vous abandonnez le programme de réduction de l'impôt sur le revenu décidée par le précédent gouvernement. Vous réduisez de façon draconienne les aides à l'emploi familial - nous en parlerons longuement lors de l'examen du projet de budget. Vous frappez les revenus de l'assurance vie. Vous placez les allocations familiales sous conditions de ressources. Vous étendez la contribution sociale généralisée aux revenus de l'épargne. Vous augmentez la redevance sur l'audiovisuel, et, bien sûr, et ce n'est pas une recette de poche, les taxes sur les carburants.
M. Henri de Raincourt. Quel programme !
M. Marcel-Pierre Cléach. Ne vous étonnez pas que les entrepreneurs réfléchissent à deux fois avant de prendre les risques de l'entreprise !
M. Christian Poncelet, président de la commission. Eh oui !
M. René Régnault. On leur avait donné des moyens !
M. Marcel-Pierre Cléach. Le mouvement de disparition ne peut que s'accélérer devant l'impossibilité grandissante des petites entreprises à dégager une marge suffisante pour sécuriser leurs investissements.
Pourtant, le succès du « plan textile » qui réduisait sensiblement les charges de cette filière montre bien la direction à suivre. Là aussi, le Gouvernement annonce que ce dispositif d'allégement des charges ne sera pas reconduit, les coûts salariaux des entreprises concernées se trouvant, dès lors, augmentés de 6 % à 8 % dans un secteur qui est, comme vous le savez, particulièrement exposé à la concurrence internationale.
M. Christian Poncelet, président de la commission. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. Un secteur sinistré !
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous raisonnez en macro-économie.
Il est vrai que, à l'exception du secteur nationalisé qui ne doit généralement qu'au monopole ou à des recapitalisations périodiques ses rares succès, les grandes sociétés, celles du CAC 40, dégagent des résultats très positifs. Il est vrai, aussi, que notre balance commerciale est excédentaire. Il est vrai que la Bourse se tient bien.
Mais savez-vous que la plupart des petites entreprises vivotent ? Connaissez-vous beaucoup de petites entreprises qui embauchent ?
M. Raymond Courrière. Les petites entreprises ne sont pas touchées !
M. Marcel-Pierre Cléach. Savez-vous que les artisans de nos provinces ne trouvent pas de successeurs ?
M. René Régnault. Ils ne sont pas concernées puisqu'ils sont en dessous du seuil de 50 millions de francs !
M. Marcel-Pierre Cléach. Certes, mais j'évoque un environnement fiscal global qui s'aggrave !
M. Michel Sergent. C'est le mur des lamentations !
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez, trop d'impôt tue l'impôt.
Le chemin que vous semblez prendre, qui est non pas celui de la nécessaire réduction de la dépense publique, mais celui de l'augmentation de cette dernière, conduira, à terme, à une diminution importante de la masse fiscale directe en provenance tant des entreprises que des contribuables dont le pouvoir d'achat sera de plus en plus frappé.
Votre objectif affiché de réduction des déficits se fera non par une baisse des dépenses publiques, mais par une hausse de la pression fiscale. Tous les grands impôts augmentent : l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu, les taxes sur les carburants, la CSG, les impôts sur l'épargne, du fait de l'extension de l'assiette de la CSG.
Ce n'est pas bon pour la croissance. C'est dangereux pour la conservation sur le territoire de l'épargne nationale. C'est décourageant pour les entrepreneurs.
M. le rapporteur a souligné, à juste titre, les conséquences anti-économiques de cette politique au niveau tant des investissements que des risques de délocalisation des activités, des hommes et de l'épargne, donc de l'emploi.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Marcel-Pierre Cléach. En outre, la diminution de la masse fiscale directe vous entraînera - que vous le vouliez ou non - à augmenter la pression sur la consommation par l'augmentation des impôts indirects, ce qui me paraît contraire au dogme qui anime le Gouvernement.
Cette tendance, qui consiste, nous le voyons bien, à augmenter les dépenses publiques et à les financer par une hausse de la pression fiscale au lieu d'agir sur la dépense, et dont, je le reconnais, le Gouvernement actuel n'est pas seul responsable, s'accompagne, en outre, et vous y participez gravement, d'une instabilité fiscale de nature à décourager les créateurs d'entreprise et les compagnies étrangères à investir dans notre pays, tant il est vrai qu'il est impossible aujourd'hui d'établir des bilans prévisionnels, la donne fiscale évoluant brutalement à chaque changement de majorité.
Dans ce domaine, il n'y a plus de parole de l'Etat. Ne nous étonnons donc pas de voir aujourd'hui de nombreuses entreprises françaises s'installer chez nos voisins britanniques - elles en expliquent d'ailleurs les raisons à la télévision française. Ne nous étonnons pas de voir des patrimoines que certains dispositifs, notamment celui qui régit l'assurance vie, avaient retenus en France s'expatrier chez des voisins plus réalistes que nous.
Je sais bien que l'art est difficile et que l'excuse de la nécessité invoquée ce matin par M. le ministre des finances doit être prise en compte.
Cependant, ce n'est pas en décourageant l'entrepreneur, ce n'est pas en décourageant le contribuable français que vous contribuerez à la création d'emplois sérieux et à la relance de la consommation.
Ce n'est pas en participant allègrement, vous aussi, à une nouvelle modification de la donne fiscale que vous attirerez des entreprises étrangères.
Quelle que soit l'habilité de la présentation du projet de loi, argumentée notamment sur la non-aggravation du taux des prélèvements obligatoires par rapport au PIB - calcul obtenu en tablant sur un taux de croissance pour 1998 que j'espère comme vous un peu supérieur à celui que prévoit la majorité des analyses - les Français, du moins ceux qui sont les créateurs de ce PIB, verront bien que leur situation personnelle va s'aggraver.
Les entreprises, elles, ont déjà fait leurs comptes. Les mesures qui leur sont infligées ne sont vraiment pas de nature à rétablir des relations de confiance avec l'Etat. Leurs incertitudes sur les prélèvements qui les attendent, aujourd'hui mais aussi dans l'avenir, les dissuadent d'investir en raison de ce manque de visibilité.
Elles se sentent, en outre, comme ceux de nos concitoyens qui sont frappés par les mesures nouvelles, l'objet d'une discrimination de caractère politique, ce qui n'est pas de nature à les entraîner à participer, avec solidarité et enthousiasme, à la bataille pour l'emploi qui devrait être la bataille de toute la nation, bataille qui ne peut être gagnée sans le concours essentiel des entreprises françaises.
Au fond, et je le regrette, vous avez tout simplement fait des choix budgétaires conformes à vos orientations politiques.
M. René Régnault. Absolument !
M. Michel Sergent. Et les Français ont jugé !
M. René Régnault. C'est bien pour cela que nous soutenons le Gouverement !
M. Marcel-Pierre Cléach. C'est votre droit le plus strict, mes chers collègues, et je pense que c'est votre vocation.
Quant à nous qui ne le soutenons pas, nous pouvons au moins prendre date.
Vous avez décidé de frapper les entreprises et les entrepreneurs. Vous augmentez la dépense publique. Vous augmenterez inéluctablement l'endettement du pays pour y faire face, même si les effets de la croissance annoncée en gomment, en pourcentage, les effets désastreux.
Vous aviez pourtant l'occasion de profiter de cette croissance pour mettre à profit les recommandations des auditeurs des comptes de la nation que vous avez vous-même sollicités et qui recommandent instamment de réduire le poids de l'Etat et d'enrayer la progression de l'endettement.
Je souhaite, pour notre pays, que la croissance soit suffisamment génératrice de recettes pour vous permettre de mettre à profit ces excellentes recommandations.
S'il n'en est pas ainsi, le Gouvernement portera la lourde responsabilité d'avoir encore diminué nos capacités à résister à la concurrence de nos grands partenaires et des pays émergents en diminuant notre compétitivité.
Je n'espère pas que ces quelques mots puissent infléchir en quoi que ce soit les projets du Gouvernement, mais je voudrais espérer que les trois coups que vous venez de frapper ne soient pas purement et simplement des coups portés à l'économie nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma première remarque, d'ordre général, concerne les moyens de contrôle budgétaire dont dispose le Parlement.
Au printemps dernier, nous avons expérimenté la formule d'un débat d'orientation budgétaire : cette heureuse initiative, avait, je crois, donné satisfaction à l'ensemble de nos collègues. Elle n'a malheureusement pu être reprise cette année, et nous le regrettons.
M. René Régnault. Ce n'est pas notre faute ! (Sourires.)
M. Denis Badré. En effet ! Je souhaite donc que nous puissions renouer en 1998 avec cette heureuse pratique.
Nous pouvons d'ailleurs aller plus loin, et je rejoins là, très naturellement, notre rapporteur général, M. Alain Lambert, lorsqu'il propose une saisine du Sénat et de l'Assemblée nationale à la fin du premier semestre, sur la base d'un état commenté de l'exécution des comptes publics, analogue à l'audit commandé aux magistrats de la Cour des comptes.
J'en viens maintenant au texte lui-même.
Seuls les articles 1er à 3 innovent véritablement, puisque les trois autres étaient contenus dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier déposé par le précédent gouvernement.
Permettez d'abord à l'Alsacien d'origine que je suis aussi d'évoquer l'inquiétude de mes collègues d'Alsace-Lorraine, inquiétude déjà vigoureusement exprimée par notre collègue Daniel Hoeffel, auteur d'une proposition de loi reprenant l'article 33 de ce projet de loi portant DDOEF qui a été abandonné.
Cet article concernait le régime de sécurité sociale d'Alsace-Moselle et visait à étendre le bénéfice de l'assurance maladie aux retraités du régime local résidant hors de ces trois départements.
Cette mesure, négociée voilà plusieurs mois entre M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales de l'époque, et les responsables de ce régime, est attendue avec une très grande impatience. Afin de relayer cette préoccupation, M. Claude Huriet et moi-même avons déposé aujourd'hui un amendement qui vise à consolider au plus vite cette disposition dans la loi.
Quittant le domaine de ce qui ne figure pas dans ce projet de loi, j'en reviens à ses trois premiers articles, ceux qui innovent et qui le font, à notre sens, de façon assez fâcheuse. Ils vont en effet alourdir de 21 milliards de francs la fiscalité qui pèse sur les entreprises, alors même que notre pays est déjà, au sein de l'OCDE, l'un de ceux dans lesquels les prélèvements sur le secteur productif sont trop importants.
Quelle peut être la justification d'une telle décision, annoncée, je le rappelle, voilà deux mois ? Un prétendu « dérapage » des finances publiques au cours de l'année, « dérapage » dont serait responsable le gouvernement Juppé, « dérapage » très contrôlé si j'en crois les conclusions de l'audit, ainsi que le rappelait le président de la commission des finances ce matin ?
En réalité, on ne trouve guère de trace d'un tel dérapage dans les statistiques de Bercy du mois de juillet.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Très bien !
M. Raymond Courrière. C'est M. Juppé qui l'a dit lui-même !
M. Denis Badré. Les objectifs de croissance que, malheureusement, nous nous étions habitués à voir systématiquement surestimés semblent maintenant avoir été sous-estimés. Changement des temps, redémarrage de la croissance... Tant mieux pour la France !
Et nous n'aurions qu'à nous en réjouir si le Gouvernement ne nous proposait pas du coup et immédiatement des mesures fiscales que nous jugeons néfastes pour nos entreprises et pour l'emploi.
Si ce dérapage du budget de 1997 n'est pas la bonne justification de ces mesures, il faut en chercher une autre. C'est le précédent de 1995, la surtaxe de l'impôt sur les sociétés décidée par le premier gouvernement d'Alain Juppé, qui pourrait être évoqué.
Cette explication ne peut pas non plus, me semble-t-il, être retenue. Le contexte est en effet tout à fait différent : en mars 1993, la dérive des finances publiques était de 175 milliards de francs par rapport aux prévisions du gouvernement Bérégovoy ! Selon l'audit, pourtant plutôt alarmiste, le dépassement serait quatre fois moins important en 1997. Et il faut rappeler que la décision de 1995 avait été suivie de mesures favorables au secteur productif, comme la prise en charge par l'Etat d'une baisse significative des cotisations sociales patronales sur les bas salaires.
Or on ne voit pas la moindre trace d'initiatives de cette nature dans la politique du Gouvernement, pas plus que la moindre annonce d'ailleurs...
Au contraire même : en 1998, les entreprises seront à nouveau largement ponctionnées. Je pense à l'augmentation de l'impôt sur les sociétés, qui devrait s'appliquer également en 1998 et en 1999, et au relèvement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Et, bien sûr, vous vous apprêtez à remettre en cause l'effort qui avait été engagé pour exonérer de charges les bas salaires, notamment dans le secteur du textile, cher à M. Poncelet, secteur dont M. Maurice Schumann évoquait encore les difficultés voilà quelques instants devant le commissaire européen, M. Monti, qui était auditionné par la commission des finances.
L'augmentation de l'impôt sur les sociétés et de la taxation des plus-values réalisées par les entreprises entre donc dans une politique d'ensemble tendant à faire financer par le secteur productif une politique inspirée par une intention que je loue personnellement sans réserve - respecter les critères fixés par le traité de Maastricht - mais dont les modalités ne vont pas dans le sens de l'objectif visé.
Selon le Gouvernement, la bonne santé financière de nos entreprises devrait leur permettre de « digérer » sans encombre ces majorations.
En réalité, que constatons-nous actuellement ? S'il est vrai que les entreprises se sont désendettées ces dernières années, leur structure financière reste cependant toujours moins favorable que celle de leurs concurrentes étrangères.
M. Christian Poncelet, président de la commission. C'est vrai !
M. Denis Badré. Les dettes représentent 58 % de leurs bilans contre 34 % seulement en Allemagne. Par ailleurs, elles ne sont pas complètement à l'abri d'une augmentation des taux d'intérêt dans les prochains mois ou les prochaines années.
Quant au critère du chiffre d'affaires pour qualifier les PME exonérées de la surtaxe, il ne rend que très imparfaitement compte de la capacité contributive des entreprises. Il est même aujourd'hui largement récusé, ce qui réduit encore la signification et la portée de ce projet de loi.
Par ailleurs, en fixant ce seuil de chiffre d'affaires à 50 millions de francs, vous épargnez certes les plus petites entreprises - beaucoup, au demeurant, ne payent pas l'impôt sur les sociétés - mais vous risquez de pénaliser les firmes performantes de taille moyenne, qui détiennent la clé du retour à l'investissement et à la croissance.
S'agissant de la hausse de l'imposition des plus-values à long terme, c'est l'ensemble des sociétés qu'elle touchera, quelle que soit leur taille.
De telles mesures risquent de réduire encore la rentabilité des investissements en France. Déjà, les entreprises de dimension internationale envisagent de réduire leurs bases imposables en France : « Trop d'impôt tue l'impôt », rappelait notre collègue Marcel-Pierre Cléach à l'instant. Notre pays, malheureusement, risque à nouveau d'en faire l'amère expérience, laquelle ne peut que déboucher sur une dégradation des rentrées fiscales et aussi de l'emploi.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Denis Badré. Vous nous dites également que le poids de l'impôt sur les sociétés, rapporté au PIB, est inférieur en France à celui de la plupart de nos partenaires. C'est exact, même si le taux de l'impôt sur les sociétés, en France, se situe dans la moyenne.
Mais, pour être totalement objectif, il faut tenir compte de l'ensemble des prélèvements pesant sur les entreprises, c'est-à-dire de la taxe professionnelle qui n'existe pas dans tous les pays de l'OCDE, ...
M. Alain Lambert, rapporteur. Très bien !
M. Denis Badré. ... des charges sociales et de la taxe sur les salaires. Au total, ces prélèvements représentent près de 20 % du PIB en France. Ce taux est le plus élevé en Europe après celui de la Suède, et il est supérieur d'un tiers à la moyenne européenne, qui reste inférieure à 15 %.
M. Alain Lambert, rapporteur. Très intéressant !
M. Denis Badré. Ce fossé risque encore de se creuser dans les prochains mois : presque tous nos voisins et concurrents conduisent en effet une politique exactement inverse, puisqu'ils allègent les charges pesant sur les sociétés.
Je note que pratiquement tous nos partenaires de l'Union européenne, y compris ceux qui ont une gestion sociale-démocrate, ont fait ce choix. Dans ce domaine au moins les gouvernements des Pays-Bas et, plus récemment, de la Grande-Bretagne elle-même ont eu la sagesse de poursuivre la politique d'inspiration libérale engagée par leurs prédécesseurs.
Pour des raisons qui me semblent ne pouvoir qu'être idéologiques, la France s'engage ainsi dans une « politique de divergence fiscale », comme le souligne très justement M. le rapporteur. Cette politique ouvre la voie des délocalisations et d'une aggravation du chômage.
Ces initiatives fiscales semblent d'autant plus inopportunes que les signes de reprise se multiplient. Aujourd'hui, la demande extérieure s'accroît. Demain, peut-être, ce sera aussi le cas pour la consommation intérieure. Notre appareil de production doit donc être en mesure de répondre à la nouvelle demande. Dans un climat fortement concurrentiel, évitons aujourd'hui de lui imposer d'inutiles handicaps supplémentaires.
Je rappellerai à cet égard que, aux Pays-Bas, la politique de réduction des charges engagée dès 1983 par un gouvernement démocrate-chrétien et poursuivie sans discontinuité par les gouvernements qui se sont succédé depuis a été rendue possible par un assainissement rigoureux de la situation des finances publiques. Je précise que le Gouvernement néerlandais vient d'annoncer pour 1998 une nouvelle étape dans ce processus avec la fiscalisation des charges sociales.
Avant de conclure, permettez-moi, mes chers collègues, de m'arrêter quelques instants sur la question clé qui sera probablement au coeur de la future discussion budgétaire.
A voir les tout premiers choix du Gouvernement, il me semble que la France est en passe de renouer avec les vieux démons de la dépense publique.
M. Philippe Marini. Hélas !
M. Denis Badré. A cet égard, je pense, par exemple, à la réutilisation déjà évoquée par Philippe Marini des 10 milliards de francs de crédit gelés au mois de février 1997 par notre nouveau et éminent collègue Jean Arthuis.
Mais je ne veux pas rouvrir le débat bref et vif de ce matin. Nous aurons l'occasion de le reprendre ultérieurement.
Ce n'est pas parce que la croissance semble revenir qu'il faut se laisser aller à la facilité et laisser à nouveau « filer » la dépense publique. Si l'objectif d'un déficit budgétaire limité à 3 % du PIB est obligatoire pour respecter les critères de Maastricht, il n'a jamais été défendu de faire mieux. Monsieur le secrétaire d'Etat, 3 % de déficit, c'est toujours 250 milliards de francs d'emprunt qui vont venir majorer l'encours de notre dette.
M. Dominique Strauss-Kahn parlait lui-même, ce matin, du caractère explosif de la dette. Je rappelle que, selon un autre critère de Maastricht, l'encours de la dette ne doit pas dépasser 60 % du PIB. Evitons là aussi de tomber de Charybde en Scylla.
Une réduction très forte du déficit doit donc, pour cette raison, rester pour nous un objectif absolument prioritaire. Pour nos enfants - M. Strauss-Kahn en a parlé également ce matin - qui ne doivent pas payer nos dépenses, nous devons assainir durablement nos finances et donc alléger notre dette.
Le choix effectué par le Gouvernement ne permettra pas à ce dernier de dégager les marges financières dont nous avons besoin pour réduire de façon significative les charges, notamment les cotisations sociales qui pèsent trop lourdement sur nos entreprises.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, en introduction à notre débat sur les emplois-jeunes, rappelait que les effectifs des administrations publiques, en France, représentent 25 % environ de l'emploi total, contre 16 % en Allemagne et 14,5 % en Grande-Bretagne. Cette différence explique assez largement aussi l'écart existant entre notre pays et ses partenaires en matière de dépense publique.
De 1993 à 1997, les précédents gouvernements ont commencé avec un courage certain à réduire les effectifs de la fonction publique. Parallèlement, pour la première fois depuis 1958, l'ancienne majorité est parvenue à stabiliser les dépenses en francs courants dans le budget de 1997. Aujourd'hui, vous vous montrez satisfaits en annonçant pour 1998 un rythme d'accroissement des dépenses proche de celui de l'inflation. Mais ceci est un autre débat dans lequel nous entrerons très prochainement...
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Denis Badré. ... et que je n'évoquerai que très brièvement aujourd'hui.
Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste suivra donc M. le rapporteur en votant la suppression des articles 1er, 2 et 3 de ce projet de loi, tout en approuvant évidemment ses autres dispositions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaiterais intervenir dans mon court propos sur deux points du projet de loi qui préoccupent les élus locaux, tout particulièrement les élus ruraux.
Il s'agit tout d'abord de la majoration de l'impôt sur les sociétés, qui s'élève à 15 % - 15 % et non pas 5 %, comme vous l'avez dit ce matin, madame Beaudeau - ce qui n'est pas rien.
Pour les raisons qui ont déjà été exposées par mes collègues de la majorité sénatoriale, je voterai la suppression de cet article. Je connais moi-même dans mon département un certain nombre de PME dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions de francs et qui seraient donc touchées par cette surtaxation. Il s'agit, d'une part, d'entreprises en fort développement, déjà installées et qui font l'effort d'étendre leur action, et, d'autre part, d'entreprises nouvelles dans des secteurs aussi divers que la haute technologie, l'industrie agroalimentaire ou autres.
Certaines de ces entreprises - malheureusement trop peu - se sont implantées en zone rurale, notamment en zone de revitalisation rurale. Mais la plupart d'entre elles, qui peuvent donner l'impression, au moins au néophyte - mais vous en n'êtes pas un, monsieur le secrétaire d'Etat - d'être des entreprises à gros capitaux, parce qu'elles brassent plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, sont souvent, en réalité, des entreprises extrêmement fragiles.
Il faut prendre garde à ne pas faire d'amalgame et à ne pas extrapoler à partir des résultats des grandes entreprises et, pour qui connaît l'entreprise, 50 millions de francs de chiffre d'affaires, c'est peu.
M. Marcel-Pierre Cléach. Tout à fait !
M. Philippe Arnaud. J'ajoute qu'un tel chiffre d'affaires est souvent réalisé par des petites entreprises se caractérisant par une faible valeur ajoutée, une insuffisance de fonds de roulement et un endettement lourd lié aux investissements réalisés pour leur installation, ou encore à des mises aux normes imposées.
Ces entreprises, en fort développement ou non, ont donc besoin de toutes leurs ressources. Ces entreprises fragiles assurent cependant les quelques dizaines ou la petite centaine d'emplois qui font que des gens vivent encore au pays.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, les zones de revitalisation rurale, les ZRR, créées par la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, offrent un cadre relativement attractif pour l'implantation d'entreprises, grâce notamment à une exonération de taxe professionnelle pendant une durée de cinq ans au maximum.
Président d'un syndicat de pays regroupant quatre-vingt-dix communes rurales sur un bassin de 35 000 habitants, j'ai par moi-même constaté sur le terrain l'efficacité d'un tel dispositif sur le plan de l'investissement et de l'emploi.
N'allez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, par l'application aveugle de cette mesure qui, chacun le sait bien, sera finalement votée par votre majorité, prendre le risque de mettre en difficulté des entreprises déjà courageuses !
Je partage l'inquiétude de mes collègues membres de l'association des maires de montagne, qui ont travaillé le week-end dernier sur le sujet lors de leur congrès à Bastia : la politique des ZRR reste encore fragile. Nous en voyons d'ailleurs une nouvelle illustration aujourd'hui.
Contrairement aux entreprises installées en zones franches, celles qui s'implantent en zones de revitalisation rurale sont soumises à l'impôt sur les sociétés, ainsi qu'aux cotisations sociales patronales. Elles devront bientôt acquitter une majoration de l'impôt sur les sociétés pour 1997, 1998 et 1999.
Une telle disparité entre zones rurales et zones urbaines doit être corrigée. Les élus ruraux ont le sentiment que la politique d'aménagement du territoire a tendance à concentrer son effort sur la ville et les quartiers en difficulté, oubliant ainsi sa vocation première : favoriser une meilleure distribution des activités économiques et de la population sur l'ensemble du territoire national.
C'est pourquoi je soutiendrai, lors de la prochaine discussion budgétaire, un certain nombre d'initiatives tendant à modifier certains critères de définition des zones d'aménagement du territoire, à assouplir les modalités d'attribution de l'exonération de taxe professionnelle, notamment en ZRR. Les critères portant sur le type d'activité, le niveau d'investissement, le nombre d'emplois créés sont sans doute trop restrictifs.
Par ailleurs, il convient d'améliorer le statut fiscal des sociétés s'implantant en zone de revitalisation rurale, en prévoyant, par exemple, le non-paiement de l'impôt sur les sociétés.
Dans l'immédiat, je regrette que vous n'ayez pas prévu dans l'article 1er une disposition dérogatoire en faveur de ces entreprises.
A l'occasion du débat sur l'emploi des jeunes, qui s'est achevé tard cette nuit, j'ai entendu à plusieurs reprises dire que les fonds d'Etat - l'argent public - ne sauraient alimenter les caisses des entreprises privées, fût-ce sur l'emploi. Soit ! Mais n'oubliez pas, n'oublions pas, monsieur le secrétaire d'Etat, cette vérité simple : l'argent public n'est rien d'autre que de l'argent privé prélevé directement ou indirectement par l'Etat sur les contribuables de toute nature.
M. Alain Lambert, rapporteur. Comme c'est bien dit !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Henri de Raincourt. C'est sûr !
M. Philippe Arnaud. Alors, si je suis d'accord avec vous pour clarifier les rapports financiers entre le public et le privé, je vous invite tout simplement non pas à réserver de l'argent aux entreprises privées, mais à leur en prélever moins.
M. Marcel-Pierre Cléach. Bravo !
M. Philippe Arnaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, il n'est pas trop tard pour bien faire. Prenez au moins en compte les zones rurales défavorisées !
J'aborderai enfin un autre aspect du projet qui, s'il n'est pas de même nature que le précédent, n'en a pas moins provoqué l'inquiétude des élus ruraux : je veux parler de l'article 4, concernant le statut patrimonial des réseaux de transport d'électricité.
De nombreux responsables de collectivités locales, propriétaires des ouvrages du réseau de distribution, nous ont fait part de leurs craintes à la lecture du projet de loi dans sa version initiale. Un doute planait, en effet, quant à la portée du transfert de propriété en faveur d'EDF.
A la demande de nos collègues députés, notamment de ceux qui appartiennent au groupe de l'UDF, vous avez bien voulu accepter, monsieur le secrétaire d'Etat, un amendement à l'article 4 qui apporte les précisions nécessaires, et nous vous en remercions : les collectivités territoriales conserveront la propriété des ouvrages du réseau de distribution qu'elles concèdent à EDF. Avec mes collègues de l'Union centriste, je voterai donc cet article tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je réitère cependant ma demande de prise en compte des zones rurales fragiles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, à qui je souhaite la bienvenue dans cet hémicycle, car il va s'exprimer pour la première fois devant le Sénat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est effectivement la première fois que j'ai l'honneur d'intervenir devant votre assemblée. Ma première impression est de participer à un débat courtois, où les convictions sont fermes et les raisonnements très argumentés.
Je vais essayer, au risque d'être peut-être un peu long, de faire honneur à tous ceux qui sont intervenus. Toutefois, je ne reviendrai pas sur les propos de M. le président de la commission et de M. le rapporteur, car M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie leur a déjà répondu ce matin.
Je remercie Mme Beaudeau du soutien constructif - et plutôt rare dans cette assemblée - qu'elle a apporté aux trois mesures fiscales qui sont soumises à votre examen aujourd'hui.
Je la remercie aussi d'avoir attiré notre attention sur le fait que nous ne combattons pas seulement le déficit des finances publiques en raison d'obligations européennes, mais aussi - d'autres orateurs l'ont souligné - parce que notre pays est pris dans une véritable « boule de neige » de la dette qui, au rythme auquel elle progresse, risque de transmettre aux générations suivantes, d'une part, le poids des retraites des inactifs, qui seront nombreux à cette époque, mais aussi, d'autre part, le poids de dépenses qui auront été effectuées sans être financées entièrement. Nous avons donc des raisons propres pour assainir nos finances publiques.
Mme Beaudeau a beaucoup insisté sur la distinction qui est opérée, dans le projet de loi qui vous est soumis, entre les petites et moyennes entreprises et les grandes entreprises.
Cette distinction est nouvelle puisque, en 1995, lorsque avait été instaurée, dans des circonstances analogues, une surtaxe dite exceptionnelle - mais pas temporaire ! - de 10 %, elle touchait l'ensemble des entreprises.
La disposition que nous prenons à l'égard des « petites et moyennes entreprises », au sens européen - par conséquent, nous n'aurons pas besoin de notifier ce projet à Bruxelles - exonère non seulement, bien évidemment, les petites et moyennes entreprises qui ne paient pas l'impôt sur les sociétés - et donc de nombreux artisans et commerçants - mais aussi environ 80 à 90 % des entreprises qui paient l'impôt sur les sociétés.
Cette mesure n'est pas négligeable puisque - ces chiffres n'ont pas encore été cités dans le débat - ces entreprises, qui sont exonérées de la surtaxe de 15 % pour 1997 et 1998 et de 10 % pour 1999, paient un tiers de l'impôt sur les sociétés. Par conséquent, ce n'est pas du tout une mesure marginale, comme certains ont voulu le faire penser.
Mme Beaudeau a parlé des grandes entreprises. Effectivement, les grandes entreprises - mais elles ne sont pas les seules - réalisent deux types d'épargne : une épargne productive, qui est investie dans l'accroissement et la modernisation des capacités de production, et une épargne financière, qui dépasse leurs besoins de financement en matière d'équipements productifs. Or l'écart entre les deux est de 114 milliards de francs. Il faut le réduire !
Le Gouvernement espère que le redémarrage de l'investissement contribuera à faire basculer une partie de cette épargne financière vers de l'épargne productive.
Vous vous êtes inquiétée, madame Beaudeau - comme d'ailleurs M. Régnault - au sujet de l'article relatif à EDF. Je crois que, sur ce point, les intentions du Gouvernement sont tout à fait claires. Electricité de France est une immense entreprise de service public et elle le restera. Sa réputation, en France et à l'étranger, est absolument considérable et sa gestion sociale est reconnue.
Il n'est pas question que l'article 4 porte en quoi que ce soit atteinte au statut juridique et au prestige de cette entreprise. De même, EDF conservera, lorsque le marché intérieur sera réalisé en 1999, le monopole du transport.
Ce texte est donc un texte de clarification, qui permet à Electricité de France de se retrouver à armes égales avec ses concurrents étrangers, puisqu'il y aura une concurrence dans la distribution de l'électricité. Les inquiétudes qui ont été formulées à cet égard sont donc sans fondement.
Mme Beaudeau déplore le fait que les plus-values sur les titres de participation ne soient pas concernées par la mesure proposée. Il est important de bien se rendre compte que nos grandes entreprises - mais aussi les entreprises moyennes performantes - sont confrontées à une guerre économique mondiale qui est une guerre de mouvement. Or, dans cette guerre de mouvement, il faut qu'elles puissent redéployer leurs troupes, pour poursuivre dans cette métaphore qui est peut-être un peu trop militaire, pour, selon les termes mêmes qu'avait employés le président Mitterrand à Figeac, en 1982, « résister et conquérir ».
Je crois que, dans ce mouvement, il ne faut pas empêcher les restructurations qui ont pour objet de préserver des emplois en France, de développer l'emploi qualifié et d'étendre le rayonnement de nos entreprises à l'étranger.
La dernière remarque de Mme Beaudeau porte sur le livret A et sur le logement social. Il est vrai qu'il y a un lien entre la rémunération des livrets A et le taux des prêts accordés aux organismes d'HLM pour construire des logements.
A ce sujet, nous avons pris deux mesures qui inquiètent certains d'entre vous : l'une est en cours d'application, l'autre figure dans le projet de budget pour 1998.
En premier lieu, dans le décret d'avances - qui a été critiqué - des mesures supplémentaires ont été mobilisées pour accélérer la réhabilitation de logements sociaux et de logements privés.
En second lieu, pour répondre à l'attente des organismes d'HLM et à celle des professions de l'artisanat du bâtiment, nous instituerons une baisse de la TVA sur les travaux de rénovation des logements sociaux. Cela donnera de l'aisance aux intéressés et accroîtra le volume des travaux de rénovation réalisés dans ces logements.
J'en viens à l'intervention très argumentée de M. Marini. Avec un certain talent polémique, il a développé plusieurs points sur lesquels, je le lui dis avec courtoisie, je ne suis pas entièrement d'accord.
M. Marini a commencé par rendre un hommage, auquel tout le monde ici s'associera, aux deux auditeurs qui ont examiné, en juillet dernier, la situation de nos finances publiques, pour en conclure ensuite, au moyen de citations particulièrement subtiles et bien choisies, qu'il n'y avait aucun problème en la matière en 1997 et que, à la limite, le Gouvernement s'attaquait à un problème inexistant. Selon lui, il suffisait de laisser les choses suivre leur cours, avec un peu de gel par-ci, un peu de patience par-là, pour répondre, à la fin de l'année 1997, au fameux critère des 3 % de Maastricht.
M. Philippe Marini. Je n'ai pas dit cela !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je rappelle de façon très sereine que le résultat principal de cette évaluation était que, à la mi-juillet, la perspective de déficit des finances publiques s'établissait entre 3,5 % et 3,7 % du produit intérieur brut, abstraction faite de la soulte de France Télécom, dont vous avez dû débattre lors de la discussion budgétaire de l'an dernier.
Le rapport des deux auditeurs comprenait une dimension à court terme, le redressement des déficits de 1997, et des orientations à moyen terme, que vous avez bien voulu reprendre, monsieur Marini, à savoir l'obligation d'agir sur la dépense au moins autant, et même peut-être davantage, que sur les recettes.
Au passage, vous avez reproché au Gouvernement d'avoir utilisé une partie des sommes gelées par le gouvernement précédent à des dépenses que vous n'avez pas qualifiées.
Vous avez souligné que, sur certains points, il pouvait y avoir une opposition bien marquée entre nous. C'est le cas en l'espèce, dans la mesure où les dépenses engagées au mois de juillet ont permis - chacun l'a reconnu - une bonne rentrée scolaire, avec le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, la réouverture de huit cents classes, principalement en milieur rural, ce à quoi vous devriez être sensible, monsieur Marini, et la possibilité pour tous les enfants de manger à leur faim.
Je ne pense donc pas que les 10 milliards de francs de dépenses, dont je rappelle qu'elles ont été gagées franc pour franc, aient été du gaspillage. Si telle est votre opinion, ce n'est en tout cas pas celle du Gouvernement.
Je ne veux pas engager avec vous la polémique de l'héritage. Le Gouvernement n'est pas un fanatique de l'héritage. (Sourires.) Chaque fois que l'on parle de 1997, on voit l'année 1993 ou l'année 1995 qui revient.
Notre principal souci, au travers des mesures qui vous sont proposées, c'est d'apurer le passé tel qu'il a été décrit par les deux auteurs de l'audit et de regarder vers l'avenir. Ce regard vers l'avenir sera l'objet du projet de loi de finances pour 1998 ainsi que du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Bien que ce point ait été abordé par M. Strauss-Kahn ce matin, je veux revenir sur l'impression d'euphorie que vous donnent les recettes budgétaires encaissées à la fin du mois de juillet.
Vous êtes trop fin connaisseur des finances publiques, monsieur Marini, pour ignorer que les recettes ne rentrent pas à un rythme régulier, qu'il y a des temps forts et des temps faibles. Normalement, l'impôt sur le revenu connaît un temps fort lors de la rentrée du troisième et dernier tiers. Or, cette année, ce sera un temps faible parce qu'une grande partie de l'abattement de 25 milliards de francs qui a été décidé il y a un an produira son effet dans ce dernier tiers, qui a été acquitté normalement le 15 septembre.
Par ailleurs - M. Strauss-Kahn l'a également dit, et je n'y insiste donc pas - il y a des décalages de calendrier dans les versements de la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, et dans les versements que la France a faits à l'Union européenne l'an dernier. Ces versements ont été interrompus l'an dernier ; nous, nous continuerons à faire des versements réguliers jusqu'à la fin de cette année.
Vous m'avez interrogé sur les 10 milliards de francs d'économies qui sont le pendant des 22 milliards de francs de recettes nouvelles, objet du débat d'aujourd'hui.
Deux milliards de francs d'économies sont réalisées sur la défense, et je puis vous garantir qu'elles ne porteront atteinte ni à la professionnalisation de nos troupes, ni aux grands programmes d'équipement.
Il y a, par ailleurs, 2 milliards de francs de contribution de la Caisse des dépôts et consignations.
Quant aux 6 milliards de francs restants, ils ne sont pas du tout « nébuleux », comme vous l'avez laissé supposer. Vous verrez dans le collectif de fin d'année que 6 milliards de francs d'économies auront effectivement été réalisées.
J'en viens au fameux seuil des 50 millions de francs en deçà duquel les entreprises, petites et moyennes, sont exonérées.
Vous avez estimé que ce seuil était faible, que c'était effectivement un seuil européen, mais qu'il y avait un autre seuil européen auquel on aurait pu penser.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez également souligné la très grande variété de situations des entreprises qui pouvaient avoir ce même chiffre d'affaires de 50 millions de francs.
Je vous répondrai que ce seuil a déjà un mérite - vous ne l'avez pas remis en cause - c'est celui d'exister. En 1995 - peut-être avez-vous quelque remord, mais le Sénat n'avait peut-être pas approuvé cette mesure uniforme ! - on ne s'était pas posé la question de savoir à quel seuil il fallait exonérer les entreprises petites et moyennes. Toutes les entreprises, y compris les entreprises de rénovation rurale, avaient été frappées par la surtaxe Juppé. J'y reviendrai tout à l'heure en répondant à M. Arnaud.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Perseverare diabolicum !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Comme je l'ai dit à Mme Beaudeau, nous avons fait un effort significatif puisqu'un tiers de l'assiette de l'impôt sur le bénéfice des sociétés est ainsi exonéré de cette surtaxe, sans compter toutes les entreprises non assujetties.
Vous avez parlé de l'égalité de traitement. Je signale que la majorité précédente, dont vous faites partie, avait créé un taux réduit de 19 % et que le Gouvernement n'a pas remis en cause cette fiscalité réduite sur les entreprises petites et moyennes.
Vous avez évoqué l'harmonisation fiscale. J'ai eu la chance - tout comme votre commission des finances - de m'entretenir de ce sujet avec le commissaire européen en charge de ce dossier, M. Monti. L'objet de l'harmonisation fiscale, tel que l'ensemble des gouvernements et la Commission le conçoivent, n'est pas de ramener à zéro la fiscalité sur le capital dans l'Union européenne. Notre effort collectif est plutôt d'arriver à une fiscalité minimale en la matière. Les projets me paraissent encourageants sur ce point.
Pour ce qui est de la prétendue rétroactivité des mesures proposées, je ne peux que vous répéter ce qui a été dit ce matin en utilisant deux arguments.
Le premier est d'ordre juridique. M. Cléach a déclaré que cela faisait frémir le juriste qu'il était. Or, le consensus des juristes - excepté peut-être quelques éminents juristes qui siègent dans cette assemblée ! - est que le fait générateur de l'impôt, pour une entreprise, c'est la clôture de l'exercice. Je ne veux pas entrer dans une controverse juridique, mais il m'apparaît que ce point est maintenant bien établi.
A cet argument juridique s'ajoute un argument polique, à savoir qu'en 1994, lorsque la fiscalité des plus-values a été modifiée, cette question de la rétroactivité n'a pas été posée.
Enfin, s'agissant des brevets, je vous signale que le Gouvernement, qui a, comme vous, le souci de protéger la propriété individuelle française, a maintenu le taux réduit applicable aux résultats de concession de brevets, de façon à permettre que ceux-ci restent chez nous, en France.
Vous avez dit qu'il était vrai que le taux d'autofinancement était important en France, mais qu'il fallait mesurer la rentabilité de nos entreprise à l'aune européenne.
Sur ce point, ma réponse sera triple.
D'abord, même si je comprends la nécessité de l'instauration d'un débat démocratique argumenté, j'estime qu'il ne faut pas trop pratiquer l'autoflagellation s'agissant de nos entreprises, pour lesquelles j'ai un grand respect. Nous n'avons pas a les décrier, en en donnant une image parfois quelque peu pessimiste, dans un contexte de compétition internationale.
A cela, j'ajouterai deux arguments.
Premier argument : même si un grand homme d'Etat a dit que la politique de la France ne se faisait pas à la Corbeille, je n'ai pas le sentiment que, depuis le mois de juin, la Bourse française se soit effondrée, ni avant ni après l'annonce des mesures que nous examinons aujourd'hui.
Deuxième argument : la France est une terre d'accueil d'investissements directs, de l'ordre de 50 milliards de francs par an, et c'est une chose très précieuse, en Alsace comme dans toutes les régions françaises.
Pourquoi notre pays a-t-il un tel succès du point de vue des investissements directs ?
Vous le savez mieux que personne, vous qui êtes sur le terrain, c'est en raison de la qualité et du coût de sa main-d'oeuvre, en raison de la qualité de ses infrastructures et, ajouterai-je, dans cette grande maison des collectivités locales, en raison de l'accueil des collectivités locales françaises de tous statuts.
Il ne faut donc pas agiter trop facilement - vous ne l'avez par fait, monsieur Marini - des spectres ou des menaces de délocalisations ou de tarissement de l'investissement étranger en France. Le Gouvernement est très attaché à ce que les investissements continuent à venir très nombreux en France, et je crois que jusqu'à présent il en va ainsi.
Enfin, vous avez émis le souhait - nous en avions parlé avec M. le président de la commission des finances - que l'on puisse aborder sinon en même temps, du moins de façon synthétique, l'ensemble des prélèvements obligatoires et des déficits.
Au sein du Gouvernement, vous le savez, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie exerce une responsabilité d'ensemble sur ce que l'on appelle le « déficit maastrichtien ». Je ne peux donc qu'être d'accord avec votre idée selon laquelle votre commission des finances pourrait jouer en la matière le rôle éminent qu'elle joue dans de très nombreux domaines, en tous cas en ce qui concerne le budget de l'Etat.
M. Régnault a développé un raisonnement rigoureux, très bien articulé, partant du constat de l'audit pour montrer non seulement que des mesures d'urgence étaient nécessaires, mais que ce sont celles-là qui étaient nécessaires.
Je citerai quelques chiffres pour illustrer le contraste entre ce qui a été fait en 1995 et ce qui est fait en 1998.
Selon une étude récente de l'INSEE, les gains réels des ménages français ont baissé de 1,6 % en 1996. Cette étude lie cette baisse des revenus réel des familles françaises aux prélèvements massifs qui ont été décidés en 1995. En ce qui concerne les cadres, leur baisse des revenus réels a été de 3,1 %, ce qui est tout à fait spectaculaire et qui relativise ce que nous sommes supposés faire à l'encontre d'un certain nombre de familles.
Dans le projet de loi de finances que vous allez examiner, il est prévu des gains de revenus réels des familles après impôts, précisément parce qu'il n'y a pas ces prélèvements massifs, de l'ordre de 2 % en 1998.
Moins 1,6 % d'un côté, plus 2 % de l'autre : le contraste est notable !
M. Régnault souhaite un impôt progressif sur le bénéfice des sociétés. L'idée est noble ; il faut regarder avec soin si elle est praticable. Nous avons trois taux. Devons-nous avoir une échelle avec plus de barreaux ? Ce point mérite un examen très précis.
S'agissant d'EDF, je pense avoir calmé les inquiétudes éventuelles de M. Régnault au travers de la réponse que j'ai faite à Mme Beaudeau.
M. Cléach s'est inquiété de la rétroactivité supposée des mesures fiscales que comporte ce projet de loi. Les spécialistes qui m'entourent sont prêts, monsieur le sénateur, à débattre avec vous de l'aspect juridique de la question. Je respecte tout à fait votre opinion, mais je crois que, du point de vue juridique, la vérité est plutôt de notre côté.
Vous avez fait référence aux évolutions allemande et italienne. Je suis peut-être moins au courant que vous de l'évolution de ces pays. J'ai toutefois l'impression que leurs projets fiscaux ne passent pas sans anicroche. Je ne suis donc pas si sûr qu'ils soient une référence aussi positive que vous le dites.
Ce qui est clair, c'est que la hausse de l'impôt sur le bénéfice des sociétés qui vous est proposée, et qui est indéniable, vaudra pour 1997 et 1998. Cette hausse sera de 10 % en 1999 ; sa suppression est explicitement prévue pour l'an 2000, ce qui constitue un progrès par rapport à la surtaxe temporaire et exceptionnelle de 10 % votée en 1995.
Vous avez avec beaucoup de talent dressé l'éventail apocalyptique de toutes les mesures que seraient supposés contenir les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 1998. Je tiens à vous rassurer.
Je note tout d'abord que vous avez reconnu avec une honnêteté qui vous honore que l'application de la loi Pons, dont la motivation était louable, avait été parfois détournée de son objectif. Vous le constaterez, nous proposerons de recentrer la loi Pons sur la création d'emplois dans les départements et territoires d'outre-mer...
M. René Régnault. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... afin d'éviter qu'elle ne permette plus certaines « divagations » fiscales qui, je crois, n'ont de justification ni économique ni, a fortiori, sociale.
M. René Régnault. Fini le paradis fiscal !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez remarqué aussi que la création d'entreprise avait diminué entre 1995 et 1996. En tant que secrétaire d'Etat, je ne m'en sens pas tout à fait responsable.
Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que le projet de loi de finances pour 1998 contient des mesures de nature à favoriser les créateurs d'entreprise. Je souhaite qu'elles retiennent votre intérêt.
Je vous ferai également remarquer, mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion budgétaire, que dans le projet de budget les impôts d'Etat, qui croissent spontanément avec l'activité, augmenteront moins vite que la richesse nationale entre la loi de finances initiale de 1997 et celle de 1998. Si les impôts augmentent moins vite que le produit intérieur brut, cela signifie que le rapport taxes - PIB, c'est-à-dire les prélèvements obligatoires de l'Etat, est en diminution.
Vous avez abordé un point très important ; le plan textile. Mon collègue M. Pierret y consacre actuellement beaucoup de temps car le plan qui avait été mis en place par le précédent gouvernement était absolument contraire aux règles européennes.
M. Emmanuel Hamel. Toujours l'harmonisation des règles européennes ! On en meurt de cette Europe !
M. le président. Monsieur Hamel, vous n'avez pas la parole !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, je connais la force de vos convictions européennes ; laissez-moi cependant poursuivre mon exposé sur ce point !
Qu'a donc fait le Gouvernement lorsqu'il s'est saisi de ce dossier sur le textile avec la volonté - c'est là la continuité de l'Etat - de préserver l'emploi dans un secteur qui est essentiel pour notre pays, et particulièrement pour un certain nombre de régions françaises ?
Nous avons tout d'abord demandé du temps aux autorités de Bruxelles pour mettre au point un nouveau dispositif. Nous cherchons un dispositif qui soit efficace, c'est-à-dire qui soutienne nos entreprises textiles, et qui, en même temps, respecte les règles européennes, ce qui est une obligation, me semble-t-il.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Puis-je me permettre de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en prie, monsieur le président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Poncelet, président de la commission. S'agissant du plan textile, je ne reprendrai pas ce que vous avez dit parce que c'est l'expression de la vérité.
Je veux cependant préciser que Bruxelles est décidé à accepter une proposition présentée hier, et encore aujourd'hui, à savoir que les autorités de Bruxelles ne s'opposent pas au plan textile, mais au fait que celui-ci ne concerne qu'un seul secteur industriel.
Par conséquent, si vous proposez son élargissement à d'autres secteurs qui sont aussi méritants que le textile, ce plan sera alors agréé et nous pourrons continuer à bénéficier des avantages accordés par le gouvernement précédent au bénéfice du textile, qui a permis de maintenir beaucoup d'emplois qui sinon auraient disparu.
M. Raymond Courrière. Il faut l'étendre aux chaussures !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. le président de la commission des finances vient de tenir des propos parfaitement judicieux en la matière. Simplement, si l'on élargit le champ du plan textile à d'autres secteurs, à ce moment-là, deux solutions sont possibles qui sont d'égale difficulté.
La première consisterait à réduire les avantages que le plan textile apporte à des entreprises qui sont particulièrement sinistrées ; la seconde serait d'aboutir à des dépenses tout à fait considérables. Mais c'est une des pistes qui sont étudiées par le Gouvernement.
Je veux dire à tous les sénateurs qui se préoccupent à juste titre de l'avenir du plan textile que le Gouvernement y travaille avec la volonté de réussir.
M. Badré a souhaité un débat d'orientation budgétaire. Ce n'est pas la faute du Gouvernement actuel...
M. Denis Badré. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... si le débat prévu en juin n'a pas eu lieu. Le Gouvernement, vous le savez, est très attentif au travail parlementaire, non seulement pendant les débats budgétaires mais aussi avant et après. J'ajoute que le Gouvernement est particulièrement bien disposé à l'égard de la Haute Assemblée et que l'on trouvera ensemble des solutions pour exaucer votre voeu.
Vous avez soulevé un point précis sur le régime de sécurité sociale spécifique à l'Alsace et à la Lorraine. J'ai pris bonne note de ce point qui, selon moi, ne s'inscrit pas vraiment dans le cadre des délibérations sur des mesures urgentes à caractère fiscal et financier. Je pense qu'au moment où nous débattrons de la loi sur le financement de la sécurité sociale votre préoccupation aura alors sa place.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Vous n'y êtes pas hostile ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il me paraît normal que l'on parle de sécurité sociale en Alsace-Lorraine lors d'un débat général sur la sécurité sociale.
S'agissant du budget, vous évoquez le vieux démon de la dépense publique. Vous rappelez que le budget précédent était affiché, veuillez m'en excuser, avec une stabilité des dépenses en francs courants. L'expérience de l'évaluation montre que le contenu de la boîte ne reflétait pas tout à fait l'emballage.
Vous verrez que le projet de budget que nous vous proposons - c'est vrai qu'un budget est comparable à un pudding, c'est à la fin de l'année correspondante que l'on en juge - affiche une progression des dépenses publiques de 1,36 %, comparable à celle des prix.
Nous avons la conviction, vous en jugerez vous-même, d'avoir élaboré un budget sincère, sans mettre à droite et à gauche des dépenses oubliées ou sous-estimées.
Quant à M. Arnaud, il s'est intéressé aux zones de revitalisation rurale.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'il n'y a que les grandes entreprises et les artisans. La ville et la campagne représentent un tissu économique très important, comprenant aussi des entreprises petites et moyennes. C'est la diversité de nos entreprises qui fait le dynamisme de notre pays.
Nous nous sommes posé la question de savoir si l'on pouvait réserver un sort particulier aux entreprises implantées dans les zones de revitalisation rurale. Evidemment, cela compliquait un peu le texte mais il y a parfois des complications qui méritent examen.
Nous avons été confrontés à une double difficulté : la première, c'est que - là encore, je ne regarde pas M. Hamel - il faut en la matière demander l'agrément de Bruxelles...
M. Emmanuel Hamel. Vous êtes prisonnier de Bruxelles !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et cet agrément n'aurait pas pu être obtenu en temps utile pour l'année 1997.
La seconde difficulté a trait aux entreprises qui sont à cheval sur des zones de revitalisation rurale et sur d'autres zones. La solution existe sûrement, mais elle n'a pu être trouvée pendant ce court laps de temps, afin de partager l'activité de ces entreprises entre les deux zones.
Soyez rassuré, monsieur Arnaud : vous trouverez dans le projet de loi de finances pour 1998 une disposition intéressante en faveur des entreprises dynamiques, créatrices d'emplois que vous avez mentionnées et qui sont implantées notamment dans les zones de revitalisation rurale.
Il s'agit de la possibilité pour ces entreprises d'avoir un abattement, non pas sur les 15 % dont nous délibérons aujourd'hui parce que les PME ne sont pas concernées, mais un abattement sur la majoration de 10 % instituée sur toutes les entreprises en 1995.
Toute entreprise qui accroîtra son effectif régulier de un, deux, dix jusqu'à cinquante salariés, aura un crédit d'impôt de 10 000 francs par salarié.
Je suis sûr que, dans les zones de revitalisation rurale, nombreuses seront les entreprises qui pourront par ce biais alléger leurs charges fiscales.
Je remercie enfin M. Arnaud du compliment qu'il a fait au Gouvernement pour avoir amélioré l'article 4 relatif à EDF à l'issue du débat à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 235 ter ZB ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZB . _ Les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une contribution temporaire égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219.
« Cette fraction est égale à 15 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée conformément au deuxième alinéa de l'article 37, entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1998 inclus. Elle est réduite à 10 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 1999 inclus.
« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
« II. - A l'article 213 du code général des impôts, après les mots : "235 ter ZA", sont ajoutés les mots : ", la contribution temporaire mentionnée à l'article 235 ter ZB". »
« III. - Le 2° du f du I de l'article 219 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
« IV. _ Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous engageons la discussion des articles dans des conditions nouvelles pour la première fois depuis quatre ans.
C'est sans doute l'occasion pour la commission des finances de décider la forme qu'elle juge la meilleure pour offrir à notre débat démocratique une très forte exigence de clarté, une très forte exigence de compréhension de la différence qu'il peut y avoir entre les propositions du Gouvernement et les positions que vous recommande la commission des finances.
Cela n'exclut pas, monsieur le secrétaire d'Etat, le débat courtois que vous avez évoqué tout à l'heure, qui fait honneur à la démocratie. Le ton que vous avez vous-même utilisé nous invite à être tout à fait courtois et à tâcher nous-mêmes de faire honneur à la démocratie.
Mes chers collègues, je résumerai très simplement ma proposition, afin qu'elle soit facile à comprendre : je suggère que nous ne nous abandonnions, bien sûr, à aucune opposition systématique, même si celle-ci doit être marquée. En même temps, il faut que nous n'ayons aucun complexe et aucune complaisance idéologique.
Cela m'amène, au nom de la commission des finances, à vous dire qu'il ne nous paraît pas sain d'entrer dans une logique qui ne serait pas la nôtre.
C'est pourquoi nous serons conduits à vous proposer tout à l'heure de rejeter les trois premiers articles de ce projet de loi, dont la logique n'est pas compatible avec la nôtre.
M. Marcel Deneux. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur. A la lumière de ces explications, qui marquent une certaine conception du débat démocratique - et qui, encore une fois, n'entache en rien notre souci de courtoisie, de compréhension et d'écoute des uns et des autres - je souhaite maintenant éclairer le Sénat sur la position de la commission des finances sur l'article 1er.
Je commencerai par rassurer nos collègues qui pourraient s'émouvoir des aspects évoqués, en particulier ce matin par M. le ministre de l'économie et des finances, relatifs au respect des engagements de la France.
Lorsque nous parlons du respect des engagements de la France, donc de l'honneur de la France, votre inquiétude pourrait être grande. Je voudrais la lever.
S'agissant des versements que nous devons aux Communautés pour 1996 - M. le ministre de l'économie et des finances nous a dit qu'il souhaitait que le Gouvernement respecte les engagements de la France - il faut savoir que, par rapport à ce qui avait été prévu, la Cour des comptes nous l'a rappelé, la sous-exécution du budget communautaire en 1995 a entraîné la diminution de la contribution européenne. La France en a bénéficié comme tous les autres Etats membres.
En conséquence, la France a intégralement respecté ses engagements européens même si, dans cette assemblée, nous rappelons régulièrement aux gouvernements successifs - c'est l'occasion pour moi de vous le rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je suis sûr que c'est votre conviction aussi - combien il faut veiller à ce que la « frénésie » budgétaire européenne soit contenue.
C'était, je crois, une précision que nous devions apporter à tous ceux qui partagent l'idée européenne dans cette assemblée, y compris M. Hamel.
L'article 1er ne mérite pas d'être adopté et je défendrai dans quelques instants un amendement de suppression. Pourquoi ? Selon la logique de la commission des finances, encore une fois c'est une de ses positions constantes, une lutte contre les déficits passe en priorité par la maîtrise des dépenses et non par l'accroissement des recettes.
M. Denis Badré. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur. Par ailleurs - même si vous nous avez présenté un certain nombre d'arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis sûr que vous accepterez que nous ne les fassions pas nôtres - le creusement du déficit budgétaire qui était constaté par l'audit pouvait être relativisé, notamment en ne dépensant pas immédiatement les 10 milliards de francs qui avaient été gelés.
Nous savons parfaitement que l'exécution d'une loi de finances n'est pas linéaire. Il demeure que le solde budgétaire, fin juillet 1997, est celui que j'ai indiqué ce matin.
En matière d'exécution budgétaire, mes chers amis, regardez, lors des quinze dernières années, quels sont les gouvernements qui ont été les plus proches, en terme d'exécution, des prévisions initiales. Vous pourrez alors établir un classement selon leur crédibilité.
S'agissant de l'accroissement de l'impôt sur les sociétés, il va à contre-courant - je rappelle très brièvement les observations que j'ai formulées ce matin - des politiques qui sont conduites par nos principaux partenaires.
S'il ne s'agit pas de s'auto-flageller ou de considérer que les entreprises françaises sont moins bonnes que les autres, il ne faut pas entraver leur compétitivité. Or la mesure tendant à accroître l'impôt sur les sociétés entrave la compétitivité de ces dernières, les menace et met en danger les emplois.
J'entends à tout propos, mes chers collègues, que le précédent gouvernement aurait augmenté l'impôt sur les sociétés. Mais je n'ai pas cru comprendre qu'une proposition du nouveau gouvernement tendait à supprimer l'augmentation instaurée par l'ancien.
Je rappelle que cette augmentation a été adoptée par le Parlement, même si elle a été proposée par le précédent gouvernement.
Quoi qu'il en soit, selon moi, il ne faut pas critiquer une mesure antérieure dès lors qu'on l'utilise ou, pire encore, qu'on l'aggrave.
M. René Régnault. Je rappelais simplement que vous aviez pris une telle décision !
M. Alain Lambert, rapporteur. Je souhaite rappeler que les investissements sont menacés par cet accroissement de fiscalité. C'est ce qui nous conduit, mes chers collègues, à vous recommander de ne pas adopter cet article et à adopter l'amendement de suppression que je présenterai très brièvement.
J'ajoute que la législation qui est proposée est complexe, qu'elle est rétroactive - nous pourrons en reparler tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat - et qu'elle institue une discrimination entre les entreprises. Ce n'est pas le choix de la commission des finances, ce n'est pas le choix du Sénat de manière constante depuis plusieurs années. Je souhaitais le rappeler très clairement dès l'ouverture de la discussion de l'article 1er, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. En début d'après-midi, en commission des finances, nous avons eu le plaisir d'entendre l'un des membres de la Commission de l'Union européenne, M. Mario Monti, s'exprimer sur l'harmonisation fiscale.
M. Monti a évoqué en particulier les efforts réalisés pour éviter des distorsions qui, par leurs effets artificiels, conduiraient à des détournements d'épargne ou à des détournements d'investissements. Il a par ailleurs bien voulu répondre à un grand nombre de questions posées par les sénateurs.
Sans se mêler, bien sûr, de ce qui ne le regarde pas, c'est-à-dire, assurément, du pouvoir fiscal que seul exerce le Parlement français en toute souveraineté, il a cependant donné une information d'ordre quelque peu général sur ce qui se passe ici et là chez nos partenaires, c'est-à-dire sur les évolutions en cours au-delà de nos frontières et qui concernent très directement nos entreprises puisque celles-ci sont confrontées, les unes et les autres, au jeu de la libre compétition sur un libre marché avec des entreprises obéissant à des régimes fiscaux différents. Pour lui, dirais-je en résumé, la tendance est partout à la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés.
Son message, que je viens de résumer, fut clair, extrêmement argumenté, précis et présenté d'une façon imparable.
Monsieur le secrétaire d'Etat permettez-moi de répéter la mise en garde que je me suis permis d'exprimer ce matin : certes, votre projet de loi prévoit que cette mesure est temporaire et que, sauf décision contraire, elle a vocation à voir ses effets disparaître à terme, mais vous prévoyez une telle mesure en sachant que celle-ci va à l'encontre de l'évolution générale à laquelle nous sommes confrontés et dont nous devons tenir compte, comme les autres.
Raisonnablement, nous ne pouvons pas vous suivre, et M. Strauss-Kahn et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, devez reconnaître que, dans quelques années, il faudra supprimer cette surtaxe qui constitue un handicap pour la compétitivité de nos entreprises.
C'est fondamentalement pour cette raison, monsieur le secrétaire d'Etat, que je réitère mon opposition très ferme à cette mesure. Je le fais tout en vous remerciant à mon tour du ton et de la qualité de l'écoute dont vous avez témoigné tout à l'heure dans votre réponse.
La majorité sénatoriale aborde ce texte sans concession sur le fond, c'est son rôle. Cela n'empêche pas, bien au contraire, l'échange courtois et aussi documenté que possible des arguments...
M. Christian Poncelet, président de la commission. Qui est de règle chez nous !
M. Philippe Marini. ... qui est effectivement de règle dans cette enceinte et qui doit assurément se poursuivre, d'autant plus d'ailleurs que l'on est davantage en opposition sur le fond.
Ainsi, tout sera clair, à la fois dans cette maison et en dehors, dans l'opinion et dans les médias. Nous assumons clairement nos oppositions, nous en prenons la responsabilité.
Au demeurant, monsieur le secrétaire d'Etat, et je voudrais terminer par là, notre rôle n'est pas de faire l'exercice à votre place. De ce point de vue, je voudrais réagir à quelques-uns des propos de certains collègues qui siègent de l'autre côté de l'hémicycle.
Nous sommes une opposition qui exerce son rôle d'opposition. Nous ne nions en aucune façon que l'exécution spontanée du budget de 1997 aurait conduit à un solde excessif par rapport aux prévisions et par rapport aux objectifs européens. En revanche, nous nions formellement qu'il y ait eu, du temps du précédent gouvernement, insuffisance dans la maîtrise de la dépense publique.
C'est sur cet aspect des choses que nous avons insisté. La croissance n'a pas été au rendez-vous et, en conséquence, l'amplification des recettes fiscales ne s'est pas produite comme nous nous y attendions au début de l'année, et le solde s'est dégradé, c'est exact. Il eût donc été inéluctable de procéder à un collectif budgétaire pour recadrage. Mais nous aurions fait d'autres choix, puisque nos idées ne sont pas les mêmes.
En ce qui concerne les dépenses publiques, disais-je, et il faut en donner acte au précédent gouvernement, ce qu'ont d'ailleurs fait les deux conseillers maîtres à la Cour des comptes elles ont été correctement tenues et correctement maîtrisées. (M. René Régnault s'exclame.) On ne peut prétendre que les mesures aujourd'hui soumises au Parlement sont provoquées par je ne sais quel laxisme ou je ne sais quelle insuffisance de maîtrise dans l'application du budget que nous avions voté à la fin de l'année dernière.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques considérations qui, bien sûr, viennent à l'appui du vote que j'émettrai dans quelques instants avec, je pense, la plupart de nos collègues lorsque l'amendement n° 1 sera mis aux voix.
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 1er.
Par amendement n° 10, MM. Adnot, Darniche, Durand-Chastel, Foy, Grandon, Habert, Türk et Maman proposent :
I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 235 ter ZB du code général des impôts, de remplacer le nombre : 50 par le nombre: 280.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, après le paragraphe I de l'article 1er, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'augmentation de la taille des sociétés concernées par la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés est compensée par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575, 575 A et 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° 6, MM. Arnaud, Michel Mercier, Huchon, Moinard, Jean-Louis Lorrain, Souplet, Amoudry et Hérisson proposent d'insérer, à la fin du texte présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour l'article 235 ter ZB du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également exonérées les entreprises visées à l'article 1465 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur. pour défendre l'amendement n° 1.
M. Alain Lambert, rapporteur. Monsieur le président, compte tenu des informations que j'ai données au Sénat tout à l'heure, je me bornerai à dire que cet amendement de suppression est totalement opportun.
M. le président. La parole est à M. Adnot, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Philippe Adnot. Je partage l'opinion de M. le rapporteur général, et je sais très bien que cet amendement n'aura plus d'objet dans quelques instants. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, si je l'ai présenté, c'est afin que l'on comprenne bien que le seuil de 50 millions de francs est le seuil européen des petites entreprises et non pas des petites et moyennes entreprises.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Pour les PME, c'est 280 millions de francs !
M. Philippe Adnot. En effet, le chiffre qui correspond aux PME est 280 millions de francs.
Tout le monde s'accorde à le dire, je le rappelle, ce sont les PME et les PMI qui vont créer les emplois ; la France manque considérablement d'entreprises de cinq cents salariés et le seuil qui est adopté va, en fait, continuer à faire en sorte que les entreprises ne cherchent pas à progresser.
En France, on n'encourage pas ces entreprises à conforter leurs fonds propres ; ces entreprises sont pourtant les plus fragiles et risquent de ce fait de ne pas se développer.
Je voulais que vous teniez compte de ces observations car je sais pertinemment que, même si le Sénat vote la suppression de l'article 1er, ce texte reviendra en discussion.
En taxant les petites entreprises, soyez conscients que vous allez les empêcher de conforter leurs fonds propres et les mettre encore un peu plus en difficulté. Or c'est dans cette catégorie d'entreprises qu'il y a le plus d'impayés.
Par ailleurs, il s'agit souvent d'entreprises sous-traitantes qui doivent pouvoir se développer.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Philippe Arnaud. Comme M. le rapporteur, je serai extrêmement bref puisque, dans la discussion générale, j'ai pu exposer l'objet de cet amendement qui vise à exonérer l'ensemble des entreprises situées en zone de revitalisation rurale de l'augementation de l'impôt sur les sociétés. Même si je sais que cet amendement, comme l'amendement précédent, n'aura plus d'objet après le rejet de l'article 1er, je tenais à le déposer parce que le sujet est important.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 10 et 6 ?
M. Alain Lambert, rapporteur. L'amendement n° 10 a un grand mérite, celui de nous permettre d'insister sur les inconvénients du dispositif de l'article 1er.
M. Adnot a expliqué de manière très convaincante que le chiffre d'affaires tel qu'il est fixé va avoir pour effet, si cette mesure est finalement adoptée, de pénaliser des entreprises qui ne sont ni grandes, ni même moyennes.
A fort juste titre, il a fait référence à la recommandation de la Commission européenne : le plafond prévu par la Commission est en effet de 280 millions de francs, ce qui, naturellement, n'a rien à voir avec les 50 millions de francs du dispositif qui nous est proposé.
Après M. le secrétaire d'Etat au budget, je dirai que cela ne date pas d'aujourd'hui. Mais, lorsque nous avons adopté le dispositif en cause à l'égard des PME, nous avions mesuré, dès cette époque, les inconvénients des mesures discriminatoires en matière fiscale.
Je suis donc en fâcheuse position pour émettre un avis défavorable au nom de la commission. Toutefois, si, par malheur, l'amendement de suppression n'était pas adopté, je redemanderais la parole pour bien préciser la position de la commission des finances.
S'agissant de l'amendement n° 6, le remarquable plaidoyer de M. Arnaud en faveur des entreprises en milieu rural, lors de la discussion générale, se suffit à lui-même. La commission des finances a parfaitement compris l'esprit de son amendement.
Mais, comme pour l'amendement précédent, la commission a émis un avis défavorable, puisque sa préférence va à la suppression de l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous ne serez pas surpris, monsieur le président, que je sois en désaccord avec le premier amendement. Le Gouvernement est fermement convaincu de la nécessité d'adopter cette disposition fiscale figurant à l'article 1er.
En ce qui concerne l'amendement n° 10 et le seuil de 50 millions de francs, je souhaiterais ajouter un argument afin d'apporter ma contribution au débat. Ce seuil est celui qui avait été retenu par la majorité précédente, lors de l'adoption de la loi de finances pour 1997 pour l'imposition au taux réduit de 19 %. Par conséquent, peut-être, rétrospectivement, auriez-vous dû placer ce seuil plus haut et sans doute avons-nous donc péché par défaut d'imitation.
Enfin, pour ce qui est de l'amendement n° 6, j'ai été très sensible à l'argument portant sur les zones de revitalisation rurale, mais je crois vous avoir répondu en évoquant les difficultés immédiates qui se poseraient à la suite de votre recommandation.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. René Régnault. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Notre groupe était contre cet amendement et il n'a trouvé que des raisons supplémentaires de s'y opposer en écoutant la majorité sénatoriale s'exprimer.
On a parlé de la maîtrise des dépenses publiques, très bien ! Mais oublierait-on que certaines de ces dépenses n'étaient pas financées ? Par conséquent, pour ce qui est du compliment adressé au gouvernement précédent, permettez-moi de dire qu'il me fait plutôt sourire ; en toutcas, je ne peux y souscrire.
C'est vrai, c'est un choix - vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat - que de financer certaines dépenses nouvelles.
On vient de manifester quelques inquiétudes à propos du secteur rural et j'aurais pu y joindre ma voix, mais les maires et les familles ont apprécié que 800 postes supplémentaires aient été créés à la rentrée. Quelle aurait été l'ambiance sans une telle disposition, sans les mesures en faveur du financement des frais de cantine, sans l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, toutes mesures qui sont bien perçues !
Je n'ai pas parlé non plus - personne ne l'a fait - du plan emploi-jeunes ; il est vrai que la majorité sénatoriale a tout mis en oeuvre hier et cette nuit pour s'opposer à ce dispositif... Certaines des dispositions qui ont été adoptées ici et qui ont été repoussées ce matin en commission mixte paritaire ont mis en évidence le fait que la majorité sénatoriale dans son ensemble n'était pas favorable au projet de loi que nous a soumis le Gouvernement.
Il faut maintenant le financer, car nous sommes conséquents avec nous-mêmes. Non seulement nous avons envie que les jeunes qui sont en situation de difficulté par rapport à l'emploi retrouvent une activité durable, mais nous avons également pensé aux moyens financiers d'atteindre cet objectif.
Quant à la discrimination qu'instaurerait ce texte, autorisez-moi à vous dire qu'on ne peut pas tout à la fois proclamer que l'on pense aux petites et moyennes entreprises et, par ailleurs, reprocher au Gouvernement de faire un sort particulier aux entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de francs. Il est certain que vous n'avez pas eu ce souci, voilà peu, lorsque vous avez retenu une majoration de l'impôt de solidarité pour tous les assujettis !
M. Philippe Marini. Vous reconnaissez qu'il y a discrimination.
M. René Régnault. Je ne rappellerai pas les chiffres que j'ai indiqués tout à l'heure concernant le résultat des entreprises, qui, on le sait, ont été multipliés par cinq au cours des dernières années. Tant mieux pour elles ! Cela nous autorise à vous dire qu'il nous paraît plus raisonnable d'avoir choisi cette voie plutôt que d'imposer les ménages.
En fait, vous n'allez pas jusqu'au bout de votre sentiment ; vous être contre cette mesure, mais vous ne dites pas que vous auriez préféré que l'on charge encore un peu les ménages et que l'on réduise, par conséquent, le pouvoir d'achat, donc la demande intérieure et, ainsi, la croissance.
J'en viens au second argument que vous avez avancé, à savoir que l'on irait à contre-courant de l'évolution des fiscalités européennes. J'ai écouté avec vous tout à l'heure les propos qu'a tenus M. le commissaire européen sur la question, et je me suis senti parfaitement à l'aise par rapport à la place que j'occupais et au groupe que je représentais, en songeant que, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, les propositions que nous faisons aujourd'hui nous placent dans une situation tout à fait confortable pour aborder l'harmonisation de la fiscalité des entreprises.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Interprétation audacieuse !
M. René Régnault. Par conséquent, ne nous dites pas qu'il y aurait là matière à s'opposer à l'article 1er.
Vous pouvez comprendre dès lors notre hostilité à l'amendement n° 1. Nous voulons rendre possible la mise en oeuvre d'un choix judicieux, faire en sorte que le budget de la France soit un budget réel et que certaines mesures nouvelles entrent très vite en application, tant elles sont nécessaires et attendues.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous comprendrez que je tienne à préciser les raisons qui font que les membres de notre groupe ne voteront pas l'amendement de la commission des finances, comme il est évident que les membres de la majorité sénatoriale se devaient, dans leur logique, mais aussi, par simple positionnement idéologique, de proposer la suppression de l'article 1er.
Je dirai tout d'abord que l'attitude prise par M. le rapporteur et M. Marini, à propos de l'article 1er, consiste à faire beaucoup de bruit pour rien.
On s'insurge que les entreprises soient mises à contribution pour moins de 20 milliards de francs...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Une petite somme ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... alors que le produit intérieur brut marchand représente quelque 8 000 milliards de francs - ou peu s'en faut - et que, je l'ai rappelé lors de la discussion générale, les entreprises de ce pays ont versé près de 420 milliards de francs en 1996, chiffre en hausse de 11 % par rapport à l'exercice 1995.
Chacun le sait car tous les membres de la commission des finances ont l'habitude d'examiner les éléments fournis par le rapport annuel de l'INSEE sur les comptes de la nation.
Vous nous permettrez donc de souligner de nouveau notre appui sans réserve à la mesure prévue par l'article 1er.
Croyez-vous sérieux de prétendre que cette légère égratignure dans les comptes de certaines de nos entreprises va réellement remettre en cause leur compétitivité ou leur position internationale ?
Permettez-moi simplement de souligner quelles conséquences la mesure prévue à l'article 1er aura réellement sur l'impôt sur les sociétés.
L'ensemble des entreprises assujetties l'est au taux de base de 33,33 %. Ce socle de l'impôt sur les sociétés est affecté, chacun le sait, de nombreux correctifs qui portent tant sur la prise en compte des déficits éventuels des exercices antérieurs que sur le traitement fiscal des provisions, les exonérations temporaires ou « géographiques », etc., sans parler des effets du régime des groupes qui, sous ses diverses caractéristiques, permet d'ailleurs aux entreprises directement concernées par l'article 1er de se dédouaner à bon compte de leurs obligations fiscales.
La loi de finances de 1997 a ajouté à l'ensemble de ces dispositifs, dispositifs particulièrement coûteux puisque leur montant excède aujourd'hui les 60 milliards de francs, le principe de l'imposition à 19 % des 200 000 premiers francs de bénéfice des PME.
Je conçois fort bien que cette perspective d'impôts supplémentaires sur les sociétés n'enchante pas tout à fait ceux qui ont oeuvré pour dénaturer, comme c'est le cas aujourd'hui, le contenu de l'impôt sur les sociétés, mais elle est pour nous tout à fait intéressante et offre des pistes pour une réflexion plus large encore sur la nécessaire conjonction entre justice sociale - tel est le sens que nous donnons à l'article 1er - et efficacité économique.
C'est donc, je le répète, sans réserve et sans état d'âme, que nous voterons contre l'amendement n° 1 de la commission.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Naturellement, contrairement à ce que l'orateur précédent vient de dire, nous ne considérons pas du tout le dispositif proposé comme une simple égratignure dans les comptes de sociétés déjà lourdement taxées.
Nous ne considérons pas du tout non plus que c'est faire « beaucoup de bruit pour rien » que de s'opposer à cet article 1er.
Il vise en fait à instituer de nouvelles impositions très lourdes sur les entreprises. Le rapport de la commission donne des chiffres très précis à cet égard. Une fois de plus, nos entreprises vont être très gravement pénalisées.
En outre, cette mesure va à l'encontre de l'évolution des fiscalités européennes. Elle est aussi totalement en contradiction avec les dispositions qui avaient été prises par le gouvernement de M. Bérégovoy pour favoriser le développement de nos entreprises.
Il s'agit donc d'une disposition rétrograde et pénalisante. Bien entendu, nous voterons l'amendement de suppression proposé par la commission des finances.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. A l'issue du débat qui vient d'avoir lieu, on ne sera pas surpris que l'ensemble du groupe du RPR vote l'amendement n° 1.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 3:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 217
Contre 97

En conséquence, l'article 1er est supprimé et les amendements n°s 10 et 6 n'ont plus d'objet.

Article 2

M. le président. « Art. 2. _ Au I de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un a quater ainsi rédigé :
« a quater. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997, le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant de la cession des éléments d'actif, à l'exception des parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du a ter.
« Les moins-values à long terme afférentes à des éléments d'actif désormais exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application de l'alinéa précédent, et restant à reporter à l'ouverture du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997, peuvent, après compensation avec les plus-values et les résultats nets de la concession de licences d'exploitation continuant à bénéficier de ce régime, s'imputer à raison des 19/33,33e de leur montant sur les bénéfices imposables. Cette imputation n'est possible que dans la limite des gains nets retirés de la cession des éléments d'actifs exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application de l'alinéa précédent ; ».
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. J'ai souhaité prendre la parole maintenant pour rappeler très brièvement ce que j'ai dit ce matin, dans la discussion générale, sur l'article 2.
Je souhaite, en particulier, rappeler que la commission des finances estime que la taxation au taux de droit commun des plus-values placerait la France dans une situation non concurrentielle par rapport à ses partenaires.
S'il est vrai que la quasi-totalité des pays européens imposent les plus-values, ils ont atténué la rigueur de cette législation fiscale, soit par des dispositifs d'exonération sous condition de réemploi, ce qui ne nous est pas proposé, soit par une réévaluation de la valeur des actifs, ce qui permet de neutraliser les plus-values qui sont purement nominales ; cela ne nous a pas, non plus, été proposé.
La taxation au taux de droit commun des plus-values à long terme aurait pour conséquence de renchérir le coût des mutations, d'encourager l'inertie économique et de freiner la mobilité des actifs. C'est le plus sûr moyen d'assécher les produits qui sont issus des mutations d'actifs.
La question de la rétroactivité a été évoquée ce matin et à nouveau cet après-midi. A cet égard, je fais miennes les conclusions de mon ami M. Cléach. Je crois en effet qu'il existe dans ce texte d'incontestables éléments de rétroactivité ; je parle ici sous le contrôle de M. le président Poncelet, qui préside un groupe de travail sur la rétroactivité des lois fiscales, groupe de travail dans lequel siègent des personnalités aussi éminentes que M. François Luchaire. Or la rétroactivité des lois fiscales a des effets économiques extrêmement préjudiciables pour notre pays.
Il est clair que, dans le dispositif qui nous est proposé, le changement de régime de taxation des plus-values à long terme ne se limitera pas aux seules plus-values réalisées depuis le 1er janvier dernier : il s'appliquera aux plus-values réalisées depuis bien plus longtemps si l'on considère celles dont la taxation peut être légalement différée pendant deux ans - je pense aux indemnités qui sont perçues en cas d'expropriation d'une immobilisation ou en cas de sinistre - ou les plus-values qui bénéficient d'un sursis d'imposition à la suite d'opérations telles que des fusions ou des scissions.
Il y a donc bien, mes chers collègues, rétroactivité de la loi fiscale, ce qui n'est pas fait pour encourager les investisseurs. Cela crée, au contraire, une sorte d'insécurité fiscale qui nuit considérablement à la confiance dont les investisseurs ont besoin.
De plus, il y a des actifs qui ont été réalisés et dont les produits sont déjà réinvestis. Je vous laisse imaginer les difficultés que va susciter le versement d'un impôt quand l'entreprise aura déjà réaffecté le produit de l'actif réalisé !
Le maintien du régime de taxation de faveur pour contrer les effets de l'inflation est toujours justifié, selon la commission des finances, pour les plus-values qui proviennent de cessions de biens acquis depuis une très longue période. Certes, Dieu merci ! l'inflation est aujourd'hui bien moindre que par le passé, mais il est des actifs qui ont été acquis voilà bien des années.
Le texte emporte aussi des conséquences tout à fait fâcheuses en matière de licence d'exploitation de brevet et de cession de brevet. D'autres collègues, qui maîtrisent mieux que moi ces questions, y reviendront.
Pour toutes ces raisons, la suppression de l'article 2, que je vous proposerai, au nom de la commission, me paraît constituer la solution raisonnable pour éviter de pénaliser nos entreprises.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je voudrais insister à mon tour sur le caractère dommageable, rétroactif et discriminatoire de la disposition qui nous est présentée.
Je considère, comme M. le rapporteur, que cette mesure est inopportune. Certes, les réponses qui nous ont été apportées tout à l'heure peuvent tempérer quelque peu les craintes qui s'étaient exprimées concernant les brevets. J'espère que les instructions qui seront diffusées par l'administration confirmeront les aménagements qui ont été annoncés mais qui ne me semblaient pas ressortir du texte.
Cela étant, je crois que la remise en cause à laquelle il est procédé est grave de conséquences et lourdes d'effets pervers.
Nous aurons une fiscalité encore plus complexe, qu'il sera singulièrement difficile d'expliquer aux agents économiques, en particulier aux investisseurs, qui peuvent comparer les systèmes fiscaux de différents territoires. Car cette mesure expose la France à la concurrence fiscale internationale ; le rapport écrit de M. Lambert fait ressortir très clairement les comparaisons européennes en la matière.
Par ailleurs, je m'interroge sur la rupture de l'égalité devant l'impôt entre les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés et les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu, dans la mesure où ces dernières continueront à bénéficier du taux réduit d'imposition.
Tout à l'heure, à propos de l'article 1er, maintenant supprimé, je craignais qu'il n'y eût inégalité de traitement entre des entreprises se trouvant dans des situations économiques analogues. A l'article 2, c'est encore pire !
Quant au caractère rétroactif de la mesure, il est incontestable.
Enfin, comme M. le rapporteur nous l'indiquait, le chiffrage de cette mesure, près de 7 milliards de francs en 1997, ne nous paraît pas convaincant car, en regard de cette somme et de celle qui est évaluée pour 1998, il y aura des moins-values provenant de la cession d'actifs désormais exclus du régime des plus-values à long terme, ce qui est probablement de nature à limiter l'impact de cette mesure en termes de rentabilité fiscale.
Pour l'ensemble de ces raisons, je crois qu'il convient, une nouvelle fois, de suivre la commission des finances.


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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION CHINOISE

M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais, en votre nom, saluer les membres de la délégation officielle du ministère chinois de l'hydraulique qui nous font l'honneur d'assister à nos travaux pendant quelques intants. (M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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MESURES URGENTES
À CARACTÈRE FISCAL ET FINANCIER

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, portant mesure urgentes à caractère fiscal et financier.

Article 2 (suite)

M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 7, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour le a quater à insérer au I de l'article 219 du code général des impôts, de supprimer les mots : « à l'exception des parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du a ter ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Alain Lambert, rapporteur. J'ai déjà décrit tous les inconvénients que présentent ces dispositions. Ils justifient largement la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 7.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement porte sur le champ d'application de l'article 2, qui tend à modifier le régime de taxation des plus-values de cession d'actifs.
Nous avons indiqué dans la discussion générale que cet article répondait à l'un de nos souhaits les plus anciens, à savoir la suppression d'un régime séparé d'imposition des plus-values, régime qui constitue une prime fiscales accordée à des opérations aux conséquences souvent néfaste sur l'emploi, quand elles ne menacent pas l'existence même des entreprises.
Dans le contexte économique actuel, il nous paraît indispensable de mettre un terme à cette situation. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d'étendre le champ d'application de l'article 2 aux cessions de titres de participation.
De notre point de vue, l'exclusion des ces opérations limite considérablement la portée de la mesure qui nous est proposée. En effet, le maintien du régime séparé pour de telles opérations serait en fait interprété comme une sorte de prime à la spéculation, les plus-values résultant bien souvent de la valorisation enregistrée sur les marchés financiers.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Je tiens à féliciter Mme Beaudeau de son excellente intervention, qui justifie pleinement que nous supprimions l'article 2. En effet, l'extension qu'elle propose serait particulièrement pénalisante pour les entreprises françaises ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7 ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Au-delà de ce que vient de faire valoir M. le président Poncelet, l'amendement défendu par Mme Beaudeau remédie à deux inconvénients que nous avions recensés : la difficulté de lisibilité et la complexité. (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Effectivement, c'est clair !
M. Alain Lambert, rapporteur. C'est si clair, ma chère collègue, que cela va peut-être un peu trop loin pour la commission des finances. Cell-ci n'est donc pas favorable à cet amendement, mais elle écoutera avec la plus grande attention l'avis que va émettre le Gouvernement à son sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 2 et 7 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement rejette évidemment l'amendement n° 2. Mais je voudrais apporter quelques précisions en réponse aux propos de MM. Lambert et Marini.
En ce qui concerne la rétroactivité, je me réjouis que le président Poncelet mobilise des juristes aussi éminents que le professeur Luchaire pour réfléchir sur cette question.
Si l'on s'en tient à une conception très extensive de la rétroactivité, selon laquelle il n'est pas possible de modifier en fin d'année des dispositions fiscales qui portent sur les revenus de l'année en cours, cela signifie qu'on ne saurait modifier ni l'impôt sur le revenu pour l'année en cours ni l'impôt sur le bénéfice des sociétés.
Par conséquent, pour ma part, j'en reste à la règle juridique selon laquelle le fait générateur est la clôture de l'exercice, quel que soit, par ailleurs, l'intérêt des observations présentées par le professeur Luchaire au sein du groupe animé par le président Poncelet.
M. Marini, quant à lui, s'est plaint de ce que le traitement des plus-values soit différent selon que les entreprises sont imposées à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur le bénéfice des sociétés. J'avoue ne pas bien comprendre la logique de son argumentation puisque le revenu proprement dit de ces entreprises fait déjà l'objet d'un traitement différent.
S'agissant de l'amendement n° 7, trois arguments expliquent une certaine réserve de la part du Gouvernement.
Tout d'abord, l'amendement vise des opérations sur des titres de participation et non pas des activités spéculatives, qui voient des entreprises acheter et vendre des titres à court terme. Il s'agit donc d'une des modalités de l'activité industrielle, qui s'exerce souvent dans des groupes intégrés, avec des sociétés mères, des filiales, des donneurs d'ordre, des sous-traitants.
Autrement dit, ces plus-values sur les titres de participation ressortissent au moins autant à l'activité industrielle qu'à l'activité financière. En fait, elles proviennent de la capitalisation de bénéfices issus de l'activité productive des filiales et qui ont déjà été imposés.
Par ailleurs, même si l'on peut ne pas partager ce point de vue, nous nous trouvons au coeur de la compétition européenne, dans une guerre économique mondiale. Dès lors, il ne faudrait pas que les groupes de sociétés se délocalisent en raison du régime fiscal des titres de participation, ce qui ne pourrait que desservir l'intérêt national.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Absolument !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Enfin, en supprimant l'exception relative aux titres de participation, les auteurs de l'amendement retirent également l'exception relative aux actions de sociétés de capital-risque ou de fonds communs de placements à risque. Or je crois qu'il est utile de réserver un sort particulier à ces activités elles-mêmes particulières.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le rapporteur, je comprends de moins en moins votre argumentation.
Tout à l'heure, vous nous avez proposé la suppression de l'article 1er au motif que ces dispositions nous éloigneraient de la situation qui prévaut chez nos partenaires européens. Or vous nous proposez maintenant de rejeter une mesure qui tend à aligner notre législation sur celles que connaissent ces mêmes partenaires.
M. Alain Lambert, rapporteur. Vous ne m'avez pas bien écouté !
M. Emmanuel Hamel. Pas d'alignement ! Restons libres !
M. René Régnault. Quant au reste de votre argumentation, elle est également loin de me convaincre. Cette mesure, dites-vous, accroîtrait la complexité de notre législation fiscale. Pour ma part, je considère au contraire qu'elle tend à la simplifier puisqu'il s'agit de supprimer un taux réduit au bénéfice de l'application du taux normal.
Dans ces conditions, nous ne pourrons que voter contre l'amendement n° 2.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 4:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 217
Contre 97

En conséquence, l'article 2 est supprimé et l'amendement n° 7 n'a plus d'objet.

Article 3

M. le président. « Art. 3. _ I. _ A. _ L'article 1668 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa du 1 est complété par les mots : "et à 19 % du résultat net de la concession de licences d'exploitation des éléments mentionnés au 1 de l'article 39 terdecies . Le bénéfice de référence s'entend des bénéfices soumis aux taux fixés au deuxième alinéa et au f du I de l'article 219" ;
« 2° Le 4 bis est ainsi rédigé :
« 4 bis. L'entreprise qui estime que le montant des acomptes déjà versés au titre d'un exercice est égal ou supérieur à la cotisation totale d'impôt sur les sociétés dont elle serait redevable au titre de l'exercice concerné, déterminée selon les modalités prévues au premier alinéa du 1, prenant en compte l'impôt qui résulterait des cessions d'éléments d'actifs soumis au régime des plus-values et moins-values à long terme et avant imputation des crédits d'impôt et avoirs fiscaux, peut se dispenser de nouveaux versements d'acomptes en remettant au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du prochain versement à effectuer, une déclaration datée et signée. » ;
« 3° Le 4 ter est abrogé.
« B. _ Les dispositions du A sont applicables aux acomptes échus au cours d'exercices ouverts à compter du 1er janvier 1998.
« II. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1668 C ainsi rédigé :
« Art. 1668 C . _ Les dispositions des I à III de l'article 1668 B sont applicables à la contribution temporaire mentionnée à l'article 235 ter ZB.
« Toutefois, le versement anticipé prévu au III de l'article 1668 B est fixé à 15 % pour les exercices clos avant le 1er janvier 1999 ou les périodes d'imposition arrêtées aux 31 décembre 1997 et 1998, et à 10 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier et le 31 décembre 1999. »
« III. _ A. _ Si l'exercice ouvert en 1997 est clos à compter du 1er septembre de la même année, l'entreprise est tenue d'acquitter, au plus tard le 15 décembre de cette année, un acompte complémentaire d'impôt sur les sociétés fixé à 33,1/3 % de la fraction du résultat de l'exercice précédent qui, réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997, relèverait du taux mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts, en application du a quater du I du même article, et à 19 % du résultat net de la concession de licences d'exploitation des éléments mentionnés au 1 de l'article 39 terdecies du même code, du dernier exercice dont les résultats ont été déclarés, le cas échéant ramené à douze mois.
« B. _ Les dispositions du 1 de l'article 223 N et du 4 de l'article 1920 du code général des impôts s'appliquent à l'acompte complémentaire visé au A ; les dispositions du 4 bis de l'article 1668 du même code ne s'appliquent pas au même acompte.
« IV. _ Si l'exercice ouvert en 1997 est clos à compter du 1er septembre de la même année, le versement anticipé prévu au III de l'article 1668 B du code général des impôts est calculé en tenant compte d'une taxation au taux de 33,1/3 % de la fraction du résultat de l'exercice précédent qui, réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997, relèverait du taux mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 219 du même code, en application du a quater du I de cet article. Ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises qui doivent s'acquitter du versement anticipé au plus tard le 15 septembre 1997.
« Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent également pour le versement anticipé de la contribution mentionnée à l'article 235 ter ZB du code général des impôts.
« V. _ Pour les entreprises dont l'exercice est clos avant le 1er septembre 1997, la contribution temporaire prévue à l'article 235 ter ZB du code général des impôts est versée au plus tard le 15 décembre 1997.
« Pour celles dont l'exercice est clos entre le 1er septembre et le 31 décembre 1997 inclus ou celles dont la période d'imposition est arrêtée au 31 décembre 1997, le versement anticipé de cette contribution prévu au II dû au titre de cet exercice ou de cette période est effectué au plus tard le 15 décembre 1997.
« VI. _ Les entreprises ayant ouvert un exercice à compter du 1er janvier 1997 qui a été clos avant le 1er septembre, et pour lequel le délai de dépôt de la déclaration prévu au deuxième alinéa du 1 de l'article 223 du code général des impôts est expiré avant la publication de la présente loi, déposent au plus tard le 30 novembre 1997 une déclaration rectificative prenant en compte les dispositions du a quater du I de l'article 219 du même code et procèdent à une nouvelle liquidation de l'impôt sur les sociétés et de la contribution prévue à l'article 235 ter ZA dans les conditions du 2 de l'article 1668 et du I de l'article 1668 B de ce code. »
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. J'y renonce, monsieur le président, car tous les arguments nécessaires ont déjà été exposés dans le cours du débat.
Par amendement n° 3, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 3.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Cet amendement est la conséquence de la suppression des articles 1er et 2.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je suis aussi cohérent que M. le rapporteur. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
M. René Régnault. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est supprimé.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je souhaiterais, après le rejet des trois premiers articles du projet de loi, exprimer à la fois du respect et un regret : respect pour la qualité du débat que nous avons eu et regret que ces dispositions aient été rejetées.
J'ai l'impression que, après avoir objectivement montré qu'il y avait un problème, l'opposition s'est réfugiée dans une attitude, tout à fait légitime, qui consiste soit à nier le problème, soit à nier la solution envisagée par le Gouvernement, sans pour autant proposer sa propre solution. Je regrette cette attitude, qui est démocratique mais peu constructive en la matière.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Avec la même courtoisie que M. le secrétaire d'Etat, je lui dirai que, s'il a bien écouté les orateurs qui se sont exprimés au nom de la majorité sénatoriale, et donc de l'opposition gouvernementale, il a pu se rendre compte que nous avons proposé des solutions : nous souhaitons une réduction forte de la dépense publique. C'est la démarche que nous avons empruntée dans le passé et qui a, bien sûr, conduit à des résultats positifs, dont le Gouvernement bénéficie d'ailleurs maintenant puisque la croissance augmente.
Le Gouvernement a adopté une démarche inverse en recourant à l'impôt. Nous vous avons dit, à plusieurs reprises, que le niveau des prélèvements obligatoires est, en France, nettement supérieur à celui de tous les autres pays de la Communauté européenne. Il faudra bien que, un jour ou l'autre, vous ou nous, nous engagions une procédure qui consiste à abaisser les prélèvements obligatoires dans l'intérêt de l'économie française.
M. René Régnault. Nous allons en parler à partir de la semaine prochaine !

Article 4

M. le président. « Art. 4. _ I. _ Les ouvrages du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, à l'exclusion de ceux affectés à la distribution publique, sont réputés constituer la propriété d'Electricité de France depuis que la concession de ce réseau lui a été accordée.
« II. _ Pour l'application des dispositions du I, au 1er janvier 1997, la contre-valeur des biens en nature mis en concession du réseau d'alimentation générale figurant au passif du bilan d'Electricité de France est inscrite, nette des écarts de réévaluation correspondants, au poste « dotations en capital. »
Par amendement n° 11, M. Lambert, au nom de la commission, propose :
I. - Dans le paragraphe I de cet article, de supprimer les mots : « , à l'exclusion de ceux affectés à la distribution publique, » ;
II. - De compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - A compter du 1er janvier 1997, tout ouvrage du réseau d'alimentation générale en énergie électrique amené à être reclassé pour relever ensuite du régime de la distribution publique sera remis gratuitement par Electricité de France à l'autorité concédante concernée. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Cet amendement d'ordre rédactionnel concerne une disposition qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale.
Il tend à préciser de façon formelle que les collectivités territoriales demeurent propriétaires des ouvrages du réseau de distribution de l'électricité.
Tel qu'il était rédigé, l'amendement de l'Assemblée nationale laissait accroire que les ouvrages du réseau de distribution pouvaient être inclus dans le réseau d'alimentation générale, le RAG, alors que chaque type d'ouvrage est en réalité repertorié de manière exclusive.
Mais si la frontière entre les ouvrages du RAG et les ouvrages du réseau de distribution est étanche, elle n'est pas définitive. Il peut arriver, du fait notamment de l'urbanisation ou de l'intercommunalisation, que des ouvrages du RAG soient reclassés à l'avenir dans le réseau de distribution publique. Cet amendement pose donc le principe d'un transfert à titre gratuit au bénéfice des collectivités locales.
Je profite de cet amendement pour rappeler les dispositions de l'article 16 de la loi de nationalisation de l'électricité et du gaz du 8 avril 1946 : le capital d'EDF « appartient à la nation » et « il est inaliénable ». « En cas de pertes d'exploitation, il doit être reconstitué sur les résultats des exercices ultérieurs. » Ainsi, le transfert de la propriété des ouvrages du RAG de l'Etat à EDF n'aliène en rien la nation, puisqu'elle demeure le propriétaire in fine de ces biens par la voie de l'Etat qui est l'unique actionnaire d'EDF.
Par ailleurs, notre collègue M. Yann Gaillard, qui pourrait opportunément éclairer le Sénat de ses connaissances sur le sujet, aurait souhaité obtenir des précisions sur le futur statut des lignes à haute tension qui sont en même temps des lignes de distribution, ce qui doit être parfois le cas à Paris.
De plus, la commission des finances, à l'unanimité, sur la demande de nos collègues MM. Yann Gaillard et Michel Moreigne, a souhaité que soit établi de manière contradictoire un état des lieux des lignes EDF avant l'entrée en vigueur de l'article que nous allons voter.
En effet, il nous a semblé que des erreurs de classement ont pu être commises et qu'il convenait donc, à cette occasion, de les réparer. Le président de la commission et plusieurs collègues ont également souhaité que soit lancé un débat de fond sur les pylônes et lignes à haute tension qui ne sont pas soumis au même régime fiscal que la basse et moyenne tension.
Sur ces trois points, c'est-à-dire le statut des lignes à haute tension de distribution, l'état de la répartition des lignes entre transport et distribution ainsi que le régime fiscal des pylônes à haute tension, la commission souhaite obtenir des renseignements très précis du Gouvernement.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement étant dû à la qualité du travail parlementaire en général, le Gouvernement ne peut qu'y être favorable.
Cet amendement lève toute ambiguïté qui aurait pu exister sur la frontière entre le réseau d'alimentation générale et la distribution publique. Il précise bien que s'il y a « respiration », comme on dit, c'est-à-dire changement de frontière au sein du réseau de transport d'électricité, il n'en résultera aucun coût pour les collectivités locales. Tout cela est extrêmement positif, car c'est cartésien.
J'en viens aux pylônes à haute tension. Ceux qui supportent des lignes de tension supérieure à 200 kilovolts sont aujourd'hui imposés forfaitairement à titre de compensation du préjudice esthétique et fonctionnel qu'ils occasionnent. Ceux qui sont en dessous de 200 kilovolts bénéficient d'un régime différent.
Vous avez parlé d'une sorte d'inventaire. Il est clair que celui-ci devra être dressé. Cependant, il n'est pas question de le faire avant l'adoption de ce projet de loi.
En résumé, le Gouvernement est, bien entendu, favorable à cet enrichissement parlementaire du texte qu'il a proposé.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. M. le rapporteur a exprimé très clairement notre inquiétude. Je comprends bien que ce recensement ne puisse pas être fait avant le vote de la loi. Toutefois, il devra être réalisé avant que les écritures comptables soient passées, notamment toutes celles qui ont trait à l'inscription de la contre-valeur du RAG au poste « dotations en capital » du bilan d'EDF, sinon il y aura des inexactitudes. Il s'agit tout de même d'une opération assez urgente.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 4.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'expérience politique me conduit à dire qu'un problème de forme cache souvent un problème de fond. S'agissant de l'article 4 du projet de loi, j'ai le sentiment que l'on nous demande de nous prononcer sur une question de fond. Les propos qui ont été tenus ne nous rassure absolument pas sur les conséquences de cet article.
Depuis que nous avons pris connaissance de ce projet de loi, nous avons cherché à connaître la finalité de cette volonté de restructuration du bilan d'EDF. Ce matin, j'ai formulé de nombreuses remarques au cours de mon intervention dans la discussion générale.
Dans un souci de clarté, je crois utile de poser cette question, surtout lorsque dans le numéro de septembre de « La vie électrique » - revue que nous recevons tous - on apprend que cette opération « donnera une grande crédibilité à EDF auprès des places financières » et lui donnera des atouts « pour faire face, dans les meilleures conditions, à l'élargissement de la concurrence ».
Cette volonté de « donner à EDF une structure de bilan comparable à celle de ses concurrents, notamment européens », comme l'a souligné le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Henri Emmanuelli, et le rapporteur de la commission des finances du Sénat, M. Lambert, est-elle à mettre en rapport avec la déréglementation dans le secteur de l'énergie que tente d'imposer le Conseil européen de l'énergie en s'appuyant sur le traité de Maastricht qui, dans son article 129 B, je vous le rappelle, pose le principe de la constitution de réseaux transeuropéens en matière de transport, de télécommunications et d'énergie, et cela dans le cadre « d'un système de marchés ouverts et concurrentiels ».
Si cet article 4, qui aura pour conséquence un démembrement du domaine public de l'Etat, s'intègre dans cette perspective, il est fort à craindre que l'on ne s'achemine, à brève échéance, vers une ouverture du capital d'Electricité de France et une filialisation accélérée de ses activités. A terme, c'est la séparation entre l'activité de gestionnaire de réseau et celle de production d'énergie, secteur ouvert à la concurrence, comme nous y invite d'ailleurs la directive européenne adoptée lors de la réunion du Conseil européen de l'énergie en 1996.
Le groupe communiste républicain et citoyen est opposé à une telle perspective pour Electricité de France. Aussi, nous combattrons toutes les tentatives de démantèlement. Telle est la raison pour laquelle notre groupe votera contre cet article.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, je tiens à vous rassurer : cette mesure, loin de handicaper Electricité de France, me paraît positive.
Electricité de France est l'une des plus grandes, sinon la plus grande compagnie européenne d'électricité. Personne ne conteste son monopole en France.
M. Christian Poncelet, président de la commission. En France, personne, mais au niveau européen, si !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le monopole du transport d'électricité est acquis au niveau européen !
Il s'agit désormais de permettre à Electricité de France de développer ses activités à l'extérieur du territoire français. C'est par une politique d'exportation tant du savoir-faire de ses ingénieurs, de ses techniciens, que d'électricité que l'on pourra non seulement conforter mais aussi développer l'emploi à Electricité de France.
Il n'y a donc pas de rapport entre cette mesure de transparence comptable qui vous est proposée et un quelconque projet de porter atteinte à la qualité et à la croissance d'une entreprise à laquelle tous les Français sont attachés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté).

Article additionnel après l'article 4

M. le président. Par amendement n° 8, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Le deuxième alinéa (1°) du I de l'article 267 du code général des impôts est complété par les mots : "sauf la taxe communale sur l'électricité instituée par la loi du 13 août 1926, la taxe sur certaines fournitures d'électricité et la taxe départementale sur l'électricité.". »
« II. Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 4 du présent projet de loi a des défauts, certes, mais au moins une qualité.
S'il est bien loin de répondre, à notre sens, aux exigences du moment en matière de développement de nos services publics, il permet d'ouvrir le débat sur la question des relations entretenues entre EDF et l'Etat.
Nous faisons partie de ceux qui n'ont pu que regretter que l'entreprise publique soit considérée, et ce depuis plusieurs années, comme une sorte de « vache à lait » par un budget général en difficulté.
Relèvement du taux de TVA grevant les abonnements, relèvement entièrement supporté par l'entreprise publique, prélèvements exceptionnels à répétition dans le cadre de collectifs budgétaires hâtivement bouclés, mise à contribution au travers d'une société commune avec la CNR, la compagnie nationale du Rhône, pour financer la réalisation de la liaison à grand gabarit Rhin-Rhône, telles sont quelques-unes des mesures qui ont marqué l'histoire récente.
EDF est donc devenu contre son gré un contributeur net du budget de la nation, alors même que l'entreprise demeure confrontée à des enjeux particuliers en matière d'aménagement du territoire, enjeux qu'elle relève d'ailleurs avec succès.
Pour autant, l'une des particularités de la situation de l'entreprise publique est aussi de devoir percevoir, pour le compte du budget des collectivités locales, des taxes locales sur l'électricité, taxes elles-mêmes grevées de TVA au taux normal.
L'amendement n° 8 vise donc tout simplement à mettre un terme à cette situation qui aboutit à l'existence aujourd'hui, d'une sorte de taxe sur la taxe.
En abrogeant ces dispositions, vous permettrez aux usagers de notre réseau électrique de bénéficier d'une légère mais toujours utile diminution du montant de leur facture.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à adopter cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, monsieur le président. En effet, cet amendement vise en réalité à revenir au droit antérieur à 1991. Or, pour la commission des finances, les principes généraux de la TVA n'autorisent pas les dispositions contenues dans cet amendement.
M. Christian Poncelet, président de la commission. C'est la continuité !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement tend effectivement à revenir à une situation qui existait avant 1991 et qui a été contredite par une décision européenne validée elle-même par un arrêt du Conseil d'Etat du 3 mars 1993.
Quels que soient les souhaits que l'on puisse avoir en la matière, il n'est pas juridiquement possible de revenir à la situation antérieure à 1991. Nous sommes par conséquent contraints d'inclure les taxes locales sur l'électricité dans la base d'imposition à la TVA.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

M. le président. « Art. 5. _ A l'article 7 de la loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle, modifié par la loi n° 96-209 du 14 mars 1996 visant à étendre aux collectivités locales et à leurs groupements l'accès aux prêts distribués à partir de fonds déposés sur les comptes pour le développement industriel afin d'accompagner le développement ou l'implantation des petites et moyennes entreprises et à créer une obligation d'information sur l'utilisation de ces fonds, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1996" sont remplacés par les mots : " , entre la date d'entrée en vigueur de la loi n° 96-209 du 14 mars 1996 et le 31 décembre 1998,". » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 5

M. le président. Par amendement n° 4, M. Marini propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa de l'article 7 de la loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle modifié par la loi n° 96-209 du 14 mars 1996 visant à étendre aux collectivités locales et à leurs groupements l'accès aux prêts distribués à partir de fonds déposés sur les comptes pour le développement industriel afin d'accompagner le développement ou l'implantation des petites et moyennes entreprises et à créer une obligation d'information sur l'utilisation de ces fonds, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, avant l'ouverture de la session ordinaire, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport évaluant les conséquences économiques, sociales et financières pour le développement et l'implantation des petites et moyennes entreprises, de l'utilisation, par les collectivités locales et leurs groupements, des possibilités de prêts offertes par l'alinéa précédent. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement fait suite à la prolongation de l'utilisation d'une fraction du produit des CODEVI pour financer certains investissements des collectivités locales.
Comme M. le rapporteur le rappelait ce matin, cette mesure, dont nous avions adopté le principe au début de l'année, ne nous semble pas, bien qu'allant dans le bon sens, avoir une portée économique considérable.
Toutefois, il semblerait utile d'en savoir un peu plus sur son efficacité réelle. C'est pourquoi je suggère, à travers cet amendement, qu'un bilan du dispositif soit effectué annuellement et qu'un rapport soit remis au Parlement afin que les membres de ce dernier puissent connaître l'efficacité réelle de cette mesure qui, par-delà les alternances, semble devoir être confirmée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission trouve parfaitement légitime de s'interroger sur les effets économiques de la loi Gest, notamment pour s'assurer que le CODEVI n'est pas distrait de son objectif d'intérêt général.
Elle a émis un avis de sagesse sur cet amendement, parce qu'elle ne souhaite pas - je sais que M. Marini est du même avis - qu'une disposition de ce type soit interprétée comme une volonté de pérennisation du dispositif.
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Toute évaluation est bonne à faire. Celle-là, semble-t-il, sera techniquement assez difficile à réaliser ; mais on ne peut pas refuser a priori le principe d'une évaluation d'une mesure de politique économique. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. Emmanuel Hamel. Nous sommes sensibles au fait que le Gouvernement invoque la sagesse du Sénat !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

Article 6

M. le président. « Art. 6. _ I. _ La société dénommée Banque du développement des PME est régie par les dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public applicables aux sociétés visées au 5 de l'article 1er de ladite loi.
« II. _ Pour l'application des articles 14, 15 et 17 de cette même loi, est regardée comme filiale de la société dénommée Banque du développement des PME au sens du 4 de l'article 1er de la même loi toute société dont elle détient plus de la moitié du capital social, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une seule de ses filiales ou conjointement avec une seule filiale.
« III. _ Le second alinéa de l'article 54 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier est supprimé. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 6

M. le président. Par amendement n° 5, M. Marini propose, après l'article 6, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, les mots : "dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées" sont remplacés par les mots : "dans la mesure où le taux retenu correspond à des conditions normales de marché".
« II. - Dans le b du 4° ter du 1 de l'article 207 du code général des impôts, les mots : "celui prévu au 3° du 1 de l'article 39" sont remplacés par les mots : "un taux égal à la moyenne annuelle des taux de rendement brut, sur le marché secondaire, des emprunts à long terme du secteur privé".
« III. - Dans le neuvième alinéa du I de l'article 39 quinquies du code général des impôts, les mots : "au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39" sont remplacés par les mots : "au b du 4° ter de l'article 207".
« IV. - Dans le c du I de l'article 125 C du code général des impôts et dans la première phrase du septième alinéa du I de l'article 238 bis -0I du même code, les mots : "au 3° du 1 de l'article 39" sont remplacés par les mots : "au b du 4° ter de l'article 207".
« V. - Les dispositions des paragraphes I à IV ci-dessus s'appliquent pour déterminer les résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997.
« VI. - Les pertes de recettes résultant de l'application des dispositions des paragraphes I à V ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. La réglementation fiscale française pénalise la remontée des excédents de trésorerie des filiales auprès de leur maison mère.
En effet, notre pays est à présent, à ma connaissance, le seul de l'Union européenne à fixer un taux limite de déductibilité fiscale des intérêts versés par une filiale à sa maison mère, en vertu des dispositions du code général des impôts relatives aux intérêts sur compte courant d'associés.
Le taux retenu par ces dispositions en vigueur est le TMO, publié au Journal officiel, taux qui avait un sens autrefois mais qui n'en a plus aujourd'hui puisque nulle émission obligataire ne s'y est référée depuis 1987, soit depuis dix ans.
C'est pourquoi l'amendement n° 5, dont la rédaction a d'ailleurs été précédée, ces derniers mois, d'une concertation avec les services du ministère de l'économie et des finances, vise à en finir avec une référence devenue aussi irréelle.
Le principe même d'une norme générale en la matière, à savoir la fixation d'un seul taux quels que soient la nature et le secteur de la société, semble contestable. Dans le cas d'une petite ou moyenne entreprise, l'intérêt versé aux associés ne peut excéder la rémunération obtenue auprès des meilleures signatures du marché.
Pour les groupes d'entreprise, la référence actuelle se révèle inadaptée au cas des avances entre membres effectuées dans une devise dont le taux monétaire est supérieur au taux obligataire sur le franc.
C'est pourquoi, cherchant à tirer les conséquences de cette situation un peu complexe mais a priori anormale, je propose de supprimer le principe d'un taux plafond uniforme fixé par la législation et d'autoriser l'application d'un taux représentatif des conditions normales de marché pour l'entreprise considérée, compte tenu de la nature de son activité, c'est-à-dire de la devise utilisée pour le flux financier et des échéances des avances en question.
En outre, dans les cas où la référence à un index reste nécessaire, cet amendement vise à remplacer le TMO par son substitut actuellement utilisé, le taux privé à long terme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je suis très heureux de participer à cette heure à un débat d'experts.
M. Philippe Marini, si j'ai bien compris et pour utiliser une image, propose de remplacer les degrés centigrades par les degrés Celsius, ou plutôt par les degrés Marini ! (Sourires.) Pour ma part, je suis plutôt partisan de la simplicité. Tout le monde connaît le TMO. Et l'idée de créer des emplois chez les experts financiers pour trouver une autre référence ne me paraît peut-être pas la meilleure méthode qui soit. (Nouveaux sourires.)
J'ajoute que le lien entre cette proposition et le texte que nous examinons aujourd'hui me paraît quelque peu ténu.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Compte tenu des explications qui viennent d'être données par M. le secrétaire d'Etat et conformément à la recommandation de la commission, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Mais peut-être M. Marini acceptera-t-il de le retirer, après avoir obtenu des précisions complémentaires ?
M. le président. Monsieur Marini, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je suis étonné de la réponse qui m'a été faite par M. le secrétaire d'Etat.
Le projet de loi porte mesures à caractère fiscal et financier. Or, il s'agit d'une mesure de nature fiscale. J'ajoute que le projet de loi traite de mesures « urgentes » et qu'il me paraît effectivement urgent de régler maintenant ce problème, posé maintenant depuis plusieurs années à l'administration de l'économie et des finances. Cette disposition a donc bien sa place, à mon avis, dans le projet de loi dont nous débattons.
Au demeurant, sur le fond des choses, je répète que le TMO n'est plus un taux de marché tel qu'il l'était à l'époque où cette disposition a été prise. Moribond depuis plusieurs années, il n'a pas pu être déterminé et doit souvent être remplacé par un taux de substitution.
Nous ne sommes plus en conformité avec les textes, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est bien une réalité. Ce taux est obsolète car, je le répète, depuis dix ans, aucune émission obligataire n'a été libellée par rapport à cet index. C'est un taux franco-français totalement désuet compte tenu de l'évolution des marchés financiers en Europe.
Les dispositions actuelles ont un effet dommageable, car elles entravent la centralisation des fonds de trésorerie sur une maison mère française, ce qui peut avoir comme conséquence d'inciter des groupes de sociétés à localiser leurs excédents de trésorerie ailleurs qu'en France. Or, d'après ce que l'on m'a indiqué, ce n'est pas du tout un cas de figure théorique.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles il serait à mon avis tout à fait raisonnable de donner suite à la proposition qui est contenue dans l'amendement n° 5 et qui a été étudiée assez longuement, je le répète, avec les services de vos prédécesseurs, ainsi qu'avec l'association française des trésoriers d'entreprise.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Par amendement n° 9, MM. Huriet et Badré proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 181-1 du code de la sécurité sociale est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 181-1. - Sont applicables dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle les dispositions particulières prévues :
« 1° Pour l'assurance maladie, par les articles L. 242-13, L. 325-1 et L. 325-2 ;
« 2° Pour l'assurance vieillesse, par les articles L. 215-5 à L. 215-7, L. 357-1 à L. 357-4-1 et L. 357-14 à L. 357-21 ;
« 3° Pour l'assurance invalidité, par les articles L. 215-5 à L. 217-7, L. 357-1, L. 357-5 à L. 357-8 et L. 357-14 à L. 357-21 ;
« 4° Pour l'assurance veuvage, par les articles L. 215-1 à L. 215-7, L. 357-1 et L. 357-9 à L. 357-21 ;
« 5° Pour l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles, par les articles L. 242-7-1, L. 434-19 et L. 482-1 à L. 482-3. »
« II. - Le paragraphe 4 de la sous-section 2 de la section I du chapitre II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 242-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 242-7-1. - Un décret détermine les modalités selon lesquelles les règles de tarification des risques d'accidents du travail et des maladies professionnelles du régime général sont rendues applicables dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. »
« III. - 1° Les deux premiers alinéas de l'article L. 242-13 du code de la sécurité sociale sont remplacés par les dispositions suivantes :
« La cotisation d'assurance maladie à la charge des assurés du régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle mentionnés aux 1°, 2° et 3° du premier alinéa du II de l'article L. 325-1 est assise sur leurs gains ou rémunérations et précomptée par leurs employeurs au bénéfice de ce régime.
« Une cotisation à la charge des assurés de ce même régime local mentionnés aux 5° à 11° du premier alinéa et au deuxième alinéa du II de l'article L. 325-1 peut être précomptée au bénéfice de ce régime sur les avantages de vieillesse et les autres revenus de remplacement qui leur sont servis. »
« 2° Au troisième alinéa de ce même article, après les mots : "du régime local", sont insérés les mots : "mentionné à l'article L. 352-2".
« IV. - Il est inséré au chapitre V du titre II du livre III du code de la sécurité sociale deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 325-1 - I. - Le régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle assure à ses bénéficiaires des prestations servies en complément de celles du régime général des salariés prévues aux 1°, 2°, 4° et 7° de l'article L. 321-1, pour couvrir tout ou partie de la participation laissée à la charge de l'assuré en application de l'article L. 322-2. Il peut prendre en charge tout ou partie du forfait journalier institué à l'article L. 174-4. Ces prestations sont déterminées par le conseil d'administration de l'instance de gestion du régime local dans des conditions définies par décret.
« II. - Le régime local est applicable aux catégories d'assurés sociaux du régime général des salariés mentionnées ci-après :
« 1° Salariés d'une entreprise ayant son siège social dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle, quel que soit leur lieu de travail en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer et salariés travaillant dans l'un de ces trois départements pour une entreprise ayant son siège hors de ces départements, dès lors que la cotisation d'assurance maladie mentionnée au premier alinéa de l'article L. 242-13 est précomptée sur leurs gains ou rémunérations ;
« 2° Maîtres contractuels et agréés des établissements d'enseignement privé sous contrat, agents non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, agents non titulaires des collectivités territoriales et des établissements visés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant diverses dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, qui exercent leur activité dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle, dès lors que la cotisation d'assurance maladie mentionnée au premier alinéa de l'article L. 242-13 est précomptée sur leurs gains ou rémunérations ;
« 3° Salariés visés au 1° et qui, afin de retrouver un emploi, ont, à la date de publication de la présente loi et après avoir été admis au bénéfice des allocations versées par les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC), quitté le département du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle, et redeviennent salariés d'une entreprise non soumise au régime local pour l'ensemble de ses salariés. Cette prise en charge est subordonnée à des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et dès lors que la cotisation supplémentaire d'assurance maladie visée au premier alinéa de l'article L. 242-13 est précomptée sur leurs rémunérations ou gains ;
« 4° Salariés du port autonome de Strasbourg, dès lors que la cotisation d'assurance maladie mentionnée au premier alinéa de l'article L. 242-13 est précomptée sur leurs gains et rémunérations ;
« 5° Personnes visées aux articles L. 161-1, L. 161-8 et L. 161-9, quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer, qui ont été bénéficiaires du régime local en qualité d'assurés ou d'ayants droit du régime général et qui continuent à en bénéficier pendant la durée du maintien de droits au régime général ;
« 6° Titulaires de revenus de remplacement, indemnités et allocations de chômage mentionnés à l'article L. 311-5, quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer, qui, soit ont bénéficié du régime local en qualité de salariés, soit ont rempli, en qualité de travailleurs frontaliers au sens du règlement CEE 1408/71, les conditions pour bénéficier du régime local d'assurance maladie au moment de leur inscription aux associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) ;
« 7° Titulaires d'allocations de pré-retraite en application d'accords d'entreprise, quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer, qui bénéficiaient du régime local en qualité de salariés au moment de leur mise en pré-retraite ;
« 8° Titulaires d'une pension d'invalidité mentionnée à l'article L. 341-1, quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer et qui ont, préalablement à leur mise en invalidité, bénéficié du régime local en qualité de salariés, ainsi que les titulaires d'une rente d'accident du travail mentionnés à l'article L. 371-1, quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer et qui ont, préalablement à la perception de cette rente, bénéficié du régime local en qualité de salariés ;
« 9° Titulaires d'un avantage de vieillesse qui résident dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle et qui bénéficient du régime local d'assurance maladie à la date de publication de la loi n° du portant diversers dispositions d'ordre économique et financier ;
« 10° Titulaires d'un avantage de vieillesse liquidé conformément aux dispositions du chapitre VII du titre V du livre III, quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer ;
« 11° Titulaires d'un avantage de vieillesse ne résidant pas dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle mais résidant dans un autre département de la France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer et qui remplissent des conditions de durée de bénéfice du régime local et de cumul d'avantages de vieillesse fixées par décret en Conseil d'Etat, sous réserve qu'ils demandent le bénéficie du régime local d'assurance maladie, selon des modalités déterminées par ce décret ;
« 12° Titulaires d'un avantage de vieillesse, quel que soit leur lieu de résidence en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer, s'ils remplissent des conditions de durée de bénéfice du régime local et de cumul d'avantages de vieillesse fixées par décret en Conseil d'Etat, lorsqu'ils deviennent titulaires de cet avantage après la publication de ce décret.
« Les dispostions des 11° et 12° sont applicables dans les mêmes conditions aux retraités anciens salariés du port autonome de Strasbourg mentionnés au 4° ci-dessus.
« Le régime local est également applicable aux ayants droit, tels que définis aux articles L. 161-14 et L. 313-3, des assurés sociaux énumérés ci-dessus.
« III. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 161-6, le bénéfice du régime local d'assurance maladie est subordonné à des conditions d'ouverture des droits spécifiques fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 352-2. - L'instance de gestion du régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle est un conseil d'administration dont la composition, les modalités de désignation et les attributions sont déterminées par décret.
« Le régime local est financé selon les modalités fixées par l'article L. 242-13. Les cotisations prévues par cet article sont recouvrées par les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général.
« L'affiliation et l'immatriculation au régime local ainsi que le service de ses prestations sont assurés par les caisses primaires d'assurance maladie. »
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Je me suis déjà exprimé sur l'objet de cet amendement au cours de la discussion générale.
Je rappelle simplement qu'il s'agit de ne plus exclure du bénéfice du régime d'assurance maladie d'Alsace-Moselle des retraités qui ont cotisé à ce régime pendant toute leur vie active avant de se retirer hors des trois départements concernés.
Vous comprendrez que l'attente de ces assurés soit très forte, et je la considère très légitime.
Face à cette attente, un accord a été obtenu, voilà quelques mois, entre les responsables du régime et le ministre chargé du dossier à l'époque, M. Jacques Barrot. Dès lors que cet accord existe, il n'y a plus seulement forte attente, mais urgence ! Cela justifie, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous demandions la consécration de cet accord dès aujourd'hui, dans le cadre des mesures d'urgence que nous examinons.
Tout à l'heure, en me répondant lors de la discussion générale, vous avez plaidé pour une autre logique que celle de l'urgence : vous m'avez proposé de reporter l'examen de cette mesure au moment où sera discuté le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette logique se justifie également, bien sûr.
De plus, je crois savoir qu'une proposition de loi a été déposée sur ce sujet par notre collègue M. Hoeffel et, dans le cadre de l'ordre du jour réservé au Sénat, celle-ci devrait très prochainement être examinée en séance publique.
Dans cette perspective, puisque l'urgence sera prise en compte, je suis disposé à retirer cet amendement, mais, avant de prendre ma décision, je souhaiterais très vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous me donniez dès aujourd'hui l'assurance que vous adopterez une attitude positive sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Cette demande est légitime ; elle est justifiée ; elle est urgente.
Si, néanmoins, le Gouvernement donnait des assurances à M. Badré, je pense qu'il pourrait retirer son amendement, à la satisfaction de tout le monde.
M. René Régnault. C'est exact !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne peux que répéter à M. Badré ce que je lui ai dit lors de la discussion générale : certains retraités, bien que couverts par le régime local complémentaire de sécurité sociale institué en Alsace et en Moselle, ne prennent pas leur retraite - ce qui est regrettable - dans cette si belle région. Cela pose donc un problème.
Sur le fond, je n'ai aucune raison de m'opposer à une telle simplification, d'autant que j'ai noté que la charge correspondante serait financée par le régime local.
Je peux donc vous confirmer que le Gouvernement participera au débat qui aura lieu, en effet, soit dans le cadre de la discussion du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, soit lors de l'examen de la proposition de loi à laquelle vous avez fait allusion.
M. René Régnault. Voilà qui est constructif !
M. le président. Monsieur Badré, maintenez-vous votre amendement ?
M. Denis Badré. Je remercie M. le secrétaire d'Etat de ce que je crois pouvoir interpréter comme une assurance. Je renvoie donc l'examen de cette disposition à la très prochaine discussion que nous aurons sur ce sujet et qui, je l'espère, se conclura de manière positive.
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Beaudeau pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Bien évidemment, les dispositions proposées par le Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier ont quelque peu indisposé les membres de la majorité sénatoriale.
A vous en croire, messieurs, et je reprends pêle-mêle vos propositions, il faudrait minorer l'impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés, diminuer le taux de l'impôt sur les sociétés, mettre un terme à la fiscalité pesant sur les opérations réalisées sur les marchés financiers, maintenir les privilèges accordés aux divers placements financiers tant en matière d'impôt sur le revenu qu'en matière de cotisations sociales, augmenter le poids de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes sur l'essence, réduire les droits de succession - singulièrement pour les transmissions d'entreprises - lutter contre le caractère prétendument antiéconomique de l'impôt sur la fortune, et j'en passe très certainement...
M. Alain Lambert, rapporteur. Vous pouvez continuer !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette orientation, mes chers collègues, correspond aux subtiles déclinaisons de l'idéologie libérale qui anime la majorité sénatoriale et qui, en parfaite contradiction avec nos principes fondateurs républicains, vise à alléger le coût des charges publiques pour les plus fortunés et à diffuser le poids de cette charge sur les plus modestes...
Vous prétendez même que notre économie pourrait supporter toutes vos propositions, mais une telle orientation n'est-elle pas en contradiction avec le choix même de nos compatriotes ?
La droite n'a pas été battue, au printemps dernier, parce qu'elle n'aurait pas été assez libérale : elle a été battue parce que le peuple de notre pays en avait assez des potions toutes plus amères qu'on lui servait et qu'il aspire à d'autres solutions aux problèmes sociaux et économiques qui nous sont posés, et que le Gouvernement doit résoudre.
Vous comprendrez, par conséquent, au moment où la collectivité nationale doit se mobiliser pour répondre aux défis de l'emploi, du maintien et du développement de la protection sociale, de la baisse du temps de travail - que les gains de productivité réalisés depuis plus de dix ans autorisent et nécessitent - on ne puisse suivre la majorité du Sénat, qui se cristallise sur les privilèges accordés à quelques-uns et appelle le peuple de ce pays à accepter d'autres coupes dans les dépenses publiques, synonymes de besoins collectifs insatisfaits.
Votre travail a consisté, aujourd'hui, à dénaturer profondément le projet de loi qui nous était soumis.
Ce texte n'a plus aujourd'hui de fiscal que la disposition, plus que discutable, qui consiste à ponctionner EDF, sous prétexte de normalisation comptable...
M. Alain Lambert, rapporteur. Il faut voter contre !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais, dès que l'on touche aux entreprises - nous avons démontré que peu d'entre elles étaient, en réalité, concernées - il y a une véritable levée de boucliers.
Posons la question : comment les entreprises de ce pays pourraient-elles payer moins d'impôt sur les sociétés ? Je l'ai dit ce matin : en investissant, en augmentant les salaires et en créant des emplois.
M. Philippe Marini. Bien sûr, en faisant des pertes ! C'est cela, la solution !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet effort permettrait, de surcroît, de soutenir l'indispensable relance de l'activité et ouvrirait des marges nouvelles d'allégements fiscaux, tant pour les entreprises que pour les ménages, et d'abord pour ceux-ci.
La situation financière des entreprises de notre pays le permet. Quand on constate des taux de marge de 30 %, des marges d'autofinancement positives depuis quatre ans, une progression régulière des dividendes versés de neuf à dix points par an depuis 1993, un désendettement réel des sociétés des secteurs industriel, commercial et de services, il y a, selon une expression bien connue, du « grain à moudre » en matière de salaires et d'emploi.
Quand cela n'est pas fait, et pèse donc sur la collectivité nationale dans son ensemble - on maintient le taux de marge, mais aussi le taux de chômage avec de tels choix de gestion - eh bien, il faut que la fiscalité se substitue à l'engagement volontaire des assujettis.
C'était le sens des premiers articles du présent projet de loi, que vous vous êtes empressés de supprimer.
Cette situation nous conduira, naturellement, à ne pas voter en faveur du texte tel qu'il a été amendé par le Sénat. Car il est dénaturé, inefficace pour le progrès social et pour l'emploi, et porteur de fortes inégalités et de certains privilèges. Nous voterons donc contre.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien entendu, nous voterons contre un projet qui a été vidé de son sens, au sens propre du terme, puisque ses trois premiers articles ont été supprimés.
Nous étions globalement favorables aux trois derniers articles, mais ils ne suffisent plus à équilibrer ce qui reste de ce texte. Or cet équilibre, nous y étions, comme M. le Premier ministre, très attachés.
Nous voici donc au terme de l'examen d'un texte qui, comme M. le secrétaire d'Etat l'a souligné tout à l'heure, n'existe plus. La majorité sénatoriale a en effet supprimé les mesures de redressement des finances publiques, qui étaient pourtant nécessaires compte tenu de la situation qu'elle nous a léguée hier. Mais les dérapages sont bien réels ! Et je ne reviens pas sur les chiffres, au demeurant incontestables, de l'audit budgétaire.
Si quelque chose nous avait été caché entre le moment où M. Juppé a remis sa note budgétaire à M. le Premier ministre et aujourd'hui, nous le saurions ! Il était donc indispensable de prendre des mesures d'urgence.
Leur impact est au demeurant assez faible, surtout si on les compare à celles qui ont été prises en 1995 par le gouvernement de M. Juppé, que vous avez soutenu, mes chers collègues.
M. Marini a bien reconnu l'existence de quelques dérapages, mais il nous a dit aussitôt que, membre de l'opposition, il devait, à ce titre, s'opposer, sans plus d'explication ni de justification. Son opposition est donc davantage une opposition de principe qu'une opposition objective !
M. Philippe Marini. Nous avons tout de même débattu tout l'après-midi !
M. René Régnault. Vous avez également dit que le choix des entreprises était dangereux pour la croissance et l'emploi. Permettez-moi de rappeler ici que les mesures que nous proposons ne portent que sur 5 % des 400 milliards de francs de dividendes que les entreprises ont réalisés en 1996 et que, si les salaires ont augmenté de 2 % entre 1993 et 1996, les dividendes ont augmenté, eux de 7 %.
C'est donc un choix que le Gouvernement a fait. Nous le soutenons, nous l'assumons et nous l'expliquons.
Certes, vous auriez préféré un alourdissement nouveau de la TVA ou de l'impôt sur le revenu, avec toutes les conséquences que cela aurait eu sur la croissance. Il est dommage, à cet égard, que l'exemple de 1995 ne vous ait rien appris !
Quant à votre argumentation sur la maîtrise des dépenses, elle n'est pas non plus recevable, d'abord parce que l'urgence ne permet pas de remettre en cause 30 milliards de francs de dépenses, ensuite parce que vous n'avez pas présenté la moindre proposition d'annulation.
Enfin, vous déclarez être opposés aux hausses d'impôt, et M. le rapporteur nous a même dit qu'il s'agissait pour lui d'une position constante. Mais il n'y a pas réellement de hausse d'impôt : il s'agit de la compensation d'une insuffisance de recettes fiscales,...
M. Philippe Marini. Sophisme !
M. René Régnault. ... ce qui n'est pas la même chose, même si vous vous refusez à l'entendre depuis ce matin.
La majorité sénatoriale n'a-t-elle pas elle-même voté des hausses d'impôt, de 1993 à 1996, qui représentent plus de deux points de PIB, soit 160 milliards de francs ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Elles ont été maintenues !
M. René Régnault. Alors, nous ne comprenons pas votre indignation pour 20 milliards de francs aujourd'hui.
Cela ne vous a d'ailleurs pas suffi à améliorer la situation, puisque les prélèvements obligatoires comme le déficit ont dérapé, bien que vous ayez encaissé de substantielles sommes en vendant une partie de la propriété nationale.
Pour notre part, nous faisons plus confiance, c'est vrai, au gouvernement d'aujourd'hui, qui stabilise dans les faits les prélèvements quand il ne commence pas - mais nous en reparlerons dans les prochains jours - à les réduire, en dépit des dérapages légués. Nous verrons bien, en tout cas, vos réactions lorsque nous examinerons prochainement les différents fascicules budgétaires.
Je crois malheureusement que la position de la majorité sénatoriale est claire. C'est celle de l'opposition, certes, mais elle est idéologique, elle est dogmatique.
Pour notre part, nous pensons que le nouveau gouvernement a pris les mesures équilibrées, justes et courageuses que la situation appelait. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas adopter le texte issu de nos travaux.
Sur la forme, monsieur le rapporteur,...
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Régnault !
M. René Régnault. ... vous vous félicitiez tout à l'heure de la courtoisie des échanges qui a présidé à nos travaux. Ce que je regrette - comme l'opinion, qui, au-delà de cet hémicycle, nous regarde - c'est que, malgré ces échanges courtois que nous savons avoir entre nous, nous soyons incapables, sur des points essentiels, de déboucher sur un quelconque accord. Ce faisant, nous ne répondons pas à l'attente profonde du pays.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Compte tenu de l'examen auquel nous avons procédé, ceux qui a priori étaient pour le texte sont à présent contre et ceux qui sont arrivés dans cet hémicycle en étant hostiles aux propositions du Gouvernement s'apprêtent à voter le texte tel qu'il résulte de l'adoption de nos amendements.
Il reste donc trois articles - ceux auxquels la majorité a souscrit - et, de ce fait, le groupe du RPR votera le texte composé de ces trois articles et des deux articles additionnels que nous avons adoptés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre débat a été utile.
Il m'apparaît qu'avec ces mesures d'urgence fort astucieusement présentées dans une très belle opération de communication au cours de l'été, en juillet dernier, le Gouvernement a quelque peu mangé son pain blanc. Il est en effet arrivé en éveillant beaucoup d'espoir, après que l'on eut fait beaucoup de promesses.
M. René Régnault. Qu'il tient !
M. Philippe Marini. Ecoutez ! Il les tient, il les tient ! On verra dans la durée. L'exercice sera probablement plus cruel pour vous que pour nous !
Le Gouvernement est donc arrivé après que l'on eut fait beaucoup de promesses.
Il lui était sans doute difficile d'accroître la rigueur budgétaire et la pression sur les dépenses. Il a donc choisi une autre voie : il a créé des ressources fiscales supplémentaires, sans tirer parti, notamment, des gels de crédits qui étaient là opportunément et dont il aurait pu se servir.
Je le répète, le Gouvernement a mangé son pain blanc dans cet exercice. Pour le budget de 1998, c'est déjà plus difficile, et pour l'exécution dudit budget, ce sera encore plus difficile.
Au cours de la campagne électorale, vous avez dit que le pacte de stabilité européen était tout à fait sujet à caution ; puis, dix jours après être arrivés au pouvoir, vous avez signé les engagements, vous avez souscrit à ce pacte. Ce faisant, vous vous êtes engagés pour la durée, c'est-à-dire non seulement pour arriver au point de convergence, à la réalisation de l'euro, à la définition des parités, mais pour mener, soumis à cette contrainte, une politique sur le long terme, malgré toutes les illusions que vous avez suscitées dans l'opinion publique et malgré tous les débats fallacieux que vous lancez, au premier rang desquels celui qui concerne les trente-cinq heures, car c'est bien là la clé, c'est bien là le révélateur !
Par conséquent, ou bien ce que l'on a dit pendant la campagne électorale était vrai, et l'on a mobilisé l'opinion sur des promesses qui représentaient un véritable engagement à son égard, ou bien il s'est agi d'un simple exercice formel à l'usage des militants, d'un simple exercice idéologique et l'on savait qu'on ne pourrait pas le faire. Eh bien ! c'est cette contradiction qui va apparaître au cours des semaines et des mois qui viennent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre gouvernement est habile. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - nous le lui avons dit ce matin - est un homme d'une grande habileté dans sa présentation dialectique, pédagogique des choses. C'est un grand universitaire. C'est quelqu'un qui, effectivement, sait « emballer » j'allais dire n'importe quel ensemble plus ou moins cohérent de dispositions. Il le fait avec une très grande séduction.
M. René Régnault. Oh !
M. Philippe Marini. Cela dit, la réalité demeure, elle n'a pas changé depuis les élections législatives.
Vous bénéficiez, certes, d'une meilleure médiatisation, vous êtes de meilleurs communicants, c'est vrai, mais, la réalité restant la même, après avoir mangé votre pain blanc, vous connaîtrez, je le crois, quelques difficultés.
C'est naturellement avec cet espoir que je m'apprête à voter le texte que vous nous proposez, mais dans l'état où nous l'avons mis.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Au terme de cette journée, je dirai simplement que notre débat a été de grande qualité sur le fond comme sur la forme.
S'agissant de la forme, cela a déjà été souligné.
S'agissant du fond, je ne partage pas vos réserves, monsieur Régnault. Nous nous sommes écoutés mutuellement, même si vous n'avez pas toujours entendu les arguments que nous présentions sur un certain nombre de points. Cela étant, je suis prêt à poursuivre ces échanges avec vous ; nous le ferons à la commission des finances ou ailleurs, selon votre souhait.
En conclusion, le groupe de l'Union centriste votera le texte dans l'état dans lequel nous l'avons mis aujourd'hui.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ça ! vous l'avez mis dans un drôle d'état !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est l'expression qui convient !
M. Alain Lambert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. On me permettra d'avoir une lecture très simple et très apaisée de cette discussion.
Ce sur quoi nous sommes tous d'accord, c'est la nécessité d'avoir un solde budgétaire correspondant à nos engagements européens. Partant de là, comment atteignons-nous l'objectif fixé ? Est-ce en accroissant les recettes - entre nous, c'est le plus facile ! - ou en réduisant les dépenses, ce qui est le plus difficile ?
C'est vrai, depuis 1992, à partir de ce retournement économique, les gouvernements précédents ont eu beaucoup de peine à réduire les dépenses. La commission des finances du Sénat a travaillé sur cette question de la réduction de la dépense publique ; des commissaires se sont rendus à l'étranger pour voir comment les pays qui avaient le mieux réussi avaient procédé.
Je n'ai retenu, au fond, qu'un enseignement : les pays qui y sont parvenus sont ceux qui ont réussi à obtenir un très large consensus sur la dépense publique.
Ce consensus tarde à se manifester dans notre pays. Il est, de toute façon absolument indispensable, mes chers collègues. Il ne l'est pas pour des raisons comptables ; il l'est pour l'avenir de la France, il l'est pour les générations futures.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

13

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé imédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Christian Poncelet, Alain Lambert, Philippe Marini, Roland du Luart, Henri Collard, René Régnault et Paul Loridant.
Suppléants : MM. Philippe Adnot, Denis Badré, Guy Cabanel, Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent et François Trucy.

14

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean Derian membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

15

DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT
PORTANT SUR DES SUJETS EUROPÉENS

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat portant sur des sujets européens suivante :
M. Pierre Fauchon expose à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, que, face au développement de la criminalité transfrontalière, il est nécessaire de constituer un espace judiciaire européen. Il souligne que le résultat des actions menées dans le cadre du « troisième pilier » de l'Union européenne est sans commune mesure avec l'ampleur des défis, et que le traité d'Amsterdam ne paraît pas apporter le surcroît d'efficacité qui serait indispensable.
Il demande quelles initiatives sont envisagées par le Gouvernement pour tenter de donner plus d'efficacité à la coopération en matière judiciaire et policière, et pour progresser vers l'unification du droit pénal et la mise en place d'un ministère public européen, dans le sens du rapport numéro 352 (1996-1997) de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. (N° QE2).
Conformément aux articles 79, 80 et 83 bis du règlement, cette question orale avec débat portant sur des sujets européens a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

16

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 11, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

17

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi tendant à compléter l'article L. 30 du code électoral relatif à l'inscription sur les listes électorales en dehors des périodes de révision.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 13, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

18

DÉPÔT
D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Lucien Lanier une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (n° E 823).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 10, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

19

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE, Euratom) du Conseil modifiant le règlement (CE, Euratom) n° 58/97 relatif aux statistiques structurelles sur les entreprises.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 927 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et la République du Yémen.

Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 928 et distribuée.

20

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 12 et distribué.

21

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Christian de la Malène un rapport d'information, fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, sur le traité d'Amsterdam.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 14 et distribué.

22

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 7 octobre 1997, à dix heures trente et à seize heures :
- discussion du projet de loi (n° 426, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme du service national.
Rapport (n° 4, 1997-1998) de M. Serge Vinçon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 octobre 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 octobre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du jeudi 2 octobre 1997, le Sénat a nommé :
M. Jean Dérian, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR L'UNION EUROPÉENNE

(En application de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)
Dans sa séance du jeudi 2 octobre 1997, le Sénat a nommé M. Michel Barnier membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. Charles Descours, démissionnaire.

DÉLÉGATION DU SÉNAT À L'OFFICE PARLEMENTAIRE
D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

(En application de la loi n° 96-517 du 14 juin 1996 tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques)
Lors de sa séance du jeudi 2 octobre 1997, le Sénat a nommé M. Hilaire Flandre pour siéger au sein de la délégation du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial, qui a démissionné de son mandat de sénateur.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Situation des résidents de la cité des Courtillières à Pantin

50. - 2 octobre 1997. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le Premier ministre sur les préoccupations des habitants vivant dans la cité des Courtillières à Pantin. En effet, les actes de vandalisme répétés dans un laps de temps court dans une école de ce quartier ont eu pour effet d'accroître un climat de grande tension chez les habitants et les personnels de l'éducation nationale qui ne supportent plus d'être les victimes de cette violence. Ce quartier de Pantin est classé en « zone urbaine sensible » car il cumule un certain nombre de difficultés liées à la situation de précarité et de chômage de nombreuses familles. L'échec scolaire est important. La violence, l'insécurité et la dégradation des bâtiments publics sont fréquents. Les élus, les associations, les partenaires sociaux, les habitants n'ont cessé d'alerter les pouvoirs publics depuis plusieurs années sur la détérioration des conditions de vie dans ce quartier. A leur initiative, des actions ont été menées pour exiger des services publics de qualité et en nombre suffisant : une école répondant non seulement aux normes administratives, mais surtout aux besoins réels des enfants de la maternelle au collège, un poste de police avec un personnel présent 24 heures sur 24, un bureau de poste et une agence EDF. La population des Courtillières veut rompre son isolement, obtenir une réhabilitation lourde des bâtiments dégradés de la SEMIDEP, recréer des liens sociaux, de solidarité et d'humanité dans son quartier. Compte tenu de l'urgence de la situation actuelle des Courtillières, elle lui demande de satisfaire les mesures concrètes souhaitées par la population pour l'avenir de ce quartier.

Taux de TVA applicables à la restauration

51. - 2 octobre 1997. - M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la disparité des taux de taxe sur la valeur ajoutée applicables au secteur de la restauration. En effet, actuellement, les ventes à consommer sur place qui caractérisent essentiellement la restauration classique - libre-service ou traditionnelle - sont assujetties au taux normal de 20,6 % alors que les ventes à emporter, majoritairement réalisées par la restauration rapide, sont assujetties au taux de 5,5 %. Ces distorsions fiscales ont des conséquences multiples : au niveau de la concurrence européenne, puisque huit Etats de l'Union européenne appliquent déjà un taux réduit unique, au niveau de l'emploi puisque cette disposition freine le potentiel de développement de ces petites entreprises qui sont pourtant les plus utilisatrices de main-d'oeuvre, mais également au niveau culturel puisque c'est la restauration classique, composante à part entière de notre patrimoine culturel et touristique, qui est directement touchée. Il lui demande s'il envisage de remédier à cette regrettable situation.

Taux de TVA applicables à la restauration

52. - 2 octobre 1997. - M. Gérard Fayolle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les incidences de la disparité des taux de TVA applicables au secteur de la restauration.

Avenir de la Fédération nationale
des foyers ruraux

53. - 2 octobre 1997. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'avenir de la Fédération nationale des foyers ruraux et plus particulièrement sur une éventuelle diminution de la dotation annuelle dont elle bénéficie. Une baisse de cette dotation entraînerait des arrêts d'activités et des suppressions d'emplois dans un secteur indispensable à l'activité locale et à la lutte contre la désertification rurale. En conséquence, il lui demande quelles sont les intentions du ministère de l'agriculture quant à la dotation de la ligne « animation rurale ».



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 2 octobre 1997


SCRUTIN (n° 3)



sur l'amendement n° 1 présenté par M. Alain Lambert au nom de la commission des finances, tendant à supprimer l'article 1er du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (contribution temporaire des personnes morales).

Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 314
Pour : 217
Contre : 97

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 12.
Contre : 7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein et Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions : 3. _ MM. Guy Cabanel, Pierre Laffitte et Georges Mouly.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 94.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Rouquet (député).

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :

Pour : 58.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 44.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Guy Cabanel, Pierre Laffitte et Georges Mouly.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Ne peut participer aux travaux du Sénat

(En application de l'article L.O. 137 du code électoral)

M. René Rouquet.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 4)



sur l'amendement n° 2, présenté par M. Alain Lambert, au nom de la commission des finances, tendant à supprimer l'article 2 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (régime des plus-values à long terme).

Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 314
Pour : 217
Contre : 97

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 12.
Contre : 7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein et Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions : 3. _ MM. Guy Cabanel, Pierre Laffitte et Georges Mouly.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 94.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Rouquet (député).

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :

Pour : 58.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 44.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Guy Cabanel, Pierre Laffitte et Georges Mouly.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Ne peut participer aux travaux du Sénat

(En application de l'article L.O. 137 du code électoral)

M. René Rouquet. Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.